M. Vincent Delahaye. Je le répète, monsieur le secrétaire d’État, si les dépenses avaient évolué au même rythme que l’inflation, elles auraient été allégées de 35 milliards d’euros.

J’ai également calculé que, si l’État s’était imposé les mêmes efforts que ceux qu’il a demandés aux collectivités locales, nous aurions économisé 35 milliards d’euros supplémentaires ! Nous serions ainsi aujourd’hui à l’équilibre budgétaire.

Pour ma part, j’estime que le retour à l’équilibre ne peut se faire en cinq ans. Il convient de se fixer une durée de dix ans, qui me paraît plus raisonnable.

S’agissant des recettes, vos prévisions, monsieur le secrétaire d’État, sont hyper-optimistes. Nous ne sommes pas les seuls à le dire, puisque le Haut Conseil des finances publiques, que votre gouvernement a créé, juge improbable un déficit de 70 milliards en 2017. Vous vous êtes bien gardé de le rappeler tout à l’heure ! Vous vous êtes en effet contenté d’évoquer un avis récent dudit Haut Conseil, sans mentionner le point de vue très sévère qu’il a émis sur ce projet de loi de finances.

Les prévisions concernant la croissance, la consommation et la création d’emplois ont été gonflées.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous vous engagez à faire combien ?

M. Vincent Delahaye. Vous tablez par ailleurs sur une hausse de 5 milliards d’euros des recettes de TVA. J’aimerais bien savoir pourquoi !

Selon la commission des finances, la surévaluation des recettes atteint 5 milliards d’euros à 7 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous dites ça tous les ans !

M. Vincent Delahaye. Au total, en corrigeant la sous-évaluation des dépenses et la surévaluation des recettes, on obtient un déficit plus proche de 86 milliards d’euros ou de 90 milliards d’euros que des 70 milliards d’euros prévus par ce projet de loi de finances. (M. le secrétaire d’État s’esclaffe.)

Nous dénonçons donc l’insincérité de ce budget. Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

La Commission européenne ne veut pas prendre position avant des échéances électorales importantes, d’autant que l’un de ses commissaires est l’ancien directeur de campagne du candidat François Hollande. Il est donc compliqué pour lui de dénoncer ce projet de loi de finances.

Pour notre part, nous dénonçons l’insincérité de ce projet de budget, ainsi que son caractère électoraliste. Pour autant, nous aurions été prêts à en discuter, monsieur le secrétaire d’État (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.), si nous n’avions pas fait l’expérience, au cours de ces dernières années, de votre comportement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Car vous n’avez jamais cessé de nous dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Toutes nos propositions, y compris celles qui relevaient du simple bon sens, ont été écartées, des chiffrages totalement fantaisistes nous étant opposés. Qu’irions-nous faire aujourd’hui avec un budget électoraliste et insincère, alors même que le Gouvernement n’a jamais accepté d’écouter la moindre proposition émanant du Sénat ? Nous y perdrions tous notre temps !

La commission des finances a beaucoup travaillé. (M. le secrétaire d’État hausse les épaules.) Je ne vois pas pourquoi vous vous moquez ainsi, monsieur le secrétaire d’État ! Je ne me moque pas de Bercy, et je ne pense pas qu’il faille se moquer du travail réalisé par le Sénat, qui a passé des centaines d’heures à travailler sur ce texte.

Plusieurs sénateurs socialistes. Le temps de parole est écoulé !

M. le président. C’est moi qui préside !

M. Vincent Delahaye. Simplement, si, par le passé, le comportement du Gouvernement avait été plus constructif à l’égard du travail du Sénat, nous aurions pu accepter d’aller plus loin dans la discussion de ce projet de loi de finances.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Vincent Delahaye. Le groupe UDI-UC votera donc la motion tendant à opposer la question préalable, pour dénoncer ce budget électoraliste. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion budgétaire, qui occupe chaque année notre calendrier de l’automne, est une clef de voûte de l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif.

La plupart des historiens considèrent d’ailleurs que, si les assemblées délibérantes, nées au cœur du Moyen Âge, ont progressivement réussi à conquérir un pouvoir politique face aux monarques, c’est grâce à la revendication, puis à l’affirmation laborieuse de l’annualité du vote du budget.

Celle-ci tient aujourd’hui encore une telle place dans notre procédure parlementaire que le projet de loi de finances de l’année est le seul texte législatif pour lequel le règlement de notre Haute Assemblée prévoit, de droit – M. le président pourra le confirmer –, un scrutin public à la tribune.

C’est donc ce socle du pouvoir parlementaire que la majorité sénatoriale nous propose de dynamiter cette année. Carthago delenda est !

L’argumentation a le mérite de la simplicité : ce budget serait électoraliste. Oui, il ne faut pas se le cacher, ce budget est un brin électoraliste.

M. Philippe Dallier. C’est dit !

M. André Gattolin. Soyons honnêtes, mon cher collègue, l’électoralisme est la chose du monde la mieux partagée, en particulier par toutes nos formations – je pense surtout à celles qui ont la capacité de proposer un budget !

Le Haut Conseil des finances publiques a considéré qu’une prévision de croissance de 1,5 %, sur laquelle a été fondé le budget pour 2017, est « optimiste ». Le rapporteur général juge même qu’elle « frôle l’irréalisme ».

Au mois de septembre dernier, lorsque le projet de loi de finances a été déposé, le consensus des économistes évoquait une prévision de 1,2 % de croissance pour 2017, soit un écart de 0,3 point avec la prévision retenue.

Mais, mes chers collègues, qu’en était-il du projet de loi de finances pour 2012, voté quelques mois avant le précédent rendez-vous présidentiel ? Au mois de septembre 2011, le consensus des économistes s’établissait, lui aussi – c’est un hasard ! –, à 1,2 % de croissance, mais la prévision du gouvernement de François Fillon était à cette époque non pas de 1,5 %, mais de 1,75 %, soit un écart de 0,55 point ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Michel Berson. Il fallait le rappeler !

M. François Marc. C’était donc un budget insincère ? (Sourires sur les mêmes travées.)

M. André Gattolin. Le Haut Conseil des finances publiques n’existait pas encore, mais gageons qu’il aurait au moins qualifié, avec son langage châtié, une telle prévision de « follement enthousiaste ».

Rappelons que la croissance pour 2012 aura finalement été de… 0 % !

Sans vouloir donner de leçon à quiconque, avant de trop vilipender l’irréalisme d’aujourd’hui, il n’est pas inutile de se remémorer les chimères d’hier.

La majorité sénatoriale reproche également à ce budget de comporter des mesures fiscales dont l’impact ne portera pas principalement sur l’année 2017. Là encore, c’est vrai ! Mais cela tient essentiellement, chacun l’aura compris, aux modalités de recouvrement de l’impôt. Certains crédits ou baisses d’impôt n’ont effectivement pas d’impact sur les finances publiques l’année de leur entrée en vigueur du fait du délai de perception d’un an, mais c’est la conséquence des arcanes de notre droit fiscal ; ces mesures seront bel et bien appliquées dès le 1er janvier 2017.

Certes, il n’est pas interdit de penser que le Gouvernement, cette année peut-être un peu plus que d’autres d’années, utilise de telles règles au mieux de ses intérêts.

Mais, dans le même temps, avec le prélèvement à la source, il met enfin en place une ambitieuse réforme du recouvrement de l’impôt sur le revenu, qui devrait justement supprimer un tel décalage préjudiciable à la lisibilité des finances de l’État et des ménages. Il serait donc cohérent de saluer une telle initiative.

Je poursuis la comparaison. Pour 2012, qu’en était-il des réformes à impact différé ?

Dans le projet de loi de finances rectificative du mois de mars 2012, le gouvernement de François Fillon nous avait proposé, à un mois de la présidentielle, l’introduction d’une TVA sociale d’un montant de 13 milliards d’euros.

On pourrait gloser, comme le fait aujourd’hui la majorité sénatoriale à propos du prélèvement à la source, sur la légitimité démocratique des grandes réformes entreprises en fin de mandat.

En l’occurrence, la TVA sociale du mois de mars 2012 n’était pas une réforme, puisqu’elle était assortie d’une entrée en vigueur… au 1er octobre de l’année 2012, c’est-à-dire juste après les élections. Cela n’a donc pas grand-chose à voir avec le fait que les crédits d’impôt appliqués en 2017 s’imputent au solde de 2018.

Autrement dit, le projet de loi de finances rectificative de mars 2012, dont la TVA sociale constituait le principal contenu, n’était vraiment qu’une coquille vide ! La comparaison avec le projet de loi de finances de cette année est donc réellement sans fondement.

S’il est une chose que nous pourrions reconnaître sur toutes les travées de cet hémicycle, c’est que le dernier budget d’un quinquennat comporte toujours une part d’électoralisme, plus ou moins grande selon l’époque.

C’est la logique de notre calendrier institutionnel qui s’applique, indépendamment de la couleur de la majorité en place. Pour autant, un tel fonctionnement n’est pas satisfaisant et l’opposition est dans son rôle en le dénonçant ; je dirais même qu’elle doit tenir ce rôle. Cela passe en particulier par la confrontation transparente et minutieuse des propositions, point par point, pied à pied. Rien dans la part d’électoralisme du cru 2017 ne justifie que la majorité refuse de débattre et dépossède le Sénat d’une de ses prérogatives les plus fondamentales !

Pour terminer la comparaison avec 2012, rappelons que la majorité sénatoriale d’alors avait, quant à elle, fait son travail, en adoptant le projet de loi de finances après l’avoir réécrit. Certes, ce que nous ne savions pas encore à l’époque, c’est que nous n’en voterions malheureusement plus d’autre ensuite.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Et voilà !

M. André Gattolin. Pour notre part, au groupe écologiste, nous sommes restés fidèles à nos positions, considérant par exemple, comme cela est indiqué dans la désormais fameuse motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative pour 2012, que la mise en œuvre de cette TVA sociale « dégraderait le pouvoir d’achat des ménages, sans améliorer la compétitivité et l’emploi. »

Or, avec 40 milliards d’euros de CICE et de baisses de charges, financés en partie par une hausse de la TVA, le gouvernement actuel a choisi de prendre une mesure assez proche de cette TVA sociale, pour en faire la colonne vertébrale de la politique économique et budgétaire du quinquennat.

Comme l’on pouvait s’y attendre, le bilan de cette mesure phare est mitigé, pour ne pas dire médiocre : tout juste 100 000 emplois créés, pour un coût marginal prohibitif et des entreprises françaises au premier rang des dividendes pour la zone euro, avec 42 milliards d’euros distribués en 2015.

Or c’est bien cette politique, et non la crise ou encore nos engagements européens, qui a annihilé notre marge de manœuvre budgétaire et imposé des coupes claires à l’État et aux collectivités territoriales !

La baisse de l’impôt sur le revenu qui figure dans le budget pour 2017 est, à cet égard, bienvenue. Le rééquilibrage qu’elle opère au profit des ménages reste toutefois trop faible au regard de l’effort qui leur a été imposé tout au long du quinquennat pour permettre l’accroissement des marges des entreprises.

En outre, le choix de baisser l’impôt sur le revenu plutôt que la TVA ou la CSG tend à réduire encore un peu plus le produit du principal prélèvement obligatoire doté d’un barème progressif. Cela ne concourt évidemment pas à renforcer la justice de notre système fiscal.

Pour nous, ce budget comporte, malgré tout, des points positifs, en tout cas dans sa version issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, où le Gouvernement semble avoir, à ce stade, choisi de se montrer conciliant avec sa majorité.

On peut ainsi se réjouir de la nouvelle mouture du prélèvement à la source, par laquelle les députés ont répondu aux principales critiques qui avaient été émises.

On peut se réjouir aussi de l’introduction d’une véritable taxe sur les transactions financières, même si son avenir reste pour le moins politiquement précaire.

On peut se réjouir encore des progrès, certes modérés, sur la fiscalité des carburants ou de la généralisation des crédits d’impôt en faveur de l’emploi associatif et de l’emploi des salariés à domicile.

En matière de dépenses, il y a également quelques motifs de satisfaction. Je pense en particulier au budget de la culture, dont je suis corapporteur spécial avec mon collègue Vincent Éblé, budget dont les crédits affichent cette année une hausse significative de plus de 5 %, après les années de vaches maigres du début du quinquennat.

Cependant, ce budget ne remet malheureusement pas fondamentalement en cause une politique économique qui ne recueille pas notre assentiment.

Symboliquement, ce projet de loi de finances sera même le véhicule par lequel nous aurons discrètement enterré l’écotaxe pour un coût de dédit proche du milliard d’euros.

Ce n’est clairement pas ce que nous espérions de ce budget. Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas saisi cette dernière occasion pour ressouder la majorité qui s’était constituée ici autour de la réécriture du projet de loi de finances pour 2012. C’est précisément pour cela que nous souhaitons débattre point par point, comme il sied à une assemblée parlementaire responsable.

Pour notre part, nous ne craignons ni la confrontation politique des projets ni l’examen juridique et financier de leur faisabilité. Si les spéculations sur le degré d’électoralisme ont toute leur place dans le débat parlementaire, elles n’ont, en revanche, aucune légitimité à le censurer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à rappeler que ce projet de loi de finances a fait l’objet d’un examen minutieux de la part de notre Haute Assemblée.

M. Michel Berson. Mieux vaut entendre ça que d’être sourd !

M. Bruno Retailleau. La commission des finances y travaille depuis près de deux mois, les autres commissions ont multiplié les auditions, et les rapporteurs spéciaux ont effectué de très nombreux travaux et déplacements tout au long de l’année. Au sein de chaque mission, chaque article a été pesé, soupesé, et a fait l’objet d’un examen méticuleux.

Je tiens à remercier Mme la présidente de la commission des finances, M. le rapporteur général, ainsi que l’ensemble des rapporteurs spéciaux de leur travail approfondi.

Monsieur le secrétaire d’État, nous voici arrivés au terme d’un processus, en fin de parcours ; c’est également vrai du quinquennat qui s’achève. L’heure des comptes a sonné.

Notre groupe formule trois critiques majeures à l’encontre du présent projet de loi de finances.

La première concerne la seule véritable réforme contenue dans ce texte, celle du prélèvement à la source, une réforme mal ficelée et, en réalité, mort-née.

Il faut le reconnaître, l’idée de la concordance des temps, afin que l’impôt s’adapte le plus rapidement au revenu, était séduisante à l’origine, mais le dispositif que vous nous proposez est une usine à gaz d’une formidable complexité et soulève trois difficultés.

D’abord, il y a un problème de confidentialité pour le salarié et pour l’employeur, sans parler de la lourdeur administrative ; or, en la matière, il est inutile d’en rajouter…

Ensuite, comme M. le rapporteur général l’a souligné voilà quelques instants, il s’agit d’une fausse contemporanéité : le taux de prélèvements, ainsi que les crédits et réductions d’impôts seront décalés.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ils l’ont toujours été !

M. Bruno Retailleau. Enfin, l’objectif de la mise en œuvre en 2018 est irréaliste, comme l’ont montré les travaux de la commission des finances.

D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si une telle réforme était vraiment la panacée, comme votre gouvernement semble le considérer, pourquoi avoir attendu la fin du quinquennat pour l’engager, en confiant sa mise en œuvre concrète aux bons soins de vos successeurs ?

Le Sénat ne s’est pas contenté d’émettre des critiques. Il a aussi formulé des propositions. Elles rejoignent d’ailleurs les préconisations du Conseil des prélèvements obligatoires. Le système que nous prônons serait à la fois plus juste, plus efficace, plus contemporain, et il ne pénaliserait ni les employeurs ni les employés.

M. François Marc. Dans ce cas, débattons-en !

M. Bruno Retailleau. La deuxième critique, qui a déjà été évoquée, est fondamentale : votre projet de loi de finances est insincère !

Dans ce budget, les dépenses sont sous-évaluées et les recettes sont surestimées. En fait, ce texte est avant tout une synthèse de toutes vos promesses électorales, qui, soit ne sont pas financées, soit sont financées à crédit. Vous avez préempté l’avenir. Jamais un budget de fin de mandat n’aura été autant en trompe-l’œil ! Jamais un budget de fin de mandat n’aura été aussi peu sincère !

Trois chiffres résument une telle insincérité budgétaire : les dépenses sont sous-évaluées de 12 milliards d’euros, le déficit est sous-estimé de 20 milliards d’euros, et les dépenses ou baisses d’impôt laissées à la charge de vos successeurs s’élèvent à 25 milliards d’euros ! Ces trois chiffres sont dramatiques.

D’ailleurs, M. Migaud, le président du Haut Conseil des finances publiques, a indiqué que les risques de dérapage des dépenses étaient plus importants pour 2017 que pour les années précédentes. Vous l’avez mal cité, monsieur le secrétaire d’État ; les déclarations que vous avez reprises concernaient l’année 2016. Voici ce que M. Migaud a dit pour l’année 2017 : « En matière de finances publiques, le Haut Conseil confirme l’appréciation qu’il a portée dans son précédent avis sur les prévisions du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. » Je tenais à rétablir la vérité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. François Marc. C’est de la calomnie ! On n’a jamais vu ça au Sénat !

M. Bruno Retailleau. Cela suffirait en soi à rejeter ce projet de budget, mais il y a une troisième critique. Un budget, ce n’est pas seulement un exercice comptable, des chiffres que l’on aligne. Nous, qui gérons des collectivités territoriales, le savons bien ; un budget, c’est l’expression d’une vision ! Et, dans votre cas, comme il s’agit de votre dernier budget, c’est aussi l’expression d’un bilan…

Rappelons quel est ce bilan. Aucune des grandes promesses du candidat François Hollande n’aura été tenue ! C’est aussi simple que cela. Vous aurez beau revenir perpétuellement sur 2012 – j’y reviendrai moi-même dans quelques instants –, vous n’y changerez rien.

La meilleure manière de porter un jugement vrai sur une action gouvernementale est de faire des comparaisons. Vous connaissez l’adage : « Quand on se regarde, on se désole ; quand on se compare, on se console. » Sauf que, en l’occurrence, c’est le contraire, monsieur le secrétaire d’État ! Quand votre gouvernement se regarde, il est dans l’autosatisfaction ; quand on compare la situation de la France à celle des autres pays, on se désole !

Notre pays fait systématiquement moins bien que la moyenne des pays européens, petits pays compris.

M. François Marc. N’importe quoi !

M. Bruno Retailleau. La grande promesse du candidat François Hollande concernait le chômage.

M. François Marc. Justement ! Le chômage baisse !

M. Alain Gournac. Il y a 600 000 chômeurs de plus !

M. Bruno Retailleau. Aujourd’hui, il y a effectivement 600 000 chômeurs de plus qu’en 2012. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) C’est la preuve que des expédients comme ces centaines de milliers d’emplois d’avenir, qui coûtent 10 milliards d’euros, ne règlent pas le chômage des jeunes. Malgré le fameux plan de 500 000 formations, la France, qui se situait au quatorzième rang européen sur vingt-huit en matière de chômage en 2012, est tombée au vingt-deuxième aujourd’hui ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

La dette n’a cessé de croître…

M. Maurice Vincent. Bien moins qu’auparavant !

M. Bruno Retailleau. Elle a dépassé les 98 % du PIB.

Cela ne sert à rien de nous renvoyer les chiffres d’avant 2012 au visage ; nous, nous avons été confrontés à la pire crise économique depuis 1929 ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Au demeurant, sur cette période, la dette de l’Allemagne a autant augmenté que la dette de la France. D’ailleurs, l’augmentation de notre dette a été inférieure à l’augmentation moyenne de la dette des autres pays européens. Depuis 2012, la dette française a augmenté de 7 %, contre 1 % en moyenne dans les autres pays européens ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Vous avez même réussi l’exploit de combiner hausse sans précédent des impôts et alourdissement de la dette et des déficits publics !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quels déficits a-t-on alourdis ?

M. Bruno Retailleau. M. le rapporteur général vous a répondu, monsieur le secrétaire d’État. Mais je pourrais aussi vous renvoyer à la page 60 du premier tome du rapport de Mme Valérie Rabault : les impôts sur les ménages, les classes moyennes et les familles ont augmenté de 31 milliards d’euros !

M. Alain Gournac. C’est vrai !

M. Bruno Retailleau. La seule courbe que François Hollande aura réussi à inverser, c’est celle de la natalité ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Et il n’y a pas de quoi en être fier : la démographie d’aujourd’hui, c’est la croissance et le financement des retraites de demain !

La France est, après la Finlande, le pays d’Europe où les dépenses publiques sont les plus fortes.

En matière de déficits publics, seuls la Croatie, la Grèce, le Portugal et l’Italie font moins bien que la France. Tous les autres pays européens font mieux !

Aucun engagement n’aura donc tenu ! Aucune réforme structurelle n’aura été engagée, malgré une conjoncture exceptionnelle !

Le Président de la République n’est jamais avare de confidences, surtout auprès des journalistes… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.) Il s’est récemment plaint auprès de certains d’entre eux de ne pas avoir eu de « bol » ; je suppose qu’il voulait dire qu’il n’avait pas eu de chance…

M. François Marc. C’est un excellent Président de la République !

M. Bruno Retailleau. Or je pense, au contraire, qu’il a eu beaucoup de chance.

En effet, après avoir joué les météorologues, en pensant que nous étions dans un cycle économique et en attendant une éclaircie après le mauvais temps, il s’est fait astrologue : je vous renvoie à ces propos sur « l’alignement des planètes ». Vous aviez une fenêtre de tir. La Banque centrale européenne avait indiqué vouloir assouplir sa politique monétaire pour vous permettre d’engager des réformes. Hélas ! Vous avez gâché cette occasion, et la fenêtre est en train de se refermer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. Michel Berson. Tout cela est bien excessif !

M. Bruno Retailleau. Mais rendons à César ce qui est à César, et à François Hollande ce qui est à François Hollande !

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, j’ai encore besoin de quelques instants pour évoquer le Président de la République.

Je sais gré à François Hollande d’avoir assumé la politique de l’offre. Cela nous a permis, y compris au sein de ma propre famille politique, d’abandonner quelques vieilles lunes. Aujourd’hui, nous assumons notre position libérale : nous voulons plus de liberté pour l’économie française.

M. François Marc. On est loin du budget, là !

M. Bruno Retailleau. Il n’était, me semble-t-il, pas question pour la Haute Assemblée de cautionner ce budget qui n’en est pas un !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Retailleau !

M. Bruno Retailleau. Contrairement à ce que certains affirment, le Sénat n’a pas refusé d’examiner le présent projet de loi de finances ; c’est bien parce que nous l’avons examiné que nous allons le rejeter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à cet instant, je me demande un peu ce que nous faisons ici. Nous abordons ce qui devrait être le débat le plus important de l’année, et l’hémicycle est aux trois quarts vide ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Mais les meilleurs sont là ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume. La majorité sénatoriale est aux abonnés absents !

M. Richard Yung. Manifestement, certains ont choisi de voter avec leurs pieds !

Si nous avons été élus au Parlement, c’est d’abord pour discuter du budget et déterminer le montant des impôts ! C’est le cœur de la démocratie ! Notre ami André Gattolin y a fait référence : c’est en Angleterre et dans les provinces des Pays-Bas espagnols qu’est né le mouvement pour que les parlements contrôlent la fixation des impôts.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre question préalable est une démission du Parlement ! C’est du jamais vu depuis vingt-cinq ans !