M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

I. – Est prorogé, à compter du 22 décembre 2016, jusqu’au 15 juillet 2017 l’état d’urgence :

– déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et le décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

– et prorogé en dernier lieu par la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

II. – Il emporte, pour sa durée, application du I de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

III. – Il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l’expiration de ce délai. En ce cas, il en est rendu compte au Parlement.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2 bis

Article 2

(Non modifié)

I. – L’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La décision d’assignation à résidence d’une personne doit être renouvelée à l’issue d’une période de prorogation de l’état d’urgence pour continuer de produire ses effets.

« À compter de la déclaration de l’état d’urgence et pour toute sa durée, une même personne ne peut être assignée à résidence pour une durée totale équivalant à plus de douze mois.

« Le ministre de l’intérieur peut toutefois demander au juge des référés du Conseil d’État l’autorisation de prolonger une assignation à résidence au-delà de la durée mentionnée au douzième alinéa. La demande lui est adressée au plus tôt quinze jours avant l’échéance de cette durée. Le juge des référés statue dans les formes prévues au livre V du code de justice administrative et dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine, au vu des éléments produits par l’autorité administrative faisant apparaître les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics. La prolongation autorisée par le juge des référés ne peut excéder une durée de trois mois. L’autorité administrative peut, à tout moment, mettre fin à l’assignation à résidence ou diminuer les obligations qui en découlent en application des dispositions du présent article.

« La demande mentionnée à l’avant-dernier alinéa peut être renouvelée dans les mêmes conditions. »

II. – Par dérogation aux quatre derniers alinéas de l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, toute personne qui, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, a été assignée à résidence plus de douze mois sur le fondement de l’état d’urgence déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et le décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 peut faire l’objet d’une nouvelle mesure d’assignation s’il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Cette nouvelle assignation ne peut excéder une durée de quatre-vingt-dix jours. Dans ce délai, s’il souhaite prolonger l’assignation à résidence, le ministre de l’intérieur peut saisir le Conseil d’État sur le fondement des quatre derniers alinéas de l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 précitée. – (Adopté.)

Article 2
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Article 3 (Texte non modifié par la commission) (début)

Article 2 bis

(Non modifié)

À l’article 15 de la loi n° 55–385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, les mots : « n° 2016–987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55–385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste » sont remplacés par les mots : « n° … du … prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ». – (Adopté.)

Article 2 bis
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Article 3 (Texte non modifié par la commission) (fin)

Article 3

(Non modifié)

Pendant la période de prorogation prévue à l’article 1er de la présente loi, l’article 4 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence n’est pas applicable en cas de démission du Gouvernement consécutive à l’élection du Président de la République ou à celle des députés à l’Assemblée nationale.

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. La disposition prévue à l’article 4 de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence constitue à notre sens un verrou démocratique essentiel, car elle rend caduc l’état d’urgence quinze jours après la démission du gouvernement qui l’a mis en place

L’article qui nous est soumis ici permet la continuité de l’état d’urgence même après élection d’un nouveau Président de la République et d’une nouvelle majorité législative. Or l’état d’urgence est le fruit d’un choix politique, celui d’un gouvernement légitime qui le soumet à un parlement démocratiquement élu et représentant le peuple. Cette continuité n’a donc selon nous aucun sens dans la mesure où elle nierait le choix des urnes.

De plus, nous rappelons que le régime d’état d’urgence instaure des mesures d’exception, facilitant les perquisitions, les assignations à résidence et l’interdiction de manifestations diverses par simple décision administrative. Ne pouvant savoir, dans ces temps troublés, de quoi demain sera fait, nous vous appelons à ne pas supprimer les verrous juridiques présents, à juste titre, dans cette loi.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Après avoir procédé à une rapide consultation des membres de la commission, je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement.

M. Jacques Mézard. C’est démocratique, ça ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Roux, ministre. Selon moi, que le Gouvernement issu du choix du nouveau Président de la République puisse mettre fin, comme je l’espère, à l’état d’urgence si la situation le permet (Mme Éliane Assassi s’exclame.) relève de l’impératif démocratique. En revanche, si telle n’est pas sa décision, il ne faudrait pas qu’il soit confronté à l’interruption de l’état d’urgence alors que l’Assemblée nationale sera en cours de renouvellement – on sera en effet en pleine campagne pour les législatives.

Il faut repousser le moment du choix jusqu’à ce que soient en fonction une Assemblée nationale et un Gouvernement nouvellement légitimés par le vote des Français. (Mme Éliane Assassi lève les bras au ciel.) Cette date relève non pas d’un choix particulier, mais d’un impératif démocratique : il faut s’adapter à la période électorale que nous allons connaître.

Mme Éliane Assassi. Si on dit que c’est démocratique…

M. Bruno Le Roux, ministre. L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(L’article 3 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

M. Gaëtan Gorce. Je tiens tout d’abord à saluer M. le ministre de l’intérieur, qui vient d’accéder à ces fonctions. Je regrette ce faisant de ne pouvoir approuver le texte qu’il nous présente, non pas tant sur le principe, car je considère évidemment que l’enjeu de sécurité est majeur, mais parce que je partage les nombreuses interrogations qui ont été exprimées, dans cet hémicycle comme à l’extérieur, quant à la pertinence de ce dispositif et sa prorogation répétée.

Je m’abstiendrai donc sur ce texte, afin de marquer cette interrogation. Je ne suis pas certain, en effet, que ces dispositions constituent l’ensemble des mesures qui seraient de nature à rassurer complètement les Français.

Ces dispositions nous conduisent peut-être à faire l’économie de réflexions plus profondes sur une réorganisation de nos différents services de renseignement. On peut certes estimer que la période n’est pas la plus propice à une telle réorganisation. Néanmoins, l’organisation actuelle de ces services pose de réelles difficultés ; je pense notamment à leur pleine autonomie par rapport à la Direction générale de la police nationale.

Je m’interroge aussi sur le rôle du parquet et sur l’opportunité de créer un parquet spécifique pour mener ce type d’actions. Enfin, je me pose également des questions sur la communication qui est faite et la manière dont elle est conduite.

L’ensemble de ces interrogations me conduit à m’abstenir sur ce projet de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 76 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l’adoption 306
Contre 28

Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 3 (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence
 

7

Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 13 décembre prennent effet.

8

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud, François Bonhomme, Yves Pozzo di Borgo, Roger Madec, Alain Richard, Christian Favier ;

Suppléants : MM. Pierre-Yves Collombat, Christophe-André Frassa, Mme Jacqueline Gourault, MM. Alain Marc, Thani Mohamed Soilihi, Jean-Pierre Sueur, Alain Vasselle.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

9

Organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration du Centre scientifique et technique du bâtiment.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

10

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2016
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2016
Article liminaire

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2016.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Francis Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Delattre. Monsieur le secrétaire d’État, ce collectif met cruellement en lumière vos difficultés à présenter un budget de l’État sincère et sérieux. Vous avez beaucoup insisté sur l’amélioration du solde budgétaire de l’État. Il s’est en effet amélioré de 600 millions d’euros, passant de moins 70,5 milliards d’euros en 2015 à moins 69,9 milliards d’euros en 2016, ce qui vous a permis de répéter à l’envi que les déficits étaient moins importants que prévu. Je reste cependant persuadé qu’ils seront bien supérieurs dans le projet de loi de finances rectificative.

Vous vous glorifiez de tenir l’objectif d’un déficit effectif à 3,3 % du PIB pour l’année 2016. C’est tenable, en effet. Reste que, après avoir sollicité à deux reprises le report de cette obligation, cela n’a tout de même rien d’extraordinaire ! Quant à l’objectif d’un déficit de 2,7 % du PIB en 2017 – là, les choses deviennent plus sérieuses –, c’est un vœu qui nécessiterait 11,5 milliards d’euros d’économies supplémentaires par rapport à vos propres prévisions de dépenses. En réalité, la France est aujourd’hui parmi les quatre derniers États à afficher un déficit supérieur à 3 % en Europe, aux côtés de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal.

Est surtout prévu un volet de dépenses supplémentaires, auquel s’ajoute une sous-budgétisation qui a déjà fait l’objet d’alertes lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Je pense aux 900 millions d’euros supplémentaires pour les interventions sociales, notamment l’AME, l’aide médicale de l’État, l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, et l’hébergement d’urgence. Si certaines d’entre elles sont souhaitables, l’explosion des dépenses de l’AME nous a conduits à vous demander un recentrage du dispositif, afin qu’il soit amélioré et un peu mieux contrôlé. Vous avez refusé, et nous nous dirigeons vers un budget de 800 millions d’euros pour 2017 !

À cela s’ajoutent la prime d’activité et un crédit de 700 millions d’euros supplémentaires pour la masse salariale, dont 600 millions d’euros destinés à l’éducation nationale. Nous constatons par conséquent une progression de la masse salariale à un rythme relativement élevé, de l’ordre de 4 %.

Par ailleurs, 800 millions d’euros destinés à la défense ont été supprimés dans un décret d’avance et rétablis dans le collectif budgétaire, augmentant ainsi les reports sur l’année 2017. Cet artifice démontre aisément la difficulté que vous avez à financer de vraies priorités.

Vous prévoyez une augmentation des plafonds d’emplois pour les opérateurs de l’État de 249 équivalents temps plein travaillé sans justification sérieuse.

Vous créez un fonds d’urgence en faveur des départements en grande difficulté, doté de 200 millions d’euros. Nous nous interrogeons sur ses critères d’application. N’est-il pas anormal de constater que, dans un élan, vous retirez des moyens importants aux collectivités territoriales et que vous vous sentiez ensuite obligé, dans un collectif budgétaire, d’essayer de rectifier les erreurs initiales ? Quoi qu’il en soit, ce montant ne suffira pas à colmater les brèches dans le budget des départements.

Vous affichez 2,9 milliards d’euros de baisse du coût financier de la dette. Ce chiffre est intéressant. Il est vrai que la finance vous a bien aidé, mais cela ne va pas durer. La Réserve fédérale américaine a annoncé qu’elle allait remonter ses taux directeurs : la question est de savoir dans quelle proportion et à quel rythme. C’est une fausse économie, vous le savez très bien : c’est une économie de constatation.

Vous avez également recours aux one shot, c’est-à-dire à ces dispositifs qui ne servent qu’une fois, ce qu’a très bien décrit notre collègue de l'UDI-UC ce matin. On note 2 milliards d’euros sur le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne et des collectivités territoriales, la révision à hauteur de 800 millions d’euros de versements aux collectivités locales, qui ne sont que la conséquence d’un remboursement du FCTVA, minoré en raison de la chute des investissements des collectivités territoriales ; or ce n’est absolument pas un bon signe pour l’économie. Par ailleurs, 700 millions d'euros proviennent de la vente de bandes de fréquence, opération elle aussi non reconductible.

À cela s’ajoute l’excédent de 1,7 milliard d'euros sur les comptes spéciaux, dû au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », plus précisément à la vente des aéroports de Nice et de Lyon, ainsi que des actions du groupe Safran, mesures dont vous ne parlez jamais.

En matière de recettes toujours, comme dans le projet de loi de finances pour 2017, vous multipliez les artifices comptables. Ainsi, vous anticipez 400 millions d’euros qui manqueront au budget pour 2018, via l’acompte de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, acompte qui sera demandé aux grandes entreprises, alors que le Président de la République avait annoncé sa suppression en 2017. En fait, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 entérine l’abandon pur et simple du pacte de responsabilité.

Depuis cinq ans, dans pratiquement tous les projets de loi de finances, vous grappillez, vous ponctionnez les institutions de droit privé, comme les chambres de commerce et d’industrie, les agences de l’eau, la Caisse de garantie du logement locatif social.

Dans le présent projet de budget, vous poursuivez vos ponctions : 200 millions d’euros sont prélevés sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, le Fonds de compensation des risques de l’assurance de la construction ou encore le fonds de roulement de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Enfin, vous rabotez le fonds d’aide à l’insonorisation des riverains des aéroports, qui attendent ces aides depuis des années.

Où sont les économies durables, réelles et permanentes ? Où est la cohérence quand on sait le rôle déterminant des chambres de commerce et d’industrie en matière de formation professionnelle en alternance que, médiatiquement, vous avez érigée en priorité absolue ?

Depuis le 1er novembre, la France vit à crédit. Pour payer nos fonctionnaires, nos retraités, nous empruntons sur les marchés, y compris sur le budget de la sécurité sociale pour 23,5 milliards d’euros voilà quelques mois. La Cour des comptes prévient qu’il faudrait prévoir aujourd'hui entre 15 milliards et 20 milliards d’euros pour financer la CADES.

Le nouveau gouverneur de la Banque de France a averti : il faudra rembourser la dette, monsieur le secrétaire d’État. Aujourd’hui, celle-ci s’établit à 2 170 milliards d'euros et représente 98,4 % du PIB, contre 1 717,3 milliards d’euros en 2012. Vous comparez souvent les chiffres. Voilà un véritable indicateur de la situation dans laquelle nous sommes !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Delattre !

M. Francis Delattre. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons eu les promesses. Nous avons eu les renoncements. Aujourd’hui, nous avons les abandons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le secrétaire d’État, je commencerai mon propos en vous donnant acte du point sans doute le plus positif de ce collectif budgétaire, à savoir que l’engagement d’un déficit public à hauteur de 3,3 % du PIB sera vraisemblablement respecté. Tout le monde, je crois, peut s’en réjouir.

Le rapporteur général a déjà évoqué les fragilités de l’exécution de ce budget, qui est révélateur de la situation de notre pays : la baisse de 2,4 milliards d’euros des recettes de l’impôt sur les sociétés, les mesures d’économies exceptionnelles, comme la réduction du prélèvement sur recettes, l’accroissement de la dette, même si l’annuité diminue, qui est notre talon d’Achille et à laquelle tous les gouvernements seront confrontés. Je ne reviendrai donc pas sur ces points ni sur ce qui a déjà été évoqué au cours de la discussion générale, me gardant bien de porter un jugement sur l’ensemble de la mandature. Je souhaite en revanche revenir sur les éléments constitutifs de la construction et de la sincérité des budgets, profitant qu’il s’agit du dernier budget de la législature pour, en quelque sorte, transmettre un message à ceux qui auront la charge du pays dans quelques mois.

Cette année encore, des sous-budgétisations chroniques demeurent. Ce sont toujours les mêmes, et elles n’ont pas commencé il y a cinq ans – elles remontent à dix ans, à quinze ans. Je pense aux contrats aidés, aux OPEX, à l’AAH, à l’AME. Le montant des OPEX s’élève ainsi à 831 millions d’euros, alors que, depuis quelques années, celui-ci n’a jamais été inférieur à 800 millions d’euros. Voilà qui soulève tout de même une réelle interrogation.

Nous constatons également un accroissement des mises en réserve, de l’ordre de 0,8 % en début d’année. Certes, ce n’est pas anormal, mais c’est plus que ce qui a été fait depuis de nombreuses années.

Un constat un peu particulier se dégage cette année : l’envolée des ouvertures de crédits dans le projet de loi de finances rectificative et par décret d’avance, soit 16,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 9,8 milliards d’euros en crédits de paiement. C’est le niveau le plus élevé depuis l’instauration de la loi organique relative aux lois de finances. Certes, il n’y a rien d’irrégulier là-dedans, et on ne peut pas reprocher au Gouvernement d’utiliser tous les leviers à sa disposition pour maîtriser l’exécution. Cependant, cette pratique – mise en réserve, multiplication des décrets d’avance avec des volumes importants – pose à l’évidence un problème par rapport à l’intention initiale du législateur organique, qui était de faire en sorte qu’en cours d’exécution les dérives soient le moins importantes possible au regard de la loi de finances initiale.

En revanche, je serai beaucoup plus critique sur les opérations effectuées à partir du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », que vient d’évoquer à juste titre Francis Delattre. La loi organique relative aux lois de finances, au II de l'article 21, interdit tout transfert à partir des comptes d’affectation spéciale au profit du budget général de l’État en cours d’exécution. Or c’est ce qui a été fait avec le CAS « Participations financières de l’État », d’une manière telle que, pour les parlementaires, cela devient très difficile à lire et à suivre :…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !

M. Michel Bouvard. … des annulations de crédits pour alimenter les redéploiements, des réinscriptions de crédits annulés dans le projet de loi de finances rectificative, avec des inscriptions louables comme celles pour la capitalisation de l’AFD, des besoins dont on sait qu’ils demeurent, alors même qu’on récupère de l’argent sur le compte d’affectation spéciale.

Tout cela n’est pas de bonne méthode. Autant, sur un certain nombre de comptes d’affectation spéciale, « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » par exemple, nous avons connu des progrès, autant nous assistons là à une véritable dérive.

Je conclurai en évoquant la faiblesse chronique de l’investissement public. Le collectif budgétaire de fin d’année aboutit à constater encore une diminution des crédits d’investissement, certes faible en pourcentage – 1,71 % –, mais plus important en volume par rapport à ce qui a été inscrit en loi de finances. Or, depuis des années, l’un des maux chroniques auxquels est confronté notre pays est le manque d’investissement public. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Je répondrai plus spécifiquement aux deux derniers orateurs, ce qui me permettra d’apporter des réponses à ceux qui se sont exprimés auparavant.

Monsieur Bouvard, vous avez procédé à un examen assez « lolfique » du projet de loi de finances rectificative.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce n’est pas une injure, bien au contraire.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous estimez que les ouvertures de crédits par décret d’avance et dans le projet de loi de finances rectificative, qui atteignent aujourd'hui près de 10 milliards d’euros, représentent plus que d’habitude. N’oubliez pas qu’ils prennent en compte, de façon exceptionnelle, la recapitalisation de l’AFD, pour 2,4 milliards d’euros.

M. Michel Bouvard. C’est exact !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En réalité, le montant atteint est plus proche des 7,5 milliards d’euros que des 10 milliards d’euros. Voilà qui atténue très sensiblement les propos que vous avez tenus, vous en conviendrez avec moi.

Vous avez d’ailleurs souligné qu’il n’y avait rien qui ne soit pas conforme à la LOLF. Il n’a échappé à personne que nous ne pourrons reverser de l’argent des comptes d’affectation spéciale vers le budget général. Nous ne le faisons d’ailleurs pas. Nous le faisons sur des autorisations d’engagement, vous l’avez dit,…