M. Michel Canevet. De part et d’autre !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Tout à fait ! Je vous trouve bien susceptible, monsieur Canevet…

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce travail, vous y avez pris votre part, laquelle aurait cependant pu être plus importante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous rassurer : le Sénat a également travaillé dans une certaine sérénité. Je n’établirai pas, quant à moi, de testament, car je pense que le présent projet de loi de finances rectificative ne sera pas le dernier de ce mandat sénatorial, lequel s’achèvera pour certains d’entre nous au mois de septembre prochain.

La présentation d’un nouveau projet de loi de finances rectificative, par un autre gouvernement, figure en effet parmi les hypothèses possibles. Il ne faut préjuger de rien en la matière. Je m’en tiendrai donc au texte qui est soumis à notre examen aujourd’hui : le projet de loi de finances rectificative pour 2016.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie cette semaine n’est pas parvenue – ce n’est pas une surprise ! – à établir un texte commun, en raison de points de désaccord qui sont résumés dans la motion tendant à opposer la question préalable que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat en nouvelle lecture.

D’un point de vue général, tout d’abord, l’exécution du budget de 2016 se caractérise par les nombreuses mesures nouvelles annoncées au cours de l’année et par l’ampleur des sous-budgétisations de la loi de finances initiale qui ont conduit le Gouvernement à prendre des décrets d’avance pour un montant sans précédent, malgré – c’est assez inédit – les avis défavorables de la commission des finances du Sénat.

Ensuite, l’année 2016 est marquée par des dérapages en termes de dépenses concernant notamment la masse salariale de l’État, même si des économies de constatation permettent à celui-ci d’afficher une maîtrise du déficit public : il s’agit essentiellement de la révision à la baisse à hauteur de 800 millions d’euros des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales en raison du fort ralentissement de l’investissement local – Philippe Dallier et d’autres collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation l’avaient dénoncé –, de la réduction à hauteur de 1,2 milliard d’euros du prélèvement au profit de l’Union européenne et de la réduction de 2,9 milliards d’euros de la charge de la dette qui s’explique par la diminution des taux d’intérêt. Au total, ces économies de constatation s’élèvent à 4,9 milliards d’euros.

Enfin, nous prenons acte de l’annonce par le Gouvernement que la révision à la baisse de la croissance en 2016 n’aura pas d’effet sur l’exécution des comptes publics en fin d’année, tout en observant qu’elle fragilise encore davantage l’optimisme affiché pour 2017.

Après ces éléments de cadrage, j’en viens maintenant aux articles du présent texte.

Sur 138 articles restant en discussion, l’Assemblée nationale en a adopté 40 conformes et modifié 33, dont 29 avec des accords partiels, mais elle a rétabli son texte de première lecture pour ce qui concerne 19 articles et supprimé 46 articles introduits ou modifiés par le Sénat.

Plusieurs articles, auxquels nous étions fortement opposés, ont été malheureusement rétablis en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale. J’en citerai quelques-uns : l’article 12 procédant à la ratification des trois décrets d’avance sur lesquels la commission des finances avait émis des avis défavorables au cours de l’année écoulée ; l’article 34 créant un nouvel acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S – non seulement cette contribution n’a pas été supprimée, mais un nouvel acompte a été instauré ! ; l’article 35 créant une contribution pour l’accès au droit et à la justice, afin d’alimenter un fonds interprofessionnel dont ne veulent pas les professionnels concernés ; l’article 51 procédant à la ratification d’un avenant à la convention entre la France et le Portugal, alors même que, selon notre analyse, tant l’article 53 de la Constitution que la loi organique relative aux lois de finances ne permettent pas de ratifier une convention fiscale par le biais d’une loi de finances – nous verrons ce que le Conseil constitutionnel en dira.

On peut ainsi regretter que l’Assemblée nationale ait refusé des modifications introduites par le Sénat qui nous semblaient pourtant particulièrement utiles. Je donnerai quelques exemples.

À l’article 13 bis, nous avions souhaité supprimer la dématérialisation des avis de sommes à payer des produits locaux, pour offrir des garanties aux contribuables, mais cette disposition a été rétablie par un amendement du Gouvernement.

À l’article 19 ter, nous avions souhaité que la déclaration automatique par les plateformes en ligne des revenus de leurs utilisateurs – M. le secrétaire d’État l’a évoquée à propos de l’économie collaborative – soit mise en œuvre dès 2018, mais l’Assemblée nationale a conservé l’échéance plus lointaine de 2019. C’est dommage, car notre proposition aurait permis de faire entrer l’économie collaborative dans le droit commun.

À l’article 20, concernant la notion de bien professionnel au titre de l’ISF, l’Assemblée nationale n’a pas retenu non plus nos amendements tendant à apporter des améliorations, amendements qui reprenaient pourtant la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Elle a aussi rétabli des dispositions concernant l’imposition des plus-values pour les cessions de logements de particuliers à des organismes d’HLM à l’article 21 bis, et les droits d’enregistrement au titre du transfert de certains logements à l’article 21 sexies, deux articles que nous souhaitions supprimer, car ils nous semblent créer des effets d’aubaine ou n’être pas justifiés. Elle n’a pas élargi, comme le désiraient pourtant Michel Bouvard et Vincent Éblé, le dispositif Malraux pour certains sites patrimoniaux remarquables qui figure à l’article 22.

L’Assemblée nationale n’a pas souhaité baisser les impôts, comme nous le proposions, puisqu’elle a refusé de diminuer le taux de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, à l’article 24 decies, ou de la taxe sur les spectacles, à l’article 3 bis, dont elle a même relevé le plafond de 30 à 50 millions d’euros.

Elle n’a pas non plus souhaité prolonger, comme nous le proposions à l’article 31 bis, le suramortissement des investissements productifs jusqu’à la fin de l’année 2017, mesure pourtant annoncée par le Président de la République au mois de juin dernier.

Par ailleurs, je ne pourrai citer tous les articles additionnels qu’elle n’a pas voulu reprendre, qui sont nombreux et qui visent différents sujets : il s’agit, par exemple, des informations pour les contribuables locaux souhaitées par Michel Bouvard, de la prorogation du régime Censi-Bouvard pour des opérations engagées avant le 31 décembre 2016 sur l’initiative de Claude Raynal, des exonérations de taxe foncière pour les bâtiments ruraux à usage agricole, pour la saliculture, pour les golfs ruraux sur l’initiative d’Alain Houpert, de mesures en faveur des entreprises ou des agriculteurs. Il en est de même concernant les aménagements au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sur l’initiative de Charles Guené, ou l’extension du périmètre du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, aux prestations de raccordement à un réseau de chaleur, souhaitée par des collègues de différents groupes – François Marc, Vincent Capo-Canellas et Jean-François Husson –, ou encore nos propositions concernant la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, à l’article 24.

Enfin, l’Assemblée nationale a supprimé l’article 35 quater B, introduit sur l’initiative de Charles Guené et relatif à l’aménagement de l’imposition des élus locaux qui fait l’objet d’une réforme dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, et l’article 23 septies relatif aux modifications des modalités de calcul de la valeur locative de certains établissements industriels. Sur ces deux sujets, les problèmes sont réels, et restent donc non résolus.

Cela étant, l’Assemblée nationale a tout de même conservé certains apports du Sénat.

Parmi ceux-ci, je remarque qu’elle a repris des améliorations que la commission des finances avait introduites pour rendre plus attractif le nouveau compte PME innovation, à l’article 21, ainsi que des dispositions renforçant l’information du Parlement. Ainsi en est-il de l’information sur les appels en garantie à l’article 36 A, introduit sur notre initiative.

L’Assemblée nationale a également repris des dispositions qui nous paraissent utiles, comme la conservation au format électronique des factures établies au format papier, à l’article 13 ter, l’application de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, à Wallis et Futuna, à l’article 24 bis D, l’attribution aux métropoles d’une fraction du produit des amendes radar à proportion de la voirie départementale transférée, à l’article 26 nonies, la mise en conformité de la redevance sur les paris hippiques en ligne, à l’article 31 bis C, et le nouveau régime fiscal des casinos flottants, à l’article 31 bis D, ainsi que divers articles dont certains avaient pour objet de se mettre en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Plusieurs articles relatifs à l’outre-mer ont également été repris, anticipant ainsi le volet fiscal du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, et, en matière agricole, une disposition améliorant le régime micro-BA qui avait été invalidée dans la loi dite « Sapin II ».

Enfin, nous notons avec satisfaction que l’Assemblée nationale a confirmé le report à 2018 des nouvelles modalités de répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, des groupes de sociétés, prévues à l’article 23 octies, en apportant des précisions sur le contenu du rapport que devra remettre le Gouvernement. Les effets de cette réforme ne sont pas, à l’heure actuelle, pleinement mesurés.

En conclusion, je souhaite exprimer des regrets. L’Assemblée nationale a terminé vers deux heures du matin cette nuit l’examen du présent texte, sur lequel la commission des finances du Sénat s’est penchée, à son tour, à neuf heures. Le délai imparti pour le travail sur le texte définitif et le dépôt des amendements était donc des plus réduits. Par ailleurs, les députés n’ont retenu que très peu de dispositions proposées par le Sénat.

La commission des finances a estimé qu’un examen complet en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2016 ne serait pas de nature à faire évoluer la position de l’Assemblée nationale, en particulier sur les points de désaccord majeurs. Aussi vous propose-t-elle d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Mme la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce collectif budgétaire est évidemment marqué par le relatif affaissement de la croissance connu par notre économie en 2016.

Le Gouvernement a donc usé de quelques recettes classiques pour boucler son budget, tirant notamment parti de la baisse des taux d’intérêt – d’où les économies sur le service de la dette –, du moindre investissement des collectivités locales – d’où la contraction du FCTVA –, de la réussite de la mise aux enchères de la bande 700 pour le déploiement de la 4G – une bonne affaire à 670 millions d’euros ! –, de la réduction du poids relatif des remboursements et dégrèvements. Sans parler du faible niveau du dollar pendant toute la période et du prix relativement modique des matières premières…

Les choses vont peut-être changer, puisque les velléités de Donald Trump et de Theresa May de mener des politiques d’expansion par la dépense publique vont conduire à une pression nouvelle sur les taux.

Le taux des emprunts français à dix ans est repassé à 0,73 %, alors que nous étions encore à moins de 0,5 % voilà peu.

Un autre élément a permis d’apporter une pierre à l’édifice de la réduction des déficits. Il s’agit du non-reversement à l’État grec des sommes perçues sous forme d’intérêts par la Banque de France sur les titres de dette publique hellène que nous pourrions posséder.

Contrairement aux engagements pris envers le gouvernement grec, la France a interrompu, tout comme ses autres partenaires, ses versements, ce qui représente pour 2016 rien moins que 326 millions d’euros.

Nous avons été opposés aux différents plans dits « de sauvetage » de la Grèce, dont nous savons qu’ils sont d’abord venus sauver nos établissements de crédit les plus exposés dans ce pays. La presse allemande a prouvé, à l’issue d’une enquête serrée et sérieuse, que plus de 90 % des fonds mobilisés par le FMI, l’Union européenne et les pays de l’Union eux-mêmes avaient effectivement servi à « amortir » les pertes bancaires.

L’Europe n’a rien à gagner pour son évolution future à maintenir ainsi la Grèce, située en première ligne de la crise proche-orientale – ne l’oublions pas ! –, dans une situation de tutelle et de vassalisation créée par une poignée de responsables politiques étrangement conseillés par les envoyés de Goldman Sachs et de quelques établissements de cette nature…

Elle n’a rien à gagner non plus aux politiques d’austérité que nous voyons mettre en œuvre dans la plupart des pays de l’Union, selon des combinaisons politiques variables – ici, un gouvernement issu des élections de 2012, là, une alliance entre libéraux et travaillistes, ailleurs une Sainte-Alliance entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, ou encore une synthèse complexe entre populistes nationalistes et sociaux-démocrates, le tout pour des résultats assez peu satisfaisants.

La réalité, c’est que l’Europe n’avance plus, et quand on n’avance plus, on finit toujours par reculer.

On recule notamment au regard des autres régions du monde qui, pour leur part, progressent.

Le collectif budgétaire comprend quelques mesures positives, notamment dans la perspective de lutter contre la fraude fiscale, singulièrement avec la fixation des règles d’audition des tiers dans les affaires fiscales complexes.

Nous avons manifesté, par voie d’amendement, notre souci de voir ces tiers protégés, à l’instar de ce que la loi Sapin II a pu permettre, de manière à notre avis incomplète, pour les lanceurs d’alerte. Saluons cependant les avancées complémentaires de ce texte, traduction du bien-fondé de la démarche parlementaire qui, depuis 2012, s’est fortement impliquée dans la lutte contre la fraude fiscale.

Permettez-moi, à ce stade, de souligner néanmoins que la récente décision du Conseil constitutionnel relative à la publicité des états comptables des entreprises – ce dispositif n’a pourtant rien de révolutionnaire – s’avère d’autant plus regrettable qu’il est probable que cette mesure prenne avant peu le chemin d’une directive européenne pour se retrouver applicable à tous. Il n’est pas, sur le plan de la justice fiscale, de bon ton de se priver de quelque moyen que ce soit pour lutter contre ce qui constitue un obstacle majeur à toute réforme, c’est-à-dire la fraude.

Pour le reste, le texte est assez marqué par le caractère habituel d’inventaire, assez varié, des collectifs de fin d’année.

Nous saluons positivement l’adoption de l’article relatif aux retards de versement des pensions de retraite, disposition que nous avons soutenue à plusieurs reprises. C’est la réparation d’une injustice flagrante à l’endroit des nouveaux retraités de certaines de nos régions, notamment la mienne, les Hauts-de-France, mais aussi du sud du pays.

Félicitons-nous aussi de l’adoption de l’article 50, qui répare une injustice sociale historique, qu’il convenait d’effacer.

Nous ne pouvons pas accepter, en revanche, l’article relatif aux exonérations de foncier bâti en quartier prioritaire de la politique de la ville, lequel va coûter rien moins que 84 millions d’euros à un ensemble de communes aux finances déjà fortement sollicitées par les tensions sociales affectant leur population.

L’État n’a pas à se défausser sur les élus locaux de ses propres décisions, les mettant en demeure d’abandonner des ressources ou de faire payer leurs habitants.

Autre mesure qui nous paraît discutable : celle qui vise à rendre non imposables les indemnités versées à un salarié dont le licenciement a été déclaré discriminatoire, mais qui renonce à son droit, légitime, à la réintégration ou lorsque celle-ci s’avère impossible.

Une telle disposition dédouane de fait les employeurs auteurs de cette mesure, puisque le salarié sera fatalement tenté de se contenter d’une indemnité prenant clairement les caractères de la réparation d’un dommage. Encore heureux que la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale ait décidé de supprimer l’amendement relatif à la provision « licenciements » des PME qui aurait fait porter à l’ensemble de la collectivité les errements de quelques-uns.

Au final, cependant, peu de chose dans ce collectif sont susceptibles de retenir notre approbation et nous ne pouvons que confirmer notre opposition à l’adoption de ce texte, comme d’ailleurs à la motion tendant à opposer la question préalable présentée par M. le rapporteur général.

Cette motion, en effet, dissimule assez mal les intentions déclarées du candidat désigné à l’issue de la primaire de la droite et du centre qui n’annoncent rient qui vaille pour sortir la France du marasme austéritaire.

Vous me permettrez de citer les propos de l’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale. Il y a en effet, monsieur le secrétaire d’État, des propositions alternatives en magasin…

« La recherche du salut par la souffrance est rarement une bonne politique, surtout quand la plupart des gens souffrent déjà depuis des années. Mais cette conception punitive et comptable de la politique économique a d’autres effets pervers, dont celui d’induire des choix politiques qui se sont révélés tragiques dans l’histoire.

« Ce budgétarisme déflationniste pèse de nouveau sur tous nos choix publics. Il ne fait qu’accroître le désordre dans le pays, sacrifier l’investissement, préparer de grandes difficultés, comme nous le voyons avec le manque de moyens de nos forces armées, de notre gendarmerie et de notre police. »

Voilà ce que dit, dans Le Monde de ce jour, non pas un responsable syndical ou un homme politique de gauche, mais celui qui fut, un temps, candidat à la primaire de la droite et du centre : Henri Guaino. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons le tout dernier examen budgétaire de cette année et de ce quinquennat. Bien que ses conditions d’examen soient rendues très difficiles au vu des délais impartis, ce collectif budgétaire n’est pas un petit texte.

Le projet de loi de finances rectificative a été présenté en conseil des ministres le 18 novembre dernier. À l’issue de la première lecture la semaine dernière, le Sénat a adopté quelque 78 nouveaux articles, et 58 d’entre eux portant sur les sujets les plus consensuels ont été adoptés conformes par les deux assemblées. Sans surprise, la commission mixte paritaire chargée de statuer sur les articles restant en discussion n’est pas parvenue à un accord. Le texte est donc reparti en nouvelle lecture dans des délais très contraints.

Tard dans la nuit, l’Assemblée nationale a adopté conformes 39 articles supplémentaires. Elle en a modifié 33 et rétabli 19. Sur les 78 articles ajoutés par le Sénat, elle en a supprimé 47.

Je rappellerai brièvement les principaux éléments que je retiens de ce collectif. Le texte procède à des ajustements techniques pour tenir compte des évolutions de la conjoncture par rapport à la prévision, telle la baisse de 0,1 point de la prévision de croissance par rapport à la loi de finances initiale. Les prévisions de déficits structurel et conjoncturel ont, pour leur part, été revues, respectivement, à la hausse de 0,3 point et à la baisse de 0,2 point. Ces vases communicants illustrent la légère amélioration de la conjoncture sur le plan de la charge de la dette.

En valeur absolue, le déficit public devrait s’élever à 69,9 milliards d’euros, soit une amélioration de près de 50 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

Le collectif contient nombre de mesures que nous soutenons, en particulier les dispositions relatives à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales qui complètent celles qui ont été adoptées dans le cadre de la loi Sapin II.

Les ouvertures de crédits dans des domaines prioritaires, comme les dispositifs de solidarité nationale, les dépenses de personnel dans l’éducation nationale, les opérations de défense à l’extérieur et à l’intérieur du territoire, ainsi que l’agriculture, si elles peuvent être critiquables sur la forme, semblaient néanmoins nécessaires.

Du côté des mesures fiscales en faveur des entreprises, la création du compte PME innovation, mesure phare de ce projet de loi de finances rectificative, encouragera les entrepreneurs à réinvestir le produit de la vente de titres de sociétés dans les jeunes PME et les entreprises innovantes.

Parmi les dispositions figurant dans les neuf amendements que nous avions fait adopter lors de la première lecture, les députés en ont conservé plusieurs : la suppression de l’harmonisation préalable des abattements de taxe d’habitation dans le cadre des fusions d’intercommunalités qui touche de nombreuses communes ; la transmission des listes de locaux commerciaux vacants aux collectivités pour améliorer le recouvrement de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, et lutter contre les friches commerciales ; l’autorisation donnée aux métropoles de bénéficier d’une fraction du produit des amendes radar proportionnellement à la longueur de voirie départementale dont la propriété leur aura été transférée par les conseils départementaux ; enfin, l’élargissement aux exploitations agricoles à associé unique du bénéfice du micro-BA adopté lors de l’examen de la loi Sapin II, mais censuré par le Conseil constitutionnel, disposition consensuelle qui a toute sa place dans le présent collectif budgétaire.

Je regrette néanmoins la suppression des dispositions, adoptées par le Sénat, sur notre initiative, relatives au droit de visite fiscale, aux achats de vendanges par les vignerons, à la méthanisation des déchets non agricoles et aux finances départementales, ainsi que le rétablissement de l’article 35 relatif à la contribution pour l’accès au droit et à la justice, dont la finalité est bien sûr légitime, mais dont les modalités de mise en œuvre ne nous satisfont pas.

L’adoption désormais certaine de la motion tendant à opposer la question préalable ne nous permet pas de proposer de nouveau ces amendements. Aussi, fidèles à notre volonté de privilégier le débat budgétaire et de ne jamais affaiblir le rôle et la place du Sénat au sein de nos institutions, l’ensemble des membres du groupe du RDSE votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de faire un bilan de vos trois années passées à Bercy. Nous avons, pour notre part, beaucoup apprécié, dans cet hémicycle et au sein de la commission des finances, les débats passionnés que nous avons eus.

Car passionné, vous l’étiez, et si nous avons opposé un certain nombre de propositions, c’est parce que nous tenions, nous aussi, à faire valoir nos convictions. Quoi qu’il en soit, il faut saluer votre engagement pour essayer de « tenir » le budget de la France.

Le rapporteur général a présenté la motion tendant à opposer la question préalable qu’il va soumettre à notre assemblée, et qui paraît aux membres du groupe UDI-UC tout à fait justifiée, du fait notamment des conditions dans lesquelles nous avons dû examiner ce texte : l’examen du présent projet de loi par le Sénat à la fin de la semaine dernière, l’achèvement des travaux à l’Assemblée nationale au cours de la nuit dernière. Nous avons regretté que vous n’ayez pu assister à l’ensemble de nos travaux, monsieur le secrétaire d’État. Un hebdomadaire paraissant le mercredi a en effet narré le déroulement du débat qui s’est tenu dans cet hémicycle à cette occasion… Il eût mieux valu que vous ayez participé au débat ; avec vous, nous le savons, le dialogue est direct !

Mes collègues du groupe UDI-UC et moi-même ne partageons pas votre vision optimiste de nos comptes publics. Le résultat attendu, au terme du projet de loi de finances rectificative, soit 69,9 milliards d’euros, sera certes un peu meilleur que le montant prévu dans la loi de finances initiale pour 2016, en hausse de 2,4 milliards d’euros, mais force est de constater que la situation ne s’est pas vraiment améliorée par rapport à 2015.

En 2015, en effet, l’augmentation des déficits n’était que de 600 millions d’euros. L’effort réalisé en 2016 pour assainir les finances publiques n’a donc guère porté ses fruits : les déficits n’ont été que trop peu réduits.

Nous sommes loin, mes chers collègues, de l’engagement n° 9 formulé par le candidat à l’élection présidentielle de 2012 : le retour à l’équilibre des finances publiques en 2017. On ne peut que le déplorer.

Des efforts doivent encore être réalisés et intensifiés ! Pourtant, des éléments auraient dû permettre de résorber davantage les déficits. On constate, par exemple, une baisse significative, de près de 3 milliards d’euros, de la charge d’intérêts, ce qui est tout à fait positif pour nos finances publiques.

On relève également une moindre exécution des dépenses.

Je pense au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. Les collectivités locales ont beaucoup moins investi, en raison de la réduction significative de leurs moyens ces dernières années, avec, tout de même, 800 millions d’euros d’économies.

On note également une moindre consommation, de l’ordre de 150 millions d’euros, des crédits du Fonds de soutien à l’investissement local.

Il en va de même pour les crédits affectés à l’outre-mer et aux aides au logement.

Cette moindre consommation des crédits aurait dû conduire à une amélioration des comptes publics. Mais les prévisions de croissance que vous aviez formulées n’étaient pas bonnes. Vous aviez annoncé un taux de croissance de 1,5 % pour 2016, que vous avez rectifié à 1,4 % dans ce projet de loi de finances rectificative.

Le taux de croissance avancé par l’INSEE et l’OCDE est de 1,2 %, d’autres organismes de prévisions économiques annonçant, quant à eux, un taux de 1,3 %. Cela signifie concrètement que l’évolution de notre économie suivra un rythme bien inférieur aux prévisions du Gouvernement.

Nous ne pouvons que le déplorer, car l’incidence s’en fait immédiatement sentir sur les finances de l’État et sur la situation humaine dans notre pays – je veux parler des chiffres du chômage. En effet, on ne constate pas d’amélioration de ces chiffres. Des mesures plus fortes que celles qui ont été mises en œuvre devront être prises pour relancer l’économie.

Il ne suffit pas de créer des postes de fonctionnaires, certes utiles à notre administration, mais qui pèsent de façon significative et pérenne sur les dépenses publiques.

La création de ces postes nécessite de trouver ailleurs des sources d’économies. On sait que, pour ajuster ses comptes, le Gouvernement, à plusieurs reprises, a eu recours à des mesures one shot en opérant des prélèvements sur les excédents d’organismes extérieurs. Ces réponses ponctuelles destinées à améliorer le solde du budget de l’État n’apportent, hélas ! pas de solutions durables.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué les réformes réalisées durant le quinquennat. Fort heureusement, il y en a eu !

Vous avez cité les mesures de lutte contre la fraude fiscale. Le groupe UDI-UC y souscrit totalement, car il est nécessaire que les règles soient claires et parfaitement respectées. En la matière, il y avait beaucoup à faire. Rappelez-vous l’exemple donné au plus haut niveau de l’État par votre prédécesseur à Bercy… Il fallait réaffirmer auprès de l’opinion publique la volonté de L’État de lutter contre la fraude fiscale. Vous avez su le faire, et nous vous en savons gré.

S’agissant des charges sociales, nous estimons que nous ne sommes pas allés assez loin. Le CICE n’était pas le meilleur moyen de régler le problème. Il aurait été préférable d’aller vers une baisse généralisée des cotisations sociales, afin de permettre à nos entreprises de redevenir compétitives sur le marché international. Vous le savez, c’est une nécessité absolue pour assurer le développement économique dans notre pays.

Au vu de mes observations, vous aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, que le groupe UDI-UC votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par le rapporteur général. Il en va de notre crédibilité ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)