M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. René Vandierendonck. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte qui complète utilement le volet relatif à la formation de la loi d’initiative sénatoriale du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

Rappelons-le, la création d’un statut de l’élu est une question récurrente. Lors de la consultation lancée au moment des états généraux de la démocratie territoriale, les élus avaient en grande majorité affiché une grande satisfaction dans l’exercice de leur mandat, 70 % d’entre eux estimant que ce mandat leur apportait « beaucoup » de satisfaction. Néanmoins, ils avaient également exprimé des attentes fortes concernant l’adoption d’un statut de l’élu rassemblant l’ensemble des droits et obligations déterminés par la loi ; 89 % d’entre eux jugeaient ainsi sa mise en place « indispensable » ou « utile ».

Au fil du temps, notamment au cours des vingt dernières années, le législateur a progressivement apporté un ensemble de garanties à ce régime, sans forcément créer un véritable statut que proclamait l’article 1er de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

En renforçant les dispositions de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, la loi – la fameuse loi ! – du 31 mars 2015 dite « Gourault-Sueur », marque une nouvelle étape dans la construction de ce statut. Relevons, notamment, l’instauration d’un statut de salarié protégé pour un grand nombre d’élus, des mesures facilitant l’accès des salariés du secteur privé et des non-salariés aux fonctions électives – avec suspension du contrat de travail, crédit d’heures, doublement de l’allocation différentielle de fin de mandat – et la validation des acquis de l’expérience au titre d’une fonction élective locale pour la délivrance de diplômes. Ce n’est pas rien et cela doit beaucoup à Mme Gourault, à M. Sueur et au Gouvernement, qui a suivi ces travaux.

Cette loi répond au souci de maintenir la vitalité de la démocratie locale. Elle permettra en outre aux élus de concilier leurs activités professionnelles avec l’exercice de leurs mandats.

La loi Gourault-Sueur de mars 2015 a consacré le droit individuel à la formation entré en vigueur le 1er janvier dernier. La proposition de loi que nous examinons détermine les modalités de gestion et d’utilisation de ce droit. Je remercie Mme Di Folco, qui a déposé en commission des amendements utiles à l’article 1er.

L’importance de la formation des élus a été largement démontrée par l’auteur de la proposition de loi. Ce constat ne date d’ailleurs pas d’hier : le rapport du sénateur Marcel Debarge présentait, en 1982, l’amélioration de la formation des élus comme une nécessité découlant de la suppression de la tutelle administrative des préfets sur les collectivités locales, affirmant même que « le statut [de l’élu] commence par la formation ».

Avec l’approfondissement du mouvement de décentralisation et le redéploiement des services de l’État dans les territoires, la tâche des élus devient parfois plus complexe : ils doivent assumer les responsabilités qui s’attachent aux compétences nouvelles que le législateur confie aux collectivités territoriales, répondre aux demandes sociales tout en appliquant des normes de plus en plus nombreuses et techniques. Dès lors, la qualité de la formation conditionne aujourd’hui plus que jamais l’exercice des mandats électifs locaux.

Par ailleurs, le renouvellement des élus et la diversification de leurs profils passent nécessairement par une plus grande fluidité entre l’exercice d’un mandat électif et la poursuite d’une activité professionnelle. De fait, un certain nombre de candidats potentiels, en particulier parmi les jeunes actifs – une catégorie de mieux en mieux représentée dans notre assemblée –, hésitent à se présenter à une élection ou à briguer une fonction exécutive par crainte de l’avenir : qu’adviendra-t-il d’eux s’ils ne sont pas réélus ? D’ailleurs, c’est souvent pour parer à ce risque que les élus sont tentés de cumuler des mandats…

Aussi est-il nécessaire que la loi prévoie des dispositifs permettant le retour des élus à la vie professionnelle. Le droit individuel à la formation sera de ce point de vue très utile : il permettra notamment aux élus de préparer leur réinsertion professionnelle à l’issue de leur mandat.

Sur cette question s’est greffée celle, lancinante, de la régularisation de la représentation des syndicats.

En effet, le Gouvernement a souhaité tirer parti de la présente proposition de loi pour réparer une incohérence de la loi NOTRe qui résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale en deuxième lecture d’un amendement parlementaire : cette décision a eu pour effet de supprimer immédiatement les indemnités de fonction des présidents et des vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes fermés de petite taille. Il s’agit non pas de remettre en cause l’objectif de rationalisation des syndicats intercommunaux au 1er janvier 2017, mais simplement de rétablir l’équité en rendant à ces indemnités la base légale dont elles ont été privées.

Je rappelle que, dans son rapport de 2014 sur les finances publiques locales, la Cour des comptes a jugé nécessaires la diminution, la suppression ou la transformation des 8 965 syndicats intercommunaux et des 1 233 syndicats mixtes existants, lesquels emploient aujourd’hui 65 000 agents, soit plus du tiers des personnels des établissements publics de coopération intercommunale. Avec la nouvelle carte de l’intercommunalité dessinée grâce à la loi NOTRe et les nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale qui entreront en vigueur au 1er janvier 2017, cet exercice de rationalisation sera accompli, ce qui favorisera les mutualisations et améliorera la lisibilité de l’action publique territoriale pour les citoyens.

Madame la ministre, vous vous entêtez, contre l’arbitrage du Premier ministre, à ne pas vouloir rétablir les indemnités des présidents et vice-présidents des syndicats existants, dans leur intégralité et jusqu’en 2020, quoique j’aie passé une bonne partie de la nuit – il faut que mes collègues le sachent – à essayer de vous faire changer d’avis.

Parce que je sais que cette mesure est attendue, je parlerai de façon très claire : je demande que l’arbitrage du Premier ministre soit respecté, que l’on fasse confiance aux élus locaux et que l’on ne dévie pas de l’objectif de rationalisation des syndicats intercommunaux. C’est en faisant confiance à tous les élus locaux, mais aussi aux préfets, que nous réussirons à atteindre ces objectifs, auxquels je souscris.

Madame la ministre, je vous estime, mais je suis comme vous : quand je ne suis pas d’accord, je le dis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE et sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez bien raison !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le dépôt de la présente proposition de loi quelques mois après l’adoption de celle qui visait à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, ainsi que la décision d’engager la procédure accélérée traduisent la volonté de mettre en œuvre rapidement le droit individuel à la formation ouvert à tous les élus locaux, qu’ils perçoivent ou non une indemnité.

À la différence du droit à la formation existant, qui tend à soutenir les élus dans l’exercice de leur mandat, le droit individuel à la formation précisé par cette proposition de loi leur permet de suivre des formations pouvant notamment contribuer à l’acquisition des compétences nécessaires à leur réinsertion professionnelle à l’issue de leur mandat. Le groupe écologiste tient à saluer le travail de fond accompli sur ce sujet par le Sénat, en particulier par notre collègue Jean-Pierre Sueur.

Le droit individuel à la formation des élus locaux est un progrès qui contribue à la construction d’un véritable statut de l’élu – un chantier qui, quoiqu’on en débatte souvent dans cette assemblée, n’avance qu’avec une extrême lenteur. En contribuant à rassurer les candidats à un mandat électif ou les élus en fin de mandat sur leur retour dans la vie professionnelle classique et en consacrant ce principe qu’agir pour la collectivité ne doit pas pénaliser sur le plan professionnel, le droit individuel à la formation tend à ouvrir plus largement l’exercice des mandats, à favoriser le renouvellement du personnel politique local et à renforcer la diversité des assemblées, dont la grave insuffisance actuelle alimente la crise de la représentation.

La discussion de cette proposition de loi nous fait effleurer le débat plus global sur les dynamiques de renouvellement démocratique et les conditions d’exercice du pouvoir, un débat qui devra évidemment être encore approfondi. Tout citoyen qui le souhaite devrait pouvoir s’emparer de la chose publique en briguant un mandat électif, ce qui n’est clairement pas le cas aujourd’hui.

La proposition de loi nous fournit aussi l’occasion d’adresser un message à nos 550 000 élus locaux, qui forment le socle de notre démocratie et de la cohésion de la communauté nationale : ils accomplissent un travail que nous savons extrêmement prenant, parfois au détriment de leur vie professionnelle et familiale.

Au demeurant, j’entends les inquiétudes qui ont été exprimées, voilà encore quelques instants, au sujet des indemnités des élus. Il est vrai que, dans cette période de populisme, la petite musique du « trop payés à ne rien faire » devient parfois assourdissante. De ce point de vue, je regrette que certains présidents de région aient décidé symboliquement de baisser les indemnités des élus régionaux. Quel symbole ! En réalité, cette mesure accrédite l’idée que les élus seraient trop payés, alors que, comme Mme la ministre l’a souligné, la plupart d’entre eux sont bénévoles ou perçoivent des indemnités extrêmement faibles, même lorsque, dans des petites communes, ils accomplissent eux-mêmes le travail de services qui n’existent pas, au point parfois d’être tout autant accaparés que les élus des grandes collectivités, qui peuvent, eux, s’appuyer sur des services très étoffés.

À cet égard, je me demande s’il ne serait pas souhaitable d’élaborer une grille nationale unique pour les indemnités des élus, car, du fait de la souplesse laissée aux collectivités territoriales dans ce domaine, la situation est totalement figée. En effet, aucun maire ni aucun président d’exécutif n’augmenteront les indemnités de ses élus, car ce serait provoquer immédiatement le débat politique que nous imaginons bien. Comme de très fortes disparités existent, cette situation a pour effet de figer des réalités hétérogènes. Il me semble donc que, dans le cadre de notre réflexion sur le statut de l’élu, nous devrions envisager la fixation par la représentation nationale, et sous la responsabilité de celle-ci, d’une grille unique s’appliquant dans l’ensemble du pays. (Mme la rapporteur opine.)

Je brave peut-être le politiquement correct en tenant ce discours, mais j’estime qu’une vraie question se pose. (Mme la ministre approuve.) D’ailleurs, les réactions que je remarque sur l’ensemble de nos travées me font penser qu’un consensus pourrait être trouvé pour que la responsabilité de fixer le montant des indemnités s’exerce au niveau national.

Par ailleurs, je profite de mon intervention pour alerter Mme la ministre sur les difficultés rencontrées par un certain nombre d’élus locaux pour faire financer l’intégralité de leurs formations. En particulier, certaines collectivités territoriales – je pourrais citer des exemples – rechignent à rembourser aux élus leurs frais de transport et d’hébergement, quand bien même la loi les y oblige. Il faut dire aussi que trop de maires et de majorités refusent encore de prendre en charge les formations des élus de l’opposition. De manière générale, nous savons très bien que, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités territoriales, les crédits de formation sont bien souvent victimes de restrictions, alors qu’ils correspondent à un droit.

Madame la ministre, au début du mandat des nouvelles équipes régionales et alors que le renouvellement des équipes municipales est encore récent, peut-être un courrier pourrait-il être adressé à l’ensemble des maires et présidents de région et de département pour leur rappeler les conditions d’exercice du droit à la formation des élus, un droit parfois encore méconnu et dont la mise en œuvre provoque dans de nombreuses collectivités des tensions inutiles qui pourraient être facilement évitées ?

Pour conclure, j’indique que les sénatrices et les sénateurs du groupe écologiste voteront la proposition de loi ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Merci, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviendrai en mode mineur plus que ne ferai sonner les grandes orgues…

Mme Jacqueline Gourault. Ce serait étonnant !

M. Michel Mercier. Pourvu que ça dure !

M. Pierre-Yves Collombat. Il faut dire que, à s’en tenir au strict objet de cette proposition de loi de rattrapage, on voit mal quel peut bien être l’intérêt d’une discussion générale.

Si je parle d’un texte de « rattrapage », c’est parce qu’il s’agit, d’une part, de préciser les modalités de mise en œuvre, en particulier sur le plan financier, du droit individuel à la formation en cas de retour à l’emploi des élus, un droit instauré par la loi du 31 mars 2015, et, d’autre part, de réparer temporairement l’un des dégâts collatéraux de la loi NOTRe, la suppression des indemnités des élus des syndicats de communes, après la censure du Conseil constitutionnel – mesure de circonstance, mais utile, introduite dans le texte par la commission des lois sur l’initiative de Mme la rapporteur.

Si l’on ne va pas plus loin, il n’y a pas lieu de gloser davantage, d’autant que tout a déjà été dit sur les enjeux, qui sont du reste absents.

Seulement voilà, compte tenu de la modicité des indemnités de la très grande majorité des élus locaux, indemnités qui n’ont pas été revalorisées depuis la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, et des dispositions de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 qui soumettent l’ensemble des indemnités des élus aux cotisations de sécurité sociale, dans bien des cas à fonds complètement perdus, il est choquant d’obliger les élus à financer eux-mêmes la couverture d’un risque découlant de leur engagement civique. Toutes les fleurs qu’on leur envoie ne suffiront pas à me faire admettre cette mesure !

C’est pourquoi je défendrai un amendement tendant à supprimer les alinéas 7 à 10 de l’article 1er et un autre visant à modifier le code général des collectivités territoriales pour reprendre les dispositions de la loi du 31 mars 2015.

En guise de conclusion, je rappellerai ce qu’a dit au sujet des élus locaux François Hollande devant les états généraux de la démocratie territoriale : « Notre démocratie locale est sans doute la plus singulière, puisqu’elle ne reconnaît à aucun moment un statut pour ces élus et que beaucoup sacrifient leur vie professionnelle à l’intérêt général ». Constatons que cette singularité décidément singulière persiste… À ce jour, en effet, quoi que l’on essaie de nous faire accroire, de statut de l’élu il n’y a toujours pas !

En revanche, le quinquennat va se solder par une baisse de fait des indemnités, par suite de la loi du 17 décembre 2012 et de la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter. Encore faut-il ajouter que bon nombre d’élus de petite collectivité vont se voir privés des indemnités syndicales. Avec tout ça – beau progrès ! –, on leur impose de lire en début de mandat une charte de l’élu local, liturgie moralisatrice qui, loin d’apaiser la cabale anti-élus, l’alimentera. Et pendant ce temps, les élus sont couverts de fleurs ! Cela finirait par en devenir funéraire…

S’il n’est effectivement pas possible de voter contre la proposition de loi, je conclurai tout de même en disant que ce texte ne répond pas à nos attentes, tant s’en faut !

Pour toutes ces raisons, la grande majorité du groupe du RDSE s’abstiendra.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites.

Comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, je souhaiterais tout d’abord indiquer que la proposition de loi que nous avions rédigée ensemble visait à conforter et à étendre un certain nombre de mesures relatives au statut de l’élu local.

Je viens d’entendre Pierre-Yves Collombat qui prétend, lui, que ce statut n’existe pas. Pourtant, le code général des collectivités territoriales comporte un certain nombre de dispositions en la matière et nous avons précisément cherché à développer des mesures pour les élus locaux dans le cadre de la loi du 31 mars 2015.

Les mesures en question s’articulent autour de trois axes : il y a tout d’abord les mesures permettant de concilier l’activité professionnelle des élus locaux et leur mandat local, ensuite les mesures leur assurant de nouveaux droits à la formation et, enfin, les mesures favorisant leur réinsertion professionnelle à la fin de leur mandat.

Bien entendu, rien n’est jamais définitif et on peut certainement encore améliorer le statut de l’élu local ! Néanmoins, je défendrai tout ce qui a été entrepris au cours de ces vingt dernières années pour améliorer la situation des élus locaux.

Il serait dommageable d’affirmer qu’il n’existe rien, parce que, comme l’a dit Ronan Dantec, certains élus ignorent – justement – que des dispositions sont en vigueur.

Madame la ministre, il faudrait vraiment que les élus locaux puissent être informés des droits dont ils peuvent bénéficier. En effet, ils ne sont parfois pas au courant de l’existence de ces derniers ou exercent leur mandat auprès de maires qui sont un peu récalcitrants par rapport au droit à la formation. J’en connais moi-même !

Informer les élus est une nécessité. C’est pourquoi il serait peut-être utile, madame la ministre, que vos services envisagent de produire un document rappelant à l’ensemble des élus locaux toutes les dispositions législatives votées ces dernières années qui contribuent à l’amélioration de leur situation.

Aujourd’hui, nous parlons plus spécifiquement du droit individuel à la formation. Je remercie à cet égard Antoine Lefèvre, car il est à l’origine de l’introduction par voie d’amendement du droit individuel à la formation dans la loi.

Je remercie aussi Mme la rapporteur, Catherine Di Folco, qui a très bien expliqué ce que contenait le droit individuel à la formation, notamment les vingt heures de formation par an dont pourront disposer les élus. Je ne reviendrai donc pas davantage sur ce point.

Je pense également que le fait de confier la gestion des demandes de formation des élus à la Caisse des dépôts et consignations est tout à fait adapté, compte tenu des missions que la Caisse s’est déjà vu confier, notamment la gestion des demandes d’allocation différentielle de fin de mandat ou de retraites complémentaires. Nous sommes donc très contents de ces dispositions.

Je remercie enfin Jean-Pierre Sueur d’avoir rédigé cette proposition de loi qui contribuera à la mise en œuvre effective du droit individuel à la formation.

Par ailleurs, mes chers collègues, un certain nombre d’entre vous ont rappelé que nous profitions de l’examen de ce texte pour résoudre un problème apparu au cours de la deuxième lecture du projet de loi NOTRe, à la suite de l’adoption, comme l’a précisé René Vandierendonck, d’un amendement parlementaire déposé à l’Assemblée nationale. Je tiens à le souligner, car il ne serait venu à l’esprit d’aucun sénateur de présenter un tel amendement ! (Sourires.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Non, aucun sénateur n’aurait fait une telle chose ! (Nouveaux sourires.)

Mme Jacqueline Gourault. Il est vrai que la loi NOTRe comportait de nombreuses mesures et que nous n’avons pas suffisamment prêté attention à ce problème, notamment au moment où la commission mixte paritaire s’est réunie. Il y avait alors beaucoup de sujets à traiter. Nous n’avons donc pas vu ce que j’appellerai une « malfaçon », et ce que certains ont préféré dénommer « incohérence », d’autres « accident ».

Il est heureux que le Gouvernement ait déposé un amendement tendant à rétablir l’indemnisation des présidents et vice-présidents de syndicats se situant à l’échelon infracommunautaire, c’est-à-dire de syndicats plus petits que les intercommunalités, car nous ne pouvions pas déposer nous-mêmes un amendement de cette nature, sous peine de tomber sous le couperet de l’article 40 de la Constitution.

C’est pour faire comprendre au Gouvernement qu’il était absolument nécessaire de revenir sur cette mesure que des discussions se sont engagées entre de nombreux parlementaires et vous-même, madame la ministre.

Avec la loi NOTRe notamment, nous allons dans le sens d’une réduction du nombre de syndicats. Personnellement, je trouve cela assez juste. En effet, certains syndicats, qui sont des coquilles vides, doivent être supprimés. Il faut avoir le courage de le dire ! Ensuite, certains syndicats disparaîtront, parce que leur périmètre sera le même que celui des intercommunalités. Enfin, un certain nombre de syndicats vont disparaître, parce qu’ils gèrent aujourd’hui des compétences, comme l’eau ou l’assainissement, qui devront être transférées à partir de 2020 aux intercommunalités, pour lesquelles elles deviendront des compétences obligatoires.

Cependant, dans la vie de tous les jours, dans la « vraie » vie, comme on dit, on sait bien que l’on a encore besoin de syndicats rassemblant quelques communes pour gérer des compétences qui ne peuvent pas l’être à l’échelon de l’intercommunalité ou même au-delà.

Notre collègue Jean-Pierre Sueur a évoqué le cas des syndicats scolaires, qui sont sûrement, en effet, les premiers syndicats concernés. En tous les cas, sur mon territoire, voisin de celui de M. Sueur, nous connaissons beaucoup de syndicats scolaires appelés à disparaître !

Il est important que les présidents et vice-présidents de syndicats puissent être rémunérés,…

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Non, indemnisés !

Mme Jacqueline Gourault. … parce qu’il s’agit d’élus qui sont souvent très dévoués.

Pour reprendre l’exemple des syndicats scolaires, les élus locaux assurent la répartition des écoles entre communes avec parfois la mise en place de classes différentes selon les villages. Ils s’occupent également des transports scolaires ou de la cantine. Il faut donc reconnaître leur travail et leur dévouement !

On comprend bien que certains parlementaires proposent des amendements en fonction de l’expérience qu’ils ont dans leurs territoires. Or ce que vivent les élus de l’Île-de-France ne correspond pas exactement à ce que nous vivons dans le Loir-et-Cher, la Manche, le Loiret, les Pyrénées-Atlantiques,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ou le Finistère ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault. … en Haute-Savoie et en Haute-Loire - je m’arrêterai là !

Le dépôt de l’amendement du Gouvernement est donc une très bonne nouvelle. En revanche, je ne sais plus ce qu’il en est de la date retenue pour le report des dispositions sur l’indemnisation des élus de syndicats : est-ce 2017, 2018 ou 2020 ?

Madame la ministre, vous n’imaginez pas à quel point vous rendriez les élus de cet hémicycle heureux si vous sortiez de votre poche un amendement visant à reporter les dispositions en question jusqu’en 2020 ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par Jean Pierre Sueur tend à mettre en œuvre l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

Cet article 15 prévoit que tout élu local dispose tous les ans, à compter du 1er janvier 2016, d’un droit individuel à la formation de vingt heures cumulable, spécifique à sa fonction, lui ouvrant l’accès à diverses formations lui permettant, entre autres choses, de préparer son éventuelle reconversion professionnelle après l’exercice de son mandat.

À ce stade, une première question s’impose : avons-nous été voilà quelques mois jusqu’au bout de notre travail législatif ? En effet, l’article dont il est question n’est pas applicable, alors même que son dispositif aurait dû être mis en œuvre depuis maintenant un mois.

Il faut dire que l’article 15 prévoyait à l’origine qu’un décret en Conseil d’État déterminerait les modalités d’application du droit individuel à la formation, notamment les conditions de la collecte des cotisations. Or aucun décret n’a été publié dans ce domaine !

Il semblerait pourtant qu’un décret ait bien été pris en application de l’article 15, en tout cas si l’on se réfère à l’état d’application de la loi qui figure sur le site internet du Sénat. Malheureusement, en le lisant, on s’aperçoit que ce décret du 26 octobre 2015 traite non pas de la question du droit à la formation des élus, mais du crédit d’heures des titulaires de mandats municipaux et communautaires.

Aussi, nous nous posons une seconde question : est-ce pour pallier l’absence de publication du décret prévu initialement par la loi que nous examinons aujourd’hui cette proposition de loi ? Le Gouvernement a-t-il engagé la procédure accélérée pour que le présent texte soit rapidement promulgué et que la loi du 31 mars 2015 puisse enfin s’appliquer ?

Madame la ministre, vous connaissez notre désaccord de principe avec un tel raccourcissement de la procédure législative. Même sur un tel sujet, la procédure accélérée ne devrait pas s’imposer, d’autant moins que nous pouvons légitimement nous demander si nous aurons réellement achevé cette œuvre législative en adoptant le texte. Dans l’hypothèse où la proposition de loi était adoptée, il nous semble en effet qu’un décret sera malgré tout nécessaire pour déterminer, comme prévu, les modalités de mise en œuvre du droit individuel à la formation.

Nous avons certes toute confiance en la Caisse des dépôts et consignations qui, nous en sommes sûrs, saura sans conteste appliquer le dispositif. Cependant, en lui laissant toute latitude pour en assurer la gestion administrative, financière et technique, allons-nous réellement jusqu’au bout de nos responsabilités en tant que législateur ?

En outre, la procédure accélérée pose un autre problème, car le texte intègre un amendement du Gouvernement qui concerne un tout autre sujet.

En effet, le texte que nous examinons sert maintenant de véhicule législatif pour reporter une disposition de la loi NOTRe qui supprime toute indemnité de fonction aux présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes. Cette disposition législative, que le Sénat a adoptée bien que mon groupe ait voté contre, montre bien la volonté du Gouvernement, soutenu en cela par la majorité de droite de notre assemblée, de réduire fortement le nombre de syndicats intercommunaux. Aussi, l’objectif que l’on cherchait à atteindre en supprimant les indemnités des élus qui dirigent ces syndicats était clairement de faciliter leur disparition.

D’ailleurs, c’est de nouveau le même objectif qui est visé avec cet amendement : à ce stade, il ne vise qu’à reporter de deux ans la mesure qui figurait dans la loi NOTRe, et qui est aujourd’hui largement contestée. Ce faisant, madame la ministre, vous espérez que le plus grand nombre possible de syndicats aura disparu d’ici là et que, de ce fait, la mesure de suppression des indemnités n’aura plus d’effet que sur un nombre limité d’élus.

Nous restons, quant à nous, hostiles à la mesure, tout comme à la disparition programmée de ces structures de coopération intercommunale établies sur le fondement de projets partagés, et ce d’autant plus, madame la ministre, que vous allez remplacer les syndicats par des intercommunalités devenues trop grandes, à notre avis, pour gérer les services locaux de proximité, conformément aux besoins et aux attentes de nos concitoyens.

Comme beaucoup de nos collègues présents dans cet hémicycle, nous sommes donc favorables à l’adoption de dispositions qui permettent non pas de limiter à deux ans le rétablissement des indemnités, mais de prolonger le versement de celles-ci jusqu’aux élections municipales de 2020 !

Enfin, pour notre part, nous sommes toujours dubitatifs sur le prélèvement de 1 % opéré sur les indemnités des élus, afin de financer leur formation. En fait, 190 000 élus locaux vont financer ces actions en faveur de 550 000 élus, sans que les pouvoirs publics accompagnent, pour le moins, cet effort. Nous le regrettons.

Malgré ces nombreuses interrogations, ces réserves, voire ces regrets, le groupe CRC votera en faveur de ce texte, dont l’adoption, nous l’espérons, permettra enfin la mise en œuvre de ce droit à la formation des élus, auquel nous sommes attachés.

Pour autant, l’exigence d’un véritable statut de l’élu, porté avec force, souvenons-nous-en, lors des états généraux de la démocratie territoriale en 2012, reste évidemment pleinement d’actualité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean-Pierre Sueur et M. René Vandierendonck applaudissent également.)