Sommaire

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

Secrétaires :

Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.

1. Procès-verbal

2. Remplacement d’un sénateur décédé

3. Candidature à un organisme extraparlementaire

4. Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

5. Communication relative à deux commissions mixtes paritaires

6. Dépôt d’un rapport

7. Retrait d’une question orale

8. Candidature à une commission spéciale

9. Financement de la sécurité sociale pour 2017. – Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

Discussion générale :

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales

Mme Hermeline Malherbe

M. Jean Desessard

M. Yves Daudigny

Mme Catherine Deroche

Mme Laurence Cohen

M. Olivier Cigolotti

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 1 de la commission. – M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales ; Mme Evelyne Yonnet ; Mme Marisol Touraine, ministre ; M. Dominique Watrin ; M. Gérard Roche. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.

10. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

11. Nomination d'un membre d'une commission spéciale

12. Conférence des présidents

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

13. Questions d’actualité au Gouvernement

politique générale (I)

Mme Catherine Morin-Desailly ; M. Manuel Valls, Premier ministre.

politique générale (II)

M. François Grosdidier ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; M. François Grosdidier.

brexit

M. Jean-Claude Requier ; M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Jean-Claude Requier.

mine de la montagne d’or en guyane

Mme Marie-Christine Blandin ; M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics ; Mme Marie-Christine Blandin.

politique industrielle

M. Thierry Foucaud ; M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics ; M. Thierry Foucaud.

chiffres du chômage

Mme Anne Émery-Dumas ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

financement des retraites agricoles

M. Pierre Médevielle ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; M. Pierre Médevielle.

politique étrangère

M. Claude Malhuret ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Claude Malhuret.

réforme de la sécurité sociale

Mme Catherine Génisson ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

centre pénitentiaire de valence

M. Gilbert Bouchet ; M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Gilbert Bouchet.

journée mondiale de lutte contre le sida

Mme Dominique Gillot ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

délivrance des cartes nationales d'identité

M. Daniel Laurent ; M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; M. Daniel Laurent.

dispositif de vaccination contre la grippe

M. David Rachline ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; M. David Rachline.

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaires :

Mme Valérie Létard,

Mme Catherine Tasca.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Remplacement d’un sénateur décédé

M. le président. Conformément à l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, M. Pierre Cuypers est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Seine-et-Marne, M. Michel Houel, décédé le 30 novembre 2016.

Son mandat a débuté aujourd’hui, 1er décembre 2016, à zéro heure.

3

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

La commission des lois a proposé la candidature de Mme Sylvie Robert.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2017.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mardi 29 novembre prennent effet.

5

Communication relative à deux commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, d’une part, et de la proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes, d’autre part, sont parvenues à des textes communs.

6

Dépôt d’un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport pour 2015 présentant certains dispositifs mis en place par la France dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale internationale.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances.

7

Retrait d’une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1557 de M. Daniel Chasseing est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

8

Candidature à une commission spéciale

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, en remplacement de M. Louis Pinton, décédé.

Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

9

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2017

Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Question préalable (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2017 (projet n° 154, rapport n° 156).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons pour débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 à la suite de son examen en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.

Hier, votre commission des affaires sociales a fait le choix d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable. Une nouvelle fois, le texte ne sera donc pas examiné par le Sénat et il reviendra à l’Assemblée nationale de se prononcer en lecture définitive.

Ce choix de rejeter le projet de loi en bloc met en exergue le clivage qui existe entre la majorité présidentielle et son opposition. Ce sont bien deux visions de la protection sociale et de l’avenir de la sécurité sociale qui s’opposent : les débats qui s’annoncent dans le cadre de la future campagne pour l’élection présidentielle en sont l’illustration.

Il y a quelques semaines, lors de la discussion de ce texte au Sénat en première lecture, j’évoquais devant vous les projets défendus par les candidats engagés dans la primaire de la droite et du centre, en soulignant le risque d’une privatisation de la sécurité sociale. Dans un débat à fleurets mouchetés, vous aviez alors exprimé votre scepticisme à cet égard : pourtant, cette perspective d’une privatisation figurait noir sur blanc dans le programme de François Fillon, qui prévoit explicitement de renvoyer aux assurances privées la prise en charge de tout ce qui n’est pas grave ou ne relève pas d’une affection de longue durée.

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est bien ce projet qui est désormais soutenu par la majorité sénatoriale tout entière en vue de l’élection présidentielle de 2017 !

Je ne reviendrai pas en détail sur les mesures contenues dans ce PLFSS, car elles sont désormais connues de tous.

Je tiens à saluer une nouvelle fois la très bonne tenue de nos débats, toujours cordiaux, même si nous ne parvenons pas à nous rejoindre, ainsi que le soutien apporté par le Sénat à quelques-unes des dispositions figurant dans ce texte : je pense notamment à l’extension de la retraite progressive ou à la hausse de la fiscalité sur le tabac à rouler, mesures votées conformes par le Sénat.

Je veux insister une dernière fois sur la cohérence de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Tout d’abord, contrairement à ce qu’affirme la majorité sénatoriale, le redressement de nos comptes sociaux est bien réel ! Ce quinquennat marque la fin du caractère inéluctable, incontournable des déficits sociaux : en quatre ans, nous avons ramené le déficit du régime général de 17,5 milliards d’euros à 3,7 milliards d’euros en 2016, avec la perspective d’un retour à l’équilibre en 2017, une première depuis 2001.

Surtout, au-delà de la présentation comptable qui peut en être faite, ce résultat est le fruit de réformes résolues, volontaristes et ambitieuses : réforme des retraites, meilleure prise en compte des revenus des familles pour le calcul des prestations familiales, amélioration de la pertinence des actes, maîtrise du coût des médicaments, mise en œuvre du virage ambulatoire, amélioration constante de l’efficacité de la dépense hospitalière. Ce sont là autant de réformes qui nous ont permis de moderniser notre protection sociale pour en garantir la pérennité.

Je regrette votre choix de ne pas reconnaître la réalité de cette dynamique et de résultats dont nous devrions pourtant collectivement nous féliciter. En première lecture, vous aviez toute latitude pour exposer quelles réformes de structures alternatives vous entendez conduire ; vous n’en avez rien fait, et c’est regrettable !

Les réformes mises en œuvre par le Gouvernement nous dispensent d’avoir à nous engager dans la voie des déremboursements. Cependant, faute de propositions structurelles alternatives, vous vous réfugiez dans la perspective de nouveaux déremboursements pour garantir l’avenir de la sécurité sociale.

Or, dans le même temps, le texte que vous avez adopté en première lecture aboutissait purement et simplement à une dégradation du solde du budget de la sécurité sociale à hauteur de 700 millions d’euros. Vous conviendrez que l’on a vu projet plus ambitieux…

La seule ambition que vous avez exprimée consistait à revenir sur une partie des réformes de structure figurant dans le PLFSS, réformes finalement rétablies par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Je pense, en particulier, aux mécanismes de régulation du prix des médicaments, que vous aviez choisi de supprimer alors même qu’il s’agit d’un chantier majeur pour la sécurité sociale et notre système de santé. Assurément – nous nous retrouvons sur ce point –, l’innovation suscite de grands espoirs ; pour nos concitoyens, elle représente la promesse qu’ils vivront mieux, qu’ils seront mieux soignés, que certaines maladies aujourd’hui incurables pourront être guéries.

Je tiens à rappeler que la France bénéficie d’un dispositif unique au monde que nous devons préserver, à savoir l’autorisation temporaire d’utilisation : grâce à ce mécanisme, un médicament innovant peut être rapidement mis à disposition des patients, avant même l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché.

Pour autant, nous savons combien l’accélération de l’innovation thérapeutique constitue un défi non seulement pour la France et son système de protection sociale, mais aussi pour le monde dans son ensemble. C’est parce que nous devons relever ce défi, dans l’intérêt des patients, que j’ai fait le choix de proposer, au travers de ce PLFSS, de nouvelles manières de prendre en charge ces innovations.

C’est ainsi que sont prévus la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation et un financement approprié pour amortir les dépenses d’innovation. Il s’agit d’abord de renforcer la capacité de l’assurance maladie de négocier les prix en sortie d’autorisation temporaire d’utilisation, afin d’assurer des conditions plus équilibrées qu’aujourd’hui, ensuite de créer un fonds de financement des innovations pour lisser les effets des variations de la dynamique des innovations thérapeutiques.

Je me réjouis du rétablissement de ces dispositions par l’Assemblée nationale, parce qu’il serait insoutenable économiquement et insupportable moralement que des traitements innovants soient très coûteux et inaccessibles aux patients.

Pour terminer, je voudrais revenir sur les droits nouveaux inscrits dans ce PLFSS : extension de la retraite progressive, mise en place d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires, allégement des cotisations sociales des travailleurs indépendants et amélioration de leur recouvrement, renforcement et transformation de l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées grâce à 590 millions d’euros de mesures nouvelles destinées à financer la création de 4 000 places pour les personnes âgées et de 4 100 places pour les personnes handicapées. Je pourrais également citer le renforcement de la protection universelle maladie au bénéfice de ceux qui changent souvent de situation professionnelle, notamment les travailleurs saisonniers, ou encore le plan ambitieux pour améliorer l’accès aux soins dentaires, dont l’objectif est de réduire le coût restant à la charge des patients, au moyen d’une revalorisation de certains soins conservateurs en échange de la maîtrise du coût des prothèses.

Vous avez choisi de supprimer ce plan, prenant ainsi, au fond, simplement un peu d’avance sur la désignation de votre candidat à l’élection présidentielle, dont la porte-parole a récemment déclaré de manière explicite que les soins dentaires, les frais d’optique et les audioprothèses n’avaient pas à être remboursés : un tel choix politique n’est ni le mien ni celui du Gouvernement ; nous verrons ce qu’en diront les Français !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous vous apprêtez à rejeter consacre la réalité des chiffres et des faits : en quatre ans, nous avons remis à flot la sécurité sociale, ce qui est source de confiance collective. Ce redressement des comptes sociaux, nous ne l’avons pas fait payer aux patients ni aux professionnels de santé ; nous l’avons obtenu grâce à des réformes de fond et à un engagement collectif : c’est dans cette voie que nous entendons poursuivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen en nouvelle lecture par votre assemblée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 s’annonçant bref, je limiterai mon propos à l’essentiel.

En première lecture, vous avez refusé de voter les articles présentant les prévisions de recettes et de dépenses, nous privant ainsi d’un débat de fond sur les équilibres financiers, les choix qui les sous-tendent et les priorités qu’il s’agit de financer.

Mme Nicole Bricq. Absolument !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ces équilibres financiers vous laissent manifestement indifférents. Je le regrette, et ne prendrai donc pas la peine d’entrer dans le détail. Je tiens néanmoins à vous rassurer : le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture est cohérent avec les nouvelles prévisions macroéconomiques, d’une part, et avec les votes et les décisions intervenus sur l’ensemble des textes financiers depuis le mois d’octobre, d’autre part.

Lors du dépôt du projet de loi de finances rectificative pour 2016, le Gouvernement a procédé à des ajustements de la trajectoire macroéconomique, qui ont fait l’objet d’un avis du Haut Conseil des finances publiques. Ces ajustements ont une incidence très limitée sur le solde budgétaire de la sécurité sociale, dont les recettes dépendent principalement de l’évolution de la masse salariale, inchangée pour 2016 et 2017, et ne conduisent pas à modifier les tableaux d’équilibre figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 et dans le PLFSS pour 2017. Certains éléments des annexes B et C ont toutefois été légèrement ajustés.

Par ailleurs, le présent texte tient compte de la perte de recettes, pour la sécurité sociale, liée à la revalorisation des seuils d’exonération et de bénéfice du taux réduit de CSG sur les revenus de remplacement, qui sera compensée à hauteur de 280 millions d’euros. Il prend également en considération l’effet de l’acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés prévu dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016 : cet acompte représentera une recette nouvelle de 400 millions d’euros et sera également neutralisé, ce qui conduira à ajuster la fraction de TVA affectée au budget de la sécurité sociale pour un montant de 120 millions d’euros lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances. En conséquence, je le répète, les effets de ces mesures n’amènent pas à ajuster les tableaux d’équilibre.

Le PLFSS intègre également l’incidence de la création, par voie d’amendement au projet de loi de finances, du crédit d’impôt au titre de la taxe sur les salaires, qui sera également compensée à la sécurité sociale.

Plus généralement, je voudrais souligner que nos résultats et nos prévisions sont incontestables : les comptes de l’ensemble des branches de la sécurité sociale ont été certifiés par la Cour des comptes en 2015, comme ils l’avaient été en 2013 et en 2014. Cela n’était jamais arrivé auparavant.

M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La Commission européenne a retenu la même prévision que le Gouvernement pour 2016, à savoir un déficit de 3,3 %. Elle estime aussi que le déficit passera sous la barre des 3 % en 2017.

Les articles d’équilibre ayant été rétablis par l’Assemblée nationale, je vous pose de nouveau la question : l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2017, que vous avez rejeté, est-il selon vous trop laxiste ou trop ambitieux ? Fallait-il faire davantage d’économies ou bien desserrer la contrainte ?

Mme Nicole Bricq. Ils ne veulent pas le dire !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’entends dire tout et le contraire, si bien que je m’y perds un peu…

Vous avez consacré beaucoup de temps, lors de la première lecture, à supprimer des rapports demandés par les députés, pour voter la remise d’autres, en oubliant l’essentiel, à savoir que le projet de loi de financement de la sécurité sociale est aussi un texte financier !

Pour résumer, la discussion au Sénat aura abouti à l’adoption d’un texte inconstitutionnel et n’aura même pas permis aux Français de comparer les projets des uns et des autres en matière de finances sociales. Inconstitutionnalité et opacité : c’est tout le contraire de ce que l’on attend du travail d’une assemblée parlementaire ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

La motivation de la motion déposée par la commission des affaires sociales du Sénat tendant au rejet du PLFSS apporte certains éléments de réponse et mérite quelques commentaires.

Tout d’abord, vous reprochez au Gouvernement le niveau élevé des prélèvements obligatoires, alors même qu’il a été ramené au niveau de 2013. L’an dernier, vous aviez pourtant refusé d’adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 et le pacte de responsabilité. Cette année, vous avez rejeté le projet de loi de finances pour 2017 et vous oubliez que le présent PLFSS comporte des baisses de prélèvements, en particulier pour les travailleurs indépendants aux revenus modestes.

Ensuite, vous déplorez que seules trois des quatre branches du régime général reviennent à l’équilibre en 2017. Trois sur quatre : excusez du peu ! Il y a cinq ans, aucune branche n’était à l’équilibre ! En 2012, le déficit du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, était supérieur à ce qu’il sera en 2017 !

M. Jean Desessard. Qui était le Premier ministre à cette époque ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La majorité parlementaire d’alors avait-elle pour autant rejeté le projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

Vous contestez les mesures prises pour parvenir au redressement des comptes sociaux, que nul ne peut sérieusement nier. J’avoue être surpris de votre opposition constante à notre choix de tenir compte des revenus pour le calcul du montant des allocations familiales. Le candidat de la droite à l’élection présidentielle ne propose-t-il pas tout simplement de mettre fin à l’assurance maladie universelle ? Il semble d’ailleurs que ce point commence à faire débat entre vous…

Les regrets que vous exprimez à propos de l’assurance maladie montrent combien votre vision de l’avenir de la sécurité sociale est punitive et restrictive. Le déficit de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, a pourtant été ramené à son niveau le plus bas depuis 2002 : il sera de 2,6 milliards d’euros seulement en 2017 !

Les recettes ont effectivement été mises à contribution, de même que les ressources disponibles de certains fonds, afin d’accompagner un redressement qui repose avant tout sur la mise en œuvre d’une logique d’amélioration structurelle de l’efficacité du système de santé, avec un double objectif de recherche d’économies et d’amélioration de la qualité des soins.

Manifestement, vous auriez préféré que l’on s’en prenne aux assurés, en réduisant leurs droits ! Pis, vous refusez de résoudre le problème de l’accès aux soins et traitements innovants. C’est pourtant un enjeu clé de l’avenir de notre système de santé ! Ce dernier doit continuer à être le plus performant possible et à donner accès dans les meilleures conditions de prix aux traitements innovants, qui permettent parfois de guérir des maladies jusque-là considérées comme incurables.

Vous rejetez des solutions de financement dont nous avons pourtant un besoin évident pour remplir nos engagements envers les patients. Mais que proposez-vous à la place ? Nul ne le sait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La commission des affaires sociales estime que les prévisions en matière de masse salariale pour les années postérieures à 2017 sont trop élevées. Je remarque que nos prévisions pour cette année étaient au contraire marquées par une sous-évaluation. Nous avons même dû les réviser à la hausse : c’est bien la preuve de notre prudence ! Sachez que la sincérité des prévisions ne consiste pas nécessairement à occulter les perspectives légèrement plus favorables liées au rétablissement de la situation économique.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Enfin, vous jugez nécessaire de prendre rapidement des mesures d’adaptation du système de retraites à l’évolution de l’espérance de vie. C’est oublier que la réforme de 2014 a déjà instauré un comité permanent de suivi des retraites, habilité à faire les propositions nécessaires non seulement pour assurer l’équilibre financier de notre système de retraites sur le long terme, mais aussi pour garantir le niveau des pensions, l’équité du dispositif entre les femmes et les hommes et la prise en compte de facteurs de risque, comme la pénibilité. Aujourd’hui, ce comité de suivi ne juge pas nécessaire d’accélérer la mise en œuvre des mesures engagées, notamment la hausse progressive de la durée d’assurance.

En conclusion, après avoir sciemment adopté en première lecture un texte vidé de ses dispositions essentielles, le Sénat s’apprête cette fois, pour la deuxième fois en une semaine, à abdiquer toute responsabilité, en adoptant une motion tendant à opposer la question préalable. Je ne chercherai pas à vous dissuader de le faire : ce serait vain. Si j’ai néanmoins pris le temps d’y répondre par avance, c’est avant tout parce que la majorité sénatoriale invoque des prétextes qui peinent à dissimuler le projet qu’elle conçoit pour notre modèle de protection sociale !

M. Didier Guillaume. Évidemment !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce projet, qui transparaît au travers de nos débats sans être assumé publiquement par ses auteurs, vise d’abord à restreindre les droits à l’assurance maladie, parce que vous souhaitez imposer aux assurés de cotiser davantage à des assurances privées. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il relève ensuite d’une volonté de punir les futurs retraités en les faisant travailler davantage sans que cela soit nécessaire au financement de leur retraite. Enfin, il occulte complètement les besoins des plus modestes de nos concitoyens, qui n’ont parfois aucun autre secours que les allocations minimales que leur garantit la solidarité nationale pour faire face à leurs besoins quotidiens.

Bref, on le voit bien, il s’agit d’entretenir nos concitoyens dans l’idée qu’une restriction sans fin du champ de leurs garanties sociales serait le seul moyen d’assurer la pérennité de celles-ci.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce quinquennat aura été celui du redressement spectaculaire des comptes de la sécurité sociale ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. C’est clair !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le déficit a été divisé par six depuis 2011 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.) La sécurité sociale se désendette depuis 2015. Le régime général sera pratiquement à l’équilibre dès l’année prochaine,…

M. Didier Guillaume. Tout le monde devrait s’en réjouir !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … et l’ensemble constitué par le régime général et le FSV reviendra lui aussi à l’équilibre en 2019.

M. Jean-Louis Carrère. On leur fait un sacré cadeau !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Notre système de protection sociale est désormais soutenable.

Dans ces conditions, nous aurions souhaité que tout le monde joue cartes sur table au cours de ce débat. Nous n’avons pas honte de notre bilan : la sécurité sociale est aujourd’hui en bien meilleure santé financière qu’elle ne l’était au moment où M. Fillon a quitté ses fonctions.

M. Didier Guillaume. Il n’y a pas photo !

M. Jean-Louis Carrère. Qui est-ce, M. Fillon ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous n’avons pas plus honte de nos propositions : nous avons la ferme volonté de continuer à améliorer l’accès aux droits et la prise en compte des besoins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire du 22 novembre dernier, le Sénat examine en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

La discussion de ce texte en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, il y a quelques jours, a donné lieu à un curieux débat. Le Sénat a servi de bouc émissaire commode à une majorité en mal de cohésion et à un Gouvernement en mal de bilan, en dépit de ce que nous venons d’entendre… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Catherine Génisson. Vous êtes en service commandé !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tout en souhaitant examiner ce PLFSS, le Sénat avait contesté la réalité du retour à l’équilibre des comptes sociaux,…

M. Didier Guillaume. Vous avez eu tort !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … alors que le déficit demeure supérieur à 4 milliards d’euros et que la crédibilité des équilibres programmés reste à démontrer, de même que l’effectivité des économies annoncées.

Madame la ministre, vous avez dénoncé, à l’Assemblée nationale, le choix de la régression sociale, la frilosité face à des réformes structurelles et l’irresponsabilité budgétaire du Sénat. À cela, vous ajoutez aujourd’hui une polémique sur les propositions de certains candidats à l’élection présidentielle. Je n’y entrerai pas,…

M. Didier Guillaume. C’est pourtant le sujet !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est une polémique masquée…

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … par respect pour la fonction qui est la mienne : je ne suis pas ici pour me faire le porte-parole de tel ou tel candidat. (Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit.)

Pour votre part, monsieur le secrétaire d’État, vous avez mis en avant l’inconstitutionnalité, mais aussi l’opacité qui caractériserait notre texte. Au passage, vous avez indiqué que nous avions supprimé la contribution sur les fournisseurs de tabac « sans que l’on comprenne ce qui motive ce souci de protéger les fabricants de tabac ».

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La mesure a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ne voulant sans doute pas être en reste, le rapporteur général de l’Assemblée nationale, Gérard Bapt, a dénoncé, quant à lui, un texte sans colonne vertébrale, « sur lequel se sont développées de nombreuses pustules ». Étant médecin, il a sans doute une conception quelque peu clinique du rapport général, d’où, probablement, cette nouvelle façon de désigner les articles additionnels…

Nous voici donc face à un texte totémique, qu’il ne saurait être question de critiquer ou de modifier, pas même pour des motifs rédactionnels !

Nous nous étions pourtant engagés dans le débat et avions posé un certain nombre de questions : en particulier, comment le Gouvernement comptait-il garantir la contribution des administrations de sécurité sociale à la réduction du déficit public en 2017, avec une prévision de solde de l’assurance chômage inférieure de plus de 2 milliards d’euros à la prévision établie par l’UNEDIC et 4,1 milliards d’euros d’économies dans le champ de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, dont près de 1 milliard d’euros ne sont en réalité que des transferts de charges ?

Sans nous répondre, on nous a reproché de ne pas présenter de contre-projet.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui !

M. Didier Guillaume. C’est le problème !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je me souviens d’un temps, pas si lointain, où nous avions proposé un autre projet, avec 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires dans le champ de l’ONDAM. Que n’avions-nous pas entendu alors : poudre aux yeux, régression sociale – déjà ! Or, quelques mois plus tard, le programme de stabilité rectifiait l’ONDAM d’autant…

Cette fois, le Sénat n’a pas bâti de contre-projet.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ah ! Voilà l’aveu !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est son droit, monsieur le secrétaire d’État ! Il a simplement réagi aux équilibres qui lui étaient présentés, puisque nous savions d’emblée n’avoir aucune chance de vous convaincre ! Malheureusement, c’est le jeu des institutions.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas un jeu !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ayant forcément partie liée, le Sénat n’avait aucune chance de faire entendre sa voix. Plutôt que de perdre notre temps en dialogues inutiles,…

M. Jean Desessard. Pourtant, nous adorons vous entendre, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … nous avons donc préféré contester certains chiffres, émettre certaines critiques, mais aussi, contrairement à ce que vous prétendez, avancer des propositions.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ah bon ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes en fin de législature, à l’heure des bilans ; rassurez-vous, le temps du contre-projet viendra !

Comme la loi organique le permet, nous avons choisi de rejeter, plutôt que le texte, ses tableaux d’équilibre. La version du PLFSS adoptée par le Sénat était-elle inconstitutionnelle ? Pas plus qu’elle ne l’était l’an dernier, à la même époque, où nous n’étions pas, me semble-t-il, au terme de la navette !

On parle d’opacité, au motif que nous avons supprimé l’article 16, tendant à instaurer une contribution sur les fournisseurs de tabac.

Pourquoi une telle suppression ? D’abord, il s’agit d’une taxe nouvelle dans un paysage fiscal déjà foisonnant. Ensuite, cette taxe porte sur le chiffre d’affaires, qui n’est pas l’assiette la plus pertinente. Enfin, et surtout, nous ignorons sur qui elle va finalement peser, ce qui est tout de même gênant, à tel point que vous avez d’ailleurs dû, monsieur le secrétaire d’État, faire adopter à l’Assemblée nationale un mécanisme de vérification des marges, sur l’opérationnalité duquel la commission s’interroge fortement.

Non contents d’être assujettis à je ne sais quels lobbies, nous serions aussi contre l’innovation, parce que nous avons supprimé le fonds du même nom. Était-ce réellement un fonds ? Je parlerais plutôt de compte d’affectation de certaines lignes budgétaires…

Premièrement, ce fonds était financé par une ponction sur les réserves du FSV, dont le déficit atteint, je le rappelle, près de 4 milliards d’euros.

Deuxièmement, il n’était alimenté, en régime de croisière, que par des recettes existantes : les remises pharmaceutiques.

Troisièmement, il n’était pas inscrit dans le champ de l’ONDAM, alors que les dépenses de médicaments sont bien des dépenses d’assurance maladie.

Le seul apport concret de ce fonds était de permettre la débudgétisation de 220 millions d’euros de dépenses de médicaments en 2017. Dans ces conditions, nous assumons de l’avoir supprimé ! Les mesures que nous avions proposées concernant le médicament attestent largement, je crois, de notre soutien à l’innovation dans ce pays.

En ce qui concerne les autres dispositions, je regrette particulièrement que les mesures qui avaient largement rassemblé le Sénat, qu’il s’agisse de l’avantage maternité pour les femmes médecins, des médecins retraités en zones sous-denses, des mécanismes de régulation des dépenses de médicaments ou des médicaments biosimilaires, n’aient pas été retenues par l’Assemblée nationale. Nous sommes en train de répéter, pour les médicaments biosimilaires, les erreurs commises pour les médicaments génériques, erreurs expliquant que nous accusions encore un grand retard dans ce domaine.

Au total, la commission des affaires sociales, contrairement à vos affirmations, madame la ministre, ne conteste pas le redressement des comptes sociaux. Au vu de l’effort consenti en termes de prélèvements obligatoires, devoir constater leur dégradation serait regrettable. Notre commission conteste que ce processus soit parvenu à son terme.

Nous avons un désaccord avec le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale sur la réalité et la pérennité du retour à l’équilibre des comptes sociaux. D’ailleurs, contrairement à ce que vous avancez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous avons largement débattu de ce point en première lecture.

Nous avons par conséquent aussi un désaccord sur les mesures à prendre, en particulier en matière de retraites et d’assurance maladie.

À ces désaccords persistants s’ajoute, pour cette année, un refus des équilibres présentés pour l’assurance maladie, qui conduisent à augmenter les recettes et à réduire les charges de cette branche dans des proportions inhabituelles, au détriment des autres branches. Ce n’est pas en minorant artificiellement le déficit que l’on peut envisager de prendre les mesures nécessaires !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il n’y a pas, ici, des partisans et des adversaires de la sécurité sociale !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je le redis fermement : c’est un bien commun auquel nous sommes tous attachés. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) C’est précisément parce que nous y sommes attachés que nous souhaitons son adaptation aux besoins d’aujourd’hui, comme à ceux de demain.

M. Didier Guillaume. À qui profite le crime ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ainsi que l’exposera le président Milon, parvenus au terme de ce débat, nous constatons tout simplement l’inutilité de continuer le dialogue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.

Mme Hermeline Malherbe. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 constitue un événement de première importance : ce texte ratifie le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Ce n’est pas rien pour notre pacte républicain !

C’est une bonne nouvelle pour toutes celles et tous ceux qui sont directement concernés : ils sont nombreux, les retraités, les personnes malades, les familles, en particulier les familles monoparentales, qui ont besoin de la protection de notre système social. C’est aussi une bonne nouvelle pour tous ceux qui croient encore à la pérennité de notre système fondé sur la solidarité et la justice sociale.

Après avoir connu un déficit de 14 milliards d’euros en 2012, de 3,4 milliards d’euros en 2016, le régime général ne serait déficitaire que de 400 millions d’euros en 2017. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

Cet effort de redressement des comptes sociaux s’est réalisé sans nouveaux sacrifices pour les droits des personnes assurées. En effet, le reste à charge de l’assuré diminue, passant de 9,3 % en 2011 à 8,4 % en 2015.

La qualité des prestations de services n’a pas été durablement altérée. Il reste pourtant beaucoup à faire pour améliorer encore l’accès aux soins et les conditions de travail des professionnels de santé et de l’action sociale.

Je souhaite insister sur quelques mesures de ce PLFSS pour 2017.

Je pense, bien sûr, à la mise en place de l’Agence de recouvrement des pensions alimentaires, qui offre une garantie contre les impayés de pensions. Ce n’est que justice pour les conjoints concernés, en particulier les mères isolées, qui représentent 90 % des victimes des mauvais payeurs ou des impayés.

La justice sociale, c’est aussi la dégressivité du montant des allocations familiales en fonction des revenus des familles. Il est faux de prétendre, comme on le fait trop souvent, que cela remet en cause le principe d’universalité.

Je pense également à l’extension de la retraite progressive pour les salariés ayant plusieurs employeurs, à la retraite des travailleurs handicapés ou encore à la prise en charge des jeunes de six à vingt et un ans en souffrance psychique.

Je pense enfin au déploiement de la télémédecine, dont les premières expérimentations ont été lancées. Même si celle-ci ne constitue pas un « remède miracle », elle permettra, je l’espère, de donner une nouvelle impulsion.

En revanche, s’agissant de la désertification médicale, nous déplorons que l’Assemblée nationale ait supprimé l’article 10 bis, qui tendait à exonérer de cotisations les médecins retraités reprenant une activité à temps partiel dans les zones très rurales.

La nouvelle rédaction de l’article 10, relatif aux locations de meublés, ne répond pas à toutes les questions posées. Elle limite toutefois les difficultés pour les gîtes ruraux.

Par ailleurs, nous estimons que le dispositif de congé de maternité ou de paternité prévu à l’article 43 n’a de sens que s’il est ouvert à tous les médecins.

Nous regrettons que ces dernières mesures n’aient pas été retenues par l’Assemblée nationale, alors qu’elles avaient fait consensus au Sénat.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’évoquer trois amendements de notre groupe adoptés à une large majorité par le Sénat, mais dont les dispositifs ont été supprimés par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Nous avions encadré la délivrance des lentilles de contact correctrices. Alors que la délivrance de verres correcteurs est soumise à une prescription médicale et à la présentation d’une ordonnance en cours de validité, ce n’est pas le cas pour les lentilles. Celles-ci présentent pourtant des risques sanitaires avérés, du fait de leur contact direct et permanent avec les yeux.

Je veux également évoquer les articles 43 quater et 52 bis. Que ce soit pour les chirurgiens-dentistes ou pour les radiologues, notre préoccupation était, là aussi, d’assurer un respect minimal à l’égard des partenaires sociaux engagés dans des négociations conventionnelles.

Le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, regrette surtout que la commission des affaires sociales refuse de poursuivre le débat et votera, par conséquent, contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Mme Nicole Bricq applaudit.)

La majorité d’entre nous estime que ce que nous donnons à voir à nos concitoyens est aussi important que ce que nous faisons. Veillons donc à préserver l’image du Sénat et des parlementaires qui le composent. Je tiens, pour ma part, à saluer le travail réalisé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour le groupe écologiste.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, prévisible tant certaines positions semblaient inconciliables, la majorité sénatoriale nous propose, par le biais d’une motion tendant à opposer la question préalable, de ne pas examiner à nouveau le PLFSS pour 2017. Je trouve cela dommage ! Monsieur le rapporteur général, vous n’avez pas répondu à la question posée par M. le secrétaire d’État : le budget présenté est-il selon vous trop dépensier ou, au contraire, insuffisamment ambitieux pour pouvoir répondre à certaines demandes urgentes ? Nous sommes nombreux à attendre votre réponse.

La droite a réitéré son opposition à la généralisation du tiers payant à l’ensemble de nos concitoyens. Parmi les arguments qu’elle a invoqués, il en est un qui soulève de véritables interrogations.

Selon vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, le tiers payant universel serait inefficace pour réduire les renoncements aux soins, puisque les patients aux revenus modestes en bénéficieraient déjà par l’intermédiaire de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C.

Cela nous étonne. Le plafond de revenus mensuels pour l’accès à la CMU-C est, rappelons-le, de 721 euros pour une personne seule en métropole. C’est bien en dessous du seuil de pauvreté qui est estimé à environ 960 euros, sans parler des personnes qui, même en travaillant pour un salaire voisin du SMIC, ne parviennent pas à joindre les deux bouts.

À l’heure où les Français sont de plus en plus exposés à la précarité et où le travail n’est plus un rempart contre la pauvreté, prétendre que les travailleurs modestes peuvent déjà bénéficier du tiers payant est tout simplement faux !

De fait, l’ampleur du problème de l’accès aux soins demeure considérable. Entre 15 % et 30 % des Français déclarent avoir renoncé à des soins ou les avoir repoussés faute de moyens financiers, selon plusieurs études, notamment de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, et de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES. Entre 2014 et 2015, le taux de renoncement aux soins a même progressé de 6 % !

Bref, l’ensemble des salariés pauvres ou modestes ne bénéficiant pas de la CMU-C et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, ont absolument besoin du tiers payant pour pouvoir se soigner !

Au-delà de cette question, la majorité sénatoriale, sans doute trop occupée par les primaires… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. Ils ont la tête ailleurs !

M. Jean Desessard. C’est ainsi, mes chers collègues : vous avez réussi vos primaires, mais vous n’avez pas assez étudié le PLFSS et n’avez peut-être pas remarqué ce qu’il comptait d’avancées positives pour nos concitoyens !

Je pense aux dispositions relatives au recouvrement des créances de pensions alimentaires, qui constituent une protection très souhaitable pour les parents isolés, le plus souvent des femmes, à la simplification des aides aux particuliers employeurs, à l’extension du bénéfice du taux réduit ou nul de la CSG, qui favorisera les retraités les plus fragiles, et à la poursuite de la lutte contre le tabagisme. Il est regrettable que nous ne puissions discuter de tous ces sujets !

Toutefois, malgré ces avancées, dont je n’ai pas dressé la liste exhaustive, des divergences subsistent entre les positions des écologistes et vos propositions, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État. Un rassemblement ne peut se construire qu’en tenant compte des programmes de chacune de ses composantes, sauf à redéfinir ce que l’on entend par « rassemblement »…

Nous regrettons toujours certains de vos choix en matière de réduction des déficits des comptes sociaux, lesquels avaient effectivement explosé entre 2002 et 2010.

Les difficultés accrues de l’hôpital public, le manque de moyens de ses personnels nous inquiètent particulièrement. Malheureusement, la légitime colère du personnel infirmier ne nous semble pas avoir été assez entendue par le pouvoir exécutif.

L’allongement de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein est incompatible, selon nous, avec la lutte contre le chômage dans notre pays, où la croissance est structurellement faible ou nulle.

Nous déplorons enfin le refus de prendre toutes les victimes de l’amiante en charge, alors que la branche accidents du travail-maladies professionnelles est excédentaire.

De tels enjeux auraient mérité des débats supplémentaires au sein de notre assemblée et une clarification des positions de chacun, particulièrement dans ce contexte préélectoral.

Aussi le groupe écologiste ne votera-t-il pas la motion tendant à opposer la question préalable et continuera de défendre demain, avec la même volonté, les grands principes qui fondent la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à l’issue d’une commission mixte paritaire qui n’a pu que constater l’impossibilité de trouver un accord et d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, où a largement été rétabli le texte tel qu’il avait été transmis au Sénat pour la première lecture, nous sommes à nouveau saisis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Il s’agit d’un texte homogène, cohérent dans ses objectifs, fruit d’un travail gouvernemental sérieux et continu, accompli tout au long de ce quinquennat, d’un texte qui consacre d’abord le retour à l’équilibre du régime général de la sécurité sociale en 2017, un excédent de 2 milliards d’euros étant prévu pour 2018. C’est une réalité : la sécurité sociale se désendette depuis 2015.

Non, mes chers collègues, notre système de protection sociale n’est pas en perdition ! Tout au contraire, c’est un signal fort de confiance en la pérennité de notre modèle social que nous devons adresser à nos concitoyens,…

M. Yves Daudigny. … car les politiques menées depuis 2012 par les responsables politiques, avec l’engagement des professionnels de santé, produisent de véritables résultats.

Ces résultats, nous les devons à des réformes résolues, volontaristes et ambitieuses, qui ont été menées par le Gouvernement sans mettre à mal les droits des Français, en fonction d’objectifs de justice, d’efficacité, d’innovation.

Vous avez mentionné ces réformes, madame la ministre, mais je souhaite les citer de nouveau, la pédagogie reposant aussi sur la répétition : réforme des retraites, meilleure prise en compte des revenus pour le calcul des prestations familiales, amélioration de la pertinence des actes, maîtrise du coût des médicaments, virage ambulatoire, amélioration de l’efficacité de la dépense hospitalière.

Au-delà des résultats financiers, ce projet de loi comporte des dispositions qui marquent une cohérence en matière de progrès social : baisse de la CSG pour 550 000 retraités, augmentation de la taxe sur le tabac à rouler, création d’un fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique, clauses de codésignation ou de mutualisation en matière de prévoyance, création du praticien territorial médical de remplacement, expérimentation d’une aide psychologique remboursée pour les jeunes de six à vingt et un ans, déploiement de la télémédecine, prise en charge intégrale des frais de santé des victimes d’actes de terrorisme.

M. Roland Courteau. Voilà du concret !

M. Yves Daudigny. Autant de mesures que nous assumons avec sérénité et, ajouterai-je, avec fierté, d’autant que la concomitance de l’examen du projet de loi de finances et de la primaire de la droite et du centre a mis en lumière une divergence de visions, en matière de protection sociale, entre majorité et opposition, divergence illustrée ici, au Sénat, en particulier par la suppression du tiers payant généralisé par la droite. C’est la preuve que, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, le clivage droite-gauche existe toujours.

J’en donnerai trois illustrations.

Pourquoi imposer un relèvement de l’âge de départ à la retraite à soixante-cinq ans d’ici à 2022, alors que la branche vieillesse sera excédentaire de 1,6 milliard d’euros en 2017 et qu’est déjà prise en compte dans la durée d’assurance l’allongement de l’espérance de vie ?

Mes chers collègues, est-ce une mesure de justice de supprimer le lissage des allocations familiales pour une famille de deux enfants dont le revenu mensuel dépasse 5 617 euros ? Rappelons que, dans un tel cas de figure, leur montant est de 129,47 euros. Est-ce sur cela que se joue une politique de natalité ?

Enfin, le plus grave, c’est la remise en cause du principe de l’universalité pour la prise en charge du risque santé – alors même que vous nous reprochez, chers collègues de la majorité sénatoriale, de mettre en question ce principe en matière de politique familiale –, avec l’instauration d’une franchise en fonction des revenus, d’un panier de soins « solidaire », focalisant l’intervention de l’assurance publique sur les affections graves ou de longue durée, et d’un panier de soins « individuel », couvert par l’assurance complémentaire. La négation du retour à l’équilibre du régime général présente dans tous les discours de droite prépare-t-elle la fin de la sécurité sociale construite sur la base de la solidarité et la privatisation du système de santé ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Cela y ressemble !

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. Yves Daudigny. Pour conclure, je reviendrai sur quelques éléments du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, pour être moins centraux, ont néanmoins fait débat dans notre hémicycle.

S’agissant des revenus tirés des activités de location de locaux d’habitation meublés et de biens meubles, l’Assemblée nationale a rétabli les seuils fixés en première lecture pour l’affiliation obligatoire au régime social des indépendants, le RSI.

Toutefois, elle a amélioré le dispositif, d’abord en mettant en place une option en vertu de laquelle une affiliation au régime général de la sécurité sociale sera possible au titre de revenus complémentaires, ensuite en créant une disposition de nature à rassurer les quelques milliers de propriétaires de gîtes ruraux qui auraient subi un effet de seuil important en l’état initial du texte.

Les travaux du Sénat n’ont pas été repris en ce qui concerne la mise en place de l’exonération partielle de cotisation vieillesse pour les médecins retraités exerçant en zones sous-denses afin de rendre plus attractif le cumul emploi-retraite. Nous regrettons ce choix, car la disposition supprimée nous semblait aller dans le bon sens, en ce qu’elle permettait de compléter les dispositifs de lutte contre la désertification médicale d’ores et déjà mis en place, et pour un coût qui n’était pas disproportionné.

Le Sénat avait aussi précisé les conditions de mise en œuvre de l’interchangeabilité pour les médecins prescripteurs de médicaments biosimilaires. L’Assemblée nationale est revenue au texte initial.

Je voudrais rappeler que l’acceptation par les patients des médicaments biosimilaires sera un élément de la maîtrise des dépenses de médicaments dans les prochaines années. Il sera nécessaire d’attacher la plus grande vigilance aux comportements des médecins, des patients et des pharmaciens au fil du temps, au fur et à mesure de l’apparition des médicaments biosimilaires sur le marché. Il serait dommageable pour tous et, surtout, pour l’assurance maladie que se reproduise une situation telle que celle que la France a connue en matière de développement des génériques.

Quoi qu’il en soit, comme cela a déjà été dit, le texte qui nous est présenté aujourd’hui est essentiellement celui qui nous avait été transmis par l’Assemblée nationale en vue de la première lecture. Lors de cette dernière, j’avais, au nom du groupe socialiste et républicain, souligné la qualité et l’ambition qui caractérisent ce PLFSS pour 2017. Je ne peux que vous renouveler l’expression de mon soutien et de celui de mon groupe, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, et regretter que nous ne puissions débattre à nouveau du texte dans le détail. J’indique que, en conséquence, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. –Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sans surprise, le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 que nous devons examiner aujourd’hui en nouvelle lecture est profondément modifié par rapport à la version qu’avait adoptée la Haute Assemblée. Nous constatons à regret que nos remarques et nos propositions n’ont, une fois encore, pas été prises en compte par l’Assemblée nationale et le Gouvernement.

Je n’entrerai pas dans le détail des modifications que nous avions apportées en première lecture et qui ont disparu à la suite de l’examen du texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. J’évoquerai néanmoins deux dispositifs en faveur de l’introduction desquels notre assemblée s’était prononcée à une large majorité et qui auraient mérité plus de considération de la part de nos collègues députés et du Gouvernement.

L’article 10 bis, visant à exonérer partiellement de cotisations sociales les médecins retraités continuant à exercer dans des zones où l’offre de soins est déficitaire, représentait une disposition peu coûteuse. Cette mesure, régulièrement votée par notre assemblée, constitue une incitation forte et un juste retour pour les praticiens qui accepteraient de prolonger leur activité au bénéfice de la collectivité. C’est seulement par la conjonction de multiples mesures, variant selon les territoires, que nous parviendrons à assurer un égal accès aux soins pour tous.

À l’article 43, le Sénat avait considéré que le bénéfice de l’aide financière complémentaire versée aux médecins interrompant leur activité pour cause de maternité ou de paternité devait être étendu à tous les médecins et qu’il n’était pas justifié de le réserver aux professionnels exerçant dans les zones sous-denses. Le versement d’une aide financière au titre du congé de maternité ou de paternité constitue, en effet, un élément fondamental de la protection sociale et ne saurait être considéré comme un avantage financier comme un autre. Nous dénonçons la rupture d’égalité qu’entraîne le retour au dispositif initial, réservé aux seuls médecins exerçant en secteur 1 ou en zones sous-dotées.

Dans le domaine médicosocial, le Sénat avait fait de nombreuses propositions inspirées par les remontées du terrain. Je pense à la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, qui concerne deux secteurs, celui des personnes âgées et celui des personnes handicapées, dont le degré de préparation est très différent, ou à l’expérimentation du parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, pour laquelle nous avions adopté des mesures visant à rationaliser le dispositif afin d’apporter de meilleures réponses aux difficultés des personnes concernées. Là encore, la majorité gouvernementale n’a rien retenu de nos propositions.

Nous avons été largement critiqués par l’opposition sénatoriale pour ne pas avoir adopté les tableaux d’équilibre, qui sont certes des articles techniques, mais qui reflètent néanmoins des prévisions de recettes et de dépenses qui nous sont apparues pour le moins discutables.

Le Gouvernement entendait démontrer qu’il avait définitivement réussi à rétablir l’équilibre des comptes, mais la réalité est tout autre. Le rapporteur général l’a parfaitement montré lors de nos débats.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il n’a rien montré du tout !

Mme Catherine Deroche. La réduction des déficits a été moins massive que ce qu’aurait dû permettre l’augmentation substantielle des prélèvements obligatoires, particulièrement pour la branche vieillesse.

La branche famille s’est redressée au prix d’une réduction des droits de nombreuses familles et de la casse de l’universalité de notre politique familiale.

La branche AT-MP fait une nouvelle fois l’objet, après 2016, d’un transfert de taux de 0,05 point vers la branche maladie, qui représente un montant de 250 millions d’euros et est contraire au principe assurantiel de la branche, principe auquel nous sommes attachés.

Enfin, le redressement de la branche maladie est artificiel, puisqu’il tient à un surcroît de recettes et à une construction discutable de l’ONDAM. Vous avez en effet fait le choix de transférer une partie des charges de l’assurance maladie et de son déficit aux autres branches.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons la motion tendant à opposer la question préalable qui sera présentée par le président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI–UC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRC.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous regrettons la suppression par l’Assemblée nationale de plusieurs dispositions introduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale par notre groupe, s’agissant notamment de l’extension de la responsabilité des entreprises mères à l’égard des entreprises qu’elles contrôlent en cas de fraude aux cotisations sociales ou de la révision de la liste des maladies ouvrant droit, pour l’ensemble des fonctionnaires, à un congé de longue durée. Les députés ne nous ont pas suivis.

Nous avions en outre insisté sur l’importance de la formation des personnels hospitaliers, objet de demandes récurrentes de la part de ceux-ci ainsi que de leurs organisations syndicales. Nous avions dénoncé le détournement, sur deux ans, de 300 millions d’euros du fonds pour l’emploi hospitalier au profit du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés. Or vous persistez et vous signez en majorant cette ponction de 70 millions d’euros ! Les hospitaliers apprécieront ! Pour ce qui nous concerne, je le redis, nous sommes en total désaccord avec votre gestion purement comptable, mise en œuvre au détriment des conditions de travail des personnels de santé.

Je ne peux pas non plus passer sous silence le refus d’étendre le bénéfice des avantages liés au congé de paternité ou de maternité à tous les médecins, quelle que soit leur zone d’exercice.

Enfin, j’insisterai sur la réintroduction de l’article 43 quater relatif aux négociations en cours entre l’assurance maladie et les syndicats des chirurgiens-dentistes : elle témoigne d’une volonté d’imposer des choix sans donner de moyens que nous désapprouvons.

Même si ce projet de loi de financement de la sécurité sociale contient quelques mesures positives, que nous avons soutenues, celles-ci ne peuvent à elles seules compenser la philosophie générale de ce texte, soumise à un carcan de restrictions budgétaires.

Cette situation est d’autant plus grave qu’à aucun moment vous n’avez infléchi vos choix de réduction des dépenses, qu’à aucun moment vous n’avez voulu envisager de nouvelles recettes pour notre système de protection sociale, de ce fait fragilisé. Le cœur du problème est que, depuis 1984, les réformes successives sont toutes allées dans le sens de la réduction du champ des dépenses remboursées.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’illustre que trop votre refus de traiter les questions du reste à charge, du taux croissant de renoncement aux soins, de l’épuisement des personnels de santé, dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Comment ignorer que ce budget va de pair avec la loi de modernisation de notre système de santé, qui entérine, notamment, la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, avec à la clef une baisse des dépenses ?

Durant ce quinquennat, les attaques contre les principes fondateurs de notre système de protection sociale ont continué : mise en place du pacte de responsabilité, qui a supprimé la contribution des entreprises à la branche famille, remise en cause de l’universalité des prestations sociales, avec l’introduction de la modulation du montant de celles-ci selon les revenus, généralisation de la complémentaire santé dans les entreprises, avec transfert de la prise en charge des soins de la sécurité sociale vers les assureurs privés.

À tout cela s’ajoutent l’adoption en 2013 du rallongement de la durée de cotisation et la fixation de l’âge légal de départ à la retraite à soixante-deux ans.

Ces multiples renoncements sont autant de portes ouvertes par lesquelles s’engouffre la droite. J’en veux pour preuves la chamaillerie dont nous avons été témoins, dans cet hémicycle, pour savoir qui, du Gouvernement ou de la droite, avait la paternité de telle ou telle réforme ou les demandes réitérées de la majorité sénatoriale d’aller plus loin et plus vite dans les restrictions budgétaires.

D’ailleurs, ne voit-on pas fleurir des propositions très inquiétantes du côté d’un prétendant de droite à la présidence de la République ?

Mme Laurence Cohen. Il est question de « recentrer » l’assurance maladie sur le remboursement des « affections graves » et de laisser le reste aux complémentaires privées, autrement dit de privatiser la sécurité sociale,…

Mme Laurence Cohen. … sans parler de l’introduction d’une franchise médicale de 200 ou 300 euros par an, alors même que les renoncements aux soins pour raisons financières continuent de progresser. Comme le souligne fort justement le docteur Christian Lehmann, c’est « miner l’adhésion à l’idée même de solidarité nationale ».

Ce même prétendant à l’Élysée préconise également, pêle-mêle, le retour aux 39 heures dans les hôpitaux, le recul à 65 ans de l’âge de départ à la retraite, la refonte de la carte hospitalière et la suppression des hôpitaux de proximité non efficaces…

Pour notre part, nous continuons de prôner une politique aux antipodes de la conception marchande de la santé, une politique ambitieuse qui vise à défendre les principes de solidarité, d’universalité et d’égalité, une politique alternative qui mobilise les moyens financiers au profit de l’humain, et non l’inverse.

Notre objectif est d’assurer la prise en charge des frais de santé à 100 % par la sécurité sociale, pour mettre un terme définitif aux renoncements aux soins.

La répétition ayant des vertus pédagogiques, je redis ici que la France a les moyens d’une telle politique. Il faut en particulier remplacer les exonérations de cotisations patronales et leur fiscalisation par une modulation de celles-ci en fonction d’objectifs d’emploi et de salaires. Il faut mobiliser les moyens nécessaires à la lutte contre la fraude aux prestations sociales des entreprises, fraude qui ampute les recettes de 20 milliards d’euros chaque année. Il faut soumettre les profits financiers à une cotisation complémentaire exceptionnelle.

Ce sont là autant de mesures absentes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, tant dans sa rédaction gouvernementale que dans sa version aggravée par la majorité sénatoriale ou revisitée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Nous regrettons vraiment que ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat soit un rendez-vous manqué avec la prise de mesures audacieuses de redressement de la sécurité sociale en vue d’une meilleure qualité de soins pour toutes et tous et d’une meilleure qualité des conditions de travail pour les personnels, hospitaliers ou libéraux.

Je ne peux que réaffirmer notre opposition à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, quelle qu’en soit la version. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI–UC.)

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 est passé de soixante articles initialement à plus d’une centaine. Sur soixante-dix d’entre eux, un accord n’a pu être trouvé, tout simplement parce que le Sénat n’a pas la même lecture que le Gouvernement et l’Assemblée nationale du retour à l’équilibre des comptes sociaux.

La sécurité sociale serait « sauvée », madame la ministre : cette affirmation est de nature à rassurer les Français, surtout à la veille de l’élection présidentielle, mais, selon nous, le retour à l’équilibre, initialement prévu pour 2017, devrait intervenir à l’horizon 2020.

En annonçant un déficit de 400 millions d’euros en 2017, le Gouvernement omet volontairement de prendre en compte le FSV, dont le déficit est estimé à 3,8 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Et à combien s’élevait-il lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Olivier Cigolotti. Si nous considérons malgré tout que la tendance est à la réduction des déficits,…

Mme Nicole Bricq. Ah ! Quand même !

M. Olivier Cigolotti. … nous ne pouvons, en revanche, tolérer un affichage des comptes en trompe-l’œil.

Au regard des efforts consentis et de la faiblesse des résultats obtenus, l’avenir de notre protection sociale inquiète toujours autant nos concitoyens. Dans cette perspective, nous devons poser un regard objectif sur l’état des finances de la sécurité sociale et faire toute la transparence nécessaire.

Le déficit des régimes de sécurité sociale devrait s’élever à 6,9 milliards d’euros pour l’année 2016, contre 10,2 milliards d’euros en 2015. Ce résultat est inférieur de 2,4 milliards d’euros à la prévision inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Cette amélioration est principalement imputable à la branche maladie et, dans une moindre mesure, à la branche vieillesse, alors que les comptes de la branche famille et du FSV sont plus dégradés que prévu.

Il ne fait pas de doute que le déficit de la sécurité sociale se réduit, après plusieurs années d’efforts significatifs en termes de recettes, mais je n’irai pas jusqu’à affirmer que ses comptes sont à l’équilibre, car minorer les charges et optimiser les recettes ne constitue aucunement une démarche de transparence. Cela ne fait que renforcer nos désaccords, notamment parce que les hypothèses pluriannuelles reposent sur une masse salariale élevée en fin de période.

La situation des finances de l’assurance maladie laisse malheureusement présager un avenir incertain pour les comptes de la sécurité sociale, car la réalité budgétaire des différentes branches est fort inquiétante.

L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts plus importants et à une plus grande maîtrise des dépenses, s’agissant notamment de l’assurance maladie.

La bonne santé de notre système de santé passe notamment par celle de l’hôpital et de l’ensemble des professionnels de santé. Pourtant, en 2017, les hôpitaux publics seront appelés à réaliser 1,5 milliard d’euros d’économies supplémentaires.

En mettant en place les groupements hospitaliers de territoire, vous visez certes à assurer une meilleure coordination de l’offre de soins, mais surtout à réduire les dépenses. Or nous assistons à une rupture inacceptable en matière d’égalité d’accès aux soins avec les fameux « déserts médicaux ».

Ne pas remédier à la désertification médicale, c’est prendre le risque de voir celle-ci s’étendre à d’autres professions de santé, comme c’est déjà le cas dans certains départements. Nous ne pouvons que regretter le rejet de propositions visant à inciter les médecins retraités à exercer en zones sous-denses.

Concernant la liberté d’installation, nous comprenons parfaitement l’attachement des professionnels de santé à ce principe, mais nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas assurer un égal accès aux soins : c’est notre rôle en tant que législateur. À cet égard, la mission proposée par notre rapporteur général devrait permettre d’envisager des solutions pour tendre vers plus d’égalité entre les territoires.

Je regrette également que la proposition de loi de notre collègue député UDI Philippe Vigier ait été rejetée. Cette dernière prévoyait que les médecins libéraux soient tenus de s’installer pour une durée minimale dans des zones sous-dotées.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Proposez cela à François Fillon !

M. Olivier Cigolotti. L’érosion de la protection sociale compromet elle aussi l’égalité en matière d’accès aux soins. Certains restes à charge sont de plus en plus importants. Le « contrat responsable » pour les salariés, censé mettre fin à la surenchère inflationniste de certains remboursements, montre ses faiblesses. Les salariés doivent débourser plus qu’auparavant.

Par ailleurs, que dire du fonds dédié à l’innovation thérapeutique ? L’avoir placé hors du champ de l’ONDAM constitue là encore un artifice de débudgétisation préjudiciable à une lecture objective des comptes.

Le secteur du médicament est sérieusement touché lui aussi : bien qu’il ne représente que 15 % des dépenses de l’assurance maladie, il concentre à lui seul la moitié des économies projetées, soit près de 1,4 milliard d’euros. Cela met ce secteur en péril en termes d’innovation, d’investissement et d’emploi.

Lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par notre assemblée, j’avais présenté un amendement tendant à instaurer un dispositif comparable à ce qui est prévu au niveau européen pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises du secteur pharmaceutique. Il s’agissait de mettre en place des exonérations ou réductions de droits pour les modifications d’autorisation de mise sur le marché. Ces droits forfaitaires pèsent lourdement sur les petites entreprises, fragilisent leur équilibre financier et remettent en cause leur capacité d’emploi. Ils représentent une part importante de leur chiffre d’affaires, déjà mis à mal par les baisses de prix successives.

Pourtant, la France est un pays formidable pour les start-up qui font de la recherche, car elles y bénéficient du crédit d’impôt recherche, dont le calcul est rendu encore plus favorable par le statut spécial des jeunes docteurs. Le label « jeune entreprise innovante » donne droit à un allégement de charges supplémentaire.

Concernant l’allongement des délais nécessaires à l’inscription des dispositifs médicaux sur la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie, les textes réglementaires prévoient que la Haute Autorité de santé et le Comité économique des produits de santé disposent conjointement de 180 jours au maximum pour procéder à cette inscription. Ces délais sont très loin d’être respectés, madame la ministre. Le CEPS lui-même a observé en 2014 des délais moyens de 328 jours pour une primo-inscription et de 345 jours pour une réinscription. La situation s’est depuis lors lourdement aggravée, aucun des dossiers déposés après mars 2015 n’ayant été examiné à ce jour, ce qui fragilise particulièrement le secteur du dispositif médical. Favoriser l’innovation et la recherche pharmaceutique devrait être une priorité pour tout gouvernement !

Néanmoins, certaines dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 sont positives et ont d’ailleurs été soutenues par notre groupe.

Ainsi, le renforcement des missions assignées aux caisses d’allocations familiales avec la création de l’Agence nationale de fixation et de recouvrement des pensions alimentaires s’inscrit dans le prolongement de la généralisation de la garantie contre les impayés de pension alimentaire.

Nous approuvons également l’expérimentation de la vaccination par les pharmaciens, prévue à l’article 39 quinquies, ainsi que la possibilité ouverte à titre expérimental aux médecins généralistes de détenir des vaccins contre les grippes saisonnières.

Je salue également la mise en place du fonds d’indemnisation des victimes de la Dépakine, doté de 10 millions d’euros.

Enfin, l’Assemblée nationale a retouché ce lundi l’article 10, relatif à l’économie collaborative : les particuliers louant des biens via des plateformes collaboratives, comme Airbnb ou Drivy, ne seront pas obligés de se faire enregistrer comme auto-entrepreneurs.

Mes chers collègues, comme je le rappelle lors de chacune de mes interventions, la Cour des comptes appelle à une réforme en profondeur de l’assurance maladie ; je partage son point de vue. Environ 40 % du déficit résulte de causes structurelles.

L’amélioration de la situation financière de la sécurité sociale est réelle, je ne le conteste pas. Pour notre groupe, il n’a jamais été question de privatiser la sécurité sociale.

Compte tenu de nombreux désaccords de fonds constatés dès la première lecture et eu égard à l’inutilité évidente de procéder à une nouvelle lecture, le groupe UDI-UC votera en faveur de l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi par M. Jean-Marie Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,

Considérant que le niveau de prélèvements obligatoires au profit des organismes de sécurité sociale reste celui atteint en 2013 malgré le pacte de responsabilité ;

Considérant qu’en dépit de ce niveau de prélèvements, le retour à l’équilibre de la sécurité sociale n’est pas atteint et que les déficits de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse restent à des niveaux élevés en 2017 ;

Considérant que le retour à l’équilibre n’est constaté que pour les branches (famille, vieillesse, AT-MP) où de réels efforts ont été demandés aux cotisants et aux assurés, alors que votre commission conteste les orientations prises en matière de politique familiale ainsi que le caractère achevé des réformes en matière de retraite ;

Considérant que les mesures prises pour corriger le solde tendanciel de l’assurance maladie consistent, soit en des recettes nouvelles, soit en des transferts de recettes du FSV et de la branche AT-MP, soit en des transferts de charges exceptionnellement élevés sur d’autres branches ou organismes alors que les objectifs fixés par le plan d’économies sur l’ONDAM n’ont pas été atteints, ni pour les soins de ville, ni pour l’hôpital ;

Considérant que l’instauration d’un fonds dédié au financement de l’innovation ne doit pas conduire à faire sortir des dépenses de médicaments hors du périmètre de l’ONDAM ;

Considérant que les perspectives pluriannuelles de recettes et de dépenses de la sécurité sociale reposent sur des hypothèses de masse salariale élevées en fin de période ;

Considérant que la loi de 2014 ne suffira pas à garantir la pérennité du système de retraite à moyen terme et qu’il est nécessaire de prendre rapidement des mesures d’adaptation à l’évolution de l’espérance de vie ;

Considérant, que la ponction de 0,05 point de cotisation AT-MP au profit de l’assurance maladie contrevient au principe d’autonomie des branches ;

Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 154, 2016-2017).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour la motion.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

La commission mixte paritaire a constaté l’existence d’un profond désaccord entre la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat sur la politique à conduire en matière de sécurité sociale.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est sûr !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ce désaccord porte d’abord sur le diagnostic.

Notre pays a connu un choc fiscal sans précédent, qui n’a été que partiellement compensé par le pacte de responsabilité. Les prélèvements obligatoires au profit des administrations de sécurité sociale ont été stabilisés au niveau très élevé atteint en 2013.

Malgré cela, les comptes de la sécurité sociale ne sont pas à l’équilibre, puisqu’un déficit prévisionnel de 4,1 milliards d’euros est annoncé pour 2017, dont 3,8 milliards d’euros pour le Fonds de solidarité vieillesse et 2,6 milliards d’euros pour l’assurance maladie.

Pour les autres branches, l’équilibre a été atteint à grand renfort de hausses de cotisations – vieillesse et AT-MP – ou, pour la branche famille, en diminuant les prestations, et pas seulement pour les familles aisées.

Pour l’assurance maladie, les économies sous ONDAM sont présentées comme exceptionnelles, mais, sur 4 milliards d’euros, 500 millions d’euros n’ont aucun effet sur le solde de l’assurance maladie !

Les autres branches et organismes sont mis à contribution : la branche AT-MP, le FSV, la CNSA, les fonds hospitaliers sont tous taxés en charges ou en produits pour satisfaire à la priorité des priorités : redresser les comptes de l’assurance maladie.

Mais ces mesures ne sont pas pérennes ; elles ne se traduiront pas par une amélioration durable ! Vous nous avez demandé de manière insistante, monsieur le secrétaire d'État, quel niveau d’ONDAM nous souhaitions.

Nous souhaitons avant tout un ONDAM sincère, qui retrace fidèlement les dépenses relevant de son périmètre.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Donnez-nous un chiffre ! Indiquez-nous un taux de progression !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Vous nous avez mis en demeure de nous prononcer sur les mesures nouvelles en dépenses que vous avez prises : la France a-t-elle les moyens de les mettre en œuvre sans rien changer par ailleurs ? Ce n’est pas sûr.

Faut-il le statu quo à l’hôpital ? Nous sommes certains du contraire.

En désaccord sur le diagnostic, nous le sommes aussi, logiquement, sur les préconisations.

Avec des dépenses représentant 14 % du PIB, un niveau de revenu des nouveaux retraités globalement supérieur à celui des actifs et un allongement de la durée de vie, comment pouvez-vous considérer que la réforme des retraites est achevée ?

Le système de santé serait si efficace qu’il n’appellerait aucune réforme nouvelle ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous êtes un peu court sur l’ONDAM. Je reste sur ma faim !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Notre vision de la politique de soins à mettre en place sur le territoire national est différente de la vôtre.

Puisque le travail du Sénat a été caricaturé et utilisé pour critiquer le programme du candidat à l’élection présidentielle que soutiennent les membres de la majorité sénatoriale, je souhaite procéder à quelques mises au point.

Personne, et François Fillon encore moins que quiconque, ne remet en cause le principe fondateur de la sécurité sociale : on paie selon ses moyens, on est soigné selon ses besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

Les messages véhiculés par le Gouvernement sur les réseaux sociaux, à la télévision et sur les radios à propos du programme de François Fillon en matière de santé me scandalisent…

M. Didier Guillaume. Nous, c’est son programme qui nous scandalise !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … et montrent que la gauche ne peut refaire son unité que contre le projet du candidat de la droite, faute d’un bilan qui lui permette de sortir grandie de cette mandature. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

Ainsi, le bilan du président Hollande en matière de santé est consternant. C’est l’étatisation de la gouvernance, et donc la bureaucratisation du système.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ses gouvernements ont renforcé outrageusement les pouvoirs des agences régionales de santé, notamment en matière de soins de ville, en créant les communautés professionnelles territoriales de santé et en affaiblissant les cliniques privées avec la mise en place des autorisations d’activité.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 contient des mesures contre les radiologues et les dentistes, qui vident de sa substance la politique conventionnelle avec l’assurance maladie.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le Président de la République et ses gouvernements ont mis à mal l’unité solidaire de notre système de santé en privatisant la gestion du risque avec la loi Le Roux. Les réseaux de soins installés par la gauche confèrent aux assureurs privés le pouvoir d’orienter les patients vers les professionnels de santé de leur choix et d’agir sur les prescriptions de ces derniers. C’est la fin de la liberté de choix de son professionnel de santé et la fin de l’indépendance des professionnels soignants. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.) Dans ces conditions, qui promeut la privatisation du système de santé ? Sûrement pas François Fillon !

Le bilan du président Hollande, c’est la baisse des remboursements, en raison des cadeaux faits aux mutuelles.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous n’aimez pas les mutuelles, vous préférez les assurances privées !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Avec la généralisation des contrats collectifs à tous les salariés et le plafonnement du remboursement des contrats responsables, François Hollande et ses gouvernements ont réussi l’exploit de faire baisser les remboursements assurés par les contrats de santé privés des Français tout en renchérissant les primes payées par ceux-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La généralisation des contrats collectifs a transféré 3,6 millions de salariés du marché des contrats individuels vers celui des contrats collectifs, ce qui va renchérir le coût des contrats individuels souscrits par les retraités et les chômeurs.

Les contrats ANI vont remplacer progressivement les anciens contrats collectifs. Or ces contrats n’assurent qu’une couverture misérable du risque, forçant les assurés – ceux qui en ont les moyens – à souscrire une surcomplémentaire.

M. Jean-François Husson. Et voilà le travail !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Quel exploit d’avoir réussi à dégrader tout le système de couverture complémentaire d’assurance privée !

En matière de renoncement aux soins, comme si cela ne suffisait pas, François Hollande et ses gouvernements ont décidé que les contrats responsables – qui représentent 96 % du marché – ne rembourseront plus au-delà de 100 % du tarif de la sécurité sociale les prestations des médecins de secteur 2. Pour affaiblir la médecine libérale française, dont beaucoup de spécialités ne peuvent vivre que grâce au secteur 2, François Hollande et ses gouvernements ont créé des renoncements aux soins supplémentaires en médecine de ville en augmentant le reste à charge.

C’est l’affaiblissement de la médecine libérale et des cliniques privées. Dès leur arrivée au pouvoir, le Président de la République et ses gouvernements n’ont eu de cesse de désavantager les professionnels de santé libéraux en rendant leurs pratiques tarifaires responsables des difficultés en matière d’accès aux soins, pourtant largement dues aux dysfonctionnements des organismes complémentaires, d’exclure les cliniques privées du service public hospitalier en diminuant les tarifs de séjour et en instaurant la notion de « bénéfices raisonnables ».

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La compagnie AXA vous remercie !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. François Fillon propose, lui, de ne plus opposer public et privé,…

M. Didier Guillaume. Mais de faire payer les gens !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … mais de prendre acte du fait que, sur le terrain, ils sont complémentaires. Notre système doit reposer sur les deux jambes qui font sa force : le public et le privé.

Par ailleurs, notre système souffre d’un retard dramatique en matière de numérique et d’e-santé, et le Gouvernement ne nous propose qu’une politique de petits pas.

Pour sa part, la majorité sénatoriale a fait des propositions constructives, étayées et responsables, aussi bien lors de la discussion du projet de loi de modernisation de notre système de santé que dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Qu’en ont retenu le Gouvernement et l’Assemblée nationale ? Rien ! On nous accuse de ne pas vouloir discuter, alors qu’on refuse de nous entendre. Il est temps d’assumer nos désaccords !

Certains propos tenus hier à l’Assemblée nationale m’ont beaucoup étonné. Nous n’entendons pas remettre en cause la protection universelle maladie, la CMU-C, l’aide au paiement d’une complémentaire santé. Une femme enceinte n’est pas une femme malade : elle ne relève pas des petits risques, ni des gros, et sera remboursée à 100 %.

Mme Catherine Génisson. On ne sait pas !

Mme Nicole Bricq. Cela montre qu’il y avait matière à débattre !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Une personne âgée souffrant d’hypertension artérielle sera prise en charge comme aujourd’hui si son cas est bénin, à 100 % sinon. Et tout cela ne coûtera pas 3 200 euros de plus par foyer fiscal !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Dans le cas contraire, avec 18 millions de foyers fiscaux en France, cela ferait 60 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires ! Jamais François Fillon n’a envisagé une telle mesure !

M. François Bonhomme. C’est ce qui les ennuie !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il faut en finir avec ces mensonges ! Il est regrettable que l’on en soit arrivé là ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il est temps que nous constations nos désaccords. Les Français trancheront dans quelques mois. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. Didier Guillaume. Exactement ! Et le Parlement ne sert à rien !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, contre la motion.

Mme Evelyne Yonnet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’étude du budget de la sécurité sociale et la recherche de son équilibre constituent une affaire sérieuse. Rigueur et volonté de servir l’intérêt général sont les priorités, les objectifs que le Gouvernement s’est fixés. De toute évidence, cela ne répond pas au vœu de tous…

M. François Bonhomme. Ça commence !

Mme Evelyne Yonnet. En effet, le candidat des Républicains a confirmé à la télévision son projet de remettre en cause la sécurité sociale, en indiquant que « les plus modestes ne seront pas moins remboursés ». Cela veut-il dire que les classes moyennes, elles, le seront ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Très bien !

M. Didier Guillaume. C’est plus que probable !

M. François Bonhomme. Halte aux fantasmes !

Mme Evelyne Yonnet. On en conviendra, ces propos sont violents dans le paysage politique actuel. Ce n’est pas en désarmant et en désétatisant la sécurité sociale que l’on résoudra les maux de notre société. Au contraire, une telle politique les amplifiera, et vous le savez, chers collègues de la majorité sénatoriale.

Je vous le dis en toute honnêteté : nous aurions préféré poursuivre le débat, ne serait-ce que pour confronter nos idées et nos convictions politiques,…

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq. Nous sommes là pour ça !

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est le rôle du Parlement !

Mme Evelyne Yonnet. … dans le respect de l’autre, chacun, bien entendu, restant soi-même. Cela aurait permis aux Français de connaître les orientations politiques de chaque groupe de la Haute Assemblée.

Les membres du groupe socialiste et républicain attendaient, de votre part, un budget contradictoire à celui du Gouvernement, que certains critiquent en allant jusqu’à parler de « bidouillage », de « budget insincère » ou de « comptes maquillés »… Il est certes plus facile de tenir de tels propos que de mener un véritable débat politique.

En réalité, vous avez fait le choix d’entériner la fin de l’assurance maladie solidaire, tandis que, pour notre part, nous faisons celui d’une protection universelle pour tous les Français, en fonction non de leurs revenus, mais de leurs besoins. J’en veux pour preuve la mise en place du tiers payant,…

MM. Roland Courteau et Didier Guillaume. Très bonne mesure !

Mme Evelyne Yonnet. … qui représente une garantie universelle face aux risques de la maladie.

Quel paradoxe, alors que vous êtes en partie – en partie seulement, mais tout de même – porteurs de l’héritage politique du Conseil national de la Résistance…

M. François Bonhomme. Et pourquoi pas de celui de René Coty ?

Mme Evelyne Yonnet. … et de ceux qui, en 1945, ont pensé la sécurité sociale pour tous et toutes ! Je songe notamment à Pierre Laroque et à Ambroise Croizat.

Force est de constater que, au cours de nos divers échanges, vous avez été les premiers à réclamer des économies sur le budget de l’État – entre 100 milliards et 150 milliards d’euros –, sans bien sûr préciser quelles lignes budgétaires vous auriez réduites, voire supprimées.

Comment pouvez-vous prétendre vouloir défendre, protéger et représenter les classes les plus populaires en prônant des restrictions budgétaires aussi drastiques ? Avez-vous une recette miracle ?

Au moment où les Français expriment certaines inquiétudes…

M. François Bonhomme. Il serait temps de s’interroger !

Mme Evelyne Yonnet. … et s’éloignent du personnel politique, il est de notre devoir, en tant que parlementaires, de garantir les fondements de nos politiques sociales.

Avouez que votre position n’a aucun sens ! Vous le savez bien, ce budget est le plus équilibré de ces quatorze dernières années. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Evelyne Yonnet. Lionel Jospin avait commencé le travail en 2002.

M. François Bonhomme. Que s’est-il passé, cette année-là ?

Mme Evelyne Yonnet. Le premier quinquennat de François Hollande aura été marqué par un redressement sans précédent des comptes sociaux, accompagné de réformes structurelles profondes qui permettront, en 2017, le rééquilibrage de la sécurité sociale. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Évelyne Yonnet. Oui, c’est encore une fois la gauche qui rééquilibre les budgets ! (Exclamations ironiques sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Pour mémoire, en 2012, le déficit des comptes sociaux était de 23,9 milliards d’euros. Aujourd’hui, il n’est plus que de 400 millions d’euros.

M. Didier Guillaume. Les chiffres sont têtus !

Mme Evelyne Yonnet. Oui, que vous le vouliez ou non, l’action entreprise se traduit aussi par une baisse significative du reste à charge pour les patients, qui passe de 9,3 % à 8,3 %, soit une réduction de près d’un dixième. Cela a permis de redistribuer en pouvoir d’achat près de 1,3 milliard d’euros.

M. François Bonhomme. On n’a rien remarqué !

Mme Evelyne Yonnet. Outre la baisse des déficits et la redistribution aux ménages, le Gouvernement a mis en œuvre de nombreuses améliorations : revalorisation des pensions de retraite et du minimum vieillesse, aides destinées aux jeunes actifs, couverture maladie universelle, protection familiale élargie, extension du tiers payant, qui concerne aujourd’hui 15 millions de personnes…

Or vous dénoncez un échec total de la politique menée par nos gouvernements depuis quatre ans. Nous avons bien compris que la mise en œuvre de l’ensemble du programme de votre candidat aboutirait à la suppression du modèle français tel qu’il existe aujourd’hui. Pour nous, socialistes, votre choix à un nom et un visage : celui du système de santé américain instauré sous Reagan, un système privatisé au bénéfice de sociétés d’assurances aux prestations extrêmement onéreuses, fondé sur la prise en compte des revenus et non sur celle des besoins ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Appliquer ce programme, ce serait ouvrir la porte à un système de santé à double vitesse. Seuls les riches pourraient se soigner. La sécurité sociale française cesserait alors d’être un modèle envié dans le monde entier. Les Français doivent le savoir !

M. Guy-Dominique Kennel. Ils savent déjà ce qu’il en est !

Mme Evelyne Yonnet. Concrètement, seuls les soins liés au traitement des maladies chroniques – cancer, diabète ou Alzheimer, par exemple – pourraient être remboursés par la sécurité sociale. Pour tout le reste, les Français en seraient de leur poche…

M. François Bonhomme. C’est déjà le cas !

Mme Evelyne Yonnet. … ou devraient payer plus cher via une assurance privée. Et ne parlons pas du traitement des caries, de la contraception des mineures ou de l’IVG,…

Mme Nicole Bricq. Nous en reparlerons bientôt !

M. François Bonhomme. Les lunettes pour la vue !

Mme Evelyne Yonnet. … qui seront également déremboursés, ce qui est inacceptable. Vous souhaitez en outre supprimer l’aide médicale d’État, l’AME ; c’est votre vieille obsession.

Enfin, comme je le disais précédemment, la mise en œuvre des mesures que vous préconisez aura pour conséquence l’émergence d’un système de santé qui sera progressivement monopolisé par les mutuelles privées. Elle annoncera la mort de notre Sécurité sociale.

Nous le répétons haut et fort, une telle démarche n’est pas fidèle à l’esprit du CNR et va au rebours de toutes les avancées obtenues depuis près de soixante-dix ans.

M. Roland Courteau. Marche arrière toute !

Mme Evelyne Yonnet. Vous cherchez à la justifier par la contrainte budgétaire. C’est mentir aux Français,…

M. Cédric Perrin. Le concours de mensonges, vous le remportez haut la main !

Mme Evelyne Yonnet. … la commission des comptes de la sécurité sociale, qui est une instance indépendante, ayant indiqué que l’assurance maladie ne s’était jamais aussi bien portée depuis quinze ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

En réalité, ce bouleversement annoncé relève d’un choix idéologique de votre part : vous partez du principe que la santé n’a pas à être prise en charge par la solidarité nationale.

Je réaffirme la position du groupe socialiste et républicain : pour notre part, nous défendons une protection sociale pour toutes et tous,…

Mme Evelyne Yonnet. … et non une sécurité sociale sélective. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Nous voterons donc contre cette motion tendant à opposer la question préalable. L’équilibre de la sécurité sociale, ce n’est pas qu’une affaire de chiffres ; c’est un gage de confiance dans l’avenir face aux risques de la vie, de la maladie et de la vieillesse.

M. Alain Bertrand. Belle éloquence !

Mme Evelyne Yonnet. Chacun votera en son âme et conscience, sachant qu’il y va de la santé de tous les Français. Chers collègues du groupe Les Républicains, je vous souhaite une très bonne santé, au détriment de celle des Français ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. –Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand et Mme Hermeline Malherbe applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets bien sûr, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, la meilleure manière de lever toute ambiguïté quant aux intentions du candidat désormais désigné de la droite et du centre serait d’annoncer que les dispositions inscrites dans son programme en matière de protection sociale sont nulles et non avenues ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Bricq. M. Fillon va certainement le dire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis la première à dire qu’une grossesse n’est pas une maladie.

Mme Marisol Touraine, ministre. Si la sécurité sociale doit se limiter à prendre en charge les soins liés aux maladies graves et aux affections de longue durée, comme vous le préconisez, quid du suivi des maternités ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Bertrand. Mme la ministre a raison !

M. Didier Guillaume. Il faut le préciser !

M. François Bonhomme. C’est du délire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Soit ce qui est écrit dans le programme de votre candidat ne correspond pas à vos réelles intentions, soit vous commencez à rétropédaler. Dès lors, existe-t-il un projet caché ?

M. Cédric Perrin. La ficelle est un peu grosse !

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas sérieux !

Mme Marisol Touraine, ministre. La question est simple, elle appelle une réponse claire. Le projet du candidat Fillon (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Jean-François Husson. Parlez-nous plutôt de votre propre projet !

Mme Marisol Touraine, ministre. … qui est désormais le programme de la droite et du centre en vue de l’élection présidentielle, a le mérite de la clarté : il annonce une rupture, dont nous contestons la pertinence. Nous nous étonnons que vous souhaitiez désormais créer des ambiguïtés et des zones d’ombre autour de ce qui a été dit et écrit. Les prochains mois doivent permettre aux Français de savoir de quoi leur avenir sera fait si le candidat de la droite et du centre est élu.

M. Didier Guillaume. Une clarification s’impose !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je le répète : tel qu’il est aujourd’hui rédigé, le programme présenté annonce une rupture majeure au regard du consensus transpartisan qui prévalait jusqu’à présent sur le modèle français de sécurité sociale. Ce consensus est aujourd’hui remis en cause.

M. François Bonhomme. Chez vous, c’est le sauve-qui-peut !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le programme de la droite et du centre était clair,…

M. Daniel Laurent. Et chez vous, tout est parfaitement clair ?

Mme Marisol Touraine, ministre. … mais, depuis quelques jours, des doutes, des incertitudes, des tentatives de justification apparaissent. Les Français jugeront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Mes chers collègues, avant tout, je tiens à préciser que nous ne sommes pas, par principe, hostiles au dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable, dès lors que c’est le seul moyen d’exprimer un désaccord de fond avec le texte présenté. À plusieurs reprises, le groupe communiste républicain et citoyen a lui-même utilisé cette procédure, qui est un attribut du pouvoir parlementaire.

Toutefois, nous ne voterons pas la présente motion.

Je sais que la majorité sénatoriale reproche au Gouvernement l’insincérité de certaines prévisions budgétaires et de certains équilibres affichés. Mais, dans le même temps, les élus du groupe CRC regrettent qu’il faille presque lire entre les lignes le texte de cette motion pour comprendre que ses auteurs auraient, en réalité, souhaité encore plus d’économies et de coupes claires dans un budget qui, pourtant, en comprend déjà pour plus de 4 milliards d’euros, encore plus d’austérité en matière de soins de ville et de dépenses hospitalières, alors que l’ONDAM est déjà bien en deçà des besoins, encore plus de conditions restrictives en matière de départs à la retraite.

Bien évidemment, nous avons une divergence de fond avec nos collègues de la majorité sénatoriale. À nos yeux, il faudrait d’abord agir sur les recettes, comme l’a rappelé ma collègue Laurence Cohen. Cela nous semble même indispensable, si nous voulons faire bénéficier tous les assurés sociaux des progrès scientifiques et technologiques ou relever le défi du vieillissement de notre société.

Nous regrettons que la majorité sénatoriale n’ait pas « tout mis sur la table », à commencer par les propositions du candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle : je pense notamment au report de l’âge légal de départ à la retraite à soixante-cinq ans, au principe selon lequel il faudrait « travailler plus pour gagner moins », à la réduction du périmètre de la sécurité sociale au bénéfice des assurances privées et des mutuelles.

Nous sommes en complet désaccord avec de telles orientations. En effet, si nous sommes globalement opposés au budget de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement, c’est précisément parce qu’il ne traduit aucune ambition nouvelle et s’inscrit dans le moule de politiques d’austérité que la droite veut encore aggraver !

Vous l’aurez compris, nous ne mélangerons pas nos voix à celles de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Les sénateurs du groupe de l’UDI-UC suivront bien entendu le rapporteur général. Le Gouvernement et les représentants de l’Assemblée nationale à la commission mixte paritaire ont fermé la porte au débat, et poursuivre cette nouvelle lecture au Sénat serait donc vain.

Le budget de la sécurité sociale est bien supérieur à celui de l’État. L’examen du PLFSS revêt donc une extrême importance. Or, nous n’étions pas dix dans cet hémicycle pour participer aux dernières heures de la discussion en première lecture… Cela donne une très mauvaise image du Sénat ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Je rappelle en outre que l’avis du Gouvernement est défavorable.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 69 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 187
Contre 154

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 est rejeté.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
 

10

Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. La commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Sylvie Robert membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

11

Nomination d'un membre d'une commission spéciale

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Frédérique Gerbaud membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, en remplacement de M. Louis Pinton, décédé.

12

Conférence des présidents

M. le président. À la suite de l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017 le mercredi 30 novembre, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents réunie le 16 novembre dernier.

Mardi 6 décembre, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir, le matin étant réservé aux questions orales :

- Proposition de résolution invitant le Gouvernement à utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak ;

- Proposition de loi tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires ;

- Proposition de résolution en faveur de la réduction des normes applicables à l’agriculture.

Mercredi 7 décembre, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

- Suite de la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional ;

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.

De dix-huit heures trente à vingt heures et de vingt et une heures trente à minuit :

(Ordre du jour réservé au groupe écologiste)

- Proposition de résolution visant à généraliser les contrats de ressources ;

- Deuxième lecture de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.

Jeudi 8 décembre :

À dix heures trente : débat sur le thème : « Le Massif central, un enjeu de développement territorial ».

À quinze heures : débat sur la situation et l’avenir de La Poste.

Lundi 12 décembre, à quinze heures et le soir : projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

Mardi 13 décembre :

À quatorze heures trente : suite du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

À dix-huit heures : débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre.

Le soir : suite du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

Mercredi 14 décembre, à quatorze heures trente et le soir : suite du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

Il n’y a pas d’observation ?…

Ces propositions sont adoptées.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

13

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Je demande à chacun de vous, mes chers collègues, de respecter le temps de parole qui lui est imparti et d’être attentif au respect des uns et des autres.

Pour des raisons d’ordre pratique, les auteurs de question ne pourront utiliser leur droit de réplique que s’il leur reste plus de cinq secondes de temps de parole.

politique générale (i)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Selon le procureur de la République de Paris, notre pays aurait dû être frappé aujourd’hui même par un terrible attentat, finalement déjoué par nos services de renseignement.

Nous vivons depuis plus d’un an sous le régime de l’état d’urgence, que vous nous proposerez prochainement de prolonger de nouveau.

Depuis plusieurs semaines, nos concitoyens assistent, atterrés, à l’inversion des priorités. Les menaces contre la sécurité de notre pays n’ont jamais été aussi graves ; elles exigent la concentration et la mobilisation totale de l’exécutif. Pourtant, le Président de la République et vous-même, monsieur le Premier ministre, poursuivez une magistrale partie de go pour savoir qui encerclera l’autre et lui fera abandonner ses prétentions présidentielles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Albéric de Montgolfier applaudit.)

Les Français sont, à juste titre, choqués et inquiets ! Vous semblez tous deux, en effet, davantage concernés par votre éventuelle participation à une élection primaire que par leurs problèmes quotidiens ou par leur sécurité.

Ils sont également préoccupés de constater que vous avez, lui et vous, attisé la flamme d’une crise institutionnelle. Chacun se demande comment le Président de la République ou le Premier ministre pourrait, après avoir été battu aux primaires, continuer d’exercer ses fonctions.

Cette situation pose avec gravité la question de la stabilité de nos institutions, d’autant que, depuis la publication inédite de ses confidences, le Président de la République fait face à une crise d’autorité et de respect inédite sous la Ve République de la part de sa propre majorité, de son Premier ministre et, surtout, des Français.

M. Didier Guillaume. Ces propos ne sont pas à la hauteur du Sénat !

Mme Catherine Morin-Desailly. Quelles assurances pouvez-vous donner à nos concitoyens afin que l’intérêt supérieur de la Nation prime tout le reste, notamment les querelles d’ambition ? Quelles garanties pouvez-vous apporter pour que le Gouvernement soit effectivement en ordre de marche jusqu’à la fin de son quinquennat ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, je vous répondrai aussi clairement que je l’ai fait hier à l’Assemblée nationale.

Ma conception des institutions – j’ai eu l’occasion de le rappeler ici – n’a pas changé. Vous évoquez une crise institutionnelle, qui n’existe pas.

En tant que Premier ministre – il ne peut pas en être autrement dans les institutions de la Ve République, ainsi que dans nos rapports personnels –, j’entretiens des rapports de confiance et de respect avec le Président de la République.

Ces polémiques n’intéressent pas. Ce qui m’importe dans les fonctions que j’exerce depuis 2012, c’est la situation des Français.

Comme je l’ai souligné hier à l’Assemblée nationale, nous devrions au moins nous mettre d’accord sur un point : lorsqu’il s’agit du terrorisme, de la menace lourde qui pèse sur notre pays, que vous avez eu raison de rappeler, il faut saluer, contrairement à ce que j’entends parfois, l’extraordinaire engagement de nos forces de sécurité et de nos services de renseignement. Des attentats ont été déjoués il y a quelques jours, d’autres l’avaient été il y a quelques semaines. Ces services travaillent jour et nuit à démanteler les réseaux, à prévenir et à empêcher les attentats. Je veux qu’on leur rende un hommage appuyé parce qu’ils nous protègent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Madame la sénatrice, croyez-moi, si quelque chose devait nous empêcher de dormir – permettez-moi cette expression familière –, le Président de la République, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense et moi-même, ce serait évidemment le risque terroriste. D’ailleurs, ce qui nous mobilise depuis le mois de janvier 2015, c’est bien – mais pas seulement ! – la lutte contre le terrorisme, au moment où les menaces ne cessent, par vidéo, notamment, de prendre la France pour cible, parce que nous sommes engagés en Syrie et en Irak.

Telle est, madame la sénatrice, ma conception des institutions, de ma relation avec le chef de l’État et de notre engagement.

Le reste, c’est la bataille politique. Une nouvelle fois, le destin du pays est engagé. Or c’est la moindre des choses que nous participions à ce débat, sans oublier notre tâche, pour défendre ce que nous avons fait depuis 2012, pour observer, critiquer et contester ce que propose aujourd’hui François Fillon, qui n’était pas votre candidat il y a quelques semaines. Je considère – mais nous en débattrons – que ce projet est dur pour les Français, notamment pour les plus modestes. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est très éloigné de ce qu’il faut, à mon sens, pour le pays. Mais c’est cela le débat.

Nous devrons également nous projeter dans l’avenir parce que le monde a beaucoup changé et que les défis sont considérables. C’est l’honneur de la politique que d’essayer d’y répondre.

Madame la sénatrice, de grâce, ne doutez pas un seul instant que notre préoccupation est d’abord la protection des Français et de leurs intérêts ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

politique générale (ii)

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Louis Carrère. Voilà le meilleur !

M. François Grosdidier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le quinquennat s’achève dans la crise de régime, passant de la dyarchie à l’anarchie.

M. François Grosdidier. Un marin louvoie pour atteindre son cap, le Président de la République louvoie toujours parce qu’il n’a jamais de cap ! Le pédalo s’est transformé en radeau de la méduse. (MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido applaudissent. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Perdu à bâbord, perdu à tribord, sans boussole, le pacha ne peut regarder ailleurs que dans son miroir. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain martèlent leur pupitre et couvrent la voix de l’orateur.) Dans son chef d’œuvre narcissique intitulé Un président ne devrait pas dire ça, il trahit sa fonction. Pour se faire valoir, il livre petits et grands secrets du pouvoir et même de nos services secrets. Vous avez qualifié cela de « catastrophe » et de « suicide politique ». Le Président de l’Assemblée nationale est plus sévère encore.

M. Didier Guillaume. Où avez-vous vu une catastrophe ?

M. Jean-Louis Carrère. C’est vous, la catastrophe !

M. François Grosdidier. Ses anciens ministres font déjà campagne contre le Président ; ceux qui le sont encore spéculent sur les alternatives. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Ça suffit maintenant !

M. François Grosdidier. Dans le Journal du dimanche, vous n’excluez pas de vous présenter contre M. Hollande. Et d’ailleurs M. Bartolone vous y invite ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, qui couvrent la voix de l’orateur.)

Surréaliste, le dernier conseil des ministres a donné lieu à une mise au point, aussi insincère que théâtralisée, entre le Président et vous. Jamais le sommet de l’État n’était tombé aussi bas. La République n’a plus de tête, mais, comme le canard, elle court sans tête. (Mêmes mouvements. – Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain continuent de marteler leur pupitre.)

M. Didier Guillaume. Un peu de respect !

M. François Grosdidier. On ne va pourtant jamais loin ainsi !

Heureusement, il ne reste plus que six mois. C’est peu, mais c’est trop, en pleine guerre contre le terrorisme !

M. Alain Bertrand. On va regagner !

M. Didier Guillaume. Il suffit ! Ce n’est pas une question d’actualité !

M. François Grosdidier. Comment comptez-vous, dans de telles conditions, préserver la dignité des plus hautes fonctions de l’État et l’efficacité de nos services ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l’UDI-UC. – Protestations bruyantes sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, j’aime le débat public et la confrontation.

M. Gérard Longuet. Cela vaut mieux !

M. Éric Doligé. Vous êtes servi !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il en est ainsi de la vie démocratique. Je veux souligner – je réponds là aussi à votre collègue – que, malgré la menace terroriste, qui, je le répète, est lourde, avec l’engagement qui est le nôtre au Sahel et au Levant, malgré ce qui pèse sur notre pays comme sur l’Europe, nous sommes capables, les uns et les autres – normalement ! –, de démontrer que la France est un grand pays démocratique.

D’une certaine manière, vous l’avez fait avec la primaire de la droite et du centre, nous devons en faire la démonstration tout au long de la campagne présidentielle. Dans un pays qui vit sous la menace, avec l’état d’urgence, il nous revient de montrer que notre démocratie a cette vitalité. C’est la plus belle des réponses que nous pouvons adresser à ceux qui veulent nous diviser.

Voilà pourquoi je ne partage en aucun cas la violence et le cynisme de votre question. Aborder les débats ainsi, cela ne m’intéresse pas ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Parlons des vrais sujets : le modèle républicain, l’égalité entre les femmes et les hommes, la place de la laïcité, le rôle essentiel de l’éducation et de la formation, parce que les grandes nations doivent miser sur l’école, la formation et, bien sûr, la culture pour préparer l’avenir. Parlons de notre modèle social, de l’idée que nous nous faisons de la protection sociale et de son financement, de la santé.

M. Didier Guillaume. Voilà l’enjeu !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Parlons de vos projets concernant la santé, les déremboursements, les politiques envers les plus modestes et les plus faibles de notre société. Ce sont ces sujets que nous devons évoquer !

Parlons de nos alliances, de notre stratégie à l’égard des États-Unis d’Amérique, de la Russie, de ce que nous voulons pour l’Europe.

Parlons de ces sujets-là, plutôt que des remarques d’un sénateur, monsieur Grosdidier, d’un député ou d’un responsable politique, qui commenterait ici ou là la presse. Cela n’a aucun sens et abîme la politique (Mme Odette Herviaux applaudit.), contrairement à ce qui s’est passé à l’occasion de votre primaire.

Enfin, monsieur le sénateur, je vous le dis très tranquillement, je revendique avec fierté le bilan de l’action que nous avons engagée. Il nous faudra le défendre devant les Français. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je revendique d’être pleinement ancré à gauche parce que la démocratie a besoin d’une droite et d’une gauche pour faire reculer l’extrême droite.

Je demande que nous ayons un débat à la hauteur de ce qu’attendent les Français. Pas d’arrogance, d’un côté comme de l’autre ; l’élection n’est pas jugée, et vous devriez le savoir, monsieur Grosdidier. Faites preuve d’un peu de modestie : il y a quelques semaines, vous n’imaginiez pas un instant intervenir au Sénat ou appeler à voter François Fillon, comme vous l’avez fait il y a quelques jours ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce sont les Français qui choisiront dans quelques mois, et non vous tout seul ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour la réplique. (Huées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Grosdidier. À vous entendre, la presse ment ! En réalité, vous ne croyez pas un mot de ce que vous dites parce que vous êtes tiraillé entre lucidité et loyauté. Vous vous mentez mutuellement avec le Président de la République, c’est pathétique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur Retailleau, vous ne devriez pas le laisser faire cela !

brexit

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Ma question, qui s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, concerne l’état d’avancement des prénégociations sur le Brexit.

Monsieur le secrétaire d’État, voilà près de six mois que les Britanniques ont fait le choix par référendum de quitter l’Union européenne. C’est un choix démocratique qui, si nous le regrettons, doit désormais trouver une traduction concrète et être mis en œuvre sans tarder.

Or, depuis le 23 juin dernier, le gouvernement britannique, conduit par Mme Theresa May, n’a toujours pas adressé à Bruxelles la demande officielle de sortie, conformément à la procédure prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne.

Cette notification devrait, nous dit-on, parvenir à la fin du premier trimestre de l’année 2017, différant d’autant le début des négociations officielles entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.

Bien évidemment, sans attendre cette date, pour le moins tardive, des discussions et des réflexions, aussi bien du côté britannique que du côté de Bruxelles et des pays membres, ont commencé sur les conditions de ce divorce.

C’est ainsi que l’on apprend ces jours-ci, sans grande surprise, que les Britanniques cherchent à obtenir le beurre et l’argent du beurre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Si bien que certains de nos partenaires – la Pologne, la Suède ou les Pays-Bas – ont fortement réagi et ont mis en garde le Royaume-Uni contre toute tentative de garder un pied dans l’Union européenne et l’autre en dehors. La France partage-t-elle cette position ? Dans cette période cruciale de prénégociations, les Vingt-Sept affichent-ils un front véritablement uni face aux Britanniques ?

Plusieurs sujets de divergence semblent apparaître, parmi lesquels le sort de la City, celui des trois millions de ressortissants européens vivant aujourd’hui au Royaume-Uni, l’accès au marché unique et la libre circulation des personnes. Comment la France se positionne-t-elle ?

Estimons-nous, comme l’Allemagne, qu’il n’est pas question de diviser les libertés européennes ni de les marchander les unes contre les autres ?

Monsieur le secrétaire d'État, n’est-ce pas une question de principe : en la matière, le divorce ne doit-il pas se faire d’abord au détriment de celui qui a décidé de partir ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE. – Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le Royaume-Uni a décidé de sortir de l’Union européenne. Nous le regrettons, nous n’avions pas souhaité que ce référendum ait lieu, il n’était pas demandé par les autres États membres de l’Union européenne, mais tel a été le choix souverain, démocratique et libre du peuple britannique consulté sur cette question.

La France, comme l’ensemble des États membres, doit aborder la négociation qui va s’ouvrir avec des principes marqués par la clarté et la fermeté.

La clarté, c’est d’abord – premier principe – qu’il ne peut y avoir de prénégociations avant le recours à l’article 50. De ce point de vue, le Président de la République a été extrêmement ferme (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), en rappelant qu’il revenait à la Première ministre britannique, comme elle s’y est engagée, de le déclencher. Mme May a indiqué qu’elle le ferait au mois de mars prochain. Elle sera peut-être amenée à consulter la Chambre des communes avant cela, mais il faut que cette notification se fasse le plus rapidement possible pour que, dans le délai de deux ans prévu par le traité, le Royaume-Uni puisse être sorti de l’Union européenne. Nous souhaitons, en particulier, que ce soit le cas avant le renouvellement de la Commission européenne et du Parlement européen.

Deuxième principe, tous les États membres sont très attentifs à maintenir un lien entre ce que l’on appelle « les quatre libertés de circulation » : des biens, des services, des capitaux et des personnes. Il ne saurait être question qu’un futur État tiers continue à avoir accès au marché unique alors qu’il ne respecterait pas la liberté de circulation des personnes.

Troisième principe – d’une certaine façon, le principal –, aucun État tiers ne peut et ne pourra bénéficier d’un statut plus favorable qu’un État membre. Il n’est pas possible d’être à l’extérieur de l’Union européenne, de ne plus en subir les obligations, les contributions au budget, le respect des règles et, en même temps, de continuer à bénéficier des politiques communes qui vous intéressent, en faisant une sorte de choix entre les unes et les autres.

Nous serons donc très clairs, l’unité des Européens est décisive, et il est nécessaire d’assurer une très grande cohésion entre les Vingt-Sept. On ne saurait imaginer demain que d’autres États imitent le Royaume-Uni, au motif qu’ils garderaient ce qui les arrange, mais sans exercer la solidarité ni contribuer à la cohésion de l’Union européenne. Ce sont ces principes qui vont nous guider.

À partir de maintenant, comme nous l’avons affirmé lors du sommet de Bratislava avec les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement au mois de septembre dernier, nous devons nous concentrer sur l’avenir de l’Union européenne à vingt-sept, sur sa cohésion, sur l’importance de sa sécurité, de la politique de défense, de l’investissement et de la jeunesse.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. C’est cela, pour nous, la priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Permettez-moi de rappeler à nos amis britanniques, qui ont inventé le rugby et qui restent, dans ce sport, nos adversaires privilégiés, cet adage, qui pourrait s’appliquer à leurs relations avec l’Union européenne : « Le rugby, c’est comme l’amour, il faut donner avant de prendre ! » (Rires. – Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. le président. Voilà un essai marqué ! (Sourires.)

mine de la montagne d’or en guyane

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s’adressait à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie, mais elle concerne également l’environnement.

La société junior canadienne Colombus Gold annonce une campagne de prospection dans le sous-sol guyanais, afin de préparer une exploitation minière de la société Nordgold.

Alors que ce site, en Guyane, se situe au cœur de la plus grande réserve de biodiversité ; alors que la France s’est engagée, par le protocole de Nagoya, à veiller aux droits des peuples autochtones, dont les ressources et les modes de vie dépendent de la préservation des écosystèmes primaires ; alors que le code minier n’a toujours pas été révisé pour tirer les conséquences des connaissances nouvelles et des erreurs passées, nous nous interrogeons sur l’annonce selon laquelle « les équipements seront sur site en décembre ».

Cette mine n’est pas un filon que l’on éclate au piolet, comme dans les dessins animés, c’est la montagne que l’on pulvérise et qu’on lessive avec des toxiques. Elle est prévue pour s’étendre sur 19 000 hectares, soit, avec la route de 125 kilomètres, deux fois la surface de Paris !

Monsieur le secrétaire d’État, M. Macron a-t-il, oui ou non, signé une autorisation de prospection garantissant l’exclusivité à cette société ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Bonne question !

Mme Marie-Christine Blandin. Si, après prospection, la France n’autorisait pas l’exploitation, en l’état actuel du code minier, quel montant de dédommagement devrait-elle payer ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Michel Sapin et Christophe Sirugue, qui sont aujourd’hui en déplacement.

Le développement de l’activité minière en Guyane est encadré par un schéma départemental d’orientation minière, qui a été approuvé le 31 décembre 2011, après une longue concertation à l’échelle locale.

Ce schéma organise de manière équilibrée la compatibilité de l’activité minière avec la protection de l’environnement. À ce titre, il interdit les activités minières dans les zones les plus sensibles pour la biodiversité. À ce jour, on dénombre une quarantaine de sites légaux d’exploitation en Guyane.

Par ailleurs, c’est une évidence, un projet minier, quel qu’il soit, doit d’abord respecter toutes les dispositions du code de l’environnement.

Dans ce cadre strict, la compagnie minière de la Montagne d’or, qui est titulaire d’une concession, a découvert un gisement d’or de taille mondiale dans une zone autorisée par le schéma départemental d’orientation minière. Avant de se lancer dans l’exploitation, l’opérateur a réalisé de nombreuses études environnementales, notamment au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.

Vous n’ignorez pas, sans doute, que les élus locaux soutiennent le projet, tout en faisant preuve de beaucoup de vigilance, afin de s’assurer de la réalité des retombées sociales et économiques sur le territoire. Ce projet doit en effet entraîner la création de 800 emplois directs et 2 500 à 3 000 emplois indirects. L’entreprise a d’ailleurs pour objectif d’employer 95 % de travailleurs locaux. C’est considérable, surtout lorsque l’on rapporte ces créations d’emplois au taux de chômage trop élevé que connaît la Guyane. L’entreprise est d’ores et déjà en train de construire une filière de formation.

Il va sans dire que les services de l’État veillent, eux aussi, à la qualité des dossiers et sont attentifs aux mesures proposées pour réduire et compenser les impacts environnementaux.

Madame la sénatrice, vous êtes élue du Nord, d’une région minière ; pour avoir été moi-même élu d’un bassin ferrifère en Lorraine, je connais les conséquences environnementales postindustrielles de l’exploitation minière. Croyez à l’attention vigilante du Gouvernement sur ces questions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour la réplique.

Mme Marie-Christine Blandin. J’en déduis donc que l’accord est signé !

Notre rôle est simplement de faire respecter la loi. Il faudra donc engager une consultation des Amérindiens et des Bushinenge, via le CCPAB, le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge, recueillir l’avis de la CNDP, la Commission nationale du débat public, et prévoir de solides propositions de compensation.

Notre rôle est également de défendre l’intérêt général.

Vous voulez de l’or ? Dans cette mine, il n’y en a pas plus de deux grammes par tonne ; dans les cartes de vos téléphones, on en trouve deux cents grammes par tonne !

Vous voulez des emplois ? La mission d’information du Sénat sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles révèle que le recyclage offrirait un gisement d’emplois incomparable et constituerait un vrai choix qui, lui, respecterait les Français wayanas et bushinenge. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe UDI-UC.)

politique industrielle

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour le groupe CRC.

M. Thierry Foucaud. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Il ne se passe pas une semaine en France sans que l’on annonce la fermeture de sites ou d’entreprises. À cette litanie dramatique s’ajoute aujourd’hui Airbus, avec la suppression de 1 164 postes, malgré, vous le savez, un carnet de commandes record et de larges bénéfices.

Lorsque les entreprises se portent bien, elles sont bradées aux capitaux étrangers, comme Technip, fleuron de notre industrie parapétrolière.

Pourtant, ces entreprises ont reçu des milliards d’euros d’aides : mesures fiscales dérogatoires, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, exonérations de cotisations sociales, chômage partiel, etc. La destruction d’emplois ne cesse de progresser, et le solde reste largement négatif, quoi que vous disiez.

Sanofi a reçu 17 millions d’euros au titre du CICE ; PSA, 74 millions ; Michelin, 18 millions, et la liste n’est pas exhaustive.

Ainsi, quand l’État n’est pas spectateur, il devient acteur et finance la disparition des secteurs stratégiques et la destruction de l’emploi : Areva, Goodyear, Continental, Vallourec-Ascometal, Alstom, Petroplus, toutes ces entreprises ont également reçu de l’argent public sans aucune évaluation ni contrepartie.

Il n’est pas crédible d’affirmer lutter contre le chômage en bradant notre industrie à des capitaux étrangers. D’autres choix sont possibles. C’est pourquoi nous avons, à deux reprises, demandé l’organisation d’un débat au Sénat sur la situation de l’industrie dans notre pays. Voici les courriers que nous vous avons adressés. (L’orateur brandit les courriers.) Or nous n’avons reçu pour réponse que votre silence !

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous inscrire ce débat à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le sénateur, en 2012, l’industrie française était dans une situation très difficile. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité placer au cœur de son action la politique industrielle de notre pays.

M. Francis Delattre. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il a fait preuve de volontarisme, en restant fidèle à trois objectifs.

Premièrement, nous avons souhaité donner des moyens d’action aux entreprises industrielles, en facilitant l’accès au financement, avec la création de Bpifrance ; en abaissant le coût du travail, avec le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité ; en maintenant un coût de l’énergie concurrentiel. Permettez-moi de rappeler que, en 2015, le prix de l’énergie en France était en moyenne inférieur de 40 % à celui de l’Allemagne.

Deuxièmement, nous avons constamment soutenu l’innovation industrielle, en prenant différentes initiatives : en 2013, le lancement de la Nouvelle France industrielle pour accompagner nos industries sur les nouveaux marchés ; en 2015, le lancement du projet Industrie du futur pour moderniser notre tissu industriel ; nous nous attachons à présent à refonder nos filières stratégiques.

Troisièmement, nous nous sommes attelés à la défense et à la promotion de nos intérêts, en protégeant nos entreprises des pratiques anticoncurrentielles et en portant une forte attention aux investissements étrangers en France. Tel est l’objet des mesures destinées à soutenir l’attractivité de notre pays, dont nous débattons actuellement dans les différents textes financiers à l’étude.

Monsieur le sénateur, des situations interpellent, on peut le comprendre. La situation du groupe Airbus en est un exemple. Elle justifie d’ailleurs l’absence de Christophe Sirugue, qui rencontre en ce moment même M. Brégier.

Le Gouvernement est déterminé. Il reste vigilant et attentif en ce qui concerne l’accompagnement des salariés et les conséquences de ces restructurations industrielles. Nous veillons d’ailleurs à ce que ces discussions entre les entreprises et les partenaires sociaux se déroulent dans la plus grande transparence et de manière constructive.

Telle est la détermination et la vigilance du Gouvernement. Telle est aussi son action. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour la réplique.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d'État, comme d’habitude, vous n’avez pas répondu à ma question.

Nous vous demandons un débat, nous vous avons envoyé des courriers, restés sans réponse, et une fois de plus, vous en faites abstraction. Droit dans vos bottes, vous nous dites que tout va bien en France, que l’industrie se porte bien, alors que, tous les jours, j’y insiste, des entreprises licencient ou vont à l’étranger.

Au travers du CICE destiné prétendument à améliorer la compétitivité et à prévenir les délocalisations, vous aidez à hauteur de milliards et de milliards d’euros de grands groupes, notamment de la grande distribution,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Foucaud. … qui vendent les produits des producteurs français à des prix dérisoires,…

M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. … lesquels sont obligés de brûler leurs légumes, alors que les Français ne peuvent pas se les payer ! Voilà le résultat des politiques que vous menez !

Quoi qu’il en soit, nous vous demandons un débat sur les questions relatives à la situation de l’industrie en France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

chiffres du chômage

M. le président. La parole est à Mme Anne Émery-Dumas, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Anne Émery-Dumas. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Pour le deuxième mois consécutif, le nombre des demandeurs d’emploi en fin de mois communiqué par Pôle emploi est en nette diminution (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), avec une baisse de 11 700 demandeurs d’emploi en octobre, après celle de 66 300 enregistrée en septembre. C’est un recul de 2,8 % sur un an et la plus forte baisse enregistrée depuis 2008.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Oh là là !

Mme Anne Émery-Dumas. Eh oui !

Cette tendance est corroborée par les chiffres de l’INSEE, deuxième thermomètre du chômage, car la très faible hausse enregistrée le trimestre dernier ne remet pas en cause l’évolution tendancielle à la baisse depuis un an.

Nous pouvons nous réjouir particulièrement de ce que cette baisse concerne principalement les jeunes, démontrant la pertinence des dispositifs mis en place pour favoriser leur accès au monde du travail et de ce que, pour la première fois, le recul concerne aussi les chômeurs de longue durée, qui sont parmi les plus en souffrance.

Même si les conclusions de la récente commission d’enquête du Sénat sur les chiffres du chômage lève toute ambiguïté sur l’authenticité de ces chiffres, ceux-ci sont, dans la période pré-électorale actuelle, bien évidemment largement commentés et donnent lieu comme toujours à polémique.

S’il faut se garder de tout excès d’optimisme dans un contexte de chômage de masse auquel notre pays reste malgré tout confronté, je souhaiterais, madame la ministre, que, au vu des éléments dont vous disposez, vous puissiez nous éclairer sur ce qui permet d’expliquer ces bons résultats. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pouvez-vous notamment faire la part de ce qui relève de l’impact des mesures volontaires prises par le Gouvernement – baisses de charges, mesures spécifiques en direction des jeunes, plan de formation massif –, de ce qui relève d’un début de redressement économique ? En effet, parallèlement à l’amélioration des chiffres du chômage, on constate une augmentation sensible des créations nettes d’emplois dans notre pays, notamment dans le secteur marchand, depuis le début de l’année.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Anne Émery-Dumas. C’est en effet cette évolution favorable qui éclaire les perspectives de décrue à long terme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, permettez-moi de formuler en préambule une remarque. J’ai entendu des rires lorsque vous avez évoqué la baisse du nombre de demandeurs d’emploi. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale que c’est vous qui avez mis en place, à votre demande, une commission d’enquête sur les chiffres du chômage.

Cette commission d’enquête, que vous avez pilotée, a publié ses conclusions au terme d’un travail rigoureux et sérieux, qui a montré qu’il n’y avait aucune manipulation statistique s’agissant des chiffres du chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est écrit dans votre rapport, publié il y a quelques semaines. Or cela semble aujourd'hui risible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Que le chômage baisse n’est pas une bonne nouvelle pour la gauche ou la droite. C’est une bonne nouvelle pour notre pays et pour les personnes qui retrouvent un emploi et leur famille ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Vous devriez vous réjouir que le chômage baisse !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Oui, le chômage baisse dans notre pays (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), et il faut souligner les deux caractéristiques de cette baisse.

Premièrement, le chômage baisse de façon durable et continue depuis le début de l’année. Deuxièmement, les jeunes bénéficient de cette dynamique.

Concrètement, nous avons près de 101 000 demandeurs d’emploi en moins depuis le début de l’année d’après les chiffres de Pôle emploi, et 118 00 selon les chiffres de l’INSEE. C’est la plus forte baisse annuelle depuis mai 2008. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Concernant les jeunes, c’est la plus forte baisse annuelle depuis décembre 2007, et la garantie jeunes a participé à ce mouvement – je le dis à la majorité sénatoriale qui voulait supprimer sa généralisation dans le cadre de la loi relative au travail. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Notre seul motif de satisfaction est la création nette d’emplois.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Lors des six derniers trimestres, notre économie a créé plus d’emplois qu’elle n’en a détruits, avec 210 000 créations nettes d’emplois. Voilà notre point de satisfaction, qui est bien sûr essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

financement des retraites agricoles

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Pierre Médevielle. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

La conférence sur les retraites agricoles organisée hier après-midi avait pour objet de trouver une solution à l’épineux problème du financement de la revalorisation des petites retraites agricoles à hauteur de 75 % du SMIC, car l’argent manque pour satisfaire à l’un des principaux engagements pris par François Hollande en 2012 à l’égard du monde agricole.

Lorsque François Hollande a fait cette promesse en avril 2012, la mesure devait être financée par les marges de manœuvre financières dégagées par la baisse du nombre de retraités et par la solidarité nationale.

Du côté du ministère de l’agriculture, on entend un autre son de cloche ! On souligne plutôt que la mesure devait être financée par trois sources différentes : une hausse progressive du taux de cotisation sur les retraites complémentaires des agriculteurs ; le prélèvement de cotisations sociales à tous les revenus des associés non exploitants ; et la ponction sur des réserves de la Mutualité sociale agricole, la MSA.

Mais la crise agricole est passée par là, réduisant les rentrées d’argent espérées. Sur les 300 millions d’euros que ces trois sources devaient produire, il en manque 100.

Votre gouvernement envisagerait une augmentation de 0,5 point à 2 points du taux de cotisation sur les retraites complémentaires. Des propositions ont été faites dans ce sens hier après-midi. Un mode de calcul des retraites tenant compte des vingt-cinq dernières années a également été évoqué. Cela engendrerait des recettes supplémentaires, mais sans ouvrir de nouveaux droits aux cotisants, puisque le montant serait utilisé pour financer la hausse des petites retraites.

Dans un contexte de crise aiguë et de précarité, cette solution, qui alourdirait encore les charges des exploitations, ne peut être envisagée.

La MSA et la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, demandent, quant à elles, à l’État, comme il s’y était solennellement engagé, de faire jouer la solidarité nationale.

Madame la ministre, le Gouvernement va-t-il – enfin ! – tenir ses engagements ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, le Gouvernement tient ses engagements. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les engagements qui ont été pris en matière de retraites agricoles – ils n’avaient pas été réalisés auparavant ! – se traduisent d’abord par l’amélioration de la retraite de près de 670 000 exploitants retraités, ce qui représente un coût total de 900 millions d’euros par an pour le budget de l’État. C’est bien de la solidarité nationale et de l’engagement !

Parmi les mesures annoncées, l’une est particulièrement symbolique, celle de porter la pension à un niveau minimal de 75 % du SMIC : nous y sommes presque, avec un taux de 74 % cette année, et la dernière étape sera franchie en 2017.

Il n’en demeure pas moins que nous devons faire face à la situation financière difficile du régime des retraites agricoles. Avec Stéphane Le Foll, nous avons engagé un plan reposant sur les trois sources de financement que vous avez rappelées : la lutte contre la fraude sociale, qui a rapporté moins que prévu ; une hausse de cotisations, qui a été arrêtée précisément pour tenir compte de la situation difficile de l’agriculture dans notre pays ; et des mesures de solidarité, qui ont été engagées.

Nous avons relancé la concertation avec les représentants des agriculteurs. Hier, nous avons mis sur la table plusieurs options faisant appel à des hausses de cotisation et à la solidarité nationale dans des proportions différentes. Cette concertation se poursuit. Le Gouvernement est attaché à ce que nous puissions aboutir. Nous tenons nos engagements. Nous améliorons concrètement les retraites agricoles, comme nous avons amélioré d’autres situations, et nous allons dans les semaines qui viennent poursuivre les discussions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Madame la ministre, dans la lettre du 17 avril 2012 de François Hollande, il n’était pas question d’alourdir les cotisations sur les retraites complémentaires des agriculteurs. Or c’est ce qui se passe aujourd'hui. Les engagements ne sont donc pas tenus ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

politique étrangère

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Républicains. (MM. Pierre Charon et Gérard Longuet applaudissent.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le secrétaire d'État, ma question s’adressait à Mme Royal, qui assistera dimanche prochain, à La Havane, aux obsèques de l’un des plus grands criminels du XXsiècle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Près de 100 00 morts, exécutés, assassinés, torturés, emprisonnés à vie, des millions de boat people, un cinquième du peuple cubain exilé, dont des milliers de morts en mer, des dizaines de milliers d’autres vies perdues par la misère, la malnutrition, le désastre économique causé par le communisme qui fut, avec le nazisme, l’un des deux plus grands fléaux du XXe siècle.

Avant de poser ma question, je voudrais offrir un peu de mon temps de parole à toutes les victimes de Fidel Castro en observant quelques instants de silence. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC se lèvent et observent quelques instants de silence.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Cinéma ! Ridicule ! Lamentable !

Mme Éliane Assassi. Nous aurons eu droit à un show toute la semaine !

M. Didier Guillaume. On est au spectacle !

M. Claude Malhuret. Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple.

M. Jean-Louis Carrère. Vous vous croyez au théâtre ?

M. Claude Malhuret. On aurait pu penser que ceux qui ont été pendant si longtemps les complices des crimes de Castro auraient un peu de pudeur maintenant que ces crimes sont connus de tous, mais ils continuent, en se moquant de notre hommage, à salir la mémoire des victimes.

M. Robert Hue. Et les assassins de Salvator Allende ?

M. Claude Malhuret. Une fois de plus, ils ne déshonorent qu’eux-mêmes !

Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple, disais-je : alors que de nombreux pays n’envoient que des émissaires de second rang, était-il opportun de dépêcher à Cuba la numéro trois du Gouvernement français, et celle-ci aura-t-elle ne serait-ce qu’un seul geste de soutien au peuple cubain toujours sous la dictature ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Éliane Assassi. Quel sénateur de droite n’est pas allé en vacances à Cuba ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le Président de la République et le ministre des affaires étrangères ont présenté les condoléances de la France au gouvernement et au peuple cubains après le décès de M. Fidel Castro.

Lors de la cérémonie d’hommage public organisée mardi dernier à La Havane, c’est M. Jean-Pierre Bel, envoyé personnel du Président de la République pour l’Amérique latine et les Caraïbes, qui a représenté la France. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

En outre, comme vous l’avez rappelé, la ministre de l’environnement Ségolène Royal participe cette semaine à la conférence des parties de la convention sur la biodiversité biologique à Cancún au Mexique. Aussi, elle fera une escale à La Havane, pour assister aux cérémonies qui marqueront la fin de la période de deuil national. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La France, qui n’a jamais rompu ses relations diplomatiques avec Cuba, pas plus sous le précédent gouvernement ou les majorités dans lesquelles vous exerciez vous-même des responsabilités gouvernementales que sous celui-ci, souhaite poursuivre le développement de ses relations avec Cuba dans tous les domaines, y compris le dialogue politique sur les progrès de la démocratie et des droits de l’homme.

Cette politique volontariste engagée depuis 2012 vise à soutenir les évolutions tant économiques que politiques de ce pays et à contribuer à améliorer la vie des Cubains, tout en promouvant les intérêts de la France.

Je crois que toute la communauté internationale, y compris les États-Unis – en tout cas sous la présidence de M. Obama –, mais aussi un certain nombre d’autorités morales et religieuses – je pense à la visite du pape à Cuba –, a souhaité accompagner l’évolution et l’ouverture de Cuba.

Cela passe également par le soutien à l’ouverture économique. La France continuera donc à appeler à la levée de l’embargo américain sur Cuba, qui représente un frein à son développement économique, une punition à l’égard de la population après que le peuple cubain, à un certain moment de son histoire, a décidé de conquérir sa liberté face à un grand voisin qui se comportait de façon impérialiste.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je me réjouis donc que l’Union européenne puisse signer, le 12 décembre prochain,…

M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … un accord de coopération et de dialogue politique avec Cuba, qui ouvrira une nouvelle ère de nos relations, à laquelle la France prendra part. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour la réplique.

M. Claude Malhuret. « L’histoire m’absoudra », disait Castro. Mais il se trompait : l’histoire le désignera, aux côtés de Staline, de Kim Il-sung ou de Pol Pot, comme l’un des pires bourreaux de son propre peuple.

J’entends les sanglots pathétiques devant la statue de Bolivar du commandante Mélenchon, adorateur de tous les tyrans, pourvu qu’ils soient marxistes.

M. Claude Malhuret. J’entends les éloges appuyés du dernier parti en Europe qui ose encore s’appeler « communiste ».

M. Claude Malhuret. Une personne ne participera pas à la cérémonie dimanche : Juanita Castro, la sœur de Fidel Castro, exilée depuis bien longtemps, a annoncé qu’elle n’irait pas à cet enterrement.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Claude Malhuret. Excusez-moi, monsieur le président, mais j’ai été interrompu.

Mme Royal, elle, ira ! Et s’abstiendra sans doute de toute critique envers le caudillo botté de La Havane.

M. le président. Je vous prie de conclure, s’il vous plaît !

M. Claude Malhuret. Eh bien au moins, aujourd’hui, au Sénat français, auront été exprimées les paroles… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC. – Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

réforme de la sécurité sociale

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Catherine Génisson. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, ministre du rétablissement de nos comptes sociaux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Depuis dimanche, nous connaissons le candidat qui portera les couleurs de la droite et du centre à l’élection présidentielle de 2017.

M. Roger Karoutchi. On attend celui de gauche !

Mme Catherine Génisson. M. Fillon n’est pas un homme nouveau en politique. Au cours de sa longue carrière politique, il a été le Premier ministre du président Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012. Il est comptable du bilan de la droite au pouvoir, en particulier pour ce qui concerne la protection sociale et l’organisation de notre système de santé.

Quand il annonce la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, il ne nous dit pas combien il supprime de postes d’infirmières et d’aides-soignants à l’hôpital public. (Mêmes mouvements.)

Il est comptable d’un déficit du régime général de la sécurité sociale de 17,4 milliards d’euros en 2011, et d’un affaiblissement de la protection sociale des Français avec des déremboursements de médicaments et, entre autres, l’instauration de franchises médicales.

En 2017, grâce à l’action du Gouvernement, le régime général sera à 400 millions d’euros de l’équilibre sur un budget total de 500 milliards d’euros, et les droits de nos concitoyens ont été maintenus.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Maquillage !

Mme Catherine Génisson. Nos concitoyens découvrent le programme écrit noir sur blanc du candidat de la droite et du centre : les Français ne souffrant pas d’une maladie grave ou d’une affection de longue durée ne seront plus remboursés par notre sécurité sociale. Par exemple, le traitement d’une grippe, le suivi d’une grossesse, qui n’est pas une maladie, ne seront plus pris en charge.

Mme Sophie Primas. C’est honteux de tenir de tels propos !

Mme Catherine Génisson. Les personnes aux revenus modestes seraient les premières touchées. Non seulement une telle mesure est dépourvue de logique médicale, mais, surtout, elle instaurerait une rupture fondamentale du principe de solidarité de notre système social.

Mme Sophie Primas. Mensonges !

M. le président. Pensez à poser votre question, ma chère collègue !

Mme Catherine Génisson. Aussi, pouvez-vous rappeler, madame la ministre, l’action du Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, pour pérenniser et réformer notre système de santé dans la justice sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler que, depuis quatre ans et demi, nous avons rétabli les comptes sociaux, et ce sans remettre en cause les droits de nos concitoyens. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. C’est honteux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et parce que les comptes sociaux sont rétablis, il n’y a aucune justification autre qu’idéologique à l’annonce par le désormais candidat de la droite et du centre de la remise en cause de la sécurité sociale. (Mêmes mouvements.)

Lorsque l’on regarde le programme de la droite désormais, on s’aperçoit que M. Fillon, qui annonçait vouloir casser la baraque, va en réalité casser la « sécu » si son programme est appliqué. (Vives protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Mensonges !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est écrit noir sur blanc dans ce programme que seules les maladies graves et les affections de longue durée feront l’objet de remboursements.

Mme Catherine Troendlé. On ne peut pas laisser dire cela ! Des mensonges ! C’est lamentable !

Mme Marisol Touraine, ministre. Parce que nous devons éclairer les Français, parlons simplement et concrètement.

Au-delà de la remise en cause des principes de la sécurité sociale, cela veut dire qu’une femme enceinte, qui n’est ni malade grave ni en affection de longue durée, ne pourra pas voir ses consultations prises en charge par la sécurité sociale. (Protestations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.) Or une grossesse, c’est 600 euros de suivi, plus 2 500 euros de frais d’accouchement à l’hôpital public. (Le tollé couvre la voix de Mme la ministre.)

Puisque la situation des femmes enceintes ne vous intéresse pas, prenons un autre exemple, celui des personnes âgées.

Parmi les personnes âgées de plus de soixante ans, 10,5 millions de personnes ne souffrant pas d’une affection de longue durée vont en moyenne six fois chez le médecin chaque année. Six consultations par an qui, demain, ne seront pas remboursées par la sécurité sociale parce que ces personnes ne sont pas atteintes d’une maladie grave. (Protestations véhémentes sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela, nous n’en voulons pas, et c’est pourquoi nous marquons notre attachement à la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud applaudit également. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

centre pénitentiaire de valence

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour le groupe Les Républicains.

M. Gilbert Bouchet. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Dimanche dernier, le centre pénitentiaire de Valence, inauguré en 2015, a fait l’objet d’une nouvelle mutinerie, la seconde en deux mois.

Deux détenus ont menacé avec un couteau un agent pénitentiaire afin de lui voler son jeu de clés. Le surveillant blessé a été relâché et admis aux urgences. Après le vol des clés, les surveillants se sont mis en sécurité. Les détenus ont alors ouvert des cellules sur les trois étages de ce quartier réservé aux lourdes peines. Un incendie s’est déclaré, des renforts ont été appelés. Plusieurs cellules ont été détruites avec d’importants dégâts matériels.

Il faut remercier les équipes d’intervention et de sécurité, qui, en moins de quarante-cinq minutes, ont repris le contrôle des trois étages.

Monsieur le ministre, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer la multiplication des incidents dans les prisons et un malaise carcéral grandissant. On note une évolution profonde dans le comportement des détenus, qui, pour n’importe quel prétexte, prennent en otage et provoquent des débuts de mutinerie, sans parler de la problématique des détenus en voie de radicalisation.

Ce centre de Valence, à la pointe de la surveillance électronique par caméras, dérange, et de nombreux détenus souhaitent obtenir par ce biais leur transfert vers d’autres établissements.

Plusieurs actions ont eu lieu pour réclamer, outre des effectifs supplémentaires, conscients qu’un agent par étage est insuffisant, des sanctions exemplaires pour les auteurs des troubles et non pour le personnel, qui contribue à la sécurité de cette prison. Il convient d’y mettre un terme, car cette insécurité, intenable pour le personnel pénitentiaire, ne peut plus perdurer.

Ma question est donc la suivante : quelles sont vos propositions pour réduire le nombre des prises d’otages dans nos prisons et améliorer la sécurité ainsi que la bonne organisation des services pénitentiaires, en octroyant des moyens humains et financiers certes, mais aussi en délivrant un message de fermeté, plus à même de dissuader les fauteurs de troubles actuels ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je fais un cas particulier de ce qui s’est passé à Valence dimanche dernier et je vais vous en donner les raisons, comme je l’ai dit au président Didier Guillaume, qui m’a téléphoné dimanche après-midi juste après les événements. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Premièrement, cette mutinerie a eu lieu dans un quartier maison centrale, ou QMC. C’est exceptionnel, car, du fait de leur architecture et de la qualité des personnels, il n’y a pas de mutinerie dans ces établissements.

Deuxièmement, comme vous l’avez relevé, ce quartier maison centrale est ouvert seulement depuis janvier dernier. Il est loin d’être en surpopulation, avec, dimanche dernier, quarante détenus pour soixante-trois places. C’est exceptionnel, car, en général, les mouvements dramatiques et scandaleux interviennent en raison d’une surpopulation. Or ce n’est pas le cas ici.

Troisièmement, c’est non pas la deuxième, mais la troisième fois, monsieur Bouchet, que je rencontre des difficultés dans cet établissement. Le 17 septembre dernier, puis le 25 septembre, j’ai ordonné une inspection des services pénitentiaires, dont j’ai eu les conclusions. Trois événements dans un même établissement, c’est tout de même particulier.

Quatrièmement, il n’y a eu heureusement ni otages ni blessés. J’adresse, comme vous, mes félicitations aux vingt-trois personnels de l’équipe régionale d’intervention et de sécurité, l’ERIS, qui sont intervenus de manière extrêmement courageuse, avec un grand professionnalisme et qui, en trente minutes, ont rétabli la situation.

Cinquièmement, les dégâts sont considérables. Le Figaro avance le chiffre d’un million d’euros, dénué de tout fondement. Comme ce bâtiment est en partenariat public-privé, j’ai demandé au partenaire de l’État, Hélios, de chiffrer les dégâts. Toutefois, le Gouvernement se réservera le droit de discuter les prix, car cela ne sera pas une injonction de payer pour autant.

Sixièmement, les fauteurs de troubles ont été immédiatement identifiés, sanctionnés et déplacés le soir même de l’établissement, comme c’est le cas chaque fois que se produit une manifestation d’indiscipline inadmissible.

Enfin, diriger un établissement est une responsabilité. J’ai demandé au directeur de l’administration pénitentiaire de tirer les leçons de l’inspection et de me proposer des mesures aussi évidentes que logiques. J’attends ses propositions demain matin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour la réplique.

M. Gilbert Bouchet. Monsieur le ministre, votre réponse ne va pas dans le sens que je souhaitais.

Le 5 décembre prochain, je visiterai le centre pénitentiaire de Valence, et je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir dire aux personnels présents. Votre réponse ne correspond pas à ce que j’attendais de vous.

journée mondiale de lutte contre le sida

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Dominique Gillot. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Ce 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, est une journée de mobilisation pour et avec ceux qui sont encore menacés par cette infection, qui véhicule tant de souffrances et d’idées reçues. Il faut mesurer que 30 000 de nos concitoyens vivraient encore avec le VIH sans le savoir et que 6 000 nouveaux cas sont recensés chaque année.

Depuis les années quatre-vingt, c’est l’ensemble de la communauté composée des malades et de leurs représentants, des médecins, des scientifiques, des associations et des pouvoirs publics qui se mobilise pour faire reculer l’épidémie, faciliter l’accès aux soins, développer le dépistage et la prévention, améliorer l’accompagnement et, surtout, réduire les risques.

Or la réduction des risques repose sur une bonne connaissance des pratiques et des personnes exposées au risque. Souvent, les pouvoirs publics ont été accusés de frilosité par les associations. Cette année, ce n’est pas le cas.

Sous prétexte que la campagne nationale montrant deux hommes enlacés serait choquante, des maires se voulant bien-pensants ont dressé procès-verbaux et arrêtés d’interdiction. Ces affiches seraient une propagande idéologique du Gouvernement, libérant des flots de sous-entendus graveleux et d’insultes sur les réseaux sociaux.

Pourquoi donc les mêmes restent-ils silencieux face aux publicités montrant des femmes dénudées pour exciter l’achat d’une voiture ? (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

Comment interpréter leur opposition et celle de l’Église à l’instauration du délit d’entrave numérique au droit à l’interruption volontaire de grossesse ?

Face à cette censure, madame la ministre, vous avez, à juste titre, saisi la justice. En effet, cette campagne est amplement justifiée : les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes restent parmi les plus fragiles face à la contamination. Elle s’inscrit dans les mesures mises en œuvre pour lutter contre ces fléaux.

Aussi, je voudrais que vous rappeliez en quoi ce sujet de santé publique majeur est aussi un sujet de société qui ne peut être occulté par une vision de la santé sexuelle rétrograde, déconnectée de la réalité et fondée sur un ordre moral hérité d’une culture traditionnelle que nous avions su mettre à distance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice, en ce 1er décembre, la journée mondiale de lutte contre le sida doit nous rassembler toutes et tous et être un moment de mobilisation collective dans la société.

M. Didier Guillaume. Exactement !

Mme Marisol Touraine, ministre. De fait, comme vous l’avez souligné, et contrairement aux idées reçues, le sida n’est pas une maladie du passé : plus de 6 000 personnes sont encore contaminées chaque année et 30 000 personnes vivant dans notre pays sont porteuses du virus sans le savoir. Nous devons donc aller au plus près de ces populations. Tel est le sens de l’action que j’ai engagée.

Des mesures fortes sont nécessaires, parce que le dépistage et la prévention sont la clé de la lutte contre le sida. Or ils doivent s’adresser d’abord aux personnes les plus exposées aux risques, parmi lesquelles figurent – vous avez eu raison de le rappeler – les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, dont certains sont homosexuels, mais pas d’autres, et qui ne fréquentent pas tous les lieux de la communauté homosexuelle. Nous devons donc les atteindre par d’autres moyens.

C’est pourquoi la campagne de communication dont vous avez parlé a été lancée. Très sincèrement, je ne comprends pas qu’elle ait choqué, dans la mesure où elle a précisément pour objet et pour enjeu de toucher les hommes ayant des pratiques à risque, mais qui ne se rendent pas dans les lieux où des messages sont adressés aux homosexuels.

Au-delà de cette campagne de prévention, des mesures importantes ont été prises. Je pense à l’autorisation des autotests en vente dans les pharmacies, dont plus de 100 000 ont été vendus en un an. Je pense également à la mise en place de la PrEP, un nouveau traitement de prophylaxie pré-exposition : il s’agit d’un nouveau mode de prévention adapté à certaines personnes.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je terminerai mon intervention en rappelant que la meilleure prévention reste encore et toujours le préservatif. Tel est le message que nous devons faire passer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

délivrance des cartes nationales d'identité

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains.

M. Daniel Laurent. La disposition précisant que les demandes de carte nationale d’identité sont déposées auprès des maires vient d’être abrogée par le décret paru le 30 octobre 2016, avec la création d’un fichier unique centralisé.

L’instruction des demandes est ainsi retirée à une grande majorité des maires, dans une optique de sécurisation des modalités de délivrance des titres d’identité. Nous souscrivons à cet objectif, mais la mise en œuvre de cette mesure demande des équipements spécifiques. En Charente-Maritime, par exemple, seules 27 communes sur 469 disposent des équipements nécessaires, une proportion bien insuffisante compte tenu de l’étendue de notre département.

C’est là une nouvelle atteinte au rôle de proximité et de cohésion sociale joué par nos communes, contribuant à nourrir le sentiment d’abandon dans nos territoires et à accélérer la fracture territoriale.

Par ailleurs, le flux des demandes de carte d’identité étant beaucoup plus important que celui des demandes de passeport, les délais d’attente pour nos concitoyens seront allongés. Sans compter que des moyens humains supplémentaires, voire des travaux d’aménagement pour l’accueil du public, vont être nécessaires, dans un contexte de baisse drastique des dotations aux collectivités, confirmé par le projet de loi de finances pour 2017. Or l’indemnisation forfaitaire versée aux communes sera loin de compenser leurs charges, alors que la compensation devrait être intégrale.

Les élus des communes équipées sont mécontents face à cette nouvelle charge et ceux des communes prochainement dessaisies le seront tout autant lorsqu’ils seront informés.

Face à ce mécontentement, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour offrir à nos concitoyens un accès équitable à ce service de proximité et compenser intégralement le coût du nouveau dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser M. le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, aujourd’hui en déplacement.

En ce qui concerne l’indemnisation des communes qui assureront le traitement des cartes nationales d’identité – vingt-sept sont concernées dans votre département, comme vous l’avez indiqué –, le rapport complet de l’Inspection générale de l’administration a été communiqué à l’Association des maires de France, l’AMF, en mai dernier, en toute transparence.

Toutes les mesures ont été prises pour que ces communes puissent exercer leur mission dans les meilleures conditions. Ainsi, la dotation versée pour les titres sécurisés, qui était de 19 millions d’euros au titre des seuls passeports, sera augmentée de 13,5 millions d’euros. En outre, une indemnisation supplémentaire de 4 millions d’euros a été accordée aux communes les plus sollicitées, conformément au souhait de l’AMF. Au total, la dotation s’élèvera donc à 36,5 millions d’euros.

Une subvention sera versée aux communes qui accueilleront pour la première fois un dispositif de recueil. Près de 230 équipements nouveaux de ce type seront déployés, dont l’un à Rochefort, dans votre département.

Pour les communes qui n’assureront plus la prise en charge des demandes de carte nationale d’identité, au nombre d’environ 34 000, il est vrai, l’enjeu réside dans la préservation d’un lien entre les services municipaux et la population dans le domaine du service public de délivrance des cartes d’identité.

Deux décisions ont été prises pour garantir le maintien de ce lien. D’abord, 100 dispositifs de recueil mobiles supplémentaires seront déployés sur le territoire, dont l’un en Charente-Maritime. Ensuite, toutes les communes volontaires pourront proposer un nouveau service d’aide à la demande de titres : en disposant d’un équipement informatique de base, elles pourront permettre à l’usager de déposer en mairie une prédemande de carte nationale d’identité.

Ainsi, la concertation avec les élus locaux a permis d’adapter les modalités de la réforme, avec un seul objectif : améliorer le service à l’usager et maintenir le service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, l’accompagnement financier de l’État n’est pas à la hauteur de cette nouvelle charge. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Avec vous, on en dépenserait de l’argent public !

M. Jean-Louis Carrère. Ce ne sont pas deux, mais trois points de TVA supplémentaires qu’il vous faudra !

M. Daniel Laurent. L’AMF, toutes tendances politiques confondues, qui s’est réunie ce matin, a montré son opposition à ce projet.

On peut enfin s’interroger sur la pertinence du calendrier choisi : mars 2017, c’est une période à la fois budgétaire et électorale, qui entraînera une surcharge de travail dans nos communes.

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !

M. Daniel Laurent. Par toutes ces décisions, le Gouvernement montre encore une fois le peu d’intérêt qu’il porte à nos communes et à nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

dispositif de vaccination contre la grippe

M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. David Rachline. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Alors que les premiers frimas de l’hiver commencent à se faire sentir, nombre de nos compatriotes, notamment les plus fragiles, comme les personnes âgées et les femmes enceintes, se préoccupent de la vaccination contre la première maladie hivernale : la grippe. La campagne de vaccination a été lancée le 6 octobre dernier. Je souhaite, madame la ministre, que vous en dressiez un bilan d’étape.

De son côté, il semblerait que le candidat à l’élection présidentielle soutenu par la majorité sénatoriale envisage une restriction forte de l’accès aux soins pour les Français (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) en « focalisant l’assurance publique universelle sur des affections graves et de longue durée », préférant laisser le reste, dont la grippe, si je comprends bien, au secteur privé.

Sans doute cette idée lui a-t-elle été soufflée par l’un de ses soutiens, M. de Castries, ancien grand patron dans les assurances dont on parle pour un poste ministériel… À moins qu’il ne s’agisse de se faire pardonner le gaspillage organisé par sa grande amie, ancienne ministre de la santé, avec une commande de plus de 300 millions d’euros de vaccins inutiles !

Selon une étude de la Fédération nationale indépendante des mutuelles, 37 % des Français ont renoncé à des soins pour des raisons économiques. Aussi, je souhaite savoir, madame la ministre, quel dispositif le Gouvernement a mis en place à destination de nos compatriotes, en particulier des plus fragiles, spécialement les personnes âgées isolées, pour leur garantir un accès simple à la vaccination contre la grippe. Je souhaite également savoir combien cet effort de solidarité coûte à la Nation.

Par ailleurs, vos services ont-ils étudié les économies réalisées en cas de complication due à ce virus ?

Enfin, ne craignez-vous pas que, pour se soigner demain, il faille être soit étranger, avec l’aide médicale de l’État, soit très riche ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, la grippe n’est pas une maladie anodine, contrairement à ce que l’on imagine : dans le langage courant, on en parle comme d’un simple rhume.

De fait, la grippe tue chaque année 9 000 personnes en moyenne : des personnes fragiles, souvent âgées, mais pas toujours. Du fait de leur âge, de leur maladie ou de toute autre fragilité, elles ne supportent pas ce virus.

C’est la raison pour laquelle les campagnes de vaccination contre la grippe sont prises en charge à 100 % par la sécurité sociale pour toutes les personnes fragiles, en particulier pour les personnes de plus de 65 ans, mais aussi, par exemple, pour les femmes enceintes.

Aujourd’hui, le taux de vaccination n’est pas satisfaisant, même s’il augmente légèrement : un peu plus de 50 % des personnes visées se sont fait vacciner cette année, contre 48 % l’année dernière, mais cela reste insuffisant. J’appelle donc tous nos concitoyens concernés à se faire vacciner.

Pour faciliter la vaccination, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, une disposition permettant d’expérimenter la vaccination chez le pharmacien va être adoptée. Aujourd'hui, on peut se faire vacciner par son médecin, une infirmière ou, désormais, une sage-femme, pour ce qui concerne les femmes enceintes. Dorénavant, on pourra aussi se faire vacciner par un pharmacien. Cette expérimentation vise à faciliter, par tous les moyens possibles, l’accès de nos concitoyens à une vaccination simple.

Bien entendu, le Gouvernement réaffirme son attachement à ce que les actes de prévention, dont la vaccination fait partie, comme les actes de soin soient pris en charge à 100 % par la sécurité sociale lorsque cela est nécessaire. Aujourd'hui, je le répète, la vaccination des personnes fragiles est prise en charge à 100 % par la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réplique.

M. David Rachline. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse.

Je constate que nous avons le même souci de défendre notre système de santé et, plus globalement, notre système social. Malheureusement, comme vos prédécesseurs, vous vous soumettez au diktat européen : avec l’UMP, vous êtes coresponsable de la perte de notre souveraineté, qui, seule, nous permettrait de préserver notre modèle social, ce qui, à mon avis, vous disqualifie pour le pérenniser.

Forts du soutien de millions de Français, nous comptons sur une victoire patriote en mai prochain pour retrouver notre souveraineté, qui, elle seule, nous permettra de préserver ce modèle de soins, qui fait notre fierté et fait aussi partie intégrante de notre identité.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 15 décembre prochain et qu’elles seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

14

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 décembre 2016 :

À neuf heures trente : vingt-six questions orales.

À quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Proposition de résolution invitant le Gouvernement à utiliser toutes les voies de droit pour reconnaître les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés contre les minorités ethniques et religieuses et les populations civiles en Syrie et en Irak présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (n° 125, 2016-2017).

Proposition de loi tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaires (n° 587, 2015-2016) ;

Rapport de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 157, 2016-2017) ;

Texte de la commission (n° 158, 2016-2017).

Proposition de résolution en faveur de la réduction des normes applicables à l’agriculture présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Daniel Dubois et plusieurs de ses collègues (n° 107, 2016-2017).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures dix.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD