compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Colette Mélot,

Mme Catherine Tasca.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin.

M. Cédric Perrin. Monsieur le président, lors du scrutin n° 201, sur l’amendement n° 210 rectifié, à l’article 4 du projet de loi pour une République numérique, j’ai été inscrit comme ayant voté contre, alors que je souhaitais voter pour.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

4

Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l’Union européenne, ainsi que sur l’impact des réformes mises en place par ces pays pour faire baisser le chômage, créée sur l’initiative du groupe Les Républicains, en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

5

Candidatures à une mission d’information

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur la position de la France à l’égard de l’accord de mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en œuvre de cet accord, créée sur l’initiative du groupe communiste républicain et citoyen, en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

6

Salut en séance aux auditeurs de l’Institut du Sénat

M. le président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence dans nos tribunes des auditeurs et auditrices de la première promotion de l’Institut du Sénat.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, à la suite du remarquable travail et du rapport du questeur Jean-Léonce Dupont, le bureau du Sénat a décidé de mettre en œuvre un programme de formation inspiré de celui de l’IHEDN, l’Institut des hautes études de Défense nationale, en vue de plonger des personnalités représentatives de différents secteurs d’activité au cœur de la vie parlementaire pendant une session.

Ces auditeurs ont été sélectionnés par l’intermédiaire, notamment, des associations départementales des maires et sont issus de vingt départements pour cette première promotion.

Ils représentent l’ensemble de la sphère publique : monde économique, social, syndical et associatif, monde de l’éducation, fonctionnaires, professions libérales… Et beaucoup d’entre eux sont aussi élus locaux.

Certains d’entre vous, que je remercie, les ont déjà rencontrés au cours des différents ateliers organisés à leur intention.

Je leur souhaite à tous, en votre nom, mes chers collègues, une excellente poursuite de cette session, sous la houlette attentive du questeur Jean-Léonce Dupont. Je forme le vœu qu’ils fassent mieux connaître le rôle essentiel du bicamérisme dans l’équilibre des institutions de la VRépublique et mieux comprendre la vie parlementaire, à un moment où l’on a tendance à beaucoup trop simplifier les choses. (Applaudissements.)

7

Projet de programme de stabilité

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le projet de programme de stabilité, organisé à ma demande et à celle de la commission des finances.

Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de programme de stabilité pour les années 2016 à 2019 dont nous débattons aujourd’hui présente les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement pour cette période ainsi que la trajectoire des finances publiques.

Il s’accompagne d’un programme national de réforme qui expose les réformes structurelles engagées ou projetées par le Gouvernement, en particulier à l’aune des objectifs retenus par la stratégie de coordination des politiques économiques, dite « Europe 2020 ».

Ce programme de stabilité ne comprend pas de surprise majeure. Le Gouvernement a en effet choisi de maintenir inchangées les hypothèses de croissance qui avaient été présentées lors du projet de loi de finances et du dernier programme de stabilité. La croissance serait ainsi de 1,5 % en volume en 2016 et en 2017, puis de 1,75 % en 2018, et de 1,9 % en 2019.

La prévision d’inflation pour 2016 a en revanche été ramenée à 0,1 %, contre 1 % dans le projet de loi de finances pour 2016.

Il aurait pu en être autrement, car, au cours des derniers mois, les prévisions de croissance pour l’année 2016 ont été revues à la baisse par tous les organismes. Ainsi, l’activité progresserait seulement de 1,3 % selon la Commission européenne, de 1,1 % selon le FMI, le Fonds monétaire international, et de 1,2 % selon l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économique.

Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques a considéré que « la prévision de croissance du Gouvernement, tout en se situant en haut de la fourchette des prévisions économiques, est encore atteignable ». Aussi, cette prévision ne peut pas être qualifiée de prudente, d’autant que nombre d’incertitudes demeurent.

En effet, la reprise de la croissance économique reste fragile en raison de la persistance de risques nombreux : les économies émergentes ont montré des signes de ralentissement au cours de l’année 2015, en particulier parmi le groupe des BRICS – le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud –, phénomène qui devrait se prolonger en 2016 ; les pays émergents présentent également une grande fragilité financière, avec une évolution heurtée de leurs marchés financiers et un fort accroissement de l’endettement privé ; enfin, la baisse du prix du pétrole fait apparaître des déséquilibres budgétaires dans les pays pétroliers et des risques politiques et sociaux.

Plus près de nous, la situation grecque n’est pas encore stabilisée et la perspective d’un Brexit en juin prochain pourrait provoquer des dommages sévères à l’économie européenne.

Le Gouvernement s’est félicité de la bonne tenue des finances publiques en 2015. Il est vrai que les comptes provisoires publiés par l’INSEE le 25 mars dernier font apparaître un déficit public s’établissant à 77,4 milliards d’euros en 2015, soit 3,5 % du produit intérieur brut, en recul de 0,5 point par rapport à 2014. Le déficit serait donc moins élevé de 0,3 point de produit intérieur brut que la prévision du dernier projet de loi de finances.

Les résultats de l’exercice 2015 doivent toutefois être relativisés, et ce à plusieurs titres.

Tout d’abord, la réduction plus importante qu’il n’était envisagé du déficit public en 2015 est en partie due à des facteurs sur lesquels le Gouvernement n’a pas ou peu de maîtrise : près du quart de l’amélioration du déficit par rapport à la prévision est à attribuer à la situation financière des collectivités territoriales.

Plus généralement, le recul du déficit des administrations publiques entre 2014 et 2015, d’un montant de 7,4 milliards d’euros, s’explique principalement par la baisse de la charge de la dette de 2,3 milliards d’euros, en lien avec le recul des taux d’intérêt, et par la baisse des dépenses d’investissement de 4,1 milliards d’euros, notamment dans les collectivités territoriales.

Notre pays ne saurait donc faire preuve de triomphalisme quand il continue d’afficher, en 2015, avec 3,5 % du produit intérieur brut, l’un des soldes publics les plus dégradés de la zone euro,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … où celui-ci s’est élevé, en moyenne, à 2,1 % du produit intérieur brut.

Par ailleurs, en dépit de l’amélioration du déficit effectif en 2015, la réduction de notre solde structurel demeure en deçà des cibles arrêtées par le Conseil de l’Union européenne dans sa recommandation du 10 mars 2015.

Le Gouvernement annonce un ajustement structurel de 0,4 point de produit intérieur brut en 2016 et de 0,5 point en 2017, contre des objectifs initiaux de 0,8 et 0,9 point de produit intérieur brut.

Ainsi, alors que l’ajustement structurel a été « artificiellement » accru par le relèvement des hypothèses de croissance potentielle, le Gouvernement ne sera pas même en mesure de présenter l’ajustement structurel minimal en application du pacte de stabilité et de croissance, soit 0,5 point de produit intérieur brut.

La France occupe une position médiane parmi les États membres soumis à la procédure de déficit excessif en termes d’ajustement structurel consenti au cours de la période 2011-2015, mais elle est le seul pays en déficit excessif à faire apparaître, au cours de cette même période, une progression de la part de ses dépenses publiques dans le produit intérieur brut – une hausse de 1,2 point – et elle affiche la plus forte augmentation de la part des recettes publiques dans la richesse nationale, à savoir 2,7 points.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Ils s’y connaissent, à droite !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre pays a réalisé une part très importante de ses efforts par l’augmentation de ses prélèvements obligatoires et éprouve sans doute aujourd’hui de grandes difficultés à engager les réformes qui permettraient un réel ralentissement de la dépense publique : l’essentiel des économies consenties jusqu’à présent a concerné les dépenses les plus aisées à réduire sans réforme de fond.

M. Didier Guillaume. Ce n’est déjà pas mal !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le rabot a ainsi été passé sur les investissements, les achats courants, tandis qu’a été gelé le point d’indice des fonctionnaires.

Le programme de stabilité montre que le Gouvernement ne paraît pas vouloir se départir de cette logique pour les années à venir, alors qu’elle est bien insuffisante.

La réalisation du programme d’économies d’un montant de 50 milliards d’euros au cours de la période 2015-2017 ne repose pas sur une sélectivité accrue de la dépense publique.

Par ailleurs, les mesures en dépenses annoncées après l’adoption de la loi de finances représentent déjà 3,3 milliards d’euros au titre de l’exercice 2016 : plan d’urgence pour l’emploi, plan en faveur de l’élevage, revalorisation du point d’indice de la fonction publique, etc.

Pour l’année 2017, le coût de ces dépenses devrait être de 4 milliards d’euros au moins. À cela s’ajoute la nécessité de corriger les incidences budgétaires d’une inflation plus faible que celle qui était anticipée, pour un montant de 3,8 milliards d’euros en 2016 et de 5 milliards d’euros en 2017. Cela fait donc au total au moins 7 milliards d’euros d’économies supplémentaires à trouver en 2016 et 9 milliards d’euros en 2017.

Pour faire face à ces contraintes, le Gouvernement annonce des annulations de crédits au sein du budget de l’État, de moindres dépenses liées aux « gains d’efficacité constatés sur les moyens informatiques et sur les achats » ou encore à la rationalisation des implantations territoriales, de moindres décaissements sur le programme d’investissements d’avenir – nous en parlions ce matin en commission avec le commissaire général à l’investissement –, ainsi qu’une amélioration du solde des administrations de sécurité sociale et des collectivités territoriales.

En bref, les mesures annoncées restent très imprécises, d’autant que pour la période 2018-2019, le programme de stabilité ne dit rien de la répartition des efforts en dépenses qui devront être consentis par les différentes catégories d’administrations publiques – en particulier par les collectivités territoriales –, alors qu’ils doivent rester soutenus dans le scénario proposé par le Gouvernement.

Les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires représenteraient moins 5,5 milliards d’euros en 2016. À la montée en charge du pacte de responsabilité et de solidarité s’ajouteraient la prolongation du suramortissement des investissements industriels et un allégement de cotisations pour les agriculteurs.

À l’inverse, les allégements de cotisations et de contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, se traduiraient par une hausse mécanique des recettes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés. En outre, l’introduction d’une composante carbone dans la fiscalité énergétique alourdirait les prélèvements obligatoires, de même que la hausse de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, l’augmentation des taux d’impôts locaux et des cotisations prévue dans le cadre de la dernière réforme des retraites.

En 2017, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires seraient de l’ordre de moins 5,7 milliards d’euros, toujours en lien avec le déploiement du pacte de responsabilité et de solidarité.

Si ces engagements étaient respectés, le taux des prélèvements obligatoires engagerait un déclin progressif, après avoir il est vrai fortement progressé au début de l’actuelle législature. Ainsi, en 2017, celui-ci s’élèverait à 44 % du produit intérieur brut, soit 1,4 point de plus qu’en 2011, et resterait toujours supérieur à son niveau de 2012.

Enfin, après que le Gouvernement a reporté à de nombreuses reprises le moment où le poids de la dette publique dans le produit intérieur brut devait commencer à se réduire, le programme de stabilité marque très nettement le renoncement à l’idée qu’une réduction, voire une stabilisation de celui-ci intervienne avant 2017.

La dette publique n’a cessé de progresser pour s’élever à 95,7 % du produit intérieur brut en 2015, contre 89,6 % en 2012.

En conclusion, il apparaît bien que le programme de stabilité qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas à la hauteur des défis auxquels la France est confrontée en matière de redressement de ses finances publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France est l’un des sept pays qui font encore l’objet d’une procédure de correction des déficits excessifs, mais la trajectoire proposée par ce programme de stabilité, confortée par les résultats de 2015, meilleurs que prévu, devrait nous permettre, lorsqu’elle sera déclinée dans les lois financières pour 2017, de sortir du cadre de cette procédure l’année prochaine.

Pour autant, il ne faut pas céder au « fétichisme » des chiffres ou des ratios ; l’important est que notre pays parvienne à respecter ses engagements européens, en conciliant la consolidation des finances publiques et la préservation de la croissance.

La trajectoire budgétaire n’est que l’un des volets de la politique économique, et le programme de stabilité doit se lire avec le programme national de réforme, qui décline de manière détaillée les réformes déjà engagées ou à venir pour assurer la soutenabilité de nos finances publiques, redresser la compétitivité et la productivité, améliorer le fonctionnement du marché du travail et promouvoir l’inclusion sociale et l’égalité des chances.

J’évoquerai d’abord la croissance.

D’aucuns déplorent la faiblesse de l’activité française, et il est vrai que nous ne pouvons que la regretter. Mais il convient dans le même temps de relever que la progression du produit intérieur brut a été de 0,6 % en moyenne au cours de la période 2012-2015, soit le double de celle qui a été observée dans la zone euro.

Cela semble indiquer que le rythme ainsi que la composition de l’ajustement budgétaire ont tout à la fois « épargné » une croissance économique fragile et permis une réduction du déficit public de plus de 1,5 point de produit intérieur brut depuis le début de la législature, soit une amélioration quasi identique à celle qui est affichée par l’Allemagne.

Certains esprits chagrins pourraient reprocher au Gouvernement d’avoir fait reposer une grande partie de l’ajustement structurel sur la fiscalité. Certes, le taux des prélèvements obligatoires a augmenté de près d’un point de produit intérieur brut entre 2012 et 2014, mais c’est un ralentissement notable par rapport aux années 2009 à 2011, au cours desquelles il avait progressé de 1,6 point.

Je retiens surtout que les gouvernements successifs depuis 2012 disent ce qu’ils font et font ce qu’ils disent, avec constance.

M. Roger Karoutchi. Alors ça !…

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Dès 2012, le Président de la République a clairement exprimé sa volonté de redresser les comptes publics en deux phases : dans un premier temps, en accroissant les prélèvements obligatoires,…

M. Roger Karoutchi. Ça, c’est sûr !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. … conformément aux constats du Fonds monétaire international sur le moindre effet récessif à court terme des hausses de prélèvements et parce qu’il y avait urgence à endiguer la spirale du déficit – mes chers collègues, vous vous souvenez du niveau qu’il atteignait à cette époque –…

M. Didier Guillaume. Certains l’ont oublié !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. … puis, dans un second temps, en réduisant la dépense publique. (M. Vincent Delahaye s’exclame.)

L’avenir nous dira si la stratégie budgétaire retenue par le Gouvernement était la bonne. Quoi qu’il en soit, ce dernier a tenu ses engagements et, depuis 2015, l’amélioration de la situation des finances publiques repose exclusivement – je dis bien : exclusivement – sur les dépenses.

À cet égard, le taux de croissance de la dépense publique en volume a été ramené, en moyenne, à 1,2 % entre 2013 et 2015, contre 3,6 % entre 2002 et 2012. Cette dynamique devrait perdurer avec la mise en œuvre du programme de 50 milliards d’euros d’économies au cours de la période 2015-2017, sans cesse consolidé afin de tenir compte, notamment, des effets de la faible inflation.

Il s’agit d’un effort sans précédent sur la dépense, qui concerne toutes les catégories d’administrations publiques et d’abord l’État, comme le montrera l’analyse des rapports annuels de performance de 2015, que nous recevrons bientôt.

Cet effort permet de continuer l’assainissement des finances publiques tout en finançant les priorités du Gouvernement, comme le plan d’urgence pour l’emploi ou encore le plan en faveur de l’élevage, et en réduisant le poids de la fiscalité.

Ainsi, pour la première fois depuis 2009, le taux des prélèvements obligatoires a diminué en 2015, en raison du déploiement du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et du pacte de responsabilité et de solidarité. Ce dernier intègre aussi bien des baisses d’impôt sur le revenu que des réductions de prélèvements sur les entreprises, en particulier afin de diminuer le coût du travail.

Par ailleurs, du fait de son succès, il a été décidé de prolonger d’un an le dispositif de suramortissement des investissements industriels, qui a fait des émules, nous dit-on, en Italie.

Au total, le Gouvernement s’attache à renforcer le pouvoir d’achat des ménages, en particulier des plus modestes, et à consolider la situation financière des entreprises, afin de permettre à notre économie de repartir sur ses deux jambes : la demande et l’offre.

À ce titre, le programme national de réforme évalue l’impact des réformes engagées par le Gouvernement à l’horizon 2020 à 4,8 points de produit intérieur brut et à plus d’un million d’emplois.

Nous aurons l’appréciation de la Commission européenne sur les programmes de stabilité et de réforme à la fin de mai, lorsqu’elle publiera les recommandations par pays qu’elle propose au Conseil d’adopter. Le commissaire Pierre Moscovici viendra nous les détailler très prochainement.

Pour ma part, je considère que les documents dont nous débattons aujourd’hui démontrent que le Gouvernement s’inscrit dans une démarche globale de long terme et a su faire de la consolidation des finances publiques une priorité sans que celle-ci devienne un handicap pour l’activité économique et le rebond de l’emploi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la suite de l’intervention du rapporteur général de la commission des finances, je formulerai simplement trois remarques sur la trajectoire proposée pour les finances sociales.

La première remarque, c’est que le retour à l’équilibre, annoncé pour 2016 pour les administrations de sécurité sociale, résulte largement d’une augmentation des prélèvements obligatoires qu’entame à peine le pacte de responsabilité.

En effet, l’impact des mesures antérieures se fait encore sentir, singulièrement dans le domaine des retraites : 1,7 milliard d’euros supplémentaires au total pour le dispositif carrières longues décidé en 2012, pour la réforme des retraites de 2014 et pour les retraites complémentaires.

Ces prélèvements, qui représentent 23,8 % du produit intérieur brut, soit près du quart de la richesse nationale, pèsent pour l’essentiel sur le travail et handicapent l’activité.

Plus encore que le marché du travail, sur lequel insistent le programme de stabilité et le programme national de réformes, c’est bien le financement de la protection sociale qui appelle une réforme fondamentale, laquelle n’est encore qu’esquissée.

Ma deuxième remarque porte justement sur la question des retraites.

Selon le programme de stabilité, « l’équilibre financier du système de retraite ne constitue plus en France un enjeu majeur pour la soutenabilité de long terme des finances publiques ».

Le programme de stabilité détaille par ailleurs l’accord du 30 octobre 2015 sur les retraites complémentaires, soulignant que cet accord améliore l’indicateur de soutenabilité de 0,3 point de produit intérieur brut. La commission des affaires sociales a déjà eu l’occasion de souligner le paradoxe qui consiste à se féliciter de l’accord AGIRC-ARCCO, tant sur la méthode – une vraie prise de responsabilité des partenaires sociaux – que sur le fond – une réforme astucieuse qui combine plusieurs leviers –, tout en considérant que la question est réglée pour les régimes de base.

Or de nombreuses questions restent ouvertes : celle de l’équité entre générations, qui n’est pas la moindre alors que s’allonge l’espérance de vie, mais aussi celle de l’équité entre public et privé, même si je ne nie pas les convergences qui apparaissent.

Je n’oublie pas non plus le financement du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.

On le voit, la question des retraites reste posée et ne peut être évacuée aussi rapidement.

Ma troisième et dernière remarque porte sur « l’autre » régime à gestion paritaire qu’est l’assurance chômage. La dette de l’UNEDIC atteint des niveaux sans précédent. Supérieure à 25 milliards d’euros, elle est largement responsable de l’augmentation de la dette sociale en 2015. Dans le projet de programme de stabilité, 1,6 milliard d’euros de moindres dépenses sont attendus de la négociation en cours. Même si l’on met de côté la dramatisation, devenue habituelle, de ces séquences de négociation, l’équation est très différente de celles des retraites complémentaires : le recours à l’endettement et l’implication de l’État ont réduit la portée réelle de la gestion paritaire et rendu les réformes plus difficiles.

Pour les administrations de sécurité sociale, le bouclage du programme de stabilité dépend très fortement de cette négociation, plus encore que du milliard supplémentaire d’économies à trouver en 2016, dont le contenu reste à préciser.

Telles sont les remarques que je souhaitais formuler, au nom de la commission des affaires sociales, sur une trajectoire des finances sociales sans doute un peu moins favorable que celle qui nous est présentée dans ce programme de stabilité, même si celui-ci ne nie pas les incertitudes qui s’attachent à sa réalisation, incertitudes renforcées, chacun en conviendra, dans la séquence électorale présidentielle qui s’ouvre, séquence dont on sait qu’elle est propice aux mesures dépensières.

M. Jean-Louis Carrère. Vous parlez d’expérience !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, ne relâchons donc pas nos efforts en faveur des économies et de la stabilité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe CRC.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question vaut d’être posée en préambule : que reste-t-il du rêve européen ?

Quatre ans ou presque après l’adoption du TSCG, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, c’est bien la question qui se pose.

Les règles posées par le TSCG, dont l’adoption ne fut assurée, rappelons-le, que par la voie parlementaire, pour éviter sans doute la sanction du suffrage populaire dans le moindre référendum, ont conduit l’ensemble de la zone euro à la faiblesse de la croissance, à la persistance d’un chômage de masse, au développement des inégalités sociales et au maintien, à un niveau encore élevé, de l’encours des dettes publiques.

Les réformes menées dans nombre de pays ont rencontré et continuent de rencontrer, comme l’illustre le mouvement suscité par le projet de loi El Khomri dans notre propre pays, une profonde aversion populaire, se traduisant notamment par une forme nouvelle d’instabilité politique touchant des pays comme l’Espagne ou l’Irlande, où les majorités politiques en place ont été largement battues lors des dernières consultations électorales. Le même phénomène a été observé aux Pays-Bas lors d’un récent référendum. Enfin, le très inquiétant résultat de la présidentielle autrichienne ne peut masquer le véritable effondrement des deux partis historiquement influents et liés l’un à la social-démocratie européenne, l’autre à la démocratie chrétienne.

Certains se félicitent de la montée en puissance de forces centrifuges, matérialisées dans la campagne référendaire britannique, souvent animées par la xénophobie, le racisme et, de manière plus générale, le refus de toute altérité, mais telle n’est pas notre position.

Nous pensons au contraire qu’il est grand temps de réenchanter le rêve européen.