compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaires :

M. Serge Larcher,

M. Jean-Pierre Leleux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 2 mars 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Demande d’avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de M. Jean-Christophe Niel, dont la nomination aux fonctions de directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est envisagée.

Acte est donné de cette communication.

3

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 3 mars 2016, le texte de la décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative au droit des étrangers en France.

Acte est donné de cette communication.

4

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

– le rapport sur les nouveaux budgets carbone et la stratégie nationale bas-carbone ;

– le rapport annuel sur l’évolution des péages pour chaque exploitant autoroutier ;

– le rapport sur les conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils ont été transmis respectivement à la commission des affaires économiques et à celle de l’aménagement du territoire et du développement durable pour le premier, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour le deuxième et à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi qu’à celle des finances pour le troisième.

5

Retrait d’une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1394 de Mme Anne Catherine Loisier est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d'une commune nouvelle
Discussion générale (suite)

Maintien des communes associées en cas de création d'une commune nouvelle

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d'une commune nouvelle
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées en cas de création d’une commune nouvelle, présentée par M. Bruno Sido et plusieurs de ses collègues. (proposition n° 181, texte de la commission n° 433, rapport n° 432)

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Sido, auteur de la proposition de loi.

M. Bruno Sido, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier M. le président Retailleau pour son écoute afin de permettre l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée.

Je le dis sans aucune flagornerie, mais pour une raison simple : si le devenir des communes associées dans le cadre de la création des communes nouvelles préoccupe les maires de la Haute-Marne, et sans doute aussi leurs homologues meusiens, ce sujet demeure relativement inconnu ailleurs en France.

Ce texte vise à combler un vide juridique et surtout à répondre à un problème d’équité. En effet, si la loi du 16 décembre 2010 prévoit un statut de commune déléguée pour les communes qui fusionnent, rien n’a été prévu pour les anciennes communes associées, précisément parce qu’elles étaient appelées à disparaître dans la commune déléguée, au sein du nouvel ensemble baptisé « commune nouvelle ».

C’était du moins l’idée de la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, discutée par l’Association des maires de France, au nom d’une interprétation différente de cette loi.

Même si, comme l’écrivait le cardinal de Retz, « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », m’est d’avis que ce mot d’esprit s’applique plus aux relations humaines qu’au monde juridique. De mon point de vue, il était au contraire grand temps de sortir de l’ambiguïté !

Accepter sans rien dire cette situation aurait été indigne et injuste, puisque cela aurait signifié que les premiers à s’engager dans le processus de fusion seraient au final moins bien traités que les convertis de fraîche date aux vertus du regroupement communal.

Pour vous le dire comme je le pense, garder le silence sur ce sujet c’était trahir la confiance non seulement des maires d’aujourd’hui, mais aussi de tous ceux qui, dans les années soixante-dix, ont accepté d’avancer dans cette direction.

L’histoire commence le 16 juillet 1971 par l’adoption de la loi dite « Marcellin ». Raymond Marcellin fut député et sénateur du Morbihan, mais aussi ministre – notamment de l’intérieur – à de nombreuses reprises sous la IVe et la Ve république. Même s’il a débuté sa carrière ministérielle comme sous-secrétaire d’État à l’intérieur du gouvernement d’Henri Queuille en 1948, force est de constater qu’il n’a pas fait sien le fameux adage : « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre ». Les communes de Haute-Marne peuvent en témoigner !

Ministre de l’intérieur du 31 mai 1968 au 27 février 1974, il succède à Christian Fouchet et, dit-on, le Général aurait salué son arrivée par ces mots : « Enfin Fouché, le vrai ». C’est dire le volontarisme politique dont l’auteur de la loi organisant les fusions de communes savait faire preuve…

Au début des années soixante-dix, donc, toute l’Europe avait engagé ce mouvement afin de disposer de plus vastes ensembles, mieux adaptés à l’exercice des responsabilités locales. Ainsi le nombre de communes a-t-il été réduit de 41 % en Allemagne depuis cette époque. Nos voisins d’outre-Rhin continuent d’ailleurs dans cette dynamique, comme me le confiait, le 18 février dernier, Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre-présidente du Land de Sarre.

Toutefois, nos amis allemands affichent une densité de 231 habitants par kilomètre carré, contre 118 en moyenne en France et même 29 en Haute-Marne. C’est dire si nos situations sont différentes ! Administrer de vastes territoires faiblement peuplés représente en soi une problématique spécifique qui justifie une réponse adaptée aux besoins de proximité des habitants.

Réduire le nombre de communes en encourageant les fusions, tel était donc l’objectif de la loi Marcellin. En théorie, l’initiative appartenait aux conseils municipaux, puis le projet de fusion était soumis aux électeurs. Enfin, le préfet entérinait la fusion par arrêté, si les conditions de validité étaient respectées. À vrai dire, les choses ne se sont pas du tout déroulées de cette façon.

La nouvelle commune comprenait autant de communes associées, sections électorales jusqu’en 2013, disposant d’un maire délégué, à la fois officier d’état civil et officier de police judiciaire. Surtout, elle conservait les noms des anciennes communes et donc leur identité et leur mémoire.

Dans la pratique, le préfet et les sous-préfets, du moins en Haute-Marne, ont fait preuve d’un zèle absolument remarquable et, je l’espère pour eux, remarqué à Paris. (M. Henri de Raincourt rit.)

Rappelons-nous, mes chers collègues, la France d’avant la décentralisation : les préfets, écrivait Napoléon depuis Sainte-Hélène, « étaient eux-mêmes des empereurs au petit pied ». Leur tutelle sur les communes allait jusqu’au contrôle a priori des délibérations !

Nul doute qu’alliées à la majoration de 50 % pendant cinq ans des subventions d’investissement et à quelques autres babioles telles que des stations d’épuration, ces amicales pressions d’une si haute autorité devaient produire leur effet sur les maires de Haute-Marne, déjà remarquables de loyauté envers l’État.

Seulement, chacun le sait, ni la contrainte ni l’argent ne remplacent un projet. Comme l’écrit la commission des lois dans son rapport : « Le bilan de la loi Marcellin s’est donc avéré très modeste avec un total de 1 100 communes finalement supprimées ». Passé l’enthousiasme des premiers temps, de nombreuses unions se sont en effet dissoutes.

Au 1er janvier 2016, 745 communes sont encore régies par la loi du 16 juillet 1971, dont 343 fusions simples – dont il ne sera pas ici question – et 402 fusions-associations. Ces dernières représentent au total 619 communes associées, principalement situées dans l’Est, et d’abord en Haute-Marne, laquelle en compte près d’une centaine.

Le législateur a déjà modernisé ce texte par la réforme du 16 décembre 2010 : la procédure est plus ouverte, l’organe délibérant de l’intercommunalité peut engager le processus, tout comme le préfet. Le projet de fusion peut même être adopté sans référendum local, si tous les conseils municipaux concernés lui sont favorables. Là encore, le résultat atteint est modeste : 19 communes nouvelles créées, associant 53 communes et 44 000 habitants, dont la commune nouvelle d’Épizon, en Haute-Marne, le 28 février 2013.

Cependant, le texte est imparfait puisqu’il ignore les communes associées dans le cadre de la création de communes nouvelles. C'est la raison pour laquelle en Haute-Marne, par exemple, de nombreuses communes ayant en leur sein des communes associées refusent de s’engager dans un projet de commune nouvelle, tout simplement parce que cela signifierait la mort des communes associées.

Pourtant, les communes nouvelles sont une réponse moderne et adaptée à l’excessif émiettement communal, pour peu que l’on se donne la peine de respecter l’ensemble des partenaires, même les plus petits.

Cette proposition de loi, si vous l’acceptez, permet tout simplement à une commune comprenant des communes associées, comme Colombey-les-Deux-Églises, de décider si elle entre seule sous le statut de commune déléguée dans la commune nouvelle, ou si ses communes associées entrent elles aussi avec cette qualité de communes déléguées au sein du nouvel ensemble.

Ce texte offre donc la liberté de choix aux élus communaux. Il ne coûte rien ou quasiment rien aux finances de l’État. Il respecte la parole donnée à ceux qui ont ouvert la voie. Il correspond aux attentes du monde rural.

N’oublions pas qu’être élu d’une commune rurale est un sacerdoce : pour rien ou presque, vous devez être disponible tout le temps, assumer des responsabilités sans avoir l’expertise technique, intégrer le flux incessant de normes et de règlements que relaie et produit la préfecture, remplir les trop nombreux et différents formulaires de demandes de subvention, etc. Pour avoir été maire délégué avant de devenir maire tout court, je mesure bien le niveau d’engagement qu’implique la fonction.

Toutes les communes, qu’elles soient associées, déléguées ou nouvelles, doivent être pleinement respectées. Cela suppose de pouvoir maintenir, a minima, leur nom, leur territoire et de disposer d’un maire délégué.

Permettez-moi de terminer cette présentation en remerciant tout particulièrement M. le rapporteur, François Grosdidier, qui, par ses amendements en commission, a permis d’améliorer cette proposition de loi sans la dénaturer.

Je voudrais aussi saluer la qualité des discussions en commission des lois, dont j’ai lu avec un vif intérêt le compte rendu. Elle a fait le choix d’ajouter un article à mon texte pour régler le nombre de délégués sénatoriaux à désigner pendant la période transitoire qui s’ouvre avec la création des communes nouvelles.

Face à cette question ô combien majeure et sensible – surtout au sein de la Haute Assemblée –, seule la commission des lois pouvait prendre l’initiative de formuler une proposition. Non sum dignus !

Je voudrais également remercier mon collègue et ami Charles Guené, premier cosignataire de cette proposition de loi, président de l’Association des maires de la Haute-Marne, pour les amendements qu’il a déposés sur ce texte, surtout l’amendement n° 4, qui tend à répondre à un vrai problème. En effet, depuis le 1er janvier, les maires des communes déléguées comme des communes nouvelles de moins de 1 000 habitants perçoivent obligatoirement leurs indemnités légales, sans possibilité d’en réduire le montant.

Mes chers collègues, il est admirable de constater avec quel désintérêt et quel engagement les maires et les élus des communes, notamment des plus petites, servent au quotidien l’intérêt général.

Monsieur le ministre, je sais combien l’ancien président de conseil départemental que vous êtes connaît ces questions. Je forme le vœu que nous puissions voter tous ensemble un texte d’équilibre.

Merci à tous les cosignataires de cette proposition de loi de leur confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – MM. André Gattolin et René Vandierendonck applaudissent également.)

M. le président. Qu’il me soit permis en ce jour important de saluer l’ensemble de nos collègues femmes, ainsi que toutes les femmes qui participent au fonctionnement de cette belle maison. (MM. Christian Favier, Patrick Abate et André Gattolin applaudissent.)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. François Grosdidier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la loi de 2010 instituant les communes nouvelles a réformé le cadre juridique et financier des fusions de communes afin de les y encourager et de simplifier leur fonctionnement.

Dans le même esprit, ce statut a été assoupli en 2015 pour faciliter la transition entre les communes préexistantes, qui peuvent subsister sous forme de « communes déléguées » et la « commune nouvelle » issue de leur regroupement.

Cependant, le maintien des « communes associées » dans les communes fusionnées sous l’empire de la loi Marcellin n’a pas été envisagé par le législateur.

Notre excellent collègue Bruno Sido,…

Mme Nathalie Goulet. Oui, excellent !

M. François Grosdidier, rapporteur. … à travers son excellente proposition de loi, s’efforce de remédier à cette situation pour « permettre le maintien des communes associées en cas de création d’une commune nouvelle ».

Notre commission des lois a adopté le principe de cette proposition de loi et l’a complétée afin de procéder à des coordinations rendues nécessaires par les dernières évolutions législatives.

Rappelons d’abord que la loi Marcellin a eu peu d’effet à l’échelle nationale, puisque, entre fusions et « défusions », seules 1 100 communes ont finalement été supprimées.

C’est pourquoi, la jugeant « peu efficace », le Parlement l’a réformée en 2010. Il a cependant maintenu le régime antérieur pour les « communes-Marcellin » qui subsistent.

La fusion opérée sous le régime de la loi Marcellin pouvait s’effectuer de deux manières : la fusion simple, qui pouvait s’accompagner de la création d’annexes de la mairie dans une ou plusieurs des anciennes communes ; la fusion-association, qui emportait la création d’une ou plusieurs communes associées.

Ces dispositions régissent encore aujourd’hui 745 fusions réalisées avant 2010.

Le territoire de la commune fusionnée – à l’exception de la commune chef-lieu – peut être maintenu en qualité de commune associée et conserver son nom.

Dans ce cas, un maire délégué est institué, une annexe de la mairie est créée, ainsi qu’une section du centre communal d’action sociale.

Le maire délégué est officier d’état civil et officier de police judiciaire ; il peut être investi de délégations. Le maire délégué est, comme le maire, ce fantassin de la République corvéable à merci, au service à la fois de ses administrés et de l’État, comme le rappelait excellemment Bruno Sido.

Lorsque la fusion compte plus de 100 000 habitants, un conseil consultatif est élu en même temps que le conseil municipal. Il est régi par les mêmes dispositions que celles qui s’appliquent aux mairies d’arrondissement de Paris, de Lyon et de Marseille.

Dans les fusions comptant moins de 100 000 habitants peut être mise en place une commission consultative.

La spécificité des communes associées était auparavant particulièrement marquée par les sections électorales. Celle-ci était d’ailleurs assez critiquée, au motif qu’elle gênait souvent la recherche de l’intérêt communal.

C’est dans le cadre de ces sections qu’étaient élus les conseillers municipaux de la commune et le maire délégué de la commune associée.

Cette spécificité a été effacée en 2013 par la suppression du sectionnement électoral dans les communes de moins de 20 000 habitants.

Les sections ne subsistent plus aujourd’hui que dans les communes de 20 000 à 30 000 habitants ; seules quatre communes sont aujourd’hui dans ce cas.

Au 1er janvier 2016, 745 communes demeurent régies par la loi Marcellin – 343 fusions simples et 402 fusions-associations.

Ces dernières totalisent 619 communes associées – ce n’est quand même pas rien !

Elles sont inégalement réparties sur le territoire. La très grande majorité d’entre elles sont situées dans le quart nord-est du territoire métropolitain, se concentrant principalement dans les régions Nord–Pas-de-Calais–Picardie, Alsace–Champagne-Ardenne–Lorraine et Bourgogne–Franche-Comté.

En rénovant le régime des fusions de communes, la loi du 16 décembre 2010 a organisé l’articulation entre les « fusions-Marcellin » et le dispositif des communes nouvelles.

Ainsi, les communes précédemment fusionnées restent régies par les dispositions résultant de la loi Marcellin.

Mais elles peuvent décider de soumettre les communes associées de leur périmètre au nouveau régime de la commune déléguée.

Cette faculté avait été instituée sur l’initiative de notre ancien collègue Patrice Gélard, à qui je rends hommage, et qui souhaitait simplifier le fonctionnement communal.

Ainsi, une « commune-Marcellin » subsiste avec ses communes associées soit dans le régime Marcellin maintenu, les sections électorales en moins, soit dans le nouveau régime issu de la loi de 2010.

Dans cette loi de 2010 a cependant été omise la question du devenir des communes associées dans le cadre d’une commune nouvelle – que la « commune-Marcellin » concernée fusionne avec d’autres communes pour créer une commune nouvelle ou qu’elle rejoigne une commune nouvelle déjà existante.

En effet, les communes associées préexistantes sont alors « effacées ».

C’est la « commune-Marcellin » dans son entier qui peut constituer une commune déléguée au sein de la commune nouvelle.

Ce résultat, pardonnez-moi, est totalement paradoxal.

En effet, ce statut de commune déléguée est particulièrement intéressant dans des territoires diffus et parfois accidentés, au peuplement dispersé : les maires délégués assurent une présence municipale dans des communes associées souvent éloignées de plusieurs kilomètres du bourg-centre.

Au moment même où de nouvelles communes peuvent bénéficier à leur tour de cette organisation particulièrement appropriée à leur situation, celles qui en bénéficiaient jusqu’alors en vertu de la loi Marcellin en seraient précisément privées ? Elles adhèrent pourtant à une commune nouvelle dont le régime prévoit justement, pour les communes qui fusionnent, ce type d’organisation ! Excusez le paradoxe !

La présente proposition de loi préserve en outre l’attractivité de la formule des communes nouvelles. Le droit en vigueur dissuade en effet des « communes-Marcellin » d’y adhérer, celles-ci perdant la possibilité – au moment précis où cette dernière est offerte aux autres communes –…

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. François Grosdidier, rapporteur. … de s’organiser sous la forme de communes associées ou déléguées.

Il s’agit donc de permettre aux communes associées de type Marcellin de subsister dans la commune nouvelle sous la forme de communes déléguées, ce dernier statut étant précisément prévu par le régime des communes nouvelles.

La proposition de loi vise à ouvrir cette possibilité lors de la constitution de communes nouvelles.

La commission a souhaité étendre cette formule aux cas d’élargissement d’une commune nouvelle à une « commune-Marcellin », puisque le législateur n’a expressément prévu que le maintien des communes déléguées, et non celui des communes associées.

Le présent texte prévoit donc le maintien des entités de la « commune-Marcellin » au sein de la commune nouvelle.

À la demande du conseil municipal de l’ancienne « commune-Marcellin », des communes déléguées – reprenant le nom et les limites territoriales de l’ancienne commune chef-lieu de canton et des anciennes communes associées – seraient instituées au sein de la commune nouvelle.

En conséquence, si le texte est adopté dans la rédaction de la commission, l’ancienne commune chef-lieu et les anciennes communes associées seraient maintenues au sein de la commune nouvelle en tant que communes déléguées, et non pas fondues en une seule commune déléguée.

Je rappelle que cette proposition de loi prévoit par ailleurs que les maires délégués des communes associées devenues communes déléguées resteraient en fonction au moment de la création de la commune nouvelle jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal.

La disposition proposée s’inscrit, en les complétant, parmi les modalités introduites en 2015 pour faciliter la transition entre les communes préexistantes et la commune nouvelle au sein de laquelle elles fusionnent : par dérogation au principe de l’élection du maire délégué par le conseil municipal en son sein, le maire de l’ancienne commune en fonction au moment de la création de la commune nouvelle devient de droit, à titre temporaire, maire délégué jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal.

Ce dispositif serait transposé aux communes associées et le maire de l’ancienne commune deviendrait, durant cette période, maire de la commune déléguée reprenant le nom et les limites territoriales de l’ancienne commune chef-lieu.

La commission des lois a adopté la présente proposition de loi, tout en la complétant, pour adapter les dispositions pertinentes du code général des collectivités territoriales au maintien proposé des communes associées en résultant.

Elle a introduit les coordinations requises par la composition du conseil municipal durant la période transitoire instituée en 2015 pour déterminer le nombre des délégués sénatoriaux de la commune nouvelle dans l’intervalle.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la commune nouvelle conserve le droit de supprimer ces communes déléguées, en application de l’article L. 2113–10 du code général des collectivités territoriales.

Cette proposition de loi répond donc à un vide juridique concernant les « communes associées ». Ces dernières doivent pouvoir conserver leur statut spécifique au sein de la commune nouvelle. Le présent texte prévoit précisément l’extension aux communes associées du dispositif des communes déléguées et de la qualité de maire délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous le savons tous – cela vient d’être réaffirmé –, la commune est l’échelon institutionnel auquel tous les Français sont attachés. Elle est le lieu privilégié d’expression de la démocratie de proximité.

Pour autant, plus de la moitié des communes – vous qui siégez dans cet hémicycle êtes les mieux placés pour le savoir – comptent moins de 500 habitants, et 86 % d’entre elles moins de 2 000 habitants.

Dans certaines campagnes isolées, dans les plus petites communes, les élus municipaux ont du mal à faire vivre leur collectivité, non seulement financièrement, mais aussi sur le plan démocratique.

Lors des dernières élections municipales, au mois de mars 2014, faute de candidats, 64 communes n’ont pas participé au premier tour du scrutin. (M. Michel Raison s’exclame.)

La loi du 16 mars 2015 a réformé le régime de la commune nouvelle et l’a rendu plus attractif, sur le plan institutionnel et sur le plan financier, tout en préservant l’identité des communes fusionnées.

C’est donc tout naturellement que le Gouvernement avait soutenu cette initiative portée par les députés Jacques Pélissard et Christine Pires-Beaune.

Cette loi facilite et encourage les regroupements volontaires autour des communes nouvelles qui, là où elles existent, ont déjà permis d’améliorer la vie et l’action municipales.

Partout en France – phénomène assez nouveau –, ce sont des centaines de communes qui s’engagent dans ce processus.

Sur le fondement de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui instaurait ce régime des communes nouvelles, seules 25 entités rassemblant 70 anciennes communes ont été créées entre 2011 et 2015.

Or, entre la publication de la loi du 16 mars 2015 et le 1er janvier 2016, 1 092 communes ont fusionné pour former 317 communes nouvelles, la France passant ainsi pour la première fois sous le seuil symbolique des 36 000 collectivités municipales.

M. Bruno Sido. Quel bonheur !