M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, auteur de la question n° 1475, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, est destinée, entre autres objectifs, à libéraliser et à moderniser l’accès à la profession de notaire et à assurer une offre plus étoffée sur certains territoires.

L’Autorité de la concurrence a présenté, le 9 juin dernier, un avis proposant au ministre de l’économie et des finances, ainsi qu’au ministre de la justice, une carte d’implantation de nouveaux offices de notaire, après quoi M. le ministre de l’économie et des finances a cosigné avec le garde des sceaux l’arrêté établissant la carte d’implantation des nouveaux offices. Cet arrêté, publié au Journal officiel le 20 septembre dernier, définit 247 zones dites « d’installation libre » et 60 autres dites « d’installation contrôlée ».

L’Autorité de la concurrence a choisi de déterminer la possibilité d’installation des nouveaux offices en fonction des zones d’emploi. Or ce choix engendre sur certains territoires des disparités surprenantes et incompréhensibles.

Ainsi, alors que la liberté d’installation doit permettre une localisation de l’offre notariale plus adaptée à la réalité, on constate que deux communes voisines, appartenant au même établissement public de coopération intercommunale et qui présentent les mêmes caractéristiques d’emploi et de démographie, ainsi que le même potentiel fiscal, ne sont pas classées dans la même zone. Il n’y a pourtant que leurs noms pour les différencier…

De même, il est étonnant que des communes dotées d’offices notariés et classées en zone de revitalisation rurale soient proposées en zone d’installation libre, quand des communes plus importantes non classées en zone de revitalisation rurale sont en zone contrôlée.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour que le zonage arrêté soit représentatif des territoires et des situations, logique et compréhensible, et que certaines études classées dans des territoires difficiles, qui connaissent déjà des problèmes sérieux, ne soient pas mises en péril.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur Médevielle, l’établissement de la carte des zones de libre installation des notaires prévue par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques nécessitait de définir une partition géographique adaptée à l’activité de ces professionnels.

C’est ce qu’ont fait le garde des sceaux et le ministre de l’économie et des finances par un arrêté du 16 septembre dernier, pris sur le fondement d’une étude très approfondie de l’Autorité de la concurrence, dont les conclusions sont exposées dans l’avis rendu par cette instance le 9 juin dernier.

Cette expertise a montré que les zones d’emploi étaient la subdivision territoriale la plus adaptée. Définies par l’INSEE, ces zones correspondent à l’espace géographique où une entreprise trouve l’essentiel de sa main-d’œuvre. Cette maille géographique est celle qui correspond le mieux aux déplacements de l’essentiel de la clientèle d’un notaire lorsqu’elle fait appel aux services de celui-ci. Elle a fait largement la preuve de sa pertinence comme outil de zonage des politiques publiques dans plusieurs domaines : la santé, où elle est appliquée pour les sages-femmes, l’emploi, où elle est utilisée pour le reclassement des salariés, et la redynamisation économique, s’agissant notamment des zones de restructuration de la défense.

L’éventualité d’un recours à la subdivision administrative des établissements publics de coopération intercommunale a été examinée très attentivement, mais elle a dû être écartée. En effet, si ces établissements exercent des compétences économiques, leurs périmètres géographiques procèdent avant tout d’une logique politico-administrative qui ne correspond pas bien aux besoins du zonage de l’activité notariale. En tout état de cause, cette subdivision ne permettrait pas de couvrir l’intégralité du territoire national, puisque, dans seize départements, il existe des communes ne relevant d’aucun établissement public de coopération intercommunale.

Monsieur le sénateur, que deux communes de la même intercommunalité relèvent de deux zones différentes ne crée aucune disparité. Ces cas reflètent le fait que, du point de vue des critères économiques de la zone d’emploi, en particulier du flux des trajets domicile-entreprise, deux communes sont dans des situations sensiblement différentes. Ces différences sont jugées suffisamment importantes pour justifier l’inclusion des communes dans deux zones d’emploi différentes. En d’autres termes, le continuum économique ne suit pas nécessairement la délimitation administrative.

Enfin, il n’est en rien critiquable que certaines communes classées en zone de revitalisation rurale relèvent d’une zone d’installation libre. Ce classement signifie que la présence des notaires y est insuffisante au regard de la demande. En effet, dans son étude, l’Autorité de la concurrence a veillé très attentivement à ne pas bouleverser la profession dans chacune des zones d’installation, en analysant finement la demande adressée aux études notariales.

Nos concitoyens résidant dans des zones de revitalisation rurale ont eux aussi le droit de bénéficier d’une offre de services renforcée par de nouveaux offices, si cela est objectivement justifié. En tout état de cause, le nombre de créations d’office recommandé peut être relativement limité dans ces zones, et tient compte de la faible densité démographique. Souvent, la création d’un seul office est recommandée ; parfois, il s’agit de deux offices.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État, je vous entends, mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous.

Que les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale ne soient pas pertinents, c’est entendu, surtout à un moment où ils sont aussi mouvants. En revanche, dès l’entretien que j’ai eu avec M. Macron, je lui ai fait part des doutes que m’inspirait la mission confiée à l’Autorité de la concurrence. Je ne voyais pas très bien ce que l’Autorité de la concurrence venait faire s’agissant des notaires. Ne serait-il pas plus judicieux de s’appuyer sur les études des chambres de notaires, qui quadrillent les territoires et, partant, connaissent parfaitement leurs besoins ?

Avec le système qui a été adopté, des études de la même importance font l’objet de classements différents ; j’ai à l’esprit des exemples concrets près de chez moi. Or le classement en zone de libre installation risque de mettre en péril certaines études rurales qui subissent déjà de plein fouet les baisses de transactions consécutives à la crise. Il me semble qu’il serait plus pertinent, même si l’on garde l’Autorité de la concurrence, de travailler en partenariat avec les chambres de notaires, les professionnels et, pourquoi pas, les élus, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur territoire.

généralisation des moyens dématérialisés de déclaration et de paiement des impôts

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, auteur de la question n° 1413, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Henri de Raincourt. La question de l’impôt sur le revenu est toujours d’une grande actualité, et nous aurons certainement l’occasion d’en reparler lors de la discussion du projet de loi de finances, avec l’instauration du prélèvement à la source.

Mais ce n’est pas ce sujet qui m’occupe aujourd'hui, madame la secrétaire d’État. Ma question portera plutôt sur deux nouvelles mesures, instaurées le 1er janvier 2016 : d’une part, la déclaration de revenus en ligne lorsque le revenu fiscal de référence de 2014, pour le foyer, est supérieur à 40 000 euros ; d’autre part, le télérèglement en ligne ou par prélèvement dès que la somme à payer dépasse le seuil de 10 000 euros.

Je passe sur la méthode, quelque peu discutable, qui s’attache une fois encore au niveau de revenu de nos concitoyens, alors même que l’utilisation des moyens numériques, reconnaissons-le, relève beaucoup plus d’une question générationnelle. Certains contribuables ont évidemment beaucoup de difficultés à s’adapter à ces nouvelles mesures et, pour d’autres, cette adaptation est même totalement impossible.

Bien entendu, on évoque les économies engendrées et le côté pratique de la mesure.

Les témoignages sont assez nombreux, me semble-t-il – mais sans doute de nombreux collègues pourraient également en faire état –, pour nous convaincre que nombre de nos concitoyens s’accommodent très mal de ce dispositif.

Quant à l’économie réalisée, il serait très intéressant de pouvoir disposer de données chiffrées relativement précises, si tant est que nous ayons aujourd'hui le recul suffisant.

Quoi qu’il en soit, et de façon plus générale, j’aimerais connaître les intentions du Gouvernement quant à l’évaluation des difficultés rencontrées par les contribuables concernés, aux moyens mis à disposition pour les surmonter et, le cas échéant, aux mesures transitoires qui seront prises pour ne pas pénaliser davantage ces contribuables en cas de retard ou d’incapacité. Je rappelle, en effet, qu’il y a des amendes à la clef.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. L’obligation de déclaration en ligne des revenus, codifiée à l’article 1649 quater B quinquies du code général des impôts, prévoit une mise en œuvre progressive – de 2016 à 2019 – de cette obligation, en fonction du montant du revenu fiscal de référence : 40 000 euros en 2016, puis 28 000 euros en 2017 et 15 000 euros en 2018. En 2019, tous les contribuables y seront assujettis.

L’article que j’ai évoqué fixe néanmoins que cette obligation concerne les seuls contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à internet. En outre, ceux qui estiment ne pas être en capacité de déposer en ligne peuvent utiliser une déclaration papier.

Conscient des difficultés que peuvent rencontrer certains contribuables face à cette évolution, le Gouvernement a proposé des aménagements afin de les accompagner.

Ainsi, la mise en place de l’obligation est progressive. De plus, la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, a lancé au cours de cette première année de généralisation de nombreuses actions de communication au niveau local et national. Les personnes qui ne savaient pas utiliser un ordinateur ont pu trouver de l’aide auprès des centres des finances publiques pour remplir leur déclaration de revenus en ligne. (M. Henri de Raincourt sourit.)

Par ailleurs, afin de prendre en compte les particularités de certaines catégories d’usagers peu familiers de l’utilisation de l’internet, par exemple les personnes âgées, il était indiqué, sur le formulaire papier de leur déclaration de revenus, qu’ils pouvaient continuer d’utiliser ce formulaire s’ils estimaient ne pas être en mesure de déclarer en ligne, bien que disposant d’un accès à l’internet à leur domicile.

S’agissant de l’abaissement du seuil de paiement dématérialisé obligatoire, il ne soulève pas de difficultés, sous l’angle de la fracture numérique, pour les personnes n’ayant pas d’accès à internet.

En effet, l’appellation « paiements dématérialisés » regroupe trois modes de paiement : le paiement en ligne, le prélèvement à l’échéance et le prélèvement mensuel.

Si un accès à internet est indispensable pour le paiement en ligne, ce n’est pas le cas du prélèvement mensuel ou à l’échéance.

La gestion des contrats de prélèvement mensuel ou à l’échéance – adhésion, changement de coordonnées bancaires, modulation des prélèvements, etc. – peut effectivement être assurée par courrier ou par téléphone auprès des centres prélèvement service ou des centres des finances publiques.

Pour les usagers disposant d’un accès internet, ces opérations peuvent également être réalisées en ligne.

Tels sont les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

Vous avez rappelé les dispositions progressivement mises en place et les modalités d’ajustement décidées afin de rendre cette mise en place relativement aisée pour les uns et les autres.

Dans ce cadre, une chose demeure réellement choquante : le recours aux amendes. Je connais une personne qui, ayant payé sa TVA par chèque, comme elle le fait depuis vingt ou trente ans, alors qu’elle devait obligatoirement payer par internet, s’est vue infliger une amende de 10 %. Ce n’est pas possible ; il faut être souple !

Quant au fait de se rendre au centre des finances publiques proche de son domicile, cette solution pourrait effectivement recueillir l’accord d’un certain nombre de contribuables. Mais à l’heure actuelle, en particulier dans le département que je représente, la Direction générale des finances publiques ferme les perceptions les unes après les autres !

Je citerai, à cet égard, l’exemple d’une personne âgée tout à fait prête à se rendre au centre des finances publiques pour effectuer sa déclaration ou son paiement, mais qui aurait 22 kilomètres à parcourir pour atteindre ledit centre. De tels déplacements, pour un certain nombre de personnes âgées habitant à la campagne, sont difficiles, voire impossibles à envisager.

Il faudrait donc que le secrétariat d’État au budget fasse un effort et, peut-être, instaure des permanences là où les perceptions ont été fermées, afin de pouvoir accueillir les personnes ayant des difficultés à adopter ces nouveaux modes de paiement et de déclaration, et leur proposer des solutions.

Encore une fois, c’est une question de génération. Il faut donc encourager, et non pénaliser !

surcoûts liés à l'insularité et dotations pour les îles bretonnes

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, auteur de la question n° 1478, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Michel Vaspart. Madame la secrétaire d’État, je tenais à attirer votre attention sur les surcoûts, en investissement comme en fonctionnement, supportés par les communes insulaires – je pense notamment à l’Île-de-Bréhat dans les Côtes-d’Armor, mais la situation est commune à l’ensemble des îles du Ponant : Ouessant, Sein, Arz, etc.

Les communes insulaires doivent maintenir un certain niveau de services destinés à une population peu nombreuse, services que, par nature, elles ne peuvent pas – ou peuvent difficilement – mutualiser.

Par ailleurs, la discontinuité géographique crée, on le comprend aisément, des charges supplémentaires, notamment liées au transport.

Ces particularités géographiques, évidentes, ne sont pas prises en compte dans les systèmes de péréquation des dotations de l’État.

L’absence de prise en compte des charges insulaires dans les formules de péréquation de la dotation globale de fonctionnement – la DGF – en vigueur en 2016 conduit déjà à une dotation de solidarité rurale – ou DSR – inférieure dans les îles à celle de l’ensemble des ayants droit du territoire national. L’application en 2017 de la nouvelle DGF amplifierait gravement cette inégalité pour un certain nombre d’îles.

La réforme de cette dotation fait disparaître un certain nombre de dotations îliennes. Elle conduit par exemple mécaniquement à la suppression de la dotation parc marin, dite DPM, perçue par Ouessant, Molène et Sein, suppression très peu compensée par une contrepartie spécifique en termes de dotation de ruralité.

Les îles de la Bretagne ou du Ponant, très mobilisées sur le sujet, sont, de par leur notoriété et leur attractivité, un atout important pour l’économie du pays.

Je souhaiterais donc vivement, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez m’indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour tenir compte du surcoût insulaire dans le calcul des dotations globales de fonctionnement et, si tel n’était pas le cas, les motifs justifiant que la spécificité des communes insulaires ne soit pas reconnue.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Vous avez souhaité, monsieur le sénateur, attirer l’attention du ministre de l’économie et des finances sur le surcoût en investissement et en fonctionnement supporté par les communes insulaires.

Vous avez notamment souligné que les îles de la Bretagne, singulièrement les îles du Ponant, sont particulièrement mobilisées sur cette question. Sachez que j’ai reçu leurs représentants, avec qui j’ai eu un échange approfondi.

Les concours financiers de l’État aux collectivités locales reconnaissent d’ores et déjà l’existence de surcoûts de production de biens et de services publics liés à l’isolement, à la petite taille démographique des communes insulaires ou aux difficultés d’approvisionnement auprès des entreprises continentales, et complexifiés par l’acheminement par voie maritime.

Ainsi les charges exceptionnelles de ces communes insulaires sont-elles prises en compte dans le calcul de la dotation de solidarité rurale et dans celui du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

Plus précisément, les fractions « péréquation » et « cible » de la DSR des communes insulaires prévoient, depuis 2012, le doublement de la voirie prise en compte dans la part « longueur de voirie » pour ces collectivités.

De ce fait, alors que les fractions « longueur de voirie » représentent en moyenne 4,93 euros par habitant pour la DSR « péréquation » et 4,84 euros par habitant pour la DSR « cible », ce montant atteint respectivement 6,77 euros et 8,26 euros par habitant dans les communes insulaires.

De surcroît, depuis 2013, les communes isolées, situées dans les îles maritimes, ne peuvent pas être prélevées au titre du FPIC, alors qu’elles sont éligibles au reversement. C’est un avantage important pour ces communes que la loi autorise à ne pas se rattacher à un établissement public de coopération intercommunale et qui, de ce fait, en l’absence de règles spécifiques, pourraient se retrouver contributrices à ce fonds.

S’agissant de la réforme de la DGF, dont le Président de la République a annoncé son renvoi à une loi spécifique, elle maintenait le doublement du critère « voirie » dans la DSR et, surtout, ajoutait une majoration importante de la dotation de ruralité envisagée par la réforme, via un coefficient multiplicateur de 0,2 appliqué à la densité de population des communes dont tout ou partie du territoire est situé dans le cœur d’un parc naturel marin.

Enfin, et vous le savez, à l’occasion d’un déplacement sur l’île de Groix, en Bretagne, le 1er octobre dernier, le Premier ministre s’est dit favorable à une nouvelle prise en compte des spécificités des îles du Ponant. La traduction budgétaire de cet engagement sera examinée dans le cadre des débats parlementaires à venir sur le projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart.

M. Michel Vaspart. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État de sa réponse très précise. Effectivement, nous serons attentifs aux propositions que formulera le Gouvernement dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de finances.

situation des sites papetiers stora enso à corbehem et arjowiggins à wizernes

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, auteur de la question n° 1469, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Jean-Claude Leroy. Je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la situation du site papetier ArjoWiggins à Wizernes, dans le Pas-de-Calais.

Voilà encore quelques mois, le sort de cette papeterie semblait être lié à celui d’une autre entreprise du secteur située dans le département : le site Stora Enso à Corbehem. En effet, en cas de reprise de l’usine de Corbehem, celle-ci aurait pu fournir la matière première – c’est-à-dire la pâte à papier – à la papeterie de Wizernes.

Or nous avons appris que sur le site de Corbehem, pourtant reconnu pour ses performances et la qualité de sa production, la machine 5 allait être démantelée, alors qu’elle était considérée comme l’une des plus performantes au monde. Le matériel, vendu pour 12 millions d’euros, sera remonté à Shanghai.

Cette opération laisse une impression de véritable gâchis et suscite un certain ressentiment vis-à-vis du groupe Stora Enso. Elle met fin, pour le moment, au projet de synergie des deux sites papetiers et à leur communauté de destin.

Reste à ce jour le site de Wizernes, qui demeure tout à fait opérationnel.

L’usine est en parfait état et peut facilement être redémarrée. Elle pourrait, par exemple, se tourner vers la fabrication de papiers spéciaux, comme les papiers d’emballage alimentaire, en utilisant un process innovant : la chromatogénie.

Ce nouveau procédé, mis au point par le Centre technique du papier, confère aux matériaux lignocellulosiques, notamment aux papiers et aux cartons, des propriétés de barrière à l’eau, aux corps gras et aux gaz biocompatibles.

Il s’agit d’un procédé de chimie verte exemplaire : il est sans solvant, utilise des réactifs et matières premières biosourcés, engendre très peu de produits dérivés et permet de fabriquer des matériaux au cycle de vie exceptionnel.

Cette technique de chromatogénie, produisant, j’y insiste, des matières recyclables et réutilisables à de multiples reprises, est donc très respectueuse de l’environnement. Elle permettrait d’obtenir de nouveaux matériaux concurrentiels, notamment par rapport au plastique.

Un projet de redémarrage de l’activité du site papetier de Wizernes s’appuyant sur l’exploitation de ce procédé innovant est aujourd’hui tout à fait envisageable. Une étude de faisabilité va d’ailleurs être menée, sur l’initiative des acteurs locaux, en particulier de la communauté d’agglomération de Saint-Omer, pour confirmer la pertinence de ces produits et mesurer les volumes des marchés potentiels.

C’est en se tournant vers l’innovation qu’une solution peut être trouvée pour l’usine ArjoWiggins de Wizernes.

Mon questionnement est donc simple. Quelle est la volonté de l’État s’agissant du site ArjoWiggins de Wizernes ? Quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour accompagner le projet innovant que j’ai évoqué, susceptible de faciliter le redémarrage du site ? De manière générale, existe-t-il à ce jour d’autres repreneurs potentiels ?

L’industrie papetière a forgé l’histoire industrielle de la vallée de l’Aa. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour faciliter et encourager tous les projets de reprise qui redonneraient espoir aux travailleurs de notre région.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. En effet, monsieur le sénateur, ArjoWiggins a malheureusement dû engager une fermeture de son site papetier à Wizernes, dans le Pas-de-Calais. Je le rappelle, le groupe faisait face à une très forte dégradation de ses résultats et à la problématique avérée des surcapacités sur le marché.

Conformément aux obligations créées par la loi dite Florange, une recherche de repreneur a été engagée pour le site de Wizernes, mais aussi pour celui de Charavines en Isère.

Un projet de reprise a été présenté, incluant également le site de Stora Enso à Corbehem, et les services du ministère de l’économie et des finances se sont mobilisés pour étudier ce projet, soutenu, notamment, par un fonds d’investissement. Il est ressorti de l’étude du business plan, en juillet 2015, que les hypothèses sur lesquelles il reposait méritaient d’être approfondies afin de garantir leur sérieux.

Les services du ministère de l’économie et des finances restent disponibles pour rencontrer les porteurs de projets innovants, susceptibles de relancer une activité industrielle, en particulier sur le site d’ArjoWiggins à Wizernes.

Le procédé de la chromatogénie, que vous avez évoqué, s’inscrit dans le cadre du développement de matériaux innovants sur le marché mondial de l’emballage. Il fait le pari de la suppression progressive des résines fluorées des papiers d’emballage alimentaire, auxquelles la chromatogénie, qui n’intègre aucun composé fluoré, est une des alternatives identifiées.

Ce projet attractif mérite toutefois d’être étayé par un business plan robuste, présentant les caractéristiques du projet, ses modalités de financement et les moyens envisagés pour développer un procédé au potentiel certes prometteur, mais n’ayant pas encore fait ses preuves. Outre la maîtrise du savoir-faire technologique, l’appétence des clients potentiels doit être mesurée.

La rentabilité de l’investissement et la capacité d’absorption du marché sont deux conditions indispensables à la pérennité d’un projet qui serait fondé sur la chromatogénie.

L’État est prêt à accompagner les projets de reprise pour autant qu’ils soient techniquement, industriellement et financièrement convaincants. Les services du ministère de l’économie et des finances restent donc mobilisés pour soutenir le développement de toute initiative de nature à favoriser la relance d’une activité industrielle et les emplois sur le site de Wizernes.

scolarisation des enfants de deux ans

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 1512, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Christian Favier. Ma question porte sur la scolarisation des enfants de deux ans dans le Val-de-Marne.

Vous savez, madame la secrétaire d’État, combien les besoins en matière d’éducation sont importants dans un département très urbanisé comme le nôtre, qui compte plusieurs zones classées parmi les réseaux d’éducation prioritaire, ou REP. Or dans ces zones, un enfant de deux ans sur cinq devrait avoir la possibilité d’être scolarisé, comme le précise une note d’information du ministère en date de juin 2016.

Je déplore, madame la secrétaire d’État, que la réalité soit tout autre dans le Val-de-Marne.

Dans les écoles maternelles du département, on compte à peine 6 places pour 100 enfants de deux ans – ce taux tombe à moins de 3 % dans une ville comme Choisy-le-Roi. Ce résultat est largement inférieur à une moyenne nationale évaluée à 14 places pour 100 enfants.

C’est une véritable atteinte au principe d’égalité du service public, et une injustice pour les petits Val-de-Marnais.

Cette situation oblige de nombreuses familles à laisser leurs enfants dans les crèches départementales ou communales jusqu’à l’âge de trois ans, voire trois ans et demi, ce qui réduit d’autant la possibilité de répondre aux besoins de nombreuses autres familles, en attente de place et contraintes de faire appel à des assistantes maternelles malgré le coût, souvent élevé, de cette prestation. C’est effectivement, on le sait, une charge financière qui pèse très lourdement sur le pouvoir d’achat des foyers les plus modestes, alors même que l’école maternelle est gratuite.

Nous faisons face, aussi, à un véritable problème éducatif, pour des enfants ayant tout intérêt à entrer en école maternelle afin d’être préparés au mieux aux apprentissages fondamentaux.

Devant l’urgence de la situation, je souhaiterais savoir comment l’État compte pallier les manques actuels dans ce département. Au-delà, qu’en est-il de la dotation exceptionnelle demandée depuis plusieurs mois par les parents d’élèves et les enseignants pour faire face à l’urgence éducative que connaît le Val-de-Marne ?