M. Jacques Bigot. Pour autant, l’usager qui paie ne peut pas supporter que d’autres ne paient pas.

M. Jacques Chiron. Tout à fait !

M. Jacques Bigot. La question de la lutte contre la fraude reste donc économiquement nécessaire.

M. Jacques Bigot. Même si on n’en souffre pas individuellement, il s’agit de la première incivilité dans les transports.

Le second sujet, c’est la sécurité dans le « vivre ensemble ». Certes, on peut déplorer la disparition progressive de personnels dans l’organisation des transports.

M. Roger Karoutchi. Oui, c’est trop !

M. Jacques Bigot. Cela étant, même si l’on peut écouter avec nostalgie la chanson, doit-on regretter Le Poinçonneur des Lilas ? (Sourires.) Je ne le crois pas.

M. Roger Karoutchi. Il n'y a plus personne derrière les guichets !

M. Jacques Bigot. Cependant, il faut tout de même remettre du personnel dans les transports et exalter la citoyenneté, car, dans le Thalys, c’est l'esprit citoyen de certains qui a permis d’éviter le pire. Il est important de s’en souvenir.

Nous devons également donner aux personnels la capacité d’agir et de ne pas avoir peur d’agir. Tel est le sens de ce texte équilibré, dont nous allons discuter. À l’issue de nos débats, j’espère que nous arriverons à rassurer ceux qui ont quelques réserves en ce début de discussion générale.

Mes chers collègues, nous ne pouvions pas envisager qu’un texte sur la sécurité dans les transports n’aborde pas la question du terrorisme, qui est actuellement au cœur du débat public.

Nous n’avons pas travaillé dans l’émotion. Il s’agit simplement de renforcer les moyens de nos agents de sécurité, tout en assurant le contrôle juridique de ce qu’ils peuvent faire. À ce sujet, il convient de rappeler une règle fondamentale, qui concerne les fouilles notamment : les personnes peuvent refuser, même si elles doivent en supporter les conséquences. Si je refuse actuellement d’ouvrir mon sac à l’entrée d’un bâtiment public, je suis refoulé.

C’est une façon d’organiser le contrôle tout en respectant l’État de droit et la liberté des personnes,…

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Exactement !

M. Jacques Bigot. … ma liberté étant d’ouvrir ou non mon sac pour montrer ce qu’il y a à l’intérieur si je veux bénéficier du transport.

À mon sens, il faut faire très attention à ne pas donner le sentiment à certains que, par ce texte, nous portons atteinte aux libertés. La sécurité est la première des garanties de liberté d’aller et venir, y compris dans les transports publics, y compris dans les transports de masse, y compris dans les transports organisés dans nos grandes agglomérations, où ces questions se posent aussi, peut-être pas avec la même acuité.

Je suis de Strasbourg, une ville qui peut être aussi visée par le terrorisme, notamment au travers des transports, qui sont des lieux de regroupement de masse.

M. Jacques Bigot. Mes chers collègues, abordons ce texte avec confiance et détermination, car la commission des lois a su trouver un équilibre.

Certes, monsieur le secrétaire d’État, nous aurons encore des débats sur tel ou tel sujet. Par exemple, je peux comprendre que la SNCF et la RATP doutent de l’utilité de payer un million d’euros pour être sous le contrôle de la CNAPS. Pour ma part, autant je pense que nous devons pouvoir faire confiance à ces entreprises de transport, autant je ne suis pas sûr qu’il en aille de même avec d’autres autres autorités.

Voilà, mes chers collègues, dans quel esprit je souhaite que nous abordions ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Roger Karoutchi applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été élaborée ces derniers mois pour répondre aux difficultés rencontrées au quotidien non seulement par les contrôleurs et les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP, mais aussi par les autres personnels et les usagers.

Je salue le travail de notre collègue Gilles Savary, à l’Assemblée nationale, ainsi que celui de nos rapporteurs, Alain Fouché et François Bonhomme. Le travail initial de Gilles Savary présentait des solutions à la lutte contre la fraude dans les transports en commun. Le texte a ensuite été élargi aux questions de sécurité et de prévention du terrorisme.

Nous savons tous ici combien le risque terroriste est important dans les transports. Ceux-ci regroupent beaucoup de monde, tant sur les quais des gares que dans les trains et les avions. Les attentats récents ou anciens nous ont profondément marqués et nous savons l’opinion publique fortement sensibilisée à ces risques.

Notre société se doit de réagir. Aussi, la proposition de loi impose à tous les opérateurs de transport d’assurer la sécurité de leur réseau en renforçant les moyens légaux à la disposition des agents de sûreté des autorités organisatrices et des exploitants et en déployant des moyens humains et matériels sur le terrain.

Le titre Ier répond aux nécessités et aux attentes en donnant de nouvelles prérogatives aux agents de sûreté de la SUGE et du GPSR. Il donne également la faculté à tous les agents de police judiciaire, gendarmes, policiers et douaniers, de participer à la police des transports en cas de nécessité et en tout lieu du territoire national.

Je précise que je ne suis pas favorable à un contrôle du CNAPS sur les personnels de la SUGE et du GPSR. Je rejoins ainsi ceux qui, avant moi, se sont exprimés sur ce point.

Le titre II étend les prérogatives de la police des transports, notamment dans la lutte contre la fraude. Par parenthèse, nous connaissons le lien qu’il y a entre la fraude et le terrorisme.

La fraude à la SNCF et à la RATP représente un manque à gagner évalué à 500 millions d’euros par an, qu’il convient de comparer aux 500 millions d’euros dépensés chaque année pour financer les tarifs sociaux et les gratuités de service public, ciblés sur une grande diversité de publics fragiles. La sûreté exigeant des dépenses et des investissements nouveaux, il serait donc particulièrement injuste qu’elle protège tout le monde, mais qu’elle ne soit financée que par ceux qui consentent à payer le prix des transports.

Quatre grandes dispositions visent à améliorer le recouvrement des amendes d’infraction.

Je veux revenir sur le délit de fraude, ramené par le texte de dix à cinq occurrences annuelles. J’avoue être partisan d’une plus grande rigueur. On peut se tromper une ou deux fois, mais se tromper trois fois au même endroit, dans les mêmes circonstances, me paraît de nature à être sanctionné.

Par ailleurs, je ne suis pas favorable au transfert de plein droit de la compétence de police des transports au président de l’intercommunalité lorsque celle-ci est compétente en matière d’organisation des transports. Les autorités organisatrices variant selon la taille de la communauté, un transfert facultatif me semble préférable.

Enfin, le titre III traitait de la lutte contre le harcèlement sexiste dans les transports collectifs. Il a été supprimé en commission des lois au Sénat. Le groupe socialiste a tenté de le réintroduire par amendement, mais ce dernier a été retoqué au titre de l’article 41. C’est dommage, car nous ne pouvons pas occulter, même si, j’en conviens, cela relevait du domaine réglementaire, ces situations malheureusement trop nombreuses, qui affectent les femmes quotidiennement et participent au climat d’insécurité.

Voilà en quelques minutes les éléments que je souhaitais évoquer. L’ambition de ce texte, que j’approuve, est de conduire à une prise de conscience de l’Union européenne et de la communauté internationale en faveur de la définition d’un cadre législatif international et d’un plan d’action ambitieux en matière de politique de sûreté et de prévention des actes de terrorisme dans les transports terrestres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Je ne répondrai pas en particulier à chaque intervenant, mais je souhaite souligner la qualité du débat, qui fait écho à la celle des travaux en commission. Les problématiques essentielles ont été naturellement au cœur de toutes les interventions. Je tiens également à apporter quelques précisions.

S’agissant des mesures mises en place dans les gares, il n’y a pas lieu d’opposer le choix des portiques et celui des contrôles aléatoires. Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre, puisqu’ils répondent à des objectifs assez différents.

J’avais moi-même proposé des contrôles aléatoires, à la suite de la réunion de l’ensemble des ministres de l’intérieur et des transports européens que Bernard Cazeneuve avait organisée après l’attentat d’août 2015. La question des portiques pour accéder aux Thalys et aux trains internationaux pose des problèmes d’une autre nature, essentiellement parce que les modes d’organisation sont différents selon les pays.

Ainsi, en Allemagne, pays qui se montre aujourd'hui réticent sur le sujet, il n’y a pas de quai dédié au Thalys, de sorte que l’entrée en gare de ce train peut être suivie de celle d’un TER ou de n’importe quel autre train. Cela rend évidemment la solution du problème beaucoup plus complexe. Néanmoins, la réflexion avance. Les Belges sont plutôt d’accord avec nous. Le débat se poursuit avec les autres pays, mais il ne faut pas opposer les deux initiatives.

Interrogé sur les terrains de la SNCF qui ne seraient pas cédés en application de la loi dite « Duflot », je saisis l’occasion pour vous indiquer que l’un des plus gros dossiers en cours de discussion sur la métropole de Lille a abouti à une signature au début de la semaine. Un terrain de treize hectares situé en zone urbaine a été cédé par la SNCF à la métropole pour faire de l’habitat, à caractère essentiellement social. Le contrat prévoit une clause qui revient à faire participer a posteriori la SNCF aux résultats obtenus sur le plan immobilier. Cela me paraît une bonne mesure. J’ai d’ailleurs moi-même beaucoup insisté pour qu’elle se concrétise.

Nombre d’entre vous sont naturellement revenus sur le débat qui est au cœur de ce texte, à savoir la difficulté de concilier la sécurité et le respect des libertés publiques. Qu’il me soit simplement permis de rappeler que nous écrivons le droit. Les dispositions proposées par votre commission et par le Gouvernement s’inscrivent précisément dans le respect du principe qui a été rappelé.

Oui, la meilleure des réponses que nous avons à faire au terrorisme, c’est exciper de nos principes démocratiques. Et c’est ce que nous faisons ! Personne ici ne soutient des mesures liberticides. Comment peut-on s’appuyer sur ce raisonnement pour s’opposer au texte en discussion ? Les uns et les autres, nous sommes sur la même position.

Certains amendements ont été écartés parce qu’ils tendent à franchir la ligne jaune, mais tel n’est pas le cas du texte de la commission. Ce qui me paraît faire la force de la démarche que nous suivons aujourd'hui, c’est d’avoir réussi à concilier deux sujets – la lutte contre la fraude et le renforcement de la sécurité – qui, le Gouvernement en est évidemment conscient, n’étaient pas forcément aisés à traiter simultanément. La nécessité a fait loi et nous avons décidé de les distinguer dans le texte. Ils auraient pu faire l’objet d’un examen séparé : cette objection, il va de soi que nous l’acceptons.

Je suis tout de même quelque peu frappé du raisonnement, que vous nous avez proposé, madame Assassi, au sujet des incivilités. Le taux de la TVA a varié au fil du temps. Qu’il soit haut ou bas, cela n’a malheureusement eu aucune conséquence sur les incivilités ! Que les trains soient neufs ou vieux, cela ne change rien non plus. Il faut chercher la réponse ailleurs.

Puisque vous faites partie des défenseurs du service public, comme nous tous ici, la question que vous devez prendre à bras-le-corps porte sur une exigence qui est au cœur du service public. Au-delà de son appartenance à l’État ou à l’entreprise publique, le service public appartient en effet à l’ensemble des citoyens. Cela implique naturellement l’exercice de droits et de responsabilités, et le sujet de l’incivilité pose, au fond, la question du vivre ensemble et du message que l’on doit porter sur ce sujet, avec les responsabilités qu’il sous-tend.

Tous les usagers qui paient leurs tickets et aimeraient être mieux protégés font le constat, tout de même terrible, que la fraude s’élève à 400 millions d'euros dans la seule région parisienne. Face à cette situation inadmissible, ils interpellent les politiques pour leur demander ce qu’ils font. J’ai entendu votre réponse, madame Assassi ; nous ne la partageons pas. La question dépasse largement l’état du matériel ou du réseau, elle relève de la responsabilité citoyenne. Et pour le pouvoir exécutif au nom duquel je m’exprime, il n’est pas interdit, dans un État de droit, de parler de répression et de dissuasion.

Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes vraiment pas d’accord !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. C’est même la règle pour que les obligations et l’exercice des libertés soient garantis, y compris contre ceux qui empêchent les autres d’exercer leur responsabilité ou leur liberté.

Je crois qu’il faut vraiment refuser d’entrer dans le débat sur le corpus juridique que nous ne respecterions pas. Non, nous ne prenons pas de mesures d’exception ! Nous répondons, avec la force de la loi et du droit, à deux situations, certes assez différentes, mais qui, aujourd'hui, imposent des réponses, et des réponses fortes.

Nous verrons ensuite, au fil de la discussion des amendements, les quelques différences qui subsistent entre la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale et celle de la commission. En cet instant, je veux souligner la force de l’engagement – quasi majoritaire, me semble-t-il, ce matin – de l’ensemble des groupes sur ces objectifs qui sont aujourd'hui une exigence et qui répondent, dans tous les cas, à une attente forte de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PRÉVENTION ET À LA LUTTE CONTRE LES ATTEINTES GRAVES À LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LE TERRORISME DANS LES TRANSPORTS PUBLICS DE VOYAGEURS

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

I. – Le code des transports est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2251-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-9. – L’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure est applicable aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. » ;

2° À la troisième phrase du troisième alinéa de l’article L. 5332-6 et à la deuxième phrase du second alinéa du II de l’article L. 6342-4, les mots : « à main » sont supprimés.

II. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° A Au dernier alinéa des articles L. 511-1 et L. 531-1, au premier alinéa de l’article L. 613-2 et au second alinéa de l’article L. 613-3, les mots : « à main » sont supprimés ;

1° (Supprimé)

2° (Supprimé)

III. – (Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. J’aurai peut-être l’occasion de revenir sur les propos de M. le secrétaire d'État lors de mon explication de vote sur l’ensemble de la proposition de loi, mais, pour l’heure, je vais défendre l’amendement n° 17.

Comme je l’ai mentionné dans mon intervention lors de la discussion générale, nous pensons que cette proposition de loi, sous couvert de lutte contre le terrorisme, a pour objectif principal la privatisation des missions de maintien de l’ordre public.

Notre conviction est confortée, monsieur le secrétaire d'État, au vu de la volonté du Gouvernement de revenir à l’écriture initiale de la proposition de loi, faisant fi des analyses pertinentes du rapporteur de la commission des lois, qui soulignait que, au regard du caractère sensible des palpations de sécurité, il convient de maintenir une habilitation et un agrément supplémentaire plutôt qu’une simple justification d’aptitude professionnelle, aptitude professionnelle qui sera délivrée par des compagnies commerciales, il faut tout de même le souligner, en lieu et place de l’intervention de l’État, ce qui, pour les membres de notre groupe, est une grave dérive !

De plus, nous ne pensons pas que le renforcement des compétences des agents de sécurité de la RATP et de la SNCF puisse pallier le manque d’effectifs de la police nationale.

Comme le souligne le rapport du comité de suivi et d’évaluation de la politique de prévention et de sécurité dans les transports, ainsi que l’étude sur la sécurisation des transports publics franciliens de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France, l’IAU, c’est la question de la présence humaine qui est au cœur des problématiques de sécurité.

Constamment, tout au long des travaux, cette question a été reconnue comme le facteur premier de la prévention : celle des agents en charge de la sécurité, mais plus largement, celle des agents commerciaux dans les gares qui, par leur présence – lorsqu’elle est proactive – concourent aussi à la tranquillité et au sentiment de sécurité.

Or les objectifs de productivité, imposés tant à la RATP qu’à la SNCF, mais aussi à l’ensemble des autorités organisatrices de transports, ou AOT, reposent souvent sur la réduction des dépenses salariales, cela en totale contradiction avec les mesures proposées par l’ensemble du texte dont nous débattons, en particulier par l’article 1er.

Loin de lutter efficacement contre le terrorisme, ce texte risque, au contraire, de mettre en grande difficulté les agents de la SNCF et de la RATP. Nous pensons qu’il y a une faute majeure à déléguer la responsabilité de la sécurité publique dans les transports à des entreprises, fussent-elles publiques. Cela doit rester le rôle régalien de l’État au travers des forces de l’ordre. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est défavorable à cet amendement qui vise à supprimer l’article 1er, lequel prévoit, je le rappelle, l’alignement des prérogatives des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP sur celles des agents privés, en leur permettant de procéder, avec leur consentement, à la fouille des bagages, à leur inspection visuelle et à la palpation de sécurité.

Je rappelle à l’adresse de Mme Assassi que, à l’occasion de la préparation de notre rapport d’information, nous avons consulté les syndicats de la RATP et de la SNCF, qui étaient favorables à l’extinction de ces prérogatives.

Mme Éliane Assassi. Nous les avons rencontrés nous aussi !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je voudrais rappeler que nous avons été confrontés à une situation assez singulière et qui n’a jamais suscité de protestations. Aujourd'hui, quand vous arrivez à l’entrée d’un grand magasin, des agents privés en charge de la sécurité vous demandent d’ouvrir votre sac. Vous pouvez refuser de l’ouvrir, mais dans ce cas l’entrée du magasin vous est interdite. Cette situation est couverte par une disposition législative.

Or il faut savoir que c’est l’une des mesures essentielles contenues dans cet article. Tout le monde pouvait agir de la sorte, sauf les agents de la Sûreté générale, ou SUGE, qui sont, de surcroît – je veux le rappeler –, des agents publics. Et je confirme que les organisations syndicales elles-mêmes – sauf à penser qu’elles tiennent des discours variables ! – sont d’accord avec cette proposition. Il fallait donc au moins leur donner ce moyen.

Madame Assassi, je suis attentivement toutes les démonstrations. Sachez-le, si j’avais la certitude que l’augmentation des salaires des agents fait baisser la délinquance, je vous promets que ce serait fait immédiatement !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Malheureusement, ce n’est pas aussi simple que cela, et nous sommes face à une situation qui exige de mettre en place des moyens nouveaux. Nous avons répondu à une situation législative anormale, que tout le monde a découverte.

Le Gouvernement ne peut donc qu’être défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer dix alinéas ainsi rédigés :

« Les fouilles réalisées en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l'établissement d'un procès-verbal ou d’un récépissé.

« Il mentionne :

« - l’identité de la personne contrôlée ;

« - les motifs du contrôle ;

« - le jour, le lieu, et l’heure de la fouille ;

« - le matricule de l’agent ayant procédé à la fouille ;

« - l’aboutissement de cette fouille ;

« - les observations éventuelles de la personne ayant fait l’objet de la fouille ;

« - la pratique éventuelle d’une palpation et sa justification ;

« - la mention des recours possibles devant l’inspection générale des services, l’inspection générale de la police nationale, le défenseur des droits ou les tribunaux. » ;

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Dans son avis sur la présente proposition de loi, le Défenseur des droits a alerté les parlementaires que nous sommes sur la nécessité d’encadrer l’extension des pouvoirs des agents de la RATP et de la SNCF, afin d’éviter les abus, toujours possibles.

En effet, il souligne qu’en attribuant des « missions de sécurité publique à des agents de sécurité privés qui ne disposent pas de l’arsenal juridique garantissant l’exercice de la “force légitime” propre aux forces de l’ordre », ce dispositif est, selon lui, potentiellement explosif. Il en va ainsi, par exemple, « des palpations de sécurité ou encore de l’inspection visuelle et de la fouille des bagages ».

Il propose ainsi, a minima, la mise en place d’un dispositif de traçabilité, qui permettrait au passager d’avoir des explications sur les motifs du contrôle ou de la fouille. Cela permettrait de prévenir les risques de protestations, de réactions, de troubles éventuels et d’atteintes à la sécurité que pourrait causer un contrôle vécu comme inique.

Lors de nos auditions, les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP nous ont affirmé que le risque de fouilles ciblées de certaines personnes ne présentant pas forcément une menace pour l’ordre public – on peut penser, par exemple, aux nombreux sans-abris qui trouvent un refuge dans le métro parisien ou à des interventions au faciès – ne pouvait malheureusement pas être exclu. C’est pourquoi l’idée d’un récépissé systématique en cas de fouilles leur semblait un moyen de les protéger tout en protégeant aussi les usagers contre les abus.

En effet, nous devons garder à l’esprit l’arrêt du 24 juin 2015 par lequel la cour d’appel de Paris a condamné l’État pour faute lourde du fait de contrôles d’identité discriminatoires et de l’absence d’obligation de traçabilité. Cette interprétation pourrait, dans le futur, être étendue aux fouilles et palpations opérées par les agents de sécurité dans les transports.

Dès lors, il nous semble important de mettre en place cet outil de traçabilité, afin d’éviter la multiplication de situations qui pourraient être jugées comme condamnables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Bonhomme, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la remise d’un récépissé à peine de nullité du procès-verbal.

Les obligations qu’entraînerait cette proposition seraient très lourdes, inapplicables de ce fait, en tout cas inadaptées aux règles de sécurité en vigueur dans le secteur ferroviaire. Elles risquent d’affaiblir l’efficacité du service public.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le débat sur cette question est légitime, et le Gouvernement souhaite donner une réponse très précise.

Évidemment, lorsqu’il s’agit de faire une palpation ou une fouille, il faut donner des garanties, notamment pour éviter d’éventuels détournements. Les palpations, comme les fouilles, ne peuvent être faites qu’avec le consentement de la personne. Le texte n’autorise pas la palpation d’autorité.

Faut-il un récépissé ? Le débat me renvoie à une idée à laquelle j’avais adhéré, jusqu’au moment où elle s’est révélée fausse. Je veux parler de l’affaire du CV anonyme pour les personnes qui cherchaient à se faire recruter. L’idée était la même : on disait qu’il valait mieux, pour éviter des discriminations dans le recrutement, que le CV soit anonyme. J’ai soutenu cette proposition pendant longtemps. Puis, il est apparu que c’était, en réalité, une fausse solution. Intellectuellement, elle était bonne, mais, dans la pratique, les choses empiraient. Les promoteurs de cette affaire eux-mêmes ont fini par y renoncer.

Quel serait le résultat de cette démarche ? Pour notre part, nous souhaitons l’efficacité. Les fouilles et palpations constituent des mesures de filtrage sur des lieux fréquentés non par des personnes ciblées, mais par un flux d’usagers. De ce point de vue, la méthode elle-même me paraît apporter toutes les garanties.

Il faut ensuite déterminer si la remise d’un récépissé est nécessaire. C’est une question d’efficacité.

M. Alain Fouché, rapporteur pour avis. C’est compliqué !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Si, chaque fois qu’un tel contrôle est effectué au sein d’un flux de passagers, il fallait délivrer un récépissé, vous n’ignorez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui se passerait : plus aucun contrôle ne serait réalisé ou, du moins, leur nombre serait probablement largement divisé.

Mme Éliane Assassi. Quand ces agents infligent une amende, un récépissé est donné ! Il faudrait vous faire prendre le RER pendant une semaine !