M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Personne n’a jamais dit cela !

M. Vincent Delahaye. C’est ce que nous avons entendu, monsieur le secrétaire d'État. D'ailleurs, le tour de passe-passe sur le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité montre bien que le Gouvernement renonce à une bonne partie des prétendues économies.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non !

M. Vincent Delahaye. Nous n’avons pas la même définition du mot « économies », monsieur le secrétaire d'État.

Ces dernières années, on n’a pas du tout diminué la dépense, comme on aurait dû le faire. En revanche, on a bien augmenté les impôts, comme l’a montré une étude réalisée par Coe-Rexecode. En 2011, la charge fiscale pesant sur les entreprises a augmenté de 9,5 milliards d’euros, et la situation n’a pas changé depuis, malgré le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité.

En ce qui concerne les ménages, le quinquennat aura été marqué par une très importante ponction fiscale.

Coe-Rexecode a montré que, après une ponction fiscale de 6,8 milliards d’euros en 2011, les ménages en avaient subi une autre de 60 milliards d’euros entre le début du quinquennat et la fin de l’année 2016. Et les plus riches n’ont pas été les seuls à payer, loin de là ! Les classes moyennes ont largement été mises à contribution. Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, nous avait pourtant assuré que neuf Français sur dix ne seraient pas touchés par les augmentations d’impôts : cela n’a pas du tout été le cas ! Cette charge de 60 milliards d’euros pèse aujourd'hui très fortement sur les ménages. Votre discours sur la réduction des impôts ne résiste pas à l’examen des chiffres, monsieur le secrétaire d'État.

J’ai entendu les nombreuses annonces récentes du Président de la République. J’ai également lu son interview dans Les Échos : comme on lui demandait s’il avait trahi ses électeurs, il a répondu que « la trahison, c’eût été de laisser le pays dans l’État où je l’ai trouvé ».

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est vrai !

M. Vincent Delahaye. Mes chers collègues, je ne considère pas que la situation en 2012 était idyllique, mais la dette publique était alors inférieure de 350 milliards d’euros à ce qu’elle est aujourd’hui, la France comptait un million de chômeurs de moins et la charge fiscale pesant sur les ménages était plus légère de 50 milliards d’euros : si l’on me proposait de revenir à cette situation, je serais tout à fait preneur !

J’aurais aimé que nous puissions discuter beaucoup plus longuement et largement de ce projet de loi de règlement. (M. Michel Bouvard applaudit.) Je trouve absolument anormal que l’on ne consacre que deux heures à en débattre, alors que l’examen de la loi de finances initiale, qui ne fait en réalité qu’établir des prévisions, nous occupe pendant trois semaines. Ce projet de loi de règlement met en lumière les très nombreuses sous-budgétisations de la loi de finances initiale !

Les membres du groupe UDI-UC n’ont pas voté la loi de finances initiale. Dans cette logique, ils ne voteront pas le projet de loi de règlement qui nous est présenté aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Winston Churchill disait : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées. » (Sourires.)

Non que le M. le secrétaire d'État Christian Eckert, bon soldat de la République, trafique les chiffres, mais il les habille, à un point tel que la Cour des comptes doit durcir le ton et rappeler que son expertise est indiscutable.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, depuis votre arrivée au pouvoir, vos choix politiques, fondés sur une idéologie et sur l’esprit du Bourget, ont engendré une surfiscalité entrepreneuriale, du moins pendant les premières années de la mandature, qui a réduit dangereusement les marges des entreprises et plombé durablement la compétitivité de notre économie.

Aujourd'hui, l’INSEE nous dit que l’économie française respire encore, mais qu’elle n’est plus dans la course. La croissance s’accélère, dites-vous, mais vous n’en êtes pas vraiment acteurs, car vous avez encore augmenté la dépense publique et les prélèvements obligatoires de plus de 1 %. Quant à la dette, elle représentera, d’ici à quelques mois, près de 100 % du PIB !

L’INSEE prévoit une accélération de croissance pour 2016 : elle devrait s’établir à 1,6 %, contre 1,2 % en 2015. Néanmoins, au regard des circonstances favorables, des taux bancaires proches de zéro, des liquidités versées par la Banque centrale européenne pour dynamiser l’économie – vous nous parlez peu, d'ailleurs, du quantitative easing : on ne sait même pas ce que le Gouvernement en pense – et de la baisse du prix du pétrole, il apparaît que votre performance est nettement inférieure à celle de tous les grands pays de l’Union européenne.

Le CICE étant mal ciblé et, en réalité, non conçu pour l’industrie, les importations de produits manufacturés ont creusé le déficit de la balance commerciale. Si l’amélioration des marges des entreprises a été réelle en 2015 – elle a été de l’ordre de 2 % –, le CICE n’y contribue que pour un quart. Ce sont les événements extérieurs qui ont aidé, notamment la baisse du prix de l’énergie.

Alors que la confiance est le meilleur support de la croissance, vous avez réussi l’exploit de mener une politique budgétaire et financière qui ne rassure personne, à commencer, naturellement, par la Commission européenne. Selon cette dernière, la France connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs. Le risque de retombées négatives sur son économie et, compte tenu de la taille de celle-ci, sur l’Union européenne et monétaire est particulièrement préoccupant.

La politique économique menée depuis 2012 réalise aussi la prouesse de déplaire aussi bien aux syndicats, qui dénoncent le reniement de ses engagements par M. Hollande, qu’aux chefs d’entreprise, exaspérés par les reculades du Gouvernement quand il s’agit de fluidifier le marché du travail ou d’assouplir les 35 heures.

Cette politique suscite également le mécontentement des retraités, dont le niveau de vie s’érode, comme celui des jeunes actifs, qui ont du mal à boucler leurs fins de mois et à se loger. Où sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, les 500 000 logements qui devaient être construits annuellement ? Même les quarante économistes qui avaient pris parti avec véhémence pour François Hollande se disent aujourd'hui déçus.

Néanmoins, vous développez actuellement une grande campagne de communication, qui s’efforce de convaincre les futurs électeurs que l’avenir sera rose. Le problème est que le redressement n’est visible que de l’Élysée et de Matignon. Aucun des grands déséquilibres ni aucune des grandes anomalies qui expliquent la faiblesse de l’économie française n’ont été corrigés depuis 2012.

Si le déficit de la balance commerciale s’est réduit, c’est pour l’essentiel grâce à la baisse de la facture énergétique.

Depuis 2012, les dépenses publiques ont poursuivi leur progression, puisqu’elles représentaient 57,2 % du PIB en 2015, contre 55,9 % en 2011. Je vous rappelle, au passage, que la croissance, en 2011, était de 2,5 % !

Dans le monde, seule la Finlande nous précède en termes de niveau des dépenses publiques. Sur injonction de la Commission européenne, la France a présenté un plan pour réduire ses dépenses de 50 milliards d’euros, plan dont les caractéristiques, dès le début, étaient aussi floues que peu détaillées, et dont l’absence de résultats va probablement déboucher aujourd'hui sur son annulation.

Le montant de la diminution des dépenses du budget de l’État retenu par la Cour des comptes pour 2015 – 300 millions d’euros – est quant à lui bien mince. Les désaccords sur les chiffres entre la Cour des comptes et le Gouvernement illustrent parfaitement le recours à des jeux d’écriture souvent trompeurs, reposant notamment sur la modification des périmètres.

En outre, nous venons d’apprendre la fin programmée du pacte de responsabilité et de solidarité, ce qui signifie en clair la rupture de nos engagements internationaux et le débridage de la dépense pour récompenser les Français des efforts que, contrairement à l’État et aux ministères, ils ont consentis.

La pression fiscale atteint des sommets. Selon l’OCDE, la France, à cause notamment de cotisations sociales records, est le pays affichant le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé, seulement précédé par le Danemark. Les cotisations sociales représentent, dans notre pays, 37 % des prélèvements obligatoires, contre 26,1 %, en moyenne, dans les autres pays.

En dépit de prélèvements fiscaux et sociaux inégalés, les comptes publics ne s’améliorent guère. Le déficit s’établit à quelque 74 milliards d’euros pour les derniers exercices budgétaires. S’il a été moins important que prévu en 2015, l’écart par rapport à la prévision est cependant marginal. Un seul chiffre suffit à relativiser cette performance : l’Allemagne a, elle, dégagé un excédent budgétaire de 12 milliards d’euros.

À Bruxelles et ailleurs, on s’inquiète des risques de dérapage du déficit en 2016, risques liés aussi aux nouvelles dépenses engagées. Celles-ci ont sans doute un intérêt, mais le problème est que nous avons pris des engagements ! Je ne suis pas sûr que le commissaire européen Valdis Dombrovskis soit très rassuré par notre situation… En effet, il vient de déclarer que « la France […] ne délivre pas les efforts structurels qui lui avaient été réclamés par le Conseil de l’Union européenne ».

Les esprits étant occupés par le Brexit, tout cela sera probablement mis sous le boisseau durant quelques mois. C’est toutefois une préoccupation : non seulement la croissance redémarre faiblement en France, mais, depuis deux ans, notre pays affiche aussi un taux de croissance inférieur au reste de la zone euro.

Non, la France ne se redresse pas, monsieur Sapin ! Tout indique, au contraire, qu’elle décroche.

Je vous ai en estime, mais j’ai trouvé pathétique et très surprenant que, dans votre communication du 25 mars dernier, après la publication des chiffres de l’INSEE sur les comptes publics de 2015, vous ayez annoncé triomphalement que « la dette française a connu, l’année dernière, sa plus faible progression depuis 2007 ». (M. le ministre le confirme.)

Or au même moment, tout en certifiant les comptes de 2015, la Cour des comptes, dans son rapport, formulait cinq réserves, dont une fondée sur les chiffres de la dette, et dénonçait un arrangement comptable pour camoufler soigneusement le gonflement de celle-ci.

Monsieur le ministre, il n’est pas sérieux de se vanter d’une dette qui n’aura jamais aussi peu coûté en frais financiers, alors que la Cour des comptes relève que vous mettez sur le marché des obligations assimilables du Trésor « dopées » : chaque milliard d’euros emprunté au taux de 6 % coûtera, pendant dix ans, 60 millions d’euros d’intérêts par an, contre 5 millions d’euros pour un emprunt à taux normal émis le même jour !

Sous ce quinquennat, ce sont 45 milliards d’euros de primes qui ont été payées par des investisseurs pour acquérir des OAT « dopées ». Notre dette aurait été limitée à 98 % du PIB en 2015 si nous avions pratiqué une gestion simplement normale. Dès 2018, ces acrobaties représenteront, pour le budget, un coût supplémentaire de 2 milliards d’euros par an.

Malgré toutes ces critiques, malgré votre bilan déplorable, malgré votre cote de confiance au plus bas, malgré les mises en garde, vous persistez à dépenser un argent que vous n’avez pas.

Toutes ces mesures d’opportunité politique sont critiquées par le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale lui-même, qui est pourtant de votre sensibilité politique.

Pour faire face à cette accumulation de nouvelles dépenses, vous vous êtes livré à un véritable tour de passe-passe sur le CICE, permettant que les entreprises affichent une créance fiscale supplémentaire sur l’État de 5 milliards d’euros en 2017, que l’État leur remboursera, pour l’essentiel, en 2018. Cela permettra certes de présenter des chiffres un peu meilleurs aux autorités européennes, mais il faudrait tout de même prendre un peu en considération les parlementaires, que des manœuvres de ce genre empêchent d’aborder la discussion avec vous en confiance.

Naturellement, la Cour des comptes elle aussi se montre pessimiste quant à la possibilité d’atteindre l’objectif de ramener notre déficit à 2,7 % du PIB en 2017.

Pour conclure, je voudrais dire que les collectivités, que l’on décrit souvent comme dispendieuses, devraient être réhabilitées. Comme l’écrit à la lettre la Cour des comptes, « la réduction du déficit public par rapport à 2014 provient pour les deux tiers des administrations publiques locales et pour une part réduite des administrations de la sécurité sociale ».

Les collectivités territoriales ont fait leur part de travail. Je ne suis pas sûr que l’on puisse en dire autant du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron.

M. Jacques Chiron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, il nous revient aujourd'hui de vérifier que le budget a été exécuté en dépenses et en recettes par le pouvoir exécutif conformément à ce qui avait été voté par le pouvoir législatif.

Je vois deux façons d’aborder le sujet. À côté d’une première lecture, budgétaire et comptable, classique mais importante, une lecture plus politique et, forcément, plus éclairante de ces éléments, mettant en perspective la trajectoire budgétaire de l’État et sa stratégie économique, est également possible.

Je vous propose d’adopter successivement ces deux modes de lecture.

Malgré une inflation restée faible, les recettes du budget général s’établissent à 294,5 milliards d’euros et sont supérieures de 1,2 milliard d’euros à ce que prévoyait la loi de finances initiale.

Ce bon résultat s’explique en partie par la politique très volontariste de lutte contre le rétrécissement des bases fiscales, qui continue à porter ses fruits.

Ainsi, ce qui frappe à la lecture des résultats de l’exécution des recettes, même si l’on commence à en avoir l’habitude, c’est l’importance du rendement du contrôle fiscal, puisque les encaissements s’élèvent à plus de 12 milliards d’euros, soit près de 2 milliards d’euros de plus que prévu.

J’en profite pour saluer le travail effectué par le service de traitement des déclarations rectificatives, qui aura permis de générer des recettes immédiates encore élevées en 2015. L’afflux des dossiers est tel que les régularisations devraient assurer des rentrées fiscales pour encore plusieurs années. Au-delà, ces fonds rapatriés viennent consolider les assiettes fiscales d’une série d’impôts et de taxes. Il me semble que la bonne exécution des recettes doit aussi être appréciée à la lumière de cet argument.

C’est sur le volet des dépenses que pesait le risque le plus important sur l’exécution du budget.

Frappé par deux séries d’attentats d’ampleur au cours de l’année 2015, notre pays a dû financer sa protection. Malgré cela, le niveau des dépenses voté par le Parlement a été respecté, et même réduit de 700 millions d’euros. Les dépenses de l’ensemble des administrations publiques n’ont augmenté que de 0,9 % en valeur. C’est historiquement peu, et c’est le résultat d’un effort constant pour évaluer en permanence l’efficacité de l’ensemble des dispositifs d’intervention publique, alléger et moderniser le fonctionnement de l’appareil d’État.

Des dépenses en baisse, des recettes en hausse : en conséquence, le déficit public s’améliore. Celui-ci s’établit, pour 2015, à 3,6 % du PIB, contre 4,1 % aux termes des prévisions de la loi de finances initiale. La trajectoire de réduction à la fois continue et soutenue se poursuit donc.

Je rappelle que le déficit s’élevait à 7,5 % du PIB en 2009 et à 7,1 % en 2010. Je le dis sans intention polémique, simplement parce qu’il existe une logique inertielle à ne pas négliger lorsque l’on cherche à réduire les déficits.

En tout état de cause, ces résultats crédibilisent notre objectif de nous conformer à nos engagements européens à l’horizon 2017.

Concernant, enfin, la dette publique, l’objectif induit reste d’enrayer son augmentation. C’est déjà un objectif extrêmement ambitieux, compte tenu de l’explosion de la dette durant la décennie précédente : elle a augmenté de 20 points entre 2007 et 2012 !

Au total, et conformément à ce qui avait été voté voilà un an et demi, un équilibre a pu être trouvé entre économies à réaliser et maintien d’une capacité de financement orientée selon les priorités du Gouvernement, lesquelles ont sensiblement évolué en cours d’année, grâce aux bonnes recettes du contrôle fiscal.

L’ensemble de ces éléments techniques, parfois austères, traduisent des choix dont la nature est fondamentalement politique.

Ainsi, l’ambition mise en œuvre depuis 2012 repose, on en a désormais l’habitude, sur le triptyque économique, budgétaire et fiscal suivant : assainissement des finances publiques – c’est un impératif générationnel de souveraineté–, modernisation de notre appareil productif pour engendrer de l’activité et de l’emploi, préservation de notre modèle social.

Toute la difficulté de l’exercice réside dans la nécessité de concilier ces trois objectifs.

Ces dernières années, nous avons assisté, chez ceux de nos partenaires européens dont les finances publiques étaient le plus dégradées, à l’enclenchement d’un cercle vicieux : Italie, Espagne, Portugal, Grèce se sont trouvés face à l’impérieuse nécessité de contracter leurs domaines d’intervention publique au pire moment, c’est-à-dire en période de croissance négative. Les conséquences en chaîne ont été terribles : baisse des rentrées fiscales, coût social extrêmement dur, sous-investissement tant public que privé devenu structurel et, in fine, encore moins de compétitivité.

De ce point de vue, la reprise constatée dans ces pays depuis un ou deux ans est trompeuse. En effet, elle aura eu pour prix une véritable dévaluation sociale et un décrochage durable. La Commission européenne vient d’ailleurs de déclarer le Portugal et l’Espagne en déficit excessif.

À rebours de ce scénario, le Gouvernement a voulu créer les conditions d’une croissance durable en préservant notre modèle social. Pour ce faire, un plan d’une ambition inédite a été mis en œuvre afin de permettre aux entreprises de rétablir durablement leurs marges.

À court terme, la mise en place du CICE aura permis d’alléger le coût du travail.

Pour le long terme, le Gouvernement a fait le constat d’un double handicap de nos entreprises.

Premièrement, faute d’investissements depuis des années – je rappelle que le reflux a commencé au début des années 2000 –, notre appareil productif était confronté à un problème sérieux de positionnement en gamme : il était devenu trop cher pour se démarquer par les prix et pas assez innovant pour se démarquer par la qualité.

Deuxièmement, nos entreprises peinaient à exploiter pleinement les débouchés à l’étranger.

Le crédit d’impôt recherche, le suramortissement des investissements, la création de la Banque publique d’investissement et de Business France ont permis une modernisation et une montée en gamme rapide de notre économie. Nos entreprises sont ainsi en mesure de se positionner sur les secteurs générateurs de valeur ajoutée des années à venir et de se tourner vers l’international.

Toutes ces mesures, eu égard à leur portée, ne s’inscrivent pas dans une recherche de résultats à très court terme. Au contraire, il s’agit de réformes structurelles dont la réelle mesure pourra seulement être prise avec des années de recul.

.Je constate tout de même que, après deux années de montée en puissance de l’ensemble de ces dispositifs, les feux passent progressivement au vert : la croissance s’amplifie, les entreprises investissent, projettent de l’activité et donc embauchent – 188 000 créations d’emplois en 2015…

Parallèlement, les ménages consomment, ce qui est très important.

Tout d’abord, cela indique que la confiance est revenue, ce qui tord quelque peu le cou au french bashing.

Ensuite, et surtout, le Gouvernement a fait le choix de ne pas écorner notre modèle social. Quoi qu’on en dise, nous n’avons pas touché au salaire minimum ni aux prestations sociales. Au contraire, des mesures fortes ont été prises en faveur de nos compatriotes les plus modestes. Une étude récente de l’INSEE a montré que le pouvoir d’achat des ménages a plutôt résisté à la crise, ce qui n’est pas le cas chez nos voisins italiens, espagnols ou britanniques.

Notre modèle social a joué son rôle d’amortisseur de la crise. Ce modèle social n’est pas un handicap pour atteindre l’objectif primordial de rétablir nos finances publiques. Au contraire, il est un atout pour notre pays, un encouragement à entreprendre, avec la garantie que la communauté nationale sera solidaire des membres qui la constituent.

Les chiffres de 2015 confirment, voire dépassent, les principales tendances qui se dégageaient en début d’exercice : une croissance qui prend de l’épaisseur, un déficit public qui se réduit, une hémorragie en passe d’être stoppée sur le front de la dette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, avant d’en venir au contenu même du projet de loi de règlement du budget de 2015, qui permet d’éclairer le débat d’orientation des finances publiques, vous me permettrez de regretter, cette année encore, les modalités d’examen de ce texte, qui traduit pourtant la réalité de notre exécution budgétaire.

Nous allons devoir débattre dans un temps très contraint, au milieu de la discussion d’un autre texte, un jeudi soir, alors que nombre de nos collègues ont déjà regagné leur département ou sont sur le point de le faire, qui plus est lors d’une session extraordinaire, alors même que la loi organique relative aux lois de finances voudrait que ce moment s’inscrive dans le processus législatif normal. Et je ne parle même pas de l’Euro de football ! (Sourires.)

Certes, le rapport, au demeurant très documenté et précis, du rapporteur général permet à chacun de pouvoir disposer de l’ensemble des informations sur le dernier budget clos de la législature que nous aurons à examiner durant celle-ci.

Certes, la commission des finances a effectué un travail approfondi d’examen de la mission « Justice », conjointement avec la commission des lois.

Certes, les rapporteurs ont examiné de nombreux documents : règlements d’administration publique, documents de politique transversale, rapport de la Cour des comptes accompagné des notes d’exécution budgétaire… Cependant, le débat en séance publique et l’écho qu’il devrait avoir sont réduits à leur plus simple expression. Cela nous rappelle que, incontestablement, des marges de progrès subsistent en matière de culture du contrôle, alors même que c’est dans les documents livrés en appui au projet de loi de règlement que l’on trouve le condensé des problèmes de gestion des finances publiques auquel le pays est confronté et, bien souvent, les solutions qu’il convient d’y apporter. Cela est d’autant plus vrai à moins d’un an de l’élection présidentielle et des élections législatives.

Nous demeurons, au risque de me répéter, dans le schéma d’une entreprise qui passerait deux mois à élaborer et à approuver son budget, et deux heures à examiner son compte de résultat !

J’en viens maintenant aux données du projet de loi de règlement.

Le constat est simple : une réduction des déficits plus importante que prévu en loi de finances initiale – 3,6 % du PIB contre 4,1 % –, une légère diminution des prélèvements obligatoires et des recettes en ligne avec la prévision. Ce sont incontestablement des éléments positifs, dont nous pouvons collectivement nous réjouir.

Toutefois, au-delà de ce premier constat, des sources d’inquiétude persistent. Notre déficit reste élevé : 3,6 % du PIB, c’est 1,5 % de plus que la moyenne de la zone euro et l’un des taux les plus importants de l’Union européenne. Notre solde structurel en 2015 est plus dégradé que les cibles retenues par les programmes de stabilité. Enfin, notre ajustement structurel est inférieur à la recommandation du Conseil de l’Union européenne.

Notre dette continue de croître, certes plus légèrement, nous exposant davantage à une remontée des taux. Nous devons être vigilants, quelle que soit la qualité de gestion des équipes de l’Agence France Trésor, sur le caractère anesthésiant de la baisse des taux.

L’année 2015 a ainsi permis, au-delà même de l’encaissement des souches déjà évoqué, qui a permis de ralentir la croissance de la dette, d’encaisser 301 millions d’euros correspondant au taux négatif sur les bons du Trésor à taux fixe, alors qu’une dépense de 427 millions d’euros avait été inscrite en loi de finances initiale.

Quant aux prélèvements obligatoires, s’ils se stabilisent et diminuent pour les entreprises, ce qui est une bonne nouvelle pour la compétitivité, ils poursuivent leur hausse pour les ménages.

En clair, si la situation s’améliore, si « la France va mieux », pour reprendre l’expression présidentielle, elle diverge malheureusement par rapport à ses voisins de l’Union européenne, partenaires, mais aussi concurrents, et reste fragilisée par une insuffisance de réformes structurelles permettant de réduire la dépense publique, singulièrement celle de l’État. Comme le rappelle à juste titre la Cour des comptes, la réduction du déficit est due pour deux tiers aux collectivités locales.

Quant à l’amélioration du solde structurel, elle est en partie due à la diminution de la charge d’intérêts de la dette, qui représente la moitié de la réduction du déficit public.

Je n’entrerai pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans le débat sur la réalité des économies faites par l’État ni dans celui sur le respect de la norme de dépense, même si je partage la lecture de la Cour des comptes.

En effet, je sais que plusieurs lectures peuvent être faites selon que l’on raisonne en termes de comptabilité budgétaire ou de comptabilité nationale. Je sais aussi que le périmètre de la norme de dépense est un débat constant depuis des années.

Ces débats ésotériques pour la quasi-totalité de nos concitoyens contribuent sans doute au décalage existant entre ces derniers et leurs représentants. C'est la raison pour laquelle il conviendra de les trancher et de leur consacrer un travail de réflexion en début de mandature.

Puisque la loi de règlement doit permettre de tirer des enseignements pour l’avenir et qu’il y a un débat d’orientation des finances publiques, vous permettrez à un praticien –maintenant ancien – de la LOLF de formuler quelques recommandations et rappels utiles pour le gouvernement, quel qu’il soit, qui prendra ses fonctions en 2017 et pour la discussion du projet de loi de finances.

En premier lieu, il faut que le Gouvernement s’engage sur un référentiel de dépenses partagé entre l’exécutif, le Parlement et la Cour des comptes, ainsi que sur une norme de dépenses stable ne donnant plus lieu à contestation.

En deuxième lieu, il faut s’assurer du respect des dispositions de la LOLF en tout point, dans les inscriptions et dans l’exécution budgétaire. Certaines entorses, que le temps qui m’est imparti ne permet pas d’exposer pour chaque programme, se répètent depuis plusieurs années et peuvent entacher la sincérité de missions ou de programmes.

Je pourrais, par exemple, évoquer le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », dit « CAS immobilier », dont je suis le rapporteur et dont les crédits de paiement sont utilisés pour régler des dépenses préalablement engagées et payées en 2012 sur le programme « Soutien à la politique de défense », illustrant des recyclages d’autorisations d’engagements.

Je pourrais aussi évoquer les 120 millions d’euros non inscrits dédiés à la couverture du glissement vieillesse-technicité, le GVT, dans les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Je pourrais encore évoquer le non-respect de l’article 8 de la LOLF concernant les inscriptions relatives aux partenariats public-privé, avec des autorisations d’engagement et des crédits de paiement divergents – 154 millions d’euros d’écart ! –, au sein du programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».

En troisième lieu, il faut garantir la mise à jour et la stabilité des indicateurs indispensables à la mesure de l’efficacité de la dépense. Dans de nombreux programmes, les indicateurs sont inexploitables en raison de ruptures dans les séries de données ou de modifications trop fréquentes de périmètre.

En quatrième lieu, le retour à un taux de réserve de précaution raisonnable est nécessaire. La progression de ce taux au fil des années - 8 % des crédits en 2015 – conduit à une masse disponible, avec les reports, de 11 milliards d’euros, qui a certes permis de faciliter la régulation budgétaire, avec notamment 4 milliards d’euros d’annulations en 2015, mais qui n’a pas incité à mettre en œuvre des économies structurelles.

J’en viens, en cinquième lieu, à l’indispensable consolidation entre dépense budgétaire et dépense fiscale.

Les conférences fiscales ont bien été mises en place, je vous en donne volontiers acte, mais les résultats restent modestes. Je ne suis pas certain que le degré d’implication des directions ministérielles soit à la hauteur.

Or la dépense fiscale – établie à 84 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 81,93 milliards d’euros dans celui pour 2015 – continue de progresser, essentiellement, certes, en raison du CICE. Hors ce dispositif, la dépense fiscale est plutôt stable.

Cependant, le CICE continuera de monter en charge l’an prochain, en raison de la restitution de la fraction non imputée de la créance acquise en 2013 pour les entreprises les plus importantes.

La définition du plafond de dépenses fiscales donne elle-même lieu à débat, puisqu’il est calculé selon des méthodes inscrites dans le projet de loi de finances pour 2013, qu’il faut maintenant corriger sur trois ans. Sa mise en œuvre donne également matière à débat, les changements de périmètre ne donnant pas lieu à correction cohérente avec le plafond des normes applicables aux crédits budgétaires.

Le Parlement ne peut donc que souhaiter la rédaction rapide d’une charte de budgétisation des dépenses fiscales et crédits d’impôts.

S’agissant toujours de la dépense fiscale, la règle de l’évaluation périodique doit être strictement appliquée.

En sixième lieu, il importe de concentrer les mesures à incidence budgétaire en loi de finances. En matière de dépense fiscale, depuis le début de cette année, dix mesures nouvelles ont été prises, représentant un montant de 379 millions d’euros selon la Cour des comptes.

Voilà quelques enseignements que je souhaitais livrer à votre réflexion, en espérant que cela puisse nous permettre, à l’avenir, de converger sur des chiffres non contestables et, surtout, d’engager les réformes structurelles dont notre pays a besoin.