compte rendu intégral

Présidence de Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Catherine Tasca,

M. Bruno Gilles.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Renvoi pour avis unique

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre (n° 256, 2015–2016), dont la commission des finances est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.

3

Article 3 ter (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 4

Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Suite de la discussion d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (projet n° 359 [2014-2015], texte de la commission n° 608 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015], avis nos 549 et 581 [2014-2015]) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (projet n° 364 rectifié [2014-2015], texte de la commission n° 609 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015]).

Nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

TITRE Ier (suite)

PRINCIPES FONDAMENTAUX

Mme la présidente. Nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 4.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Articles additionnels après l’article 4

Article 4

Le titre Ier du livre Ier du même code est complété par un article L. 110-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 110–3. – Les stratégies nationale et régionales pour la biodiversité contribuent à la cohérence des politiques publiques en matière de préservation de la biodiversité.

« En vue d’assurer la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, la stratégie nationale pour la biodiversité est élaborée par l’État en concertation avec des représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, de la communauté scientifique, d’acteurs socio-économiques et d’organisations de protection de l’environnement.

« L’Agence française pour la biodiversité apporte son soutien à l’État pour l’élaboration de la stratégie nationale et assure le suivi de sa mise en œuvre.

« Les régions définissent et mettent en œuvre une stratégie régionale pour la biodiversité tenant compte des orientations de la stratégie nationale et élaborée dans les mêmes conditions de concertation. Les collectivités territoriales et leurs groupements participent à la définition et à la mise en œuvre de cette stratégie à l’échelon de leur territoire.

« Les délégations territoriales de l’Agence française pour la biodiversité, prévues à l’article L. 131-11 du présent code, apportent leur soutien aux régions pour l’élaboration de leur stratégie et assurent le suivi de leur mise en œuvre.

« La stratégie nationale de la biodiversité couvre deux périodes successives de cinq ans, sauf celle établie en 2015 qui couvre deux périodes successives de, respectivement, trois et cinq ans.

« Elle définit les objectifs quantitatifs et qualitatifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité, de la programmation et l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État et de ses établissements publics mobilisées pour les atteindre. Cette enveloppe est fixée en engagements et en réalisations.

« Chacune des espèces classées sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature présente sur le territoire français fait l’objet d’un plan d’action spécifique en vue d’assurer sa préservation, intégré à la stratégie nationale pour la biodiversité prévue à l’article L. 110-3 du code de l’environnement. »

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Cet article 4 vise à introduire un nouvel article dans les principes généraux du code de l’environnement. Il donne, en particulier, une base législative à la stratégie nationale pour la biodiversité pour la période 2011–2020, ainsi qu’aux stratégies régionales pour la biodiversité. Il a été retravaillé par la commission. Au total, les modifications apportées sont au nombre de cinq.

D’abord, cet article donne un rôle à l’Agence française pour la biodiversité dans la stratégie nationale, ce qui introduit de la cohérence.

Ensuite, il accorde un rôle aux délégations territoriales de l’Agence française pour la biodiversité dans les stratégies régionales, ce qui donne également de la cohérence aux actions.

Par ailleurs, il définit les horizons de temps de la stratégie nationale.

En outre, il définit les objectifs quantitatifs de cette stratégie nationale.

Enfin, il rend obligatoire un plan d’action pour chaque espèce classée sur les listes rouges.

Il s’agit d’un article tout à fait essentiel, car il apporte de la clarté et de la précision. Il fixe également un calendrier d’action pour la réalisation de la stratégie nationale. Surtout, il introduit une cohérence entre le cadrage national et la liberté d’initiative des territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.

M. Éric Bocquet. J’interviens en remplacement de mon collègue Paul Vergès, qui n’a malheureusement pas pu se rendre disponible aujourd'hui. Je vous prie de bien vouloir l’en excuser. C’est donc le Nord qui représente l’hémisphère Sud ! (Sourires.)

Protéger la biodiversité sur nos territoires, c’est un premier pas. C’est même un impératif pour les territoires ultramarins. Mais ce n’est pas simplement une question franco-française, chacun le comprend bien.

Pour bien saisir les enjeux, je prendrai l’exemple de la pêche.

Premièrement, dans l’océan Indien, 90 % des prises sont effectuées par des flottes n’appartenant pas aux pays riverains. C’est la question de la gouvernance des mers et des océans qui est alors posée.

Deuxièmement, dans les autres océans, 80 % des poissons sont surexploités ou au bord de la surexploitation. Au rythme actuel, les océans pourraient être vides de poissons dès 2048, indiquait récemment l’ONG Greenpeace. C’est la question de la gestion raisonnée des espèces qui est donc également posée.

La protection de la biodiversité prend ainsi obligatoirement une dimension interrégionale.

En juillet 2008, nous avions organisé à La Réunion, en partenariat avec l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’ONERC, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, la région et des ministères une conférence consacrée aux changements climatiques et à la perte de biodiversité à l’échelle des outre-mer européens. Six ans plus tard, la Guadeloupe organisait un événement similaire.

C’est d’ailleurs en réponse à l’appel de La Réunion qu’est né le programme BEST, le programme volontaire pour la biodiversité, les écosystèmes et les services écosystémiques dans les territoires d’outre-mer européens.

Les deux événements se sont conclus par des appels demandant l’élaboration de stratégies répondant conjointement aux besoins spécifiques de chaque entité, mais aussi aux préoccupations des îles ou pays de leur zone géographique.

Nous constatons que l’article 4 de ce projet de loi ne prend pas du tout en compte le codéveloppement. Il ne s’agit pas simplement de mutualiser les connaissances, les moyens ou les méthodes, mais il s’agit d’élaborer une stratégie à l’échelon de chaque zone géographique, l’océan Indien en ce qui concerne La Réunion.

Madame la ministre, j’ai l’espoir que cela sera prévu dans les décrets que vous prendrez ultérieurement.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 59 rectifié est présenté par M. Pointereau, Mme Morhet-Richaud, MM. Chaize, Commeinhes et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Pinton, de Nicolaÿ, Milon et Mayet, Mme Deromedi, MM. Cardoux, Vaspart et Cornu, Mme Primas, MM. Poniatowski et D. Laurent, Mme Lamure, MM. Danesi et Bockel, Mme Troendlé, MM. Bizet, César, Laménie et Pierre, Mme Canayer, MM. Lenoir, P. Leroy et Bas, Mme Gruny et MM. Raison, Savary, Kennel et Gremillet.

L'amendement n° 248 rectifié est présenté par Mme Billon, M. Cadic, Mme Loisier et MM. Luche, L. Hervé, Guerriau, Longeot, D. Dubois, Roche et Lasserre.

L'amendement n° 485 rectifié ter est présenté par MM. Kern et Bonnecarrère.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié.

M. Philippe Mouiller. La stratégie nationale pour la biodiversité 2011–2020, comme la stratégie de 2004–2010, a été coélaborée entre l’État et le comité national de révision de la stratégie nationale pour la biodiversité, composé de différentes parties prenantes.

Elle résulte d’un processus constructif et consensuel. Chaque orientation stratégique, chaque objectif ont fait l’objet de discussions au sein de ce comité.

Il n’a pas été prévu de lui donner une vocation réglementaire, et donc coercitive. Cette stratégie est issue d’une volonté partagée des acteurs d’agir pour la biodiversité et de trouver des solutions pour préserver le vivant. Fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs dans cette stratégie lui conférerait un caractère contraignant non voulu par les parties prenantes, qui ont choisi de s’investir dans cette stratégie et d’y adhérer volontairement.

D’autres outils existent pour se fixer des objectifs contraignants en matière de biodiversité : la trame verte et bleue, Natura 2000, le programme d’actions de la future Agence française pour la biodiversité, les politiques du ministère de l’écologie.

À l’heure où le bilan du dispositif d’engagement dans la stratégie nationale suggère de rénover le dispositif pour le rendre plus attrayant pour les parties prenantes, il ne semble pas opportun d’utiliser cet outil pour fixer les objectifs de l’État en matière de préservation de la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 248 rectifié.

M. Daniel Dubois. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l'amendement n° 485 rectifié ter.

M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement est également défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 581, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot

biodiversité

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et la programmation.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement est retiré.

Mme la présidente. L'amendement n° 581 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques nos 59 rectifié, 248 rectifié et 485 rectifié ter ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. La commission a émis un avis favorable.

Nous avions adopté en commission un amendement de notre collègue Dantec qui apportait une précision concernant la stratégie nationale pour la biodiversité. Il prévoyait qu’elle définit les objectifs quantitatifs et qualitatifs de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité, de la programmation ainsi qu’une enveloppe maximale.

J’avais émis un avis plutôt défavorable en commission et je rejoins les arguments des auteurs des trois amendements en discussion, qui prévoient de supprimer une telle précision.

Nous sommes tous attachés à la dimension partenariale et consensuelle de l’élaboration de la stratégie. Or lui fixer des objectifs contraignants n’est pas conforme à la philosophie d’adhésion volontaire des acteurs et crée des contraintes qui peuvent être décourageantes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je ne comprends pas tout à fait la logique défendue ici.

Nous avons ajouté dans le texte, j’en assume la responsabilité, les termes « quantitatifs et qualitatifs ». Or il est ici proposé de supprimer la totalité de l’alinéa. Pourquoi s’attaquer à l’ensemble de l’alinéa ? La logique, peut-être consensuelle, serait, à mon avis, de supprimer uniquement ces deux adjectifs.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 rectifié, 248 rectifié et 485 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 343 rectifié, présenté par MM. Bizet et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Cet alinéa prévoit qu’un plan d’action spécifique soit élaboré en vue d’assurer la préservation de chacune des espèces classées sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, présente sur le territoire français, et intégré à la stratégie nationale pour la biodiversité.

Or bien que la liste rouge de l’UICN soit reconnue par la convention sur la diversité biologique comme une référence mondiale pour la classification des espèces selon leur risque d’extinction, il est à souligner que le Comité scientifique, technique et économique des pêches de la Commission européenne a estimé en 2006 que les critères développés par l’UICN pour la classification des menaces sur les espèces terrestres et les mammifères marins ne sont pas appropriés pour les poissons et autres espèces marines exploitées par l’homme.

En clair, la classification de l’UICN s’avère même en contradiction avec les principes de gestion durable des activités de pêche.

Voilà pourquoi, devant tant d’incohérences et de lacunes, il serait pertinent de supprimer cet article, afin d’éviter de nous retrouver demain en porte à faux avec le Comité scientifique, technique et économique des pêches émanant de la Commission européenne.

Mme la présidente. L’amendement n° 217, présenté par MM. Antiste, Cornano et Karam, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Chacune des espèces classées sur la liste rouge nationale des espèces menacées, établie selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature, fait l’objet d’un plan d’action spécifique ou de mesures de protection renforcées en vue d’assurer sa préservation, répondant à l’objectif 4 de la stratégie nationale pour la biodiversité prévue à l’article L. 110–3 du code de l’environnement. »

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. L’alinéa 9 de l’article 4 concernant les espèces menacées nécessite quelques ajustements, notamment terminologiques. Il est en effet important d’inscrire la liste rouge nationale des espèces menacées comme référence, telle qu'elle est établie selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

En effet, toutes les espèces menacées de notre territoire doivent bénéficier d’une protection au titre de la réglementation sur les espèces protégées. Cependant, si plusieurs d’entre elles doivent aussi bénéficier d’un plan d’action spécifique – les plans nationaux d’action sur les espèces menacées –, il ne paraît pas pertinent que toutes les espèces fassent l’objet d’un tel plan. C’est pourquoi il est préférable d’intégrer également des mesures de protection renforcée, au-delà de la réglementation sur les espèces protégées. Cela peut être le cas d’espèces menacées à distribution réduite dont l’habitat naturel peut faire l’objet d’un classement en aire protégée.

Mme la présidente. L’amendement n° 251 rectifié bis, présenté par Mmes Claireaux et Conway-Mouret, MM. Lalande, Desplan, Patient et Karam, Mmes Yonnet et Herviaux, MM. S. Larcher et F. Marc, Mme Bataille et M. J. Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Chacune des espèces terrestres présentes sur le territoire français et classées sur la liste rouge nationale des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature, fait l’objet, en vue d’assurer sa préservation, d’un plan d’action spécifique ou de mesures de protection, adaptés à son statut de préoccupation, et intégrés à la stratégie nationale pour la biodiversité prévue au présent article. »

La parole est à Mme Karine Claireaux.

Mme Karine Claireaux. Cet alinéa tend à prévoir qu’un plan d’action spécifique soit élaboré en vue d’assurer la préservation de chacune des espèces classées sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN.

Bien que cette liste rouge soit reconnue comme une référence mondiale pour la classification des espèces selon leur risque d’extinction, les critères développés par l’UICN pour la classification des menaces sur les espèces terrestres et les mammifères marins ne semblent pas appropriés pour les poissons et autres espèces marines exploitées par l’homme.

Compte tenu des lacunes et incohérences que présente le système de classification des espèces marines menacées de l’UICN, il n’est donc ni pertinent ni souhaitable que les dispositifs de préservation des espèces marines reposent de manière systématique sur la liste rouge de l’UICN.

En outre, la stratégie nationale pour la biodiversité ne constitue pas le cadre d’action unique de préservation des espèces. En l’occurrence, s’agissant des espèces marines exploitées, le cadre de référence est la politique commune de la pêche, qui seule permet de prendre en compte la dimension internationale de la question de la préservation des stocks halieutiques dans le cadre d’une pêche durable.

Mme la présidente. L’amendement n° 310 rectifié bis, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les espèces menacées présentes sur le territoire national classées dans les catégories « en danger critique » et « en danger » de la liste rouge mondiale des espèces menacées, établie selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature, font l’objet de plans d’actions opérationnels, spécifiques ou par groupes d’espèces, ou de mesures de protection renforcées prises dans le cadre des politiques sectorielles et environnementales, afin de restaurer et maintenir leur état de conservation, répondant à l’objectif 4 de la stratégie nationale pour la biodiversité prévue à l’article L. 110–3 du code de l’environnement et à l’objectif 12 du plan stratégique pour la diversité biologique 2011–2020 de la Convention sur la diversité biologique. »

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Je donne raison à Jean Bizet – nous sommes dans une dynamique de consensus ! – sur les faiblesses du premier amendement que nous avions présenté en commission ; il avait néanmoins le mérite d’ouvrir le débat.

Mme la ministre l’a dit, cet amendement a été très bien accueilli par les associations et le monde de la protection de l’environnement. Cependant, il est beaucoup trop large, comme l’a dit Jean Bizet.

Peut-être ne vais-je pas me faire que des amis dans le monde de la protection de l’environnement, mais je pense même – cela restera entre nous ! (Sourires.) – que les autres amendements en discussion commune ont, eux aussi, un champ d’action trop large.

Celui que je propose, et que j’ai retravaillé avec un certain nombre d’associations, vise à prévoir seulement deux catégories d’espèces menacées : celles qui sont « en danger critique » et celles qui sont « en danger ». Nous n’avons même pas inscrit la catégorie « espèces vulnérables », car cela aurait par trop allongé la liste rouge.

Par ailleurs, et c’est une véritable différence avec les autres amendements, sont évoquées dans le nôtre une liste rouge non pas nationale, mais mondiale, visant uniquement les espèces en danger au niveau mondial présentes sur le territoire français, ce qui est très limitatif : même l’ours d’Europe, dont vous savez que l’avenir me préoccupe beaucoup, n’y figure pas.

Cet amendement est également né à la suite des auditions relatives aux territoires ultramarins que nous avons menées. Sont donc uniquement visées dans cette rédaction des espèces plutôt présentes outre-mer et qui ne sont pas protégées par un plan d’action ou – c’est encore plus limitatif – par des mesures de protection renforcée, notamment un classement par zone géographique.

Depuis notre premier débat sur le sujet, nous avons essayé de rédiger un amendement très opérationnel qui concerne non plus des milliers d’espèces, mais quelques-unes.

C’est en prévoyant des plans d’action pour des espèces véritablement en danger au niveau mondial et présentes sur son territoire – notamment les espèces endémiques – que la France pourra assumer sa part de la biodiversité mondiale. (M. Jean Desessard applaudit.)

Mme la présidente. L’amendement n° 610, présenté par M. Bignon, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer la référence :

à l'article L. 110–3 du code de l'environnement

par la référence :

au présent article

La parole est à M. le rapporteur pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 343 rectifié, 217, 251 rectifié bis et 310 rectifié bis.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. L’alinéa 9 de l’article 4, introduit en commission dans le projet de loi sur l’initiative de Ronan Dantec, prévoit que chacune des espèces figurant sur la liste rouge et présente sur le territoire français fait l’objet d’un plan d’action spécifique, intégré à la SNB – stratégie nationale pour la biodiversité –, en vue d’assurer sa préservation.

Au cours d’une table ronde sur la biodiversité outre-mer à laquelle j’ai participé avec Ronan Dantec, nous avions pu constater que ces plans d’action donnaient des résultats pour les espèces en danger critique. Ainsi, l’albatros d’Amsterdam, espèce qui a bénéficié d’un plan d’action efficace mis en place par les Terres australes et antarctiques françaises sur l’île d’Amsterdam, est désormais moins en danger.

Après en avoir discuté avec les acteurs intéressés, je rejoins la position de M. Ronan Dantec : le champ de l’alinéa paraît trop large. Il ne s’agit pas de dire que toutes les espèces ne doivent pas être protégées, mais, comme dit l’adage, qui trop embrasse mal étreint. C’est une question d’efficacité. Mieux vaut cibler les mesures.

Par ailleurs, la liste rouge comporte des gradations, lesquelles sont majeures, critiques ou mineures. Il n’est donc pas nécessaire de déployer la même énergie et les mêmes moyens. Il faut plutôt adapter l’action à la qualification de la préoccupation relative à l’espèce concernée.

Face à cette difficulté, Jean Bizet préconise au travers de l’amendement n° 343 rectifié de supprimer purement et simplement l’alinéa 9 de l’article 4, au motif que son champ d’application est trop large.

Je considère, pour ma part, qu’il vaut mieux restreindre cet alinéa plutôt que de le supprimer. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement, même si je comprends la problématique posée par notre collègue. Il est vrai que maintenir l’alinéa en l’état n’aurait pas eu de sens, mais nous préférons apporter une réponse différente.

Quant à l’amendement n° 217 présenté par Maurice Antiste, il ne permet pas de résoudre la difficulté de la trop grande largeur de champ de l’alinéa, pas davantage que l’amendement n° 251 rectifié bis de Mme Claireaux, lequel tend pourtant à proposer une solution indiscutablement intéressante ; la référence à « la liste rouge nationale » est cependant problématique.

Je souhaite, comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, privilégier l’amendement n° 310 rectifié bis de Ronan Dantec, qui a rectifié sa proposition initiale. Sont désormais visées de façon plus précise les espèces menacées présentes sur notre territoire, notamment celles en danger critique, ce qui permettra de mener des actions spécifiques.

J’émets donc un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de le rectifier en y intégrant l’amendement n° 610 de la commission. Ainsi modifiée, sa rédaction sera, légistiquement parlant, de bonne qualité.

M. Jean Desessard. «De bonne qualité » !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Il me paraît difficile de prévoir la disparition d’une obligation relative aux espèces menacées et d’exclure de la disposition les espèces marines.

Je suggère donc le retrait des amendements nos 343 rectifié, 217 et 251 rectifié bis, au bénéfice de l’amendement n° 310 rectifié bis, qui vise à mettre en place des actions proportionnées en faveur des espèces menacées. La nécessité de préciser la juste adaptation des décisions en fonction du degré de menace sur les espèces est en effet prise en considération, sans pour autant que le dispositif soit totalement supprimé.

Mme la présidente. Monsieur Bizet, l’amendement n° 343 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Bizet. J’ai bien entendu les propositions de M. le rapporteur et l’invitation qui m’est faite de retirer mon amendement au bénéfice de celui de Ronan Dantec, qui a été jugé très positif.

Je souhaite revenir sur l’avis du Comité scientifique, technique et économique des pêches de la Commission européenne, auquel il ne me semble pas que l’amendement n° 310 rectifié bis soit conforme. Si tel est cependant le cas – j’aimerais que l’on m’apporte quelques précisions –, je retirerai mon amendement sans problème. Je souhaite néanmoins souligner que nous ne devons pas, au Sénat, avoir des positions incohérentes par rapport à celles des comités techniques d’instances européennes ; ce serait source de contentieux et nous n’en finirions pas.

Cela étant dit, je voterai sans difficulté l’amendement n° 310 rectifié bis s’il est conforme à l’avis du comité précité.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je suis quelque peu désarmé par la référence à cet avis, émis en 2006, du Comité scientifique, technique et économique des pêches de la Commission européenne. Peut-être l’UICN a-t-elle évolué sur ce point, mais j’avoue que je n’en sais rien.

L’objectif est de protéger les espèces emblématiques, en danger majeur ou critique, qui sont ciblées par l’UICN. Lorsque nous aurons réglé ce problème, nous verrons ce qu’il en est des espèces suivies par la Commission européenne.

Ne rien faire serait dommageable pour la biodiversité et l’avenir de ces espèces qui sont véritablement en danger critique. Je rappelle qu’il ne restait que trente couples d’albatros d’Amsterdam ; cette espèce magnifique et emblématique était en train de disparaître !

Ne rien faire ou ne pas se donner les moyens d’agir me paraît pire que de commettre l’erreur éventuelle consistant à prévoir une disposition en contradiction avec la préconisation d’un comité. En outre, je ne sais pas si cet avis, émis en 2006, est toujours d’actualité en 2016. Il faut mettre les deux en balance, quitte à rectifier notre position le cas échéant.