Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Seconde partie (suite)

Action extérieure de l’État

M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Richard Yung, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’action de la France en Europe et dans le monde

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’action de la France en Europe et dans le monde

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la diplomatie culturelle et d’influence

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour la diplomatie culturelle et d’influence

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les Français à l’étranger et les affaires consulaires

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les Français à l’étranger et les affaires consulaires

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Robert Hue

Mme Josette Durrieu

M. Michel Billout

M. André Trillard

Mme Nathalie Goulet

Mme Leila Aïchi

M. Robert del Picchia

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Christophe-André Frassa

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

État B

Amendement n° II-143 de la commission. – Adoption.

Amendement n° II-262 de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Amendement n° II-83 rectifié quater de M. Robert del Picchia. – Adoption.

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

Amendement n° II-144 de la commission. – Adoption.

Amendement n° II-191 rectifié bis de M. Robert del Picchia. – Rejet.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Action extérieure de l’État ».

Article 48 A (nouveau) – Adoption.

Article additionnel après l'article 48 A

Amendement n° II-260 rectifié ter de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Pouvoirs publics

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, rapporteur spécial

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles

M. Michel Raison

M. Michel Canevet

M. André Gattolin

M. François Fortassin

M. Alain Anziani

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics » figurant à l’état B.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

Conseil et contrôle de l’État

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur spécial

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les juridictions administratives et les juridictions financières

M. Michel Canevet

M. André Gattolin

M. François Fortassin

M. Alain Anziani

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » figurant à l’état B.

Politique des territoires

Compte d’affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’impulsion et la coordination de la politique d’aménagement du territoire et pour les interventions territoriales de l’État

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la politique de la ville

M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la ville

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Patrick Abate

M. Alain Bertrand

M. Joël Labbé

M. Jean-Claude Leroy

M. Jacques Genest

M. Jean-François Longeot

Mme Nelly Tocqueville

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Franck Montaugé

M. Michel Raison

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

politique des territoires

État B

Amendement n° II-329 de M. Jacques Mézard. – Adoption par scrutin public.

Rejet, par scrutin public, des crédits modifiés de la mission « Politique des territoires ».

compte d’affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » figurant à l’État D.

5. Candidature à un organisme extraparlementaire

6. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Travail et emploi

Compte d’affectation spéciale : Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

M. François Patriat, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’accès et le retour à l’emploi, l’accompagnement des mutations économiques et le développement de l’emploi et pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, la conception, la gestion et l’évaluation des politiques de l’emploi et du travail

M. Alain Milon, en remplacement de Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Jean Desessard

M. Jean-Marc Gabouty

Mme Annie David

M. Éric Jeansannetas

M. Gilbert Barbier

M. Antoine Lefèvre

M. Cyril Pellevat

M. François Bonhomme

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

travail et emploi

État B

Amendement n° II-140 de la commission. – Adoption par scrutin public.

Amendement n° II-326 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° II-416 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° II-331 rectifié de M. Michel Canevet. – Retrait.

Adoption, par scrutin public, des crédits modifiés de la mission « Travail et emploi ».

compte d’affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement nationale du développement et de la modernisation de l’apprentissage » figurant à l’état D.

7. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

8. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution

9. Communication du Conseil constitutionnel

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

10. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Rappel au règlement

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

Enseignement scolaire

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture

Mme Marie-Christine Blandin

Mme Mireille Jouve

M. Jacques-Bernard Magner

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

M. Jacques Grosperrin

M. Claude Kern

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Colette Mélot

Mme Françoise Cartron

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

Débat interactif et spontané

M. Michel Savin ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

Mme Maryvonne Blondin ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

M. Michel Canevet ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

Mme Brigitte Gonthier-Maurin ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

Mme Françoise Laborde ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

Mme Marie-Christine Blandin ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

M. Daniel Laurent ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

Mme Claudine Lepage ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

Mme Françoise Gatel ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

M. Jacques Grosperrin ; M. Thierry Mandon, secrétaire d'État

État B

Amendement n° II-154 de la commission. – Adoption.

Amendement n° II-153 de la commission. – Adoption.

Amendement n° II-233 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Adoption.

Amendement n° II-235 de M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. – Adoption.

Amendement n° II-328 rectifié bis de Mme Françoise Gatel. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Enseignement scolaire ».

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac,

M. Bruno Gilles.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 56 bis (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Action extérieure de l'État

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis nos 165 à 170).

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Action extérieure de l’État

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (et article 48 A).

La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de l’action extérieure de l’État assure le financement de l’une des missions régaliennes centrales de l’État : sa diplomatie, politique et culturelle, et les services consulaires aux Français de l’étranger.

Avec un total de 3,2 milliards d’euros, ce budget est relativement sobre au regard du réseau diplomatique qu’il finance – le deuxième réseau le plus dense du monde – et du réseau culturel et d’influence – le plus important du monde.

Le budget qui nous est proposé pour l’action extérieure de l’État en 2016 est un budget en trompe-l’œil.

En effet, l’augmentation des crédits de 250 millions d’euros par rapport à 2015, soit environ 8 %, s’explique par deux phénomènes : premièrement, l’augmentation du montant des contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix en raison d’un taux de change de l’euro contre le dollar défavorable et, deuxièmement, le décaissement de la quasi-totalité des dépenses liées à la COP 21.

Je présenterai les deux programmes sur lesquels a particulièrement porté mon examen : le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et le programme 341 provisoire « Conférence Paris Climat 2015 ».

L’effet de change est le principal déterminant de la dépense du programme 105, qui rassemble les crédits de la diplomatie politique au sens strict. Les crédits prévus pour l’ensemble des contributions internationales passent de 746 millions d’euros en 2015 à 904 millions d’euros en 2016.

L’essentiel de ces contributions doit être payé en dollar. L’euro étant passé de 1,3 dollar à 1,15, le taux de budgétisation a été modifié en juillet et le coût des contributions a ainsi été réévalué à la hausse.

J’avais d’ailleurs alerté sur cette fragilité pour l’année 2015.

Pour 2016, le ministère a sécurisé ces décaissements en procédant, via l’Agence France Trésor, à l’achat à terme de 600 millions de dollars, à un taux déjà prévu. Cependant, cet achat à terme n’est pas un véritable mécanisme de couverture.

Si l’euro remonte d’ici au paiement des contributions 2016, nous aurons perdu de l’argent. S’il baisse encore, nous en aurons gagné, en spéculant à la baisse sur le change de l’euro !

Il serait à notre avis plus judicieux que le ministère se dote d’un mécanisme plus réactif, qui permette d’ajuster systématiquement le montant des dotations en cours d’année, au regard du taux de change entre l’euro et le dollar. C’est ce que font les Allemands.

C’est un sujet qui peut sembler technique, mais qui est en réalité déterminant pour le budget. Je pense que le rapport que le Gouvernement devra fournir, aux termes du nouvel article 48 A adopté par l’Assemblée nationale, est bienvenu.

De façon générale, notre réseau diplomatique poursuit son adaptation, ce qui se traduit par deux évolutions : la transformation de nouveaux postes en « postes de présence diplomatique » à format très réduit et la réduction globale des effectifs de la diplomatie, à Paris et dans le réseau, dont le schéma d’emploi prévoit la réduction de 142 équivalents temps plein.

Le patrimoine immobilier constitue par ailleurs un élément important de la gestion du programme 105. Cette gestion immobilière est particulière, car les recettes des cessions reviennent au ministère, à l’exception d’une contribution forfaitaire d’au moins 25 millions d’euros, qui est reversée au compte d’affectation spéciale « Immobilier ».

Nous nous sommes inquiétés de ce mécanisme, qui force le ministère à vendre pour financer l’entretien de son patrimoine.

Pour 2015 et 2016, une recette exceptionnelle, liée à la vente du campus diplomatique de Kuala Lumpur, permet d’assurer le versement d’une contribution forfaitaire de 100 millions d’euros.

Mais à moyen et long terme, nous ne disposons que de peu d’informations et de visibilité sur les cessions à venir (M. Michel Bouvard s’exclame.), le coût des travaux lourds à prévoir pour certains sites et l’équilibre général du mécanisme.

J’en viens au programme 341 relatif à la COP 21.

Ce programme porte 182 millions d’euros en crédits de paiement sur 2015 et 2016, l’essentiel étant payé en 2016. L’an passé, j’avais défendu un amendement pour réduire de 10 millions d’euros les crédits, afin d’inciter le Gouvernement à rechercher des partenariats privés permettant de réduire la facture pour l’État.

Je constate avec satisfaction que cet effort a été réalisé ; le Gouvernement s’est pleinement engagé dans cette recherche, et cinquante entreprises privées se sont ainsi associées à la COP 21. Certaines contribuent sous la forme de versements, d’autres sous la forme de dons en nature, par exemple la gratuité du gaz par Engie et du nettoyage par Derichebourg ou la fourniture de véhicules électriques pour le transport des délégations par Renault. Au total, les contributions des entreprises représentent environ 26 millions d’euros.

Cependant, ce chiffre ne se retrouve pas en diminution de la charge portée par l’État, la plupart de ces contributions étant des prestations fournies en plus de celles qu’il porte. C’est le cas, par exemple, des véhicules électriques de Renault.

De plus et surtout, le ministère constate d’importants surcoûts par rapport à la prévision initiale : par exemple, l’espace d’accueil, prévu à l’origine de 130 000 mètres carrés, devra finalement être de 180 000 mètres carrés. En outre, la sécurité a été renforcée, notamment au regard du contexte lié aux attentats du début d’année.

Ainsi, les contributions des entreprises viendront seulement éponger les surcoûts de l’organisation. C’est pourquoi je vous propose d’adopter, à nouveau, un amendement réduisant de 10 millions d’euros les dotations du programme 341.

Monsieur le secrétaire d’État, je partage pleinement la priorité que le Gouvernement a donnée, à juste titre, au succès de cette conférence essentielle, qui se tient en ce moment même à quelques kilomètres de notre hémicycle. Son enjeu est majeur et une organisation parfaite est nécessaire.

Mais lorsqu’on prévoit une enveloppe budgétaire, on doit s’y tenir. Lorsque cette dernière risque d’être dépassée, on doit réduire les dépenses non indispensables, comme les espaces pour la société civile ou certains événements annexes. Certaines de ces manifestations, compte tenu de la menace terroriste et du contexte sécuritaire, ont d’ailleurs été annulées. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous précisiez si cela permettra de dégager des crédits supplémentaires, éventuellement réaffectés au renforcement de la sécurité sur le site. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, rapporteur spécial.

M. Richard Yung, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’évoquerai plus spécifiquement les crédits des programmes 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » et 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Je voudrais cependant signaler, en préambule, que je partage le sentiment et l’analyse de mon collègue Éric Doligé concernant le programme 105. Je le suivrai moins sur la baisse de crédits du programme 341 relatif à la COP 21…

En ce qui concerne le programme 185 relatif à la diplomatie culturelle et d’influence, les crédits diminuent de 4 %. Cette diminution est notamment supportée par la subvention à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, qui, comme les autres opérateurs de la mission – Institut français, Campus France, qui s’occupe de l’accueil des étudiants étrangers, et Atout France –, voit sa subvention baisser par rapport à 2015.

Le premier problème est bien là, car ces agences ne sont pas de même niveau.

En effet, l’AEFE, c’est la scolarisation d’environ 340 000 enfants, dont 120 000 Français. J’ajoute que les enfants non français sont les bienvenus, car, d’une part, leur accueil fait partie de notre politique, et, d’autre part, c’est grâce à eux que nous avons un tel réseau, puisqu’ils paient des frais de scolarité.

Je le répète, nous ne pouvons donc pas mettre Atout France, que je respecte néanmoins beaucoup, sur le même plan que l’AEFE.

L’Agence, pour compléter son financement, va procéder à un prélèvement sur son fonds de roulement. Il s’agit quand même d’un expédient, qui n’est pas de bonne politique. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.) En effet, le fonds de roulement se compose des crédits de l’AEFE, mais aussi, en grande partie, des frais de scolarité payés par les parents. Cette réponse ne peut pas être considérée comme pérenne. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce à nouveau.)

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons pas continuer ainsi…

M. Richard Yung, rapporteur spécial. Nous en sommes arrivés au point où nous devons définir une politique à moyen terme pour l’enseignement français à l’étranger. Il y a eu l’excellent rapport de nos collègues Claudine Lepage et Philip Cordery, mais également d’autres travaux, et il nous faut maintenant tirer les conclusions de ces contributions pour nous forger une vision à moyen terme.

J’en viens au programme 151, qui concerne l’administration des Français de l’étranger et les affaires consulaires. Les crédits, d’environ 370 millions d’euros, connaissent une légère baisse, qui résulte de deux évolutions en sens contraires.

La première évolution, à la hausse, concerne les dépenses de l’administration des Français de l’étranger, et s’explique par le recrutement de nouveaux effectifs pour l’instruction des visas. Mon collègue Eric Doligé et moi-même avons rédigé un rapport sur la politique des visas, qui a montré combien ce sujet était important pour l’attractivité globale, c’est-à-dire touristique et commerciale, de la France. Le ministère prévoit donc chaque année la création d’un certain nombre de postes supplémentaires pour gérer les visas dans les consulats.

La seconde évolution, à la baisse, concerne les bourses scolaires aux élèves français du réseau d’enseignement français à l’étranger. Ces crédits diminuent de 10 millions d’euros par rapport à 2015, pour s’établir à 115,5 millions d’euros.

Cette baisse, de même que la consommation estimée pour 2015, soit 102 millions d’euros, contredisent l’engagement pris lors de la réforme du système d’aide à la scolarité en 2013, que notre collègue Hélène Conway-Mouret avait portée. En effet, après application de la réserve de précaution, il ne restera en pratique que 108 millions d’euros de crédits disponibles.

Monsieur le secrétaire d’État, je reconnais que cette réforme, qui était nécessaire, est positive, et nous l’appliquons sans état d’âme.

À cet égard, il y a deux éléments à prendre en compte : d’une part, le nombre d’enfants français bénéficiaires de l’aide à la scolarité augmente chaque année, ce dont nous nous félicitons ; d’autre part, la quotité, c’est-à-dire le pourcentage accordé, qui peut être de 100 %, de 80 % ou de 50 %, selon le revenu des parents, s’est réduite de façon significative. Cette baisse de quotité n’est pas sans créer des problèmes non pas pour les plus hauts revenus ou pour les foyers les plus défavorisés, mais pour les couches intermédiaires.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très gros problèmes !

M. Richard Yung, rapporteur spécial. À nos yeux, le montant de 125 millions d’euros, que nous avions fixé voilà trois ans, doit être respecté. Aussi, pour remonter à ce niveau, de façon à assurer le principe d’universalité de l’accès au réseau de l’enseignement français à l’étranger, nous proposerons un amendement en ce sens.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. Au total, sous réserve de cet ajustement sur le sujet sensible pour la communauté française à l’étranger des bourses scolaires, nous considérons que le budget 2016 de l’action extérieure de l’État est réaliste, cohérent et sérieux. Il prend en effet notamment en compte l’évolution du taux de change, comme Éric Doligé l’a rappelé.

Pour toutes ces raisons, et sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Henri de Raincourt applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’action de la France en Europe et dans le monde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » constitue le cœur du budget du ministère des affaires étrangères et du développement international.

Le ministère n’a, par définition, que peu de prise sur les 80 % de dépenses contraintes de ce programme que sont la masse salariale, à savoir plus de la moitié des emplois du Quai d’Orsay, et les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix.

Cette situation s’est encore tendue en 2015 en raison de la dépréciation de l’euro par rapport aux principales devises internationales dans lesquelles sont libellées ces contributions.

Le surcoût pour le ministère est estimé – écoutez bien, mes chers collègues ! – à 145 millions d’euros pour la seule année 2015, et 140 millions d’euros sont prévus en 2016. Une fois l’effet de change corrigé, l’évolution des crédits du programme 105, qui peut paraître spectaculaire en ces temps de budgets contraints, avec une progression de 10 %, se tasse en réalité, pour s’établir finalement à 1,73 %.

Ce phénomène, dont on ne peut prédire à court terme la fin, doit inciter – c’est en tout cas notre recommandation – à la mise en place d’outils de couverture de risque de change adéquats, et ce dans les meilleurs délais. Il n’est en effet pas satisfaisant que la convention pour la couverture du risque de change existante fige les gains budgétaires en cas d’appréciation de l’euro et empêche la couverture du risque en cas de baisse de l’euro sur une longue tendance.

Par ailleurs, dans tous les domaines de l’action du ministère, il est essentiel de développer l’évaluation des politiques menées. Sur un point particulier, il apparaît que le modèle de gestion immobilière mis en œuvre par le ministère repose sur un modèle économique non vertueux. En effet, cette gestion fait dépendre l’entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d’immeubles. Ce modèle est en voie d’essoufflement : il s’agit de ce que l’on appelle une « politique one shot », le bien vendu disparaissant du patrimoine, et les ventes faciles auront bientôt toutes été réalisées. Le besoin de financement pour l’entretien des bâtiments, vraisemblablement compris entre 15 millions d’euros et 30 millions d’euros, doit être étudié afin d’être programmé.

L’allocation de 12 millions d’euros, en 2016, pour l’entretien du parc situé à l’étranger reste, à nos yeux, insuffisante. Il est donc nécessaire de « rebudgétiser » ces crédits à la hauteur des besoins.

M. Jean-Pierre Grand. Tout à fait !

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. A minima, la gestion immobilière doit viser la rationalisation des implantations, leur mutualisation avec nos partenaires européens et l’identification forte de notre pays, en particulier là où la réduction du format des postes diplomatiques est prévue. L’évaluation et la programmation des cessions et du redéploiement du réseau diplomatique, notamment, sont parmi les voies que nous préconisons pour 2016.

Nous attendons du reste le bilan que le Gouvernement doit nous présenter, en cette fin d’année, des postes à présence diplomatique. S’il s’avérait que la seule ambition est de mener une politique d’influence, nous serions en vérité très loin du compte. Il faut pouvoir mobiliser l’ensemble du réseau de l’action publique française, collectivités territoriales comprises, et s’appuyer sur les services extérieurs européens pour garantir le rayonnement de la France.

Sous réserve de ces remarques, et de celles que ma collègue Leila Aïchi va faire dans quelques instants, la commission des affaires étrangères a adopté les crédits du programme 105 et de la mission « Action extérieure de l’État » même si – et vous l’entendrez de la part des autres rapporteurs pour avis, monsieur le secrétaire d’État – nous avons un certain nombre de critiques à formuler, en particulier sur le programme 151 et, dans une moindre mesure, sur le programme 185. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Bariza Khiari, MM. François Patriat et Robert Hue applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis.

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’action de la France en Europe et dans le monde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 préserve les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique à l’étiage.

C’est une orientation que j’approuve, car elle est de nature à permettre la poursuite de la mue en cours, qu’il s’agisse du recalibrage des postes ou du redéploiement géographique de nos représentations. Cette dernière réforme, bien que lente, se révèle indispensable pour adapter notre outil diplomatique aux évolutions stratégiques, notamment dans les pays émergents.

À mon sens, la transformation, annoncée pour la fin de l’année 2015, de l’association des nations de l'Asie du Sud-Est, l’ASEAN, en véritable communauté justifie la création d’une représentation dédiée, que notre commission appelle de ses vœux depuis plusieurs années. La même évolution me paraît souhaitable auprès de l’Union africaine.

Je voudrais maintenant revenir sur les enjeux de la diplomatie économique et, tout d’abord, exprimer deux regrets.

Premier regret, malgré nos recommandations de l’année dernière, aucun indicateur d’activité n’a été associé à ce pan des compétences du ministère des affaires étrangères et du développement international, le MAEDI.

Second regret, l’opérateur Business France, qui regroupe UbiFrance et l’Agence française pour les investissements internationaux, et dont la création nous réjouit, reste rattaché au ministère de l’économie. L’essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend donc de Bercy et non du Quai d’Orsay.

S’il convient par ailleurs de saluer le développement d’une diplomatie économique novatrice, telle la mise en place des rencontres express, ou speed dating, lors de la semaine des ambassadeurs, pour permettre à tout dirigeant d’entreprise de rencontrer l’ambassadeur à Paris, cette politique reste à mon avis à consolider au moyen notamment d’une réflexion sur la formation des diplomates, du redimensionnement du réseau des services économiques, d’une amélioration de l’organisation des visites officielles à l’étranger, et – ce dernier point me paraît déterminant – d’un renforcement de l’implication des régions françaises.

La culture de l’évaluation de la performance des politiques menées doit se renforcer au ministère des affaires étrangères et du développement international grâce à la mise en place d’objectifs et d’indicateurs de performance permettant d’évaluer la diplomatie économique. L’évolution de la maquette du projet de loi de finances pour 2017 est, vous l’avez compris, attendue avec la plus grande attention.

Enfin, je conclurai sur la COP 21. Il me semble regrettable que les coûts d’organisation se soient révélés supérieurs aux estimations initiales. Bien sûr, l’organisation du sommet des chefs d’État n’était pas prévisible, et la volonté d’associer la société civile par la création d’un espace dédié est louable.

En revanche, l’accroissement des surfaces aménagées dans le cadre de l’accord de siège me semble plus difficile à justifier. Les dépenses de mécénat ne viennent pas en déduction du budget initialement prévu, mais financent finalement les surcoûts. Je comprends donc que la commission des finances souhaite pointer cette moindre performance en présentant un amendement de suppression de 10 millions d’euros de crédits, et ce d’autant plus que les 139 millions d’euros de crédits de paiement ouverts au titre de 2016 ne constituent pas des coûts complets.

Aucune dépense de personnel n’est imputée au programme 341 dédié à la COP 21. De même, l’essentiel des dépenses de sécurisation de la COP 21 est imputé sur la mission « Sécurités ». Il est encore trop tôt pour avoir une évaluation de l’évolution de ce poste dans le contexte actuel, mais il conviendra d’informer précisément le Parlement à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Bariza Khiari, MM. Michel Delabarre et Christian Cambon applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » connaissent une baisse de 3,9 %, plus prononcée que celle de la mission « Action extérieure de l’État » dans son ensemble. J’évoquerai ici, en particulier, l’action culturelle extérieure, puis mon collègue Gaëtan Gorce évoquera les autres composantes de ce programme.

L’action culturelle extérieure dispose de moyens limités, 86 millions d’euros, et en diminution. La subvention de l’Institut français a été réduite de 22 % entre 2011 et 2016. Cette diminution est en partie la conséquence de l’abandon d’un projet, auquel nous étions attachés et qui n’a malheureusement pas abouti : je veux parler du rattachement du réseau des instituts français à l’opérateur Institut français.

Cette expérimentation, conduite entre 2012 et 2013 sur une douzaine de postes, a été suspendue prématurément, après dix-huit mois, alors qu’elle était prévue sur trois ans. Son coût ainsi que des difficultés pratiques ont été mis en avant. La réforme a probablement été mal comprise, provoquant la crainte d’une trop grande indépendance de l’action culturelle par rapport à l’action diplomatique ainsi qu’une interrogation sur la place des alliances françaises dans le dispositif.

Notre conviction est que l’Institut français doit aujourd’hui devenir plus qu’une interface ou un pivot : il doit conforter son rôle de stratège. De fait, l’Institut français s’est installé dans le paysage. Il s’est doté en 2015 d’un accord d’entreprise, bénéficie d’une marque mondialement connue, et se trouve en relation permanente avec le réseau culturel, dans sa double composante publique et associative.

Aux crédits d’intervention dans le domaine culturel il faut ajouter les crédits de promotion de la langue française, qui s’élèvent à 21,5 millions d’euros, en légère diminution. Vecteur d’influence et de rayonnement absolument essentiel, la langue française, qui compte 274 millions de locuteurs, est aujourd’hui soumise à une forte concurrence. On ne peut donc que se réjouir du fait que, dans ce programme dont presque toutes les composantes diminuent, les crédits destinés au réseau des alliances françaises et à la Fondation Alliance française soient, quant à eux, préservés.

Il n’en demeure pas moins que le réseau culturel est aujourd’hui confronté à trois enjeux majeurs.

Le premier est une réelle difficulté à mobiliser des ressources propres. Afin de compléter les crédits publics, qui jouent avant tout un rôle de levier, les instituts culturels, de même que l’Institut français, doivent s’efforcer de trouver des partenariats et des cofinancements, ce qui suscite de réelles difficultés à long terme pour fidéliser ou pour diversifier ces partenaires. Une réflexion est en cours en vue de susciter des ressources plus pérennes, qui pourraient provenir de l’enseignement en ligne du français. On ne saurait toutefois pas aller plus loin dans la substitution de financements privés à des financements publics sans remettre en cause les ambitions mêmes de notre politique culturelle d’influence.

Le deuxième enjeu concerne la définition de priorités en termes de géographie et de public-cible afin d’éviter la dilution des moyens.

Enfin – c’est le troisième enjeu –, une fragilité juridique vient s’ajouter à la fragilité financière de l’action culturelle. Depuis 1976, les établissements culturels bénéficient d’une autonomie financière sans avoir de personnalité juridique, ce qui n’est pas conforme aux principes de la loi organique relative aux lois de finances, ou LOLF.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Une modification de cette dernière, que nous appelons de nos vœux, doit intervenir rapidement afin de conforter l’action de ces établissements, déjà affaiblis par un contexte budgétaire défavorable.

Le projet de loi de finances pour 2016 poursuit une tendance de long terme à la réduction des moyens de notre diplomatie culturelle et d’influence. Cette tendance m’inquiète.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Nous aussi !

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. La France croit-elle encore à la diplomatie culturelle qu’elle a inventée à la fin du XIXe siècle ? Si oui, il faut arrêter d’en diminuer les moyens au-delà du raisonnable. J’avais le devoir de le rappeler avec force devant vous. À titre personnel, je suis très réservé quant à l’évolution des crédits de ce programme. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est toujours regrettable de ne pas se donner les moyens de ses ambitions, et c’est d’autant plus regrettable lorsqu’il s’agit de la diplomatie culturelle et d’influence de la France. Bien que nous soyons un 2 décembre, nous pensons que le rayonnement de la France passe non plus forcément par la gloire de ses armes, mais plutôt par le souci de la mobilisation de moyens en vue de favoriser la promotion du français et sa présence culturelle !

Or nous assistons malheureusement dans ce budget, après des efforts considérables accomplis depuis des années, à une baisse des moyens. Ainsi, s’agissant des crédits attribués à l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger, la diminution s’établit à 3,4 %, ce qui oblige les lycées français, en particulier, à des efforts budgétaires considérables. En effet, un prélèvement de 21 millions d'euros, destiné à assurer l’équilibre de leurs budgets, est opéré sur leurs fonds propres, les poussant à tenter de trouver des financements complémentaires d’autant plus difficiles à mobiliser dans ces périodes que d’autres structures à l’étranger, à commencer par les instituts français, sollicitent les partenariats.

Cette baisse des moyens est d’autant plus regrettable qu’elle intervient à un moment où l’enseignement français connaît de plus en plus de succès. Le nombre d’élèves concernés a tendance à augmenter et nous avons évidemment besoin d’être attentifs à cette évolution.

Nous formons le vœu que ce qui se produit sur ce budget cette année ne se renouvelle pas les années suivantes, sauf à mettre véritablement en danger les ambitions qui sont les nôtres en la matière.

À cela s’ajoute une diminution des crédits mobilisés au titre de l’accueil des étudiants étrangers en France, qui vont baisser de 5,5 %, les crédits mobilisés pour les bourses diminuant quant à eux de 5,7 %.

Nous sommes, je le rappelle, le troisième pays au monde à accueillir des étudiants étrangers – plus de 300 000. Cela représente un apport économique de l’ordre de 1,7 milliard d'euros et, surtout, une possibilité d’influence et de rayonnement extrêmement forte. Il est donc regrettable que ces moyens diminuent de manière aussi importante. (M. Michel Bouvard applaudit.) Nous formons, là aussi, le vœu que ce soit pour la dernière année et souhaitons que les efforts faits pour structurer les politiques – depuis 2012, on voit se développer des politiques beaucoup plus favorables en matière de visas et de logements – soient accompagnés de moyens budgétaires adéquats.

Enfin, sur ce programme 185, les crédits destinés à la promotion du tourisme sont les seuls à progresser. Il est du coup paradoxal que notre assemblée soit tentée de vouloir les amputer de quelques moyens – 5 millions d'euros – qui seraient attribués à des missions certes tout à fait importantes, puisqu’elles concernent les bourses. Il serait néanmoins dommage de priver de ressources complémentaires notre action en matière de promotion touristique. Je le rappelle, les dotations que nous apportons aujourd'hui à Atout France sont bien inférieures à ce que font beaucoup d’autres pays en Europe, avec des succès moindres il est vrai. Nous sommes la première destination touristique en Europe. Cette activité, qui représente 7,5 % de notre PIB et 2 millions d’emplois non délocalisables, mérite que soit préservé l’effort qui lui est consenti.

Tel est le sentiment que je voulais exprimer, m’associant aux réserves de mon collègue Jacques Legendre, auquel je souhaite un bon anniversaire ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Legendre applaudit également.)

M. le président. Nous lui souhaitons nous aussi un bon anniversaire !

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les Français à l’étranger et les affaires consulaires. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour 2016, les crédits du programme 151, qui finance le réseau consulaire, diminuent de 1,2 % par rapport à 2015. Cette baisse s’explique principalement par la diminution de 10 millions d’euros de la dotation destinée aux bourses scolaires, alors que les crédits consacrés aux services consulaires et au traitement des demandes de visas sont en hausse.

L’augmentation modérée – plus 4,2 millions d’euros – de l’enveloppe destinée aux services consulaires vise à engager la préparation des élections prévues en 2017, à poursuivre la dématérialisation des procédures et à compenser les pertes liées au taux de change euro-dollar.

L’activité de nos consulats reste, soulignons-le, très soutenue. En 2014, ils ont délivré quelque 272 000 passeports aux Français établis à l’étranger, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2013 et un quasi-doublement depuis cinq ans. Le nombre d’actes d’état civil délivrés en 2014 – plus de 123 000 – est également en augmentation.

Je n’évoquerai pas l’activité « visas », que ma collègue corapporteur abordera tout à l’heure.

Je souhaite, en revanche, mettre l’accent sur la diminution de l’enveloppe destinée aux bourses scolaires, qui passe en 2016 de 125,5 millions d’euros à 115,5 millions d’euros. Cette évolution rompt avec l’augmentation de cette dotation depuis 2012, qui était, rappelons-le, la contrepartie de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens.

Cette réforme a bien atteint les objectifs qui lui étaient assignés du point de vue de la maîtrise budgétaire. Néanmoins, la diminution de la dotation consacrée à l’aide à la scolarité en 2016 pose question. Pour le Gouvernement, il s’agirait d’un ajustement de l’enveloppe aux besoins constatés lors des dernières campagnes, les dotations allouées aux postes n’ayant pas été intégralement consommées.

Pourtant, les raisons de cette sous-consommation n’apparaissent pas clairement : est-elle liée à l’application des critères d’attribution ? Si tel est le cas, ne faudrait-il pas les assouplir ? Est-ce la demande qui a baissé ? Certains de nos collègues sénateurs Français de l’étranger font état, à cet égard, de restrictions à toutes les étapes, qui finissent par dissuader les familles : estimation a minima des besoins par les postes consulaires, manque d’informations sur la date limite de dépôt des dossiers, candidats découragés au guichet sur leurs chances d’obtenir une bourse. Tout cela mérite naturellement réflexion, et nous souhaiterions avoir des réponses à nos questions.

Il eût été opportun, me semble-t-il, d’examiner de plus près la question de la sous-consommation au lieu de s’empresser de diminuer la dotation. Il s’agit évidemment d’un mauvais signal pour les familles françaises à l’étranger, qui subissent des frais de scolarité en constante augmentation. Or, l’objet des bourses scolaires est, ne le perdons pas de vue, de garantir l’accès au réseau d’enseignement français à l’étranger de toutes les familles, y compris de celles qui ont des revenus moyens.

Plusieurs amendements ont été déposés pour réévaluer la dotation destinée aux bourses. L’intention est louable, mais cette solution ne nous satisfait pas vraiment dès lors qu’en ponctionnant le programme 185 elle pénalise d’autres politiques auxquelles notre commission est attachée.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Malgré ce point sensible des bourses sur lequel nous attendons des explications, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 151. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les Français à l’étranger et les affaires consulaires. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant que corapporteur du programme 151, je souhaiterais insister cette année sur deux motifs de satisfaction.

Le premier concerne les démarches innovantes conduites par la Direction des Français de l’étranger pour moderniser, simplifier les procédures et pour faciliter les relations avec les usagers.

En la matière, des avancées significatives sont en effet enregistrées. Depuis juin 2015, les Français inscrits au registre des Français établis hors de France et résidant dans certains pays – États membres de l’Union européenne ou pays particulièrement étendus comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie – peuvent ainsi recevoir leur passeport par courrier sécurisé, au lieu de se déplacer au consulat

En 2016, ils pourront gérer en ligne leur inscription au registre des Français de l’étranger et actualiser leur situation au regard de celui-ci sur le site mon.service-public.fr, une mesure très attendue par nos compatriotes. D’autres services devraient prochainement être proposés, comme l’inscription en ligne sur la liste électorale du lieu de résidence, ou encore l’envoi des procurations par voie dématérialisée à la mairie compétente en cas de vote par procuration.

Il faut également signaler l’instauration prochaine d’un nouveau système de vote par internet pour les Français de l’étranger et la création, prévue en 2017, d’un portail pour les visas permettant de déposer des demandes en ligne.

Le second motif de satisfaction tient à la progression spectaculaire des demandes de visas, en relation avec le développement du tourisme. En 2014, le nombre de visas délivrés a augmenté de plus de 12 % par rapport à 2013, année qui avait déjà enregistré une forte hausse. Il en est de même des recettes tirées de cette activité, qui sont passées de 137 millions d’euros en 2013 à 161 millions d’euros en 2014.

Nous nous félicitons à cet égard de l’instauration d’un mécanisme de retour d’une partie des recettes des visas au profit du ministère des affaires étrangères, dispositif en faveur duquel nous plaidions l’année dernière, monsieur le secrétaire d'État. La somme qui reviendra en 2016 au programme 151 reste toutefois modeste au regard des recettes engrangées, et nous espérons qu’il sera possible de l’augmenter par la suite. Cela suppose évidemment que les flux touristiques vers la France se maintiennent malgré le contexte difficile dans lequel nous nous trouvons actuellement et sur lequel il est inutile de revenir.

Afin d’accompagner ce dynamisme de la demande, l’activité « visas » fait l’objet d’une attention particulière. Des effectifs supplémentaires lui seront consacrés en 2016, l’accent étant mis notamment sur le renforcement des équipes mobiles intervenant selon les pics d’activité.

Par ailleurs, le programme « visas en 48 heures », expérimenté en Chine depuis janvier 2014 et étendu en 2015 à plusieurs pays dont l’Inde, l’Afrique du Sud et certains États du Golfe, devrait être prochainement étendu. Nous ne pouvons naturellement qu’encourager la poursuite de ces efforts.

Enfin, je ne peux terminer sans revenir, à la suite de mon collègue, sur la diminution des crédits consacrés aux bourses scolaires, qui a suscité, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, un large débat en commission.

Vos services estiment que l’enveloppe prévue pour 2016 suffira largement à couvrir les besoins, compte tenu du niveau de consommation constaté lors des dernières campagnes.

Néanmoins, il ne faudrait pas qu’à nouveau un reliquat important de crédits en fin d’année, lié à une gestion peut-être trop restrictive sur le terrain, justifie une baisse de la dotation l’année suivante. (M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, et M. Robert del Picchia acquiescent.) Aussi, monsieur le secrétaire d'État, aimerais-je vous alerter à mon tour sur ce point et vous demander ce que vous comptez faire pour nous éviter de nous retrouver l’année prochaine dans une telle situation.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, et M. Robert del Picchia. Très bien !

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. À cette réserve près, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 151. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la langue française est la sixième langue parlée dans le monde et la deuxième langue étrangère la plus enseignée après l’anglais. La France dispose par ailleurs du troisième réseau diplomatique et consulaire dans le monde, derrière les États-Unis et la Chine ; ce réseau est même le premier au regard de l’éventail des services offerts. Notre pays dispose également d’un réseau d’enseignement français à l’étranger unique au monde par son ampleur. Il est difficile d’imaginer plus beaux atouts pour mener une politique culturelle extérieure ambitieuse, et ce alors même que notre population représente moins de 1 % de la population mondiale !

Les moyens que nous sommes capables de consacrer à cette politique s’érodent pourtant d’année en année ; dans ces conditions, nos opérateurs sur le terrain ont de plus en plus de peine à porter une véritable diplomatie globale et ambitieuse d’influence et de rayonnement.

Depuis déjà plus de dix ans, la politique culturelle extérieure de la France fait l’objet de coupes budgétaires continuelles, le ministère des affaires étrangères et son réseau culturel ayant été soumis très tôt aux efforts de réduction budgétaire.

L’année 2016 ne fera pas exception à cette triste règle ! Les crédits du programme 185, relatif à notre diplomatie culturelle et d’influence, diminueront en 2016 de près de 4 % par rapport à 2015. Cette baisse va au-delà de la norme de réduction des dépenses publiques de 2 % prévue au budget triennal 2015-2017 ; s’y est en effet ajouté un effort supplémentaire sur les opérateurs du ministère, effort demandé par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage.

Nos ambitions sont immenses : la question des moyens publics disponibles pour les réaliser reste délicate à résoudre dans un contexte budgétaire durablement contraint. Une chose est sûre : rien de grand ne se fera désormais sans le concours du privé. Le périmètre et les moyens d’action de tels partenariats restent encore à déterminer.

Dans nos politiques d’offre éducative, sous l’effet de cette contraction budgétaire, hélas ! durable, nous devrons rechercher tôt ou tard l’établissement de partenariats innovants faisant appel à des participations extérieures au service public. Il n’y a guère d’autres solutions dans les circonstances actuelles.

Le temps qui m’est imparti aujourd’hui ne me permet pas d’évoquer tous les sujets abordés dans mon rapport écrit. J’aimerais cependant dire un mot de l’enseignement français à l’étranger, qui constitue l’une des préoccupations prioritaires des communautés françaises expatriées.

Les acteurs de notre réseau sont nombreux. On peut ainsi citer l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, la Mission laïque française, le LabelFrancÉducation, le dispositif FLAM – Français LAngue Maternelle –, ou encore le Centre national d’enseignement à distance, le CNED. Ces acteurs sont complémentaires et permettent de répondre à un éventail large de besoins et de publics. Ils contribuent tous, à leur manière, à notre diplomatie d’influence dans le monde.

Je me réjouis en particulier de ce que la forte attractivité des établissements de l’AEFE se confirme d’année en année. Elle se traduit par une poursuite de l’augmentation de ses effectifs scolarisés et un taux de réussite au baccalauréat de 96 %, supérieur à celui qui est enregistré sur le territoire national.

En dépit de ces succès, la subvention pour charges de service public qui lui est allouée diminuera en 2016 de près de 4 % par rapport à 2015.

Monsieur le ministre, quand mettrez-vous fin à cette lente dégringolade des crédits, qui risque de se révéler in fine mortifère pour l’enseignement français à l’étranger ?

S’agissant des bourses accordées aux familles des élèves français à l’étranger, la commission des finances du Sénat a décidé de présenter un amendement tendant à augmenter de 5 millions d’euros les aides à la scolarité des élèves français du réseau d’enseignement français à l’étranger. Je suis pour ma part tout à fait favorable à cette augmentation.

Sous réserve de l’adoption de cet amendement, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donc émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », au sein de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis lundi dernier, le rayonnement de la France s’exerce à travers la tenue, à Paris, de la conférence des Nations unies sur le climat. Celle-ci mobilise au sein de la mission « Action extérieure de l’État » un programme provisoire, qui devrait s’éteindre l’année prochaine.

Comme l’ont souligné les rapporteurs spéciaux, les dépenses liées à l’organisation de cet événement ont dépassé les prévisions initiales malgré la mobilisation de mécènes, qui avait été encouragée par un amendement de la commission des finances adopté dans le projet de loi de finances pour 2015.

Néanmoins, l’enjeu que représente cette conférence justifie à mon sens quelques ajustements budgétaires, et ce d’autant plus si elle aboutit à un accord universel et ambitieux, comme nous le souhaitons tous.

Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que la France a mené, depuis plusieurs mois, une diplomatie climatique active pour obtenir le maximum de contributions nationales : à ce jour, 183 États, représentant 95 % des émissions de gaz à effet de serre, en ont remis. J’ai personnellement pu observer la mise en œuvre d’une telle diplomatie climatique lors d’un voyage d’État avec le Président de la République en Chine et en Corée du Sud. Nous avons pu voir comment ont été construits les premiers résultats. Nous espérons d’ailleurs que la COP 21 confirmera le sens de cette démarche.

Si l’addition de ces efforts ne permettait pas d’approcher l’objectif d’une limitation de la hausse des températures à 2 degrés, nous savons néanmoins que les efforts auxquels nous contribuons par le biais de ce budget sont importants. Il nous reste à espérer ce succès.

Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé lors de l’ouverture de la conférence, « oui, ce qui est en cause avec cette Conférence sur le climat, c’est la paix. » La paix est le souci constant de notre pays ; rendre les libertés à ceux qui en sont privés est une ambition permanente qu’il porte depuis longtemps.

Il est essentiel de préserver, au sein de la mission que nous examinons, les crédits qui contribuent, en marge des moyens consacrés aux opérations extérieures, à stabiliser les pays fragiles. Je pense en particulier à la coopération de sécurité et de défense, dite « coopération structurelle ».

Les rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères chargés du programme 105 ont exprimé le regret que, au sein de celui-ci, la mission de sécurité constitue en quelque sorte une variable d’ajustement budgétaire. Cette inquiétude, à mon sens, n’est pas sans fondement au regard des bénéfices que peuvent apporter sur le terrain toutes les actions menées au titre de la coopération de sécurité et de défense. Il s’agit d’encourager les pays concernés, en leur apportant aide à la formation ou conseil, à structurer leurs politiques locales de sécurité, que ce soit dans le domaine de la lutte contre la criminalité et le terrorisme ou même dans le domaine de la protection civile.

Lors des différents débats qui, au Sénat, ont pour objet la politique étrangère de la France, certains d’entre nous ne manquent pas de souligner que faire la guerre ne suffit pas à faire la paix. C’est une évidence : d’une façon générale, des institutions locales confortées représentent l’une des conditions de la stabilité d’un pays.

La sécurité est alors un préalable : il n’est pas besoin de démontrer combien la lutte contre le terrorisme et les trafics criminels au Sahel ou encore la sécurisation des routes maritimes du golfe de Guinée sont prioritaires.

Enfin, mes chers collègues, je souhaite évoquer un autre grand volet de notre action extérieure, à savoir notre influence culturelle, qui passe en grande partie par le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence ».

Le principe général de la participation des opérateurs de l’État à la maîtrise des finances publiques, à l’œuvre dans plusieurs missions, affecte également ce programme. Ainsi, les moyens de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger sont de plus en plus contraints. Même s’il faut bien faire des choix, on peut regretter celui-ci. Il me paraît en effet utile de rappeler à mon tour que, parmi les 350 000 élèves des 500 établissements français à l’étranger, 200 000 sont étrangers. Notre langue, mais aussi, au-delà, notre culture sont toujours aussi attractives.

Cet engouement doit être encouragé : il s’agit non seulement d’accroître le nombre de locuteurs du français, mais aussi de conserver un levier fort de transmission de nos valeurs, dont le caractère universel est un fait. Les messages de solidarité exprimés dans le monde entier après les attentats qui ont mutilé nos compatriotes et notre pays témoignent en effet de la résonance particulière de ces valeurs. Dès lors, enseigner le français, c’est aussi enseigner la liberté, l’égalité et la fraternité.

Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, conscients des efforts effectués sur la mission « Action extérieure de l’État » dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, les sénateurs et les sénatrices du RDSE approuveront les crédits de cette mission. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France est une puissance d’influence. Chacun des orateurs qui m’ont précédée à cette tribune a rappelé certains éléments qui y contribuent. Pour ma part, je mentionnerai que notre pays est une puissance nucléaire, qu’il est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’il dispose du troisième réseau diplomatique au monde.

Notons que, d’ici à 2017, le redéploiement du réseau diplomatique fera de nos représentations en Chine, aux États-Unis et au Maroc les premières ambassades françaises par leur taille. Au centre du réseau diplomatique figureront – c’est un fait important – les pays émergents du G20.

Je voudrais aussi dire deux mots sur l’émergence d’une diplomatie économique, concomitante de l’élargissement des compétences du ministère des affaires étrangères au commerce extérieur et au tourisme.

À propos du tourisme, dans cette période où les attentats ne manqueront pas d’avoir une incidence importante – espérons simplement qu’elle ne sera pas durable –, on évalue entre 85 millions et 88 millions le nombre de touristes qui auront visité la France en 2015. On en prévoit 90 millions en 2017 et 100 millions à l’horizon 2020, ce qui devrait permettre d’engranger des recettes importantes : plus de 2 milliards d’euros d’ici à 2016.

La politique de délivrance des visas dans un délai de quarante-huit heures devrait accroître l’attractivité de la France : en 2014, l’augmentation du nombre de visas délivrés à des ressortissants chinois a ainsi atteint 57 %.

Je voudrais surtout insister sur la diplomatie sanitaire mondiale de notre pays, tout simplement parce que la France joue dans ce domaine un rôle moteur. Elle est le deuxième contributeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, créé en 2002. La France a été, en 2006, à l’origine de la création d’UNITAID, organisation internationale d’achat de médicaments. La France est par ailleurs leader du groupe « Diplomatie et Santé » à l’ONU. En somme, son action en ce domaine est globale, élargie et ambitieuse.

Pour autant, à l’évidence, de nombreux défis subsistent. Le monde est ouvert : il est plus compétitif, plus connecté et plus risqué.

Plus connecté : le numérique s’impose dans tous les domaines. Ainsi, en matière de tourisme, qui devient une activité essentielle, 90 % des voyageurs consultent internet et 84 % y choisissent leur hôtel. Signalons à ce propos le nouveau portail destiné aux touristes du ministère des affaires étrangères : « France.fr ».

Plus risqué : c’est le fait, évidemment, des guerres et des crises économiques permanentes, mais aussi des épidémies. Nous rentrons probablement, à cet égard, dans une ère nouvelle.

Je voudrais en particulier insister sur une maladie qui frappe le monde entier, notamment l’Europe : la tuberculose.

Je rentre du Cap, en Afrique du Sud, où se tenait un sommet international des parlementaires contre la tuberculose et le sida. La tuberculose est la première cause de mortalité au monde. En deux siècles, elle a plus tué que le VIH, la malaria, le choléra, la fièvre jaune et Ebola cumulés.

La tuberculose est causée par une bactérie. Un traitement préventif existe pour les enfants – le BCG, que chacun connaît –, mais il n’y a pas de vaccin pour les adultes. Un porteur de la tuberculose infecte en moyenne quinze autres personnes. Par ailleurs, une nouvelle forme de la bactérie, dite « multi-résistante », résiste à tous les traitements.

La tuberculose est la maladie de la pauvreté. Elle se transmet par l’air, c’est-à-dire très facilement.

En 2014, 9,5 millions de nouveaux cas ont été détectés dans le monde, 13 % des malades recensés étaient aussi atteints du VIH. Je rappelle à cette occasion que le VIH tue encore 37 millions de personnes dans le monde. À ce jour, 3 millions d’individus restent non diagnostiqués. Sur 1,5 million de morts dus à la tuberculose, un quart est séropositif ; il s’agit essentiellement d’adolescents.

Le traitement contre la tuberculose est lourd – deux ans –, très douloureux, quotidien. Il n’est dispensé qu’à l’hôpital. Qui plus est, il est cher. Pour ce qui concerne ceux qui sont à la fois touchés par le VIH et la tuberculose, cela revient à 8 000 dollars. La gratuité s’impose donc, ce qui soulève de fait le problème des droits de propriété intellectuelle. Il faut engager la négociation des brevets d’invention détenus par des laboratoires producteurs du médicament initial au bénéfice des laboratoires producteurs de génériques pour faire baisser les prix. UNITAID négocie au coup par coup, alors qu’il faudrait sans doute une négociation globale.

Au premier rang des zones les plus touchées se trouve bien évidemment l’Asie – plus de 40 % –, en particulier l’Inde. Toutefois, je tiens à insister sur la situation en Afrique et en Europe.

Alors que 28 % des cas de tuberculose sont recensés en Afrique, curieusement, 80 % d’entre eux sont localisés en Afrique du Sud-Est et – plus curieux encore – majoritairement en Afrique du Sud. Ce pays prospère est le plus affecté, mais le combat qu’il mène est spectaculaire.

L’Europe compte seulement 3 % des cas de tuberculose, mais ceux-ci sont concentrés dans les pays de l’Est – Roumanie, Bulgarie –, plus particulièrement dans les pays de l’ex-URSS – Ukraine, Géorgie –, sans oublier la Turquie.

En Europe, 340 000 nouveaux cas sont constatés chaque année, parmi lesquels 40 % n’étaient pas détectés. La moitié de ces malades sont atteints d’une forme de tuberculose résistante à tous les traitements. Par ailleurs, on dénombre 37 000 morts par an.

En France où l’on pense maîtriser ce fléau, encore 900 décès par an sont relevés. La Seine-Saint-Denis est le département le plus touché.

Un plan d’action mondial, qui couvre la période 2015-2030 et qui vise à éradiquer la tuberculose en quinze ans, a été lancé par l’ONU. Il faut traiter 30 millions de personnes, ce qui représente un coût de 56 milliards de dollars. C’est un plan ambitieux. Pour l’Afrique du Sud, il l’est plus encore, car il prévoit d’éradiquer la maladie en cinq ans. Le plan de bataille est spectaculaire, la volonté politique aussi. Les personnes les plus touchées étant les adolescents, ceux-ci constituent donc la cible de ce combat ; ils en sont les acteurs essentiels. Je me suis rendue avec d’autres personnes concernées dans le township de Guguletu, qui compte 1 million d’habitants. Les jeunes que nous avons rencontrés parlent d’une maladie honteuse, cachée. Nous les avons entendus dire et chanter leur douleur et leur grande peur d’être jugés.

L’Europe ne voit pas la tuberculose arriver. Elle n’a pas conscience que cette maladie est encore mortelle. Puisque le bacille est transporté par l’air, nous devons faire attention aux mouvements de population : les migrants et les réfugiés – il ne faut néanmoins pas stigmatiser ces populations –, mais aussi les touristes. Nous ne pensons pas assez à cette source de contamination.

Cela étant, il ne faut pas réduire les financements. La France est moteur dans ce combat, elle incarne une valeur morale forte.

En 2015, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme recevait de la France 360 millions d’euros : 187 millions d’euros sont inscrits au programme 209 et 173 millions d’euros relèvent de financements innovants.

En 2016, ce fonds recevra de la France la même somme, mais 127 millions d’euros seront inscrits au programme 209, soit une baisse de 60 millions d’euros, et 230 millions d’euros proviendront de financements innovants, soit une hausse d’environ 60 millions d’euros.

Les crédits budgétaires baissent, même s’ils sont compensés par des financements divers. Cette situation est inquiétante. En effet, monsieur le secrétaire d'État, le principe fondateur était d’additionner les financements innovants aux financements budgétaires. Au regard de ce raisonnement, oui, les crédits diminuent !

En conclusion, depuis sa création en 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a permis de sauver 17 millions de vies. C’est un résultat spectaculaire dont nous pouvons être fiers. Reste cette réalité : la tuberculose revient. Nos destins sont liés. C’est pourquoi nous devons rester vigilants et solidaires.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », bien qu’ils soient modestes au regard de ceux des autres missions, ne doivent pas nous faire sous-estimer l’importance d’un département ministériel dont le rôle est non seulement de promouvoir les valeurs, la culture, la langue de notre pays, mais aussi de défendre les intérêts politiques et économiques de la France à travers le monde.

Dans le contexte confus et instable que nous connaissons, ce sont des objectifs ambitieux et difficiles à atteindre. Il faudrait leur consacrer les moyens nécessaires, à tout le moins suffisants.

Malheureusement, après une décennie de baisse des crédits, nous restons dans le cadre de politiques d’austérité et d’un plan triennal qui ne peuvent qu’affaiblir notre action extérieure.

Avec 3,1 milliards d’euros, la très légère hausse des crédits – 3 % par rapport à l’an dernier – n’est, hélas !, qu’un trompe-l’œil lié à l’absence de couverture du risque de change, à l’organisation de la COP21, ainsi qu’à l’augmentation imposée de nos contributions aux organisations internationales et au financement des opérations onusiennes de maintien de la paix.

En revanche, si l’on raisonne à périmètre constant, les crédits de la mission enregistrent en réalité une baisse de 0,4 %, au détriment des programmes « Diplomatie culturelle et d’influence » et « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Monsieur le secrétaire d'État, l’un des points marquants de votre projet de budget réside dans le fait que l’universalité de notre réseau diplomatique – le troisième du monde, je le rappelle – est sérieusement mise en cause par une politique de fermeture d’antennes consulaires et le projet de transformation de vingt-cinq ambassades, qui devraient adopter un format très allégé d’ici à 2017. De surcroît, le nécessaire redéploiement vers les pays émergents s’effectue souvent au détriment de pays amis de la France. Ce n’est pas la toute relative préservation des moyens de fonctionnement de notre réseau, avec une dotation de 209,5 millions d’euros, qui pourrait suffire à inverser cette tendance.

En 2016, le plafond global de la mission « Action extérieure de l’État » devrait être réduit de 97 équivalents temps plein travaillé, dont 88 sur le seul programme 105, soit une diminution de 1,1 % des effectifs de celui-ci, contre une baisse de 0,8 % du plafond d’emploi de la mission. Comme pour les crédits, cette diminution d’effectifs pèsera essentiellement sur la mission de coopération de sécurité et de défense traduite dans le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Année après année, cette mission, pourtant essentielle, est considérée comme la variable d’ajustement du budget du ministère des affaires étrangères et du développement international.

Il est important de rappeler que la question de la sécurité ne se pose plus seulement pour nos ambassades, consulats et résidences, puisque des attentats ont aussi frappé les instituts français.

Cette réduction des moyens, notamment les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise pour certains pays d’Afrique, est en contradiction avec notre politique étrangère sur ce continent et avec les efforts que nous menons pour que ces pays prennent eux-mêmes en charge leur sécurité.

La culture est également maltraitée dans ce projet de budget, avec une chute des crédits de 3,9 % et la fermeture de plusieurs antennes culturelles. Cela me semble l’expression d’une conception essentiellement marchande de la culture et je m’inquiète qu’elle soit ainsi encouragée, alors que la mondialisation effrénée exigerait au contraire que la culture soit utilisée comme un outil efficace de connaissance et de dialogue entre les nations.

J’observe enfin que la diplomatie économique prend le pas sur les volets les plus fondamentaux de l’action extérieure et qu’elle est trop guidée par le souci premier de défendre les intérêts de grandes entreprises privées. Dès lors, comment développer notre influence économique en négligeant la dimension culturelle ?

Il s’agit évidemment de mobiliser efficacement l’outil diplomatique, afin de favoriser le développement des entreprises françaises à l’international et de promouvoir l’attractivité de notre pays pour les investisseurs et pour les touristes étrangers. Or aucun indicateur d’activité n’a été défini pour évaluer cette nouvelle compétence du ministère et l’essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend de Bercy. Faute d’évaluation des actions menées, on peut s’interroger sur la pertinence des décisions prises.

Par ailleurs, alors que le Gouvernement ne cesse d’affirmer l’importance de l’enseignement français à l’étranger au cœur de notre diplomatie globale, des efforts particuliers sont demandés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, à Campus France et à l’Institut français.

Pendant l’année scolaire 2014-2015, le réseau d’enseignement français à l’étranger scolarisait 330 000 élèves, dans 135 pays. Or l’AEFE voit ses subventions diminuer pour la deuxième année consécutive, alors même que, globalement, le nombre d’élèves inscrits dans le réseau des établissements français ne cesse de croître.

Pour compenser la hausse des coûts scolaires, les frais de scolarité augmentent d’environ 5 %. Mais, dans le même temps, le montant des bourses scolaires stagne !

Tout cela est donc très préoccupant et constitue une menace pour l’enseignement français à l’étranger.

Enfin, j’évoquerai brièvement le tourisme, secteur majeur de notre économie qui fait maintenant aussi partie du périmètre d’action du ministère.

En 2014, la France a confirmé son rang de première destination touristique mondiale en accueillant plus de 83 millions de touristes étrangers. C’est un succès méritoire. Toutefois, il faut le relever, l’Organisation mondiale du tourisme a constaté que c’était dans notre pays que la croissance des arrivées de touristes étrangers avait été la plus faible.

C’est pourquoi il est difficilement compréhensible que les subventions allouées à Atout France ainsi que les crédits consacrés au tourisme dans la mission « Économie » soient en baisse.

Les discussions budgétaires ne sont pas le moment propice et ne nous laissent pas le temps nécessaire de débattre des grandes orientations de notre politique étrangère, au sujet de laquelle, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les membres du groupe CRC expriment parfois des désaccords importants avec le Gouvernement.

Néanmoins, je profite de l’examen de ces crédits pour réaffirmer combien nous souhaiterions que ceux-ci soient mieux utilisés, mis au service d’une politique plus autonome, plus attentive aux grands mouvements du monde et plus solidaire des luttes des peuples aspirant à leur émancipation, à la démocratie et à la paix.

Ce projet de budget, dont je n’ai abordé que quelques points, comporte trop de motifs d’insatisfaction. Il n’est pas à la hauteur des ambitions que le Gouvernement affiche pour notre pays. En conséquence, les membres du groupe CRC ne voteront pas les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette année, à première vue, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » affichent une hausse. En 2016, le budget du ministère des affaires étrangères et du développement international devrait atteindre 3,198 milliards d'euros, contre 2,957 milliards d'euros en 2015. Soyons réalistes, cette augmentation est aussitôt absorbée par le paiement des dépenses liées à la COP 21 et par un effet de change négatif de l’euro par rapport au dollar.

Le rapporteur spécial Éric Doligé et le rapporteur pour avis Christian Cambon l’ont très bien démontré : il est urgent de mettre en place un mécanisme de couverture de change plus réactif. À l’heure où l’on justifie les dépenses au premier euro, à l’heure où nous bataillons pour augmenter les ressources de tel ou tel opérateur de 5 millions d’euros, comment est-il possible de subir des pertes de change de 150 millions d'euros ? La convention passée entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et l’Agence France Trésor doit être renégociée le plus rapidement possible. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer si des mesures ont été prises en ce sens ?

J’en viens au deuxième point de mon intervention, notre réseau diplomatique. Le ministère des affaires étrangères et du développement durable doit relever plusieurs défis : instaurer une gestion rationnelle, mettre en place une implantation adaptée et cohérente, assurer une sécurisation effective. Nous savons combien la tâche est ardue, notre réseau étant le troisième au monde. Il faut faire fructifier cet héritage formidable, et non le dilapider.

Nous devons y songer lorsque nous finançons les dépenses d’entretien courant par des ventes patrimoniales. Aucun d’entre nous ne procéderait ainsi à titre individuel !

M. Jean-Louis Carrère. Encore faut-il avoir un patrimoine !

M. André Trillard. La gestion immobilière ne peut être envisagée du point de vue de la seule logique comptable ! Les ventes de bâtiments prestigieux peuvent devenir contreproductives, voire totalement incompréhensibles. La rationalisation de notre réseau ne peut se faire au détriment de notre rayonnement, qui, dans certains cas, passe aussi par la préservation des joyaux architecturaux français.

Pour autant, l’adaptation et le redéploiement de notre réseau, entamés sous le précédent quinquennat, étaient inévitables. Ils ne vont pas sans difficulté, ainsi que nos collègues élus des Français de l’étranger ne manquent pas de nous le rappeler.

La colocalisation avec les services extérieurs de l’Union européenne peut être une solution pérenne, à deux conditions : qu’elle ne remette pas en cause notre indépendance diplomatique et qu’elle réponde aux besoins de la communauté française sur place.

La mutation du réseau est une équation à double inconnue : comment continuer à assurer une mission de service public vis-à-vis des Français de l’étranger tout en adaptant notre diplomatie d’influence ?

Face à la Chine, à l’Inde, aux États-Unis, ou encore au Brésil, nous devons être offensifs et développer une véritable stratégie de smart power.

J’aborde maintenant le troisième point de mon intervention, dont nous avions déjà débattu lors de la réforme de l’action extérieure de l’État de 2010 qui avait donné lieu à la création de l’Institut français, cher à Jacques Legendre.

Je pense que nous devrions mettre en place une série d’indicateurs cohérents, afin de mesurer nos capacités en matière de rayonnement et d’influence. Cette grille d’évaluation réunirait différents critères dans tous les domaines qui nous intéressent : du développement de programmes destinés à promouvoir les institutions françaises aux échanges culturels, en passant par l’optimisation des aides à la pénétration de nouveaux marchés pour nos PME. Cette stratégie d’influence globale doit intégrer toutes les ressources relatives à la diplomatie économique.

Les voyages présidentiels et les cohortes de grands chefs d’industrie ne suffisent plus dans le monde où nous vivons. Le développement de la French Tech sur notre territoire a autant d’importance que celui du tourisme. D’ailleurs, ces deux leviers se complètent.

De plus en plus d’ingénieurs étrangers viennent travailler en France, non plus à Paris, mais dans des régions où la qualité de vie, le patrimoine naturel et l’art de vivre à la française sont des atouts tout à fait comparables.

J’évoquerai maintenant Atout France. Si nous saluons la mise en place d’une politique touristique à dimension internationale, nous avons du mal à comprendre les raisons pour lesquelles tous les budgets des opérateurs baissent, à l’exception de celui d’Atout France, alors même que les missions de cette agence sont en passe d’être redéfinies.

Par ailleurs, nous regrettons vivement la maladresse, ou l’oubli, de Bercy, qui a omis d’inscrire au budget d’Atout France la réaffectation d’une partie des recettes issues des visas. Comme Jean-Pierre Grand l’a évoqué dans son rapport, les émissions de visas sont en augmentation et sont très rentables. En 2013 et en 2014 respectivement, les visas ont rapporté 137 millions d’euros et 160 millions d’euros à l’État.

Au vu de ces chiffres, monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous comprendrez notre position. Prélever 5 millions d’euros pour les affecter à l’AEFE ne portera nullement préjudice à Atout France.

Indépendamment de la nécessité de rétablir de la sincérité budgétaire, il s’agit de compenser la baisse des dotations concernant les bourses scolaires des Français expatriés, appartenant aux classes moyennes, pénalisés par la réforme. C’est pour cette raison que mon groupe soutiendra l’amendement de la commission des finances.

Sous réserve de ces remarques, qui, nous l’espérons, deviendront des axes de travail communs, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat budgétaire a lieu dans des circonstances très particulières. Je vais immédiatement mettre fin à tout suspense en indiquant d’emblée que mon groupe votera évidemment les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Même si les fourches caudines de l’article 40 m’ont empêchée de déposer mon amendement favori portant sur les ambassadeurs thématiques, je m’attarderai une minute sur ce sujet, car il me préoccupe.

Alors que je présente le même amendement depuis le projet de loi de finances pour 2008, je n’ai toujours pas eu de réponse. Or je ne suis pas une femme de renoncement. Même si Richard Yung a fait un excellent rapport sur ce sujet, j’aimerais connaître les modalités de nomination de ces ambassadeurs, ainsi que le coût qu’ils représentent.

Je sais parfaitement que nombre de ces ambassadeurs font partie du personnel du ministère et qu’ils seraient payés de toute façon, mais certains d’entre eux sont nommés au tour extérieur, qu’il s’agisse d’amis en mal d’exotisme ou de recalés du suffrage universel.

M. Jean-Louis Carrère. Comme l’était Jacques Valade ?

Mme Nathalie Goulet. Je ne sais pas, ce n’est pas moi qui procède aux nominations, mon cher collègue !

Il existe ainsi un ambassadeur à la coopération régionale dans la zone de l’océan Indien – probablement un poste intéressant –, un ambassadeur à la mobilité externe des cadres supérieurs au ministère des affaires étrangères, ou encore un ambassadeur chargé de l’audiovisuel extérieur. Il faudrait revoir ce type de dépenses.

Pour être tout à fait précise, je n’ai rien contre le principe des ambassadeurs thématiques, qui sont extrêmement utiles dans certains cas. En revanche, je pense qu’il faudrait revoir le périmètre de leur action.

On pourrait ainsi imaginer, monsieur le secrétaire d’État, un ambassadeur thématique de la culture dans la péninsule arabe, car la problématique culturelle dans la région est particulièrement homogène. Il pourrait remplacer quatre conseillers culturels. L’intérêt d’un ambassadeur est qu’il est permanent, contrairement à un conseiller culturel, qui, de surcroît, ne parle pas forcément la langue. Or on le sait, dans cette région, il faut que les représentants restent suffisamment longtemps en place avant de pouvoir y mener des actions et y exercer une influence. Il y a là une idée à creuser.

De la même façon, je pense qu’il serait extrêmement intéressant, dans le cadre de la lutte antiterroriste, de procéder à la nomination d’un ambassadeur chargé des combattants étrangers, comme l’ont fait les États-Unis en nommant Thomas Krajeski. La création d’un tel poste permettrait, en plus de favoriser la coordination avec le ministère de l’intérieur, de disposer d’une information plus centralisée et de mener une action internationale plus ciblée.

Enfin, la France pourrait nommer un ambassadeur au sein de l’Organisation de la conférence islamique, à l’instar d’un certain nombre de pays qui y disposent d’observateurs. Cette idée est de plus en plus prégnante. Ce qui se passe actuellement dans le monde arabo-musulman appelle en effet une présence plus précise et beaucoup plus technique de notre pays au sein de ce type d’organismes. Votre réponse sur ce point sera intéressante, monsieur le secrétaire d’État.

J’évoquerai à présent l’Iran. La reprise de nos relations avec ce pays – c’est une excellente nouvelle – a provoqué une sorte de tsunami économique et diplomatique. En tant que secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, pourriez-vous nous dire quand pourra avoir lieu le dégel des avoirs ? Comment travaillez-vous avec la COFACE, la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, afin que nos entreprises ayant des relations économiques avec Téhéran soient assurées ? Quel est votre point de vue sur ces questions économiques extrêmement importantes ? Cette ville étant aujourd'hui un centre névralgique, le marché étant très porteur, tout le monde s’y précipite.

Il faudrait rétablir la liaison d’Air France entre Paris et Téhéran, régler les questions d’assurance avec la COFACE et encadrer nos entreprises dans un pays dont les circuits financiers sont encore mal connus. Notre ancien collègue Philippe Marini, qui fut alors un précurseur, avait d’ailleurs conduit une mission sur ce sujet, au nom de la commission des finances, voilà deux ans. Il faudrait revenir sur ce rapport, madame la présidente de la commission des finances.

Pourriez-vous par ailleurs nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quand le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie sera enfin approuvé par l’Assemblée nationale et le Sénat ? Alors que nous avons des problèmes de coopération avec la Turquie, que la version finale de cet accord a été signée le 7 octobre 2011, son approbation traîne ! Pourriez-vous sortir cet accord du tiroir de Mme Guigou dans lequel il doit dormir ?

Enfin, pourriez-vous nous parler des conventions liées aux trafics d’armes à feu ? La période est suffisamment trouble et dangereuse pour que nous nous préoccupions de ces questions.

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette fois, c’est au nom du groupe écologiste que je prends la parole sur l’ensemble de la mission « Action extérieure de l’État », dont les crédits sont cette année en très forte augmentation, de 8,2 %. Toutefois, comme cela a été rappelé, cette hausse s’explique non seulement par l’effet de change négatif de l’euro par rapport au dollar, mais aussi par le paiement de l’essentiel des dépenses liées à l’organisation et à la tenue de la COP 21.

En réalité, si l’on exclut ces deux derniers éléments, à périmètre constant, le budget de la mission s’élève à 3,1 milliards d’euros, soit une légère diminution par rapport à 2015. Pourtant, nous faisons face, aujourd’hui plus que jamais, à des défis globaux, à la fois politiques, sécuritaires, culturels, économiques et environnementaux. Nous devons donc renforcer et sécuriser notre rayonnement et notre influence à l’international.

Mes chers collègues, le présent débat prend une dimension toute particulière dans la mesure où le monde entier est à Paris depuis lundi pour parler du climat. Si nous ne pouvons pas présager aujourd’hui le résultat des négociations, force est de constater que le grand nombre de délégations présentes atteste de l’urgence et de la gravité de l’enjeu climatique. Nous saurons dans un peu moins d’une semaine si la prise de conscience est à la hauteur de cette mobilisation. Nous l’espérons tous !

Cette année, les crédits du programme 341 viennent temporairement gonfler les crédits de la mission dans son ensemble. Toutefois, les efforts réalisés par la France pour organiser cet événement ne doivent pas rester vains. Nous devons dès à présent penser aux suites de la COP 21. En effet, dès le lendemain de la clôture de cette rencontre internationale, le travail reprendra de plus belle. La France devra être à la hauteur des enjeux en se montrant ambitieuse, novatrice et exigeante du point de vue de sa politique étrangère.

Ces rencontres internationales ponctuelles ne doivent pas nous dispenser d’une réflexion à long terme. Cet impératif d’anticipation dès à présent des évolutions de demain se ressent également fortement dans notre politique internationale en matière de culture, mais également de promotion du tourisme.

Vous avez récemment indiqué, monsieur le secrétaire d’État, que l’objectif de la France était d’accueillir 100 millions de touristes en 2020. Cette annonce, dont nous nous réjouissons, est particulièrement ambitieuse. Toutefois, je m’interroge sur l’incidence environnementale d’une telle évolution. Il s’agit non pas de remettre en cause votre objectif, mais plutôt de préconiser dès maintenant une réorientation du tourisme français vers un tourisme durable, écologique et responsable, afin d’éviter que, à terme, cet avantage économique ne se transforme en un fardeau environnemental. C’est au travers d’une approche proactive que nous serons à même de nous adapter pleinement aux enjeux multidimensionnels de demain.

Nous devons donc mener une politique étrangère dynamique, qui s’adapte à l’évolution rapide de l’environnement international. Pour ce faire, il nous faut utiliser tous les canaux dont nous disposons. Il y va du statut de la France en tant que puissance européenne et mondiale et de sa capacité à encourager le multilatéralisme.

À cet égard, contrairement à l’an dernier, nous ne pouvons que déplorer la baisse des moyens alloués à l’action européenne avec un budget réduit de 2,2 %. Pourtant, dans un contexte de maîtrise des finances publiques, il paraît essentiel de promouvoir l’échelon européen d’un point de vue à la fois politique, économique, mais aussi sécuritaire.

J’en viens au dernier point de mon intervention. Nous devons adopter une approche à long terme également dans le domaine de la coopération en matière de sécurité.

J’avais déjà exprimé mon inquiétude voilà un an quant à la baisse continue ces dernières années du budget de la coopération de sécurité et de défense. L’année 2016 ne fait malheureusement pas exception, avec une diminution de 6,3 %.

Il s’agit pourtant là d’un outil majeur de notre politique de prévention au travers de la formation, du conseil et de l’expertise technique que nous apportons. Alors que cette coopération structurelle est un outil disposant d’un effet de levier important, son budget enregistre de nouveau une diminution de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

La baisse continue des moyens financiers, capacitaires et humains alloués à cet outil affecte directement la capacité de la France à gagner la paix, approche qui vous est chère, monsieur le secrétaire d’État.

C’est pourquoi, dans le contexte particulièrement difficile que nous traversons, une telle réduction relève de l’incohérence. En effet, les objectifs de cette coopération sont clairement définis : la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée ou l’insécurité des flux maritimes ; autant d’éléments auxquels est directement exposée la France.

La prévention ne peut pas, et ne doit pas, devenir une variable d’ajustement sur le long terme, monsieur le secrétaire d’État !

Alors que tout le monde déplore les coûts exorbitants des OPEX, la France doit tout mettre en œuvre pour minimiser en amont la probabilité d’intervention militaire sur le terrain, mais surtout permettre aux pays qui en ont besoin d’accroître et de renforcer leurs moyens de lutter contre ces phénomènes. Il y va de la crédibilité et de l’efficacité de la politique étrangère française.

Nous le constatons donc, mes chers collègues, les enjeux sont multiples. C’est pourquoi nous devons sans cesse repenser notre action à l’international afin de nous adapter. Monsieur le secrétaire d’État, malgré quelques réserves, les écologistes voteront le budget que vous nous proposez ce matin. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Richard Yung, rapporteur spécial, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’aide française à la lutte contre le changement climatique sera portée de 3 milliards à 5 milliards d'euros d’ici à 2020 – le Président de la République l’a annoncé hier soir, madame Aïchi –, dont 2 milliards d'euros seront destinés aux énergies renouvelables en Afrique.

M. Robert del Picchia. Le chef de l’État a indiqué que la France veut montrer qu’elle n’est pas simplement « le soutien aux forces africaines qui doivent assurer la sécurité du continent », et l’on ne peut que l’approuver. Signalons au passage que notre pays finance pour plus de 100 millions d'euros la force de l’ONU en République démocratique du Congo.

Mes chers collègues, nous ne contestons pas ces chiffres ni ces aides, certes justifiées. Toutefois, ces chiffres doivent être gardés en mémoire, en vue de ma présentation ultérieure d’amendements visant l’aide à l’enseignement destiné aux enfants de familles françaises résidant à l’étranger.

Monsieur le secrétaire d'État, j’ai soutenu votre politique lors des votes et par des déclarations au sein de la précédente commission des affaires étrangères, présidée par Jean-Louis Carrère. Je soutiens et je soutiendrai la politique étrangère de la France étroitement liée, en cette période extrêmement difficile, à sa politique de défense. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se comporte de façon pleinement responsable dans ce soutien. Elle le fait, sous la direction de Jean-Pierre Raffarin, de façon très honnête et, j’ose dire, mes chers collègues, intelligente.

Toutefois, si j’approuve tout ou presque, j’ai des réserves sur les crédits dédiés aux Français de l’étranger, monsieur le secrétaire d'État.

Oui, il existe des difficultés un peu partout, des impasses budgétaires, on fait ce qu’on peut. Cependant, le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, est, sans jeu de mots, l’atout maître de notre rayonnement. C’est un réseau exceptionnel qui, malgré les difficultés rencontrées, fonctionne au mieux grâce à sa direction générale, ses proviseurs, ses directeurs et ses professeurs dans nos écoles à travers le monde. On sous-estime son incidence. Les écoles de l’AEFE sont en outre les seules quasi obligatoires pour les enfants français à l’étranger.

Je sais que nous sommes à un tournant ; des personnes, qui sont certainement compétentes, réfléchissent à des transformations du réseau. Alors oui, il convient d’améliorer celui-ci, mais il faut faire attention à son devenir. La concurrence internationale existe.

Faut-il créer, comme l’avancent certains, une trente-deuxième académie, celle des Français de l’étranger ou, faute de moyens suffisants, laisser glisser l’AEFE vers un système d’enseignement totalement privé, que l’État financerait de moins en moins ? Le réseau prendrait alors une tout autre forme, connaîtrait des difficultés, et le rayonnement de la France et son influence disparaîtraient peu à peu. Ne devrait-on pas plutôt consolider l’Agence et lui donner les moyens de faire face à ces transformations ?

Je soulignerai simplement deux points. Premièrement, le coût pour l’État de la scolarité d’un enfant dans un établissement d’enseignement français à l’étranger est moins élevé que celui de la scolarité d’un enfant dans un lycée en France. Deuxièmement, seul un tiers des enfants français à l’étranger est scolarisé dans nos écoles ; un tiers n’y est pas inscrit par choix personnel des parents ou en raison de l’éloignement, mais un autre tiers, et c’est plus grave, ne l’est pas pour des raisons financières, les frais de scolarité étant trop élevés.

Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, autant je soutiens votre politique étrangère, autant je m’insurge contre votre politique budgétaire envers l’Agence ! La diminution de 14 millions d'euros cette année du budget de l’AEFE me paraît être une erreur. Pis, la réduction de 10 millions d'euros pour ce qui concerne les bourses scolaires constitue une faute envers les Français à l’étranger.

Je connais les arguments : les crédits n’ayant pas été dépensés, il était logique de les supprimer. Je comprends très bien le fonctionnaire qui a agi ainsi, nous aurions procédé de la même façon. Toutefois, si le dispositif ne fonctionne pas, monsieur le secrétaire d'État, le ministère aura failli à sa mission. Alors, on pourra vraiment s’engager vers une modification du système et une prise en charge du budget des bourses scolaires par l’éducation nationale, dont c’est finalement le métier. On peut d'ailleurs se demander pourquoi tel n’est pas déjà le cas ! Le ministère de l’éducation nationale pourrait facilement s’en charger, on me l’a assuré clairement.

Dès lors, on ne baisserait pas les crédits de 10 millions d'euros. Ce budget de 115 millions d'euros serait conservé. Il devrait être sanctuarisé, au moins pour cette année et pour l’année prochaine. J’espère que nous ne serons pas obligés d’en arriver là, monsieur le secrétaire d’État, et que les amendements que je présenterai seront adoptés. Je vous demande peu, et j’espère que nous serons tous suffisamment sages pour accepter de rectifier le budget alloué aux bourses. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en ce début de XXIe siècle, tous les pays prennent conscience que les affaires étrangères sont intimement liées aux affaires intérieures. Les partis populistes qui veulent instaurer des barrières partout ne gagneront jamais contre ce mouvement inhérent à l’homme de découverte de territoires nouveaux qui nous a amenés dans l’espace lorsque nous avons enfin réalisé que le monde était un et connecté. La France l’a compris et s’est naturellement inscrite dans la mondialisation grâce à ses valeurs universelles et à une politique d’action extérieure ambitieuse, parce qu’elle aspire à rester un grand pays qui, malgré sa taille modeste, est attendu et entendu sur la scène internationale.

La France joue aujourd’hui pleinement son rôle dans la lutte contre le dérèglement climatique en organisant la COP 21 à Paris et en votant la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Elle demeure présente partout en assumant l’universalité de son réseau diplomatique, tout en l’adaptant au type de présence nécessaire : consulaire, si de nombreux Français sont présents, économique, culturel ou simplement politique. Elle soutient la francophonie grâce à ses écoles et lycées, son programme FLAM, ses instituts et alliances françaises, et promeut ainsi nos valeurs au-delà de la langue. Elle coordonne efficacement son action militaire et diplomatique, afin de concilier les besoins sécuritaires de nos emprises et de nos communautés, ainsi que les relations politiques avec les autorités locales. Elle participe aux négociations internationales pour assurer la paix et la stabilité dans le monde. Enfin, elle demeure l’un des plus gros contributeurs à l’aide au développement et accompagne la résolution des crises humanitaires.

Dans l’Union européenne, la France est force de propositions en matière de régulation économique pour rechercher des solutions à l’évasion fiscale, au dumping social, aux crises financières.

Nous l’avons tous compris, les décisions prises à l’échelon international en matière de climat, de sécurité, de culture, d’éducation, d’économie affectent directement notre vie quotidienne. Alors, nous n’avons pas le choix. Si nous désirons rester maîtres de nos destins, nous devons être présents, prendre part au processus décisionnel et tenir notre place. C’est le choix politique qui est fait depuis plusieurs décennies. Il n’est pas aisé, dans le contexte budgétaire actuel, d’assurer cette présence. Nous avons besoin de moyens, mais nous ne les avons plus. Alors, il nous reste notre capacité d’invention et de réforme pour nous adapter aux évolutions rapides du monde, tout en continuant à assurer un service public de qualité.

Le budget pour 2016 est « économe », pour reprendre le terme de Laurent Fabius, et participe du redressement des finances publiques. Il est cependant regrettable que le ministère au plus petit budget continue à être soumis au même régime que les autres. Cela l’oblige à être plus créatif et certainement plus rapide pour répondre aux défis qui se présentent à nous.

Le premier défi à relever est celui d’une France dotée d’une diplomatie globale couvrant l’ensemble des domaines de l’action extérieure, dont les effectifs et les moyens ont diminué, jusqu’alors, chaque année. Pour 2016, le budget de la mission « Action extérieure de l’État » est stable. Il reste donc les réformes. Elles sont nombreuses depuis 2012.

Après la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, dont les coupes dramatiques ont affecté l’ensemble des programmes, une différenciation des postes en fonction des priorités et des besoins locaux a été mise en place. Ainsi, les moyens ont été progressivement réorientés vers les pays émergents et la cartographie du réseau a été graduellement adaptée aux intérêts de la France.

L’élargissement du périmètre du ministère des affaires étrangères au commerce extérieur et à la promotion du tourisme participe de la volonté de rassembler l’ensemble des acteurs qui œuvrent pour la diplomatie économique. Le regroupement de ceux-ci est très vite devenu une nécessité pour qu’ils travaillent sur des objectifs communs, tout en leur donnant plus de visibilité pour être encore plus performants. L’adossement de l’Agence française de développement à la Caisse des dépôts et consignations est d’ailleurs un autre exemple de cette volonté de créer de nouvelles entités plus concurrentielles. Enfin, une meilleure exploitation des potentialités numériques a progressivement introduit la dématérialisation des démarches et rendu plus accessibles les services consulaires, comme l’a rappelé Marie-Françoise Perol-Dumont.

Néanmoins, aucun de ces changements n’aurait été réalisé sans le dévouement, la compétence et le sens du service public des agents du ministère qui acceptent la modification constante de leurs conditions de travail. Cette maison, que j’ai appris à connaître, n’a de cesse de se transformer, de s’adapter, de se moderniser. Les agents recrutés localement sont particulièrement précieux dans un dispositif auquel ils apportent la mémoire du poste. Leur travail mérite d’être salué tout autant que celui des agents souscrivant à la mobilité.

Je souhaite cependant vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur le périmètre d’intervention de nos services consulaires. Le financement des postes est sous tension, alors que le nombre de Français résidant ou séjournant temporairement à l’étranger augmente chaque année. La palette des services proposés par nos consulats est bien plus large que celle qui est offerte par les consulats des autres pays.

Il me semble que nous pouvons difficilement nous inscrire pleinement dans le multilatéralisme tout en maintenant cette singularité propre à notre pays. Je ne suggère pas de diminuer nos missions, à l’exception peut-être de l’exercice des compétences notariales hors de l’Union européenne ; je pense plutôt à la prise en charge de certaines missions par d’autres ministères ou au partage de certaines compétences avec d’autres pays. Je souhaite savoir si ces options sont envisagées, afin de soulager les équipes consulaires et de leur permettre de se concentrer sur les missions prioritaires.

Le second défi à relever est celui de notre diplomatie de rayonnement culturel. Il est utile de souligner que le renforcement de la langue française dans le monde constitue une priorité aux yeux de tous. Les pays francophones représentent 16 % du PIB mondial et connaissent un taux de croissance de 7 %. Quels moyens entendez-vous déployer, monsieur le secrétaire d'État, pour développer une véritable francophonie économique ?

La culture et l’éducation sont des instruments de rayonnement qui consolident et démultiplient notre influence dans le monde. L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger mérite notre soutien. La préservation de ses crédits aurait constitué un signal fort et aurait permis son inscription dans la priorité nationale donnée à la jeunesse. Je n’en dirai pas plus, les collègues qui m’ont précédée étant suffisamment intervenus sur ce thème.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il existe indéniablement une présence physique de nos réseaux diplomatique, consulaire, économique, éducatif et culturel, mais notre véritable force est humaine. Près de 3 millions de nos compatriotes sont établis outre-frontières ; ils restent très attachés à la France et sont les spectateurs privilégiés de la mondialisation.

Si nous étions capables de synthétiser les intérêts foisonnants et de coordonner les actions extérieures dans le sens d’une plus grande efficacité globale pour la défense des intérêts de notre pays, ce serait une victoire collective pour la France. Je crois que les Français y sont prêts.

Je terminerai mon intervention en partageant trois témoignages, recueillis après les attentats du 13 novembre, et qui émanent de ceux dont l’attachement à la France n’est pas seulement sentimental :

« On se sent loin, seul, mais surtout coupable de ne pas être là, coupable d’être parti. J’ai eu l’impression que j’avais abandonné mon pays, je me suis sentie très égoïste. »

« Quand je vois mon drapeau flotter à l’étranger, ça ne me fait pas le même effet qu’en France. Cela représente les valeurs qui font de nous un pays uni. »

« Cela m’a fait réfléchir à long terme. Avant, je pensais facilement pouvoir faire ma vie en Suède. Maintenant, je commence à me dire que je pourrais rentrer en France. »

Cela étant, je soutiendrai bien entendu le projet de budget que vous présentez, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’honneur de clore cette longue et passionnante discussion générale, mais la tâche s'annonce difficile, car il s’agira d’éviter les redites.

Comme chacun d’entre vous le sait, l’examen des crédits de la présente mission est un rendez-vous important pour les sénateurs représentant les Français de l’étranger.

Je vous rassure, nous sommes conscients que la mission « Action extérieure de l’État » comporte d’autres programmes que le programme 151, dédié aux Français de l’étranger et à l’administration consulaire. Toutefois, je m’y arrêterai un court instant.

À mon tour, je regrette vivement la baisse de 10 millions d’euros des crédits dédiés aux bourses scolaires. Mais ce que je regrette surtout, c’est sa justification et vos explications, monsieur le secrétaire d’État.

Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis, a clairement et brillamment exposé la problématique, que vous qualifiez d’« ajustement ».

Alors que la tendance est à la transparence, je crois qu’il conviendrait de reconnaître que cet « ajustement » résulte non pas d’une non-consommation de crédits, mais, en réalité, d’un effet pervers de la réforme souhaitée par le Président de la République, une réforme qui, contrairement à ce qui était annoncé, ne pallie pas les suppressions de la prise en charge des frais de scolarité.

Certains nous ont expliqué que les demandes seraient en baisse. C’est l’occasion pour moi de rappeler que, d’un point de vue démographique, la communauté des Français établis hors de France se porte bien et qu’elle ne cesse de grandir. En 2014, 1,68 million de personnes étaient inscrites sur les registres, mais les chiffres effectifs avoisinent plutôt les 2,5 millions. Les actes d’état civil témoignent de cette vitalité, et démontrent qu’il y a une véritable intention de s’établir durablement hors de nos frontières.

Pour ma part, je m’en félicite, car ces Français participent pleinement au rayonnement de la France. Ils renvoient une image positive, démontrant que les Français vivent complètement la mondialisation et en tirent le meilleur parti, pour eux-mêmes et pour notre pays.

C’est une expatriation positive et ambitieuse qui tranche avec les mauvaises intentions qu’on lui prête, c’est-à-dire une expatriation fiscale.

Enfin, je veux dire à cette tribune que les Français établis hors de France incarnent une expatriation solidaire et patriote à l’égard de leur pays.

Aussi, je tiens à saluer tous ceux qui, le samedi et le dimanche suivant les attentats, se sont rassemblés pour dire que, peu importe les kilomètres les séparant de la France, leur soutien à la nation est indéfectible.

De la même façon, il ne faut pas oublier que, dans un contexte sécuritaire aussi dégradé, les Français expatriés sont très exposés et qu’ils sont devenus des cibles pour ceux qui désapprouvent la politique étrangère de la France.

J’en viens à mon second regret concernant le programme 105.

Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaiterions comprendre. Alors que la France est engagée sur différents théâtres d’opérations pour la résolution de crises et dans la lutte contre le terrorisme, pourquoi les dotations destinées aux missions de la coopération de sécurité et de défense baissent-elles de 4,6 millions d’euros ? Leila Aïchi, rapporteur pour avis, a mis en avant ce point lors de la réunion de la commission des affaires étrangères.

Ne trouvez-vous pas que réduire la coopération relative à la sécurité dans des pays où elle est plus que nécessaire va à l’encontre des objectifs de notre politique étrangère ?

Enfin, et pour conclure, je dirai un mot sur la politique de rationalisation de notre réseau diplomatique.

Je comprends tous les arguments selon lesquels un redéploiement est nécessaire, notamment pour optimiser et développer notre influence. Mais il ne faudrait pas oublier que la force de notre réseau tient aussi à sa garantie de service public de proximité offert à nos concitoyens. Alors, lorsqu’il s’agit de fermer tel ou tel poste consulaire, il serait judicieux d’en appréhender les conséquences pour la communauté française.

Je pense au Paraguay, où je me suis rendu, avec ma collègue Jacky Deromedi, au mois de mai dernier. Certes, la colocalisation avec les services d’action extérieure de l’Union européenne dans ce pays peut être une alternative diplomatique, mais assurons-nous d’abord que le consulat général de Buenos Aires puisse avoir les moyens effectifs de gérer les 1 700 Français d’Assomption. Or nous sommes très loin du compte. Et ce n’est qu’un exemple... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord vous présenter les excuses du ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, retenu ces jours-ci au Bourget pour la COP 21. Je suis très honoré de pouvoir le représenter dans cet hémicycle.

Cela étant, les multiples crises que connaît le monde aujourd’hui ont mis en avant la solidité et le dynamisme de la diplomatie française.

Dans la négociation sur le nucléaire iranien, cette diplomatie s’est engagée avec détermination pour aboutir à un accord robuste, qui contribue à la fois à la non-prolifération des armes nucléaires et à la paix au Moyen-Orient.

En Syrie et en Irak, elle se mobilise pour rassembler les efforts de tous contre Daech et promouvoir les solutions politiques indispensables à la stabilisation de la région.

Avec la COP 21, elle conduit l’une des négociations les plus importantes qui soient, puisqu’il s’agit de décider, comme l’a rappelé le Président de la République, de « l’avenir même de la planète ».

En se mobilisant au service du commerce extérieur et de l’attractivité, la diplomatie économique a permis d’accroître les investissements étrangers sur le sol français et d’améliorer la place de nos entreprises françaises à l’international.

Mme Josette Durrieu a insisté sur les grands défis du monde d’aujourd’hui, notamment les enjeux sanitaires en Afrique.

Pour que la France puisse continuer à peser dans un monde plus compétitif, qui présente à la fois plus d’opportunités et plus de risques, nous devons disposer d’un outil diplomatique en phase avec les grands enjeux du XXIe siècle. C’est le sens du projet MAEDI 21 Une diplomatie globale pour le XXIe siècle, lancé par Laurent Fabius lors de la Semaine des ambassadeurs et présenté en conseil des ministres le 2 septembre dernier. Ces mesures, qui amplifient des réformes déjà engagées depuis 2012, concourent à trois objectifs principaux.

Il s’agit, tout d’abord, d’adapter notre réseau d’ambassades et de consulats à la géographie de nos intérêts. À l’horizon 2025, 25 % des effectifs du ministère seront affectés dans les pays émergents du G20, contre 13 % en 2012. Dès 2017, notre ambassade en Chine sera la première dans le monde par ses effectifs.

Nous voulons ensuite simplifier les procédures pour offrir un service public de qualité à nos communautés expatriées. Ainsi, les procédures seront progressivement dématérialisées : ce sera le cas des prédemandes de passeport, de l’envoi des procurations de vote aux mairies et de l’inscription au registre des Français de l’étranger dès 2016. À l’horizon 2020, chaque citoyen français à l’étranger pourra effectuer l’essentiel de ses démarches en ligne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est un engagement fort, dont je suis personnellement la mise en œuvre. Je voudrais aussi, à l’instar de certains orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, saluer nos compatriotes expatriés dans le monde entier.

Nous souhaitons enfin moderniser l’organisation du ministère et la gestion de son atout le plus précieux, les femmes et les hommes qui le servent, et qui servent la République française. Je tiens à souligner la qualité de leur travail et leur intégrité au service de notre pays. Il s’agit, sur ce dossier, de poursuivre l’action du ministère en faveur de la parité, de construire des parcours professionnels individualisés qui valorisent davantage encore la mobilité, de donner la priorité à la formation et aussi de développer des compétences managériales. Tel est le sens du projet MAEDI 21 et, par conséquent, du projet de budget qui vous est présenté aujourd’hui.

Nous proposons un budget sobre, comme Laurent Fabius l’avait indiqué. Le ministère des affaires étrangères et du développement international participe, à la hauteur de son poids dans le budget de l’État, à la réduction indispensable des déficits publics. J’appelle tous ceux qui demandent plus de dépenses sur l’ensemble des chapitres à préciser également où ils comptent réaliser les économies dont il prêche par ailleurs la nécessité pour la France.

Avec 3,1 milliards d’euros, les crédits de la mission sont en baisse de 0,4 % à périmètre constant, mais ils préservent toutefois la capacité d’action de la diplomatie française.

Parce que, dans une diplomatie globale, les différents éléments viennent se renforcer les uns les autres et qu’ils ne sont en rien contradictoires, une même attention est portée à chacun de nos domaines d’action.

Notre politique culturelle sera réorientée à partir du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut français qui sera soumis à l’avis préalable du Parlement au début de l’année prochaine.

Nous renforçons l’attractivité économique, touristique et éducative de notre pays en développant une politique des visas plus dynamique.

Nous renforçons aussi la cohérence, l’unité et l’efficacité de notre action en professionnalisant l’exercice de la tutelle sur les opérateurs, qui sont les relais de chacune de ces politiques culturelle, éducative, commerciale et touristique. La diplomatie française forme un tout, et ses différents piliers doivent à l’évidence être coordonnés.

Ce budget permet d’adapter l’action extérieure aux nouveaux enjeux du monde contemporain.

Nous investissons dans les technologies de l’information pour offrir davantage de procédures dématérialisées, qui éviteront aux usagers d’avoir à se déplacer pour effectuer leurs démarches.

Nous consacrons plus de moyens à la sécurité de notre réseau diplomatique, consulaire, culturel et éducatif à l’étranger, ainsi qu’à la sécurité de nos communautés expatriées. Nous modernisons et protégeons nos emprises à l’étranger grâce à une politique immobilière très dynamique.

Il s’agit, enfin, d’un budget novateur. Grâce au renforcement des consulats, les recettes issues des visas sont passées de 126 millions d’euros en 2012 à 160 millions d’euros en 2014. Pour maintenir cette pente ascendante, une partie de ces recettes reviendra, à partir de 2016, au budget du ministère, conformément aux recommandations formulées par les sénateurs Richard Yung et Éric Doligé dans leur rapport d’information paru au mois d’octobre dernier. Ces crédits permettront de financer des effectifs supplémentaires dans les consulats et de renforcer les moyens de promotion du tourisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à présent revenir sur plusieurs thèmes que vous avez développés lors de vos prises de parole et essayer, dans la mesure de mes moyens, de répondre à vos questions. Je veux d’abord saluer la qualité du débat, la hauteur de vue des intervenants et la précision des interventions. Je reste bien entendu à la disposition de chacune et chacun d’entre vous, ainsi que des commissions compétentes, pour répondre à toute question qui n’aurait pas reçu de réponse à l’issue de ce débat, notamment celles qui ne présentent pas un lien direct avec le budget.

J’aborderai tout d’abord le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ».

S’agissant de notre réseau diplomatique, la réforme entamée en 2012 se poursuit. Elle préserve l’universalité de notre présence, qui est un atout essentiel de la diplomatie française. Notre pays dispose du troisième réseau diplomatique et consulaire mondial, avec 163 ambassades, 16 représentations permanentes et 89 consulats généraux. M. Billout a souligné les redéploiements vers les pays émergents, et ils sont en effet importants.

Il faut adapter nos moyens à nos priorités et à la nouvelle géographie de la puissance. Nous différencions davantage notre présence, avec la transformation progressive, d’ici à la fin du quinquennat, de 25 ambassades en postes de présence diplomatique – M. Cambon a notamment insisté sur ce point.

Une évaluation de la mise en place de ces postes est en cours et ses résultats seront évidemment mis à votre disposition. Nous adapterons le format de ces postes en fonction des retours de terrain et des besoins réels.

Madame Goulet, concernant les ambassadeurs thématiques, nous rationalisons ce dispositif. Il existe aujourd’hui vingt-trois ambassadeurs thématiques, alors qu’ils étaient vingt-sept au moment de l’alternance de 2012. Ils ne représentent que 0,3 % de la masse salariale du Quai d’Orsay, ainsi que la Cour des comptes l’a relevé.

Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas y prêter attention, et je tiens à votre disposition la liste exhaustive de ces ambassadeurs et des missions qui leur sont confiées. Nous sommes disposés à discuter, afin de déterminer si l’une de ses missions pourrait à l’avenir être supprimée.

S’agissant de la sécurité des Français de l’étranger, les moyens ont été augmentés ces dernières années. En 2014, les crédits alloués à la sécurité ont été renforcés de 20 millions d’euros, pour moitié par l’affectation de produits de cessions immobilières. À la suite des tragiques attentats qui ont frappé notre pays au mois de janvier dernier, une augmentation supplémentaire de 10 millions d’euros, d’application immédiate, a été décidée, dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre le terrorisme, portant la hausse de ces crédits à 15 millions d’euros dans le projet de budget pour 2016. C’était essentiel pour assurer la sécurité de nos compatriotes. Je réponds ainsi aux interrogations de M. Frassa.

La question du taux de change a notamment été évoquée par MM. Doligé et Trillard. Le triennal budgétaire pour la période de 2015 à 2017 avait été construit sur la base d’un euro valant 1,36 dollar, soit le niveau de l’euro au printemps 2014. Lorsque le projet de loi de finances pour 2016 a été préparé, l’euro valait 1,10 dollar.

Nous aurions pu faire abstraction de cette évolution et reporter cette question à un règlement en gestion. Cela aurait toutefois contrevenu au principe de sincérité budgétaire, et donc au respect dû au Parlement. Par conséquent, nous avons préféré augmenter le budget de 159 millions d’euros de crédits, afin de maintenir la valeur réelle, donc le pouvoir d’achat, des dépenses engagées en devises.

Dans le même temps, le ministère a procédé à un ordre d’achat de 600 millions de dollars au mois de juillet dernier, dans le cadre de notre convention avec l’Agence France Trésor, afin de sécuriser le paiement des contributions au plus proche du taux de budgétisation.

À la demande du Parlement, en l’occurrence de l’Assemblée nationale, un rapport sera remis l’an prochain sur la question de la couverture du taux de change qui comprendra des propositions visant à renforcer encore le dispositif actuel. Nous sommes à la disposition des deux chambres pour y travailler.

S’agissant des contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, qui représentent respectivement 9 % et 11 % du budget du ministère, nous présentons, dans le présent projet de loi de finances, une budgétisation sincère de la dépense prévisionnelle, avec la prise en compte de l’évolution du taux de change.

MM. Hue et Billout m’ont interrogé sur les crédits dédiés à la coopération de sécurité et de défense. La baisse des crédits que vous avez constatée, messieurs les sénateurs, ne relève pas d’un désengagement, mais reflète la volonté de concentrer les moyens sur les dispositifs les plus efficaces – comme la formation de l’encadrement militaire – croisés avec nos priorités géographiques, notamment au Sahel.

Le ministère cherche, en outre, à utiliser ces crédits pour produire un effet de levier, en faisant appel aussi à d’autres sources de financement, en particulier auprès des institutions multilatérales, afin que les efforts soient conjoints et portent leurs fruits encore davantage.

S’agissant de l’immobilier, vous connaissez l’attention personnelle du ministre, attaché à la modernisation du patrimoine du Quai d’Orsay. Les objectifs sont multiples : rendre les ambassades, les consulats et les instituts plus fonctionnels et plus accueillants, en phase avec les besoins du XXIe siècle ; regrouper les services dans un lieu unique, afin de rationaliser le travail en équipe et les coûts de fonctionnement ; améliorer, enfin, la sécurité – c’est indispensable ! – en effectuant les travaux nécessaires en la matière.

J’attire l’attention du Sénat sur le fait que le projet de budget prévoit une rebudgétisation de l’entretien lourd de l’immobilier à l’étranger qui se poursuivra dans les prochaines années.

J’en viens au programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ». M. Duvernois a notamment évoqué la question des opérateurs, qui en représentent une part très importante. Ils participent, par leur poids dans le budget, à l’effort budgétaire de la nation. Nous avons toutefois pris garde à adapter l’évolution de leurs moyens à leur situation financière.

Ainsi, les baisses s’échelonnent entre 1,3 % pour l’Institut français et 4 % pour Campus France. Nous avons également veillé à renforcer les moyens d’Atout France, que M. Gorce a évoqué, grâce aux mécanismes d’attribution de produits qui devraient permettre un financement supplémentaire de 5 millions d’euros des actions de promotion du tourisme. J’ai noté également la remarque de Mme la rapporteur pour avis Leila Aïchi concernant le positionnement de la subvention à Business France dans la maquette budgétaire. Sur ce sujet, le débat devra se poursuivre.

S’agissant des moyens d’influence culturelle, leur évolution budgétaire doit être regardée en tenant compte des capacités d’autofinancement du réseau des instituts qui atteint 66 % en 2014. M. Legendre a notamment évoqué ce sujet. Les recettes assises sur les cours de langue, les certifications de diplômes et le mécénat se sont élevées à 130 millions d’euros. La tendance sera similaire en 2015. Ces résultats découlent du statut d’établissements à autonomie financière des instituts culturels.

Cette autonomie financière est vitale pour notre réseau culturel, et sa remise en cause emporterait des effets très négatifs non seulement pour le fonctionnement des instituts, mais aussi pour les finances publiques. Il nous faudra donc apporter une modification à la loi organique relative aux lois de finances lorsque cela sera possible, afin de garantir la pérennité de ce statut, qui repose aujourd’hui sur une dérogation accordée par le ministère chargé du budget. Il s’agit d’un mécanisme innovant, souple et productif qu’il faut veiller à préserver. Je remercie à ce titre M. Legendre du soutien qu’il nous a apporté sur ce point.

S’agissant de la subvention à l’AEFE, nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail lors de l’examen des amendements, mais je peux vous garantir, au nom du Gouvernement, que la baisse de la subvention correspond aux besoins et aux possibilités de l’opérateur et n’entraînera pas d’augmentation des droits de scolarité des élèves français à l’étranger. MM. del Picchia, Duvernois et Yung ont insisté sur ce point et sur le caractère indispensable du réseau pour l’apprentissage de la langue et pour le rayonnement de la culture et de la langue française partout dans le monde.

À propos du commerce extérieur, M. Billout a souligné l’importance de l’action diplomatique. Il est faux de prétendre que les grands groupes en seraient les principaux bénéficiaires. Toute une action est aujourd’hui mise en œuvre par le Gouvernement au service des PME. Nous avons rationalisé le dispositif d’accompagnement à l’export ; toutes les délégations internationales sont ouvertes aux PME, avec des procédures d’inscription très simples et, pour la première fois, les différents intervenants dans le domaine de l’export et de l’accompagnement des PME se sont mis d’accord sur un parcours unique. Ainsi, les PME peuvent consacrer plus de temps à préparer leurs projets, à mener à bien leur travail, à valoriser leurs innovations qu’à comprendre qui fait quoi dans le monde de l’accompagnement à l’export.

Au mois de mars dernier, j’ai organisé le premier forum des PME à l’international au Quai d’Orsay. La séance de speed dating entre responsables de PME et ambassadeurs, organisée sur l’initiative de Laurent Fabius lors de la Semaine des ambassadeurs, a été très appréciée par tous les participants, après quelques minutes de surprise initiale ! (Sourires.)

S’agissant des bourses scolaires, je veux vous garantir également que la baisse de 10 millions d’euros de l’enveloppe n’aura aucun effet sur le volume de bourses allouées aux familles. M. Grand et Mme Pérol-Dumont ont évoqué, parmi d’autres, cette question, et nous y reviendrons plus en détail lors de l’examen des amendements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été nombreux à interpeller le Gouvernement sur la COP 21. Des amendements concernant spécifiquement ce sujet, je saisirai donc cette occasion pour y revenir en détail.

Concernant les missions consulaires, madame Conway-Mouret, une convention a été signée entre le ministère et le Conseil supérieur du notariat, afin de dématérialiser les échanges entre les notaires et le Service central d’état civil basé à Nantes. Il s’agit d’un premier pas vers un registre électronique de l’état civil, qui donnera lieu à une simplification très importante. Je connais votre attachement particulier à ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je salue une nouvelle fois la qualité du débat budgétaire dans votre assemblée. Je confirme, cela va de soi, que je me mets à votre disposition pour évoquer toute question que je n’aurais pas traitée au cours de cette intervention, concernant des pays, des régions ou les priorités de la diplomatie française menée sous l’autorité du Président de la République et sous la conduite du ministre des affaires étrangères.

Je veux également saluer le travail du Parlement pour contrôler, évaluer et orienter les actions du Gouvernement, dans cette matière comme dans d’autres.

Je manquerai enfin à tous mes devoirs en ne concluant pas mon intervention en souhaitant, à mon tour, un bon anniversaire à M. Legendre ! (Sourires – Applaudissements.)

Action extérieure de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 48 A (nouveau)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action extérieure de l’État

3 067 164 040

3 189 900 004

Action de la France en Europe et dans le monde

1 970 614 605

1 961 818 569

Dont titre 2

590 855 379

590 855 379

Diplomatie culturelle et d’influence

718 829 221

718 829 221

Dont titre 2

73 984 259

73 984 259

Français à l’étranger et affaires consulaires

369 960 214

369 960 214

Dont titre 2

222 004 312

222 004 312

Conférence “Paris Climat 2015”

7 760 000

139 292 000

M. le président. L’amendement n° II-143, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

Conférence ‘Paris Climat 2015’

10 000 000

TOTAL

 

 

 

- 10 000 000

SOLDE

0

- 10 000 000

La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Cet amendement, déposé au nom de la commission des finances, ne constitue pas une surprise, puisque nous avions déjà défendu le même l’année dernière. Il vise à réduire de 10 millions d’euros les crédits relatifs à l’organisation de la COP 21.

Il ne s’agit pas, bien sûr, de remettre en cause la COP 21, dont on parle beaucoup actuellement. Nous connaissons les objectifs importants qui lui ont été fixés.

Nous avons toutefois considéré que la somme prévue – 182 millions d’euros – suffisait amplement et qu’il était possible de nouer des partenariats avec des entreprises. L’année dernière, ces partenariats nous avaient été présentés comme difficiles et délicats, mais nous nous sommes aperçus qu’ils avaient déjà permis de collecter 25 millions d’euros ! Selon nous, cette somme devrait permettre de diminuer le montant d’ores et déjà budgété. Or il semble que ces 25 millions d’euros s’ajoutent simplement aux 182 millions d’euros prévus.

Nous nous doutons bien que, compte tenu des événements malheureux de ces derniers jours, des évolutions importantes dans l’organisation de la COP 21 se sont produites, en ce qui concerne tant la sécurité que le nombre d’activités. Nous avons également constaté de très importantes augmentations de surfaces, entraînant des coûts supplémentaires. Le présent budget, tel qu’il a été préparé, pourrait donc être remis en cause.

De notre point de vue, toutefois, il ne devrait pas être très difficile de le réduire et de dresser ultérieurement un bilan précis des dépenses engagées.

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez recommandé de faire des économies, alors que chacun demandait une augmentation dans son secteur de prédilection ; nous vous en soumettons en l’espèce une de 10 millions d’euros !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Au préalable, on m’indique que l’on fête également aujourd’hui l’anniversaire de M. Gorce ! (Sourires.) Vous vous joindrez sans doute à moi, mesdames, messieurs les sénateurs, pour lui souhaiter le meilleur !

J’en reviens à l’amendement n° II-143, sur lequel le Gouvernement émet un avis défavorable.

Certes, l’événement concerné est fondamental, mais le Gouvernement a pris l’engagement de respecter strictement l’enveloppe prévue. Nous sommes tous mobilisés à cette fin.

Oui, monsieur le rapporteur spécial, des facteurs ont entraîné des surcoûts. Tout d’abord, l’accord signé avec l’ONU en vue de l’organisation de la COP 21 sur le site du Bourget, qui a été soumis à l’approbation du Sénat et validé, emporte des conséquences. Les exigences de sécurité ont évidemment été accrues à la suite des attentats et vous avez été témoins des dispositifs exceptionnels qui ont été mis en place. N’oublions pas, enfin, le sommet des 150 chefs d’État et de gouvernement qui a été organisé lundi, en marge de la COP 21.

L’essentiel, j’y insiste, c’est que chacun de ces surcoûts est compensé par une économie sur une autre ligne, afin de respecter le budget alloué. Je rappelle que nous avons déjà diminué les ouvertures de crédits de 3 %.

Par ailleurs, le mécénat joue un rôle important dans le financement de la COP 21, par le biais notamment d’aides en nature qui peuvent prendre la forme de mises à disposition de voitures, d’aides en termes de gestion des déchets ou d’autres contributions du même ordre.

Nous ne pourrons évaluer le coût global de la COP 21 que dans le courant de l’année prochaine, puisqu’il faut prendre en compte à la fois la conférence qui se tient en ce moment et l’année entière de présidence que la France assumera dans la foulée. Il paraît donc problématique de décider de nous priver de ces crédits aujourd’hui.

Toutefois, le Gouvernement est très attentif à la question que vous soulevez à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, et il est prêt à vous rendre compte à l’euro près des dépenses liées à cet événement dans le courant de l’année prochaine. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-143.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-262, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret et MM. Leconte et Yung, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

15 104 000

15 104 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

15 104 000

15 104 000

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

Conférence ‘Paris Climat 2015’

TOTAL

15 104 000

15 104 000

15 104 000

15 104 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Le présent amendement vise à rétablir la dotation budgétaire allouée à l’AEFE à son niveau de 2014. Il va de soi que l’ensemble des opérateurs de l’État doit participer à l’effort budgétaire dans lequel s’inscrit, de nouveau, le projet de budget pour 2016.

Je suis consciente que la baisse de la subvention de l’AEFE, n’est cette année, si j’ose dire, que de 3,4 % au regard de la norme interministérielle fixée à 4 %. Toutefois, le nombre d’élèves poursuit sa croissance, à raison de 2 % par an. Ainsi, à la rentrée 2015, le réseau a accueilli 336 000 élèves, contre 316 000 en 2013. L’effort consenti est donc encore plus important. L’Agence s’est de fait trouvée contrainte de réaliser en un an les réductions prévues initialement sur deux ans.

Comme vous nous l’avez assuré, monsieur le secrétaire d'État, la soutenabilité financière de l’Agence est garantie... cette année encore tout au moins. L’effort sera notamment supporté par les établissements en gestion directe, sollicités via leur fonds de roulement.

Vous nous assurez que ces prélèvements seront sans répercussion sur les frais de scolarité et sur les capacités en matière d’investissements immobiliers. Je veux le croire, mais cette diminution des crédits de l’AEFE, conjuguée à la baisse du budget des bourses que nous avons déjà évoquée, ne constitue pas un bon signal.

Les parents financent déjà à hauteur de 63 % le coût total du réseau. La véritable question est donc celle-ci : comment en assurer le financement, ne serait-ce qu’à moyen terme ? Plus généralement, quel avenir souhaite-t-on donner à notre réseau de lycées à l’étranger ? Aujourd’hui, davantage encore qu’hier, je ne peux envisager de le voir péricliter. Les Français de l’étranger en ont besoin. Ce réseau constitue de plus une belle ressource pour la population locale et un formidable outil pour la transmission de nos valeurs tant mises à mal.

Je terminerai mon intervention en citant Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. »

Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je vous demande de bien vouloir voter en faveur de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur le banc des commissions.)

M. le président. L'amendement n° II-83 rectifié quater, présenté par MM. del Picchia, G. Bailly, Cantegrit, Cambon et César, Mmes Deromedi et Duchêne, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier, Houpert, D. Laurent, Lefèvre, Mandelli, Milon et Pellevat, Mme Procaccia et M. Trillard, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

14 634 000

14 634 000

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

14 634 000

14 634 000

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

Conférence ‘Paris Climat 2015’

TOTAL

14 634 000

14 634 000

14 634 000

14 634 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Le présent amendement tend à maintenir les crédits alloués à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Il s’agit en effet de se donner les moyens d’honorer les engagements pris par le Président de la République lors de la campagne présidentielle de 2012 et visant à remettre l’éducation et la jeunesse au cœur de l’action publique.

Chaque année, les effectifs des établissements d’enseignement français à l’étranger augmentent en moyenne de 2 %, preuve de l’attractivité de notre système d’éducation. Les crédits de l’AEFE devraient, en toute logique, augmenter en conséquence.

Dans le projet de loi de finances initial pour 2015, ces crédits s’élevaient à 409 millions d’euros. Dans le projet de loi de finances pour 2016, ils sont fixés à 394 millions d’euros.

On nous assure aujourd’hui que les frais de scolarité n’augmenteront pas. Mais rien ne prouve que ce sera vraiment le cas dans toutes les écoles à l’étranger.

Par ailleurs, l’AEFE a besoin d’argent pour rénover ses bâtiments, ses locaux et ses écoles. Comme l’a fait remarquer Richard Yung, les ponctions sur le fonds de roulement de l’AEFE sont de ce point de vue l’équivalent d’un coup d’épée dans l’eau.

C’est pourquoi nous proposons de maintenir les crédits de l’AEFE pour 2016 à hauteur de 14,634 millions d’euros, soit un peu moins que ce qu’a demandé Claudine Lepage. Ces crédits pourraient être prélevés sur l'action n° 7 du programme 105.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Le transfert plusieurs fois évoqué d’une partie des sommes du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », sur le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », n’est pas simple. En effet, la hausse de 10,8 % des crédits du programme 105 étant en grande partie due à l’évolution des taux de change, il n’est pas envisageable de prélever une partie de ces crédits pour les reporter sur le programme 185, afin de financer l’augmentation du nombre d’élèves et de demandes de bourses.

M. le secrétaire d’État a indiqué que l’ensemble des crédits alloués aux bourses n’avait pas été utilisé au cours de l’année 2015.

Richard Yung et moi-même solliciterons prochainement, au nom de la commission des finances, une étude de la Cour des comptes, afin d’analyser la situation de l’enseignement français à l’étranger. Cette étude prolongera le rapport de Mme Lepage…

M. Alain Néri. C’est pourtant un excellent rapport !

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. … en creusant plus avant la question des bourses qui pose un véritable problème.

Nous éclaircirons donc cette question au cours de l’année 2016, mais nous pensons qu’il n’est pas nécessaire pour l’heure de retenir les sommes proposées par nos collègues. De plus, la commission des finances a déposé un amendement tendant à augmenter les crédits alloués aux bourses de 5 millions d’euros pour l’année à venir.

M. le secrétaire d’État s’est engagé à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation des frais de scolarité, mais je ne suis pas convaincu que cet engagement pourra être tenu. La responsable de l’AEFE a indiqué, lors de son audition, qu’une hausse relativement significative des frais de scolarité interviendrait cette année, comme les deux années précédentes, correspondant à l’évolution du prix de la vie et aux dérives locales.

Bien que la commission des finances émette des doutes quant à la stabilité des frais de scolarité annoncée par le Gouvernement, elle sollicite le retrait de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. L’ensemble des opérateurs sont soumis à l’effort national de maîtrise de la dépense. Je rappelle que la norme interministérielle qui a guidé l’élaboration du budget vise une baisse de 4 %, alors que la diminution des crédits de l’AEFE n’est que de 3,4 %. Je précise de plus que les crédits d’investissement de l’Agence pour 2016 sont en augmentation.

La baisse proposée est donc tout à fait absorbable par l’opérateur, moyennant un certain nombre d’efforts – permettez-moi d’ailleurs de saluer à mon tour le travail qui est effectué par l’AEFE.

Conformément aux recommandations du rapport Lepage-Cordery, l’Agence s’attache notamment à recueillir des financements auprès d’autres partenaires, qu’ils soient étatiques ou régionaux.

Cette baisse de la subvention n’aura par conséquent pas de répercussion sur les droits de scolarité, conformément à l’engagement des autorités françaises, et elle n’entraînera pas de dégradation de l’offre éducative dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger.

Je tiens à insister sur un dernier point. Les amendements tendent à prélever des crédits sur les actions nos 6 et 7, or le maintien des crédits de fonctionnement de l’administration centrale et du réseau diplomatique et consulaire est essentiel pour en assurer le bon fonctionnement – d’autant que des efforts très importants ont déjà été consentis –, mais aussi pour continuer à affirmer la diplomatie française dans le monde entier et pour réaliser le projet de réforme du ministère tel qu’il est aujourd’hui engagé.

M. le président. Madame Claudine Lepage, l'amendement n° II-262 est-il maintenu ?

Mme Claudine Lepage. Oui, monsieur le président.

M. le président. Monsieur del Picchia, l'amendement n° II-83 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Robert del Picchia. Compte tenu des arguments développés par M. le rapporteur spécial et par M. le secrétaire d’État, je suis prêt à retirer cet amendement, mais à condition toutefois que la commission des finances soutienne mon amendement tendant à augmenter les crédits alloués aux bourses.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je soutiens ces amendements pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’addition de la subvention publique à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et de l’ensemble des frais de scolarité payés par les familles donne le coût total de la scolarité à l’étranger. Rapportée au nombre d’élèves, cette somme est très inférieure au coût moyen d’une scolarisation en France. Il n’est donc pas raisonnable de baisser la subvention publique, alors que le réseau accueille 9 000 élèves supplémentaires par an et ouvre de ce fait plus de 400 classes chaque année.

De plus, les 24 millions d’euros qui ont été demandés par l’Agence aux établissements en gestion directe du fait de la baisse de la subvention publique ont certes été en partie prélevés sur les fonds de roulement, mais plus de 10 millions d’euros seront également requis au titre de la rémunération des enseignants résidants, soit un coût de plus de 10 millions d’euros de frais de fonctionnement supplémentaires pour les établissements en gestion directe.

Même si l’augmentation des frais de scolarité est reportée d’un an pour ces établissements, une hausse de leurs frais de fonctionnement de plus 10 millions d’euros n’est pas tenable dans une perspective de long terme.

Permettez-moi d’ailleurs d’attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur la situation du lycée français de Vienne, qui a dû solliciter une avance de 1 million d’euros auprès de France Trésor avant de reverser une contribution exceptionnelle du même montant six mois plus tard à l’Agence pour l’enseignement français de l’étranger. Ce n’est pas très correct !

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.

Mme Jacky Deromedi. La jeunesse devait être la priorité du quinquennat du Président de la République, or le projet de loi de finances pour 2016 réduit pour la troisième année consécutive le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Pourtant, en raison du nombre important de Français qui doivent s’expatrier faute de trouver du travail en France, le nombre d’élèves français à l’étranger est en progression constante.

Pour équilibrer son budget, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger en a été réduite à opérer des ponctions sur le fonds de roulement des établissements sous le vocable « Contributions exceptionnelles pour le réseau ».

Les Français de l’étranger ne bénéficient évidemment pas de l’école gratuite, mais je ne vois aucune raison pour que leurs enfants ne puissent pas bénéficier d’une scolarité dans une école française. Sans cette possibilité, ces enfants subiraient un lourd handicap dans le cas où ils reviendraient en France.

Encore une fois, je le répète, les Français de l’étranger sont des Français. Il ne faut pas uniquement penser à eux à l’approche des échéances électorales. (Mme Christiane Kammermann applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mon propos ne se rapportera pas directement aux amendements en discussion ; je parlerai de méthode, dans la continuité des observations que j’ai déjà formulées, madame la présidente de la commission des finances, lors de l’examen des crédits de la mission « Défense ».

Alors que les rapporteurs ne disposent que de trois ou quatre minutes pour présenter leur exposé sur des sujets très importants, nous consacrons de longues minutes à débattre du déplacement d’une poignée de millions d’euros d’un programme vers un autre, dans un pays qui est en guerre et qui doit faire face à des problèmes de fond de la plus haute importance que nous n’avons guère évoqués malgré l’intervention, par ailleurs excellente, de M. le secrétaire d’État. Je considère l’extrême gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons et je vois qu’il s’agit de déplacer 15 millions d’euros de tel programme vers tel autre – on ne les désigne d’ailleurs généralement que par leur numéro.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, je pense vraiment que, à un moment ou à un autre, il nous faudra mener un travail de prospective budgétaire pour le Quai d’Orsay. Car nous allons dans le mur ! De fait, nous voyons bien que, pour notre économie comme pour notre sécurité, nous avons besoin de développer notre influence dans le monde et de nous adapter certes à des méthodes de travail, mais aussi à des nouveaux pays émergents où il nous faut exercer une influence, ce qui suppose de disposer d’informations à leur sujet. Il va donc falloir réfléchir sur un plan général à l’avenir budgétaire du ministère des affaires étrangères, comme, d’ailleurs, du ministère de la défense.

M. Alain Gournac. En effet !

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Je pense que le Sénat a un rôle particulier à jouer dans ce débat nécessaire, qui doit conduire à se demander notamment comment rendre l’État de nouveau régalien en le déchargeant de certaines responsabilités dans un pays qui se veut plus décentralisé.

Nous sommes tous attentifs au fait régional et à la nouvelle organisation de nos territoires. N’y aura-t-il pas là l’occasion de libérer l’État d’un certain nombre de missions pour lui permettre de se concentrer sur ses fonctions essentielles, les autres étant confiées aux territoires ? Nous avons aujourd’hui affaire à un État congestionné par le haut, qui finira par être incapable de répondre aux défis par la pensée – avec le Quai d’Orsay – comme par les moyens – avec le ministère de la défense –, parce qu’il sera étranglé sur le plan budgétaire.

Ce n’est naturellement pas maintenant que nous allons régler cette question. Attachons-nous néanmoins à considérer, à l’occasion de ce débat budgétaire, les ambitions et les grandes perspectives. De ce point de vue, il est absurde de croire que l’on va grignoter les crédits de la défense et du Quai d’Orsay dans les cinq ou dix ans qui viennent.

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères. Avec quels moyens, avec quelles réflexions pouvons-nous faire face à la nouvelle donne ? Voilà, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, un sujet qui peut tous nous mobiliser ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Cadic et Michel Delebarre applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je souscris au propos de M. le président de la commission des affaires étrangères : notre débat mériterait de prendre de la hauteur, compte tenu de la situation de notre pays.

Depuis trois ans, le Gouvernement fait subir à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger une baisse continue de ses crédits ; dans le présent projet de budget, la chose est flagrante. Cette politique devrait conduire les pouvoirs publics à redéfinir précisément les missions de l’AEFE, au moment où les effectifs des établissements progressent de 2 % par an.

Il faut bien mesurer, mes chers collègues, que seulement un quart environ des enfants français de l’étranger ont accès à ce réseau d’enseignement dont nous sommes si fiers, et que, parmi ceux-ci, 21 % bénéficient d’une bourse scolaire – soit 5 % des enfants français établis hors de France.

L’article 2 de la Constitution dispose : « La langue de la République est le français. » Mais comment s’assurer que tous les Français parlent la langue de la République, si les nouvelles générations naissant à l’étranger ne peuvent l’apprendre ?

Dans la troisième partie de son excellent rapport, Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, rappelle que, au-delà de l’AEFE, il y a le LabelFrancEducation, le programme FLAM, et l’action du Centre national d’enseignement à distance, le CNED. Reste que l’ensemble de ces formules ne couvrent qu’un peu plus de la moitié à peine des enfants français de l’étranger. Nous ne répondons donc pas aux attentes.

Monsieur le secrétaire d’État, votre politique vise, selon le « bleu » budgétaire, à « accompagner le développement maîtrisé du réseau […] sans charges supplémentaires pour le budget de l’État. » Plus d’enfants, mais pas de hausse des crédits : les conséquences de cette politique sont supportées par les parents, qui paient des frais de scolarité de plus en plus élevés, au point d’assumer aujourd’hui 62 % des coûts.

Comme M. Yung, rapporteur spécial, l’a fort bien expliqué, l’AEFE va devoir opérer un prélèvement sur son fonds de roulement pour compenser la baisse de ses crédits proposée par le Gouvernement. Cette mesure est incompréhensible pour les parents d’élèves auxquels des efforts financiers ont été demandés pour, précisément, constituer ces réserves. Elle est inacceptable ! (M. Jacques Legendre acquiesce.)

Monsieur le secrétaire d’État, il est plus que temps de revoir votre politique. J’observe d’ailleurs, non sans surprise, que certains de mes collègues socialistes la mettent également en cause… Pour ma part, je souhaite que, en accord avec ce que vient de dire M. le président de la commission des affaires étrangères, les 15 millions d’euros qui risquent de manquer à l’AEFE soient prélevés sur le budget de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Nous avons entendu les arguments de M. le secrétaire d’État et il n’est pas question pour nous de remettre en cause la politique du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s’agit simplement d’adresser un signal fort à nos compatriotes de l’étranger qui sont des Français à part entière, solidaires de ce qui se passe sur le territoire national, et qui méritent d’être inclus dans les priorités fixées par le Gouvernement en faveur de la jeunesse et de l’éducation. L’amendement n° II-262 vise à faire un geste fort en direction de cette communauté française, en stabilisant les moyens de l’AEFE. (Mme Claudine Lepage applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.

M. Christophe-André Frassa. Le problème n’est pas de déplacer 14 ou 15 millions d’euros. Ce qui est en cause, c’est le modèle économique de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger qui, vingt-cinq ans après sa création, est un malade en fin de vie. Ne sachant plus où chercher de l’argent, elle en est au point d’en quémander par la force aux lycées et aux autres établissements scolaires qui, eux, ont constitué des réserves… Là est le problème !

Remarquez que je n’accable pas cette agence, car ce n’est pas sa faute. Toujours est-il qu’il faut repenser son modèle économique. Or ce gouvernement pêche en ne prévoyant rien (M. Alain Néri s’exclame.) : il n’a pas de vision à long terme pour l’enseignement scolaire à l’étranger qui doit pouvoir se financer autrement qu’en prélevant toujours de l’argent sur les familles, lesquelles supportent aujourd’hui 60 % de ses coûts. En rognant toujours un peu plus sur la dotation d’État, on fait, certes, quelques économies, mais ce sont les familles qui en paient le prix !

Voter ces amendements, pourquoi pas ? Mais rien ne changera vraiment tant qu’une authentique réflexion ne sera pas menée sur le financement de l’AEFE et, plus généralement, de l’enseignement scolaire à l’étranger. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Tous les orateurs, sur quelques travées qu’ils siègent, ont souligné l’importance du rôle joué par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger qui est pour notre pays un pôle de rayonnement absolument considérable. En revanche, personne n’a mentionné les mesures de sécurité et de garde que les écoles françaises dans le monde vont être obligées de prendre ; or ces mesures, nécessaires pour éviter que ne se reproduisent des incidents qui ont déjà eu lieu et pour assurer la sécurité de nos enfants, seront coûteuses. Il convient de prendre en compte ces dépenses supplémentaires, qui seront assez importantes.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Puisque les amendements nos II-262 et II-83 rectifié quater sont maintenus, je rappelle que leur adoption reviendrait à retirer au réseau diplomatique la somme qui serait affectée à l’AEFE. Or, dans la situation internationale actuelle, nous avons plus que jamais besoin de notre réseau diplomatique.

En outre, je pense que le prélèvement sur les fonds de roulement sera opéré de toute façon, de sorte qu’il n’est pas forcément nécessaire d’attribuer 15 millions d’euros supplémentaires à l’AEFE.

Il est sûr qu’un examen approfondi de la situation de l’AEFE est indispensable en vue de remettre cette agence sur pied, comme M. Frassa vient de le souligner.

Ainsi que M. le président de la commission des affaires étrangères l’a fait observer, il y a des sujets beaucoup plus importants que le redéploiement d’une somme d’un programme vers un autre. Puisque les uns sont pour le réseau et les autres pour l’AEFE, on n’en sortira jamais et tous seront insatisfaits ! Dans ces conditions, mieux vaudrait s’en tenir à la répartition initialement proposée.

J’ai bien peur que les uns votent l’amendement portant sur 15 millions d’euros, les autres celui qui porte sur 14 millions d’euros, et que l’on se retrouve dans une situation un peu compliquée…

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Il est certain que l’AEFE joue un rôle décisif. Ne doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement lui accorde une grande importance.

Certains établissements sont en gestion directe. Or cette formule entraîne par nature des liens entre l’Agence et les établissements concernés, des liens qui, en fonction de la situation de l’une et des autres, se traduisent par des transferts financiers. C’est la définition même de ce modèle de fonctionnement. Il n’y a donc aucune entorse à la priorité donnée par le Gouvernement à la jeunesse, bien au contraire.

Les crédits proposés par le Gouvernement permettront à l’Agence de travailler dans de bonnes conditions. Ils tiennent compte, monsieur Cantegrit, des travaux de sécurité, en effet essentiels : pour l’utilisation des 37,5 millions d’euros alloués à l’Agence pour ses investissements, la priorité sera donnée aux travaux de sécurisation, en particulier dans quinze établissements en gestion directe ; à cet égard, nous examinons les situations pays par pays.

Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, il est vrai qu’il est nécessaire, sans faire un débat régional, de réfléchir à la puissance publique de demain et de mener sur ce sujet un travail de prospective. Ce travail a été entrepris au Quai d’Orsay, comme, d’ailleurs, au sein de l’AEFE ; je pense à la programmation budgétaire triennale et au projet MAEDI 21, qui constitue précisément une projection dans l’avenir. Ce travail n’épuise pas la question de la réforme de l’État et de l’ensemble de la sphère publique ; il reste en particulier à réfléchir au partage des compétences entre l’État et les collectivités décentralisées. Je suis convaincu qu’un travail commun peut être mené dans ce domaine, au service de l’intérêt général ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je me félicite de cette belle harmonie sur un débat qui nous intéresse tous. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, vous avez raison : il serait utile que nos deux commissions abordent cette question en dehors de l’hémicycle et que nous menions ensemble une réflexion globale.

Par ailleurs, je vous rappelle, mes chers collègues, que deux missions doivent être examinées ce matin en plus de celle-ci. Les durées prévues pour leur examen sont certes modestes, mais il serait bon que nous fassions un effort de concision ! (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-262.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-83 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

(Mme Jacqueline Gourault remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. L'amendement n° II-144, présenté par MM. Doligé et Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Conférence ‘Paris Climat 2015’

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Richard Yung, rapporteur spécial.

M. Richard Yung, rapporteur spécial. C’est en tremblant que je m’approche de ce micro, compte tenu de ce que vient de dire M. le président de la commission des affaires étrangères. (Sourires.) En effet, mon amendement ne porte que sur 5 millions d’euros !

M. Robert del Picchia. Il faudrait 10 millions d’euros ! (Nouveaux sourires.)

M. Richard Yung, rapporteur spécial. Malgré tout, quand pourrions-nous évoquer ces problèmes si nous n’en débattions pas à l’occasion de l’examen du budget ? Peut-être faudrait-il trouver, en effet, une autre méthode que celle-là. Néanmoins, en attendant, mes chers collègues, je vous présente un amendement qui vise à augmenter de 5 millions d’euros le budget consacré aux bourses.

Tout à l’heure, nous avons déjà expliqué les raisons pour lesquelles il était nécessaire d’accroître ces crédits. Aujourd’hui, il faudrait les augmenter de 10 millions d’euros en réalité. Or nous proposons de ne les relever que de moitié dans un premier temps.

Notre amendement ne coûte rien, puisqu’il est gagé : il tend à transférer 5 millions d’euros du budget prévisionnel d’Atout France vers le budget consacré aux bourses, alors que, dans le même temps, le budget de l’agence sera lui-même augmenté de 5 millions d’euros par le report d’une partie des recettes perçues sur les visas. En effet, mes chers collègues, nous avons déjà évoqué le reversement du produit des visas au ministère des affaires étrangères. Il se trouve que le ministère a l’intention de verser ce montant de 5 millions d’euros à Atout France.

Ainsi, le budget global de l’agence resterait constant et le « montage » sur lequel repose notre amendement est équilibré.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Malheureusement, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Cependant, il s’agit là encore d’un sujet très important. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez mon attachement au système scolaire et éducatif à l’étranger : j’ai moi-même été un élève de ce réseau à partir de la classe de quatrième et j’y ai appris à écrire le français !

M. Alain Néri. Et votre français est excellent !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. C’est vous dire à quel point je suis personnellement et de manière attentive l’évolution de ces sujets, auprès de M. Laurent Fabius.

Pour autant, le budget consacré aux bourses, tel qu’il est proposé aujourd’hui, est tout à fait suffisant pour « rester dans les clous ». En effet, la baisse des crédits qui est prévue n’aura aucun effet sur le volume des bourses effectivement accordées aux familles.

Premièrement, le montant des crédits figurant aujourd’hui dans ce budget – qui respecte le principe de sincérité budgétaire à nos yeux – est supérieur de 7 millions d’euros par rapport au montant des dépenses constatées cette année. Les besoins en la matière pourront donc encore augmenter.

Deuxièmement, la réforme menée par Mme Conway-Mouret, sous l’autorité du Gouvernement, avait précisément pour objet de réviser le système antérieur qui était absurde. L’élargissement sans fin de l’accès aux bourses alimentait en effet une spirale totalement inflationniste : il entraînait une augmentation des frais de scolarité, dont la nécessaire compensation conduisait elle-même de nouveau à une hausse du montant des bourses.

Selon le principe des vases communicants, les subventions coulaient à flots, tout cela se faisant en définitive sur le dos du contribuable.

La réforme que nous avons engagée tient compte des critères sociaux et garantit l’équité entre les familles. Elle contribue à donner à chacun les sommes dont il a réellement besoin.

Aucun jeune Français ne restera en dehors du système scolaire français pour des raisons financières. Je veux réaffirmer cet engagement, tout comme je réaffirme l’engagement – que j’ai déjà pris à plusieurs reprises devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs – d’examiner personnellement tous les cas qui me seront soumis, soit directement, soit par votre intermédiaire, de jeunes Français qui seraient privés de la possibilité d’être scolarisés, faute de moyens.

M. Michel Delebarre. Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. En réalité, force est de constater que ces cas sont extrêmement peu nombreux et que, la plupart du temps, ils ne correspondent absolument pas à la réalité que certains décrivent.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Tout d’abord, nous sommes tous embarrassés par cette situation. Il est vrai que nous cherchons à obtenir l’assurance que tous les jeunes Français vivant à l’étranger puissent bénéficier du réseau de l’AEFE. Or il n’est pas tout à fait exact de dire que la suppression des crédits d’Atout France – 5 millions d’euros – n’aura aucun effet sur la promotion du tourisme.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Si !

M. Jacques Legendre. Il s’agit tout de même d’une réduction de 5 millions d’euros de crédits au service du tourisme, au moment où la France aurait bien besoin de mener une politique active pour attirer les touristes étrangers.

On ne doit pas résoudre cette affaire de bourses – auxquelles chacun dans cette enceinte est attaché ! – en échenillant le tourisme de ces crédits. En effet, il existe en France un ministère dont la mission est de faire en sorte que tous les jeunes qui ont des problèmes financiers puissent suivre des études. Ce ministère, c’est celui de l’éducation nationale ! Il est tout de même étonnant qu’il n’y soit pas fait mention au cours de nos débats !

Je ne sais pas si c’est le ministère des affaires étrangères qui souhaite conserver un lien exclusif avec l’AEFE et qui ne tient donc pas à ce que le ministère de l’éducation nationale s’en mêle, ou si c’est le ministère de l’éducation nationale qui refuse de verser le moindre centime dans cette affaire.

Quoi qu’il en soit, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite savoir si vous comptez rechercher une solution commune avec le ministère de l’éducation nationale pour que les bourses des jeunes Français à l’étranger soient intégralement financées, quand bien même ce financement résulterait du ministère de l’éducation nationale !

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d’État, après le débat auquel nous venons d’assister sur le financement de l’enseignement français à l’étranger, il importe maintenant de bien comprendre l’objet de cet amendement, à savoir augmenter l’enveloppe des bourses scolaires.

Cet amendement vise à répondre à deux exigences : tout d’abord, rétablir la sincérité budgétaire et, ensuite, compenser la baisse de 10 millions d’euros des crédits consacrés aux bourses. Aussi, il tend à transférer 5 millions d’euros de la dotation d’Atout France vers le programme 151, dans lequel figurent les crédits relatifs aux affaires consulaires et les aides aux Français de l’étranger.

En contrepartie, mes chers collègues, une part des recettes issues de la délivrance des visas en 2015 sera reversée au budget d’Atout France, même si ce fait nouveau n’apparaît pas encore officiellement dans le financement de l’agence. Il convient, du reste, de rappeler que c’est le Sénat qui est à l’initiative de ces propositions !

Les futures recettes issues des visas sont évaluées à 5 millions d’euros, montant qui semble se situer dans une fourchette basse. En effet, non seulement la délivrance des visas est une activité économique rentable pour l’État français, mais encore les recettes issues des visas sont en très forte augmentation. Ainsi, 2,5 millions de visas ont été délivrés en 2013, ce qui représente un gain de 137 millions d’euros pour l’État et une augmentation des recettes de 8,7% par rapport à 2012.

En 2014, les visas ont rapporté 160 millions d’euros à l’État, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé. Si l’on ne connaît pas encore la part exacte qui sera reversée à Atout France, je regrette cependant que, face à de tels montants, nous soyons encore en train de débattre d’une somme de 5 millions d’euros !

La délivrance des visas est de la responsabilité du ministère des affaires étrangères et du développement international. Il serait donc vertueux qu’une partie importante des ressources que l’on en tire lui revienne. À cet égard, je souligne que ce ministère exerce actuellement une tutelle sur l’enseignement français à l’étranger.

Je regrette que nous soyons obligés de choisir aujourd’hui entre les bourses, d’un côté, et le tourisme, de l’autre ! Que Bercy n’ait pas inscrit cette nouveauté dans le budget est très regrettable ! Le tourisme, autant que l’attribution des bourses, participe à notre diplomatie d’influence et à notre rayonnement.

Enfin, je déplore que le débat ne concerne que le ministère des affaires étrangères. Comme l’ont indiqué plusieurs orateurs, le ministère de l’éducation nationale ne participe pas suffisamment, voire presque pas, au développement de l’enseignement français à l’étranger. (Protestations sur certaines travées.)

Mme la présidente. Mon cher collègue, il vous faut conclure ! Vous avez dépassé votre temps de parole !

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Dans le « bleu » budgétaire, il existe pourtant un programme consacré à l’international, qui devrait participer à la prise en charge des frais de scolarité de nos concitoyens.

Je soutiens donc l’amendement de la commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Monsieur le secrétaire d’État, il est faux d’affirmer qu’aucun enfant ne reste en dehors du système scolaire faute d’argent ! Vous voudriez que nous vous communiquions des cas de déscolarisation ? Nous pouvons le faire ! Pour ma part, je dispose de quelques dossiers qui concernent le Royaume-Uni.

Par ailleurs, vous nous dites que les crédits consacrés aux bourses ne sont pas intégralement dépensés. Évidemment, il faut voir comment l’administration s’y prend ! Elle adresse à chaque consulat une enveloppe budgétaire formatée qui n’atteint pas le montant du budget global dédié aux bourses !

Je comprends la remarque de M. Legendre : la question n’est pas de savoir s’il faut prélever 5 millions d’euros sur Atout France. La commission des finances a en effet précisé que ce montant serait compensé par l’argent des visas. Il est évident que l’on ne peut pas nous demander de choisir entre le tourisme et les bourses.

De quoi parlons-nous en réalité ? M. Frassa l’a dit : nous parlons de l’avenir de l’AEFE et de son financement. Comment les parents qui n’ont pas les moyens de financer la scolarité de leurs enfants dans le cadre de l’enseignement français à l’étranger peuvent-ils payer ce service ? Par l’intermédiaire des bourses. Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, vous avez décidé de réduire le budget qui est consacré aux bourses !

Vous aviez également pris l’engagement d’allouer 125 millions d’euros en faveur de l’enseignement à l’étranger. Or, encore une fois, vous renoncez à votre engagement en utilisant le prétexte d’une gestion de la pénurie par les consulats ! C’est bien dommage !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.

Mme Claudine Lepage. Monsieur Cadic, déposer un amendement revient non pas à remettre en cause la politique du Gouvernement, mais à vouloir l’améliorer !

Cela étant, pour la première fois depuis 2012, le budget consacré aux bourses diminue. Vous précisez avec raison, monsieur le secrétaire d’État, que cette baisse résulte de l’ajustement des crédits aux besoins. Effectivement, ces deux dernières années, 20 millions d’euros n’auront pas été utilisés. Pouvons-nous pour autant en conclure que tout va bien dans le meilleur des mondes ? Certes, non !

La réforme des aides à la scolarité a été salutaire : grâce à la suppression de la prise en charge des frais de scolarité, elle a tout d’abord permis d’endiguer la hausse de ces frais qui est passée de 45 % entre 2007 et 2012 à une proportion comprise entre 1 et 2% depuis 2013 ; parallèlement, elle a eu pour effet d’accroître le nombre de bénéficiaires de 25 000 à 26 000 enfants.

En revanche, le nombre de bourses attribuées à taux plein est passé de 59 % à 42 % dans le même temps. Quelles conclusions en tirer ?

Que les Français de l’étranger sont de plus en plus riches ? Ce serait une bonne nouvelle, mais nous savons que ce n’est pas le cas !

Que le nombre des déscolarisations liées au coût de la scolarité a explosé ? Heureusement, c’est faux également : les chiffres indiquent que ces déscolarisations demeurent très marginales !

Monsieur le secrétaire d’État, je pense que la véritable raison pour laquelle le nombre de bourses accordées diminue est liée à l’autocensure des parents, qui renoncent à demander une bourse en amont de l’instruction de leur dossier, et à la réaction des conseils consulaires, confrontés à des critères d’attribution restrictifs qui ne permettent pas toujours une analyse précise des besoins de chacun.

Cette hypothèse révèle une mauvaise appréhension de la réforme, dont le but était – comme l’a affirmé Mme la ministre – une meilleure répartition de l’enveloppe budgétaire, et assurément pas une diminution de celle-ci.

En outre, rappelons également l’engagement pris par le Gouvernement de parvenir à un budget global de 125 millions d’euros. Comme les rapporteurs, je crois que nous devons conserver cet objectif budgétaire si nous voulons garantir l’accès au réseau scolaire à l’étranger de tous les enfants français qui le souhaitent.

Les parents ont aujourd’hui le sentiment que la priorité donnée à la jeunesse, en général, et à l’éducation, en particulier, s’arrête aux frontières de la France ! Monsieur le secrétaire d’État, donnez-nous les moyens de les détromper !

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur Cadic, l’enveloppe dont disposent les consulats est fondée sur l’estimation des besoins que ceux-ci ont établie. Par ailleurs, il existe une enveloppe d’intervention de l’ordre de 2 % au sein de l’enveloppe dédiée à chaque campagne de bourse. Sur un budget total de 100 millions d’euros, il y a donc matière à rattraper quelques cas isolés.

Monsieur le secrétaire d’État, nous devons peut-être faire preuve de davantage de pédagogie. Vous conviendrez avec nous qu’un budget en baisse, et présenté comme tel, envoie un message négatif et suscite l’inquiétude des familles qui font le choix de scolariser leurs enfants dans un système qui appelle, il est vrai, un certain nombre de sacrifices. Il conviendrait d’expliquer en détail votre politique.

Par ailleurs, je rejoins Jean-Pierre Raffarin lorsqu’il demande davantage de visibilité. La scolarité d’un enfant, du primaire jusqu’au baccalauréat, représente un investissement de l’ordre de 100 000 euros pour une famille, ce qui n’est pas négligeable !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.

Mme Jacky Deromedi. Comme M. Cadic, je pense que vous n’êtes pas bien informé, monsieur le secrétaire d’État, sur les problèmes que rencontrent les familles françaises à l’étranger. Nombre d’entre elles sont obligées de choisir chaque année quels sont, parmi leurs enfants, ceux qui iront dans un établissement français. C’est totalement inadmissible !

Par ailleurs, vous nous avez indiqué que vous étudieriez les dossiers que nous vous ferions parvenir. Je suis ravie de vous l’entendre dire ! Toutefois, pour avoir plaidé plusieurs fois en faveur de familles se trouvant dans un tel cas de figure, je peux vous affirmer que nous n’avons jamais obtenu gain de cause !

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Kammermann, pour explication de vote.

Mme Christiane Kammermann. Nous disposons de par le monde d’un extraordinaire réseau d’écoles et de lycées magnifiques. Mais, chaque année, ces établissements augmentent très fortement leurs frais de scolarité. Ne pourrait-on mettre un frein à ces augmentations ? Certains enfants quittent nos écoles pour cette raison et - je suis au regret de devoir rejoindre mes collègues sur ce point, monsieur le secrétaire d’État - j’ai aussi connaissance de cas d’élèves ayant quitté certains de nos lycées au motif qu’ils ne pouvaient plus payer. C’est navrant !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-144.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II–191 rectifié bis, présenté par MM. del Picchia, Calvet, Cantegrit, de Nicolaÿ, César et Danesi, Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houel et Houpert, Mme Kammermann et MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, P. Leroy, Mandelli, Milon, Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le monde

dont titre 2

Diplomatie culturelle et d’influence

dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Français à l’étranger et affaires consulaires

dont titre 2

5 000 000

5 000 000

Conférence ‘Paris Climat 2015’

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Pour ne pas irriter notre assemblée – elle ne voterait pas l’amendement –, je me contenterai d’indiquer que cet amendement est défendu, puisqu’il tend à dégager 5 millions d’euros supplémentaires pour, in fine, trouver les 10 millions d’euros manquants. J’espère, mes chers collègues, que cette proposition recueillera aussi une majorité de vos voix.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je frise la schizophrénie : je viens de présenter un premier amendement tendant à dégager 5 millions d’euros et mon cœur, bien sûr, me pousse à soutenir ce second amendement, mais, rapportant au nom de la commission des finances, je me dois, à ce titre, de dire que celle-ci a émis un avis défavorable.

Cela est essentiellement dû au fait que les 5 millions d’euros supplémentaires seraient pris sur les activités de recherche à l’étranger, ainsi que sur les bourses d’excellence et les bourses de chercheurs étrangers en France.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai invoquées lors de l’examen de l’amendement précédent, mon avis sera défavorable.

Si l’on s’intéresse à l’origine des sommes, on voit que, dans le premier cas, c’était le secteur touristique qui était affecté. Or, au lendemain des attentats, nous avons plus que jamais besoin de faire la promotion de la France et d’inciter les touristes à venir y séjourner – d’autres que moi l’ont rappelé.

Ici, la somme serait prélevée sur le budget des bourses universitaires et des échanges d’expertises. De toute évidence, c’est totalement contraire à la diplomatie d’influence et de rayonnement que nous mettons en place.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Il n’y a pas que l’activité de recherche, mes chers collègues ! Il y a aussi, et c’est important, le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », avec l’action n° 2, Accès des élèves français au réseau AEFE ! Il y a les deux, monsieur le secrétaire d’État !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-191 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 48 A ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 48 A, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

II. - AUTRES MESURES

Action extérieure de l’État

(Intitulé nouveau)

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article additionnel après l'article 48 A (début)

Article 48 A (nouveau)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant un bilan de l’utilisation du mécanisme d’achat à terme de devises utilisé depuis 2006 et un bilan du recours à la réserve de précaution pour couvrir les risques de change auxquels sont exposés les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». Ce rapport examine également l’opportunité d’introduire un mécanisme budgétaire automatique et pérenne de couverture de ces risques de change. – (Adopté.)

Article 48 A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article additionnel après l'article 48 A (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 48 A

Mme la présidente. L'amendement n° II-260 rectifié ter, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :

Après l’article 48 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements scolaires établis à l’étranger, homologués par l’éducation nationale et accueillant du personnel détaché direct par l’éducation nationale, paient annuellement à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger une redevance de :

1° Deux mille euros par détaché direct s’il y a moins de 2,5 détachés directs pour 100 élèves inscrits dans le cursus homologué, ou si le cursus a moins de 30 élèves et un maximum d’un détaché ;

2° Quatre mille euros par détaché direct s’il y a plus de 2,5 détachés pour 100 élèves dans le cursus homologué.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Notre collègue Christophe-André Frassa a évoqué le modèle économique de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger : oui, depuis 2010, l’AEFE avance avec des semelles de plomb !

Voici pourquoi : lorsqu’elle recrute un titulaire de l’éducation nationale, l’AEFE doit payer les pensions civiles à hauteur de 78 % environ de la rémunération versée ; cette règle ne s’applique pas aux personnes détachées de l’éducation nationale qui sont directement envoyées vers un établissement strictement homologué.

Si l’on calcule ce que ce surcoût représente pour les plus de 2 100 détachés directs de l’éducation nationale auprès des établissements homologués, c’est une somme de l’ordre de 50 millions d’euros que l’AEFE devrait payer au titre des pensions civiles si ces personnels avaient été détachés auprès d’elle.

La situation est donc très paradoxale. L’établissement public est désavantagé, dans son fonctionnement, dans sa comptabilité, dans ses coûts, dans ses résultats financiers, par rapport aux établissements strictement homologués, ce qui cause de nombreuses difficultés au réseau, comme l’illustre l’exemple de l’établissement de Mexico.

Je ne prétends pas trouver la solution idéale pour supprimer ce décalage, mais il me semble important d’ouvrir le débat.

Tenant compte des difficultés de financement de l’AEFE et du fait que les établissements homologués bénéficient d’une subvention indirecte de l’État dès lors qu’ils sont dispensés du paiement des pensions civiles, pour un montant somme toute important, je propose que ces établissements versent à l’AEFE une redevance de 2 000 euros par détaché direct de l’éducation nationale.

Ainsi, l’Agence disposerait d’un petit financement supplémentaire et on limiterait le décalage existant entre les deux catégories de détachés de l’éducation nationale : ceux qui sont directement accueillis dans les établissements homologués et ceux qui intègrent le réseau des établissements à l’étranger via l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

À nouveau, je n’entends pas résoudre l’ensemble du problème avec cet amendement, mais il me semble important de mettre en lumière un décalage qui date de 2009 et qui ne fait qu’aggraver les difficultés de l’AEFE. Ma proposition peut constituer une solution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur spécial. Cet amendement aborde un problème réel, celui des pensions civiles des personnels de l’éducation nationale envoyés dans les établissements homologués. En effet, ces pensions ne sont pas prises en charge, alors qu’elles le sont par l’AEFE, dans le cadre du compte d’affectation spéciale « Pensions », quand les personnels sont accueillis dans des établissements en gestion directe.

Toutefois, monsieur Leconte, la commission des finances vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, qui mérite d’être retravaillé. D’une part, l’absence de lien entre le personnel de l’éducation nationale détaché et les établissements homologués soulève un problème de cohérence juridique. D’autre part, nous craignons qu’une telle disposition ne déstabilise le modèle financier, entraînant une augmentation significative des écolages.

C’est donc pour retravailler votre proposition que nous vous invitons à retirer cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Avant d’expliciter la position du Gouvernement sur cet amendement, je tiens à remercier tous les groupes qui ont indiqué qu’ils votaient ces crédits.

Le Gouvernement comprend et partage l’objectif de l’auteur de cet amendement n° II-260 rectifié ter. Il s’agit de mobiliser des ressources complémentaires au bénéfice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, ce qui, in fine, contribuerait à renforcer notre réseau d’établissements.

Toutefois, le dispositif tel qu’il est proposé pose un certain nombre de difficultés de mise en œuvre.

D’abord, il n’existe pas de lien juridique entre l’Agence et les établissements partenaires homologués par l’éducation nationale. Les accords de partenariat conclus avec les établissements homologués reposent sur une participation financière de ces derniers, en regard de prestations de service fournies par l’opérateur.

Ensuite, les détachements directs des personnels titulaires ne relèvent pas de l’Agence ; ils sont du ressort direct du ministère de l’éducation nationale.

Enfin, une telle mesure pourrait mettre en péril l’équilibre financier des établissements concernés ou entraîner une hausse des frais de scolarité, ce que le Gouvernement ne souhaite pas plus que vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Leconte, l'amendement n° II-260 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Je vais retirer cet amendement, madame la présidente, tout en soulignant qu’il n’est pas envisageable de laisser la situation actuelle perdurer. On ne peut pas laisser l’AEFE marcher avec des semelles de plomb !

Pour chaque détaché direct de l’éducation nationale, c’est une subvention indirecte d’environ 20 000 euros par an que l’État verse à un établissement entièrement privé. La redevance que je propose ne représentait que 10 % de ce montant.

Je comprends bien qu’il faut avancer progressivement. Mais c’est le signal qui compte, et le bon signal serait de mettre un terme à ce qui se pratique depuis 2010 : on favorise systématiquement les établissements privés – je les salue ; ce sont des initiatives intéressantes, répondant à des besoins précis –, tout en handicapant l’opérateur public.

C’est pourquoi il faut réduire ce décalage et traiter le cas de cette subvention aux établissements privés qui, pour être cachée, n’en est pas moins bien réelle.

Nous devons continuer à travailler sur la question. La situation ne peut pas rester en l’état, car, comme l’a souligné M. Christophe-André Frassa, c’est le modèle économique de l’Agence qui est déstabilisé. J’incite donc le Gouvernement à trouver une solution, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. (M. André Gattolin applaudit.)

Pour l’heure, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° II-260 rectifié ter est retiré.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Article additionnel après l'article 48 A (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

Article additionnel après l'article 48 A (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Pouvoirs publics

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits des différentes missions.

Pouvoirs publics

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Conseil et contrôle de l'État

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, rapporteur spécial. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en vertu du principe d’autonomie financière des pouvoirs publics, nous regroupons dans cette mission les crédits dédiés aux différents pouvoirs publics constitutionnels.

Les montants associés à cette mission paraissent modestes et représentent une part mineure du budget général de l’État. Toutefois, les institutions qui en relèvent se doivent d’être exemplaires, en particulier dans un contexte où d’importants efforts d’économie sont demandés à l’ensemble des administrations. À cet égard, l’évolution des crédits sollicités par ces institutions démontre leur volonté de participer pleinement à l’effort de redressement des comptes publics.

Pour l’exercice 2016, ces dotations s’élèvent à près de 987 millions d’euros, enregistrant un léger recul par rapport à 2015, après plusieurs années de baisse significative.

Cette évolution recouvre, comme nous allons le voir, une stabilisation des dotations de l’État à la Présidence de la République, aux assemblées parlementaires et à la Cour de justice de la République, ainsi qu’une diminution des crédits du Conseil constitutionnel.

S’agissant de la Présidence de la République, tout d’abord, la dotation demandée est maintenue à 100 millions d’euros. La baisse constatée a été permise par les efforts réalisés sur les dépenses de la Présidence de la République, dont les charges de personnel ou de déplacements sont en nette diminution.

Les dotations versées à l’Assemblée nationale et au Sénat sont de nouveau « gelées ». Ainsi, les crédits dédiés aux assemblées s’élèveront à 841,5 millions d’euros. La stabilisation en euros courants des dotations des deux chambres est associée à la réalisation d’efforts en dépenses, notamment afin d’absorber la hausse tendancielle de leurs charges.

Si la dotation de l’État à l’Assemblée nationale demeure à son niveau de 2015, soit 517,9 millions d’euros, ses dépenses reculeraient de 0,04 %. Cette évolution résulterait, en particulier, d’une nette diminution des dépenses de fonctionnement, d’environ 1 million d’euros.

La dotation de l’État au Sénat au titre de l’exercice 2016 demeure également à son niveau de 2015, soit 323,6 millions d’euros. Le Sénat poursuit donc les efforts engagés depuis 2008. Au total, si la dotation de l’État reste stable entre 2015 et 2016, les dépenses du Sénat connaîtraient une baisse substantielle entre ces deux années, marquant un recul de 2,3 %.

Cette baisse est plus prononcée encore si l’on considère isolément les dépenses inhérentes à la mission institutionnelle de la Haute Assemblée, puisque celles-ci diminueraient de 7,6 millions d’euros. Cette évolution découle de la « pause » marquée dans les opérations sur les bâtiments, après la réception de deux opérations de restructuration immobilière en 2015, mais aussi des efforts de gestion réalisés par le Sénat. En particulier, il apparaît que les crédits relatifs à certaines indemnités reculent, tout comme les dépenses de traitement des personnels.

Comme l’Assemblée nationale, le Sénat équilibrerait son budget 2015 par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d’un montant de 4 millions d’euros.

Pour ce qui est de La Chaîne parlementaire, le projet de budget pour 2016 LCP Assemblée nationale prévoit une dotation d’environ 16,6 millions d’euros, identique à celle de 2015. La dotation demandée par Public Sénat pour 2016 est, pour la première fois, stabilisée, à 18,8 millions d’euros.

Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, en cours de finalisation, devrait consacrer cette nouvelle trajectoire financière de la chaîne, fondée sur la stabilisation de ses crédits, après plusieurs années de hausse.

Pour la septième année consécutive, la dotation demandée par le Conseil constitutionnel est en baisse. Elle recule de 2,6 % par rapport à 2015, pour atteindre 9,9 millions d’euros. En sept ans, le budget du Conseil constitutionnel aura reculé de 20,4 %, et ce alors même que la réforme constitutionnelle de 2008, après l’institution de la question prioritaire de constitutionnalité, a conduit à une forte hausse de l’activité de la juridiction.

J’en viens, pour finir, à la Cour de justice de la République. À titre de rappel, conformément à l’article 68-1 de la Constitution, la Cour est compétente pour juger les membres du Gouvernement au titre des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Son budget prévisionnel s’élève à 861 500 euros, soit un niveau identique à celui qui était prévu en 2015.

En conclusion, la commission des finances vous propose l’adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a excellemment dit Mme Michèle André, aucune des institutions qui relèvent de la mission « Pouvoirs publics » ne voit ses crédits augmenter. Monsieur le secrétaire d'État, il faut y voir un signe de rigueur dans leur gestion qu’il convient de souligner.

S’agissant de la Présidence de la République, je le confirme, un effort de rationalisation sans précédent a été fait : les effectifs ont été réduits de 7,7 % en quatre ans et sa dotation ne dépasse pas la barre symbolique des 100 millions d’euros.

J’ai bien lu le rapport de la Cour des comptes, qui préconise de veiller à contenir la progression des heures supplémentaires. J’observe toutefois que, concomitamment à la réduction des effectifs de 7 %, l’activité de la Présidence de la République a augmenté de 30 %. Alors, à l’impossible nul n’est tenu !

Les crédits dévolus aux déplacements ont été réduits, rationalisés. En outre, seules quatre personnes disposent désormais d’un véhicule affecté en propre. Par ailleurs, treize voitures électriques ont été achetées. Tout cela est donc très bien géré.

Toutefois, la vérité oblige à dire qu’il ne sera pas possible de maintenir cet effort de réduction des dépenses à ce niveau, en particulier en raison des contraintes de sécurité. Ainsi, un important travail de sécurisation des systèmes d’information de la Présidence de la République est en cours, ce qui me paraît absolument nécessaire.

Pour conclure, je dirai quelques mots du Conseil constitutionnel, pour souligner, à la suite de Mme André, que le montant des crédits qui lui sont affectés diminue pour la septième année consécutive, alors que sa charge de travail s’est beaucoup accrue à la suite de l’introduction dans notre droit de la question prioritaire de constitutionnalité.

Aussi, dans le temps qui me reste, et qui est très réduit, permettez-moi d’adresser mes sincères félicitations à Jean-Louis Debré, son président, et à tous les membres du Conseil constitutionnel pour cet effort très remarquable dans la gestion de cette haute institution. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Raison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Raison. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, les crédits regroupés au sein de la mission « Pouvoirs publics » se caractérisent à la fois par leur singularité et par leur sensibilité. Ils ont une autre caractéristique aujourd’hui : ils sont examinés à l’heure du déjeuner… (Sourires.)

Mais commençons par leur singularité.

Nous sommes forcément interpellés tout d’abord par la nature des institutions destinataires de ces crédits et les spécificités qui en découlent.

Il s’agit de la Présidence de la République, des assemblées parlementaires, des chaînes parlementaires, du Conseil constitutionnel, de la Haute Cour et de la Cour de justice de la République.

Nul programme, nulle politique publique prédéfinie, nulle exigence de performance : chacune de ces institutions est responsable de la fixation comme de l’exécution des crédits que nous allons examiner, particularité notable qui se justifie par le principe de la séparation des pouvoirs.

Preuve du caractère impérieux de ce principe, s’il en fallait encore une, souvenons-nous de la censure, par le Conseil constitutionnel, de l’article du projet de loi de finances rectificative pour 2012 qui diminuait la rémunération du Président de la République, censure prononcée en vertu de la séparation des pouvoirs. C’est d’ailleurs ce qui a permis au Président de ne pas tenir sa promesse…

Le respect de ce principe fondateur nous amène à la seconde spécificité de cette mission, sa sensibilité, qui impose un traitement particulier de ses budgets.

« Plus que jamais, les citoyens exigent l’exemplarité dans l’utilisation des deniers publics », peut-on lire dans l’avis rendu par notre excellent rapporteur pour avis, Jean-Pierre Sueur.

C’est en effet plus que jamais une évidence. Notre sérieux et notre transparence en matière budgétaire contribuent incontestablement à éviter que l’image des politiques ne se détériore : cumul des mandats, conflits d’intérêts, frasques judiciaires ont créé un climat de confusion et de doute dans l’opinion publique. Nous ne pouvons nous en satisfaire et encore moins nous y accoutumer.

Ainsi, le premier remède aux suspicions réside dans le partage de l’effort budgétaire. Il est réel, comme en témoignent ceux qu’ont réalisés les institutions suivantes.

Ainsi, depuis sept ans, les crédits de la Présidence de la République font l’objet d’un effort de rationalisation très important au point que ceux qui sont demandés pour 2016 – 100 millions d’euros – sont d’un montant identique à celui de 2015, démontrant certainement les limites de l’effort d’économie.

En effet, entre 2012 et 2016, les dépenses de la Présidence n’auront finalement baissé que de 1,05 %, ce qui vient relativiser les rodomontades du Gouvernement. Si je compare ces efforts à ceux qui ont été demandés aux collectivités territoriales, c’est même assez faible.

Mme Michèle André, rapporteur spécial. Ce ne sont pas les mêmes masses budgétaires !

M. Michel Raison. S’agissant du Conseil constitutionnel, je souhaite, à la suite de Jean-Pierre Sueur, saluer la gestion exemplaire conduite par son président, Jean-Louis Debré, dont le mandat prend fin en 2016. Les crédits alloués sont pour la septième année consécutive en diminution, soit une réduction globale d’environ 20 %. La dotation est en constante diminution, et ce alors même que l’activité de l’institution a triplé depuis la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité, en 2010.

Redonner confiance aux Français par un effort de transparence des institutions, c’est primordial. Toutefois, la transparence qui est demandée aux élus ne doit pas conduire à leur mise à nu en place publique !

C’est en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, que, pour la première fois, la Cour des comptes décortique le budget de l’Élysée. Permettez-moi à cet égard de citer Philippe Séguin, alors Premier président, dont les propos explicitent parfaitement l’engagement du chef de l’État dans ce processus de transparence : « Le budget de la Présidence ne constitue pas un enjeu financier important, mais il est évidemment hautement symbolique et donc propice, en l’absence de vérifications portées à la connaissance du public, à toutes sortes de supputations, pour ne pas dire de fantasmes. Il était donc souhaitable que nous puissions le contrôler et informer le citoyen de l’emploi des crédits que la République attribue au chef de l’État pour l’accomplissement de sa mission. »

Concernant l’Assemblée nationale et le Sénat, c’est respectivement depuis 1994 et 2002 que ces assemblées rendent publics les rapports annuels de leur commission spéciale chargée de la vérification des comptes. Saluons, là aussi, cette volonté de lever le voile de l’opacité, volonté qui, une nouvelle fois, est loin d’être le seul fait de l’actuelle majorité.

C’est que la gauche aime à s’attribuer le monopole de la virginité…

Un mot enfin, naturellement, sur la stabilisation des dépenses du Sénat, qui poursuit ses efforts depuis 2008 grâce à son président, Gérard Larcher – et grâce également à ceux de Jean-Pierre Bel, qui lui avait succédé entre 2011 et 2014. Le montant de la dotation de l’État au titre de l’exercice 2016 demeurera ainsi à un niveau identique à celui de l’année précédente.

Je pense sincèrement que ces différentes institutions disposent encore d’une marge de manœuvre, dans le détail de laquelle je n’entrerai pas ici.

Conscient et soucieux des efforts d’économie mis en œuvre depuis maintenant plusieurs années, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». Ces efforts doivent être poursuivis et amplifiés, sur le modèle de ce qui est demandé aux collectivités locales, mais aussi aux Français, qui sont nombreux à souffrir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au nom du groupe de l'UDI-UC, je veux exprimer ma satisfaction de voir les budgets dédiés à la Présidence de la République et aux deux assemblées parlementaires stagner au même niveau que l’an passé. Cela montre bien les rigoureux efforts de gestion entrepris par ces trois institutions.

S’agissant de l’Assemblée nationale et du Sénat, je souligne la réduction, dans l’une et l’autre de ces chambres, des indemnités versées aux parlementaires. Cela signifie que ces derniers montrent l’exemple et prennent leur part dans l’effort qu’ils demandent, à travers les différents amendements déposés sur ce projet de loi de finances, à l’ensemble des services de l’État.

En ce qui concerne le Sénat, je formulerai une observation au sujet du jardin du Luxembourg.

Ce jardin est aujourd’hui intégralement à la charge de la Haute Assemblée et sans doute conviendrait-il d’étudier une possible mutualisation avec les services de la Ville de Paris. À cet égard, j’apprécie que mission ait été confiée à Éric Doligé de comparer les coûts de gestion du jardin du Luxembourg et des jardins de la Ville de Paris.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Le jardin du Luxembourg accueille chaque année 4 millions de visiteurs !

M. Michel Canevet. Et, si j’en juge par ce que l’on a pu me dire à son sujet, il est très apprécié ! Il est à la fois bien entretenu et particulièrement accueillant, contribuant en cela à valoriser le Sénat.

Je voudrais aussi dire quelques mots des chaînes parlementaires.

Notre collègue André Gattolin, dans l’excellent rapport qu’il a consacré à l’audiovisuel public, formule des propositions très pertinentes et empreintes de bon sens, dont je souhaite que la ministre de la culture s’inspire. Si elles étaient mises en œuvre, elles contribueraient sans doute à assurer l’avenir de l’audiovisuel public, qui est en grande difficulté budgétaire.

Madame la présidente de la commission des finances, nous pourrions également demander à notre collègue André Gattolin d’étudier de quelle manière il serait possible de mutualiser autant que possible entre les deux chaînes parlementaires de façon à élargir au maximum leur audience tout en faisant en sorte, en termes de gestion, que les moyens consacrés soient plus opérationnels en la circonstance.

Je voudrais également souligner, à l’instar des orateurs précédents, les efforts de gestion qui ont été réalisés de façon régulière par le Conseil constitutionnel, puisque les dépenses budgétaires ont diminué de 20 % depuis sept ans. Ce résultat remarquable est à mettre à l’actif du président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, que je félicite personnellement, au nom du groupe UDI-UC.

Je conclurai mon propos en évoquant la Cour de justice de la République. Dans le budget dédié à cette institution, les loyers représentent 453 000 euros, sur un total d’un peu plus de 850 000 euros. Cette proportion me semble tout à fait anormale et des correctifs devraient y être apportés.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe de l’UDI-UC approuvera les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les temps changent. La sensibilité de nos concitoyens à l’utilisation de l’argent public, y compris par des pouvoirs jouissant de l’autonomie financière, se fait de plus en plus vive. Dans la période d’attrition économique et sociale que nous connaissons, on ne peut bien sûr que le comprendre et même s’en féliciter.

Le Sénat, en particulier, a fait et fait toujours l’objet de rumeurs, de fantasmes, de critiques sur les avantages en nature et les intérêts pécuniaires, réels ou supposés, des uns et des autres. Ce qui choque est d’ailleurs sans doute moins l’impression d’opulence qui peut parfois se dégager des fastes du Sénat, que la relative opacité de sa gestion. Il faut le reconnaître et le souligner, d’importants progrès ont été réalisés.

Même si elle ne dit par définition rien de l’utilisation des moyens à disposition du Sénat, la certification de la Cour des comptes apporte un surcroît de garanties quant à la régularité des états financiers. Les comptes des groupes politiques, jusqu’alors totalement secrets, seront bientôt soumis à certification. La publication des subventions au titre de la réserve parlementaire, qui ne relève pas de cette mission, marque également un progrès en matière de transparence.

Il n’en reste pas moins que la confidentialité feutrée qui continue d’entourer le budget du Sénat alimente l’idée que nous aurions, mes chers collègues, quelque chose à cacher. Je veux croire, évidemment, qu’il n’en est rien et que tout le monde gagnerait à ce que nous modernisions les modalités de validation de notre budget. Cette validation pourrait tout simplement prendre la forme d’un débat et d’un vote, en séance publique, sur le projet de budget de la questure, après son examen par la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

À l’heure où le Sénat contrôle désormais la présence et l’activité de ses parlementaires, il semblerait légitime que les sénatrices et les sénateurs puissent contrôler et approuver directement le budget de leur assemblée. À travers ce vote, ce serait l’ensemble de nos concitoyens qui se verraient mieux éclairés sur l’utilisation des fonds publics.

Pour terminer, mes chers collègues, j’aimerais évoquer une spécificité du fonctionnement du Conseil constitutionnel, dont tout le monde a salué les importants efforts en matière budgétaire, spécificité a priori sans incidences budgétaires, quoique...

Je veux parler de la nomination de droit, et à vie, des anciens présidents de la République. Cette disposition s’apparentant quelque peu à une réminiscence de l’Ancien Régime, elle semble davantage fondée par la volonté, que l’on peut par ailleurs partager, de donner aux anciens présidents un statut que par la réelle ambition de composer un Conseil équilibré et efficace.

Puisque des révisions constitutionnelles sont à l’étude, voilà une disposition dont la suppression pourrait, à mon sens, utilement contribuer au toilettage de notre fonctionnement démocratique et républicain. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’efficacité et l’effort financier sont les maîtres mots de cette mission dont nous allons voter les crédits à l’unanimité. Et, pour ajouter une note un peu plus personnelle, parce que le vote de ces crédits s’inscrit dans une bonne dynamique, nous ne devrions pas accepter d’être pris pour des galeux, des voleurs, par une opinion publique qui ne cesse de taper sur les assemblées, quelles qu’elles soient. Nous devrions faire preuve d’un fort esprit de résistance dans ce domaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je dirai deux mots, l’un sur la Présidence de la République, l’autre sur le Sénat.

S’agissant de la Présidence de la République, je ne ferai que reprendre les propos de Mme la rapporteur spécial et de M. le rapporteur pour avis, en soulignant de nouveau la baisse sensible des crédits assortie d’une diminution du nombre d’emplois et en mentionnant que le Président de la République, après avoir annoncé une baisse des crédits de la Présidence de la République, pour être exemplaire, tient parole : il est exemplaire !

Pour ce qui est du Sénat, j’endosse un instant les habits du questeur que j’ai été pour formuler quelques observations.

Ma première observation porte sur les crédits du Sénat, qui sont maintenus en euros courants. Cette évolution a été initiée par Gérard Larcher, développée ensuite par Jean-Pierre Bel et reprise de nouveau aujourd’hui par Gérard Larcher. C’est une bonne chose : nous pouvons maîtriser nos dépenses, sans pour autant porter atteinte à notre indépendance ou même à nos conditions matérielles de travail. Cela étant, à mon sens, il nous reste encore des marges de manœuvre en la matière.

Je m’attarderai plus spécifiquement sur une remarque qui nous a fortement déplu, que nous devons au rapporteur de l’Assemblée nationale. Il s’en est pris au Sénat en invoquant d’énormes dépenses en faveur du Jardin du Luxembourg. De telles allégations sont fausses.

C’est oublier, tout d’abord, que ces dépenses vont baisser cette année, ensuite, que le Jardin du Luxembourg appartient au patrimoine national et accueille chaque année près de 4 millions de visiteurs, dans des conditions de sécurité et d’agrément remarquables, grâce à nos agents. Et nous contribuons à cette sécurité et à cet agrément sur notre budget !

J’ajoute que les allées du jardin font le bonheur non seulement des Parisiens, mais aussi d’un nombre considérable de touristes étrangers, dont un couple tout à fait prestigieux : je pense, bien sûr, à Barack Obama et à son épouse, qui ont brandi récemment un selfie pris dans le Luxembourg.

M. Loïc Hervé. Quelle référence ! (Sourires.)

M. Alain Anziani. Et le Luxembourg n’est pas qu’un jardin ; c’est aussi un patrimoine architectural considérable, avec notamment des monuments datant du XVIIsiècle, comme la Fontaine Médicis, tout à fait exceptionnelle. Je citerai également le Jardin botanique, avec des collections tout aussi exceptionnelles, datant du XIXsiècle, sans oublier le rucher école.

Ne regardons pas les choses par le petit bout de la lorgnette en disant que tout cela coûte cher, alors qu’il s’agit d’un vrai service public offert à nos concitoyens. Mais je me propose d’inviter M. Le Fur à se promener avec moi dans le Jardin du Luxembourg ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Delebarre. Très belle plaidoirie !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de cette discussion, permettez-moi de saluer la qualité des débats qui ont eu lieu au sein de la commission des finances et de la commission des lois.

Je voudrais ici rendre un hommage appuyé au travail accompli par Mme la présidente de la commission des finances et rapporteur spécial, Michèle André, et par M. le rapporteur pour avis, Jean-Pierre Sueur. Je tiens à leur adresser mes remerciements, ainsi qu’à l’ensemble des sénateurs qui viennent de s’exprimer au cours de la discussion.

En vertu de la séparation des pouvoirs, les institutions dont les crédits figurent dans la mission « Pouvoirs publics » jouissent d’une totale autonomie financière. Elles ne font l’objet d’aucun programme budgétaire, et aucun projet annuel de performances ne les contraint.

Toutefois, pour être autonomes, ces institutions n’en sont pas moins économes. Malgré leur statut particulier, elles prendront en 2016, comme elles l’auront fait en 2015, toute leur part dans l’effort visant à redresser les comptes de l’État et à renforcer la transparence de la gestion des fonds publics. Il était parfaitement naturel que plusieurs d’entre vous soulignent ce point, alors qu’un certain populisme remet en cause ces institutions et leur fonctionnement.

Les deux commissions compétentes l’ont d’ailleurs observé, émettant en conséquence un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Aussi reviendrai-je brièvement sur les efforts d’économie qui ont été réalisés, d’abord dans l’utilisation de la dotation la Présidence de la République. En effet, depuis l’élection de François Hollande, le budget de l’Élysée a diminué de 17 millions d’euros. Il s’agit là d’un effort sans précédent, qui a permis d’atteindre l’objectif de réduction du budget à 100 millions d’euros dès 2015, soit deux ans avant la date initialement prévue.

Cette rationalisation des dépenses de la Présidence de la République a été possible grâce à une maîtrise rigoureuse des charges de fonctionnement, qui baisseront de nouveau de 0,4 % cette année. La stricte application des règles de la commande publique, le meilleur encadrement des déplacements présidentiels, dont le coût a diminué de près de 10,5 % en 2015, et l’abandon réfléchi de certaines dépenses, sont autant de moyens mis au service d’une gestion exemplaire et transparente.

Je constate que ce souci d’une gestion exemplaire de l’argent public est partagé par les assemblées parlementaires, comme en témoigne la stabilité, depuis 2013, de leurs dotations, qui avaient auparavant connu une substantielle diminution.

Il n’appartient certes pas au secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement d’émettre une quelconque appréciation sur le budget des assemblées. Je tiens toutefois à saluer les efforts d’économie et de transparence qui ont été engagés, par le Sénat et l’Assemblée nationale, depuis plusieurs années.

La dotation du Conseil constitutionnel connaîtra, quant à elle en 2016, et pour la septième année consécutive, une diminution importante, à hauteur de 2,65 %. Cet effort est tout à fait exceptionnel, comme l’ont souligné différents orateurs. La baisse cumulée de plus de 20 % en sept ans est d’autant plus remarquable que l’activité de cette institution a triplé, vous le savez, depuis la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité, en 2010.

Ce résultat n’aurait pas pu être atteint sans les économies réalisées sous le mandat du président Jean-Louis Debré, tant en investissement qu’en fonctionnement, comme le soulignent justement Mme la rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis.

Je constate avec satisfaction que ces importantes économies n’ont pas eu d’effet négatif sur l’activité du Conseil constitutionnel, qui a maintenu un délai de « jugement » des questions prioritaires de constitutionnalité bien inférieur aux trois mois fixés par la loi organique de 2009.

Enfin, la mission « Pouvoirs publics » porte également les crédits de la Cour de justice de la République, dont les dépenses sont « parfaitement maîtrisées », pour reprendre les mots du rapporteur pour avis de la commission des lois.

Ainsi se présentent, brossés à grands traits, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Pouvoirs publics », que le Gouvernement vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Pouvoirs publics

987 745 724

987 745 724

Présidence de la République

100 000 000

100 000 000

Assemblée nationale

517 890 000

517 890 000

Sénat

323 584 600

323 584 600

La Chaîne parlementaire

35 489 162

35 489 162

Indemnités des représentants français au Parlement européen

0

0

Conseil constitutionnel

9 920 462

9 920 462

Haute Cour

0

0

Cour de justice de la République

861 500

861 500

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Je constate que ces crédits ont été adoptés à l’unanimité des présents.

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)

PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des crédits des différentes missions.

Conseil et contrôle de l’État

Pouvoirs publics
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Politique des territoires - Compte d'affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, je constate que l’auditoire est particulièrement nombreux, mais c’est sans doute moins pour la mission « Conseil et contrôle de l’État » que pour celle qui suit, « Politique des territoires »… (Sourires.)

La mission « Conseil et contrôle de l’État » comporte quatre programmes, de poids très inégaux : si la justice administrative représente 386,9 millions d’euros, les crédits du Haut Conseil des finances publiques s’élèvent, eux, à 620 000 euros.

Cette mission se caractérise également par une prépondérance des frais de personnel. Ces derniers représentent à eux seuls 85 % des 639,2 millions d’euros qui y sont affectés à cette mission. Cela étant, hors dépenses de personnel, le budget de la mission est en repli de 1,2 % par rapport à 2015.

Le programme 165, « Conseil d’État et autres juridictions administratives », bénéficiera, comme en 2015, de 35 équivalents temps plein supplémentaires, principalement en faveur des tribunaux administratifs et du traitement du contentieux de l’asile.

Cette politique de création d’emplois se poursuit dans un contexte de progression continue des entrées : sur l’année 2014, l’augmentation s’établit à 11 % pour les tribunaux administratifs, à 3,4 % pour les cours administratives d’appel, à 26 % pour le Conseil d’État et à 7,5 % pour la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

J’ajoute que cette tendance à la hausse du contentieux devrait se poursuivre en 2016, avec la mise en place de plusieurs réformes dont il n’est pas encore possible d’évaluer l’impact budgétaire. Réforme du droit d’asile, réforme du droit des étrangers, projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, autant d’exemples prouvant que les juridictions auront besoin de s’organiser pour faire face à de nouvelles missions.

L’année 2016 sera également particulière pour la CNDA. Cette instance devra face à un double défi : d’une part, l’adaptation de son organisation à la réforme du droit d’asile, qui impose de nouveaux délais de jugement ; d’autre part, un « déstockage » des dossiers en instance à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, qui pourrait entraîner une augmentation sensible des recours. Dans ce contexte, la CNDA devrait malheureusement connaître une dégradation de son délai de jugement.

Quant au Conseil économique, social et environnemental, le CESE, il voit sa démarche volontariste d’économies et de valorisation du patrimoine se traduire par l’abaissement de son plafond d’emplois et par le développement de ressources propres – notamment la location de ses locaux - estimées à 1,7 million d’euros pour 2016.

Par ailleurs, dans la perspective de son renouvellement, qui vient d’avoir lieu, le CESE a adopté des mesures visant à préserver l’équilibre de sa caisse de retraite au-delà de 2020.

Enfin, à propos du programme 164, « Cour des comptes et autres juridictions financières », il faut noter que la réforme des juridictions financières, engagée en 2012, a été menée à son terme. Son coût total a été réévalué à la baisse, pour être fixé à 6,15 millions d’euros pour la période 2012-2016, et le coût de cette réforme pour 2016 est très faible : 120 000 euros.

Toutefois, la restructuration des chambres régionales des comptes se poursuit, dans le cadre fixé par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions. Ce texte impose la réduction du nombre des chambres régionales des comptes métropolitaines, qui passe de 15 à 13. Ainsi, leur ressort correspondra à celui des nouvelles régions.

Le financement de cette réforme n’est pas inclus dans le projet de loi de finances pour 2016. Or, à l’instar de celle qui l’a précédée, cette réforme impliquera de nouvelles dépenses, que l’on peut estimer à 4 millions d’euros de crédits de paiement pour 2016. Au demeurant, le décret d’avance notifié le 18 novembre dernier a déjà ouvert 5,4 millions d’euros en autorisations d’engagement. Il permet ainsi l’installation du nouveau siège de la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon à Montpellier, à partir du 1er janvier 2016.

Par ailleurs, le champ de compétences des juridictions financières devrait s’étendre, notamment avec l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales. À ce titre, on peut également évoquer les missions portant sur les établissements médico-sociaux et sur les établissements privés de santé.

Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous nous préciser les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation ?

Enfin, je relève que le programme 340, « Haut Conseil des finances publiques », voit son budget, déjà extrêmement modeste, réajusté à la baisse : il est porté de 820 000 euros à 620 000 euros.

En conclusion, et sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission. (MM. Charles Revet et André Gattolin applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les juridictions administratives et les juridictions financières. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2016 pour les juridictions administratives à travers le programme 165, et pour les juridictions financières à travers le programme 164, présentent une certaine stabilité permettant à ces juridictions de bénéficier de conditions relativement favorables pour l’exercice de leurs missions.

C’est pourquoi la commission des lois a émis, sur ces crédits, un avis favorable.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à aborder succinctement trois sujets.

J’évoquerai tout d’abord la maquette de performance du programme 165, « Conseil d’État et autres juridictions administratives ».

Depuis le projet de loi de finances pour 2015, l’indicateur « délai moyen constaté pour les affaires ordinaires », qui permettait de mesurer le délai de règlement des affaires ordinaires, c’est-à-dire hors procédures d’urgence et procédures particulières, a été supprimé.

Dès lors, le fait de communiquer sur un délai de jugement inférieur à un a, en se fondant sur l’indicateur « délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock », c’est-à-dire tous types d’affaires confondus, risque d’induire le justiciable en erreur : les délais observés pour le traitement des affaires ordinaires, par exemple le contentieux des marchés publics ou de l’urbanisme, sont sensiblement plus élevés.

Pour quelles raisons a-t-on supprimé l’indicateur « délai moyen constaté pour les affaires ordinaires », qui nous paraissait tout à fait pertinent ? En quoi cette suppression apporte-t-elle une « simplification budgétaire », comme on a pu l’affirmer l’an dernier ?

Je m’interroge ensuite sur la situation de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA. Les moyens qui lui seront consacrés en 2016 lui permettront-ils de faire face à l’accélération attendue de son activité, découlant non seulement de la politique de déstockage des dossiers en instance mise en œuvre par l’OFPRA, mais aussi de la politique d’attribution du statut de réfugié ? La CNDA pourra-t-elle tenir les délais de jugement imposés par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile ?

En vertu de ce texte, la CNDA s’est vu fixer un délai de cinq mois à compter de sa saisine lorsqu’elle statue en formation collégiale, et un délai de cinq semaines lorsqu’elle statue à juge unique. Or, pour 2015, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock à la CNDA s’est établi à six mois, et la prévision pour 2016 est plus proche de sept mois.

Enfin, j’aborderai la question des formations interjuridictions mises en place au sein des juridictions financières.

J’attire votre attention sur la nécessité de faire preuve de prudence dans l’utilisation de cet outil. En effet, dans un contexte de restructuration de la carte des juridictions financières, et compte tenu du contexte budgétaire contraint, les effectifs ont été calculés au plus juste des besoins des juridictions, au regard de leur programme de contrôle.

Il ne faudrait pas que ces formations communes se développent au détriment des missions de contrôle organique des chambres régionales et territoriales des comptes.

Le principe doit demeurer celui de juridictions autonomes, assurant librement la programmation et la conduite de leurs travaux.

Tels sont les points sur lesquels je souhaitais attirer l’attention du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État », mission importante, ne consomme pas beaucoup de crédits. Elle représente, en tout, un peu moins de 640 millions d’euros. Les membres du groupe UDI-UC tiennent à saluer l’évolution modérée de ce budget, qui ne croît que de 0,4 % par rapport à l’année 2015.

Cette augmentation s’explique par diverses créations de postes, qui, à mon sens, sont justifiées. Parallèlement, les dépenses de fonctionnement diminuent globalement de 1,2 %. Cette évolution va dans le sens souhaité par les élus du groupe UDI-UC, celui d’une bonne maîtrise des dépenses de l’État.

J’en viens, très concrètement, aux différents volets de cette mission.

Le Haut Conseil des finances publiques a été créé assez récemment. Les moyens dont il est doté sont extrêmement modestes, au point que l’on se demande s’ils suffisent pour analyser de manière suffisamment large, mais suffisamment précise aussi les propositions budgétaires formulées par le Gouvernement. Pour l’heure, nous avons pu nous satisfaire des avis du Haut Conseil, mais peut-être devrons-nous, à l’avenir, lui donner les moyens de densifier un certain nombre d’études.

Viennent ensuite diverses instances, que j’évoquerai par ordre d’importance budgétaire croissante, en commençant par le Conseil économique social et environnemental.

Au nom du groupe UDI-UC, j’adresse mes félicitations à M. Patrick Bernasconi, élu hier à la présidence du CESE. Par les avis qu’elle émet, cette institution a toute son importance. Néanmoins, elle devrait selon nous se concentrer sur la prospective. Ses membres ne doivent pas s’attacher à étudier l’activité passée. Mieux vaut qu’ils dirigent leurs regards vers l’avenir, de manière à éclairer le Gouvernement et le Parlement de leurs conseils avisés.

J’en viens maintenant à la Cour des comptes, dont le Sénat salue tout particulièrement l’excellent travail. Nous, sénateurs, sollicitons de manière assez régulière son expertise et ses avis, qui nous permettent de mieux assurer notre mission de contrôle parlementaire, à l’instar de nos collègues députés. En tout cas, nous sommes particulièrement satisfaits. On le sait, la refonte des régions implique une évolution des juridictions financières. C’est prévu. Peut-être quelques crédits supplémentaires seront-ils nécessaires à la réinstallation de diverses juridictions financières.

Il reste le Conseil d’État et l’ensemble des juridictions administratives. C’est sur cette partie de la mission que sont prévues des créations de postes. Cela nous semble justifié, car il est important, dans notre pays, de réduire les délais de jugement.

Dans le rapport de la commission des finances, il est indiqué que, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, ce délai est désormais de dix mois. Laissez-moi vous dire que je n’en crois rien ! Il nous faudrait des éléments plus précis sur la nature des jugements, afin de savoir précisément lesquels connaissent une réduction de délais.

En conclusion, le groupe UDI-UC votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur le programme 165 « Conseil d’État et autres juridictions administratives », qui représente plus de 60 % des crédits de la mission que nous examinons.

En progression de 1 % par rapport à 2015, après une hausse d’environ 2 % l’année précédente, ce programme peut, à première vue, passer pour privilégié, dans le contexte budgétaire global très contraint que nous connaissons.

Mais, disons-le clairement, ces crédits sont en réalité très chiches, au regard du volume croissant d’activité auquel les institutions concernées par ce programme doivent aujourd’hui faire face et, surtout, au regard des défis auxquels elles devront répondre dans les années à venir.

L’an passé, l’essentiel des 35 équivalents temps plein supplémentaires dégagés a été absorbé par la Cour nationale du droit d’asile, qui depuis 2009 voit le nombre de recours en contentieux exploser. Et vu l’accroissement exponentiel des demandes d’asile, les besoins de cette cour ne risquent pas de diminuer...

Cette fongibilité des moyens à l’intérieur du programme pour répondre aux urgences ne permet pas, à mon sens, de satisfaire correctement d’autres besoins cruciaux, notamment ceux qui sont attachés à la fonction de conseil assignée au Conseil d’État.

En effet, celui-ci doit continuer d’affronter une inflation législative, à l’œuvre depuis plusieurs années. Face à cette frénésie, le Conseil doit multiplier sa production d’avis sur des textes de plus en plus longs, et ce dans des délais toujours plus réduits, qui ne garantissent pas toujours leur précision et leur qualité.

Ainsi, la loi Macron, qui ne comportait pas moins de 308 articles, a dû être étudiée par le Conseil dans des délais proprement surréalistes.

Cela nuit évidemment à la sécurité juridique des textes adoptés, rallonge encore les délais de publication des décrets d’application et tend à multiplier les recours et les contentieux.

Les amendements, qui par nature ne font pas l’objet d’un avis préalable du Conseil d’État, sont de plus en plus régulièrement utilisés par le Gouvernement afin de contourner l’institution chargée de le conseiller et de le contrôler.

Il est d’ailleurs étonnant que la fonction de conseil à l’État du Conseil d’État s’exerce quasi exclusivement au bénéfice de l’exécutif et que le Parlement ne puisse avoir recours à ses services, depuis 2008, que dans des cas extrêmement limités.

Cela supposerait évidemment une charge de travail encore accrue pour le Conseil d’État, mais je crois qu’au final nous y gagnerions singulièrement en pertinence et en efficacité.

Alors, certes, les exécutifs modernes sont sommés d’agir toujours plus vite. Mais, face à cette exigence, il faut marteler que le temps passé en amont de l’examen des textes par le Parlement est un temps démocratique, un temps indispensable qu’il faut cesser de compresser à l’excès.

Renforcer très significativement les moyens du Conseil d’État serait aussi une manière de défendre et de renforcer l’intérêt général, aujourd’hui confronté à une juridictionnalisation croissante de la vie publique.

Face à des groupes d’intérêts particuliers et à de grandes entreprises internationales aujourd’hui capables de mobiliser d’importants moyens de lobbying et, surtout, une armée de juristes pour exploiter toutes les failles de l’incroyable sédimentation de notre droit, il est donc urgent, mes chers collègues, de renforcer significativement les moyens et les missions du Conseil d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.  M. Jean-Pierre Sueur applaudit également)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce que je constatais avant le déjeuner reste valable, même si les rangs de notre assemblée sont un peu moins clairsemés !

Pourtant le rôle de contrôle du Parlement sur les politiques de l’État mérite toute notre attention. Nous pourrions d’ailleurs à cette occasion tordre le cou à quelques mauvais canards !

M. François Fortassin. Les élus, quels qu’ils soient, seraient une espèce très rare, de celle qui ne ferait jamais du bon travail et dépenserait toujours plus d’argent !

Aujourd’hui, nous avons la chance d’examiner les crédits d’une mission qui devrait être votée à l’unanimité.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui, on peut le penser !

M. François Fortassin. C’est assez rare ! Et il serait tout à fait normal de le mettre en exergue, de le faire savoir à nos populations, dans nos villes ou dans nos campagnes : les élus, quelle que soit leur sensibilité, font un excellent travail, en particulier dans l’exercice de leur mission de contrôle.

Non sans avoir salué la qualité du travail fourni par les rapporteurs, le groupe du RDSE votera, à l’unanimité, les crédits de la mission. Il vous revient, monsieur le secrétaire d’État, de faire mieux connaître le rôle des élus au plus profond de nos campagnes ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.  M. André Gattolin applaudit.)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais ajouter quelques mots sur cette mission, même si beaucoup de choses ont déjà été dites.

Je tiens d’abord à saluer l’excellent travail des deux rapporteurs et, pour éviter les répétitions, je centrerai mon propos sur un thème précis : la justice administrative.

Si je résume les rapports qui nous ont été présentés, la justice administrative se caractérise aujourd’hui par un double mouvement de réduction : elle réussit à réduire tout à la fois ses dépenses, ce qui est excellent, et ses délais de jugement, ce qui était tout à fait indispensable.

En ce qui concerne les délais de jugement, chacun sait que la qualité du travail de la justice administrative est remarquable, mais la longueur des délais constitue un handicap, qu’elle partage – parfois – avec le juge judiciaire.

J’entends dire qu’en 2000 il fallait attendre deux ans pour qu’un tribunal administratif rende son jugement. Je dirais plutôt qu’il fallait au moins deux ans ! Il faut y ajouter ensuite deux ou trois années pour que la cour administrative d’appel valide ou non ce jugement. Puis c’est la grande aventure du Conseil d’État, où les procédures se perdent parfois dans des méandres. Certaines procédures peuvent ainsi durer jusqu’à dix ans !

Cela constitue un véritable scandale républicain, surtout en comparaison d’autres pays. Dans ceux où existent des juridictions administratives, les procédures sont plus rapides que les nôtres. Affaire de moyens, bien évidemment !

Il existe, en outre, un risque très important d’aggravation, puisque l’on sollicite de plus en plus le juge administratif. Il y avait 20 000 recours en 1970 ; il y en a 200 000 aujourd’hui ! En quarante ans, ils ont été multipliés par dix, sans que le nombre de magistrats ait suivi la même évolution… Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, souligne lui-même ce qu’il faut considérer comme un risque. Les recours devant le tribunal administratif augmentent, chaque année, de 6 %, les appels de 10 %.

Nous sommes dans une impasse et courons à la catastrophe.

Des efforts pour contrarier ces perspectives ont été faits. On affiche, pour la solution d’un litige, un délai de dix mois devant le tribunal administratif et de onze mois devant la cour administrative d’appel, si je m’en réfère aux rapports budgétaires.

Je crois qu’il s’agit d’une illusion !

En effet, et Michel Delebarre le souligne lui-même dans son rapport pour avis, on arrive à ces résultats remarquables pour une raison simple : on a supprimé l’indicateur spécifique ! Dorénavant, l’indicateur est uniquement global et inclut tous les types de procédures. Si l’on regarde uniquement les affaires dites « ordinaires », celles qui concernent le plus grand nombre, on n’aboutit certainement pas à ces délais. La pratique et ce qui remonte du terrain laissent penser que nous sommes toujours à plus d’un an devant le tribunal administratif, et plus encore devant la cour administrative d’appel. Néanmoins, je ne nie pas les progrès réalisés.

La difficulté réside dans le développement de contentieux de masse : sur le revenu de solidarité active, le contentieux a augmenté de 360 % en cinq ans ; sur le droit au logement opposable, de 100 % ; sur la fonction publique, notamment en ce qui concerne la fonction publique territoriale, le contentieux s’est également beaucoup développé, comme celui du droit des étrangers.

Face à cela, plusieurs solutions existent, que je qualifierai de « techniques » : dispenser le rapporteur public de conclusions, supprimer l’appel dans certains cas ou instaurer un juge unique.

Je m’arrête un instant sur ce dernier point. Quand j’étais plus jeune, on disait fréquemment, et cela valait pour toutes les juridictions, « juge unique, juge inique »… C’était sans doute arbitraire, caricatural, excessif, je veux bien l’admettre.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ça l’était, en effet !

M. Alain Anziani. Aujourd’hui, pour résorber les stocks et faire face à l’inflation du nombre de procédures, on va recourir de plus en plus au juge unique. On le voit, par exemple, en matière de droit d’asile. La loi du 29 juillet 2015, excellente loi, réduit considérablement les délais, mais elle ouvre aussi une possibilité au requérant : soit il s’adresse, pour son recours, à une juridiction collégiale, et il attend cinq mois, soit il s’adresse à un juge unique, et il bénéficie alors d’un délai de cinq semaines. Le choix est vite fait !

Plus généralement, on constate une tendance au développement du recours au juge unique, puisque, en 2014, 55 % des affaires devant le tribunal administratif relevaient déjà de ce régime.

La question posée est alors celle de la qualité du travail effectué. Mme Taubira, garde des sceaux, s’est elle-même interrogée : cela n’entraîne-t-il pas une perte de qualité ? Le bon sens consiste à répondre par l’affirmative. Évidemment, un juge unique va plus vite, mais il fait sans doute moins bien…

Je suis très attaché à la juridiction administrative. Ce n’est pas qu’une particularité française, mais c’est tout de même une spécificité de notre pays, qui fait partie de notre culture. Un travail remarquable est effectué par tous les juges administratifs, qui doivent toutefois en avoir les moyens. Plusieurs solutions existent, mais, en fin de compte, cela exige une réponse budgétaire, que j’appelle de mes vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, avant toute chose, à remercier l’ensemble des orateurs pour leurs interventions précises, riches et constructives.

Vous avez tous souligné la bonne gestion et la performance des quatre institutions dont les crédits relèvent de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Ces institutions contribuent de manière significative au bon fonctionnement de l’État et de la démocratie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a tenu à préserver leurs crédits, tout en renforçant, cette année encore, les moyens dévolus aux juridictions administratives, qui font face, comme vous l’avez souligné, à une pression contentieuse de plus en plus forte.

Ces conditions budgétaires positives ont été soulignées tant par votre rapporteur général, M. Albéric de Montgolfier, que par votre rapporteur pour avis, M. Michel Delebarre. Et je me réjouis qu’en conséquence les deux commissions compétentes aient émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

Toutefois, à l’écoute attentive de chacune de vos interventions, j’ai compris que des interrogations légitimes persistaient sur plusieurs sujets.

Les bonnes performances des institutions dont les crédits relèvent de la mission « Conseil et contrôle de l’État » et la préservation de leurs moyens budgétaires ne doivent pas nous exonérer d’une réflexion approfondie sur les tâches toujours plus nombreuses que le législateur leur confie. Je vais donc m’efforcer, dans le respect de l’indépendance des institutions concernées, d’apporter des réponses aussi claires que possible à vos interrogations.

Pour ce qui concerne les juridictions administratives, plusieurs orateurs ont souligné que le rythme de croissance des contentieux de masse risquait, à terme, de provoquer une dégradation des délais de jugement.

Pour illustrer mon propos, je rappellerai que les contentieux sociaux, qui comprennent notamment le contentieux du droit au logement opposable, le DALO, ou celui du revenu de solidarité active, le RSA, représentent 16 % des affaires enregistrées par les tribunaux administratifs. Par ailleurs, leur volume a augmenté de plus de 20 % dans la seule année 2014. L’activité de la Cour nationale du droit d’asile augmente elle aussi chaque année, à hauteur de 7 %.

La progression de ces contentieux appelle des réponses sérieuses et ambitieuses de la part du Gouvernement.

En premier lieu, comme l’ont souligné M. le rapporteur général de la commission des finances et M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, 35 postes nouveaux seront créés dans la justice administrative en 2016, comme en 2015. Ces créations d’emplois sont principalement destinées aux tribunaux administratifs et à la Cour nationale du droit d’asile. C’est la raison pour laquelle les crédits du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » progresseront en 2016 de 1 % par rapport à 2015.

Certains orateurs ont fait part de leurs interrogations quant aux moyens octroyés à la CNDA pour respecter le nouveau délai de jugement, fixé à cinq mois par le législateur dans la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile.

L’augmentation des crédits de la CNDA, inscrite en PLF 2016, de près de 3,6 % pour le titre 2 et de 5,6 % pour les dépenses globales, s’inscrit dans une stratégie pluriannuelle : depuis 2009, 144 ETP supplémentaires sont venus renforcer la capacité de jugement de cette juridiction, ce qui a permis, dans le même temps, de diviser par deux le délai moyen de jugement, aujourd’hui de six mois.

Certes, nous savons que cette moyenne se dégradera en 2016, en raison du « déstockage » important de dossiers en instance de l’OFPRA. Cependant, cette dégradation sera conjoncturelle et ne saurait remettre en cause l’objectif de moyen terme que nous avons fixé ensemble à cinq mois.

En second lieu, le Gouvernement salue et encourage la mise en place de procédures allégées et plus rapides.

Le développement des procédures à juge unique, même s’il soulève un certain nombre d’interrogations, permet ainsi d’absorber une part de l’augmentation des recours, notamment en matière d’asile. En tout état de cause, je partage l’avis de M. Delebarre : ces procédures simplifiées doivent être réservées aux affaires dont l’issue est évidente. Je pense, par exemple, au contentieux du droit au logement opposable.

Je me réjouis que le juge administratif, en modernisant son office, soit parvenu à concilier deux droits du justiciable, à savoir le droit au procès équitable et le droit à un « délai raisonnable de jugement », affirmés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Toutefois, nous ne saurions nous affranchir d’une réflexion plus large sur l’état de notre droit. Nous devrons notamment réfléchir, de manière approfondie et sincère, au droit au logement opposable.

Enfin, plusieurs d’entre vous ont, en commission ou dans leurs interventions, déploré que le délai de traitement des affaires ordinaires ne soit plus mentionné dans les indicateurs de performance de la justice administrative.

L’indicateur correspondant a en effet été supprimé dans le PLF 2015 afin de répondre au souhait du Parlement de rationaliser les indicateurs de performance, foisonnants, trop nombreux. Cependant, permettez-moi de souligner que les réponses adressées par les juridictions aux questionnaires des commissions compétentes font état de la poursuite de l’effort de « rajeunissement du stock », ce qui implique naturellement une amélioration du délai de traitement des affaires ordinaires.

Ainsi, la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans représente, en 2015, 9,5 % du total des affaires en stock dans les tribunaux administratifs, contre 11,6 % en 2013. Le délai moyen évoqué par MM. Delebarre et Canevet continue de s’améliorer, pour s’établir à un an, neuf mois et quatre jours devant les tribunaux administratifs, et à un an, deux mois et un jour devant les cours d’appel.

J’en viens à présent aux juridictions financières, et plus particulièrement à la Cour des comptes, que le Sénat connaît bien, puisqu’à sa demande, et en application de l’article 58, 2°, de la LOLF, la Cour lui a remis cinq rapports en 2015, comme l’a rappelé M. Canevet.

Le budget des juridictions financières est, lui aussi, préservé. Je crois qu’il s’agit là d’une nécessité, compte tenu des nouvelles missions que le législateur a confiées ou entend confier aux juridictions financières, qu’il s’agisse de la certification des comptes des collectivités locales ou du contrôle des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux prévu dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé.

Concernant la certification des comptes des collectivités locales, je voudrais répondre aux remarques de M. le rapporteur général de la commission des finances. L’expérimentation, prévue par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, débutera en fait en 2018. La Cour a déjà installé une équipe « projet » chargée d’élaborer un plan d’action pour les huit ans à venir, et un cahier des charges doit prochainement être rédigé à l’intention des collectivités, dont plusieurs sont déjà candidates à l’expérimentation.

Il n’est cependant pas possible de définir pour l’instant les moyens complémentaires qui seront nécessaires pour l’accomplissement de cette nouvelle mission. Ils dépendront en effet du périmètre de l’expérimentation et du nombre de collectivités concernées. Néanmoins, il ne fait aucun doute que la capacité d’innovation des juridictions financières permettra aussi de relever ces nouveaux défis.

J’en veux pour preuve la réforme de la carte des juridictions financières de 2011, qui a réduit le nombre de chambres régionales des comptes de 20 à 15. Si elle a suscité de nombreuses critiques lors de sa conception, cette réforme s’est finalement déroulée dans un esprit consensuel, et son coût est inférieur à ce qui était prévu.

La loi relative à a délimitation des régions prévoit une nouvelle réduction du nombre des chambres régionales des comptes, qui passeront de 15 à 13, pour l’adapter à la carte des régions. Le Gouvernement sera attentif à ce que le coût de cette réforme soit supportable pour les juridictions financières.

À terme, grâce aux gains de productivité et aux économies d’échelle réalisés, les CRC pourront non seulement se montrer plus efficaces dans l’exercice de leurs missions traditionnelles, mais aussi atteindre la taille critique nécessaire pour remplir de nouvelles missions.

Je voudrais également saluer la gestion du Conseil économique, social et environnemental opérée sous la présidence de M. Jean-Paul Delevoye. Hors titre 2, le montant des crédits de paiement affectés à cette institution diminuera en 2016 de 2,8 % par rapport à 2015, confirmant la tendance déjà observée en 2014. En 2016, 3 ETP seront supprimés. Je ne doute pas que le CESE poursuivra dans cette voie.

Vous aviez été nombreux à vous inquiéter, l’an dernier, de la situation de la caisse de retraite des anciens membres de cette institution. Sachez que le bureau du Conseil économique, social et environnemental a voté en 2015 une réforme importante visant à assurer la pérennité du régime en question au-delà de 2020, sans solliciter un concours supplémentaire de l’État.

Comme l’a souligné M. le rapporteur général de la commission des finances, le Conseil économique, social et environnemental s’est engagé dans un cycle vertueux, notamment en valorisant le Palais d’Iéna pour financer la rénovation des bétons d’Auguste Perret, qui figurent parmi ses très belles réalisations.

Je terminerai en disant quelques mots sur le Haut Conseil des finances publiques. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur général, les faibles crédits du Haut Conseil ne lui donnent qu’une place marginale dans l’architecture de la mission. Un rattachement au programme des juridictions financières, envisagé en commission des finances, mériterait d’être mûrement réfléchi.

Je rappellerai à votre assemblée qu’un programme ad hoc a été inscrit à l’article 22 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques par le vote d’un amendement de M. Philippe Marini : présidant à l’époque la commission des finances du Sénat, il avait ainsi souhaité donner au Haut Conseil « une dotation spécifique afin de souligner son indépendance matérielle et fonctionnelle. »

Ainsi se présentent, retracés à grands traits, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », que le Gouvernement vous invite à adopter.

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Conseil et contrôle de l’État

655 663 149

639 150 447

Conseil d’État et autres juridictions administratives

398 987 020

386 902 331

Dont titre II

323 070 394

323 070 394

Conseil économique, social et environnemental

39 339 079

38 089 079

Dont titre II

32 594 997

32 594 997

Cour des comptes et autres juridictions financières

216 814 208

213 636 195

Dont titre II

185 636 195

185 636 195

Haut Conseil des finances publiques

522 842

522 842

Dont titre II

372 842

372 842

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Conseil et contrôle de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.

Politique des territoires

Compte d’affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

M. le président. Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Politique des territoires » et du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

La parole est à M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’impulsion et la coordination de la politique d’aménagement du territoire et pour les interventions territoriales de l’État. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nouvellement élu, j’ai eu la chance de travailler sur cette mission pour mon premier rapport. Plutôt que d’exposer le détail des programmes qui la composent, j’ai préféré vous faire part de mon point de vue de façon plus générale sur une politique publique qui m’inspire deux constats.

Premier constat, notre politique d’aménagement du territoire manque de lisibilité, et cela ne date pas d’aujourd’hui.

Certes, le Gouvernement a pris une série de mesures en faveur des territoires, notamment ruraux : la création de 1 000 maisons des services ; le programme de revitalisation des centres-bourgs ; l’affectation d’une somme de 200 millions d’euros à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.

Malheureusement, la politique d’aménagement du territoire est aujourd’hui éclatée en quatorze missions et trente programmes, cette fragmentation ne contribuant pas à la cohérence et à l’efficacité.

Comment expliquer, par exemple, la coexistence de la mission « Politique des territoires », d’un côté, et de la mission « Égalité des territoires et logement », de l’autre ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait d’accord !

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Comment parler de politique des territoires sans évoquer la question du logement, alors que, nous le savons, l’habitat doit être au cœur des politiques territoriales, lui qui joue un rôle majeur pour l’avenir de ces territoires ?

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la politique de la ville. Très bien !

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Second constat : les crédits affectés à la mission « Politique des territoires » sont en constante diminution, et il en sera encore ainsi en 2016, puisque les autorisations d’engagement baisseront de 3 % et les crédits de paiement de près de 4 %.

De surcroît, certaines actions sont en voie d’extinction, des crédits de paiement étant inscrits seulement pour honorer des engagements pris antérieurement.

C’est par exemple le cas pour les maisons pluridisciplinaires de santé, qui ne sont plus éligibles au FNADT, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, alors que, nous le savons, elles sont indispensables au maintien d’une offre de soins de proximité dans les territoires ruraux.

Je veux d’ailleurs profiter de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour rappeler ici avec force que les crédits consacrés aux territoires fragiles, en milieu urbain comme en milieu rural, constituent non pas une faveur, mais une mesure d’équité pour corriger des inégalités.

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial. On est d’accord ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Ces constats m’amènent à faire trois propositions.

Première proposition, nous devons nous orienter vers une politique de l’aménagement du territoire plus globale. De ce point de vue, la démarche de rationalisation que le Gouvernement a engagée en 2015, avec la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, lequel rassemble trois organismes, ou encore avec le rattachement de la politique de la ville à la mission « Politique des territoires », allait dans le bon sens.

Ce processus doit être poursuivi et une réflexion engagée pour faire évoluer la maquette financière de façon à rassembler plusieurs missions actuelles dans une grande mission « Aménagement du territoire ». Nous irions ainsi vers une politique de l’État plus lisible, plus cohérente, plus globale et, à mon sens, plus efficace.

Ma deuxième proposition concerne le mode d’intervention de l’État en faveur des territoires : nous devons le faire évoluer et passer d’une logique de guichet à une logique de projet. Il faut simplifier les procédures et accompagner les mutations des territoires ruraux en contractualisant avec eux, sur la base de schémas de développement menés de manière partenariale.

À cet égard, monsieur le ministre, je regrette que le Gouvernement n’ait pas donné un avis favorable à notre proposition de loi, d’ailleurs adoptée par le Sénat, qui visait à mettre en place des contrats territoriaux de développement rural répondant précisément à ce besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Troisième proposition, il serait logique de rattacher au programme 112, qui a porté la première génération de ce type d’opérations, les 300 millions d'euros prévus pour le programme de revitalisation des centres-bourgs et des petites villes. En effet, ces crédits ne sont pas inscrits au titre de la mission « Politique des territoires ».

Monsieur le ministre, seriez-vous favorable à ce rattachement au programme 112 et, dans le cas contraire, pourriez-vous nous dire pourquoi ?

Avant de conclure, je poserai encore deux questions.

La première concerne l’accès à la téléphonie mobile et à un service internet performant, qui est devenu une nécessité économique, un besoin social indispensable, comme l’ont été, en leur temps, d’autres services issus de progrès techniques.

Or, aujourd’hui, ce droit fondamental n’est pas assuré sur la totalité du territoire national et cette situation n’est plus tenable !

Monsieur le ministre, nous savons que le Gouvernement a prévu de remédier à cette situation, mais pouvez-vous nous dire à quelle échéance tous les citoyens de notre pays pourront accéder à ce service universel ? Voilà un vrai sujet d’aménagement du territoire !

Ma seconde question concerne les zones de revitalisation rurale, les ZRR.

Le projet de loi de finances rectificative, dans son article 18, prévoit de réformer les ZRR à partir de deux critères, qui sont, d’une part, la densité de population moyenne cette fois à l’échelle des intercommunalités, d’autre part, le revenu fiscal des ménages. Ainsi, 3 000 communes nouvelles entreraient dans le zonage, alors que 4 000 en sortiraient.

Monsieur le ministre, nous aimerions que vous nous indiquiez, d’abord, les conditions de mise en œuvre de ces deux critères, ensuite, le calendrier de mise en application de cette réforme, laquelle devra, bien sûr, tenir compte des nouveaux schémas de coopération intercommunale, enfin, le coût actuel du dispositif ZRR et les prévisions pour 2017 et les années suivantes.

En conclusion, et dans l’attente de réponses à nos questions, la commission des finances propose au Sénat de ne pas adopter les crédits pour 2016 de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur spécial.

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la politique de la ville. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, même si je porte, à titre personnel, une appréciation positive sur les crédits proposés pour le programme « Politique de la ville », je souhaite tout de même exprimer un regret, qui rejoint l’analyse du rapporteur précédent.

Il est dommage que le programme 147 « Politique de la ville » ne figure plus dans la mission « Égalité des territoires et logement ». Je considère en effet que les politiques du logement et de la ville sont étroitement liées et que la précédente architecture du budget était plus cohérente.

Mais je me réjouis que la politique de la ville bénéficie de crédits confortés pour 2016 afin de tenir compte des mesures décidées le 6 mars 2015, dans le cadre du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté, le CIEC, et qui s’appuient sur une nouvelle géographie prioritaire, avec 1 500 quartiers prioritaires et 100 zones franches urbaines-territoires entrepreneurs.

Ainsi, les crédits d’intervention de la politique de la ville sont tout particulièrement renforcés. Certes, la seconde délibération à l’Assemblée nationale a réduit de 3 millions d’euros l’effort initial de 15 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2015, mais le soutien aux associations et aux actions menées sur le terrain est indéniable, ce qui mérite d’être souligné au moment où des événements tragiques, que nous avons tous à l’esprit, prouvent la nécessité d’interventions et d’accompagnement de ce type.

L’établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, bénéficiera aussi d’une dotation de fonctionnement majorée de 3,9 millions d’euros. Plus largement, votre ministère porte des actions en faveur des quartiers prioritaires, comme le financement de 1 000 éducateurs ou des subventions aux associations agréées « Jeunesse éducation prioritaire ». Je pense que vous ne vendez pas assez cet aspect, monsieur le ministre !

C’est donc bien la simple mise en extinction progressive, au 31 décembre 2014, du dispositif d’exonération de charges sociales dans les zones franches urbaines, les ZFU, qui explique principalement l’apparente diminution des crédits du programme 147. L’engagement du Gouvernement sur le plan opérationnel n’est pas en cause.

L’ensemble des mesures décidées dans le cadre du CIEC devraient être ainsi financées par une enveloppe globale de 55 millions d’euros en 2016, dont 18,5 millions d’euros inscrits en loi de finances initiale ; le solde proviendra du dégel des crédits en cours d’exercice, comme en 2015, année au cours de laquelle le programme 147 a bénéficié d’un dégel de 31,5 millions d’euros.

Les dépenses fiscales rattachées au programme, qui représenteraient 367 millions d’euros en 2016, ont été profondément redéfinies. Elles visent à assurer, dans les quartiers concernés, une mixité à la fois sociale et fonctionnelle, mixité fonctionnelle à laquelle je suis particulièrement attaché. Il ne suffit pas d’exiger la mixité sociale dans l’habitat, il faut qu’elle soit aussi dans les activités !

Ainsi en est-il de l’application de la TVA à taux réduit pour l’accession sociale à la propriété étendue à l’ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous pouvons encore aller plus loin, et je sais que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, fait en sorte d’aider les projets à se développer dans le domaine économique.

Je me félicite également du lancement de l’Agence France Entrepreneur, pour laquelle 660 000 euros ont été transférés depuis le présent programme. Cette agence devrait permettre de mutualiser les moyens aujourd’hui éclatés et de concentrer les efforts sur les territoires les plus fragiles. Je sais que le montant initial de ces 660 000 euros suscite des interrogations, mais je pense, monsieur le ministre, que vous pourrez nous donner des précisions sur cette agence.

Les crédits de droit commun, qui représenteraient en 2016 4,2 milliards d’euros de crédits de paiement, sont désormais mobilisables à l’échelon territorial, dans les contrats de ville. Je me félicite que plus de 90 % de ces contrats soient d’ores et déjà signés. Pensez-vous parvenir à signer l’ensemble des contrats avant la fin de l’année ?

De nombreuses mesures en faveur des habitants des quartiers prioritaires, en termes de développement économique, d’emploi, de santé ou de rénovation urbaine, sont d’ailleurs prévues par le CIEC. Elles doivent désormais se concrétiser.

Je finirai par le financement de la rénovation urbaine.

Trois conventions ont permis, au cours des derniers mois, de fixer les ressources qui permettront de couvrir à la fois la fin du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, dont les engagements s’achèveront à la fin de cette année, et le nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU, pour les années 2014 à 2019.

Ainsi, le NPNRU disposera de concours financiers à hauteur de 6,4 milliards d’euros, correspondant à 5 milliards d’euros d’équivalents subventions. Action Logement en financera l’essentiel, avec 3,2 milliards d’euros de subventions directes et 2,2 milliards d’euros en prêts bonifiés. Le reste du financement sera assuré par la Caisse de garantie des logements locatifs sociaux, la CGLLS, à hauteur de 400 000 euros, et le reliquat attendu au titre du PNRU, soit environ 600 millions d'euros.

L’équilibre financier du NPNRU semble donc assuré, ce dont il faut se féliciter. Il repose toutefois sur l’hypothèse de ce report de 600 millions d’euros du PNRU, dont la concrétisation apparaît désormais indispensable. Les dernières nouvelles semblent rassurantes sur ce point.

Par ailleurs, le niveau de trésorerie, qui suscitait des inquiétudes, continue de se réduire. Toutefois, avec le soutien de trésorerie d’Action Logement et le système de préfinancement de 1 milliard d’euros prenant la forme d’un prêt de la Caisse des dépôts et consignations, le financement de la rénovation urbaine semble assuré jusqu’en 2019. Action Logement s’est même engagé, dès à présent, à verser, après cette date, 500 millions d’euros jusqu’en 2031.

Il apparaît toutefois que la soutenabilité financière de l’ANRU reste fragile. Un pilotage fin de la mise en œuvre des programmes et des capacités financières de l’Agence devra donc être assuré.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et, en particulier, du renforcement des crédits consacrés aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville, j’avais proposé à la commission des finances d’adopter les crédits consacrés à la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, rapporteur spécial.

M. Jacques Genest, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte pour la deuxième année consécutive les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », le FACÉ.

M. Charles Revet. C’est important !

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Créé en 1936, le « Fonds d’amortissement des charges d’électrification » est resté jusqu’à aujourd’hui le FACÉ. Il a en effet conservé le même acronyme, mais il a changé de statut depuis 2012, en devenant un compte d’affectation spéciale, intitulé « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

En tant que président du syndicat des énergies de l’Ardèche, fonction que j’occupe depuis huit ans, je pourrais vous parler très longuement du FACÉ. Cela étant, je m’en tiendrai, ce jour, à une présentation des principales observations que m’inspire ce compte d’affectation spéciale dans le projet de loi de finances pour 2016.

Ma première remarque concerne les recettes du FACÉ, qui sont assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité – ERDF, principalement.

Le taux de cette contribution est recalculé régulièrement, de manière à couvrir exactement les crédits prévus sur l’exercice. Son produit est ainsi attendu à hauteur de 377 millions d’euros en 2016, soit un montant stable depuis 2012.

Ainsi, les taux en vigueur à ce jour ont été récemment fixés par un arrêté du ministre chargé de l’énergie en date du 2 septembre dernier. Aux termes de cet arrêté, le taux de la contribution reste cinq fois plus élevé en zone urbaine qu’en zone rurale, faisant du FACÉ, dès le stade de son financement, un dispositif de péréquation. Ce mécanisme de répartition des charges entre communes rurales et communes urbaines doit rester, selon moi, du même ordre et devrait même être appliqué au très haut débit.

Ma deuxième remarque porte sur les destinataires des aides du FACÉ, c'est-à-dire les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité, ou AODE. Il peut s’agir de communes ou d’établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification, dans la mesure où ces collectivités sont les maîtres d’ouvrage de travaux d’électrification rurale.

Ces AODE sont, le plus souvent, des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d’électrification à l’échelle départementale. À cet égard, je me félicite qu’en 2015 le mouvement de regroupement des syndicats soit quasi achevé ; seuls cinq départements n’ont pas encore abouti aujourd’hui.

Ma troisième remarque est relative à la destination des dotations. Il s’agit de financer des travaux sur les réseaux de distribution d’électricité, avec un taux de prise en charge du coût des travaux qui s’établit à 80 % hors taxes. Les dotations sont notamment réparties en fonction des départs mal alimentés, les DMA, calculés par ERDF.

En 2016, les investissements sur les réseaux de distribution publique d’électricité auront, comme à l’accoutumée, diverses finalités : le renforcement des réseaux, qui vise à accroître la qualité de l’électricité distribuée pour 184 millions d’euros ; la sécurisation des réseaux, à hauteur de 81 millions d’euros, en prévision d’événements exceptionnels, tels que des tempêtes ou d’autres intempéries ; l’enfouissement, soit 55,5 millions d’euros d’aides, permettant d’importantes améliorations d’ordre esthétique, mais également de fiabilisation, en particulier en montagne ; ou encore, l’extension des réseaux, pour près de 47 millions d’euros, afin d’assurer leur développement.

J’estime que les actions de renforcement et de sécurisation doivent bien demeurer des axes prioritaires pour les missions du FACÉ, mais il convient de réviser progressivement à la hausse la part des travaux d’extension et d’enfouissement.

Ma quatrième et dernière remarque – sans doute la plus importante, monsieur le ministre – vise les graves dysfonctionnements rencontrés en 2014 et 2015 dans l’exécution du FACÉ, qui ne doivent plus se reproduire. Je déplore, en effet, que des retards de paiement soient à nouveau intervenus en 2014 et 2015.

Après les problèmes rencontrés en 2012, à la suite de la réforme du FACÉ, la situation a été en voie de normalisation en 2013, mais l’exécution 2014, loin de confirmer le processus de rattrapage, n’a non seulement pas permis de combler le retard, mais l’a aggravé.

M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, le taux de consommation des crédits ouverts n’a été, l’année passée, que de 74 % en autorisations d’engagement et de 47 % en crédits de paiement.

Le rapport annuel de performance 2014 de la mission indiquait un « ralentissement lié à une situation exceptionnelle, composée du déménagement du FACÉ sur le site de la Défense à l’été 2014, suivi de la vacance de plusieurs postes de gestionnaires, ainsi que de la formation dispensée aux nouveaux arrivants ». Malheureusement, ces difficultés se sont poursuivies tout au long du premier semestre de 2015.

J’ai obtenu des précisions sur la nature du problème : ce fonctionnement perturbé fait suite au départ d’agents qui ont choisi de rejoindre EDF en 2014 avant l’emménagement du FACÉ dans les locaux de la DGEC, la Direction générale de l’énergie et du climat, à l’été 2014, la mission étant placée sous la dépendance d’une convention de mise à disposition de personnels issus d’EDF. La vacance de plusieurs postes pendant de nombreuses semaines a profondément désorganisé la gestion des aides du FACÉ.

Monsieur le ministre, il faut tirer des enseignements de cette exécution difficile en 2014 et 2015. Je m’interroge sur l’état de dépendance de la mission à l’égard de la mise à disposition de personnels issus d’EDF. Faut-il s’orienter vers une gestion en régie du FACÉ et sur la fin de la convention avec EDF, de manière à garantir la continuité du fonctionnement de ce compte d’affectation spéciale ?

Quelle que soit votre réponse, la priorité est aujourd’hui que les services de l’État assurent le bon déroulement de l’exécution 2015 et procèdent aux paiements en retard dans les délais les plus brefs.

Ce mauvais fonctionnement est illustré par le délai inadmissible de délivrance des arrêtés de subvention. Pour des demandes complètes déposées en juin les arrêtés ne sont délivrés que fin novembre, et encore pas pour toutes les opérations.

M. Charles Revet. Ce n’est pas normal !

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. C’est inadmissible, mais cela illustre l’impensable lourdeur de l’administration française.

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. De ce fait, l’acompte de 10 % de la subvention ne peut être délivré qu’à ce moment-là, soit six mois après la demande…

En cette période de chômage exceptionnel tout autant qu’exponentiel, et pour relancer l’investissement, il est indispensable, d’une part, de réduire au minimum le délai de rédaction des arrêtés en supprimant les étapes technocratiques inutiles,…

M. Michel Savin. Très bien !

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. … et, d’autre part, de porter à 30 % l’acompte, comme pour toute autre subvention de l’État.

Les phénomènes de retards de paiement constatés en 2012, 2014 et 2015 ne doivent plus jamais se reproduire !

C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances propose l’adoption, sans modification, des crédits pour 2016 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », ce FACÉ qui est pour moi un bel instrument de solidarité entre les territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la ville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’agissant des crédits du programme 147, « Politique de la ville », je tiens à saluer, dans un contexte global de restriction budgétaire, les efforts du Gouvernement pour augmenter les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville.

Je ferai deux observations, sur l’emploi des jeunes et sur l’habitat.

Le CIEC, le comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté, a en effet décidé de renforcer les mesures en faveur de la formation et de l’emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires, dont le taux de chômage demeure très supérieur au taux constaté en dehors des quartiers « politique de la ville ».

C’est le cas de l’EPIDE, qui met en place un cadre structurant d’inspiration militaire.

Le CIEC a décidé d’augmenter de 27 % le nombre de places d’accueil de cet établissement. Ce sont ainsi 4 000 jeunes qui pourront être accueillis dans l’un des dix-huit centres à partir de 2016 pour une durée de huit mois environ. Deux nouveaux centres devraient ouvrir, à Nîmes et à Toulouse.

Il faut encourager ce dispositif, qui a permis en 2014 d’insérer 51 % des jeunes engagés, alors même que le contexte économique était difficile.

En matière d’habitat, le Premier ministre a appelé à « casser les logiques de la ségrégation avec une autre répartition de l’habitat ».

À cette fin, le CIEC a adopté plusieurs mesures parmi lesquelles l’accélération de la mise en œuvre du nouveau plan de renouvellement urbain, dont tous les acteurs rappellent l’importance au regard du succès du précédent plan, le PNRU, et une meilleure répartition du parc social sur les territoires.

S’agissant plus particulièrement du NPNRU, le nouveau programme national de renouvellement urbain, qui va concerner 200 quartiers d’intérêt national et 250 quartiers d’intérêt régional, il me paraît essentiel que l’on mette fin à la concentration de logements sociaux dans un certain nombre de quartiers et que l’on favorise la mixité tant sociale que fonctionnelle.

Je souhaite redire que la démolition-reconstruction est l’un des moyens pour mettre un terme à une situation que le Premier ministre a qualifiée d’« apartheid territorial, social, ethnique »,…

M. Charles Revet. Tout à fait ! Il y a du travail !

Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. … sachant qu’il est prévu que, dans les zones tendues, les logements sociaux démolis soient reconstruits en dehors des quartiers prioritaires, sauf exception justifiée par l’intérêt local.

Le NPNRU se verra consacrer 6,4 milliards d’euros – Action Logement sera le premier contributeur – ; un prêt de 1 milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations devrait en outre permettre d’accélérer sa mise en œuvre.

Si la question de la trésorerie semble ainsi résolue, il faudra cependant prendre en compte les conséquences, sur la réalisation des projets de rénovation urbaine, des baisses de dotations et des nouvelles règles de financement de l’ANRU, règles qui obligent les bailleurs sociaux à avoir recours de façon plus importante à leurs fonds propres, car il est indispensable d’agir, et d’agir vite.

En conclusion, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 147, « Politique de la ville », crédits que je voterai à titre personnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens rapporter devant vous l’avis de la commission de l’aménagement du territoire sur les crédits consacrés à la politique des territoires inscrits sur le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », sur le programme 162, « Interventions territoriales de l’État » – ou PITE et sur le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

Au regard de l’importance de ces programmes et de ce compte d’affectation spéciale, je commencerai par regretter que cette commission ne dispose que de trois minutes de temps de parole…

Je regrette aussi, comme j’ai eu l’occasion de le dire à cette tribune depuis plusieurs années, que notre commission n’ait pas l’occasion de donner son avis sur l’ensemble de la politique d’aménagement du territoire, qui représente 5,7 milliards d’euros, contre 6,1 milliards d’euros en 2012, je le rappelle.

Les programmes examinés représentent un des plus faibles postes du budget de l’État, avec 270 millions d’euros en crédits de paiement et de 227 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2016, soit une baisse respective de 9 % et de 7 % par rapport à 2015.

Cette diminution prolonge, une nouvelle fois, la forte baisse des crédits constatée depuis 2012. C’est un signal regrettable, pour nos territoires ruraux en particulier. Malgré les effets d’annonces à Laon et à Vesoul, nous ne pouvons que constater un recul du soutien aux territoires, qui ne semble pas être une priorité du Gouvernement.

Avec l’objectif de maîtrise des finances publiques et la baisse sans précédent des dotations de l’État, c’est une double peine pour nos territoires.

Certes, ces crédits ne représentent que 5 % des ressources de la politique transversale d’aménagement du territoire, mais celle-ci se limite finalement à 1,4 % du budget général.

C’est très peu pour une politique publique qui ambitionne d’assurer le développement équilibré des territoires et qui devrait résorber les inégalités existantes.

Aujourd’hui, nous partageons la pénurie plutôt que la richesse, et la politique des territoires illustre le fossé qui sépare les promesses des réalisations.

Bien sûr, nous pouvons souscrire à un certain nombre de mesures, comme l’effort consacré aux maisons de services au public, mesure lancée en 2010, ou encore le soutien aux bourgs-centres, mais sous réserve que cette démarche soit sous-tendue par une vision socioéconomique et corresponde à un vrai soutien aux artisans et commerçants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui !

Pour ce qui est de l’accès aux soins, avec les maisons de santé pluriprofessionnelles, il n’y a plus de financement dédié, puisque c’est dorénavant la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui interviendra dans ces opérations.

Quant à la fracture numérique, vécue comme une grande inégalité, force est de constater que les financements annoncés n’arrivent pas davantage à un très haut débit !

Par ailleurs, plusieurs dispositifs efficaces qui avaient été mis en place par la précédente majorité voient leurs ressources réduites ou diluées, quand ils ne sont pas abandonnés. Je pense aux pôles de compétitivité, aux grappes d’entreprises ou encore aux pôles d’excellence rurale.

En conclusion, même si le montant des crédits ne témoigne pas à lui seul de l’effort réalisé en direction des territoires, nous déplorons le manque de lisibilité, d’innovation et, finalement, de stratégie pour mener une politique d’aménagement du territoire cohérente et ambitieuse.

Mais avons-nous encore, dans notre pays, une véritable politique d’aménagement du territoire ?

M. Charles Revet. C’est tout le problème !

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire. On peut sans doute se poser la question aujourd’hui !

Pour toutes ces raisons, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Patrick Abate.

M. Patrick Abate. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de Mme Évelyne Didier, qui doit reposer ses cordes vocales (Sourires.) et à qui nous souhaitons un prompt rétablissement.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Patrick Abate. Nous centrerons notre intervention sur l’accès aux technologies numériques.

Le programme concernant le très haut débit est, certes, rattaché à la mission « Économie », mais, pour nous, il relève bien de l’aménagement du territoire. C’est ce qui a conduit le rapporteur de l’Assemblée nationale à examiner, dans son rapport sur la politique des territoires, le programme sur le très haut débit. Il s’agit d’ailleurs d’un élément clé des futurs contrats de plan État-régions. Il figure enfin au sommaire des deux comités interministériels à la ruralité qui se sont tenus cette année.

C’est un enjeu essentiel de ce XXIe siècle, comme l’ont été en leur temps le rail ou l’électricité. Les possibilités de croissance liées au développement numérique sont immenses, au point que l’on a pu parler de « révolution » numérique, tant ces nouvelles pratiques transforment les manières de s’informer, de communiquer, d’échanger, de produire, et donc de vivre.

Le Gouvernement a présenté en 2013 un plan pour le très haut débit. Nous sommes d’accord avec l’objectif d’une couverture totale de la population en très haut débit fixe d’ici à 2022, principalement par la fibre optique jusqu’à l’habitant. Malheureusement, nous doutons que le calendrier puisse être respecté. Ce n’est pas le premier plan numérique dont les objectifs seraient repoussés faute de financements et malgré les efforts réalisés par les collectivités !

En effet, les objectifs fixés reposent principalement sur le bon vouloir des opérateurs privés. Or, soyons clairs, le « conventionnement » ne garantit pas le respect des engagements pris. Pensons à SFR…

Certes, la carence peut être déclarée, mais elle ne permet que l’intervention du public pour pallier ce défaut d’exécution. D’ailleurs, nous notons que ce sont dans les territoires où les collectivités publiques sont intervenues que les efforts les plus importants ont été réalisés et l’accès a été le plus renforcé. À l’échelle nationale, la couverture en très haut débit est passée de 27 % à 44 % en juin 2015 ; en zone d’initiative publique, c’est-à-dire en zone peu dense, autrement dit non rentable, la couverture est passée de 2 % à 24 %.

Pourtant, il est aujourd’hui risqué pour les collectivités d’intervenir. Elles ne disposent ni des moyens financiers ni des moyens juridiques pour le faire. Surtout, les opérateurs contestent souvent la qualité de leur réseau.

Bien sûr, dans les zones très denses, il n’y a pas de problème : les opérateurs sont tous au rendez-vous !

Dans les zones intermédiaires, l’idée de mutualisation est intéressante, mais la fusion entre SFR et Numericable a ralenti les déploiements et montre, une fois de plus, que l’intérêt privé n’est pas toujours l’intérêt général.

À cet égard, la secrétaire d’État chargée du numérique, Axelle Lemaire, a indiqué que la Commission européenne s’interrogeait sur l’application du régime des aides d’État au cahier des charges.

La France a longtemps disposé, pour les activités de service public, d’opérateurs historiques efficaces sous contrôle public, voire en situation de monopole. C’était le cas dans les transports, les télécommunications ou l’énergie. Ces opérateurs servaient l’intérêt général et assuraient l’aménagement du territoire tout en développant la recherche et des savoir-faire qui sont encore aujourd’hui en pointe dans le monde.

L’objectif des politiques actuellement mises en œuvre sous l’égide des textes européens n’est pas vraiment de protéger le consommateur, mais bien d’« effacer » le service public et ses opérateurs.

Le choix de l’État de concentrer la totalité des investissements publics sur les zones rurales part d’un bon sentiment, mais cela revient à accepter l’idée qui fonde tout le système : au privé les activités rentables, au public les activités déficitaires. Ne pourrait-on pas, à un moment ou à un autre, remettre ce principe en discussion ?

Les géants de l’industrie des télécommunications menacent aujourd’hui le Gouvernement de ne pas faire les investissements sur lesquels ils s’étaient engagés concernant la téléphonie mobile et la couverture des zones blanches, en invoquant la récente hausse de la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet. Le patron d’Orange a qualifié cette mesure de « racket », tandis que Free a indiqué que cette augmentation serait répercutée sur la facture de l’abonné. Les politiques publiques seraient ainsi tout à fait incongrues et illégitimes, ce qui, bien sûr, n’est jamais le cas de la rémunération des actionnaires !

En dernier lieu, je souhaite évoquer la nécessité de contrôler le niveau d’émission des ondes.

La crainte des populations du « bain » d’ondes électromagnétiques n’est pas totalement infondée. Il convient de mieux associer les citoyens et de mettre en œuvre le principe de précaution, non pas pour bloquer les initiatives, mais pour introduire un questionnement légitime et nécessaire.

Nous avons besoin de données fiables pour mieux décider des implantations des antennes-relais et être en mesure d’apporter des réponses concrètes aux riverains. En attendant, nous demandons, depuis plusieurs années, la réduction du seuil maximal d’exposition du public à 0,6 volt par mètre pour les antennes-relais. Cette proposition est soutenue par plusieurs associations et est reprise par une résolution du Conseil de l’Europe de 2011. La prendre en considération est nécessaire dans la mesure où nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à se déclarer électro-sensibles.

Plutôt que de n’envisager l’avenir qu’au travers de la construction et du développement de réseaux prétendument concurrents, ne pourrait-on s’interroger sur l’intérêt du déploiement d’un seul réseau organisé par la puissance publique, qui permettrait à la fois de garantir la suppression des déserts numériques, d’éviter aux collectivités d’être mises en difficulté et de prévenir la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques, en mettant ainsi en œuvre le principe de précaution ? (M. Joël Labbé applaudit.)

Tels sont, mes chers collègues, les éléments que nous voulions verser au débat.

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit, ou presque… (Sourires.)

M. Jean Desessard. Presque seulement !

M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, nous voterons les crédits de cette mission. Nous saluons la rénovation des centres-bourgs, la dotation d’équipement des territoires ruraux, supérieure à 100 millions d’euros, l’extension du champ d’intervention du Fonds de compensation pour la TVA, l’expérimentation du guichet unique, le plan de développement des maisons de services au public et des maisons de santé.

Cependant, il est tout de même un peu effrayant de constater que la politique d’aménagement du territoire se résume aux quelques centaines de millions d’euros de la mission « Politique des territoires »…

Imaginez un habitant d’un quartier difficile relevant de la politique de la ville, qui entend sans cesse affirmer, sur toutes les chaînes de télévision, que l’on vit mal dans les quartiers comme le sien, qu’y sévissent le mal-logement, l’entassement, le manque d’emplois, l’absence de services publics et d’entreprises… Il finit par se demander quand on s’occupera enfin de son quartier, s’il y a un plan, une stratégie pour remédier à une telle situation. Il se répond à lui-même qu’il n’y en a pas, constatant que l’on ne définit jamais de moyens ni d’objectifs. Dans ces conditions, il ne croit plus dans les politiques publiques et, s’il ne s’abstient pas, il votera sans doute pour un parti extrémiste.

D’autres émissions de télévision traitent de la ruralité. On y montre une exploitation agricole, une école de campagne, un beau village où l’on aimerait passer des vacances, mais ces images recouvrent une réalité moins flatteuse : faute d’accès à l’internet et à la téléphonie mobile, les touristes hésitent à venir, l’infirmière ne peut pas prendre rendez-vous avec les patients, l’artisan, ne pouvant commander rapidement une pièce, perd du chiffre d’affaires. Quant à l’école, elle est fermée ! Restent l’église, le monument aux morts (Rires.)

M. Rémy Pointereau. C’est l’hyper-ruralité !

M. Alain Bertrand. … et la mairie.

M. Jean Desessard. Pas pour longtemps !

M. Alain Bertrand. Tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait tout de même maintenir un minimum de symboles républicains,…

M. Alain Bertrand. … mais on ne le fait pas !

Tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait aider à la démétropolisation, à l’implantation d’entreprises dans ces territoires ruraux et hyper-ruraux.

Tout le monde s’accorde à dire qu’il faudrait mettre en place un plan associant le département, la région et l’État pour amener l’internet, mais je puis vous assurer que nous autres, ruraux et hyper-ruraux, nous aurons internet vingt ans après tout le monde !

M. Jacques Mézard. Optimiste !

M. Alain Bertrand. Le problème de fond, c’est le manque de stratégie et de volonté pour s’atteler à ce qui devrait être une grande cause nationale. Toutes les lois devraient prendre en compte l’hyper-ruralité, la démétropolisation devrait être une règle, mais ce n’est pas le cas ! On commence seulement à expérimenter les guichets uniques dont j’avais préconisé la mise en place dans mon rapport. Peut-être l’habitant de l’hyper-ruralité n’ira-t-il pas non plus voter dimanche prochain, à moins qu’il ne vote pour un parti extrémiste…

Chers camarades sénateurs… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Didier et M. Patrick Abate. Très bien !

Un sénateur du groupe Les Républicains. Pas camarades, compagnons !

M. Alain Bertrand. Camarades, c’est un beau mot, qui exprime la fraternité, comme dans la devise de la République ! Nous sommes tous camarades !

M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, si Mme Pinel et vous ne parvenez pas à convaincre le Premier ministre et le Président de la République de la nécessité d’élaborer une grande loi de programmation pour les ruralités et une loi de programmation pour la ville, nous manquerons forcément l’objectif. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » est très diverse, puisqu’elle recouvre des missions du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, l’intervention territoriale de l’État, l’aménagement des territoires et la politique de la ville, mais ses différents programmes relèvent d’une logique de solidarité territoriale et d’équilibre des territoires.

Qu’il s’agisse de territoires ruraux en voie de désertification ou de quartiers déshérités de certaines agglomérations, tout le monde s’accorde à dire que, pour maintenir ou redynamiser ces territoires, il faut des services publics, des entreprises et des commerces de proximité, de la mixité fonctionnelle entre habitat et activités compatibles avec celui-ci.

Cette dernière dimension est essentielle. On ne peut cantonner des espaces à une fonction spécifique, comme nous l’avons fait trop longtemps dans de nombreuses agglomérations : ici les zones résidentielles, là les zones commerciales, un peu plus loin les activités industrielles. On observe même cette sectorisation dans les espaces ruraux, où l’on multiplie parfois les zones d’activités, au détriment de la mutualisation et des terres agricoles, alors que la démarche consistant, chaque fois que c’est possible, à conjuguer sur un même espace plusieurs fonctions favorise les échanges, le dynamisme et la résilience du territoire, bref le lien social, qui nous fait tant défaut aujourd’hui.

S’agissant des actions du CGET, l’aménagement numérique est effectivement devenu essentiel pour favoriser l’installation de nouvelles entreprises et de nouveaux habitants. Il faut veiller toutefois à ne pas se fourvoyer en pensant que cela suffira à rendre leur dynamisme à des territoires en déshérence.

Il reste néanmoins important de favoriser l’accès aux technologies numériques, et pas seulement en rendant possible la connexion, mais aussi en accompagnant les possibles nouveaux connectés dans l’utilisation de ces technologies. Il convient de rappeler que, à l’heure actuelle, 13 % de nos concitoyens, qui ne vivent pas seulement dans les zones rurales, sont encore entièrement déconnectés d’internet : cela peut tenir à des difficultés de connexion ou à une forme de militantisme, mais il y a aussi des victimes de la fracture numérique, qui ne sont pas entrées dans cette culture.

Cela doit nous inciter à conserver des points d’accès physiques de proximité pour l’ensemble des services publics. (M. Jean Desessard approuve.) Aucun système numérique, aussi sophistiqué soit-il, aussi performant soit-il, ne remplacera la relation humaine.

Au sein du programme « Interventions territoriales de l’État », deux éléments ont retenu particulièrement mon attention.

Le premier est l’action Eau agriculture en Bretagne, relative à l’amélioration de la qualité de l’eau en Bretagne. Elle vise à mettre en cohérence, par bassin versant, les démarches des différents acteurs économiques, en particulier les agriculteurs, au travers notamment de la poursuite du plan de lutte contre les algues vertes. Pour cette action, les autorisations d’engagement passent de 7 millions à 5 millions d’euros et les crédits de paiement de 8 millions à 5 millions d’euros. Est-ce parce que l’on entreverrait enfin le bout du tunnel ? Je ne le pense pas. De gros efforts restent à fournir.

M. Joël Labbé. Les mesures curatives, c’est une chose ; le financement de la nécessaire transition agricole permettant d’éviter ces désordres, c’en est une autre !

Second élément ayant retenu mon attention, les crédits affectés au plan de lutte contre la contamination par le chlordécone des sols et des eaux en Martinique et en Guadeloupe diminuent également, passant de 2,5 millions à 2 millions d’euros. Sur ce point également, on peut s’interroger.

Le big bang territorial, dont on verra les premiers effets en 2016, se prépare déjà au travers de ce projet de loi de finances. Les régions auront-elles les moyens d’assumer leurs compétences ? Elles auront à mettre en œuvre des schémas prescriptifs pour l’aménagement du territoire et le développement économique. Cela concerne les transports, les déchets, l’énergie, la biodiversité. Il faudra bien qu’elles en aient les moyens.

Au sein du programme 147, un dispositif a retenu mon attention, celui de l’Établissement public d’insertion dans l’emploi, l’EPIDE. Les crédits de ce dispositif sont revalorisés, ce qui permet le financement de la création de 570 places nouvelles. Ainsi, 1 000 jeunes supplémentaires pourront être accueillis, ce qui porte la capacité des dix-huit centres à plus de 3 700 jeunes, bénéficiant d’un accompagnement renforcé. Cette progression et la création de la garantie jeunes témoignent de l’engagement du Gouvernement en faveur de la jeunesse. Cet effort mérite d’être soutenu et encore accentué dans les années à venir.

Sans pouvoir entrer dans tous les détails des crédits de la mission, j’indiquerai que, malgré les contraintes budgétaires, il semble que leur ventilation tient compte des enjeux de solidarité et d’équilibre de nos territoires. C’est pourquoi les écologistes les voteront.

Mes chers collègues, je vais devoir vous quitter, Mme la ministre de l’écologie m’ayant invité à intégrer la délégation française à la COP 21. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Je dois me rendre au Bourget en vue de m’informer des idées des peuples autochtones pour faire face aux changements climatiques.

M. Michel Canevet. Et la France ?

M. Joël Labbé. Ces peuples, qui entretiennent un rapport harmonieux à la biosphère, se reflétant dans leur gestion des ressources naturelles, sont les premières victimes du dérèglement climatique. Je souhaite vivement que leur sagesse puisse nous inspirer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy.

M. Jean-Claude Leroy. Monsieur le ministre, je voudrais d’abord redire ici combien le groupe socialiste et républicain apprécie que vous ayez mis en 2015 la ruralité au cœur de votre action, notamment par la tenue de deux comités interministériels aux ruralités. Nous pouvons d’ailleurs déjà voir, au travers de différentes mesures, la traduction des propositions et des engagements pris à ces occasions.

La mission « Politique des territoires » ne représente, il est vrai, qu’une très petite partie – moins de 5 % – de l’engagement global de l’État en faveur de l’aménagement du territoire, mais si l’on considère l’ensemble des crédits consacrés à la politique d’aménagement du territoire, on constate qu’ils sont globalement stables : 5,675 milliards d’euros de crédits étaient inscrits dans la loi de finances pour 2015 et 5,706 milliards d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2016. Seuls les crédits des programmes 112 et 162 accusent une légère baisse, qui peut s’expliquer par le cadre budgétaire contraint dans lequel nous sommes tenus de travailler.

Des engagements ont été pris, et soixante-cinq mesures ont été mises en place lors des deux comités interministériels aux ruralités, que ce soit au travers des volets territoriaux des contrats de plan État-région, les CPER, de l’extension du haut débit ou de la création de 1 000 maisons de services au public. Ces dernières ouvriront d’ici à la fin de l’année 2016, grâce à une mutualisation avec La Poste. Le dispositif du prêt à taux zéro rural sera quant à lui étendu. Enfin, 200 maisons de santé supplémentaires ont été créées en 2015 et le chiffre de 1 000 sera atteint en 2017. Toutes ces mesures, et bien d’autres encore sur lesquelles je ne reviendrai pas, témoignent de l’engagement du Gouvernement.

Une autre réforme importante, celle des zones de revitalisation rurale, vient d’être engagée, avec une redéfinition des critères de classement. Cette réforme, prévue par l’article 18 du projet de loi de finances rectificative pour 2015, était nécessaire.

Je constate aussi avec satisfaction que le centre-bourg a été remis au cœur de l’aménagement du territoire : le programme de revitalisation des centres-bourgs a été officiellement lancé le 3 novembre dernier. Ce programme, qui concerne cinquante-quatre sites, est doté d’un budget global de 230 millions d’euros sur six ans ; il bénéficiera également d’une partie de l’enveloppe de 300 millions d’euros issue du fonds de soutien dont la mobilisation a été annoncée lors du comité interministériel de Vesoul.

Ce programme a suscité un réel intérêt de la part des bourgs-centres, dans la mesure où plus de 300 communes se sont déclarées candidates. Il était important d’apporter une réponse aux quelque 250 d’entre elles qui n’ont pas été retenues, mais qui avaient perçu, dans l’annonce de ce nouveau programme, une réelle chance à saisir.

Je retiens à ce sujet la prise de position de Mme la ministre, qui nous a indiqué, lors de son audition par la commission, que les préfets avaient reçu pour instruction de donner la priorité à ces bourgs au titre de l’attribution des dotations de l’État. Je vous suggérerais volontiers, monsieur le ministre, d’augmenter le taux de subvention au bénéfice de ces bourgs, afin d’améliorer le caractère incitatif de cette politique, qui redonne aux bourgs-centres une place centrale dans l’aménagement du territoire. En effet, une loi de l’aménagement du territoire veut que quand le bourg va bien, l’arrière-pays se porte bien, et que quand il va mal, c’est tout l’arrière-pays qui souffre.

Le message adressé par les territoires ruraux a été entendu. La démarche était opportune, le diagnostic est précis, les réponses sont pertinentes. Les crédits affectés à cette politique constituent une première réponse, que certains jugeront insuffisante, mais une véritable politique d’aménagement du territoire doit aussi être faite de mutualisation et de transversalité.

L’État n’est pas seul à mettre en œuvre les projets. Cette transversalité suppose certes de mettre à disposition tous les moyens de l’État. C’est le cas aujourd’hui avec la DETR, qui a été augmentée, et le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Il est également possible de faire appel non seulement aux fonds européens, au travers notamment du programme LEADER, que les régions géreront, mais aussi aux départements, dont les solidarités territoriales relèvent désormais.

Pour faire évoluer le monde rural, il faut donc une volonté politique et un projet de territoire. Pour autant, l’élaboration d’un véritable projet de territoire nécessite de l’ingénierie, laquelle fait défaut dans les territoires ruraux. Il faut donc travailler dans cette direction : les territoires ont besoin d’outils pour déceler et mettre en valeur leurs potentialités. Ils ont besoin d’une ingénierie, c’est-à-dire d’une aide à l’analyse, au diagnostic, puis à la mise en forme du projet.

Dans le département du Pas-de-Calais, dont je suis élu, une enquête réalisée auprès des communes a révélé que 25 % d’entre elles ont renoncé à un projet par défaut d’ingénierie. Beaucoup d’élus ruraux ont une vision du développement de leur territoire, mais ils ne disposent pas, la plupart du temps, de moyens humains suffisants pour concrétiser leur ambition. C’est là que l’ingénierie joue un rôle fondamental. Certains vont la chercher auprès des agglomérations, lesquelles sont dotées d’agences de développement ou d’urbanisme, mais cette démarche a l’inconvénient de renvoyer le plus souvent à une vision urbaine du développement du territoire rural. D’autres attendent beaucoup du renforcement de l’ingénierie départementale, consacrée par la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République et à laquelle peuvent s’adosser les territoires ruraux depuis la disparition programmée de l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire.

Le monde rural se modernise et sait être inventif. Il s’agit donc, non seulement pour l’État, mais aussi pour l’ensemble des partenaires potentiels de ces territoires, de continuer à lui en donner les moyens. Nous sommes convaincus que les dispositions retenues sont une première réponse et qu’elles vont dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Genest.

M. Jacques Genest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à associer à mon propos mon collègue de l’Ardèche Mathieu Darnaud, empêché, qui devait intervenir dans cette discussion générale.

En examinant les crédits de la mission « Politique des territoires » prévus pour 2016, on s’étonne d’abord de l’éclatement de la politique d’aménagement du territoire entre trente programmes, eux-mêmes disséminés entre quatorze missions du projet de loi de finances. L’existence de deux comités interministériels distincts, consacrés l’un aux ruralités, l’autre aux villes, illustre le fait que la démarche d’unification née de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires est loin d’être aboutie.

Ne disposant que de peu de temps, je concentrerai mon intervention sur le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », qui concerne notamment les territoires ruraux, éternels parents pauvres de la politique d’aménagement du territoire, où vivent des citoyens qui peinent à se faire entendre.

Monsieur le ministre, on observe que si des dispositifs pertinents existent aujourd’hui pour favoriser l’attractivité de ces territoires, l’insuffisance des moyens les prive d’efficacité. Ainsi de la montagne, qui n’a plus de ligne budgétaire dédiée, des centres-bourgs, qui sont menacés par le déclin démographique et par les dernières réformes, liées à la loi NOTRe ou au nouveau découpage des cantons, ou encore des communes qui, touchées par le phénomène de périurbanisation, voient s’accroître les demandes de services et d’équipements de la part de leur population.

J’aimerais pouvoir faire preuve d’enthousiasme devant l’expérimentation conduite par le CGET, en lien avec l’Agence nationale de l’habitat, sur la base des projets des cinquante-quatre communes sélectionnées – sur plus de 300 éligibles – en matière de logements sociaux, de soutien à l’habitat privé et d’actions de revitalisation menées dans les centres-bourgs, mais, sur l’enveloppe initialement prévue lors de l’appel à projets lancé en juin 2014, seulement 6 millions d’euros de crédits de paiement sont débloqués.

De plus, est-il réaliste d’espérer faire « rebondir » durablement ces communes sans en développer le dynamisme économique ? Comment expliquer que le budget du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, dont les crédits, je vous l’accorde, sont inscrits dans une autre mission budgétaire, soit tombé à 15 millions d’euros en autorisations d’engagement dans ce projet de budget pour 2016 ? Il était en effet de plus de 19 millions d’euros en 2015, et de 40 millions d’euros en 2012.

M. Jacques Genest. Concernant les déserts médicaux, monsieur le ministre, nous avons entendu votre collègue Marisol Touraine promettre l’ouverture d’un millier de maisons de santé d’ici à 2017. Nous constatons cependant que ce projet de loi de finances ne mentionne que 2 millions d’euros de crédits de paiement, qui serviront à couvrir des engagements anciens.

J’en viens au numérique : il s’agit d’une dimension incontournable de la politique des territoires, tant un piètre accès à internet, dans les territoires enclavés, aggrave encore les inégalités entre les citoyens.

Certes, un effort notable est réalisé en la matière : 188 millions d’euros d’autorisations d’engagement viennent abonder le plan « France très haut débit » et s’ajouter aux moyens importants votés en 2014. Néanmoins, comme le rappelait notre collègue Pointereau dans son rapport pour avis, le traitement des dossiers déposés par les collectivités est trop lent, deux ans séparant souvent l’enregistrement de la demande de la prise de décision, ce qui oblige les collectivités à des décaissements importants. Même le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, est battu : ses délais ne sont que de six ou sept mois !

Or le très haut débit représente non seulement un lien offrant aux habitants des zones rurales les mêmes capacités de communiquer que celles dont disposent leurs concitoyens urbains, mais aussi une chance incontournable pour développer le travail à domicile et aider nos PME à tirer leur épingle du jeu dans la mondialisation.

M. Labbé – j’espère qu’il se rend au Bourget à vélo ! – se désole d’une prétendue multiplication des zones d’activités en milieu rural, mais cela relève d’une vision urbaine et idéologique. Nous, élus ruraux, savons protéger nos terres agricoles tout en essayant de développer les autres activités économiques.

M. Jacques Genest. Le Président de la République a annoncé le 14 septembre dernier, à Vesoul, la création d’un fonds doté de 1 milliard d’euros, destiné à soutenir l’investissement des communes et des EPCI. Le moins que l’on puisse dire est qu’un grand flou entoure cette annonce quelque peu miraculeuse…

M. Michel Savin. On a l’habitude…

M. Jacques Genest. Une part substantielle des ressources de ce fonds provient d’un recyclage des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux.

Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai contre l’adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires », composée des trois programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », « Politique de la ville » et « Interventions territoriales de l’État », constitue un outil d’intervention en faveur de l’ensemble de nos territoires.

Une approche globale de cette mission budgétaire nous permet de tenir compte des disparités entre des zones urbaines, périurbaines ou touristiques concentrant une part croissante de la population et certaines zones de montagne ou rurales isolées et en voie de dépeuplement.

Tous ces territoires, malgré leur diversité, sont confrontées à certaines problématiques communes, comme le logement, l’emploi, les transports, l’accès aux services publics de proximité, le très haut débit, la téléphonie mobile, le développement économique, l’égal accès aux soins et, enfin, la mise en réseau des territoires, depuis les métropoles jusqu’aux villes moyennes, aux petits bourgs et aux zones rurales environnantes.

C’est pourquoi il me paraît essentiel et urgent de pouvoir disposer des moyens nécessaires pour mettre en œuvre une politique nationale volontariste en matière d’aménagement du territoire, afin de permettre un développement territorial équilibré et d’éviter que le déséquilibre existant déjà entre ces zones rurales et urbaines ne se transforme en une fracture irrémédiable.

Comme en témoignent les différents domaines que j’ai cités, le maître-mot, en matière d’aménagement du territoire, est bien celui de transversalité. Tous les ministères, ou presque, ont une part active à prendre dans cette politique.

Malheureusement, les crédits de la mission budgétaire dont nous débattons aujourd’hui sont bien maigres en regard des enjeux et des sommes à mettre en œuvre. Ils s’élèvent pour 2016 à 674 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 718 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse, respectivement, de 2,75 % et de 3,75 %.

Pourtant, le document de politique transversale d’aménagement du territoire présente 5,38 milliards d’euros de crédits au total, répartis entre trente programmes relevant de quatorze missions.

Dans ces conditions, comment apprécier réellement l’effort budgétaire réalisé pour l’aménagement du territoire ? Je le dis, comme d’autres l’ont fait avant moi aujourd’hui et les années précédentes, cette mission budgétaire n’aura de sens que lorsqu’elle regroupera un maximum de crédits. C’est aussi une question de sincérité et de priorités.

La mission « Politique des territoires » ne concentre, au final, que 13 % des crédits destinés à l’aménagement du territoire. Si l’on observe l’évolution de ces crédits globaux, c’est une baisse de 9,73 % qu’il faut noter pour cette politique, si essentielle pour l’équilibre et le développement territoriaux. Cette baisse n’est pas acceptable. Elle l’est d’autant moins que nos territoires souffrent également des autres mesures prises par le Gouvernement : diminution drastique des dotations aux collectivités locales, transfert de compétences sans compensation financière, évolution du paysage institutionnel.

Tous ces changements ont des conséquences sur nos territoires. Les élus locaux, qui sont les premiers maillons de l’animation des territoires, qui sont finalement les meilleurs acteurs de l’aménagement du territoire, ne comprennent plus quel cap leur est fixé – leur est imposé, devrais-je dire. Monsieur le ministre, au-delà des considérations purement budgétaires, ne négligez pas les élus et leur implication.

J’aborderai maintenant quelques thèmes qui me tiennent particulièrement à cœur, à commencer par celui de la mobilité, sous toutes ses formes : mobilité physique, notamment avec la problématique des trains d’équilibre du territoire, et mobilité des idées, avec la téléphonie mobile et le développement du très haut débit.

Les conclusions du rapport Duron sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire ne sont pas pour nous rassurer. Les secteurs les plus ruraux pâtiront encore des décisions prises.

M. Jean-Jacques Filleul. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-François Longeot. On verra ! J’espère me tromper, mais j’en doute.

Si le constat sur la situation de ces lignes de train est sans appel, les réponses proposées ne conviennent pas. Faute d’entretien, l’État va limiter les services aux usagers et, demain, le même État dira que les trains d’équilibre du territoire ne sont pas assez fréquentés et supprimera encore des lignes. La baisse de qualité de nos services publics provoque immanquablement une disparition de ceux-ci en milieu rural, comme cela a été le cas pour La Poste.

Par ailleurs, derrière ces questions d’aménagement du territoire, il y a aussi des enjeux industriels. Des entreprises comme Alstom souffrent aussi des décisions prises par l’État et la SNCF. L’absence de renouvellement du matériel pourrait entraîner un démantèlement de ce fleuron de notre industrie, avec pour conséquence une perte de nos savoir-faire techniques et de nos emplois.

En matière de communications, l’accès à la téléphonie mobile, marqué par d’importantes inégalités, constitue toujours, en 2015, un grave problème. Les difficultés sont encore plus flagrantes en ce qui concerne l’accès au très haut débit pour tous.

Aujourd’hui encore, trop de communes sont en zones blanches. Ces communes, situées en zones rurales ou de montagne, ne disposent pas d’une couverture numérique digne de ce nom.

M. Loïc Hervé. Absolument !

M. Jean-François Longeot. En effet, pas assez peuplées, ces zones blanches présentent peu d’intérêt pour les grands opérateurs. Le coût de l’installation du très haut débit étant très élevé en zone rurale, les programmes d’équipement actuels privilégient très majoritairement les zones offrant un retour sur investissement. Heureusement, les collectivités locales, tels les départements, viennent pallier l’absence d’investissement des opérateurs.

J’en viens à la question des déserts médicaux.

Mme Françoise Gatel. Oui, excellente question !

M. Jean-François Longeot. Vous le savez, j’ai eu la chance d’être rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire pour le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Les propositions que nous avons formulées étaient fortes, mais mesurées. Elles s’inscrivaient dans la droite ligne du rapport d’information réalisé par Hervé Maurey quelques années auparavant.

Les déserts médicaux progressent. La densité médicale départementale moyenne, toutes spécialités confondues, diminue : elle est passée de 275,7 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants au 1er janvier 2007 à 266,4 au 1er janvier 2015. Aujourd'hui, 3 millions de Français vivent dans un désert médical, et les prévisions n’ont rien pour nous rassurer. En effet, la demande de soins augmente avec le vieillissement de la population et les maladies chroniques. La démographie médicale devrait ainsi connaître un creux dans les dix prochaines années, sachant que 26,4 % des médecins ont plus de soixante ans.

Même si nos propositions pour favoriser l’installation des médecins n’ont pas été retenues, je reste convaincu qu’elles constitueraient de bonnes solutions pour remédier à ces difficultés.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-François Longeot. D’autres voies peuvent nous permettre de progresser : le développement de la télémédecine et de la délégation de soins pourrait également être accéléré.

En conclusion, compte tenu de la déception que nous ne pouvons qu’éprouver à l’examen des crédits de cette mission, le groupe UDI-UC suivra les avis de la commission des finances et de celle de l’aménagement du territoire et votera contre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.

Mme Nelly Tocqueville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’égalité des territoires au sein de l’État est essentielle. Il y va de l’unité de notre République, laquelle est, nous ne le répéterons jamais assez, une et indivisible.

Il s’agit de renforcer cette égalité et de lutter encore et toujours contre la dichotomie urbain-rural, contre les fractures non seulement territoriales, mais également économiques, sociales et numériques dont souffre notre pays depuis de longues années.

C’est notamment le rôle du Commissariat général à l’égalité des territoires, dont je salue la création au mois de mars 2014 et qui participe au processus de désenclavement et de développement des territoires ruraux.

Certes, cela a été souligné, les crédits alloués à la mission « Politique des territoires », notamment aux programmes 112 et 162, baissent par rapport à l’année dernière. Néanmoins, comme ce fut le cas pour la loi de finances de 2015, la baisse de ces crédits ne fait que refléter, en partie, la nécessité affirmée et assumée, de la part de l’État, de maîtriser les dépenses et de redresser les comptes publics. (M. Charles Revet s’exclame.)

Je souhaite, en particulier, exprimer ici ma satisfaction au regard des actions menées par le Gouvernement en faveur de l’égalité des territoires. Les assises de la ruralité et les deux comités interministériels aux ruralités ont conduit à des annonces sans précédent en faveur des territoires ruraux, apportant plus de cohérence et de lisibilité à l’action du Gouvernement en la matière. Je fais notamment référence aux 3 milliards d’euros engagés pour le déploiement du haut débit : quatre-vingt-sept départements sont déjà concernés par le plan « France très haut débit » et tous le seront d’ici à la fin de l’année 2016.

Il faut poursuivre dans cette voie, car nous savons tous que l’accès au numérique est un élément clef de l’égalité des territoires. Nous nous devons de répondre aux préoccupations et aux inquiétudes des Français dans ce domaine, ainsi qu’à celles des élus locaux.

Il en est de même de la couverture des zones blanches en matière de téléphonie mobile. Je sais que le programme de résorption de ces zones se poursuit et que le Gouvernement s’est engagé à couvrir en 3G l’ensemble des 3 600 bourgs-centres d’ici à la fin de l’année 2017. Je soutiens pleinement cette initiative, qui était indispensable.

D’autres actions ont été mises en œuvre pour lutter contre les inégalités territoriales. Afin de favoriser l’accès aux soins, 200 maisons de santé supplémentaires seront créées d’ici à la fin de l’année 2015. En matière d’accès aux différents services publics, 1 000 maisons de services au public seront en fonction d’ici à la fin de l’année 2016. Près de 400 existent déjà, et je salue le partenariat conclu avec La Poste, que nous a présenté le président-directeur général de cette entreprise au cours de son audition, le 3 novembre dernier, et qui permet d’accélérer le déploiement de ces maisons de services au public, en vue d’atteindre l’objectif de 1 000.

L’État doit garantir l’égalité d’accès aux services pour tous ses citoyens sur tout le territoire, et il remplit là sa mission. Dans ce contexte, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que l’objectif de la mise en service de 1 000 maisons pluridisciplinaires de santé sera atteint d’ici à 2017 ?

Il faut continuer à soutenir nos territoires ruraux dans leur diversité, lutter contre le sentiment d’abandon et de déclassement. Il est essentiel de poursuivre dans cette voie. Il faut travailler sans relâche pour instaurer toujours plus de justice, de simplification, de concertation et de connexion entre les différents territoires.

Comme l’a rappelé Mme Pinel, il faut « remettre la République dans les territoires, dans tous les territoires ». Transformons ces paroles en actes, redynamisons nos territoires ruraux, car, pour reprendre les mots du Président de la République, « l’égalité, ce n’est pas seulement celle des citoyens, c’est aussi celle des territoires ». Nous voterons ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, plus de dix ans ont passé depuis la mise en œuvre de la loi Borloo. Près de 9 milliards d’euros ont été investis, générant le triple de travaux, 340 000 logements ont été rénovés, 141 000 ont été construits. De nombreux quartiers ont changé de visage et beaucoup d’habitants s’en trouvent mieux.

Cependant, les chiffres de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles dessinent toujours un paysage sombre : une pauvreté trois fois plus élevée qu’ailleurs, un taux de chômage de près de 25 %, toutes générations confondues, une hausse du taux d’inactivité des femmes, quatre fois plus d’illettrés chez les 18-29 ans que dans le reste du pays et un an de retard scolaire en moyenne pour les enfants admis en sixième.

Ces politiques publiques ont été concentrées sur l’urbanisme – c’était une nécessité – et sur les questions sociales, mais en sous-estimant la problématique de l’intégration et celle des flux migratoires. La progression de l’islam radical a été ignorée, voire niée dans certains quartiers.

Plus que jamais, à la suite des attentats barbares du 13 novembre dernier et eu égard au risque que de tels événements se reproduisent, la politique de la ville est dans le collimateur. Elle ne pourra plus, cette fois, servir de formule magique ; il en a été ainsi, je vous l’accorde, pour tous les gouvernements au cours des quatre décennies écoulées. Sur le plan budgétaire, comment expliquer un tel décalage entre l’importance des moyens et la minceur des résultats obtenus ?

Dans le cadre de votre réforme de la politique de la ville, monsieur le ministre, 1 500 quartiers ont été reconnus prioritaires, car identifiés comme étant les plus pauvres du territoire français, avec un taux de chômage important, notamment pour les plus jeunes, et un grand nombre d’habitants peu ou pas qualifiés. Plus que jamais, il faut donc développer, renforcer les dispositifs favorisant la qualification, l’insertion professionnelle et la création d’entreprises.

Le 20 octobre 2015, le Président de la République a lancé l’Agence France Entrepreneur, qui assure la coordination et le guichet unique de tous les grands réseaux d’accompagnement de l’entreprenariat. C’est cette agence qui tiendra les cordons de la bourse : 3,5 millions d’euros sont annoncés pour 2016. Toutefois, on peut légitimement craindre que ces crédits, si tant est qu’ils soient bien affectés à cette nouvelle agence, ne soient pas suffisants.

S’agissant du dispositif relatif aux zones franches urbaines, reconduit à compter du 1er janvier 2015 jusqu’au 31 décembre 2020, il est a priori plus favorable que le précédent, notamment parce qu’il conditionne le bénéfice de l’exonération d’impôt sur les bénéfices au respect d’une clause locale d’embauche. Nous dresserons un premier bilan dans un an.

J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que ces dispositifs n’auront d’impact sur le taux de chômage des habitants de ces quartiers que si une reprise économique se dessine à l’échelle nationale, sauf à espérer le développement d’une économie locale, innovante et solidaire, propre à ces quartiers et moins dépendante des cycles économiques nationaux.

Enfin, j’évoquerai le nouveau plan de rénovation urbaine, qui repose sur la contribution d’Action Logement, à hauteur de 3,2 milliards d’euros de subventions, outre qu’un prêt de la Caisse des dépôts et consignations d’un montant de 1 milliard d’euros est nécessaire pour sécuriser sa mise en œuvre. Le dispositif semble donc déjà sous tension, avant même d’avoir été instauré.

Pourtant, les budgets de l’ANRU devraient être sanctuarisés, pour ne pas nourrir les inquiétudes à l’échelon local. En effet, les aides attribuées aux maîtres d’ouvrage publics – établissements publics de coopération intercommunale et communes – tiennent compte de leur situation financière, de leur effort fiscal et de la richesse de leur territoire. Il en résulte un classement des établissements publics de coopération intercommunale en six catégories, avec un taux maximal de subvention variant entre 10 % et 70 % de l’assiette.

Il va sans dire que ces nouvelles règles de financement risquent de réduire fortement l’ambition des projets de rénovation urbaine. Il pourrait en aller de même pour la reconstitution de l’offre de logements démolis, compte tenu de l’exigence de reconstruire en zones tendues des logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires, ce qui pose immanquablement la question de l’arbitrage entre la priorité donnée à l’offre nouvelle, et donc au rattrapage au titre de la loi SRU, et la compensation des démolitions, qui ne seront plus financées qu’à 70 %, contre 100 % auparavant.

Nous attendons aujourd’hui davantage d’explications, monsieur le ministre, mais avant tout des décisions budgétaires en faveur de la rénovation urbaine inscrites dans la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je centrerai mon propos sur deux aspects de cette mission : les évolutions de la politique de la ville et la traduction budgétaire de cette grande ambition nationale. Je terminerai en formulant quelques remarques sur l’engagement du nouveau programme national pour la rénovation urbaine.

Le volet relatif à la ville de la mission « Politique des territoires » traduit la haute ambition du Président de la République de lutter contre la pauvreté et le phénomène de désocialisation constaté dans nombre de nos quartiers.

Il faut se garder de tout raccourci réducteur, mais l’actualité douloureuse nous rappelle, si besoin était, combien cette problématique est au cœur des enjeux de cohésion sociale, à quel point les réponses et les solutions que nous pouvons apporter conditionnent notre capacité collective à donner sens à ce que nous avons en commun, à la République.

Je veux ici souligner la pertinence des choix politiques et méthodologiques qui ont été faits par les ministres de la ville successifs, François Lamy, Myriam El Khomri et Patrick Kanner, pour cibler les 1 500 quartiers de la nouvelle politique de la ville et pour améliorer l’efficacité des politiques de renouvellement urbain dans le cadre du nouveau PNRU, lequel concerne 466 quartiers, 216 d’intérêt national et 250 d’intérêt régional, en impliquant les habitants eux-mêmes à travers les conseils citoyens.

Pour la première fois dans notre pays, des quartiers situés dans des territoires ruraux relèvent de la politique nationale de la ville. Certains d’entre eux accèdent aussi au nouveau PNRU. C’est ainsi le cas du Grand Garros, à Auch. C’est une reconnaissance qui mérite d’être soulignée et un progrès important en matière de solidarité nationale !

Dans un contexte général marqué par la nécessité de contribuer au rétablissement des comptes publics, le programme 147 voit ses 438 millions d’euros de crédits préservés, la fin des entrées dans le dispositif des zones franches urbaines expliquant de manière purement mécanique la baisse de 2,6 %. L’action n° 1 de ce programme, Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville, en atteste, puisque ses crédits sont en augmentation de 15 millions d’euros par rapport à 2015. Les crédits pour les nouveaux contrats de ville s’élèvent à 197 millions d’euros, ceux pour les projets de réussite éducative et les dispositifs adultes-relais à 151 millions d’euros.

Les 7 000 associations et l’action citoyenne dans ces quartiers seront soutenues grâce à 171 millions d’euros de crédits tous ministères confondus, dont 77 millions d’euros pour le seul ministère de la ville.

Pour prendre l’exacte mesure de l’effort budgétaire national en faveur de ces quartiers, il faut ajouter aux 367 millions d’euros de mesures d’allégement fiscal, en hausse par rapport à 2015, les 4,1 milliards d’euros de crédits de droit commun qui permettront d’améliorer la vie quotidienne des habitants de ces quartiers dans les domaines de l’éducation, de la formation et de l’accès à l’emploi, de la prévention et de la sécurité, de l’accès à la vie associative et culturelle, du soutien social, de la santé, de la lutte pour l’égalité et contre les discriminations.

Enfin, 99 millions d’euros seront consacrés au développement économique des quartiers, par le biais notamment de l’Agence France Entrepreneur, qui sera mise en place en 2016.

L’EPARECA, l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, poursuivra son travail remarquable de reconquête commerciale de ces quartiers.

Au total, le budget de la politique de la ville augmente, traduisant ainsi concrètement la priorité que celle-ci constitue pour le Gouvernement.

Pour terminer, je dirai quelques mots du déploiement du nouveau programme national pour la rénovation urbaine.

L’enjeu financier est considérable, les crédits du PNRU s’élevant à 6,4 milliards d’euros : 5,3 milliards d’euros pour les quartiers d’intérêt national et 1,1 milliard d’euros pour les quartiers d’intérêt régional.

Les enseignements tirés des précédents PNRU amènent à s’interroger sur l’efficience de l’emploi des fonds. Nul doute que les stratégies de peuplement, a fortiori selon le périmètre non plus des seuls quartiers, mais des territoires agglomérés, aideront à atteindre l’objectif de mixité sociale, ce qui garantira sur la longue durée l’efficacité globale de l’ensemble du dispositif.

La bonne mise en œuvre du nouveau PNRU sera aussi conditionnée par les capacités budgétaires des partenaires financeurs. La technique du scoring permettra à l’ANRU de tenir compte des situations diverses des territoires, mais je regrette d’avoir à constater que la baisse de la DGF affectera immanquablement les possibilités de financement des communes et des EPCI concernés. La réduction des subventions accordées pour les démolitions à 70 % au maximum du montant des dépenses exposées à ce titre suscite elle aussi des interrogations.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, grâce aux contrats de ville, au PNRU et au nouveau PNRU, notre pays, au travers de l’action du Gouvernement et du ministre, dont je salue l’engagement, s’est donné les moyens budgétaires et méthodologiques d’améliorer la vie des habitants des quartiers défavorisés.

Le chemin pris est le bon ; il sera long, et nous n’en sommes qu’au début ! Je vous propose d’adopter les crédits du volet relatif à la ville de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Raison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires » prend une résonance toute particulière dans ce contexte d’unité nationale, tant au sein de nos territoires ruraux que dans nos quartiers dits « sensibles » et nos villes traditionnelles.

En préambule, je tiens à souligner qu’il n’y a pas d’un côté les villes et de l’autre le monde rural. Une approche catégorielle de ces territoires, qui ont chacun leurs atouts et leurs problèmes, manquerait forcément de cohérence. Les liens existant entre eux doivent être maintenus : je pense en particulier aux déplacements réguliers de nos concitoyens entre ces différents espaces, à leurs aspirations et leurs attentes communes en matière de services publics, d’emploi, de sécurité ou encore de culture. Les ruraux ont besoin des villes et de leurs services de pointe, les citadins ont besoin du monde rural pour s’oxygéner.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Michel Raison. Ce qui rapproche également ruraux et citadins aujourd’hui, c’est, malheureusement, la désillusion.

Il y a la désillusion que suscite un budget en baisse de 3,8 % par rapport à 2015. Il ne permettra pas de relever les défis immenses de la politique des territoires.

Il y a la désillusion liée à la quasi-disparition du FISAC, qui permet d’aider les petits commerçants, en particulier en milieu rural, tandis que l’on a doublé la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM. L’insuffisance des crédits affectés au dispositif de revitalisation des centres-bourgs est un autre motif de déception : une enveloppe de 6 millions d’euros de crédits de paiement a été débloquée, alors que 214 millions d’euros étaient prévus.

Il y a la désillusion provoquée par la réforme territoriale, qui était censée apporter une simplification de l’architecture de la France. Au lieu de cela, les bassins de vie se retrouvent enlisés, en matière tant de répartition des compétences que d’organisation, et le nombre d’élus dépasse l’entendement.

Il y a la désillusion engendrée par la diminution, d’année en année, des crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, outil pourtant indispensable au financement des grands projets structurants.

La déception est encore accrue par la décision du Gouvernement de ne pas reconduire le dispositif des pôles d’excellence rurale, les PER, dont la mise en œuvre avait été décidée à l’occasion du comité interministériel d’aménagement et de développement des territoires du 14 octobre 2005. À cet égard, je ne peux que m’associer aux propos de M. le rapporteur pour avis Pointereau, qui a souligné que « les financements des PER exercent un fort effet de levier comme accélérateurs de projets et sont structurants pour la dynamisation des espaces ruraux ». Cette décision gouvernementale est d’autant plus surprenante qu’elle intervient avant même que l’évaluation du second cycle de PER n’ait été effectuée !

Je ne saurais manquer d’évoquer le désenclavement, dimension structurante de l’aménagement du territoire. Il passe par le développement de l’accès à internet et la couverture en téléphonie mobile, bien sûr, mais aussi par l’amélioration du réseau routier. Or l’écotaxe, qui devait alimenter l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, a été lamentablement supprimée…

Enfin, je tiens à souligner la disparition du fonds de 1 milliard d’euros en faveur de la ruralité dont le Président de la République, affublé de douze ministres (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), avait annoncé la création lors du comité interministériel qui s’est tenu à Vesoul, dans mon département. On n’en trouve pas la trace dans le présent projet de budget. Cette annonce était flamboyante et elle a bénéficié d’un écho médiatique particulièrement bien orchestré. À mon grand regret, le désenchantement, là aussi, est à la hauteur de l’agitation médiatique. Cela est grave, même si d’autres gouvernements ont déjà recouru, dans le passé, à ce type de communication. Il faut cesser de mentir au peuple (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), ou alors ne pas s’étonner ensuite qu’il fasse des choix dérangeants lors des élections. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Marc. Évidemment, avec ce type de discours…

M. Michel Raison. Monsieur le ministre, qu’est devenu ce plan ? S’il doit exister un jour, qu’est-ce qui le différenciera de la dotation d’équipement des territoires ruraux ? Quelle coordination envisagez-vous avec le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire ou avec les contrats de plan État-région ?

Nous avons besoin de cohérence. L’aménagement du territoire, comme le développement durable, n’est pas qu’une question budgétaire. C’est un sujet interministériel. Lorsqu’il n’y a ni ligne de conduite ni crédits suffisants, la politique d’aménagement du territoire ne peut être de qualité. Le groupe Les Républicains votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, qui ne pouvait malheureusement être présente aujourd'hui. Pour autant, je m’emploierai à répondre au mieux aux questions, importantes, qui ont été posées concernant la mission « Politique des territoires » dans son ensemble.

J’y reviendrai plus loin, mais je tiens d’ores et déjà à souligner combien ce gouvernement est attaché à la défense des intérêts de tous les territoires et de tous leurs habitants. Nous n’appréhendons pas l’aménagement du territoire en opposant les territoires les uns aux autres. Chaque territoire a sa place dans le concert national. L’égalité des territoires, c’est ce qui, précisément, permet à chacun d’entre eux, en fonction de ses ressources et de ses potentialités et en conscience de ses freins et de ses handicaps, de choisir sa trajectoire et d’accomplir son développement, pour ses habitants.

C’est cette mise en capacité, cette mise en mouvement des territoires, dans le respect de leur diversité et de leur complémentarité, que le Gouvernement accompagne. Parmi nos territoires, nous soutenons plus particulièrement ceux que l’on dit fragiles, les zones de revitalisation rurale et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

La territorialisation de l’action publique est aussi un choix gouvernemental fort, qui traduit une conception singulière de l’aménagement du territoire : assurer l’égalité des territoires, c’est aussi, pour l’État, intervenir plus là où les besoins sont le plus importants. C’est là tout le sens de cette mission qui rassemble à la fois les crédits de la politique de la ville et ceux de l’aménagement du territoire.

Ainsi, les crédits du programme 112 « Impulsion et de coordination de la politique d’aménagement du territoire » s’élèvent à près de 192 millions d’euros. Les autorisations d’engagement sont quasiment stables et les crédits de paiement sont en baisse de 4 % par rapport à 2015.

Ce budget traduit les grandes priorités du Gouvernement en matière de soutien au développement des territoires.

Ainsi, les contrats de plan État-région concentrent 60 % des crédits du programme et représentent une enveloppe globale de 12 milliards d’euros d’ici à 2020, destinée à soutenir des investissements d’avenir dans nos territoires, pour favoriser la croissance, le développement, l’emploi et la mobilité, monsieur Longeot.

Dernier régime autorisé d’aide directe de l’État aux entreprises, la prime d’aménagement du territoire voit ses crédits stabilisés à 25 millions d’euros. La réforme mise en œuvre l’année dernière a permis de rendre cette aide plus accessible aux PME, grâce notamment à l’abaissement des seuils d’éligibilité. En 2015, ce sont, à ce jour, vingt-cinq entreprises qui ont été subventionnées, pour un montant total de 14 millions d’euros, ce qui a permis la création de 1 730 emplois.

Le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui représente 12 % des crédits, permet quant à lui le financement des pôles d’excellence rurale, des maisons de santé pluridisciplinaires ou encore du programme de revitalisation des centres-bourgs.

Bien évidemment, les crédits de l’État en faveur de l’aménagement du territoire et des ruralités ne se résument pas à ce seul programme. De nombreuses autres mesures participent à cette politique, pour un montant total d’environ 5,5 milliards d’euros, sans compter les aides fiscales. Cela devrait rassurer M. Pointereau.

C’est notamment le cas des soixante-sept mesures adoptées dans le cadre des deux comités interministériels aux ruralités qui se sont tenus les 13 mars et 14 septembre derniers et qui touchent aux champs du logement, du numérique, de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, sans oublier l’hyper-ruralité.

Aujourd’hui, la plupart de ces mesures sont en cours de déploiement. Plusieurs sont déjà opérationnelles. Au total, elles représentent plus de 1,5 milliard d’euros.

Parmi les principales figurent la création de 1 000 maisons de services au public d’ici à la fin de 2016, grâce à la création d’un fonds de financement par les principaux opérateurs et au partenariat engagé avec La Poste, le déploiement de 1 000 maisons de santé pluridisciplinaires prévu d’ici à 2017, dont 708 sont aujourd’hui en service, contre 170 en 2012. En matière de démographie médicale, nous subissons les conséquences de la fixation du numerus clausus a un niveau extrêmement bas voilà quelques années, sans tenir compte des besoins à venir de notre population. La médecine ne peut pas être la variable d’ajustement de l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.

J’évoquerai également la résorption des zones blanches de téléphonie mobile d’ici à la fin de 2016 et la couverture de 3 600 centres-bourgs en 3G d’ici à la mi-2017, grâce au renforcement des obligations des opérateurs, monsieur Abate, le déploiement du plan « France très haut débit », avec notamment le recours aux technologies alternatives pour les territoires les plus enclavés. Mme Tocqueville, MM. Longeot et Bertrand se sont exprimés sur ce point. En ma qualité de président du syndicat mixte du Nord-Pas-de-Calais pour le très haut débit, je viens de recevoir une lettre du Premier ministre m’indiquant qu’une subvention de 180 millions d’euros lui serait consacrée. (Mme Dominique Estrosi Sassone s’exclame.) Cette aide de l’État permettra demain de desservir les plus de 700 000 foyers de la région qui n’ont pas encore accès au très haut débit.

J’évoquerai par ailleurs l’élargissement à 30 000 communes du bénéfice du prêt à taux zéro pour l’achat de logements anciens à réhabiliter, le déblocage d’une enveloppe de 300 millions d’euros pour soutenir les projets de revitalisation des centres-bourgs, qui s’ajoute à l’augmentation de 200 millions d’euros des crédits de la DETR. Voilà qui répondra aux préoccupations exprimées par M. Jean-Claude Leroy. Le montant de 6 millions d’euros prévu pour l’appel à projets, monsieur Genest, ne concerne que la première des six années d’application du dispositif.

J’évoquerai enfin le soutien à l’ingénierie locale par la création d’un dispositif d’appui interministériel au développement et à l’expertise en espace rural – la mission AIDER –, animé par des agents des corps de l’inspection de l’État mis à disposition des préfets pour des missions pouvant aller jusqu’à deux ans. Il est vrai que le manque d’ingénierie en milieu rural est un handicap qu’il nous faut absolument combler, monsieur Leroy. La ruralité fait partie intégrante de l’ADN de notre République.

L’aménagement du territoire ne peut être dissocié du développement de celles de nos villes qui concentrent les populations les plus pauvres, puisque, je le rappelle, c’est désormais le seul et unique critère retenu dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire : un critère lisible, juste et objectif, qui traduit la conception qu’a ce gouvernement de l’égalité entre les territoires urbains, entre les villes, entre les quartiers de ces villes et entre les habitants de ces quartiers. Au travers de la détermination des poches urbaines de pauvreté, nous n’opposons pas les périphéries des villes à leurs centres anciens, nous n’opposons pas les grandes agglomérations aux petites villes en milieu rural, nous n’opposons pas l’habitat vertical, collectif, fait de tours et de barres, à l’habitat horizontal, individuel et dégradé, nous n’opposons pas l’Île-de-France aux autres régions ou la métropole aux outre-mer. En faisant le choix d’accompagner tous les quartiers en décrochage de notre pays, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent, cette majorité et ce gouvernement assument pleinement une vision équitable et équilibrée de l’aménagement de notre territoire urbain, en faveur du renforcement de la cohésion nationale.

Je veux rassurer M. Daniel Raoul : près de 95 % des contrats de ville ont déjà été signés et j’espère que tous l’auront été d’ici à la fin de l’année 2017.

En ce qui concerne la pauvreté en milieu rural et le lien avec la politique de la ville, j’étais hier soir à Privas, chef-lieu de 8 300 habitants du département de l’Ardèche, dont le quartier Nouvel Horizon relève depuis cette année de la politique de la ville, tout comme le quartier du Grand Garros à Auch, monsieur Montaugé. Cela montre que la politique de la ville a su intégrer les territoires ruraux.

Le budget alloué au programme « Politique de la ville » augmentera, en 2016, de 4 %, hors poursuite de la baisse mécanique des exonérations en zones franches urbaines. Cette augmentation donne corps à la promesse d’égalité républicaine dans les territoires prioritaires.

Très concrètement, sur les 438 millions d’euros du budget de la politique de la ville, plus de 350 millions d’euros seront consacrés aux actions de terrain des associations dans les quartiers prioritaires, contre 337 millions d’euros en 2015 : nous avançons.

La première priorité du programme « Politique de la ville », c’est le renforcement de la présence des adultes et de ce qui contribue au lien social dans les quartiers. Dans le contexte que nous connaissons, cette priorité doit, plus que jamais, être réaffirmée : il faut occuper l’espace, y compris en soirée et le week-end, et soutenir le tissu social local ; conforter les acteurs de terrain dans la conduite de leurs actions de proximité, au plus près des besoins des habitants ; appuyer nos éducateurs, nos animateurs et nos médiateurs ; reconstruire une chaîne éducative allant de l’école à la cellule familiale, en passant par les acteurs de rue ; assurer, au travers de nos dispositifs, un accompagnement toujours plus individualisé, personnalisé, adapté aux différents besoins des habitants ; reconstruire un discours commun sur nos valeurs, sur la laïcité, ce qui passe par un vaste plan de formation des acteurs ; redonner des repères à une jeunesse qui désespère et décroche parfois ; enfin faire en sorte – c’est essentiel – que les habitants soient des acteurs à part entière des politiques publiques que nous conduisons pour eux.

Je tiens à le dire, tout cela constitue une réponse globale visant à prévenir la radicalisation, à côté de la réponse sécuritaire aujourd'hui déployée.

C’est pourquoi nous restaurons les crédits destinés aux associations des quartiers prioritaires, comme nous en avions pris l’engagement lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars dernier. J’emploie à dessein le verbe « restaurer », parce qu’il s’agit des crédits qui avaient été supprimés, entre 2009 et 2012, par vos amis politiques, madame Estrosi Sassone.

Le forfait d’aide aux structures employeuses des adultes relais a été revalorisé de 5 % le 1er octobre dernier. Ces adultes-relais sont en effet des vigies citoyennes dans ces quartiers.

Le deuxième axe de ce programme, c’est la réussite de nos jeunes. Là aussi, les événements récents nous obligent. Ils nous rappellent la fragilité d’une partie de cette jeunesse et la nécessité d’assurer un accompagnement adapté et un suivi renforcé dès les premiers signes du décrochage, tout d’abord avec le programme de réussite éducative, qui s’adresse aux jeunes en risque de rupture scolaire, sociale et familiale. Nous renforcerons la présence d’équipes de réussite éducative dans tous les collèges des réseaux d’éducation prioritaire qui n’étaient pas couverts jusqu’à aujourd’hui, soit quarante-cinq sites supplémentaires.

Par ailleurs, 1 000 jeunes de plus seront accueillis dans les centres de l’établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, destinés aux jeunes qui ont besoin et sont en demande de repères. Deux nouveaux centres seront ouverts en 2016 à Toulouse et à Nîmes. À cet égard, je remercie de leur soutien Mme Annie Guillemot, ainsi que MM. Daniel Raoul et Joël Labbé. M. Jean-Yves Le Drian procédera en outre, l’année prochaine, à la création de plusieurs centres de défense destinés à accueillir des jeunes désireux d’accomplir un service militaire volontaire, à l’instar du service militaire adapté outre-mer.

Nous devons également redonner confiance en leur avenir à ces jeunes qui butent dans leur parcours d’insertion. C’est le droit à la seconde chance, avec notamment les contrats starters, qui connaissent un véritable succès puisque, à la fin novembre, près de 12 800 contrats avaient été signés, l’objectif étant fixé à 13 000 à la fin de l’année 2015. Je rappelle que le chômage des jeunes a diminué en un an de 2,7 %, ce qui est une bonne nouvelle dont nous pouvons tous nous réjouir.

Le troisième et dernier axe de notre action en matière de politique de la ville, c’est le développement économique des quartiers prioritaires. En effet, le meilleur moyen de lutter contre le chômage, c’est de miser sur le potentiel de ces territoires. Il faut « oser les banlieues » ! Un quartier qui se développe économiquement, c’est un quartier qui vit, qui s’anime, qui redevient attractif.

De nombreux outils déjà en place participent pleinement à la réalisation de cet objectif : les territoires entrepreneurs, les exonérations au bénéfice des petits commerces, l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations, celle de l’EPARECA… Il y a quelques semaines, j’inaugurais ainsi le cinquantième centre commercial créé par l’EPARECA, à La Chapelle-Saint-Luc, près de Troyes.

Nous avons par ailleurs lancé l’Agence de développement économique des territoires « France Entrepreneur », qui rassemblera tous les acteurs, notamment la Caisse des dépôts et consignations et les régions, sous une même bannière, au bénéfice prioritairement des territoires fragiles. Il est en effet important de rendre nos dispositifs plus lisibles et plus visibles en la matière, pour faciliter la création d’entreprises, accompagner le développement des TPE et des PME. Cette agence, madame Estrosi Sassone, sera une structure légère, qui coordonnera les moyens de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations en faveur de l’entrepreneuriat, pour un montant de 60 millions d’euros. Ce projet de loi de finances regroupe en un programme unique, le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », les différents crédits ministériels destinés aux réseaux d’accompagnement, dont 660 000 euros provenant du programme 147.

L’agence mobilisera aussi le programme d’investissements d’avenir à hauteur de 50 millions d’euros, pour investir dans des entreprises à potentiel réel de ces quartiers.

Cette dimension économique sera l’un des enjeux du nouveau programme national de renouvellement urbain. L’ANRU et ses partenaires engageront bien 6,4 milliards d’euros, avec d’ailleurs un préfinancement de 1 milliard d’euros de la Caisse des dépôts et consignations pour accélérer la mise en œuvre des projets, l’objectif étant de susciter 20 milliards d’euros d’investissements. Je n’oublie pas que le plan Borloo avait permis d’engendrer 47 milliards d’euros d’investissements, mais le financement de l’ANRU n’était alors pas sécurisé ; nous avons dû l’assumer dès le début du présent quinquennat. Je sais, madame Estrosi Sassone, que vous appréciez l’intervention de l’ANRU à Nice.

Cet effort est tout à fait significatif et fait sens pour transformer le cadre de vie dans les quartiers, désenclaver ceux-ci, y rénover l’habitat et amener les entreprises qui créent des emplois.

M. Montaugé a évoqué la baisse de la DGF, qui peut affecter la capacité financière des communes. Protéger les communes les plus en difficulté est une préoccupation du Gouvernement. Si la participation des collectivités à l’effort de redressement des finances publiques est légitime, elle doit être juste et solidaire. À cet égard, je souligne que la dotation de solidarité urbaine a été augmentée de 180 millions d’euros depuis deux ans. Les moyens de la péréquation ont progressé de 40 % depuis 2012 et la dotation de la politique de la ville a été reconduite à hauteur de 100 millions d’euros. La péréquation, monsieur le sénateur, est un élément majeur de notre politique.

Monsieur Delcros, la proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural ne me semble pas constituer un outil adapté : un dispositif contractuel est forcément long et parfois complexe à mettre en œuvre, surtout sur un périmètre qui n’est pas clairement défini. Nous préférons mettre en place les mesures arrêtées lors des comités interministériels aux ruralités.

MM. Delcros et Leroy ont évoqué la réforme des zones de revitalisation rurale. Les principes de cette réforme sont la simplification, l’efficacité et la justice. Le classement sera ainsi établi à l’échelle intercommunale et les critères seront la faiblesse de densité de la population et celle du revenu par habitant. Nous avons consulté les associations d’élus ; cette réforme sera inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015 et entrera en vigueur au 1er juillet 2017, pour tenir compte de l’évolution de la carte intercommunale.

Monsieur Delcros, le fonds de soutien à l’investissement local de 1 milliard d’euros souhaité par le Premier ministre comporte une enveloppe de 300 millions d’euros dédiée aux centres-bourgs.

Ces crédits sont rattachés à la mission « Relation avec les collectivités territoriales », comme d’ailleurs la plupart des dotations aux collectivités, par cohérence avec les autres dotations, mais aussi pour ne pas complexifier la gestion de ces crédits par les préfets en doublant les circuits de paiement. Les préfets seront chargés d’attribuer ces crédits à des projets qui leur seront présentés par les collectivités concernées.

Monsieur Genest, s’agissant du Fonds d’aide aux collectivités pour l’électrification rurale, le FACÉ, le Gouvernement reconduit pour 2016 sa structure et ses financements, à hauteur de 377 millions d’euros. Nous sommes particulièrement attachés à ce dispositif, dont l’utilité n’est pas mise en doute.

S’agissant des aides destinées à l’extension des réseaux, les difficultés que vous avez relevées étaient liées à des manques de personnel au sein de plusieurs agences. Il y a été remédié et le rythme normal de paiement des subventions va pouvoir reprendre.

Je répondrai enfin à Mmes Annie Guillemot et Dominique Estrosi Sassone, ainsi qu’à M. Franck Montaugé, à propos de la concentration des logements sociaux. La règle du nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU, c’est la reconstitution du parc social hors sites. Le comité interministériel du 6 mars l’a pleinement validée. Au-delà de 50 % de logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, la construction de tels logements sera limitée. L’application du taux de TVA de 5,5 % pour l’accession sociale à la propriété devrait également favoriser la mixité sociale.

En dépit de l’accueil qui m’est parfois réservé, je veillerai toujours à faire appliquer l’article 55 de la loi SRU partout où il ne l’est pas : je le dis avec beaucoup de force et de vigueur. (Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis, applaudit)

En résumé, l’ensemble de ces mesures visent à donner à tous les territoires, qu’ils soient urbains, périurbains ou ruraux, les moyens d’assurer leur propre développement et à garantir l’accès de leurs habitants aux principaux services publics. C’est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose d’adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)

politique des territoires

Politique des territoires - Compte d'affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Politique des territoires (interruption de la discussion)
Politique des territoires - Compte d'affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Politique des territoires (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Politique des territoires

660 566 400

704 410 505

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

204 974 543

244 112 784

Dont titre 2

22 952 997

22 952 997

Interventions territoriales de l’État

22 080 824

25 906 688

Politique de la ville

433 511 033

434 391 033

Dont titre 2

20 830 219

20 830 219

M. le président. L'amendement n° II-329, présenté par MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

Politique de la ville

dont titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. La conclusion de M. le ministre est excellente : il faut rétablir l’égalité. Mais, pour cela, encore faut-il ne pas la perturber…

Pour garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l’État, un amendement du Gouvernement, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, a procédé à une minoration de 13 millions d’euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission « Politique des territoires ».

Cette minoration a été répartie entre le programme « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme « Politique de la ville », à concurrence de 10 millions d’euros et de 3 millions d’euros respectivement. Pourtant, les crédits de paiement consacrés à la politique de la ville sont supérieurs de 72 % à ceux de l’aménagement du territoire, les premiers s’élevant à 438 millions d’euros pour 2016, les seconds à 254 millions d’euros.

Cette ponction, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne manquera pas d’avoir des conséquences néfastes sur des territoires ruraux déjà fragilisés et bénéficiant de politiques de l’État en faveur de la ruralité.

Nous souhaitons notamment attirer l’attention de notre assemblée sur l’incidence qu’aurait un coup de rabot de 10 millions d’euros sur le programme 112.

Très concrètement, 5 millions d’euros de prime à l’aménagement du territoire en moins, ce seraient 600 emplois menacés ou non créés dans les territoires ruraux, faute de cette aide au développement des PME. S’il y a un levier efficace pour soutenir l’activité économique dans les territoires ruraux, c’est bien la prime à l’aménagement du territoire !

Les projets d’investissement des collectivités territoriales conduits au travers du Fonds national d’aménagement et de développement des territoires, le FNADT, ou des contrats de plan État-région, les CPER, seraient également directement touchés, dans un contexte déjà contraint du fait de la baisse des dotations.

Afin de rétablir un juste équilibre de l’effort entre villes et campagnes, sans opposer les territoires les uns aux autres, le présent amendement prévoit de répartir la contribution à due proportion des budgets respectifs. Ainsi, il est proposé de procéder à un transfert de 5 millions d’euros du programme « Politique de la ville » vers le programme « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial. Pour ce qui me concerne, je suis très défavorable à cet amendement, qui vise à prélever 5 millions d’euros sur les crédits destinés à l’accompagnement, à l’éducation et à l’aide à la citoyenneté. Or ces actions sont prioritaires, et ce n’est pas sur cette ligne budgétaire qu’il faut opérer une telle ponction. Certes, chaque mission doit contribuer à l’effort de maîtrise de la dépense publique, mais il faut tout de même choisir ses cibles. Au regard des événements que nous connaissons, cet amendement me semble pour le moins inopportun, sinon irresponsable ! (Protestations sur les travées du RDSE.)

M. Jacques Mézard. Mesurez vos propos, il y a des limites ! Ce qui est irresponsable, c’est de tuer les territoires ruraux !

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, rapporteur spécial.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Cet amendement vise à transférer 5 millions d’euros du programme 147 au programme 112, plus précisément à l’action Attractivité économique et compétitivité des territoires.

Bien entendu, à titre personnel, je suis toujours favorable à un renforcement des crédits destinés à la ruralité. Cependant, la commission des finances ayant proposé de rejeter les crédits de cette mission, l’amendement n’aura plus d’objet si cet avis est suivi par le Sénat.

Quoi qu’il en soit, la commission des finances souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Mézard, comme je l’ai déjà indiqué dans mon propos liminaire, Mme Pinel et moi-même n’entendons nullement opposer les territoires les uns aux autres, en particulier les zones rurales aux zones urbaines.

Nous souhaitons faire en sorte de dépasser les concurrences territoriales, en essayant de promouvoir l’équité dans l’aménagement du territoire. Nous ne sommes donc pas favorables à un renforcement de l’un des axes d’intervention de la mission « Politique des territoires » au détriment de l’autre. Le Gouvernement a d’ailleurs créé le Commissariat général à l’égalité des territoires pour renforcer la cohérence transversale des politiques.

L’action n° 1 du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », visée par votre amendement, comprend majoritairement les crédits des CPER. Or une très forte synergie existe entre ces derniers et les contrats de ville.

Par ailleurs, sous l’égide du CGET, des contrats de réciprocité ville-campagne sont expérimentés, car il s’agit de valoriser les complémentarités et les multiples liens entre les territoires, qu’ils soient urbains, ruraux, périurbains, montagnards ou littoraux. Ces contrats de réciprocité doivent aboutir à la mise en place d’actions caractérisées par une équivalence entre les échanges, l’équilibre n’étant pas nécessairement financier.

Enfin, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de réduire de près d’un tiers les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2016 au titre du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté et destinés aux associations de proximité œuvrant dans les quartiers populaires. Or ces crédits, qui s’élèvent à 14 millions d’euros, sont essentiels, notamment dans les temps troublés que nous connaissons.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’en demanderai le rejet.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.

M. Rémy Pointereau. Je m’exprimerai ici à titre personnel.

Les crédits consacrés à l’aménagement du territoire sont en baisse continue depuis maintenant quatre ans.

Par principe, je soutiendrai donc l’amendement de M. Mézard, même s’il deviendra très certainement sans objet du fait du rejet des crédits de la mission.

Nous devons être cohérents, dès lors que nous jugeons que les crédits de cette mission sont insuffisants et mal répartis. Il faut savoir ce que l’on veut : mettre en place une politique d’aménagement du territoire efficace, notamment en faveur des territoires ruraux, ou laisser se poursuivre la tendance actuelle à la déshérence.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je m’associe aux propos de mon collègue Rémy Pointereau et je soutiens moi aussi cet amendement, au nom de la justice géographique.

La politique de la ville est certes une priorité depuis de nombreuses années et il ne s’agit pas pour nous d’opposer la ville à la campagne, car tous les territoires méritent d’être soutenus.

Malheureusement, l’aménagement du territoire est en train de devenir le parent pauvre des politiques publiques. On constate de nombreuses fermetures de collèges et de services publics dans le monde rural. Nous sommes loin de l’époque où la DATAR accomplissait un travail très important en faveur d’un aménagement équilibré du territoire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Rural je suis, rural je reste, monsieur le ministre ! Je n’oublie pas mes origines, même si je passe maintenant plus de temps à Paris que dans le monde rural.

Il s’agit ici d’un amendement de péréquation et d’aménagement du territoire. Je remercie mon collègue Jacques Genest d’avoir rappelé l’importance du FACÉ. Je rappelle que le FACÉ a été créé en 1936 par Paul Ramadier, alors député socialiste de l’Aveyron et sous-secrétaire d’État aux mines, à l’électricité et aux combustibles liquides ! À l’époque, les grandes compagnies électrifiaient les villes, mais se désintéressaient complètement des campagnes. Paul Ramadier a donc décidé d’opérer un prélèvement sur les sommes destinées à l’électrification des villes au bénéfice des syndicats d’électrification ruraux. C’est là un bel exemple d’outil de péréquation, dont on aurait dû s’inspirer pour financer l’équipement numérique des campagnes !

Je voterai bien entendu l’amendement n° II-329.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Je voterai également l’amendement de Jacques Mézard, pour une raison très simple : un aménagement équilibré du territoire suppose une juste répartition des crédits disponibles. À ce titre, il convient de donner un peu plus à ceux qui ont moins.

Or, aujourd’hui, les campagnes souffrent plus que jamais. Notre assemblée compte un certain nombre de présidents de conseil général ou de conseil régional, qui tous interviennent, quelle que soit leur tendance politique, pour aider les zones rurales. Si la politique de l’État était suffisante, ils n’auraient pas à le faire.

Durant les trente dernières années, l’aménagement rural a plutôt été une réussite : on ne peut pas en dire tout à fait autant de l’aménagement urbain !

M. Charles Revet. C’est certain !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je le dis à M. Raoul avec tout le respect et l’amitié que je lui porte : tirer argument des récents attentats pour qualifier cet amendement d’irresponsable ne me semble pas recevable. Si vous opposez constamment cet argument à ceux qui ne sont pas d’accord avec vous, il finira par s’user et cela portera atteinte à votre crédit. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Cet amendement n’est pas dirigé contre la politique de la ville. La communauté d’agglomération que je préside mène une politique de la ville, à laquelle nous sommes attachés.

Quand, dans un contexte de baisse des dotations, on opère des arbitrages tels que ceux qui nous sont proposés et qui ne semblent pas, d’ailleurs, faire l’unanimité au sein du Gouvernement, il faut faire attention à ne pas provoquer des dégâts d’un seul côté. Il importe de parvenir à un juste équilibre.

Si la politique de la ville est mise en danger par un rééquilibrage de 5 millions d’euros, alors il y a vraiment de quoi s’interroger sur son avenir ! Cet amendement vise à adresser un signal : il faut arrêter de traiter nos territoires de cette manière. Il faut douze heures pour rejoindre Paris par le train depuis l’ouest du département du Cantal. Les antennes-relais de téléphonie mobile sont moins nombreuses, sur notre territoire, qu’il y a un ou deux ans. Et je ne parle pas du réseau routier… Si vous venez un jour expliquer la politique du Gouvernement en la matière, monsieur le ministre, il vous sera difficile de rejoindre notre préfecture par la route !

Il faut être attentif à cela, comme il faut être attentif aux mots que l’on emploie !

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. Urbaine je suis ! Je m’opposerai donc à cet amendement. En tant que chargée de la politique de la ville au Havre, je sais qu’il est essentiel de renforcer la cohésion sociale dans nos quartiers, de mettre en place des actions de proximité, d’impliquer nos concitoyens pour qu’ils apprennent à se connaître, à vivre ensemble et à se respecter les uns les autres.

Il n’est pas question, bien entendu, d’opposer territoires ruraux et territoires urbains, mais je considère qu’il n’est pas opportun de priver la politique de la ville d’une partie de ses financements. Cette politique joue en effet un rôle essentiel pour éviter les décrochages sociaux et éducatifs, si fréquents dans nos territoires.

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Le groupe UDI-UC est particulièrement attaché à la politique d’aménagement du territoire. Les milieux ruraux souffrent, notamment en raison des difficultés rencontrées par le secteur de l’agriculture, qui irrigue l’ensemble du territoire et représente une source importante d’emplois.

Le mouvement de métropolisation actuel fait craindre une concentration de l’activité économique au bénéfice des zones fortement urbanisées. Il importe donc d’adresser des signaux positifs au milieu rural, pour manifester que l’État n’entend pas le délaisser, mais a au contraire la volonté d’entretenir une véritable dynamique en sa faveur. Tel est précisément l’objet de cet amendement.

L’approche territoriale différenciée que le rapporteur spécial Bernard Delcros a évoquée dans son propos introductif me semble pertinente. La mise en place de contrats territoriaux permettrait d’apporter des réponses au plus près des territoires, dont les besoins diffèrent.

Le groupe UDI-UC soutiendra cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour explication de vote.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Je voterai cet amendement, même si j’aurais préféré que le prélèvement soit opéré sur une autre ligne budgétaire, car je trouve dommage d’opposer la ville à la campagne.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je suis plutôt une campagnarde, voire une montagnarde, mais mon département, l’Isère, compte aussi une métropole.

Ce qui importe, c’est l’aménagement de l’ensemble du territoire. Cet amendement nous semble en contradiction avec le vote favorable que ses auteurs s’apprêtent à émettre sur les crédits de la mission, qui sont à nos yeux insuffisants.

Nous ne pensons pas qu’il soit de bonne politique de déshabiller Pierre pour habiller Paul en vue d’un aménagement harmonieux de nos territoires. Il aurait fallu abonder l’ensemble des crédits de cette mission, mais la loi organique relative aux lois de finances nous en empêche, en nous confinant dans un périmètre budgétaire contraint.

Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Dans le cadre contraint que vient d’évoquer notre collègue Annie David, le groupe écologiste votera contre cet amendement.

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Vous n’aimez pas le monde rural !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Mézard, je ne suis pas certain que M. Borloo, dont l’action en tant que ministre de la ville a été évoquée tout à l’heure, aurait apprécié cet amendement…

M. Patrick Kanner, ministre. En réalité, il s’agit ici non pas de renforcer la péréquation, mais de prélever des crédits destinés à une politique publique pour les affecter à une autre. D’ailleurs, pourquoi se limiter à 5 millions d’euros ? Pourquoi pas 10, 15 ou 20 millions ?

Monsieur Mézard, vous savez que les quartiers sud d’Aurillac, cité chère à votre cœur, bénéficient de la politique de la ville, qui mérite toute notre attention.

En écoutant certains d’entre vous, m’est revenue à la mémoire cette phrase prononcée le 16 septembre : « Il faut que la banlieue arrête de culpabiliser le pays ; au moins, dans les secteurs ruraux, on ne brûle pas les abribus ! » Ces sympathiques propos émanent de l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy. Le message est fort.

Je persiste à préconiser le rejet de cet amendement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-329.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 83 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 201
Contre 123

Le Sénat a adopté.

Nous allons maintenant procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Politique des territoires », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 84 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 136
Contre 206

Le Sénat n’a pas adopté.

compte d’affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

377 000 000

377 000 000

Électrification rurale

369 600 000

369 600 000

Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d’utilité publique et intempéries

7 400 000

7 400 000

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires » et du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».

Politique des territoires (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

5

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la forêt et du bois.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Anne-Catherine Loisier pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

6

Politique des territoires (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
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Travail et emploi
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Travail et emploi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Travail et emploi

Compte d’affectation spéciale : Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».

La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Patriat, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’accès et le retour à l’emploi, l’accompagnement des mutations économiques et le développement de l’emploi et pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la mission « Travail et emploi » s’inscrit dans la continuité. Cette mission sera dotée de 11,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 11,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Ses crédits seront donc maintenus à un haut niveau en 2016.

Ce budget s’articule selon trois priorités : l’emploi des jeunes, l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi et le soutien aux PME et aux TPE.

L’année 2016 verra tout d’abord la consolidation des dispositifs en faveur de l’emploi et de l’insertion des jeunes.

La garantie jeunes sera ainsi dotée de près de 300 millions d’euros en autorisations d’engagement et de plus de 270 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui permettra de financer l’entrée de 10 000 jeunes supplémentaires dans le dispositif. Les bénéficiaires seront ainsi au nombre de 60 000 en 2016.

Les crédits de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE, seront également augmentés afin de permettre le financement de 570 places supplémentaires, conformément à l’engagement du Président de la République. Les crédits consacrés aux écoles de la deuxième chance seront également maintenus à hauteur de 24 millions d’euros.

L’accent sera en outre mis sur l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. Ainsi, près de 590 millions d’euros seront consacrés aux structures de l’insertion par l’activité économique.

Dans le prolongement des mesures prises depuis le début du quinquennat en faveur des demandeurs d’emploi âgés de plus de soixante ans, une prime transitoire de solidarité, ou PTS, a été créée. Elle permet, sous certaines conditions, aux demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, ou du revenu de solidarité active, le RSA, nés entre le 1er janvier 1954 et le 31 décembre 1955 de bénéficier d’une prime de 300 euros par mois jusqu’à leur retraite.

Par ailleurs, le nombre de contrats aidés sera maintenu à un niveau élevé en 2016. La programmation pour 2016 prévoit ainsi la création de 295 000 contrats aidés, en lien avec les évolutions attendues de l’économie et du marché de l’emploi.

Dans le prolongement du plan « Tout pour l’emploi dans les TPE et les PME » lancé par le Premier ministre en juin dernier, un effort particulier sera consenti en faveur de l’apprentissage avec la création de l’aide « TPE jeunes apprentis ». D’un montant de 4 400 euros, cette aide sera versée la première année aux entreprises de moins de onze salariés recrutant un apprenti de moins de dix-huit ans. En 2016, plus de 277 000 contrats d’apprentissage sont ainsi programmés, contre 265 000 en 2015.

L’emploi dans les TPE sera également encouragé au travers de la mise en place de l’aide « TPE-embauche premier salarié ». Cette aide permettra de décider certaines entreprises ne comptant aucun salarié et qui hésitent encore à recruter à « franchir le pas » en embauchant un premier salarié. Quelque 1,2 million d’entreprises sont concernées.

Les moyens consacrés au service public de l’emploi seront également préservés. La subvention pour charge de service public sera quasiment stable à 1,5 milliard d’euros, ce qui permettra un accompagnement renforcé des publics les moins autonomes, dans l’esprit des recommandations formulées par la Cour des comptes dans un rapport de septembre 2015.

S’agissant des crédits des maisons de l’emploi, le projet de budget initial prévoyait une diminution de moitié de leurs dépenses, à concurrence de 13 millions d’euros. L’Assemblée nationale a cependant procédé à un abondement à hauteur de 8 millions d’euros supplémentaires. Ce rééquilibrage me semble justifié et suffisant.

Par ailleurs, le projet de budget prévoyait le maintien des crédits de fonctionnement des missions locales, dont nous connaissons tous l’importance pour l’accompagnement des jeunes. L’Assemblée nationale a souhaité abonder leurs crédits à hauteur de 12 millions d’euros supplémentaires, compte tenu du renforcement de leurs missions, notamment en matière d’accompagnement des bénéficiaires de la garantie jeunes. Cette initiative me semble bienvenue.

Mes chers collègues, le budget qui nous est proposé est donc un budget de sortie de crise, qui permettra l’accompagnement des publics les plus fragiles.

Je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve des deux amendements du Gouvernement, et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », sans modification.

Madame la ministre, je tiens à rendre hommage à votre engagement dans un contexte difficile. Vous ne ménagez pas vos efforts, et j’espère que les crédits que nous voterons aujourd’hui vous aideront dans votre tâche ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial.

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, la conception, la gestion et l’évaluation des politiques de l’emploi et du travail. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec plus de 11 milliards d’euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, le budget de la mission « Travail et emploi » est préservé.

Le contexte économique et social actuel appelait en effet le maintien de l’intervention de l’État en matière de soutien à l’emploi, et je me félicite des choix qui ont été faits par le Gouvernement.

Le budget qui nous est présenté permettra d’accompagner la reprise grâce au financement de dispositifs en faveur des jeunes, des seniors et des personnes les plus éloignées du marché de l’emploi.

C’est aussi un budget responsable, qui traduit des choix assumés.

La mission « Travail et emploi » participera à l’effort de redressement de nos comptes publics. Il n’aurait pas été responsable de réduire les dépenses d’intervention dans le contexte actuel. C’est pourquoi le choix a été fait de réduire les dépenses de fonctionnement et les dépenses de personnel.

Conformément à la norme gouvernementale de réduction des crédits de fonctionnement, les dépenses du ministère diminueront de 7 % en autorisations d'engagement et de 5 % en crédits de paiement.

Des efforts particuliers seront menés en matière de politique des achats, avec la poursuite du regroupement au niveau central des services supports du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sous l’égide du secrétariat général.

De même, les dépenses afférentes aux affaires immobilières seront réduites de près de 30 % en autorisations d'engagement, et elles demeureront stables en crédits de paiement.

Enfin, les dépenses de titre 2 diminueront de 4,5 millions d’euros en 2016, avec la suppression de 192 postes. C’est un effort important, qu’il convient de souligner.

L’année 2016 permettra la poursuite de chantiers importants en matière de dialogue social. Elle constituera la dernière année de mesure de l’audience syndicale et verra, en particulier, l’organisation de l’élection dans les très petites entreprises. Près de 15 millions d’euros en autorisations d'engagement et 16 millions d’euros en crédits de paiement seront ainsi consacrés à cet important rendez-vous.

Par ailleurs, en application de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, un mécanisme de mesure de l’audience des organisations patronales a été mis en place. Les premiers résultats seront connus en 2017, en même temps que la deuxième mesure de la représentativité syndicale.

L’année 2016 sera également la deuxième année de mise en œuvre du fonds paritaire destiné au financement des organisations syndicales et patronales. Une réforme était nécessaire, et le dispositif mis en place me semble garantir un système plus transparent et plus satisfaisant. Il sera doté de près de 33 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits permettront aussi la prise en charge de la formation des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales, ainsi que la participation des partenaires sociaux à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques du travail et de l’emploi.

Mes chers collègues, le budget de la mission « Travail et emploi » s’inscrit donc dans un rapport de cohérence avec l’action menée depuis 2012 et avec les priorités retenues par le Gouvernement : je pense notamment à l’emploi des jeunes. Les orientations arrêtées par le Gouvernement comme les choix effectués me semblent aller dans le bon sens, celui de l’accompagnement de la reprise économique.

C’est pourquoi je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », tels que modifiés par les amendements du Gouvernement, et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », sans modification.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, en remplacement de M. Michel Forissier, rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, en remplacement de M. Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, je prends la parole au nom de notre collègue Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, qui n’a pas pu se joindre à nous pour des raisons familiales.

Sur la proposition de M. Forissier, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l’adoption de l’amendement de la commission des finances tendant à ouvrir 40 000 contrats d’insertion supplémentaires dans le secteur marchand et à réduire de 200 000 le nombre des contrats aidés dans le secteur non marchand. En effet, notre commission a estimé que la politique de l’emploi devait être nettement infléchie pour être rendue plus audacieuse et moins défensive, afin de donner la priorité aux emplois aidés dans les entreprises privées : eux seuls ouvrent de véritables perspectives d’insertion sur le marché du travail, comme le montrent sans ambiguïté de nombreuses études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES.

En revanche, la commission des affaires sociales a émis, toujours sur la recommandation de M. Forissier, un avis défavorable sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », en l’absence d’une réforme globale et ambitieuse de cette formation en alternance. Alors que le Gouvernement maintient son objectif de 500 000 apprentis en 2017, le projet de loi de finances n’en prévoit que 405 000 l’an prochain.

Force est de constater que le système d’apprentissage est à bout de souffle, en partie à cause de la faible croissance économique, mais en partie aussi à cause des hésitations dont le Gouvernement fait preuve depuis deux ans en matière de prime.

M. Charles Revet. En effet !

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. De fait, cette instabilité législative n’est pas de nature à rassurer les entreprises qui souhaitent accueillir des apprentis, même si les freins non financiers à l’apprentissage ne doivent pas être négligés.

En avril dernier, une délégation de notre commission s’est rendue en Allemagne et en Autriche pour y étudier l’organisation de l’apprentissage. Elle a conclu que notre système souffrait de deux maux essentiels : l’absence de pilotage au niveau national et la trop faible implication des partenaires sociaux dans l’élaboration des référentiels de formation. Tant que ces obstacles ne seront pas levés, l’apprentissage restera peu développé dans notre pays, alors que cette formation en alternance est, de l’aveu de tous, le meilleur moyen de lutter contre le chômage des jeunes.

M. Charles Revet. C’est une certitude !

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. J’ajoute, pour conclure, que la commission des affaires sociales souhaite l’établissement, dès l’année prochaine, d’un « jaune » budgétaire retraçant l’ensemble des contributions financières de l’État et des régions en matière d’apprentissage, car les circuits de financement sont aujourd’hui complexes et peu lisibles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la mission « Travail et emploi » pour 2016 s’élève à 11,25 milliards d’euros en autorisations d’engagement, ce qui correspond à une baisse de l’ordre de 5,9 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2015.

Ce recul s’explique principalement par la baisse en volume du nombre de contrats aidés, tout particulièrement des emplois d’avenir. Ces aides financières à destination des employeurs ayant recours à de jeunes travailleurs peu qualifiés devraient connaître un ralentissement en 2016 par rapport à cette année : alors que 90 000 contrats auront été conclus en 2015, on en prévoit seulement 35 000 l’année prochaine.

Le même constat peut être dressé pour les contrats de génération. Destinés à assurer la transmission de savoir-faire entre un senior et un jeune travailleur, ces contrats ne rencontrent pas le succès escompté : seuls 20 000 binômes sont prévus pour 2016, alors que le Gouvernement en prévoyait 100 000 en année pleine lors de la création du dispositif en 2013. Le faible recours à ces contrats nous incite à réfléchir à leur pertinence et, peut-être, à trouver de nouveaux outils pour relancer l’embauche.

Force est de constater que, indépendamment des diminutions de crédits liées à ces deux types de contrats, qui expliquent la baisse globale, le reste du budget de la mission « Travail et emploi » jouit d’une certaine stabilité. Ainsi, la subvention allouée à Pôle emploi reste inchangée, au niveau de 1,5 milliard d’euros, et le budget des missions locales est sanctuarisé à 188 millions d’euros.

Il faut aussi, et surtout, souligner le déblocage de nouveaux crédits et le soutien à certains nouveaux dispositifs.

En particulier, le Gouvernement a choisi de doubler l’enveloppe allouée à la garantie jeunes, en vue de généraliser ce dispositif grâce auquel 60 000 nouveaux jeunes de 18 ans à 25 ans en situation de précarité pourront bénéficier l’année prochaine d’un accompagnement renforcé pour s’insérer dans l’emploi et percevoir une allocation pendant toute la période d’accompagnement. Ce contrat repose sur les principes de confiance et de responsabilité : il vise à redonner à ses bénéficiaires de l’estime de soi, à leur réapprendre à vivre dans un collectif et à les rendre autonomes et capables d’initiative. Les écologistes saluent l’effort financier en faveur de ce dispositif qui, de l’aveu des acteurs sociaux, est extrêmement positif.

Nous soutenons également l’augmentation des crédits alloués à l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE. Fondé sur le principe du volontariat, le dispositif accueille et héberge des jeunes motivés et désireux de rompre avec la fatalité de l’échec ; il les aide à retrouver leur place dans la société en favorisant leur entrée dans la vie active, notamment en leur permettant d’acquérir les comportements sociaux de base nécessaires pour vivre au sein d’une communauté de travail. Remarquez que ces structures ne visent pas seulement à insérer les jeunes qui les fréquentent sur le marché du travail : elles ont vocation à les réintégrer au sein de la communauté, en cohérence avec les valeurs de la République. Au lendemain des attentats meurtriers qui ont touché notre pays, on ne peut que saluer cette initiative.

Le développement de l’aide à l’embauche d’un premier salarié dans les TPE, la mise en œuvre de l’aide à l’embauche d’un apprenti mineur dans les mêmes entreprises et les moyens supplémentaires alloués aux aides aux postes pour les travailleurs handicapés sont autant de mesures que les écologistes approuvent également.

Avec ce budget, madame la ministre, vous esquissez une politique de soutien à l’emploi et d’inclusion des jeunes dans la société, deux objectifs auxquels les écologistes sont naturellement favorables. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Reste que votre budget, s’il assure la mobilisation de bons outils pour lutter contre le chômage, ignore le problème des emplois non pourvus. En septembre dernier, vous estimiez que leur nombre était proche de 300 000. C’est un chiffre incompréhensible, qui ouvre la porte à toutes les interprétations, y compris les plus stigmatisantes, dès lors que notre pays compte plus de 5 millions de chômeurs.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Voilà pourquoi je profite de ma présence à la tribune pour attirer votre attention sur une initiative à laquelle je tiens particulièrement : le guide de pilotage statistique, ou GPS, pour l’emploi.

Le GPS pour l’emploi, adopté par le Sénat à une très large majorité le 2 avril dernier, vise à référencer précisément les offres d’emplois non pourvues, par bassin d’emploi et au niveau national, afin d’identifier les causes de cette situation et d’y apporter une réponse. Madame la ministre, vous avez annoncé vouloir lutter contre les vacances de postes en investissant massivement dans les formations prioritaires pour les chômeurs. C’est peut-être l’une des solutions, mais, tant que le travail statistique préalable n’aura pas été réalisé, nous ne pourrons pas être sûrs que cet effort sera couronné de succès.

Comme je le disais lorsque j’ai présenté ce dispositif, nous avons besoin de savoir où sont les besoins, en quoi ils consistent – s’agit-il, par exemple, d’un besoin de formation spécifique ? –, si les conditions de travail ou le niveau des rémunérations sont en cause et, tout simplement, si ces offres non pourvues existent vraiment – car la question se pose !

Avec le GPS pour l’emploi, nous pourrons mobiliser avec une efficacité, une efficience et une pertinence améliorées les politiques publiques de l’emploi. Madame la ministre, je resterai à votre disposition afin de vous aider à mettre en œuvre dans les plus brefs délais cet outil aujourd’hui indispensable ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la mission « Travail et emploi » pour 2016 est, comme celui voté l’année dernière, un budget de reconduction, relativement stable dans ses engagements financiers.

Dans le contexte actuel, il convenait évidemment de maîtriser ce budget en termes de crédits ; tel est le cas, puisque les crédits de paiements sont ouverts, comme l’an dernier, à hauteur de 11,4 milliards d’euros. Il traduit cependant une approche un peu trop statique dans ses orientations : une démarche plus novatrice et plus ambitieuse aurait pu être suivie à montant budgétaire équivalent. La mission « Travail et emploi » doit traduire la volonté du Gouvernement d’adapter un certain nombre de structures et de dispositifs afin de peser de manière efficace sur la politique de l’emploi.

Le contexte général économique et social, à défaut d’être favorable, est intéressant.

Il n’est bien évidemment pas très favorable, dans la mesure où nous venons de battre un nouveau record pour le nombre de chômeurs, quel que soit le périmètre considéré. Ainsi, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a augmenté de quelque 220 000 personnes en un an, avec comme point noir la destruction en un an de 30 000 emplois dans l’industrie et, surtout, de 50 000 emplois dans le secteur de la construction. L’inversion de la courbe du chômage n’est donc pas d’actualité, même si, paradoxalement, nous allons bien finir par nous en approcher ; en tout cas, nous en sommes forcément plus près qu’il y a deux ans…

Cette évolution décevante est presque spécifique à notre pays. En effet, le taux de chômage au sein de la zone euro a baissé de près de 7 % en un an, passant de 11,5 % à 10,7 % de la population active, tandis que, en France, il a progressé de 3 %, passant de 10,5 % à 10,8 %. Nous sommes, avec la Finlande et la Belgique, l’un des trois seuls pays parmi les dix-neuf de la zone euro qui ont vu leur taux de chômage progresser au cours de la dernière année.

Malgré tout, le contexte comporte aussi des éléments intéressants et encourageants. Ainsi, l’environnement international est favorable ; songeons au prix du pétrole, à la parité dollar-euro, aux taux d’intérêt et à la faible inflation. Ces paramètres ont sans doute largement contribué à un léger regain de notre taux de croissance : il est attendu à 1,1 % en 2015, ce qui permet d’espérer atteindre 1,5 % en 2016. Cette évolution est essentielle, puisque la corrélation est directe entre croissance et création d’emplois.

De fait, notre économie a donné quelques signes de reprise, certes encore très fragiles, sur la voie qui mène au solde net positif de création d’emplois, c’est-à-dire à une augmentation effective du nombre d’actifs ayant un emploi. Un certain volume d’augmentation d’emplois nous est en effet nécessaire pour réduire le chômage, vu que ceux qui arrivent sur le marché du travail sont plus nombreux que ceux qui le quittent – l’Allemagne se trouve de ce point de vue dans une situation assez différente, du fait de sa structure démographique.

Nous arrivons donc à un point d’équilibre où la pertinence des politiques menées dans différents domaines, en matière aussi bien fiscale que sociale, peut nous faire basculer du bon côté : celui de la reprise. C’est en gardant présente à l’esprit cette analyse que nous devons apprécier, madame la ministre, le budget que vous nous présentez.

Les actions du service public de l’emploi et les dispositifs en faveur des personnes les plus éloignées du marché du travail concentrent près des deux tiers des crédits de paiement ouverts pour 2016. Outre les frais de personnel et la contribution versée à Pôle emploi, ces crédits couvrent l’ensemble des dispositifs d’accompagnement des jeunes vers l’emploi, ainsi que, bien évidemment, les emplois aidés.

Pour les jeunes, le Gouvernement a décidé de faire porter son effort sur la garantie jeunes, ce qui paraît une orientation opportune, et les crédits de l’école de la deuxième chance ont été maintenus, à un niveau, il est vrai, relativement modeste.

Quant à l’enveloppe allouée aux emplois aidés, elle est en recul de 536 millions d’euros par rapport à 2015 pour les crédits de paiement.

L’ensemble de ces mesures constitue un dispositif d’accompagnement utile en matière d’insertion ou de retour à l’emploi, même si le traitement social du chômage a une incidence relativement faible sur la création nette d’emplois dans la durée. En effet, lorsque les bénéficiaires de ces contrats aidés trouvent un emploi ou voient leur poste pérennisé, ils viennent alors se substituer à des demandeurs d’emploi n’ayant pas suivi le même parcours ou à des intérimaires.

Cependant, il ne faut pas minimiser les effets positifs de ces contrats, car ils favorisent l’insertion professionnelle et le recrutement par anticipation des chômeurs : les collectivités territoriales – notamment – et les entreprises privées, dans une certaine mesure, procèdent souvent à ces recrutements par anticipation, c’est-à-dire deux ans plus tôt que pour un remplacement normal.

S’agissant de la répartition des contrats aidés entre secteur marchand et secteur non marchand, la proposition formulée par la commission des finances dans son amendement nous paraît tout à fait fondée. Pour le groupe UDI-UC, son adoption sera déterminante pour le vote du budget de la mission « Travail et emploi ».

Mme Nicole Bricq. Pour nous aussi !

M. Jean-Marc Gabouty. L’amendement de la commission se justifie principalement par les efforts considérables qu’ont réalisés les collectivités territoriales en matière de recrutement et d’encadrement d’emplois aidés au cours de ces dernières années, celles-ci jouant ainsi un rôle prédominant dans le secteur non marchand.

Pourtant, il semblerait que les collectivités locales sont aujourd’hui arrivées à saturation par rapport à ce type de contrats, dans la mesure où elles disposent désormais de moyens d’encadrement plus limités, en raison des contraintes financières auxquelles elles sont confrontées.

À cet égard, j’émettrai une réserve par rapport aux propos de certains rapporteurs sur l’effet négatif ou nul du passage de certains contrats de travail en contrats aidés dans le secteur non marchand. Même s’ils suivent en cela une étude et des statistiques publiées par la DARES, il existe probablement d’autres explications à ce constat, à commencer par phénomène de saturation que je viens d’évoquer concernant les collectivités locales. Il faut aussi souligner le fait que les collectivités locales acceptent plus facilement les profils professionnels difficiles que les entreprises du secteur privé.

M. François Marc. C’est vrai !

M. Jean-Marc Gabouty. Il est nécessaire de tenir compte de cette réalité, sinon on pourrait penser que les collectivités territoriales ont recruté avec une certaine légèreté, ce qui ne me semble pourtant pas être le cas.

Ensuite, la mise en œuvre du contrat de génération, dispositif a priori séduisant, se solde aujourd’hui par un échec en termes quantitatifs. Ainsi, l’objectif initial de création de 500 000 binômes en cinq ans – le temps du mandat présidentiel – n’est exécuté qu’à hauteur d’environ 10 %, deux ans après son entrée en vigueur. Or vous ne prévoyez aucune accélération dans ce domaine pour l’année à venir, madame la ministre ! Après un réexamen plus approfondi, cette mesure mériterait pourtant d’être relancée, parce que le concept apparaissait excellent à certaines personnes, dont je fais partie !

En ce qui concerne l’apprentissage, on peut espérer que la nouvelle prime mise en place entraînera l’augmentation du nombre d’entrées en apprentissage en 2016. En effet, l’apprentissage reste un dispositif d’intégration dans la vie professionnelle que nous devons privilégier. À cet égard, on ne peut que regretter une pratique trop limitée de celui-ci dans la fonction publique : les collectivités territoriales concentraient 61 % du total des entrées en apprentissage dans le secteur public en 2013, total qui s’élève très modestement à 6 000 nouveaux contrats par an.

En conclusion, madame la ministre, vous devriez envisager une approche plus dynamique de l’emploi, qui favorise une réorientation des emplois aidés, une relance des contrats de génération, la clarification et, éventuellement, la redéfinition du rôle de pilotage et de coordination des maisons de l’emploi, ainsi que le renforcement de leurs moyens. Il faudrait déterminer si ces maisons de l’emploi constituent un bon outil ou non. Dans d’autres circonstances, j’ai déjà dû le dire : lorsqu’un dispositif fait la preuve de son efficacité, il faut le restructurer, le développer et le systématiser ; si ce n’est pas le cas, il faut alors le supprimer ! Cette méthode garantira davantage d’efficacité.

Je le répète : il faudrait ouvrir plus largement l’apprentissage au secteur public, et en particulier aux collectivités territoriales. Il conviendrait également de rechercher des passerelles entre contrats aidés, formation qualifiante et apprentissage.

Madame la ministre, telles sont les quelques pistes qui auraient mérité une réflexion plus approfondie – mais il n’est jamais trop tard ! (Mme la ministre sourit.) – pour être prises en compte dans ce budget.

Je n’évoquerai évidemment pas aujourd’hui dans le détail un sujet qui ne relève pas de la loi de finances, mais qui – je l’espère – marquera fortement l’année 2016 : je veux évidemment parler de la réforme du code du travail, dont il faudra faire, en tout cas je le souhaite, un outil de promotion de l’emploi ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.– MM. Marc Laménie et Charles Revet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons la mission « Travail et Emploi », alors que 5,7 millions de personnes sont touchées par le chômage, toutes catégories confondues, selon l’INSEE. Les derniers chiffres du chômage parus en octobre ne peuvent laisser indifférent. Madame la ministre, nous ne pouvons pas laisser la situation se détériorer davantage !

Selon vous, cette mission bénéficierait d’un « budget ambitieux et volontariste pour la création d’emplois, la lutte contre le chômage et l’insertion professionnelle des plus fragiles ». Dans le bleu budgétaire, cette mission est présentée comme « le reflet d’une articulation entre la mobilisation renforcée en faveur de l’emploi et la promotion de la qualité au travail pour l’ensemble des salariés ».

Je souscrirais volontiers à cette déclaration d’intention, madame la ministre, mais les faits la contredisent : le budget de la mission est en baisse. Il est donc davantage le reflet du budget d’austérité que le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre cette année encore !

Dans le bleu budgétaire, il est également précisé que le ministère « participe à l’objectif gouvernemental d’amélioration de la qualité globale du service public tout en optimisant le pilotage des moyens ». C’est une manière plus élégante d’écrire que les crédits de la mission vont diminuer, que votre ministère va supprimer des emplois, notamment dans les DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, et qu’il va réduire les dotations des différents opérateurs de l’État, tout en augmentant les subventions accordées aux entreprises, en particulier celles qui embaucheront des salariés en contrats aidés.

D’ailleurs, vous allez élargir ces contrats aidés, sans avoir même pris le temps de faire le bilan du dispositif en place ! Les salariés privés d’emploi ont l’impression, tout comme nous, qu’il s’agit d’une multitude de contrats qui servent davantage à les ranger dans des cases qu’à leur garantir de trouver un emploi. Pendant ce temps-là, ces femmes et ces hommes à la recherche d’un emploi en CDI ne sont plus comptabilisés dans les chiffres du chômage.

Ainsi, en complet décalage avec vos engagements, tel que celui de lutter contre le travail illégal ou encore celui de garantir l’effectivité du droit au travail, 192 postes vont disparaître dans les DIRECCTE ! Comment faire plus et mieux avec moins de moyens humains ?

Madame la ministre, vous nous dites également vouloir relancer la politique des contrats aidés et vous créez la garantie jeunes. Or tant Pôle emploi que les missions locales, pourtant chargées de mettre en œuvre ces dispositifs, voient leurs budgets tout juste maintenus à leur niveau de 2015 ! Là encore, comment faire plus, améliorer les services rendus et innover sans moyens supplémentaires ? Tout ne peut pourtant pas résulter de la mutualisation des moyens et de la numérisation, madame la ministre et, encore moins, de la suppression de l’ouverture au public des sites de Pôle emploi l’après-midi, ainsi que le prévoit la réforme dont l’application est prévue dès le mois de janvier 2016 !

Quant aux jeunes, dont le Gouvernement avait pourtant fait sa priorité, vous leur proposez toujours plus d’emplois d’avenir ou de contrats aidés, bien que de tels contrats les maintiennent dans un statut d’extrême précarité et ne favorisent pas leur insertion durable sur le marché du travail.

Par ailleurs, vous imposez un gel de quatre mois des prestations chômage en reportant la date de leur revalorisation du 1er janvier au 1er avril, ce qui vous permet d’économiser 22 millions d’euros au passage ! Vous pénalisez ainsi les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi, ceux qui sont en fin de droits et bénéficient de l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, de l’ATA, l’allocation temporaire d’attente ou encore de l’AER, l’allocation équivalent retraite.

La dotation en faveur de l’amélioration des conditions de travail et de la prévention en matière de santé au travail – qui constitue l’un des axes prioritaires de votre politique, d’après vos déclarations – diminue également, alors que le troisième plan Santé au travail est en cours de finalisation et met justement l’accent sur la prévention !

L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, pourtant principales actrices de votre ministère dans ce domaine, verront également leur budget baisser.

Madame la ministre, vos réponses en matière d’emploi semblent se limiter à la poursuite des exonérations et des aides financières en faveur des employeurs qui recrutent des salariés en contrat précaire. Comme si les exonérations de cotisations sociales ne suffisaient pas, vous proposez d’offrir 4 000 euros pendant deux ans aux employeurs qui recrutent un salarié supplémentaire. Les dispositifs incitatifs en matière d’emploi, notamment le CICE, ont démontré leur inefficacité, mais vous persistez !

Vous le voyez, votre déclaration d’intention m’offre en définitive peu de raisons de me réjouir, tant elle est loin d’aboutir ! La seule exception à ce constat, que je tiens à souligner, est la création de 500 aides au poste supplémentaires en 2016, ce qui permettra une meilleure insertion des salariés handicapés – qui sont parmi les plus en difficulté – dans le monde du travail.

Une politique ambitieuse et volontariste vous aurait conduite à changer complètement d’orientation et à prendre enfin la mesure de la solidarité nationale qui est nécessaire pour que chaque salarié soit entendu avec la même attention que celle accordée aux employeurs !

Oui, madame la ministre, une autre politique en matière d’emploi est possible ! Le Gouvernement, même s’il n’est pas seul responsable en matière de création d’emplois, peut toujours inverser la courbe du chômage. Encore faudrait-il utiliser les bons leviers !

Il faudrait commencer par l’emploi public en mettant en œuvre, par exemple, la nécessaire modernisation de nos services publics : le départ des baby-boomers doit être l’occasion de recruter des jeunes en recherche d’avenir.

Il faudrait améliorer l’anticipation et la gestion des restructurations économiques dans nos territoires. Cela nécessite évidemment le maintien ou la hausse des crédits consacrés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, ce que je ne retrouve pas dans ce budget, ou encore le renforcement des maisons de l’emploi, afin d’élaborer une véritable GPEC et un véritable engagement de développement de l’emploi et des compétences, ou EDEC.

Il faudrait aussi développer la formation professionnelle et renforcer davantage l’AFPA, l’Association pour la formation professionnelle des adultes.

Parallèlement, il faudrait valoriser l’apprentissage : les seules aides financières aux entreprises ne résoudront pas les difficultés actuellement rencontrées par les apprentis. L’amélioration de leurs conditions de travail et de vie implique d’apporter des solutions aux problèmes du logement et du transport. À cela, il convient encore d’ajouter une véritable reconnaissance des maîtres d’apprentissage.

Telles sont les quelques pistes pour une politique ambitieuse et volontariste en faveur de l’insertion professionnelle des plus fragiles !

J’aimerais enfin évoquer les saisonniers, même si j’ai bien en tête, madame la ministre, que l’essentiel les concernant dépend du dialogue social et de la capacité des organisations syndicales à négocier. En effet, vous pourriez tout à fait jouer le rôle de facilitatrice et de médiatrice en leur faveur. De plus, si vous vouliez leur adresser un signe fort, vous auriez toute latitude pour soutenir leurs maisons des saisonnalités.

Pour conclure, madame la ministre, je regrette que votre déclaration d’intention ne soit suivie ni d’effets ni d’un budget en conséquence. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre les crédits de cette mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Éric Jeansannetas. Madame la ministre, je tiens à vous rassurer : je ne vais pas suivre la position de Mme David, car je ne veux pas que vous pensiez que tout va mal ! (Mme la ministre sourit.)

Nous examinons les crédits de la mission « Travail et emploi » dans un contexte où la hausse du nombre des demandeurs d’emploi en octobre, après l’embellie de septembre, souligne l’aspect fluctuant de l’activité économique. On compte en effet 42 000 demandeurs d’emploi de catégorie A supplémentaires, alors qu’ils étaient 14 000 de moins le mois précédent.

M. Charles Revet. Oui, c’est un peu surprenant !

M. Éric Jeansannetas. Il convient cependant de noter la progression de 5,4 % de l’activité des chômeurs de catégorie B et de 11,6 % de l’activité de ceux de la catégorie C sur une période d’un an.

Selon l’UNEDIC, le nombre de chômeurs arrivant en fin de droits a baissé de 15 % au premier semestre 2015, grâce à l’instauration de droits rechargeables par la convention pluriannuelle entre l’État, l’UNEDIC et Pôle emploi signée en octobre 2014. Ces demandeurs d’emploi ne basculent donc plus vers l’ASS, allocation financée par l’État, et restent dans les catégories B et C. Ils peuvent ainsi continuer à percevoir une allocation chômage plus élevée.

La progression des catégories B et C peut être interprétée comme un signe – fragile – de reprise économique, car l’augmentation du nombre des missions d’intérim et des CDD précéderait toujours une hausse de l’emploi durable.

Bien que restant extrêmement prudents, les indicateurs nous conduisent à envisager des signes de reprise, madame la ministre. Premièrement, le taux de marge des entreprises se redresse à 31,1 % : il atteint ainsi son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2001. Deuxièmement, le chômage des jeunes est en baisse de 2,7 % sur un an. Troisièmement, la croissance devrait atteindre 1,5 % en 2016, ce qui nous laisse présager une stabilisation du chômage, voire espérer sa baisse !

En sanctuarisant les crédits de la mission « Travail et emploi », madame la ministre, vous affirmez la volonté du Gouvernement d’endiguer le chômage, de favoriser la création d’emplois, tout en luttant contre l’exclusion sociale. En léger recul par rapport à 2015, le budget de la mission, qui s’élèvera à 11,25 milliards d’euros en 2016, est toutefois en hausse de 15 % depuis 2012, malgré les contraintes budgétaires. Il vient donc conforter les réformes engagées depuis 2012 !

Conformément à la feuille de route issue de la conférence sociale pour l’emploi du 19 octobre dernier, ce budget met l’accent sur le droit à une nouvelle chance pour les jeunes, la mobilisation des moyens en faveur des chômeurs de longue durée, le soutien à l’apprentissage et le renforcement de l’efficacité du service public de l’emploi.

Le budget pour 2016 prévoit la création de 295 000 nouveaux contrats aidés pour un montant de 2,4 milliards d’euros. Il doit financer 200 000 contrats aidés non marchands, ainsi que 60 000 contrats aidés marchands.

Cette programmation cohérente et nécessaire est pourtant remise en cause par nos collègues de la droite sénatoriale. En commission, ceux-ci ont adopté un amendement visant à supprimer purement et simplement les 200 000 contrats aidés non marchands et à créer 40 000 contrats aidés marchands supplémentaires.

Il s’agit à mon sens d’une grave erreur. Pour la justifier, la majorité sénatoriale brandit une étude de la DARES, selon laquelle 66 % des personnes sorties d’un contrat initiative emploi, ou CIE, ont été embauchées après six mois, contre 36 % pour les personnes sorties d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, ou CAE. Ces chiffres, certes avérés, ne sont pas aussi significatifs que cela, et M. Jean-Marc Gabouty a d’ailleurs nuancé leur portée tout à l’heure.

Ainsi, d’après une autre étude, publiée le 6 août 2015 par la même DARES, 81 % des employeurs du secteur marchand indiquent qu’ils auraient recruté, même sans l’aide financière. Il ne s’agit pas de mettre en cause l’utilité de ces contrats aidés : ils favorisent la stabilisation des parcours, en augmentant la durée, pour les emplois d’avenir, et en favorisant une embauche en CDI, plutôt qu’en CDD.

Pourtant, dans le secteur non marchand, il apparaît que 64 % des contrats n’auraient pas été signés sans l’aide, une proportion s’élevant à 87 % pour les établissements d’enseignement et à 62 % pour les associations.

Ces contrats permettent aux personnes les plus éloignées du monde du travail de retrouver le chemin de l’emploi. Les publics ciblés sont les chômeurs de longue durée, les seniors, les résidents des quartiers difficiles, les personnes peu ou pas qualifiées, les travailleurs en situation de handicap. Il s’agit notamment d’offrir une première expérience professionnelle à des jeunes issus de quartiers défavorisés, qui n’y auraient pas eu accès autrement.

Par ailleurs, une enquête menée en 2014 montrait que 80 % des sortants de CAE estimaient avoir acquis des compétences et de la confiance, preuve de l’efficacité de ces contrats dans la lutte contre la démobilisation, la désespérance et l’exclusion.

Alors oui, il faut continuer à mettre l’accent sur la qualité de la formation et l’allongement de la durée des contrats, et ce sera fait ! Mais il me semble parfaitement insensé de se priver d’un tel outil de remise en route vers l’emploi, dans le contexte que nous connaissons.

M. François Marc. Très bien !

M. Éric Jeansannetas. Maintenir ces 200 000 contrats dans le secteur non marchand apparaît nécessaire. Leur suppression serait totalement inadaptée à la situation actuelle.

Ce budget met l’accent sur l’insertion des jeunes, et je m’en félicite ! Un montant de 90 millions d’euros supplémentaires sera consacré au sujet, avec un accent mis sur les décrocheurs et les habitants de quartiers difficiles.

La garantie jeunes, lancée à titre expérimental sur 10 territoires pilotes à la fin de l’année 2013, élargie cette année à 72 départements, atteindra l’objectif de 50 000 jeunes à la fin de 2015. En 2016, elle sera généralisée à tout le territoire et concernera 100 000 jeunes à la fin de 2017.

Le public cible est constitué par les Français âgés de 18 ans à 25 ans, sans diplôme, sans formation, sans emploi. Ces jeunes pourront prétendre à une allocation minimale de ressources, moyennant l’engagement de se former en vue d’acquérir une première expérience professionnelle. La montée en charge de ce dispositif le porte à hauteur de 255 millions d’euros, contre 132,7 millions d’euros en 2015. La garantie jeunes, j’y insiste, donne des résultats sur les territoires.

Président de la mission locale de la Creuse, je me réjouis de l’adoption, à l’Assemblée nationale, de deux amendements de la rapporteur pour avis, Mme Chaynesse Khirouni, tendant à augmenter de 12 millions d’euros les crédits dédiés à ces établissements – 10 millions d’euros au titre de l’accompagnement des jeunes et 2 millions d’euros au titre du fonctionnement : 285,4 millions d’euros seront ainsi consacrés au financement des missions locales.

Pour rappel, en 2014, les missions locales accompagnaient 1,45 million de jeunes âgés de 16 ans à 25 ans. Elles jouent un rôle de premier plan dans le suivi et l’accompagnement des jeunes entrant dans le dispositif de la garantie jeunes ou dans celui des emplois d’avenir – d’ailleurs, pour ce dernier, elles auront aussi pour mission, cette année, d’accompagner la sortie des bénéficiaires.

La subvention à Pôle emploi est maintenue à 1,5 milliard d’euros, et les effectifs de l’agence stabilisés à 46 742 équivalents temps plein.

Le demandeur d’emploi est placé au cœur du dispositif, et vous faites bien d’agir ainsi, madame la ministre. Les orientations sont bien évidemment conformes à la convention tripartite : réalisation plus rapide du premier entretien, doublement de l’accompagnement intensif et, autre évolution positive, déploiement de 4 000 conseillers dédiés aux entreprises.

Le budget de l’Établissements pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE, qui a pu être évoqué dans le cadre d’autres missions, est également renforcé : 1 000 places supplémentaires seront créées afin d’héberger et accompagner vers l’emploi des jeunes en difficulté.

Dans le même temps, la dotation aux écoles de la deuxième chance est maintenue, avec 24 millions d’euros. Cela permettra à 15 000 jeunes d’être accueillis dans ces établissements.

Les crédits alloués aux maisons de l’emploi correspondront finalement aux crédits consommés en 2015, soit 21 millions d’euros. Si l’efficacité des maisons de l’emploi varie fortement d’un établissement à l’autre, une baisse brutale de leur financement aurait été préjudiciable. Ces structures devront être évaluées, mais ce sont des initiatives locales qui peuvent, et doivent, être salutaires.

Outil primordial pour l’insertion des jeunes, l’apprentissage sera financé à hauteur de 2,74 milliards d’euros par l’État en 2016. Le budget de l’emploi renforce cet effort financier, avec 110 millions d’euros supplémentaires. Ces dotations se traduiront, notamment, par la mise en place d’une aide au recrutement de jeunes apprentis par les TPE d’un montant de 4 400 euros pour la première année du contrat.

Afin de favoriser la création d’emplois, le projet de loi de finances pour 2016 tend également à instaurer une nouvelle aide en faveur des TPE et PME. Il s’agit de l’aide à l’embauche du premier salarié, une mesure annoncée en juin et déjà effective, qui, comme son nom l’indique, est destinée à soutenir les TPE embauchant un premier salarié.

Par ailleurs, l’article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyait l’extinction de plusieurs dispositifs d’exonération de cotisations dans les zones de revitalisation rurale, les zones de restructuration de la défense et les bassins d’emploi à redynamiser. Cet article a été supprimé par les députés et le Gouvernement a décidé, en conséquence, d’abonder les crédits du programme 103 de 38,3 millions d’euros. Je m’en réjouis, madame la ministre, et je salue la capacité d’écoute du Gouvernement.

Enfin, le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les personnes en situation de handicap. Pour faire face à cette situation inacceptable, 802 millions d’euros sont inscrits dans le budget de 2016 pour le soutien à l’emploi dans les structures d’insertion. Avec 500 aides au poste supplémentaires, le Gouvernement concrétise son engagement d’un accroissement de 2 500 aides au poste dans les entreprises adaptées depuis 2012.

Le chômage de masse est un mal profond qui mine la société française. Le rôle d’amortisseur social joué par l’assurance chômage n’est plus à démontrer. Les partenaires sociaux s’apprêtent à renégocier la convention triennale, laquelle devrait être conclue en 2016. Comme vous, madame la ministre, nous nous fions à eux pour conserver le rôle protecteur de l’assurance chômage, l’adapter aux évolutions du marché du travail et pérenniser financièrement ce régime de protection.

C’est en luttant contre l’exclusion sociale que nous atténuerons les maux de la société ! Ce budget, sanctuarisé, va dans le bon sens et le groupe socialiste – qui ne votera pas l’amendement présenté par la majorité sénatoriale – vous soutiendra, madame la ministre, dans votre détermination et votre engagement à faire reculer le chômage.

La reprise économique pointe à l’horizon (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) ; nous devons poursuivre nos efforts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à chacun sa manière d’interpréter les chiffres !

Si, voilà encore quelques jours, nous pouvions être satisfaits de la baisse du nombre de chômeurs enregistrée au mois de septembre, force est de constater que cette embellie a été de courte durée. Les derniers chiffres font état d’une augmentation de 42 000 du nombre des demandeurs d’emploi au mois d’octobre ! Madame la ministre, vous jugez ces chiffres insatisfaisants ; c’est le moins que l’on puisse dire, puisqu’il s’agit là de la plus forte hausse du chômage depuis 2013 !

Bien sûr, nous savons que les chiffres peuvent varier d’un mois à l’autre, mais nous savons aussi qu’ils ne peuvent, en l’état, traduire une diminution durable du nombre de demandeurs d’emploi. Contrairement à ce que le Gouvernement espérait, la forte baisse constatée en septembre ne marquera pas – je le crains – le début d’une inversion crédible et durable de la courbe du chômage.

En incluant l’outre-mer, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et n’ayant pas du tout travaillé en octobre frôle la barre des 4 millions. Parmi elles, les plus de 50 ans sont particulièrement touchés.

La hausse du mois d’octobre a épargné les jeunes, dont le taux de chômage aurait baissé de 2,9 % sur les douze derniers mois. Pour autant, les chiffres restent élevés et inquiétants.

C’est une question à laquelle tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans n’ont pas su ou pas pu répondre de manière efficace. Malgré de nombreuses initiatives, les statistiques montrent que, jusqu’à présent, nous n’avons pas réussi à combattre ce fléau. Ce constat est d’autant plus vrai chez les jeunes peu ou pas diplômés.

Voilà une semaine, un débat s’est tenu sur l’initiative du Cercle des économistes, en partenariat avec le journal Le Monde. Le thème était : « Ouvrons le marché du travail à la jeunesse ! » Plusieurs experts ont esquissé des pistes pour tenter d’apporter une réponse. À cette occasion, Natacha Valla, directrice adjointe du Centre d’études prospectives et d’informations internationales, a dressé le constat suivant : en France, « nous sommes capables de former des élites très compétitives et très recherchées dans le monde de l’entreprise et, en même temps, nous laissons de nombreux jeunes sans diplôme. Il faut adapter le système éducatif aux évolutions de la société et outiller ces jeunes non qualifiés pour qu’ils aient quelque chose à proposer sur le marché du travail. »

L’apprentissage est en effet un formidable levier dans la lutte contre le chômage des jeunes. Il répond à la fois au besoin de qualification et d’insertion professionnelle des jeunes et à la demande des entreprises de recruter des salariés qualifiés.

Votre prédécesseur, madame la ministre, avait tenu ces propos : « […] relancer l’apprentissage, c’est relancer l’emploi. C’est rapprocher la jeunesse des entreprises et rendre plus perméable la frontière de la première embauche. Relancer l’apprentissage, c’est aussi permettre la transmission des petites entreprises et le développement des plus grandes. Bref, c’est revaloriser le travail comme valeur républicaine. » Je ne peux qu’y souscrire ! Pour autant, l’apprentissage est encore aujourd’hui stigmatisé, dévalorisé et trop souvent considéré, à tort, comme un pis-aller de la formation par de nombreux parents.

Aussi, je déplore que le nombre d’entrées en apprentissage ait baissé de 8 % en 2013 et de 3,2 % en 2014. Je regrette surtout les différentes mesures prises par le Gouvernement en la matière : suppression de la prime à l’apprentissage pour les entreprises de plus de 10 salariés, restrictions apportées au crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage et réforme de la taxe d’apprentissage.

Je salue toutefois la mise en place de l’aide « TPE jeunes apprentis », mais je pense que beaucoup reste à faire, notamment au niveau de l’éducation nationale, pour changer les mentalités et faire en sorte que l’apprentissage soit considéré, non plus comme l’unique solution de repêchage des élèves en décrochage scolaire, mais comme une véritable voie de l’excellence.

Plusieurs de nos voisins l’ont bien compris, comme cela a été évoqué. Je pense notamment à l’Allemagne, qui compte moins de 8 % de ses jeunes au chômage.

M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, parmi les priorités de la mission « Travail et emploi » figure également l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Les crédits consacrés aux contrats aidés restent ainsi élevés, malgré une légère diminution. Je regrette toutefois que l’accent soit mis sur les contrats aidés du secteur non marchand, alors que nous savons pertinemment qu’ils ne permettent pas un retour durable à l’emploi, plus encore quand les collectivités locales et les associations connaissent – et vont continuer de connaître – de fortes diminutions de leurs dotations.

Notre rapporteur pour avis l’a rappelé, selon une étude de la DARES, six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d’un contrat unique d’insertion dans le secteur marchand sont en emploi, contre seulement 36 % des personnes sorties d’un contrat unique d’insertion du secteur non marchand.

Par ailleurs, il ne faut pas se leurrer : les contrats aidés sont qualifiés par certains économistes de « patch transitoire », agissant comme un palliatif, et non comme un curatif efficace face au chômage des jeunes. Ces contrats aidés ne doivent donc pas nous exonérer de la mise en place d’une véritable politique de l’emploi, notamment à destination des jeunes. (Mme Mireille Jouve et M. Charles Revet applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, il est bien difficile d’aborder cette mission « Travail et emploi » tant le constat que nous faisons est amer. Je n’ai, semble-t-il, pas les mêmes lunettes que notre collègue Éric Jeansannetas ; aussi, je ne porte pas forcément le même regard que lui sur ces chiffres.

Je passerai sur les fameuses promesses en matière d’emploi, alors que les chiffres du chômage ne cessent d’augmenter. À cet égard, les deux derniers mois sont à nouveau particulièrement catastrophiques, les orateurs précédents l’ont rappelé.

À cela, il faut ajouter toutes ces personnes qui ont « basculé » – pardonnez-moi l’expression – du statut de demandeur d’emploi vers les dispositifs d’accompagnement dans l’insertion. Il suffit de voir la progression des lignes budgétaires du revenu de solidarité active dans les conseils départementaux : c’est édifiant, pour ne pas dire effrayant.

Pour illustrer mon propos, je note que le budget de cette mission est quasi stable, alors même que le nombre de demandeurs d’emploi explose, avec une progression de 5,6 % cette année.

Je parlerai d’abord des fameux contrats en tout genre dont le Gouvernement se prévaut pour réduire le chômage : contrats aidés, contrats de génération ou encore emplois d’avenir.

S’agissant des contrats aidés, nous constatons une diminution de leur nombre dans le secteur marchand : 80 000 ont été signés en 2015 et seulement 60 000 nouveaux contrats sont prévus pour 2016 ! Parallèlement, faute de dotations budgétaires suffisantes, les collectivités locales ont, en grand nombre, décidé de mettre un terme à ces contrats aidés, qu’elles ne peuvent plus continuer à financer. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de la commission des finances, qui vise à soutenir les contrats aidés dans le secteur marchand, qui sont plus porteurs.

Par ailleurs, seuls 52 000 contrats de génération ont été signés au 20 septembre 2015, alors qu’il était prévu, à l’origine, d’atteindre 500 000 bénéficiaires, comme l’a rappelé Jean-Marc Gabouty. Là aussi, on est très loin du compte !

Enfin, pour les emplois d’avenir, les prévisions pour 2016 semblent en baisse.

Pour ce qui est de l’accompagnement, je parlerai de Pôle emploi et des maisons de l’emploi et de la formation, les MEF.

En ce qui concerne Pôle emploi, j’avais déjà appelé votre attention sur les inégalités de traitement dont sont victimes les demandeurs d’emploi.

Permettez-moi de prendre pour exemple ma région, Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Alors que la Cour des comptes, dans un rapport de 2013, préconisait un renforcement des agences dans le département de l’Aisne, les statistiques montrent que le nombre de conseillers par agence de Pôle emploi est inversement proportionnel au nombre d’inscrits ! Le taux de chômage y atteint 14,9 % de la population active et le nombre moyen de chômeurs suivis par un conseiller est de 175, contre une moyenne nationale de 116.

Parallèlement, je signale l’étonnante décision de la direction régionale de Pôle emploi Picardie de fermer ses agences chaque après-midi, depuis le 12 octobre 2015. Une telle initiative paraît incompréhensible, à la fois pour les demandeurs d’emploi, mais aussi pour les personnels. Notre collègue Annie David a évoqué la généralisation de cette mesure au 1er janvier 2016. Ainsi, la Picardie a essuyé les plâtres…

Dans ces conditions, il est difficile de pérenniser un service public dont les usagers – demandeurs d’emploi et entreprises – sont particulièrement fragiles : un contact facilité et permanent avec leur agence semble donc essentiel. J’ai entendu tout à l’heure que le chômeur était au centre du dispositif ; il faut croire que c’est uniquement le matin…

En ce qui concerne les maisons de l’emploi et de la formation, les MEF, si l’on peut se satisfaire d’une convention pluriannuelle sur trois ans, minimum vital pour une action dans la durée, qui correspond également au temps nécessaire pour monter les dossiers et obtenir les financements européens souhaités, tels que ceux du Fonds social européen pour lesquels une particulière pugnacité est requise, il apparaît aussi nécessaire de stabiliser les sources et la durée des financements de l’État, qui sont en déclin.

La MEF de ma ville de Laon, pour le même programme d’actions, recevait 400 000 euros de l’État en 2007 ; en 2016, ce financement s’élèvera à 80 000 euros. La baisse est vertigineuse !

Il importe de rendre possible, pour ces structures, l’anticipation de la couverture financière des programmes mis en place par l’État. À l’heure actuelle, les MEF ne disposent d’aucune visibilité sur le maintien ou non de la garantie jeunes après 2017, par exemple.

Pour une meilleure efficacité, ne peut-on envisager une mutualisation des bases de données entre les opérateurs du champ de l’emploi et de la formation ? Aujourd’hui, les MEF et Pôle emploi agissent en parallèle sur le même segment d’activité, mais sans avoir développé de véritables synergies. Certes, l’échange de bases de données est un levier d’amélioration, mais aussi un sujet de rivalité : Pôle emploi possède une meilleure base de données, mais souffre d’une moindre efficacité opérationnelle que les MEF. Il serait cependant utile de se pencher sur cette question et d’améliorer les partenariats.

Je souhaite maintenant parler de l’apprentissage, voie d’orientation prometteuse pour de nombreux jeunes.

Le Président de la République, cela a été rappelé, avait fixé un objectif de 500 000 jeunes en apprentissage en 2017. Or, de deux études publiées en février dernier, il ressort que le bilan est particulièrement négatif. En 2013, le nombre d’apprentis a fléchi de 3,1 % par rapport à 2012. Les entrées en apprentissage ont baissé de 6,5 %, alors même qu’il est unanimement reconnu que cette formation est synonyme d’insertion et d’emploi.

Son développement chez nos voisins membres de l’Union européenne, où les taux de chômage sont bien moindres, en est la preuve évidente. Il nous appartient de relancer cette voie d’orientation, en facilitant les garanties auprès des entreprises et en répandant ce dispositif au sein d’une fonction publique encore bien frileuse.

Un état des lieux devait être fait en septembre sur la mobilisation en faveur de l’apprentissage, décrétée en septembre 2014 par le Premier ministre, avec, le cas échéant, l’annonce de mesures complémentaires. Qu’en est-il, madame la ministre ? Je vous remercie de nous répondre sur ce point.

Enfin, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », a confirmé l’attribution aux nouvelles régions des compétences dans le domaine de l’emploi et de la formation professionnelle. Néanmoins, celles-ci n’auront pas la responsabilité de la politique de l’emploi, mais pourront obtenir de l’État une délégation de service public. Elles coordonneraient alors tous les acteurs, sauf Pôle emploi, qui garde son autonomie. L’apprentissage relèvera également de leur compétence.

Toujours dans ma région, les apprentis représentaient 19 % des effectifs du second cycle professionnel. Sur ce point, je suis obligé, à nouveau, d’évoquer la baisse des dotations aux collectivités territoriales et ses effets induits, notamment sur le secteur du BTP, dont les carnets de commandes se sont vidés, entraînant une diminution de 60 000 du nombre des apprentis dans cette branche d’activité depuis 2012.

Madame la ministre, comme je l’ai dit en introduction de mon propos, le constat est amer. Ce qui pourrait entraîner une création massive d’emplois, c’est, d’une part, une reprise économique, que nous voyons encore bien faible, et, d’autre part, une réforme du code du travail, dont les assouplissements nécessaires tardent à se manifester, puisqu’ils sont annoncés pour 2018 !

Vous comprendrez, madame la ministre, que les crédits de la mission ne peuvent nous satisfaire en l’état. Je les voterai néanmoins, si l’amendement de notre collègue rapporteur général sur les contrats aidés est adopté. Entre-temps, nous serons attentifs à vos réponses et à vos propositions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les derniers chiffres du chômage viennent de tomber. « Variation importante avant une stabilisation proche, suivie d’une probable baisse au début de 2016. » : c’est ainsi que vous commentez ces chiffres, madame la ministre.

Pourtant, le constat est flagrant : les chiffres, qu’ont rappelés différents orateurs qui m’ont précédé, sont catastrophiques, je n’y reviendrai pas. Néanmoins, il est important de les comparer à ceux de nos voisins européens.

Les courbes du chômage de la zone euro et de la France évoluent dans deux directions opposées. Alors qu’en octobre 2015, l’Hexagone a connu une croissance impressionnante et inattendue du nombre de chômeurs, en zone euro, c’est un autre record, à la baisse, qui a été atteint. Le chômage n’a jamais été aussi bas depuis 2011. Le nombre de chômeurs est en baisse de 0,1 % en octobre 2015, le taux atteignant 10,7 %. Selon Eurostat, c’est en 2013 que la zone euro a connu son taux de chômage le plus élevé, à 12,2 %.

Certes, les pays du sud ont des taux de chômage bien supérieurs au nôtre, mais si l’on regarde l’Allemagne, le chômage y a encore baissé, pour atteindre 6,3 %. Du jamais vu depuis la réunification du pays !

Permettez-moi de mentionner également la Suisse, dont mon département est frontalier. Le taux de chômage y est incroyablement bas : 3,3 % à l’heure actuelle. J’en profite pour vous alerter sur une problématique spécifique à mon département et, plus généralement, aux départements frontaliers de la Suisse. En Haute-Savoie, le taux de chômage est certes bas – environ 7,5 % –, mais il ne peut être considéré comme étant réellement juste. En effet, lorsque les frontaliers travaillant en Suisse se retrouvent au chômage, ils s’inscrivent en tant que demandeurs d’emploi en France.

Cette observation étant faite, je passe à l’examen des crédits de cette mission « Travail et emploi », qui s’apparente en quelque sorte à un passage en revue des lacunes de la politique de l’emploi développée par le Gouvernement.

Je tiens d’abord à remercier les rapporteurs François Patriat et Jean-Claude Requier pour leur travail, ainsi que le rapporteur pour avis Michel Forissier, remplacé aujourd’hui par le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon.

L’enveloppe budgétaire de la mission « Travail et emploi » est en baisse par rapport à l’année 2015. En 2016, cette mission sera dotée de 11,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 11,4 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 5,56 % en autorisations d’engagement et une quasi-stagnation en crédits de paiement par rapport à 2015. Cette baisse ne peut nous convenir, l’emploi devant être une des priorités du Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur l’attentisme dont fait preuve l’État quand il concentre son effort budgétaire sur les contrats aidés. Si ceux-ci sont nécessaires – notre groupe approuve d’ailleurs certains de ces dispositifs –, ils ne peuvent pas constituer l’axe principal d’une politique de l’emploi.

M. Michel Savin. Bien sûr !

M. Cyril Pellevat. Je concentrerai plutôt mon propos sur l’apprentissage.

Le volet consacré à l’apprentissage a fait l’objet de nombreuses annonces, après deux ans d’allers et retours qui s’étaient traduits par une chute de 8 % des contrats d’apprentissage en 2013, de 3 % en 2014 dans le secteur privé et de 4 % dans le secteur public.

Des mesures aux conséquences catastrophiques ont été prises dans la loi de finances pour 2014 : le crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage a été divisé par deux et un dispositif de compensation partielle ciblé sur les TPE a été mis en place, à savoir une prime d’apprentissage de 1 000 euros dans les entreprises de moins de 11 salariés, étendue ensuite aux entreprises de moins de 50 salariés, puis à celles de moins de 250 salariés, après une énième révision de la part du Gouvernement. L’apprentissage a besoin de stabilité et de tels revirements mettent à mal ce mode de formation.

Madame la ministre, vous êtes récemment entrée au Gouvernement et nous connaissons votre volonté de mieux développer l’apprentissage. Les Français doivent prendre conscience que celui-ci constitue une « voie royale » vers l’emploi. Il représente un enjeu majeur, tant pour l’artisanat que pour l’emploi et la jeunesse. En effet, ce mode de formation est garant du maintien du tissu d’entreprises artisanales, car les apprentis d’aujourd’hui sont les artisans de demain. Il permet de préserver les savoir-faire qui font la qualité de l’artisanat et débouche, dans 80 % des cas, sur un emploi, préoccupation primordiale pour les jeunes et leurs familles.

Il est donc essentiel de développer cette filière de formation, en soutenant les maîtres d’apprentissage et en assurant aux candidats à l’apprentissage de trouver une entreprise d’accueil. Il s’agit là d’un engagement fort. Nous devons prendre exemple sur l’Allemagne, où le nombre d’apprentis est trois fois plus important pour une même cohorte de jeunes.

Dans la région Rhône-Alpes, le nombre d’apprentis est en baisse de 4,1 % entre 2013 et 2014. Je soulève à nouveau un problème spécifique à la Haute-Savoie, où les apprentis ont tendance à se former en France et à fuir en Suisse pour trouver un emploi.

Je suis favorable aux deux nouvelles aides en faveur des TPE et PME, dont la mise en œuvre est déjà effective : l’aide « TPE première embauche », qui permet de mobiliser pour le premier salarié une aide de 4 000 euros, et l’aide « TPE jeunes apprentis », mesure ponctuelle d’un an qui couvre les coûts supportés par l’employeur pour l’embauche d’un apprenti. Le Gouvernement maintient aujourd’hui un objectif de 500 000 apprentis en 2017.

Enfin, madame la ministre, ma dernière remarque portera sur les crédits des missions locales.

Les crédits d’accompagnement n’ont pas été reconduits en 2016 à la hauteur de la dotation pour 2015, qui était de 45 millions d’euros. Certes, vous vous être montrée favorable à deux amendements de nos collègues députés tendant à augmenter de 10 millions d’euros les crédits pour l’accompagnement assuré par les missions locales et de 2 millions d’euros les crédits dédiés à leur fonctionnement, mais j’insiste sur l’importance de ces missions locales pour nos jeunes. Dans ce domaine, nous ne pouvons pas non plus tergiverser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons les crédits de la mission « Travail et emploi » dans un contexte que chacun connaît.

Malgré les nombreux dispositifs existants et la multiplication des opérateurs chargés de la politique de l’emploi, le chômage de masse ne diminue pas. On pourra toujours se rassurer à bon compte avec le maintien à un niveau important de ces crédits : 11,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement, 11,4 milliards d’euros en crédits de paiement.

Cependant, nous sommes quelques-uns sur ces travées à estimer que l’effort consenti en faveur de l’insertion professionnelle, de l’apprentissage et de la création d’emplois relève malheureusement avant tout de l’affichage.

Au passage, madame la ministre, je reconnais que votre tâche n’est pas facile, vous êtes même attendue au tournant ! Permettez-moi cependant de vous adresse une supplique : optez pour une certaine sobriété de propos, particulièrement lorsqu’il s’agit de commenter les chiffres mensuels du chômage. Nous avons tous en mémoire les acrobaties sémantiques de vos prédécesseurs, qui, malgré l’enchaînement des mauvais résultats, s’échinaient malgré tout à « faire bonne figure ».

Quand c’est mauvais, c’est mauvais ! De grâce, évitons les déclarations telles que : « Nous sommes en train de stabiliser », ou : « Nous mettons en place les outils de lutte contre le chômage qui vont porter leurs fruits » ! Évitons également le commentaire sélectif sur telle catégorie d’âge ou de chômeurs pour masquer la tendance haussière et, au final, pour démontrer, contre toute évidence, que la hausse n’en est pas une. Et encore, je n’ai pas cité la dernière formule, qui ne manque pas d’inventivité : le fameux « ralentissement de la hausse ».

Madame la ministre, je crois sincèrement que ces acrobaties verbales affaiblissent la parole publique. Nous n’attendons pas de vous que vous accomplissiez un exercice d’équilibriste devant une réalité qui se dérobe, mais que vous actionniez les bons leviers.

Nous savons que le Président de la République lui-même, par ses déclarations posant l’inversion de la courbe du chômage en condition à une éventuelle nouvelle candidature, ne vous met pas dans une position très confortable…

M. Charles Revet. Eh oui ! Ce n’est pas facile ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Il paraît que votre prédécesseur, quittant sa charge ministérielle, aurait confié avoir vécu beaucoup de « moments de solitude ». Devant cet aveu touchant et sincère, on a envie de manifester de la sollicitude. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Nicole Bricq. On s’éloigne du projet de loi de finances !

M. François Bonhomme. Ce sentiment serait renforcé si ces aveux prouvaient que le Gouvernement a compris que les outils actuels en faveur de l’emploi s’avèrent, au mieux, insuffisants ou inopérants, au pire, coûteux et aggravants.

Je ne reviendrai pas sur les échecs des contrats de génération ni sur la question des crédits consacrés à l’apprentissage. J’évoquerai brièvement les deux dispositifs suivants : les contrats aidés, particulièrement les contrats d’insertion, et les maisons de l’emploi.

La Cour des comptes a rendu un rapport, me semble-t-il sans appel, sur l’efficacité des contrats aidés. Ce sont les contrats en alternance et le CIE qui favorisent le plus l’accès à l’emploi non aidé et à des contrats de travail durables. À l’issue de leur contrat, les bénéficiaires de contrats aidés en secteur non marchand se trouvent dans une situation moins favorable. Or que nous propose le Gouvernement ? Une projection de 200 000 contrats CAE dans le secteur non marchand, contre la création de seulement 60 000 nouveaux contrats CIE dans le secteur marchand.

Pourquoi s’obstiner à reprendre de vieilles recettes qui ont démontré leur inefficacité ? Ce faisant, on perd de vue l’essentiel : c’est dans le secteur privé qu’il faut aider les entrepreneurs à recruter via des contrats aidés.

Concernant les collectivités locales, c’est une litote de dire qu’elles ne sont pas très enthousiastes à l’idée d’envisager l’embauche en ayant recours à un CUI ou à un CAE.

C’est la raison pour laquelle l’amendement de M. le rapporteur général de la commission des finances va dans le bon sens : il tend à réduire les crédits alloués aux contrats aidés du secteur non marchand par la suppression des 200 000 CUI-CAE supplémentaires prévus en 2016, et à créer 40 000 contrats supplémentaires dans le secteur marchand.

Concernant les maisons de l’emploi, le Gouvernement avait envisagé de réduire de moitié les crédits par rapport à 2015, en leur accordant 13 millions d’euros, alors que la baisse est continue depuis plusieurs années, et que, je le rappelle, la loi Borloo créant les maisons de l’emploi appelle une continuité d’action et de moyens qui ne peuvent tolérer des variations brutales ou des trajectoires chaotiques.

À ce degré de baisse, toute nouvelle restriction envisagée compromettrait à coup sûr l’existence même des maisons de l’emploi. Heureusement, les députés ont abondé, à juste titre, ces crédits à hauteur de 8 millions d’euros. C’est une sage décision. Il était plus que temps, car les maisons de l’emploi sont un outil territorial permettant de regrouper et de coordonner les acteurs de l’emploi au niveau local.

Oui, madame la ministre, vous pouvez vous appuyer sur le réseau des maisons de l’emploi qui ont fait la preuve de leur efficacité. Nous avons besoin de ces outils d’ingénierie territoriale !

Pour terminer, je souhaiterais vous interroger sur l’évaluation externe des maisons de l’emploi que le Gouvernement envisage de mettre en place. Pouvez-vous simplement nous indiquer, madame la ministre, comment, dans quel délai et sur quelle base cette évaluation sera conduite ?

En conclusion, nous voterons les crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l’adoption des amendements proposés par la commission. En revanche, nous rejetterons les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec attention vos interventions, et je souhaite y répondre le plus précisément possible, en remettant en perspective les priorités du budget de l’emploi et, plus largement, de notre action pour 2016.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit d’un budget à la fois sanctuarisé et recentré sur les actions les plus efficaces pour la création d’emplois, la lutte contre le chômage et l’insertion professionnelle des personnes les plus fragiles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, pour que le chômage baisse durablement, il faut deux préalables, comme l’ont dit MM. Gabouty et Jeansannetas.

Le premier est que la croissance reparte. En 2015, la croissance sera d’au moins 1,1 %. Nous avons donc d’ores et déjà dépassé notre prévision de croissance. (M. Jean Desessard s’exclame.)

Le second est que notre économie crée de l’emploi. De septembre 2014 à septembre 2015, près de 50 000 créations nettes d’emplois ont eu lieu, ce qui prouve que les entreprises reprennent peu à peu confiance dans leur capacité à investir et à créer de l’emploi, notamment grâce aux dispositifs que nous avons mis en œuvre comme les allégements de charge, la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE. Toutefois, les entreprises restent prudentes et ont majoritairement recours aux CDD ou à des contrats d’intérim, c’est-à-dire à des contrats courts. Cela explique les fortes variations à la hausse et à la baisse que nous enregistrons ces derniers mois.

Les chiffres du chômage que j’ai annoncés jeudi dernier ne sont évidemment pas satisfaisants, mais j’ai tenu les mêmes propos le mois précédent lorsqu’ils étaient bons. Je n’ai fait preuve d’aucun triomphalisme ; j’ai simplement affirmé que les analyses des résultats devaient s’inscrire dans la tendance et dans la durée, car la reprise de l’activité économique est graduelle, ce qui explique ces mouvements de basculement des demandeurs d’emploi de la catégorie A vers la catégorie B ou la catégorie C. Nous devons vraiment améliorer cette situation.

Nous avons obtenu des résultats encourageants concernant le chômage des jeunes, puisque l’on recense 20 000 inscrits de moins depuis le début de l’année. Il est important de le rappeler ici, car notre situation n’est pas identique à celle des autres pays. Comparons ce qui est comparable !

M. Jacques Chiron. Tout à fait !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous enregistrons chaque année en France 700 000 départs à la retraite, contre 850 000 entrées sur le marché du travail. C’est une chance pour notre pays, mais c’est aussi un défi pour notre économie. L’Allemagne compte en revanche 700 000 départs à la retraite pour 660 000 entrées sur le marché du travail. Voilà la réalité !

M. Jacques Chiron. Absolument !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour analyser notre situation, nous devons impérativement établir ces comparaisons et les adapter pour qu’elles soient crédibles.

Vous l’aurez compris, je veux conforter et amplifier cette relance de notre économie, encore fragile. Tel sera le sens de la loi portant réforme du droit du travail que je défendrai devant vous.

J’ai bien entendu les quelques paroles de réconfort…

M. Alain Marc. Et d’encouragement !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … que m’ont adressées certains orateurs. Je les en remercie bien évidemment. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir été secrétaire d’État à la politique de la ville, confrontée aux quartiers où les taux de chômage sont les plus forts, je peux vous assurer que, pour œuvrer à l’amélioration de la situation de l’emploi et du travail, je n’ai pas besoin de réconfort ! Je suis particulièrement mobilisée dans ma recherche de réponses permettant d’innover et de répondre au mieux à la situation de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

C’est donc à ces enjeux que répond le budget pour 2016 : il est sanctuarisé dans ses montants et stabilisé en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2015, en progression de 15 % par rapport à 2012. Le budget de l’emploi a été renforcé à hauteur de 27 millions d’euros à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Ces chiffres marquent la priorité donnée par le Gouvernement à l’emploi, dans un contexte de réduction du déficit public. Comme l’ont souligné les rapporteurs spéciaux, ce budget est exigeant concernant la maîtrise des dépenses de fonctionnement, pour donner la priorité aux actions en direction des demandeurs d’emploi.

En premier lieu, le budget pour 2016 amplifie la mobilisation pour la lutte contre le chômage des jeunes et pour le droit à la nouvelle chance, qui est une orientation de la feuille de route de la conférence sociale pour l’emploi.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial François Patriat, un engagement massif de 123 millions d’euros supplémentaires est prévu au profit du déploiement de la garantie jeunes. Voilà l’exemple d’un dispositif innovant, expérimenté, puis évalué, avant d’être généralisé avec l’appui de l’ensemble des acteurs locaux, missions locales, départements, entreprises. La garantie jeunes sera étendue à 60 000 nouveaux jeunes en 2016. Par conséquent, à la fin de l’année prochaine, environ 100 000 jeunes auront bénéficié de cette garantie.

Nous avons là aussi l’exemple d’un dispositif qui fonctionne, parce qu’il se construit autour des besoins de chaque jeune accompagné, comme l’a rappelé M. Desessard.

Concrétiser le droit à la nouvelle chance, c’est aussi augmenter les capacités d’accueil de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, l’EPIDE : le budget pour 2016 dégage les moyens pour y accueillir 1 000 jeunes supplémentaires chaque année et poursuivre l’ouverture des deux nouveaux centres annoncés.

Il en va de même des écoles de la deuxième chance, les E2C : le budget pour 2016 consolide l’engagement de l’État en leur faveur, à hauteur de 24 millions d’euros, qui permettront d’accompagner le développement du réseau, notamment dans les régions aujourd’hui peu couvertes. Plusieurs projets d’écoles ou de nouveaux sites ont été lancés pour aboutir en 2016 ou au début de 2017 près de Caen, à Angoulême ou encore à Bergerac.

Je partage vos conclusions sur la nécessité d’une meilleure articulation des différents dispositifs : leur nombre est suffisant, mais il faut assurer la cohérence entre ceux qui existent déjà, en partant directement de leurs bénéficiaires et non de ceux qui les mettent en œuvre.

C’est notamment l’objet des plates-formes d’appui aux décrocheurs scolaires, pour organiser le repérage et le suivi individuel de ces jeunes, et proposer à chacun une solution adaptée. En effet, en France, le chômage touche les personnes peu ou pas qualifiées. Il est donc essentiel que cette logique de partenariat soit renforcée.

Les missions locales, vous l’avez dit, sont au cœur de l’effort pour l’insertion des jeunes : depuis 2012, l’État a renforcé leur rôle, qui sera essentiel pour assurer la généralisation de la garantie jeunes, ainsi que pour préparer les sorties positives des jeunes terminant leur contrat en emploi d’avenir en 2016.

À l’Assemblée nationale, les moyens des missions locales ont fait l’objet d’un débat. Grâce aux amendements adoptés par les députés, avec mon soutien, les crédits dédiés aux missions locales seront en progression globale de 2,8 %, afin de prendre en compte le besoin spécifique d’accompagnement des emplois d’avenir et les enjeux de structuration des missions locales. Au total, près de 12 millions d’euros supplémentaires ont ainsi été dégagés pour les missions locales. Il ne me semble pas pertinent d’aller au-delà.

L’un des axes majeurs pour l’insertion professionnelle des jeunes est le développement de l’apprentissage. Vous l’avez tous évoqué, et je partage votre point de vue. Comme je l’ai indiqué devant la commission des affaires sociales, ma priorité est de faire reconnaître l’apprentissage comme une voie d’excellence, car 70 % des jeunes apprentis trouvent ensuite un emploi. En outre, les apprentis d’aujourd’hui dans les secteurs de l’artisanat et du petit commerce seront nos chefs d’entreprise de demain.

Le Gouvernement mène en la matière une politique globale qui mobilise l’ensemble des ministères autour de cette priorité, pour rendre l’apprentissage plus accessible et plus attractif.

En témoigne l’engagement exemplaire pris par l’État pour recruter 10 000 apprentis dans la fonction publique d’ici à 2017.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour 2015, nous avons déjà dépassé notre objectif, avec 4 500 contrats d’apprentissage. Je précise que deux apprentis ont été embauchés voilà deux semaines au sein de mon ministère, rue de Grenelle, l’ensemble des services du ministère accueillant plus de 150 apprentis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Le renforcement des moyens financiers fléchés pour l’apprentissage est également sans ambiguïté. L’apprentissage est affirmé comme une priorité budgétaire : l’effort financier total de l’État dans ce domaine s’élèvera à 2,74 milliards d’euros en 2016, contre 2,52 milliards d’euros en 2015, en raison notamment de la mise en place de l’aide « TPE jeunes apprentis ».

Depuis 2014, nous avons donc levé les freins financiers, puisque 382 millions d’euros supplémentaires ont été consacrés au développement de l’apprentissage. J’entends votre souhait d’avoir une vision plus directe de la répartition des financements entre l’État et les régions. Le Gouvernement fera bien évidemment un effort en la matière.

L’effort financier de l’État retrouvera en 2016 son niveau de 2013, avant la réforme des primes à l’apprentissage, tout en s’appuyant sur des dispositifs mieux ciblés. Il s’agit aussi de donner une plus grande visibilité aux entreprises.

Beaucoup d’actions ont été conduites pour adapter les conditions d’emploi des apprentis et les rendre plus attractives. Cette réflexion débouchera, à la rentrée de 2016 et à l’issue de la concertation actuellement en cours, sur la création d’un véritable statut non seulement de l’apprenti, avec un socle commun de droits pour l’accès à la mobilité ou l’hébergement, mais aussi des maîtres d’apprentissage, comme l’ont demandé Mme David ou M. Pellevat.

Au-delà, la question de l’articulation entre le monde de l’entreprise et l’éducation nationale a été soulevée. J’entends cette demande. La réussite et l’insertion professionnelle des jeunes exigent que les contenus de formation soient en adéquation avec les besoins du marché du travail.

C’est la raison pour laquelle je travaille avec Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, pour l’accélération de la rénovation des diplômes et l’implication des branches professionnelles dans l’adaptation du contenu des diplômes.

En outre, vous le savez, les questions de l’orientation professionnelle et de l’image de la voie professionnelle sont déterminantes dans le choix des familles et des jeunes. M. Barbier l’a signalé à juste titre.

L’industrie recrute actuellement au sein de certains bassins d’emplois, mais certaines places d’apprentissage restent encore vides. Nous devons prendre en compte le traumatisme de certains territoires marqués, dans le passé, par des licenciements massifs dans l’industrie. Il faut donc donner une autre image des métiers industriels. C’est essentiel, si nous voulons véritablement améliorer la situation.

Le deuxième axe fort de ce budget, c’est la poursuite de la mobilisation des outils de la politique de l’emploi en vue de favoriser le retour à l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail.

Bien sûr, ce chantier suppose la consolidation du secteur de l’insertion par l’activité économique et des engagements financiers encore accrus en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés.

Le présent projet de loi de finances crée 295 000 nouveaux contrats aidés pour un montant total de 2,4 milliards d’euros. Il s’agit là d’une programmation à la fois ambitieuse et cohérente, s’appuyant sur les perspectives de rebond de l’emploi marchand en 2016.

Face à un taux de chômage élevé, nous avons mené, depuis 2012, un travail de fond destiné à accroître la qualité des contrats aidés. De surcroît, nous avons pris des engagements pour étoffer la formation et améliorer le ciblage des publics. M. Jeansannetas l’a rappelé : dans ce contexte, les contrats aidés sont indispensables pour accéder à une première expérience ou pour éviter l’éloignement durable du marché du travail.

Au demeurant, je note que, dans ce domaine, nous sommes loin des records : en juin 1997, on recensait plus de 850 000 bénéficiaires de contrats aidés dans notre pays. Aujourd’hui, on en dénombre 450 000.

La programmation pour 2016 prévoit 60 000 nouveaux contrats dans le secteur marchand et 200 000 autres dans le secteur non marchand.

La plupart des orateurs ont mentionné une étude réalisée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Mais ce travail portait sur les contrats aidés en vigueur de 2005 à 2007. Depuis lors, les contrats aidés ont été réformés : les formations ont été rendues obligatoires, la durée des contrats a été étendue et un ciblage des publics a été assuré.

Les chiffres sont clairs : parmi les bénéficiaires des contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, 15 % sont des travailleurs en situation de handicap, 71 % sont des femmes, 30 % sont des seniors et 74 % sont des demandeurs d’emploi de longue durée.

M. Jean Desessard. Que répondre à cela ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Voilà la réalité !

Mme Nicole Bricq. Oui ! C’est ce que certains se sont bien gardés de dire !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Or, au titre des contrats initiative emploi, les CIE, le taux de travailleurs handicapés s’établit à 9 %. Il est donc bien moindre. Quant aux chômeurs de longue durée, on en dénombre 68 %. Ce taux est également moins élevé.

Je vous l’assure, avec un ciblage pertinent et avec une formation obligatoire, les contrats aidés bénéficient aux publics les plus en difficulté, notamment aux jeunes des quartiers populaires qui subissent des discriminations.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Ces dispositifs offrent à ces jeunes une première expérience professionnelle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je le répète, il faut tenir compte de la spécificité des contrats proposés dans le secteur non marchand.

Le budget pour 2016 assure un équilibre entre ces deux dispositifs, qui ont chacun leur intérêt propre. Avec les contrats aidés, il s’agit d’activer les dépenses pour l’emploi plutôt que de se contenter d’indemniser ou de verser une allocation.

Je m’opposerai donc radicalement à l’amendement de la commission des finances,…

Mme Nicole Bricq. Nous aussi !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … tendant à supprimer l’enveloppe destinée aux contrats aidés du secteur non marchand pour 2016.

Le troisième axe fort de ce budget, c’est le soutien au développement de l’emploi, en particulier dans les PME et les TPE.

L’aide à l’embauche d’un premier salarié pour les TPE, qui mobilise 85 millions d’euros au titre du projet de loi de finances pour 2016, s’inscrit dans une stratégie globale d’appui à la création et au développement des petites entreprises. Ce dispositif va de pair avec la création de l’agence France entrepreneur et avec l’augmentation, assurée lors des débats à l’Assemblée nationale, des moyens dédiés au microcrédit professionnel.

Actuellement, un tiers des créateurs d’entreprise sont d’anciens demandeurs d’emploi. La création d’entreprises est donc bien un vecteur essentiel de la lutte contre le chômage.

Dans le même but, le Gouvernement a décidé de geler les seuils fiscaux pour lever les freins à l’embauche dans les PME.

Le budget de l’emploi pour 2016 inclut également la mise en œuvre par les DIRECCTE d’une offre de service dédiée à l’appui de la gestion des ressources humaines dans les PME.

Bien sûr, je serai particulièrement attentive à ce que cette démarche se déploie sur l’ensemble du territoire, parallèlement à la réforme du code du travail, que j’ai évoquée il y a quelques instants. Cette réforme a pour but de rendre l’application du droit du travail plus lisible et plus accessible pour les petites entreprises, peut-être en leur ouvrant les accords types de branche.

En outre, M. Requier l’a relevé : les élections professionnelles au sein des TPE, prévues à la fin de l’année 2016, seront un moment extrêmement important pour faire vivre le dialogue social.

J’en viens à l’action que nous menons en faveur du développement de l’emploi.

Madame David, vous m’avez interrogée sur l’emploi saisonnier. Je vous remercie de me donner l’occasion de préciser l’action du Gouvernement dans ce domaine.

Le Conseil national de la montagne, qui s’est tenu en septembre dernier, a permis au Premier ministre de formuler, au titre du contrat saisonnier, de l’accès à l’emploi et de la formation, plusieurs engagements que nous tiendrons.

Je sais que vous vous êtes beaucoup investie sur ce dossier. À partir de vos propositions, j’engagerai une phase de concertation avec les partenaires sociaux. Il s’agira de distinguer les dispositions destinées à figurer dans le projet de loi « Travail », que je défendrai, et celles qui doivent faire l’objet d’une négociation ou d’une mobilisation du service public de l’emploi.

Seront ainsi examinées l’inscription dans le code du travail d’une définition claire de ce qu’est un emploi à caractère saisonnier (Mme Annie David acquiesce.), l’introduction de clauses de reconduction dans le contrat de travail du saisonnier, ou encore, la mise en place d’une offre de service territorialisée facilement accessible pour les employeurs et les saisonniers.

Sur l’ensemble de ces sujets, nous avancerons par la concertation, par la négociation et par la loi. Plusieurs centaines de milliers de contrats sont concernés chaque année et ils sont essentiels pour l’économie de notre pays. Au surplus, la sécurisation des parcours professionnels de tous les actifs est une priorité de ce gouvernement.

Enfin, je dirai quelques mots du service public de l’emploi.

Le budget pour 2016 traduit notre soutien à Pôle emploi et notre exigence envers cet opérateur, dont la subvention reste stable par rapport à 2015. Depuis 2012, nous avons renforcé les moyens de Pôle emploi : contrairement à nos prédécesseurs, nous avons créé, en son sein, 4 000 emplois à temps plein.

M. Jacques Chiron. Eh oui ! Il est bon de s’en souvenir !

Mme Myriam El Khomri, ministre. De surcroît, nous poursuivrons le redéploiement de près de 1 800 emplois à temps plein d’ici à 2018 pour améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Je ne peux pas laisser dire dans cet hémicycle que les agences de Pôle emploi seront dorénavant fermées l’après-midi.

M. Antoine Lefèvre. Elles sont fermées au public !

Mme Myriam El Khomri, ministre. En réalité, dans certains territoires, nous avons expérimenté l’ouverture au public de ces agences l’après-midi, sur rendez-vous.

M. Jacques Chiron. Ce n’est pas la même chose !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est même le contraire…

Mme Myriam El Khomri, ministre. Les bénéficiaires de ce service y ont vu une amélioration. En effet, grâce à cette organisation, ils peuvent être reçus à chacune de leurs visites par le même conseiller. Ils n’ont donc plus à récapituler systématiquement leur situation.

Ainsi, là où cette expérimentation est menée, les agences de Pôle emploi sont ouvertes au public aux mêmes horaires que précédemment, à ceci près que, l’après-midi, on ne peut y être admis que sur rendez-vous. Cela étant, les personnels de ces structures feront preuve de discernement : il va sans dire qu’un demandeur d’emploi qui vient de parcourir vingt kilomètres pour se présenter à l’agence sera reçu !

Je le répète, cette organisation a été saluée par les demandeurs d’emploi comme par le personnel de Pôle emploi. Je tenais à procéder à cette mise au point. (M. Jacques Chiron applaudit.)

M. Vincent Eblé. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. En la matière, l’enjeu majeur est de rapprocher plus efficacement l’offre et la demande d’emploi.

Monsieur Desessard, nous souscrivons bien entendu à la préoccupation que le Sénat a exprimée en adoptant une résolution pour un guide de pilotage statistique pour l’emploi. Nous nous rencontrerons prochainement pour évoquer cet outil permettant de référencer, aux niveaux local et national, les offres d’emploi non pourvues tout en déterminant les causes de cette situation. Il s’agit là d’une piste intéressante.

De surcroît, j’insiste sur le virage numérique que j’ai demandé à Pôle emploi d’effectuer. L’« emploi store » et diverses applications développées par des start-ups d’État seront mis en œuvre : j’ai confirmé ces décisions la semaine dernière. Ces outils permettront une meilleure diffusion des services.

Nous n’oublions pas non plus l’enjeu de l’accès au numérique. Il est essentiel d’aider véritablement les demandeurs d’emploi qui ont besoin de soutien face au numérique.

Mme Nicole Bricq. Tout à fait !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Enfin, nombre d’orateurs ont évoqué le rôle et les moyens des maisons de l’emploi.

En 2016, les crédits d’État s’établiront au niveau effectivement dépensé en 2015. Ce choix doit permettre d’engager une démarche de ciblage et d’évaluation pour mieux appuyer les maisons de l’emploi. Ces dernières jouent un rôle d’identification des besoins des territoires. Elles permettront de favoriser, au plus près des demandeurs d’emploi, le déploiement des plans de formation prioritaires. C’est précisément le souhait qu’a exprimé M. Lefèvre.

Enfin, madame David, je dirai un mot de la politique de santé au travail.

Le troisième plan Santé au travail, ou PST 3, dont les orientations ont été définies par les partenaires sociaux, sera bel et bien lancé ce mois-ci.

Mme Annie David. Tant mieux !

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’axe essentiel de ce plan est d’ériger en priorité la prévention des risques, en rompant avec une approche axée sur la réparation. Les réunions à venir nous permettront de déterminer comment assurer un meilleur accompagnement dans le cadre fixé par le présent projet de loi de finances.

Les moyens figurant au budget de l’emploi doivent permettre l’impulsion, mais la mobilisation doit être bien plus large. Les opérateurs auront les moyens nécessaires d’accompagner les politiques à mettre en œuvre, même si, comme pour l’ensemble des opérateurs de l’État, on exige d’eux une gestion rigoureuse.

Les crédits consacrés aux études permettant d’améliorer la connaissance des risques professionnels et l’appui aux entreprises sont, quant à eux, en hausse par rapport à la loi de finances initiales pour 2015. Depuis 2012, ils ont progressé de 20 %.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, 2016 sera une année importante, qui plus est dans la période difficile que nous traversons. Aider les entreprises à retrouver la confiance, grâce au projet de loi « Travail », relancer l’apprentissage et conforter tous les acteurs de l’emploi dans nos territoires : ces enjeux sont essentiels pour améliorer la situation sur le front de l’emploi.

Soyez-en assurés, je déploie toute mon énergie, au plus près du terrain, pour faire reculer durablement le nombre de demandeurs d’emploi et mettre en mouvement les acteurs de l’emploi, de l’insertion, de la formation et du développement économique. C’est avec cet écosystème vertueux que nous aboutirons à des résultats concrets.

Ce budget nous en donne les moyens. Je vous invite donc à voter les crédits de la mission « Travail et emploi »...

Mme Nicole Bricq. Il faut les voter ! Et intégralement !

Mme Myriam El Khomri, ministre. … ainsi que du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)

Travail et emploi - Compte d'affectation spéciale : Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B (début)

M. Jacques Chiron. Excellent !

travail et emploi

Travail et emploi
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Travail et emploi

11 317 205 669

11 474 512 602

Accès et retour à l’emploi

7 278 806 974

7 535 849 380

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

3 230 811 987

3 083 671 213

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

56 908 324

91 817 986

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

750 678 384

763 174 023

Dont titre 2

624 241 017

624 241 017

M. le président. L’amendement n° II-140, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

982 100 000

457 400 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

TOTAL

982 100 000

457 400 000

SOLDE

- 982 100 000

- 457 400 000

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous proposons de réduire les crédits dédiés aux contrats aidés du secteur non marchand et, parallèlement, de majorer les crédits dédiés aux contrats aidés du secteur marchand.

Mme la ministre a évoqué des travaux de la DARES portant sur la période 2005 à 2007. Pour notre part, nous nous référons à une étude plus récente établie par cette direction, comparant les taux de sortie sur l’emploi durable de ces différents contrats pour l’année 2012.

Les conclusions sont claires : six mois après la fin de leur contrat, 36 % des personnes ayant bénéficié d’un CUI dans le secteur non marchand sont en emploi, soit environ un tiers, contre 66 % des bénéficiaires d’un CUI dans le secteur marchand, soit près de deux tiers. L’écart entre les deux chiffres est flagrant ! La proportion varie du simple au double.

Nous sommes donc naturellement incités à augmenter les possibilités d’accueil des jeunes dans le secteur marchand et à les diminuer dans le secteur non marchand, où, à l’évidence, ce dispositif ne fonctionne pas.

Au demeurant, j’insiste sur une véritable difficulté relative au secteur non marchand : dans ce domaine, les employeurs sont des associations ou des collectivités locales.

Or – nous en sommes particulièrement conscients au Sénat – les collectivités locales auront beaucoup de mal à accueillir des jeunes demain au titre de ces contrats. Pour trois années successives, elles vont devoir faire face à des baisses de dotations. Les collectivités sont perpétuellement invitées à réduire leurs coûts de fonctionnement : le Gouvernement nous répète sans cesse qu’elles disposent de marges de manœuvre en la matière.

Aussi, il ne serait pas raisonnable d’inciter les collectivités territoriales à engager davantage de jeunes au titre de ces contrats. En revanche, un certain nombre d’entreprises ont besoin de recruter. Nous préférons nettement concentrer ces contrats dans des sociétés privées, particulièrement là où ils déboucheront sur des embauches et des emplois durables.

J’ajoute que, par décret d’avance, le Gouvernement a créé 100 000 contrats supplémentaires en 2015. Les objectifs fixés au titre du précédent budget ont donc été très largement dépassés, mais les contrats aidés ne sauraient être réduits à un instrument de traitement statistique du chômage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Défavorable !

M. Charles Revet. Pourtant, c’est une question de bon sens, madame la ministre !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, au nom de la commission des finances, vous demandez à la majorité sénatoriale de commettre une seconde mauvaise action.

Deux de vos amendements tendent, comme par hasard, à pénaliser les missions socio-économiques. C’est ainsi que vous espérez combler les déficits que l’adoption de vos amendements a créés, en réduisant les recettes de manière très significative – je ne reviendrai pas sur ce sujet, que j’ai déjà abordé au cours de la séance d’hier.

La première mauvaise action consistait à amputer la prime d’activité à hauteur de 650 millions d’euros. À présent, vous proposez une réduction de crédits de l’ordre de 457 millions d’euros.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Conformément à ce que faisait M. Ayrault !

Mme Nicole Bricq. Néanmoins, en exposant vos arguments, vous avez oublié un facteur distinctif essentiel entre les divers contrats aidés, selon qu’ils relèvent du secteur marchand ou du secteur non marchand. Mme la ministre l’a démontré très brillamment, chiffres à l’appui : ces deux types de dispositif ne visent pas les mêmes publics !

Toutes les statistiques depuis un an le prouvent : le chômage le plus difficile à résorber, c’est le chômage de longue durée, celui qui frappe les personnes les plus éloignées du travail. Or le secteur marchand n’est pas intéressé par ces profils. Je n’ai pas besoin de revenir sur la démonstration faite à l’instant par Mme la ministre.

Par ailleurs, vous oubliez, au passage, que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, coûte quand même 41 milliards d’euros aux finances publiques jusqu’en 2017. Il a bien pour objectif de reconstituer les marges des entreprises, amputées par la crise, et de faire redémarrer la machine économique par l’investissement et par l’emploi.

Vous ne pouvez donc pas dire que vous êtes les seuls à aider le secteur marchand, car 41 milliards d’euros, ce n’est pas rien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous aidons les jeunes !

Mme Nicole Bricq. Pour terminer, je voudrais vous rappeler quelque chose à propos de l’année 2012, année dont vous avez parlé. Quand la nouvelle majorité a regardé ce qui restait dans les tiroirs, qu’a-t-elle constaté ? Vous aviez utilisé, lors du premier semestre, tous les crédits destinés aux contrats aidés. Tous ! Il ne restait plus un euro... À l’époque, ces contrats devaient bien servir à quelque chose ! Pourquoi ne permettraient-ils plus, aujourd’hui, d’aider et de soutenir l’économie ?

M. Jacques Chiron. Exactement !

Mme Nicole Bricq. Vous ne pouvez pas l’avoir oublié, monsieur de Montgolfier ! Pour ma part, je m’en souviens très bien !

Nous ne voulons donc pas de votre amendement, pas plus que de celui sur la prime d’activité. Je le répète, vous commettez une bien mauvaise action ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Patriat, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Le groupe UDI-UC est particulièrement préoccupé par la situation de l’emploi dans notre pays.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Tout le monde l’est !

M. Michel Canevet. De nombreux orateurs ont évoqué les dernières données chiffrées révélant la situation particulièrement dramatique de l’emploi.

M. Michel Canevet. Selon nous, cette situation résulte du fait que les propositions formulées par l’actuelle majorité ne répondent pas aux besoins de l’économie.

Vous l’avez dit, madame la ministre, inverser la courbe du chômage suppose, d’abord, le retour de la croissance et, ensuite, une création nette d’emplois. Je partage totalement ce constat, mais les propositions que vous formulez ne sont pas de nature à permettre cette inversion de la courbe du chômage.

L’amendement présenté par le rapporteur général de la commission des finances va justement dans le sens que vous indiquiez : privilégier l’action en faveur du secteur marchand. Favoriser l’attribution des contrats aidés à ce secteur plutôt qu’au secteur non marchand entre dans cette logique. Sinon, nous restons dans le traitement social du chômage, ce qui n’est pas à la hauteur des enjeux qui sont devant nous.

Le groupe UDI-UC ne peut donc que soutenir la proposition de la commission. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Problème de société crucial touchant nos concitoyens, ce sujet doit être abordé avec beaucoup d’humilité.

Les différentes majorités recourent bien, à la base, au traitement social du chômage, car on ne peut pas rester les bras croisés devant le nombre de chômeurs.

En revanche, si je vous ai bien compris, madame la ministre, nous assistons au frémissement d’une reprise… Or, dans cette situation, il vaut vraiment la peine de réajuster les curseurs.

Élu d’un département où le nombre de bénéficiaires du RSA est important, je souhaite vous faire part, très modestement, de mon expérience de président du conseil général dans la période 2006-2007. À cette époque, nous avons connu une légère reprise économique et nous avons mis en place des actions d’insertion à visée beaucoup plus professionnelle que sociale.

En effet, la politique du RSA, comme celle des contrats aidés, dont le public est aussi difficile, est une politique contracyclique. Elle ne marche bien qu’en période de reprise économique, car les personnes en difficulté peuvent alors, grâce aux actions mises en place, trouver un emploi, ce qui ne peut pas arriver dans une période où le chômage est élevé. On a tendance à s’épuiser dans le traitement social, alors que c’est au moment de la reprise qu’il faut s’épuiser à développer une politique qui proposera une formation procurant véritablement un emploi.

Vous le voyez, il faut faire bouger les curseurs. C’est la raison pour laquelle je crois que l’amendement d’Albéric de Montgolfier est tout à fait pertinent. Si nous sommes dans une période de reprise économique, c’est le moment de mettre le paquet sur les contrats initiative emploi, les CIE. Ils visent un public différent, mais ils apportent une formation par alternance, qui se rapproche de l’apprentissage. On sait bien que les résultats de ces contrats sont nettement plus performants. Dès à présent, il faut donc infléchir la politique de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Ces derniers jours, nous nous sommes demandé, lors des réunions de la commission des finances, comment la majorité sénatoriale allait faire pour trouver les financements correspondant aux différents cadeaux consentis aux catégories les plus aisées : la baisse de l’impôt sur le revenu pour les 15 % de contribuables des tranches supérieures, l’ISF, le quotient familial, etc. Nous savons que ces cadeaux considérables s’adressent à une catégorie bien précise et nous commençons à voir les réponses que la majorité sénatoriale apporte pour trouver de l’argent !

Nicole Bricq a parlé de la prime d’activité. Elle a eu raison de le faire, puisqu’il s’agissait de s’attaquer aux moyens destinés aux travailleurs pauvres, en les diminuant de 650 millions d’euros.

Avec cet amendement, la cible à atteindre, ce sont les personnes en difficulté. Il vise en effet à diminuer – de près d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement – les crédits destinés à l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Incontestablement, la stratégie politique est là ! On s’attaque à des publics parmi les plus fragiles, afin de dégager des moyens pour financer des cadeaux qui sont fléchés vers les catégories les plus aisées.

Mes chers collègues, je voudrais, par ailleurs, attirer votre attention sur le fait que le secteur non marchand ne comprend pas uniquement les collectivités territoriales, qui n’en représentent qu’environ 20 %. Il faut aussi penser aux associations, en particulier dans le secteur de l’aide à la personne, où il y a aujourd’hui beaucoup d’emplois à pourvoir. Je pourrais également citer les associations œuvrant dans des activités de loisirs, ainsi que l’économie sociale et solidaire.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces structures vivent déjà des subventions publiques !

M. François Marc. N’oublions pas les auxiliaires de vie scolaire dans l’éducation nationale ! Ils permettent d’accompagner les enfants handicapés ou en grande difficulté.

S’insérer dans une structure de ce type permet de trouver un emploi ensuite, soit en interne, soit dans le secteur marchand grâce à l’acquisition de compétences.

Bref, les efforts doivent, incontestablement, être poursuivis, tant en ce qui concerne les publics concernés que les besoins importants qui se manifestent dans de nombreux organismes autres que les collectivités locales.

Nous devons y être attentifs, autant qu’à la nécessaire complémentarité entre les questions de formation et d’emploi. Soyons bien conscients que les structures du secteur non marchand dont je viens de parler sont justement soucieuses d’accorder une formation à tous ces jeunes, de les mettre en mouvement, de les préparer à l’emploi et ainsi de leur donner une possibilité de s’insérer.

Nous ne pouvons donc, en aucune façon, tolérer la mesure proposée par cet amendement. Nous la contestons et nous voterons, bien évidemment, contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. En faisant référence à l’intervention de Mme Bricq, on pourrait dire que l’ancienne majorité a créé beaucoup d’emplois aidés, début 2012, pour aider un sortant à retrouver un emploi ! Telle était alors la principale motivation ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Bricq a fait référence à la différence de publics et le rapporteur général a évoqué des emplois durables dans le secteur marchand. Madame la ministre, avez-vous des chiffres à ce sujet ? Combien de personnes restent dans l’emploi, en ce qui concerne le secteur marchand, une fois que cet emploi n’est plus aidé ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est écrit dans l’objet de l’amendement !

M. Jean Desessard. Il serait intéressant de savoir si cet emploi aurait été créé en tout état de cause, ou non. Finalement, le contrat aidé a-t-il un effet de levier ou un effet d’aubaine ?

Monsieur Savary, il faut que vous soyez logique. M. Sarkozy, en tant que chef du parti Les Républicains, préconise de diminuer les aides et les allocations chômage pour inciter les gens à reprendre un emploi. Comme si c’était aussi simple ! Mais j’imagine que cette proposition est cohérente pour lui !

Vous dites, de votre côté, que la question n’est pas de retrouver un emploi dans une période de tension économique comme nous en connaissons aujourd’hui. Cela ne servirait à rien d’aider les gens à retrouver un emploi !

M. René-Paul Savary. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit !

M. Jean Desessard. Mais si ! Je l’ai entendu : il ne servirait à rien d’aider aujourd’hui les gens qui sont dans les situations les plus désespérées, car ils ne pourraient pas trouver d’emploi ensuite.

M. Charles Revet. C’est le contraire de ce qu’il a dit !

M. Jean Desessard. M. Sarkozy a pourtant bien dit que, pour trouver un emploi, il suffit de le vouloir. Pour lui, couper les allocations chômage aide les gens à retrouver un emploi. Il faudrait tout de même que vous soyez cohérents.

Retrouver un emploi, est-ce simplement une question de volonté ou existe-t-il de réelles difficultés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. de Montgolfier dans son vibrant hommage à la formation professionnelle, à l’apprentissage et à l’entreprise.

On peut en effet constater des résultats intéressants dans ce domaine et beaucoup de jeunes conservent effectivement un emploi dans l’entreprise lorsqu’ils y ont été formés.

Dans ce cas-là, je m’interroge. Ne pouvez-vous pas lancer un message aussi vibrant en direction des chefs d’entreprise ? Il faudrait qu’ils répondent en effet à l’appel désespéré d’un grand nombre de jeunes, qui souhaitent obtenir une formation en alternance et qui font le tour des entreprises de nos départements pour qu’elles les acceptent. Le département du Puy-de-Dôme ne doit pas constituer un cas particulier sur ce point.

M. Charles Revet. Il faut créer les bonnes conditions. Elles n’existent pas aujourd’hui !

M. Alain Néri. Combien de jeunes viennent régulièrement nous voir dans nos permanences et nous expliquent qu’ils ont rempli des dossiers pour une formation en alternance sans trouver d’écho favorable auprès des entreprises ? De ce fait, quelques emplois sont quand même créés pour dispenser la formation théorique complétant la formation pratique reçue dans l’entreprise…

Un certain nombre de jeunes sont désespérés et, plus grave, cette situation désespère aussi leurs parents, voire leurs grands-parents. C’est inacceptable !

Je vous appelle, monsieur de Montgolfier, à vous engager avec la même détermination, le même élan, pour convaincre les chefs d’entreprise de faire l’effort nécessaire de recruter ces jeunes qui ne demandent qu’une chose : se former en alternance.

Madame la ministre, j’ai envie de vous faire une proposition. Devant un problème social important, à savoir l’accueil des handicapés dans l’entreprise, nous avons su décider unanimement, à l’époque, d’imposer aux entreprises de faire un effort en recrutant 6 % de personnes porteuses d’un handicap.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Alain Néri. Je ne sais pas s’il faut imposer de recruter 6 %, 5 %, 4 % ou 3 % de jeunes en alternance dans l’entreprise. Toutefois, puisque le Gouvernement a fait un effort important pour aider les entreprises avec le CICE, ne pourrait-on pas prévoir,…

M. le président. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue !

M. Alain Néri. … parmi les conditions requises pour bénéficier du CICE, l’obligation d’employer un certain pourcentage de jeunes suivant une formation en alternance ?

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je voudrais aborder trois points rapidement.

D’abord, s’agissant de l’apprentissage, je pense qu’il y a des entreprises qui ne demandent qu’à embaucher des apprentis, mais si leur carnet de commandes est vide, elles ne peuvent pas le faire, car elles ont besoin de visibilité.

Ensuite, madame la ministre, je suis d’accord, nous sommes tous remplis d’effroi face au nombre de demandeurs d’emploi. Seulement, j’aimerais bien que soit aussi évoqué un jour le nombre d’offres d’emploi qui ne sont pas pourvues. Il y a bien là une grave anomalie à laquelle il faudrait s’attaquer pour améliorer la situation.

Enfin, sur les contrats aidés, j’entends bien les collègues siégeant à ma droite, qui sont en fait plutôt à gauche – ils se reconnaîtront ! –, réclamer que les collectivités et l’État fassent un effort d’accompagnement et de formation des personnes éloignées de l’emploi.

Je partage tout à fait ce point de vue, et je pense pouvoir dire que nous consentons tous cet effort dans nos collectivités. En même temps, mes chers collègues, expliquez-moi comment faire, dans une période où les dotations aux collectivités locales subissent des baisses furieuses ? En effet, avec ces contrats aidés, qui sont temporaires, il va se créer des besoins structurels.

Je reprendrai l’exemple très juste des emplois d’auxiliaires de vie scolaire, cité par notre collègue. Il peut s’agir d’emplois aidés, mais, le jour où il n’y a plus d’aides, le besoin reste. Or la collectivité n’a plus les moyens de financer ces postes.

Madame la ministre, mes chers collègues, lorsque nous mettons en place un tel système, interrogeons-nous sur la sortie du dispositif et la pérennité des emplois. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. J’aurais voulu demander à Mme Bricq si elle pense sincèrement que c’est avec les contrats aidés, et uniquement avec les contrats aidés, que nous pouvons donner un avenir intéressant aux jeunes.

M. François Patriat, rapporteur spécial. Personne n’a dit cela !

M. Michel Savin. Votre choix, madame la ministre, démontre l’échec de ce gouvernement dans sa politique à l’égard des jeunes qui veulent aller vers l’emploi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Marc. On vous a vus faire pendant dix ans ! Vos leçons sont malvenues !

M. Michel Savin. Certes, il faut des contrats aidés pour une partie des jeunes, qui se trouvent dans une situation bien particulière, mais y consacrer des centaines de millions d’euros n’est pas de bonne politique.

Demain, nous allons débattre aussi des contrats de service civique, pour lesquels les sommes affectées vont passer de 150 millions à 300 millions d’euros. Nous devrions plutôt concentrer nos efforts, comme mon collègue l’a dit, non seulement sur les contrats du secteur privé, mais également sur les contrats d’apprentissage et la formation professionnelle.

Il y a aujourd’hui des pans entiers de l’économie qui attendent de jeunes salariés pour assurer la continuation de l’activité. Nous avons donc besoin de formation professionnelle.

Dans le même temps, des établissements scolaires et des écoles de production ont des difficultés à recruter et à boucler leur budget.

Voici la situation actuelle de la France : d’un côté, des artisans et des entreprises qui recherchent des gens qualifiés ; de l’autre, des écoles et des centres d’apprentissage qui ont des difficultés à recruter et la seule réponse que l’on propose, ce sont les contrats aidés. (MM. Jacques Chiron et Jacques-Bernard Magner s’exclament.) Ce n’est pas possible ! Nous ne pouvons pas continuer ainsi ! Quelle perspective donnons-nous à notre jeunesse ?

À titre personnel, je soutiendrai l’amendement proposé par M. le rapporteur général de la commission des finances, qui a pour objet de réorienter ces financements. Les professionnels, les entreprises, mais aussi le monde de l’éducation, attendent une autre réponse de ce gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous ne suivrons pas les auteurs de cet amendement et nous nous abstiendrons. Comme je l’ai dit dans mon intervention, à nos yeux, les crédits alloués à la mission, dans leur ensemble, sont insuffisants.

Avec cet amendement, vous nous proposez de prendre une part des crédits destinés à financer les contrats aidés du secteur non marchand pour l’affecter aux contrats aidés du secteur marchand. Au passage, on relève une déperdition, puisque la totalité de ce qui est enlevé d’un côté n’est pas transférée de l’autre. Comme le disait tout à l’heure Nicole Bricq – ou peut-être était-ce François Marc ? –, c’est une manière de compenser les cadeaux que vous avez faits dans d’autres missions, notamment à propos de l’impôt sur les grandes fortunes.

En l’occurrence, vous puisez dans la mission « Travail et emploi », alors que 5,7 millions de personnes, toutes catégories confondues, sont aujourd’hui touchées par le chômage ! Nous ne pourrons donc pas vous suivre.

Cela étant, je suis toujours ébahie quand je vous entends dire que les entreprises doivent toucher des subventions pour embaucher aujourd’hui. Tout de même, les salariés embauchés font un travail, donc je ne comprends pas que les entreprises aient besoin qu’on les aide à recruter des salariés. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Eh oui, mes chers collègues, je ne peux pas le comprendre ! Pour moi, cela dépasse l’entendement. Comme vient de le dire M. Savin, quelles perspectives offrons-nous à nos jeunes ? Nous connaissons tous des jeunes bardés de diplômes, ayant pu se payer des études, qui ont des compétences, des connaissances, mais qui n’arrivent pas à trouver un emploi dans une entreprise, car, si les employeurs reconnaissent leur valeur, ils attendent que l’État leur donne de l’argent pour recruter.

Mes chers collègues, il y a véritablement une dérive,…

M. Jean Desessard. Ils abusent !

Mme Annie David. … une dérive libérale en matière d’emploi, qui n’est pas acceptable pour nous.

Nous ne voterons pas cette mission, car elle n’est pas suffisamment dotée de notre point de vue, comme je l’ai expliqué, mais nous ne vous suivrons pas non plus sur cet amendement, car vous allez aggraver encore la situation en supprimant des budgets qui sont déjà insuffisants.

M. Jacques Chiron. Alors, votez contre !

M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas, pour explication de vote.

M. Éric Jeansannetas. Nous ne pouvons pas voter cet amendement en l’état. Monsieur Savary, vous avez eu raison de dire qu’il fallait aborder ce sujet avec beaucoup d’humilité.

Il n’empêche qu’en votant cet amendement, nous écarterons du chemin de l’emploi 200 000 personnes, qui, sans cela, ne trouveront pas de solution. Or il nous faut remobiliser et redynamiser ces personnes.

Mme la ministre a été claire dans sa démonstration : ce dispositif est très ciblé, puisqu’il s’adresse à des chômeurs de longue durée, à des seniors, et pas seulement à des jeunes. Nous avons focalisé le débat sur les jeunes, mais ces derniers bénéficient aussi d’autres dispositifs, tels que l’aide à l’embauche d’un premier salarié, qui peut être un déclencheur pour le recrutement d’un jeune, mais aussi la garantie jeunes.

En l’occurrence, le dispositif des contrats aidés dont nous parlons touche principalement les personnes, hommes ou femmes, les plus éloignées de l’emploi, et qui ne trouveraient sans doute pas de solution, comme M. Gabouty l’a indiqué, avec les autres dispositifs d’aide aux entreprises.

Nous avons tous recruté dans nos collectivités, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, des personnes qui n’auraient pu être recrutées dans le secteur marchand. Nous le savons, et ce n’est pas la peine de nous cacher derrière notre petit doigt. Cela s’appelle, comme M. Savary l’a rappelé, le traitement social du chômage. Dans notre pays, des hommes et des femmes ont besoin de ces contrats aidés pour retrouver ne serait-ce que le chemin de la dignité, celui que l’on emprunte en se levant le matin pour aller accomplir une tâche utile à la société.

À mes yeux, cet amendement est quasi scélérat pour le public ciblé par ce dispositif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Je voterai l’amendement, même si, en ce qui me concerne, je l’aurais rédigé de manière moins brutale, afin que ses effets soient plus progressifs.

Il est un peu gênant d’opposer les emplois du secteur marchand et ceux du secteur non marchand. Même si les problématiques sont effectivement différentes, il s’agit de rendre service non pas aux collectivités locales ou aux entreprises, mais bel et bien aux demandeurs d’emploi qui sont éloignés du monde du travail. Peu importe, donc, que l’on adopte l’approche des collectivités locales ou celle des entreprises.

Je fais rarement état de ma vie personnelle, mais il se trouve que je suis à la fois maire et chef d’entreprise. J’ai recruté dans le secteur public, en tant que maire, des personnes que je n’aurais jamais embauchées en entreprise. Il faut être franc et clair sur ce point !

N’opposons pas les deux domaines, même si les publics sont effectivement un peu différents.

Pour autant, aujourd’hui, cette réorientation des crédits est souhaitable, car on sent bien que les collectivités locales et même le milieu associatif, qui est subventionné par les collectivités, sont arrivés à saturation, à bout de souffle. Ne poussons donc pas le curseur plus loin dans cette direction.

Le système marche, mais je suis d’accord avec Mme David pour dire que le secteur privé, les entreprises, n’ont pas à demander de subventions pour embaucher.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Jean-Marc Gabouty. Quand on a du travail, on embauche ! En revanche, si on n’a pas de travail, on n’embauchera jamais, même des contrats aidés.

Pour les collectivités locales, c’est un peu différent, mais, compte tenu du contexte économique, utilisons au mieux cette réorientation, même si j’estime qu’elle pourrait être moins massive. Néanmoins, elle va dans la bonne direction. Pour le détail, je vous conseille de vous référer à l’intervention de mon collègue René-Paul Savary, qui a expliqué comment le système marchait en fonction de la conjoncture.

Je le redis, n’opposons pas les dispositifs, car il s’agit toujours de rendre service à des personnes qui sont éloignées de l’emploi. Il ne faut pas non plus demander de contreparties aux entreprises privées…

M. Vincent Eblé. Excellente argumentation pour voter contre !

M. Jean-Marc Gabouty. Laissez-moi expliquer ma position !

Il faut être efficace, sans se réfugier derrière des arguments qui ne sont parfois pas adaptés à la cause que l’on défend.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je souhaite apporter quelques éléments après ce riche débat.

Il est important de ne pas tomber dans la caricature. Vous dites qu’aujourd’hui la seule réponse du Gouvernement réside dans ces contrats aidés. Je rappelle qu’ils ne représentent que 2,4 milliards d’euros sur un budget de près de 11,5 milliards d’euros. Vous voyez donc que ce n’est pas la seule réponse donnée par le Gouvernement. Il était important de le rappeler.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous nous demandez de privilégier l’entreprise, mais il ne vous aura pas échappé que nous avons aussi mis en place le CICE, l’aide à la première embauche et le pacte de responsabilité, grâce auquel les branches professionnelles se sont engagées sur la création d’un certain nombre d’emplois et le recrutement d’apprentis. J’ai eu l’occasion de le rappeler aux signataires du pacte, la semaine dernière, alors que j’assistais à une conférence sur l’emploi dans l’agroalimentaire et l’agriculture avec Stéphane Le Foll. Nous avons demandé à ces branches professionnelles où elles en étaient de l’engagement qu’elles avaient pris en échange d’exonérations de charges. Par ailleurs, le CICE est bien une réalité, qui permet aux entreprises de retrouver des marges, d’investir et de créer de l’emploi.

Le sujet abordé par cet amendement est particulier. Comme je l’ai dit tout à l’heure, le public des CAE n’est pas le public des contrats aidés dans le secteur marchand. Cette distinction est essentielle.

Dans vos départements, sans ce dispositif, près de 2 000 personnes auraient perdu leur emploi.

Lors du débat qui vient de se dérouler, vous avez donné l’impression que les personnes en contrat aidé dans le secteur non marchand occupaient en quelque sorte des emplois fictifs. C’est oublier que 38 % des bénéficiaires de ces contrats se trouvent dans les collèges et les lycées, 21 % dans les collectivités locales et 36 % dans les associations.

Je puis vous dire que, dans les quartiers populaires et ailleurs, au sein des clubs de football, par exemple, ces personnes font vivre la citoyenneté ; elles ont de vraies missions utiles pour la société. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ne l’oublions pas, ces emplois ne sont pas vides de sens : ils sont essentiels, et ce ne sont pas des emplois fictifs !

Il me semble important de le rappeler, les contrats aidés dans le secteur marchand ne posent pas de problème idéologique. Pour ma part, j’ai milité en faveur du contrat CIE-starter, dont le 13 000e vient d’être signé aujourd'hui. J’ai agi pour qu’il soit proposé aux jeunes des quartiers populaires qui sont diplômés, par exemple au niveau bac+2, et qui n’arrivent pas à trouver un emploi ou à avoir une première expérience professionnelle. L’on se situe dans le secteur marchand, puisque ces contrats sont pris en charge à hauteur de 45 % par les entreprises.

Bien sûr qu’il y a un enjeu ! Et il est réel, car les entreprises qui recrutent sur des contrats aidés le font pour pourvoir des postes vacants. Par la suite, les taux d’insertion des jeunes recrutés sur des contrats aidés dans le secteur marchand sont plus élevés que ceux des jeunes qui sont recrutés par des contrats aidés dans le secteur non marchand. C’est évident, parce que le public n’est pas le même – ce n’est pas le public le plus éloigné de l’emploi – et parce que le poste était vacant. La réalité, elle est aussi là !

Je le répète, supprimer 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand n’est vraiment pas une bonne solution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-140.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Les Républicains, l'autre, du groupe socialiste et républicain. (Exclamations.)

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 85 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 189
Contre 155

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° II-326, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

1 140 000

1 140 000

1 140 000

1 140 000

TOTAL

1 140 000

 

1 140 000

 

SOLDE

+ 1 140 000

+ 1 140 000

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’Assemblée nationale a adopté, lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances, un amendement du Gouvernement tendant à mettre en œuvre les mesures prévues par le protocole relatif à l’avenir de la fonction publique et à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations, porté par la ministre de la fonction publique.

Le présent amendement vise à procéder à une majoration de 1 140 000 euros sur les crédits du titre II de la mission « travail et emploi », destinés à réintégrer dans l’assiette de calcul les contrôleurs du travail, soit 2 732 agents supplémentaires. Ces crédits viennent s’ajouter aux 250 000 euros décidés par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.

Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter cet amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à majorer les crédits de ce programme à hauteur d’environ 1 140 000 euros. L’Assemblée nationale, qui a voté un amendement visant à appliquer le protocole évoqué par Mme la ministre, a omis d’intégrer certains fonctionnaires touchés par cette mesure. Il s’agit, en l’espèce, des contrôleurs du travail, donc de fonctionnaires de catégorie B. Pour réparer cet oubli, il faut rajouter 1 140 000 euros.

J’émets, au nom de la commission, un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On nous explique qu’il s’agit simplement de réparer un oubli de l’Assemblée nationale. Pourquoi pas ? Toutefois, nous avons pour le moins une interrogation sur la mise en œuvre de l’accord concernant la fonction publique.

On nous avait initialement expliqué que ce protocole n’aurait aucune incidence budgétaire en 2016, ni pour l’État ni pour les collectivités locales. Je me réfère à des déclarations très précises sur le sujet. Puis, nous apprenons progressivement que, dès 2016, il y aura un coût pour les collectivités locales. Leurs nombreux représentants qui siègent ici le savent : par construction, cet accord s’appliquera également à l’échelon de la fonction publique territoriale. Nous sommes donc pour le moins interrogatifs sur cette question.

Contrairement à ce qui avait été annoncé, on le voit, l’accord aura d’ores et déjà des incidences financières importantes sur 2016 et sur les années suivantes !

Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que, l’autre jour, la baisse des dotations a été minorée pour tenir compte des normes qui nous étaient imposées. Nous n’avons pas tenu compte des mesures prévues par le protocole relatif à l’avenir de la fonction publique et à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations. Pour des calculs tout à fait justes, il aurait fallu aller au-delà et tenir compte des conséquences des décisions prises par l’État, qui s’imposent directement à la fonction publique territoriale, alors que les collectivités ne sont pas autour de la table des négociations.

Au-delà de l’amendement qui, pour l’instant, est relativement modeste – il vise à réparer un oubli –, une vraie question se pose. En effet, s’agissant des décisions en matière de fonction publique, la négociation est toujours menée par le Gouvernement et elle emporte des conséquences tout à fait directes sur la fonction publique, y compris territoriale.

Ensuite, il est facile de donner des leçons de gestion aux collectivités locales ! Lorsqu’il y a revalorisation de la catégorie C, lorsqu’il y a revalorisation des carrières, toutes ces mesures s’imposent à nos collectivités locales et augmentent leur masse salariale. Il est très facile ensuite de venir donner des leçons aux collectivités en leur disant qu’elles dépensent trop, notamment en matière de personnels ! Il faut être extrêmement prudent sur ce genre d’annonce. En tout cas, nous sommes très loin de ce qui avait été annoncé initialement, c'est-à-dire l’absence de coût en 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-326.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-416, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

 

 

 

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

 

 

 

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

51 924

25 695

 

51 924

25 695

TOTAL

 

51 924

 

51 924

SOLDE

- 51 924

- 51 924

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans le cadre du transfert aux régions de la gestion d’une partie du Fonds social européen, les crédits du ministère sont réduits à hauteur des dépenses transférées aux régions. Il convient d’ajuster les montants de ces dépenses transférées.

La mesure proposée est donc une réduction des crédits du programme support de 51 924 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Requier, rapporteur spécial. Cet amendement tend à procéder à une correction technique, pour prendre en compte le transfert aux régions de la gestion des fonds européens à compter du 1er juillet 2015. Il faut minorer les crédits de 51 924 euros. Je ne pense pas qu’il y ait un loup derrière ! (Sourires.)

J’émets donc, au nom de la commission, un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-416.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-331 rectifié, présenté par MM. Canevet, Guerriau, Cadic, Kern et Longeot, Mme Férat, MM. L. Hervé, Marseille, Détraigne, Lasserre, Cigolotti, Tandonnet et Bockel et Mme Jouanno, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

 

 

12 000 000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

 

 

12 000 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

 

12 000 000

12 000 000

SOLDE

 

0

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Tout à l’heure, il a été souligné que, dans notre pays, l’apprentissage n’est pas au niveau de l’objectif de 500 000 contrats annoncé par le Président de la République. Lors de la discussion de l’amendement de M. le rapporteur général, l’on a évoqué la nécessité d’agir pour l’emploi des jeunes. Or, parmi les moyens d’insertion des jeunes, la formation par alternance permet d’acquérir une compétence professionnelle et d’obtenir une bonne formation, à la fois théorique et professionnelle.

Je pense que, sur toutes les travées, nous sommes convaincus de l’intérêt de soutenir le développement de l’apprentissage. Or, l’on constate, là aussi, comme pour les chiffres du chômage, que l’on est loin des objectifs qui avaient été fixés. Il faut tout mettre en œuvre afin d’améliorer les chiffres, en particulier pour permettre aux jeunes qui recherchent un emploi en apprentissage de trouver une place.

Parmi les outils pour y parvenir, il y a l’accompagnement des jeunes. Cet amendement vise à doter les missions locales en charge de l’accompagnement des jeunes de moins de 26 ans de crédits supplémentaires, en les fléchant en direction de l’orientation vers l’apprentissage.

Aujourd'hui, de nombreuses places dans les centres de formation d’apprentis ne sont pas pourvues, et il est absolument indispensable qu’elles le soient. Il ne s’agit pas de donner des subventions aux entreprises, comme l’indiquait tout à l’heure la représentante du groupe CRC. Ce que nous proposons, c’est bien de doter l’action publique de moyens pour permettre l’insertion des jeunes et l’aboutissement des contrats d’apprentissage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Patriat, rapporteur spécial. Nous connaissons bien les missions locales. Pour ma part, j’en ai présidé une pendant plus de dix ans. Le projet de loi de finances prévoyait 188 millions d'euros pour leur fonctionnement et 15 millions d’euros pour leur accompagnement. L’Assemblée nationale a ajouté 12 millions d'euros : 10 millions d'euros pour l’accompagnement et 2 millions d'euros pour le fonctionnement.

Aujourd'hui, compte tenu des tâches difficiles qu’elles remplissent avec beaucoup d’efficacité, il ne me semble pas nécessaire d’ajouter 6 millions d'euros supplémentaires. Je me demande quand cette assemblée, qui ne cesse de réclamer des crédits supplémentaires, trouvera le moment de faire quelques économies !

Je sollicite donc, au nom de la commission, le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je considère en effet que nous avons fait, après la discussion à l’Assemblée nationale, un effort suffisant en direction des missions locales. Nous avons augmenté leur budget de près de 2,8 %. Il faut y ajouter près de 255 millions d'euros pour la garantie jeunes, sans oublier près de 280 millions d'euros supplémentaires prévus dans ce projet de loi de finances pour l’apprentissage, en vue de répondre véritablement à votre souci, monsieur Canevet.

Je ne considère pas que les missions locales, auxquelles je demande de faire bénéficier les jeunes de la garantie jeunes, soient en première ligne sur la question de l’apprentissage.

S’agissant du fonctionnement des missions locales, je crois que nous avons fait un effort important. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Canevet, l'amendement n° II-331 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Canevet. Monsieur le rapporteur spécial, il ne s’agit pas d’ajouter des dépenses supplémentaires. C’est bien un redéploiement qui est proposé au travers de cet amendement.

Par cet amendement, je souhaitais appeler l’attention de notre assemblée sur la nécessité d’en faire plus pour l’apprentissage, car il est impératif que nous soyons particulièrement proactifs dans la lutte contre le chômage.

Cela étant, j’entends la remarque du Gouvernement et du rapporteur spécial et je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-331 rectifié est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 86 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 208
Pour l’adoption 189
Contre 19

Le Sénat a adopté.

compte d’affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

1 490 852 734

1 490 852 734

Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage

1 395 775 620

1 395 775 620

Correction financière des disparités régionales de taxe d’apprentissage et incitations au développement de l’apprentissage

95 077 114

95 077 114

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Etat B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

7

Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. La commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Anne-Catherine Loisier membre titulaire du Conseil supérieur de la forêt et du bois.

8

Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution

M. le président. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, a demandé, par lettre en date du 30 novembre 2015, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 198, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l’urbanisme et à la construction, et déposée le 25 novembre 2015.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents, qui se tiendra le mercredi 9 décembre.

9

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 2 décembre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 3141-26 du code du travail relatif à l’indemnité compensatrice de congés payés non due en cas de faute lourde (2015-523 QPC).

Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

10

Etat B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Rappel au règlement

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2016.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, pour un rappel au règlement.

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Enseignement scolaire

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 42 du règlement du Sénat.

Ce matin, à la lecture du dérouleur de nos travaux, nous avons tous découvert que, lors de l’examen des crédits de l’enseignement scolaire, le Gouvernement serait représenté par le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Nous savons gré à M. Thierry Mandon d’être parmi nous ce soir. Nous avons toujours plaisir à vous accueillir et à travailler avec vous, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que vous saurez faire preuve de la même disponibilité que lors des deux auditions de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi qu’à l’occasion de l’examen des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche.

En revanche, permettez-moi de m’étonner que Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ait pas jugé indispensable d’être présente, d’autant que, pour la première fois, l’examen des crédits de la mission prendra pour partie la forme d’un débat spontané et interactif.

Au printemps dernier, Mme la ministre avait reporté plusieurs fois le rendez-vous pris pour son audition par la commission, s’agissant de la réforme du collège, sujet qui préoccupait nombre de nos collègues de tous les groupes. Son audition sur les crédits de la mission n’a quant à elle pu intervenir qu’entre dix-neuf et vingt et une heures, à la seule date qu’elle avait pu dégager sur son agenda. Le 12 octobre dernier, dans le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, le Gouvernement était représenté par Mme Martine Pinville, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Vous comprendrez donc, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que, au nom de notre commission, je ne puis que déplorer cette accumulation de rendez-vous manqués, qui finit par traduire un manque de respect pour notre assemblée et, au-delà, une parfaite indifférence à l’égard du débat parlementaire.

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. L’éducation est un sujet qui nous préoccupe tous, que le Président de la République a placé au premier rang de ses priorités et qui représente encore – je tiens à le souligner – le premier budget de la Nation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Enseignement scolaire

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Débat interactif et spontané sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire »

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

J'indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d'attribuer un temps de parole de sept minutes aux rapporteurs spéciaux, de trois minutes aux rapporteurs pour avis, puis de quarante-cinq minutes aux orateurs des groupes.

Le Gouvernement disposera ensuite de quinze minutes pour répondre aux commissions et aux orateurs.

Puis nous aurons une série de questions de deux minutes maximum chacune, avec la réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des finances, pour une durée totale de quarante-cinq minutes.

La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis partagé entre, d’une part, le respect dû à la fatigue, si naturelle après ces longues séances de jour et de nuit, et, d’autre part, l’importance que revêt ce budget tant pour la nation – il s’agit de l’enseignement scolaire – que pour nos finances – quelque 67 milliards d’euros y sont consacrés.

Je dispose pour mon intervention d’environ une minute par dizaine de milliards d’euros… (Sourires.) J’essaierai donc d’être synthétique. Dans ces conditions, ceux qui ont la passion de l’enseignement, c’est-à-dire nous tous, mes chers collègues, j’en suis persuadé, me pardonneront de rester superficiel.

Le montant total de ces crédits pour 2016 s’élève donc à 67 milliards d’euros. Par rapport à l’année précédente, on constate une augmentation de 700 millions d’euros, soit 1 %. Néanmoins, si l’on retire du montant total les sommes affectées au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits à proprement parler consacrés à l’enseignement scolaire au sein de cette mission s’élèvent à 48 milliards d’euros.

La dépense intérieure d’éducation en France représente 6,1 % du PIB, soit la proportion moyenne que consacrent les pays membres de l’OCDE à l’enseignement. Nos voisins allemands y dévouent une part plus réduite de leur PIB – 5,1 % –, de même que l’Italie.

Il faut pourtant comparer ce qui est comparable : cette proportion dépend, d’une part, de l’importance du PIB par habitant, qui est supérieur en Allemagne, et, d’autre part, au nombre d’enfants relativement à la population totale, qui est inférieur en Allemagne. Dès lors, l’effort que nous consacrons à l’enseignement, s’il est significatif, correspond naturellement à la jeunesse de notre population.

Par ailleurs, la dépense de l’État, telle qu’elle est exprimée dans les crédits que nous examinons ce soir, correspond à une petite moitié du montant global de la dépense intérieure d’éducation. Le reste se répartit entre les collectivités territoriales, extrêmement sollicitées dans notre pays, les familles, naturellement, ainsi que, d’une façon minoritaire, sinon marginale, les entreprises.

Il nous faut examiner ce budget. Le jugement synthétique que je vais émettre à son sujet pourra sembler brutal, voire caricatural. Nous observons en effet, d’une part, des dépenses importantes, typiques d’un membre de l’OCDE et qui ont doublé en quinze ans, et, d’autre part, des résultats jugés plutôt médiocres par les enquêtes PISA ; du moins nous situons-nous, à cet égard, dans la seconde moitié de la classe des pays de l’OCDE.

En outre, notre système éducatif – cela constituera pour chacun d’entre vous, j’en suis persuadé, une préoccupation – est, en apparence, le système le plus conservateur des inégalités sociales entre les familles. Il semblerait que l’école, loin de les remettre en cause, perpétue ces inégalités. Voilà le bilan : médiocrité des résultats et conservatisme social du système scolaire français.

L’explication en est simple : nous dépensons trop dans le secondaire et pas assez dans le primaire. La dépense moyenne par élève est en effet globalement supérieure à celle des autres pays de l’OCDE : 10 450 dollars par an et par élève, toutes catégories confondues, contre 9 500 dollars pour les pays de l’OCDE, soit près de 1 000 dollars de plus. Dans le secondaire, l’écart atteint 2 000 dollars par élève. Je suis désolé de m’exprimer en dollars ; j’aurais pu convertir ces montants en euros, mais, comme l’euro se rapproche du dollar, les comparaisons s’en trouvent simplifiées.

En d’autres termes, le secondaire est « budgétivore », alors que le primaire est plutôt mal doté. Cela se constate d’ailleurs dans les taux d’encadrement, qui sont satisfaisants dans le secondaire, mais insuffisants dans le primaire.

En France, l’enseignement primaire est de qualité, mais supporte des charges plus élevées par enseignant. De plus, les enseignants du primaire ont, par rapport à la moyenne de leurs collègues européens, pour des pays comparables, des situations matérielles inférieures.

La Cour des comptes, d’une façon qui lui est propre, c’est-à-dire parfois contestable ou partielle, a d’ailleurs signalé le surcoût spectaculaire de la dépense par élève dans les lycées pour l’année qu’elle étudiait, à savoir une année de transition. Les lycées français, par la diversité de leur offre, leur taille, la dispersion géographique, ont des charges de fonctionnement extrêmement élevées.

Pour l’essentiel, c’est-à-dire à 92,35 %, ce budget est un budget de dépenses salariales. Il importe de rappeler que la dépense salariale de ceux qui sont en activité doit être comparée à la dépense salariale des retraites. Ainsi, dans ce budget, les retraites représentent 43 % de la dépense salariale des enseignants en activité.

Lorsque le Gouvernement annonce 10 850 emplois nouveaux en 2016, pour que la création globale depuis 2012 atteigne plus de 43 000 postes dans l’enseignement scolaire et que soit tenu tenir l’objectif de 55 000 emplois nouveaux annoncé lors de la campagne présidentielle – on ne peut pas lui reprocher de tenir ses engagements, même si ce ne sont pas les nôtres –, nous ne pouvons nier que ce but est quantitativement atteint.

Toutefois, cette politique quantitative s’opère assez vraisemblablement au détriment du qualitatif pour les enseignants, dont le pouvoir d’achat a diminué de 1 % en euros constants en 2013. En outre, on constate aujourd’hui de réelles difficultés de recrutement dans des matières stratégiques, comme l’anglais, les mathématiques ou le français.

Parmi les mesures prévues dans le projet de loi de finances pour 2016, nous sommes favorables aux efforts consentis en faveur de l’enseignement préélémentaire, de l’accueil des élèves handicapés et de l’internat. En revanche, nous sommes beaucoup plus dubitatifs en ce qui concerne le plan numérique à l’école.

Surtout, nous sommes sincèrement convaincus qu’il faudrait remettre en cause, d’une part, l’insuffisance des moyens du fonds de soutien au développement des activités périscolaires, d’autre part, le Louvois de Grenelle, c’est-à-dire le système d’information de gestion des ressources humaines et des moyens de l’éducation nationale, qui, pour l’instant, fait sauter à peu près tous les compteurs des dépenses envisagées, sans pour autant aboutir à un résultat.

Sous réserve de l’adoption de ses deux amendements et de l'amendement de la commission de la culture, la commission des finances préconise l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, avec plus de 67 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, la mission « Enseignement scolaire » constitue, pour la deuxième année consécutive, le premier budget de la France. Ce budget s’inscrit dans la continuité des précédents exercices, qui visaient notamment à revenir sur une partie des 80 000 suppressions de postes décidées sous le précédent quinquennat.

Cette politique de coupes drastiques dans les effectifs s’était en effet traduite par un sentiment d’incompréhension au sein du corps enseignant, par une « souffrance ordinaire », comme l’a très justement rappelé Brigitte Gonthier-Maurin dans un rapport d’information en 2012.

La critique récurrente sur les prétendus « surnombres » dans l’éducation nationale me semble dépassée, les coupes franches intervenues dans les effectifs sous le précédent quinquennat y ayant plus que répondu. Ceux qui appellent à des diminutions d’effectifs sont d’ailleurs les premiers à critiquer la fermeture de classes dans leur commune, leur département ou leur région.

Je pense, pour ma part, que les créations de postes prévues dans le projet de loi de finances pour 2016 sont indispensables si l’on veut apporter une réponse aux besoins des élèves et des enseignants et contribuer à la réduction des inégalités sociales et à la résorption de la fracture territoriale.

Cependant, la crise du recrutement est sévère et révèle un phénomène profond et durable, qui ne doit plus être envisagé isolément comme le problème de telle ou telle académie.

Au mois de juillet dernier, le ministère a décidé de mettre fin au recrutement des emplois d’avenir professeurs à la rentrée de 2015, pour leur substituer des « masters en alternance ». Les étudiants perçoivent une rémunération en tant que contractuels, payés à temps plein, pour douze semaines dans des classes en responsabilité. Tout cela s’est fait dans une très grande discrétion, pour ne pas dire plus, et je veux profiter de ce débat budgétaire pour évoquer ce nouveau dispositif, sur lequel le budget est quasi muet.

Le Gouvernement a fait en 2012 le choix de mettre en place des emplois d’avenir professeur, plutôt qu’un véritable système de prérecrutement. Ce choix n’a pas permis de faire remonter le nombre des candidatures dans les disciplines déficitaires, notamment en mathématiques, et ce pour au moins deux raisons : il y avait dans ces disciplines peu de candidats satisfaisant aux conditions nécessaires pour devenir emploi d’avenir professeur et le travail exigé par ce statut ne permettait pas aux étudiants recrutés de réussir leurs études dans de bonnes conditions.

Depuis la rentrée dernière a été lancé un « master en alternance », expérimenté notamment dans l’académie de Créteil. Contractuels, ces « alternants » sont censés suivre un master 1 avec une semaine de stage en observation, puis douze semaines dans les classes en responsabilité, en remplacement d’enseignants titulaires. Seule une semaine de « pratique accompagnée » est prévue au début de l’année. Cette façon d’appréhender la formation, sans que l’étudiant ait plus de temps pour préparer son stage avec l’enseignant titulaire en charge de la classe et sans suivi, s’apparente davantage à du remplacement qu’à de la formation.

De plus, je m’inquiète de la diminution du nombre d’heures de formation pour ces « masters en alternance » – 268 heures –, soit une perte de 220 heures par rapport aux étudiants en master 1. Le risque est grand que ce dispositif ne rencontre les mêmes écueils. Surtout, il ne peut être l’unique réponse aux problèmes de recrutement. Je plaide donc de nouveau pour l’instauration de prérecrutements, dès la licence.

Par ailleurs, en matière de rémunérations, des efforts ont été consentis, mais on ne peut se satisfaire d’une situation où les enseignants ont vu leur pouvoir d’achat diminuer de 1 % en 2013. L’amélioration des conditions matérielles des enseignants est un levier sur lequel on ne peut faire l’impasse pour relancer l’attractivité du métier.

J’en viens à la question de l’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires. La minoration des crédits destinés au fonds de soutien au développement des activités périscolaires me semble regrettable dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités et de surcoûts engendrés par les réformes du collège et des programmes. La sous-dotation de ce fonds tient aux hypothèses retenues. Le budget se fonde sur une hypothèse de 80 % de communes couvertes par un projet éducatif territorial. Nous sommes déjà à plus de 82 % : il manque donc environ 72 millions d’euros.

Enfin, l’an dernier, j’ai appelé votre attention sur les difficultés rencontrées par certains jeunes, notamment dans l’enseignement technique agricole, pour réaliser leur alternance, faute de formations proposées ou d’entreprises volontaires. J’ai pu constater sur le terrain que ces difficultés demeuraient, alors que, dans le même temps, certains métiers connaissaient une pénurie de main-d’œuvre.

Mes chers collègues, si ce budget apporte certaines réponses bienvenues, il me semble que celles-ci manquent trop souvent d’ambition. C’est pourquoi, pour l’instant, je m’abstiendrai sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », en attendant la discussion des amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec trois minutes pour un budget qui s’élève à 67,1 milliards d’euros, soit plus de 22 milliards d’euros par minute, cette intervention est sans doute la plus chère de l’histoire du Sénat ! (Sourires.)

La gravité de la situation m’interdit toute forme d’ironie, car j’étais prêt à abandonner ces trois minutes, tant il me paraît inconcevable de donner, en si peu de temps, un avis sur un budget aussi important pour l’avenir de nos enfants. À l’instar de Mme la présidente de la commission de la culture, je déplore l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale ce soir : sans doute a-t-elle des engagements plus importants que de venir présenter son budget devant la représentation nationale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jacques Chiron. Une minute de perdue !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Une minute à 22 milliards d’euros ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir.

La transmission du savoir est le plus grand défi que nous devons relever. L’actualité en est malheureusement la triste illustration. C’est aussi parce qu’ils n’ont pas été éduqués et instruits que les auteurs des attentats du 13 novembre dernier ont été embrigadés et endoctrinés.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est parce qu’ils n’avaient pas les mots qu’ils ont commis le mal, qu’ils ont commis l’irréparable.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » augmentent de 700 millions d’euros. Les engagements en matière de créations de postes sont tenus : quelque 8 561 postes seront créés en 2016 dans l’éducation nationale. Faut-il s’en réjouir ? Je ne le crois pas.

En effet, cette politique du « toujours plus » ne résout rien. Les comparaisons internationales le montrent et la Cour des comptes l’a rappelé : l’effort financier que consent la France – il a doublé depuis 1980 et augmenté de 10 % depuis 2000 – est fondamentalement déséquilibré en faveur du secondaire, en particulier du lycée ; Gérard Longuet, rapporteur spécial, l’a souligné.

Nous dépensons beaucoup moins pour le primaire, alors que c’est à ce niveau que tout se joue : plus de la moitié des « décrocheurs » étaient en difficulté à l’issue du CM2, si ce n’est du cours élémentaire. Les résultats de notre système scolaire restent médiocres et ce budget s’inscrit dans la continuité parfaite des précédents.

Pourtant, il y a urgence. Remettons la maison à l’endroit en dégageant de véritables priorités, au premier rang desquelles l’apprentissage des fondamentaux à l’école primaire. Cela peut et doit se faire à moyens constants, par un véritable redéploiement des moyens de l’enseignement secondaire vers le primaire.

Quand les maîtres, monsieur le secrétaire d’État, seront-ils rémunérés au même niveau que leurs collègues du second degré ? Quand les directeurs d’école se verront-ils enfin reconnaître un véritable statut ? Quand le cadre de l’école primaire évoluera-t-il vers plus d’autonomie et de responsabilité ?

Quid de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage, grands absents de ce budget ? La filière professionnelle, pourtant coûteuse, concentre une grande partie de l’échec scolaire, et ses résultats sont peu satisfaisants. Un travail important doit être mené pour rationaliser et adapter l’offre de formation aux besoins des entreprises et réduire le nombre de spécialités. Votre objectif de former 60 000 apprentis dans l’éducation nationale en 2017 restera hors d’atteinte tant que l’apprentissage sera considéré comme une voie d’échec.

Plutôt que de faire porter l’effort sur ces priorités, votre ministère se lance tête baissée dans des réformes au bien-fondé contestable et dont l’État se décharge du financement sur les collectivités territoriales. C’est le cas de la réforme des rythmes scolaires, dont le fonds de soutien est manifestement sous-doté de 70 millions d’euros, ou du plan numérique à l’école, qui sera financé par les départements. Le précédent de la Corrèze et une récente étude de l’OCDE nous conduisent à nous interroger sur l’intérêt de ces investissements, au-delà de l’affichage politique.

Enfin, la rentrée de 2016 verra le renouvellement des manuels de la scolarité obligatoire. Vous prévoyez 150 millions d’euros en 2016, et autant en 2017, pour l’acquisition des manuels du collège. Très bien ! Toutefois, pas un centime n’est prévu pour les manuels de l’école primaire,…

M. Michel Savin. Ce sont les communes qui paieront !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … alors qu’aucun texte n’impose aux communes de prendre en charge leur renouvellement. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Vincent Eblé. Votre temps de parole est écoulé !

Mme Annie David. C’est terminé !

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Je termine, madame la présidente.

Une dépense totale estimée à 240 millions d’euros reposera ainsi sur les communes, déjà asphyxiées par la baisse des dotations et par la réforme des rythmes scolaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Jacques Chiron. C’est fini !

Mme Annie David. Vous abusez !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. En conséquence, je vous proposerai un amendement visant à faire prendre en charge une grande partie de ce coût par l’État. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Vincent Eblé. C’est terminé ! On ne vous écoute plus !

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure ! Vous ne pouvez pas doubler votre temps de parole.

M. Michel Savin. Ce n’est pas la ministre qui va trop parler, c’est sûr… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement, ainsi que ceux qui seront présentés par notre collègue Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole des orateurs a été fixé conformément au nouveau règlement mis en place sur l’initiative de M. le président du Sénat. La majorité sénatoriale se doit de respecter les règles qui ont été instaurées, même si elles peuvent être frustrantes.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, puisque nous examinons les crédits de la mission « Enseignement scolaire », permettez-moi de faire un peu de pédagogie ! Je rappelle que la conférence des présidents a arrêté, de manière collective, le même schéma pour chacun, quel que soit son rôle.

Si nous ne parvenions pas à achever l’examen des crédits de cette mission à minuit trente, afin de nous permettre de respecter le programme de demain, je me verrais dans l’obligation de reporter la fin de nos travaux à vendredi matin, ce qui serait déplaisant.

J’invite donc chacun d’entre vous à faire un effort pour respecter le temps de parole qui lui est imparti et les rapporteurs pour avis à donner l’exemple ! Nous aurons le temps, lors du débat interactif et spontané, d’interroger M. le secrétaire d’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la quinzième année consécutive, je vous présente le budget de l’enseignement agricole. Après quinze budgets et huit ministres de tous bords politiques, mon constat demeure le même : l’enseignement agricole, qui est pourtant une filière d’excellence, en phase avec les besoins des territoires et des entreprises, ainsi que le deuxième réseau éducatif de notre pays, demeure précaire.

Quelle n’a pas été ma déception, à la lecture du projet de loi de finances pour 2016, de constater qu’il mettait fin à cinq années consécutives d’augmentation significative des crédits de l’enseignement agricole !

À la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement en seconde délibération à l’Assemblée nationale, les crédits du programme 143 n’augmenteront finalement que de 0,5 % en 2016, soit moitié moins que ceux du ministère de l’éducation nationale et moitié moins que l’inflation. De surcroît, la hausse des crédits est intégralement imputable à l’augmentation des dépenses de personnels et à la création de 140 postes supplémentaires d’enseignants.

Certes, il convient de se réjouir de ces créations de postes, ainsi que du recrutement de 25 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires. Sur ce point, l’engagement du Gouvernement est tenu. Néanmoins, ces créations doivent-elles se faire au détriment de tout le reste ? Doivent-elles se faire au prix d’une dégradation de la situation des établissements et de la réduction des dotations pour les bourses sur critères sociaux, qui diminuent de 5,4 millions d’euros – retenez bien ce chiffre, mes chers collègues ! – alors que les effectifs d’élèves augmentent ?

L’année 2016 verra la fin des protocoles d’accord conclus avec les établissements de l’enseignement privé. Ces protocoles devraient être reconduits pour un an ; souhaitons que, d’ici à 2017, une enquête approfondie soit effectuée et qu’elle conduise à la nécessaire revalorisation de la subvention.

Malgré l’excellence des résultats de l’enseignement agricole, les effectifs d’élèves s’effritent : il a perdu 4 500 élèves depuis 2008, en particulier dans les classes de quatrième et de troisième. L’enseignement agricole peine à sortir d’une logique malthusienne, qui contingente l’offre de formation selon les moyens plutôt que selon la demande des élèves et de leurs familles.

Cette situation est également la conséquence de la politique menée par l’éducation nationale, qui vise à limiter le plus possible l’orientation vers l’enseignement agricole. Ce dernier continue d’être constamment dévalorisé dans les représentations.

En matière budgétaire, l’enseignement agricole est considéré comme la variable d’ajustement de la mission. Le Gouvernement a renouvelé le prélèvement de 2,5 millions d’euros effectué l’année dernière pour financer le fonds de soutien aux activités périscolaires ; cette année, il s'agit de « garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l’État ». Cela montre qu’une relation équilibrée entre l’enseignement agricole et l’éducation nationale reste à construire. Les deux parties auraient beaucoup à y gagner !

Je réserve mon avis sur les crédits de cette mission pour l’instant, que je conditionne à l’adoption de l’amendement que je vous présenterai, lequel vise à rétablir les crédits de l’enseignement agricole supprimés par l’Assemblée nationale, et à celle des amendements présentés par mes collègues rapporteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les années se suivent et se ressemblent : le budget de l’enseignement scolaire est en hausse et traduit dans les faits l’ambition portée par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République, mais des rapporteurs de droite s’y opposent, pointant l’inflation budgétaire, sans considérer qu’il s’agit de réparer l’école, laquelle avait été abîmée à la suite de suppressions massives de postes, de la réduction des moyens et de l’abandon coupable de la formation professionnelle.

Comment nos rapporteurs peuvent-ils refuser cet effort alors que la majorité à laquelle ils appartenaient sous la précédente mandature avait dégradé les résultats de l’école en faisant perdre cinq places à la France dans le classement PISA ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Chiron. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. Ce budget porte une tout autre ambition : refonte des programmes, réforme de l’éducation prioritaire, plan numérique à l’école, soutien au financement du renouvellement des manuels scolaires, création de postes de RASED, le réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, des milliers d’entre eux ayant été supprimés lors du précédent quinquennat.

Oui, en matière de formation, ces moyens sont indispensables. Toutefois, leur utilisation doit être suivie. Je vous le dis solennellement, l’autonomie des universités ne saurait être un prétexte pour ne pas respecter les contenus et les modes de formation inscrits dans la loi. Les recteurs doivent y veiller.

Si je suis déçue de l’absence de Mme la ministre, je me félicite de votre présence, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu du sujet sur lequel je vais maintenant intervenir.

Alors que la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République prévoit que dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, les équipes pédagogiques intègrent des professionnels intervenant dans le milieu scolaire – personnels enseignants, d’inspection et de direction –, ainsi que des acteurs de l’éducation populaire, de l’éducation culturelle et artistique et de l’éducation à la citoyenneté, dans les faits, ils ne sont pas les bienvenus. Alors que des ESPE souhaiteraient mettre en place des modules d’éducation aux médias et à l’information avec des radios associatives, il semblerait qu’il existe encore des difficultés, notamment en matière de financement des interventions des personnalités extérieures.

Sur le même sujet, je m’inquiète de la situation du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information, le CLEMI. Les moyens qui lui sont alloués ne sont pas à la hauteur. Or la garantie de son autonomie est une impérieuse nécessité.

Monsieur le secrétaire d’État, l’éducation aux médias, à l’image et à l’information n’est pas un luxe en ces temps troublés. Le Conseil supérieur des programmes a d’ailleurs insisté sur ce point. J’espère que, après son copieux et scrupuleux travail de rédaction, il sera associé à la relecture des documents d’accompagnement, afin que l’esprit de la rénovation des programmes soit fidèlement gardé.

Par ailleurs, la revalorisation des salaires des enseignants – c’est là un sujet qui fâche –, en retard sur nos voisins européens, doit rapidement être envisagée : il y va des vocations comme de la considération de la profession.

J’évoquerai maintenant l’enseignement agricole, si cher à notre commission et sur toutes les travées. L’an dernier, le budget de l’enseignement agricole avait connu une hausse, que nous n’avions pas manqué de souligner comme étant un signe fort en faveur de cet enseignement sachant mettre en place de véritables innovations pédagogiques.

Si la hausse de ce budget est plus modérée cette année, de nouveaux postes sont créés, afin de soutenir les effectifs, et nous nous en félicitons. Nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, de veiller à une bonne information de tous les élèves dans le cadre de leur parcours d’orientation, car les formations en établissements agricoles sont diverses et riches de débouchés.

Pour conclure, les amendements déposés par la majorité sénatoriale et visant à réduire de 65 millions d’euros les crédits consacrés à la création de postes dans le second degré sont inacceptables pour les écologistes. Notre groupe ne peut adhérer à ces reculs, qui, s’ils venaient à être adoptés, nous conduiraient à ne pas voter ce bon budget ainsi altéré.

Rassurez-vous toutefois, mes chers collègues, l’école de la République garantit le socle et les acquis de base : la preuve que je sais compter jusqu’à cinq, c’est que j’ai respecté le temps de parole de cinq minutes qui m’était alloué ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’emblée à saluer ce budget, le premier de la nation, qui est en augmentation de 1,1 %. Je me félicite du symbole comme des moyens donnés à l’éducation de nos enfants. Plus que jamais, à l’aune de la terrible année qui vient de s’écouler, investir dans l’éducation apparaît comme une nécessité absolue, pour renforcer la cohésion nationale autour de valeurs communes, mais aussi pour offrir des repères et des perspectives d’avenir à notre jeunesse, tout en offrant à nos enseignants les meilleures conditions pour le faire.

Le projet de loi de finances consacre donc le rétablissement des moyens humains de l’école en prévoyant la création de 10 851 postes. Certains considèrent qu’une politique du chiffre est privilégiée au détriment de la qualité. Pour ma part, j’estime que la qualité passe avant tout par le fait que tous les élèves puissent avoir, et ce tout au long de l’année, un enseignant en face d’eux.

M. Jacques Chiron. Très bien !

Mme Mireille Jouve. De surcroît, il faut que les classes soient beaucoup moins surchargées et que l’on puisse ainsi proposer un suivi plus individualisé aux élèves, notamment dans les zones d’éducation prioritaire.

En outre, ces créations de postes semblent indispensables, ne serait-ce que pour faire face dans un premier temps à la poussée démographique et à l’accroissement du nombre d’élèves – de 60 000 en 2014, de 50 000 en 2015. Ce n’est pas faire du chiffre que de contribuer à l’amélioration des conditions de travail des élèves comme des enseignants, tout en maintenant les classes ouvertes, notamment dans les territoires ruraux.

Le premier degré de l’enseignement constitue un moment crucial de la formation des élèves, puisque c’est à la sortie du CM2 que tout se joue. À ce titre, il me paraît essentiel d’aller plus loin encore dans le dispositif « plus de maîtres que de classes » et de généraliser la scolarisation des enfants de moins de trois ans, en particulier dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Les retours d’expériences du terrain nous montrent que ce n’est malheureusement pas possible partout, en raison d’un manque d’effectifs d’enseignants.

Par ailleurs, une étude récente montre que l’école maternelle est plébiscitée par les parents et les enseignants et qu’elle œuvre « pour les apprentissages, mais aussi le vivre ensemble et l’épanouissement des élèves ». Renforçons-la et surtout valorisons le traitement de nos professeurs des écoles, qui sont parmi les plus mal payés des pays de l’OCDE. Quelque 50 000 d’entre eux ont écrit en ce sens à Mme la ministre. J’espère que vous serez attentifs à leur revendication concernant l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves.

Si l’on veut des enseignants de qualité, il faut qu’ils soient correctement rémunérés, surtout lorsque l’éducation est et doit être une grande priorité de la nation. Il est loin le temps où ce métier était un choix de conviction, où le seul fait d’être enseignant constituait une gratification symbolique forte et conférait un statut social respecté et envié.

Très attachée à l’inclusion scolaire, je me réjouis de la création de 350 postes d’accompagnant des élèves en situation de handicap, ou AESH, qui complètent les 350 postes créés l’année dernière et renforcent ainsi la professionnalisation de personnels spécialisés, qui ont vu leur nombre fondre sous la précédente mandature. L’école de la République doit offrir les meilleures conditions d’accueil à tous.

La formation est également essentielle pour garantir la qualité de la pédagogie et des enseignements dispensés. Grâce à la création des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, la formation initiale a retrouvé une vraie cohérence, passant par l’acquisition de savoirs, mais aussi de compétences professionnelles.

En revanche, en matière de formation continue, l’effort doit encore être accentué. De ce point de vue, les crédits dédiés à la formation des personnels enseignants dans le cadre de la réforme du collège constituent une bonne nouvelle. Toutefois, encore une fois, les enseignants du premier degré s’estiment oubliés : 18 heures de formation par an sont prévues pour les professeurs des écoles, ce qui paraît bien faible.

Permettez-moi également de regretter que les crédits consacrés au fonds de soutien au développement des activités périscolaires soient en recul de 91 millions d’euros, de surcroît dans le contexte actuel de baisse globale des dotations de l’État aux collectivités. Je suis maire d’une petite commune dont les charges ne cessent de se multiplier. Comme chacun le sait, cette baisse pénalisera d’abord les communes en difficulté, qui ne pourront proposer d’autres activités que de la garderie. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Avant de conclure mon propos, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais vous poser une question en lien avec la triste actualité des attentats du 13 novembre qui ont frappé la France et Paris.

Le Premier ministre, mais pas seulement lui, a répété plusieurs fois que d’autres attentats sont à redouter et que, bien évidemment, tout sera fait pour les prévenir – l’état d’urgence sert d’abord à cela. Or les écoles laïques de la République, nous dit-on, pourraient être une cible des terroristes. Aussi, que pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, sur le renforcement de la sécurité aux abords des établissements scolaires de notre pays et peut-être aussi sur l’état de la menace qui pèse réellement sur les écoles ?

M. Loïc Hervé. Très bonne question !

Mme Mireille Jouve. Enfin, étant convaincue qu’il faut aider et l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire, en particulier dans la mise en œuvre de la réforme du collège à la rentrée de 2016, je ne souscris pas à l’amendement de notre rapporteur spécial prévoyant plusieurs diminutions de crédits dans le secondaire. Je suis au contraire partisane d’une politique éducative ambitieuse pour nos enfants.

Aussi, à l’instar de la majorité des membres du groupe RDSE, mon vote dépendra du sort qui sera réservé à la plupart des amendements examinés en séance publique. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec plus de 67 milliards d’euros, il s’agit tout de même du premier budget de la nation : 10 711 nouveaux postes dans l’enseignement scolaire, 8 000 enseignants supplémentaires, des postes d’accompagnement pour les élèves handicapés, des postes de santé, sociaux, administratifs et 2 150 assistants d’éducation de plus.

C'est pourquoi je suis stupéfait des contradictions contenues dans les déclarations du rapporteur spécial de la commission des finances.

Tout d’abord, lors de la réunion de commission, il se réjouit de l’augmentation du nombre des enseignants dans le primaire et le secondaire, et pourtant il présente un amendement visant à réduire de 65 millions d'euros les crédits de personnel de l’enseignement scolaire, condamnant ainsi plusieurs milliers de postes. À cela s’ajouterait l’annulation de 15,5 millions d’euros de crédits sur des opérateurs tels que l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, l’ONISEP, le Centre national d’enseignement à distance, le CNED ou le réseau Canopé, qui sont importants pour l’école.

La logique d’un tel raisonnement m’échappe. On sait bien que la législature précédente, de 2007 à 2012, a été marquée par la suppression de plus de 80 000 postes, cela a été rappelé, soit quelque 1 000 écoles rayées de la carte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Loïc Hervé. Caricature !

M. Roland Courteau. C’est la vérité !

M. Jacques Chiron. Seriez-vous atteints de la maladie d’Alzheimer, chers collègues ?

M. Jacques-Bernard Magner. On veut asphyxier le système éducatif français, car on semble s’apercevoir aujourd’hui qu’il est onéreux. Certes, mais la formation de la jeunesse constitue une priorité essentielle.

Du reste, malgré les réductions de postes, les enseignants n’ont guère connu de revalorisation de leur traitement entre 2007 et 2012. Il aura fallu attendre que la gauche revienne au pouvoir, en 2012 (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), pour que soit proposée aux enseignants une véritable formation,…

M. Claude Kern. Quelle formation ?

M. Jacques-Bernard Magner. … qui commence à produire ses effets, même s’il faudra attendre encore quelques années pour pouvoir retirer tout le bénéfice de cette démarche de reconstruction, grâce aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Ce budget pour 2016 s’inscrit dans le respect de l’engagement de créer 60 000 postes au cours du quinquennat. En même temps, la réforme des rythmes scolaires a permis de donner cinq véritables matinées de travail aux élèves. Cette réforme a apporté une remarquable amélioration des conditions de vie et de travail des élèves et de leurs performances en classe, les enseignants en attestent.

Mme Françoise Férat. Il faut sortir un peu de Paris !

M. Jacques-Bernard Magner. Aujourd’hui, quelque 90 % des écoles sont engagées dans un projet éducatif territorial, le PEDT, et l’État tient tous ses engagements en pérennisant le fonds d’accompagnement des communes.

La droite critique le quantitatif et dit préférer le qualitatif.

M. Loïc Hervé. C’est vrai !

M. Jacques-Bernard Magner. Soit, mais il n’y a pas de qualitatif sans formation des enseignants, sans aide aux enfants qui se trouvent dans des secteurs en difficulté. La refondation de l’école, votée en 2013, est une vraie réforme qualitative et elle s’accompagne de vrais moyens. Oui, désormais, les élèves sont mieux traités dans ce pays ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

La rénovation des programmes et des pratiques pédagogiques dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture dès la rentrée 2016, la réforme du collège et la refonte de l’éducation prioritaire sont autant de points forts de ce budget.

Quant au projet de la droite pour l’école, chers collègues, vous nous l’avez exposé lors des débats de la commission d’enquête qui a suivi les tragiques attentats de janvier dernier.

M. Jacques Grosperrin. Nous avions tristement raison ! C’est un grand tort que d’avoir raison trop tôt…

M. Jacques-Bernard Magner. Les éléments essentiels de votre projet sont la hiérarchisation des enseignants, la prestation de serment des professeurs, le port d’un uniforme d’établissement pour les élèves, la notation et le recrutement des professeurs par les chefs d’établissements, des sanctions financières envers les familles pour l’absentéisme scolaire de leurs enfants, la mise en quarantaine des élèves perturbateurs dans des établissements spécialisés.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il ne reste plus qu’à demander aux femmes de rester à la maison !

M. Jacques-Bernard Magner. Voilà votre programme !

M. Loïc Hervé. Caricature !

M. Jacques-Bernard Magner. C’est cela qui vous guide, alors que le premier des défis à relever pour la cohésion de notre société et l’adhésion à la nation, dont on a bien besoin aujourd'hui, est celui de la mixité sociale et de la lutte contre l’échec scolaire.

M. Michel Canevet. C’est vrai !

M. Jacques-Bernard Magner. Rappelons-nous également que les tests PISA, que vous citez abondamment, ont été effectués à l’issue du quinquennat précédent. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Jacques Grosperrin. PISA, c’était en 1998, alors que Lionel Jospin était Premier ministre !

M. Jacques-Bernard Magner. Nous attendons avec impatience les résultats des tests PISA qui seront conduits à partir de 2017. Gageons qu’ils seront déjà bien meilleurs que les précédents ! (M. Jacques Grosperrin s’exclame.)

En conclusion, au nom du groupe socialiste, je tiens à saluer la poursuite de l’effort budgétaire en faveur de la mission « Enseignement scolaire », dont, bien entendu, le groupe socialiste votera les crédits présentés par le Gouvernement, sauf s’ils sont entachés par les misères que certains souhaitent leur faire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Thierry Foucaud remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Enfin quelqu'un de modéré !

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les débats que nous avons aujourd’hui sur les moyens alloués à l’école sont essentiels. Il serait cependant coupable – oui, coupable ! – d’envisager les moyens sans réfléchir aux finalités, aux ambitions de notre école.

On peut donner une vision d’ensemble de la politique éducative de votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, au travers de trois mesures emblématiques qui ne règlent pas le problème de la réussite scolaire.

La première mesure est la réforme des rythmes scolaires. Décidée de manière unilatérale par le Gouvernement, elle a été appliquée de manière autoritaire et sans réelle concertation. Elle coûte cher. Pourtant, dès le début, les bénéfices qui en étaient attendus faisaient l’objet de nombreuses contestations de la part des parents d’élèves et des acteurs de l’éducation.

En outre, dans un contexte de pénurie des moyens, les communes ont alerté le Gouvernement sur les difficultés concrètes de mise en œuvre de cette réforme, qui fait peser sur leur budget une charge nouvelle : le financement des activités périscolaires proposées sur le temps libéré par la nouvelle organisation de la semaine. L’Association des maires de France a évalué le coût financier entre 600 millions d’euros et 1 milliard d’euros.

M. Jacques Grosperrin. Quel est le résultat ? Aujourd’hui généralisée, cette réforme conduit à ce que, dans de nombreuses écoles, des animateurs sans formation proposent à des élèves trop nombreux des activités sans projet. Voilà le bilan et, malgré les dénégations habituelles du Gouvernement, il n’est pas bon !

La deuxième mesure est la réforme du collège, qui est une usine à gaz. Les enseignants, les chefs d’établissements, les CPE s’arrachent les cheveux parce qu’ils ne parviennent pas à la mettre en place. La suppression des classes bilangues, qui est contestée par les enseignants, les élèves, leurs parents et même, c’est un comble, par l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, ne peut s’expliquer que par une volonté de nivellement par le bas.

Ces classes permettaient l’apprentissage de deux langues dès la sixième. Elles ont permis, à partir de 2005, de maintenir les effectifs en allemand. Cette langue étant réputée, à tort ou à raison, comme difficile, ces classes ont aussi pour caractéristique d’attirer les élèves les plus volontaires. Ces classes, chacun le sait, sont celles des grands travailleurs. Si leurs élèves réussissent en général mieux que les autres, c’est parce qu’ils travaillent plus. Permettre la réussite de ceux qui travaillent, quelle horreur pour vous, les socialistes !

Mme Corinne Bouchoux. C’est sûr, nous sommes tous des cancres !

M. Jacques Grosperrin. Voilà peut-être l’unique raison de leur suppression. Ce qui est vrai pour les classes bilangues l’est aussi, à l’évidence, pour l’enseignement du latin et du grec. Dans un cas comme dans l’autre, l’objectif véritable de ce gouvernement est de supprimer toute forme de récompense du mérite.

Comme l’affirme dans une récente interview un professeur de mathématiques, membre du Syndicat national des enseignements de second degré, le SNES, que l’on peut difficilement classer à droite, en privant les collèges publics de ces dispositifs pédagogiques, la réforme du collège de Mme Vallaud-Belkacem va aggraver les effets du consumérisme scolaire et la discrimination sociale. Le privé en sortira renforcé. Voilà la réalité de votre politique en matière de collège : idéologique, impopulaire et inefficace !

Toutefois, la machine à casser l’excellence fonctionne également – hélas, trois fois hélas – au-delà du collège. Je passerai sous silence, faute de temps, l’attaque que vous avez portée à l’égard des bourses au mérite. C’était la troisième mesure que je voulais dénoncer. Près de 7 000 enfants pouvaient en bénéficier. Le Conseil d’État ayant agi, vous avez diminué de moitié cette prime.

Enfin, ce qui pourrait clore la démonstration, l’excellence est aujourd’hui un terme honni par la ministre de l’éducation nationale et par vous-même. Entre les idéaux de Jules Ferry et le discours infantilisant, démagogique, communautaire et empreint d’un pédagogisme réel,…

M. Jacques-Bernard Magner. Ah, le pédagogisme !

M. Jacques Grosperrin. … il est grand temps de dénoncer avec force cette insulte portée par vous à l’idéal républicain au nom d’une certaine conception de l’égalité.

M. Roland Courteau. N’importe quoi !

M. Jacques Grosperrin. Nous sommes ravis, monsieur le secrétaire d'État, de vous recevoir aujourd'hui. J’aurais cependant aimé entendre Mme Vallaud-Belkacem, qui a préféré participer à un meeting aux côtés de M. Queyranne. Je trouve scandaleux qu’elle n’ait pas daigné venir au Sénat ce soir ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Nous aussi, nous avions des rendez-vous.

M. Loïc Hervé. Nous aussi !

M. Jacques Grosperrin. Pour ma part, j’étais attendu par M. Sauvadet à Dijon. La représentation nationale mérite mieux. Il était important qu’elle soit présente, et c’est aussi une offense pour les sénateurs socialistes.

Je n’aurais pas aimé l’entendre dire, sur les décrocheurs : « Nous avons réussi à impulser une dynamique ». Il est vrai que Georges Clemenceau avait déclaré : « En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.), mais la dynamique était lancée. D'ailleurs, la direction des études et de la programmation, la DEP, a constaté une baisse depuis 2013. Dès 2009, Martin Hirsch avait agi en ce sens-là, puis Luc Chatel en 2011, suivi de Vincent Peillon, en 2013, dans le cadre du dispositif FOQUALE, ou « Formation Qualification Emploi ».

Aujourd'hui, je me réjouis que nous nous retrouvions autour des décrocheurs ; je crois que c’est important. Le retour à l’école de ces décrocheurs méritants montre tout de même que près de 500 000 jeunes de 18 à 25 ans n’ont aucun diplôme, soit près de 10 % de la population.

Enfin, et vous le savez, les moyens ne sont pas corrélés aux résultats scolaires. Si notre pays est mal classé dans le programme PISA, c’est parce que nos élèves en situation difficile n’arrivent pas à progresser.

Il faudrait que les enseignants disposent de plus d’autonomie, qu’ils soient mieux payés et que leur formation soit véritablement didactique et non plus pédagogique.

Pour conclure, seules la grandeur des ambitions et la rectitude des finalités peuvent justifier l’importance des moyens alloués à l’école. C’est ce rappel, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que je tenais à faire aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern.

M. Claude Kern. Sans mettre en cause vos compétences, monsieur le secrétaire d’État, je pensais naïvement que chaque ministre viendrait défendre en personne son budget, à commencer par celui qui administre le premier budget de la nation. Mme la ministre préfère participer à un meeting politique en Rhône-Alpes… Quel mépris pour notre assemblée ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Le présent budget pour la mission « Enseignement scolaire » nous semble des plus classiques. Il ne détonne pas par rapport aux précédents, quelles que soient les majorités, il faut bien le reconnaître.

En l’occurrence, les crédits de la mission, qui constituent le premier poste de dépenses de l’État, continuent d’augmenter, mais l’inflation budgétaire se poursuit sans que, pour autant, les performances du système s’améliorent. Au contraire, même s’il n’est pas question ici de rouvrir le débat sur l’école, force est de constater que ce budget est révélateur des dérives et carences du système français d’enseignement primaire et secondaire.

Nos rapporteurs l’ont très bien montré, contrairement aux autres pays de l’OCDE, nous concentrons beaucoup trop les crédits sur le secondaire et très insuffisamment sur le primaire. Le résultat est que, arrivés au collège, nombre d’élèves ne maîtrisent toujours pas la lecture et l’écriture. Le présent budget s’inscrit dans cette tendance.

Ces contreperformances deviennent caricaturales après le bac, avec la difficulté qu’éprouvent nombre de bacheliers à s’insérer dans le supérieur et, surtout, dans la vie professionnelle.

Ainsi, à travers les différents budgets de l’éducation nationale, l’enseignement professionnel ne peut plus être dispensé comme avant. Certes, quels que soient les efforts réalisés par les uns et les autres, nous n’atteindrons jamais une adéquation entre la formation et l’emploi. L’éducation nationale n’est pas, et ne sera jamais, assez réactive face à des besoins des entreprises qui varient très rapidement.

Pour remédier à cette absence de souplesse du système, il nous faut soutenir plus activement la filière de l’apprentissage, afin d’assurer un avenir à nos jeunes en garantissant leur insertion professionnelle.

Or, comme le démontrait Françoise Férat, spécialiste incontestable du sujet, s’il y a un exemple de réussite en matière d’enseignement professionnel, c’est bien celui de l’enseignement agricole !

M. Claude Kern. Malheureusement, c’est justement là que le Gouvernement a choisi de passer un coup de rabot de 2,5 millions d’euros.

M. Jacques Grosperrin. C’est un scandale !

M. Claude Kern. Pour améliorer la qualité de l’enseignement dans notre pays, j’ai évoqué la réallocation des moyens entre primaire et secondaire, ainsi qu’une meilleure articulation avec le monde du travail. Un troisième aspect ne peut toutefois être négligé, à savoir la faible attractivité des carrières des enseignants. C’est un problème majeur, qui affecte nécessairement les performances du système.

L’un des points négatifs est la rémunération des enseignants, qui est très insuffisante. Les chiffres sont éloquents : 2 200 euros nets en moyenne par mois pour un professeur des écoles en fin de carrière, soit deux fois moins qu’en Allemagne !

Or le Gouvernement a résolument choisi le recrutement au détriment de la revalorisation des rémunérations. Il poursuit son plan de création de 54 000 nouveaux postes dans l’éducation nationale durant la législature. En 2016, quelque 8 561 postes nouveaux seront ainsi créés.

Néanmoins, face à la faiblesse de l’attractivité de la carrière, les concours sont très peu performants. Lorsqu’on arrive presque, pour certains d’entre eux, à un candidat pour un poste, est-ce toujours un concours ? Franchement, la question se pose sérieusement.

De même, on peut se demander si la création de certains de ces postes ne relève pas de l’effet d’annonce. Je pense notamment aux 2 150 assistants d’éducation recrutés pour les réseaux d’éducation prioritaire, alors que le programme « Vie de l’élève » ne permettrait d’en financer que 1 000…

Pour en terminer justement sur ce programme, reste le lancinant problème des rythmes scolaires qui, une fois de plus, a placé les collectivités en première ligne de réformes décidées par l’État, et dont le fonds de soutien est insuffisamment doté, plus spécifiquement pour aider les établissements privés sous contrat d’association.

Non-revalorisation des rémunérations des enseignants, non-financement de postes dont la création est annoncée, non-accompagnement de la réforme des rythmes scolaires, autant de carences qui sont d’autant plus choquantes que le programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale » semble être celui de tous les dérapages. Elles ont été stigmatisées par notre rapporteur : coût du programme informatique de gestion des ressources humaines SIRHEN, retards significatifs et surcoûts croissants dans les grands projets immobiliers du ministère…

Une série d’amendements a donc été déposée sur cette mission. Et parce que les choses sont toujours bien faites au Sénat, chacun de ces amendements vise justement à corriger, même marginalement, mais symboliquement, chacune des insuffisances et des dérives dont j’ai fait état.

Le premier amendement tend à infléchir la politique du recrutement, le deuxième à supprimer les crédits destinés à SIRHEN en 2016, le troisième, déposé par Françoise Férat et nombre de nos collègues du groupe UDI-UC, à rétablir les crédits de l’enseignement technique agricole, les quatrième et cinquième à améliorer l’accompagnement des communes par l’État en matière scolaire, en le faisant participer au renouvellement des manuels scolaires dans le premier degré et en anticipant l’abondement du fonds de soutien aux activités périscolaires pour les écoles privées sous contrat.

Le vote du groupe UDI-UC dépendra donc du sort de ces amendements, que nous soutiendrons fermement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, je dirai un mot tout d’abord pour déplorer la réduction drastique du temps de parole pour la discussion de cette mission, la plus importante de l’État par ses enjeux comme par son volume de ses crédits.

Les moyens mobilisés dans les trois derniers budgets ont financé la reconstruction d’une formation initiale en recréant des postes d’enseignants stagiaires, ce qui était absolument indispensable.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avions pour notre part prôné la mise en place d’une formation alimentée par de véritables prérecrutements, où les étudiants ne sont pas utilisés comme des moyens d’enseignement en responsabilité de classe.

Je continue de plaider en faveur de cette solution, car la crise du vivier persiste et montre que cette question est toujours d’actualité.

Concernant les professeurs de lycées professionnels, ou PLP, comment expliquer, monsieur le secrétaire d’État, que, sur l’année 2014-2015, quelque 60 % des stagiaires PLP exerçaient à temps plein devant des élèves, et qu’ils sont encore 40 % sur la session 2015-2016 ?

M. Jacques Grosperrin. Ils enseignent deux matières !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le respect du mi-temps serait déjà une première étape et le gage d’une véritable attention à la formation des professeurs des lycées professionnels, les grands oubliés depuis la réforme de la mastérisation.

Ce budget pour 2016 est marqué par la prise de fonction de nombreux fonctionnaires stagiaires : 12 011 ETP dans le premier degré et 12 534 ETP dans le second. Cela se traduit par une augmentation nette de 5 920 ETP dans les plafonds d’emplois : 3 411 ETP dans le premier degré et 2 509 ETP dans le second degré. C’est plus du double de l’année dernière, et ce ne sera pas de trop sur le terrain.

En effet, je voudrais dire à M. Longuet qu’il n’y a pas trop d’enseignants en France, ni dans le primaire ni dans le secondaire. Cher collègue, vous présentez cette année un amendement similaire à celui de l’année dernière, visant à diminuer les crédits de la mission en supprimant des créations de postes de stagiaires et en prévoyant le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans le second degré.

Ce dogme a déjà sévi sous le précédent quinquennat et il a abouti à la suppression de 80 000 postes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Or je n’ai pas le souvenir que les traitements des enseignants, notamment ceux du premier degré, aient été significativement améliorés ! Pis, en guise de « revalorisation » du métier, vous avez supprimé la formation initiale ! Nous voterons donc contre les amendements déposés par la majorité sénatoriale de droite.

Oui, il faut recruter plus d’enseignants et les former davantage, et même aller au-delà de ce que le Gouvernement fait aujourd’hui, car les moyens mobilisés depuis le PLF 2013 n’ont pas permis de répondre à de nombreux autres besoins sur le terrain.

J’évoquerai tout d’abord les moyens de remplacement. Dans certaines académies de région parisienne par exemple, le volant de remplaçants était déjà épuisé quelques semaines seulement après la rentrée pour pourvoir des postes de titulaires. Je pourrais citer une école maternelle, que je connais bien, dans laquelle une classe de petite section a vu se succéder trois enseignants en deux mois !

Autre point noir : les moyens consacrés à la formation continue des personnels restent très insuffisants. Ainsi, pour le premier degré, les crédits de l’action n° 4 diminuent légèrement par rapport à 2015, passant de 18,5 millions d’euros à 17,8 millions d’euros.

S’agissant du second degré, les moyens pour la formation continue des personnels, à l’action n° 10 du programme 141, augmentent certes de 20 millions d’euros par rapport à 2015 – 49,5 millions d’euros en 2016, contre 29,5 millions d’euros l’année précédente –, mais ces 20 millions d’euros supplémentaires sont destinés à financer un plan de formation pour « bâtir une culture commune sur le numérique ». S’il est indispensable, cet effort ne peut cependant répondre à lui seul aux besoins de formation nécessaires pour permettre à tous les enseignants d’appréhender et de déjouer les mécanismes de l’échec scolaire. Or, excepté cette dotation, les crédits sont identiques à ceux de 2015.

Pourtant, la rentrée de 2016 verra entrer en vigueur les nouveaux programmes du primaire et du collège. Je m’inquiète donc du peu de moyens consacrés et des modalités retenues actuellement pour préparer les enseignants à ces changements pédagogiques considérables.

Je crains une nouvelle fois que la formation continue ne soit cantonnée à de la prescription, pour présenter les réformes ou décrypter les dispositifs nouveaux, et ne permette pas l’émergence de véritables collectifs enseignants, qui permettraient à ces derniers de réfléchir entre eux sur leur métier, hors des injonctions et des prescriptions de l’institution.

L’expérience de tels collectifs d’enseignants, menée sous la houlette de l’équipe de clinique de l’activité du Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, avait offert des perspectives intéressantes ; ces groupes de pairs échangeant sur leur travail, sans aucun regard hiérarchique en surplomb, ont le mérite de « dépsychologiser » les difficultés rencontrées par les participants dans leurs classes, car les problèmes individuels sont réinterprétés comme des problèmes généraux, liés à l’organisation du travail et non à la personne de l’enseignant lui-même.

Une démarche à rebours de la tendance à diffuser des « guides de bonnes pratiques » formatées et stéréotypées, qui visent la standardisation des pratiques enseignantes pour en faciliter le contrôle, sans améliorer leur efficacité pédagogique. Ce chantier, monsieur le secrétaire d’État, est donc toujours au point mort.

Enfin, j’aborderai rapidement la question des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE. En l’absence d’un fléchage des moyens, certaines ESPE éprouvent des difficultés pour accueillir et former l’ensemble de leurs stagiaires dans les meilleures conditions. Le Comité de suivi sur la loi d’orientation, dont je fais partie, rendra dans quelques jours son premier rapport. Il pointera cette question des ESPE, avec un état des lieux et des propositions très utiles.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous le voyez, nous portons un regard critique sur ce budget. Toutefois, notre vote dépendra du rejet ou non des amendements défendus par la majorité sénatoriale de droite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes des commissions, mes chers collègues, comme chaque année, le budget de la mission « Enseignement scolaire » est de loin le plus gros budget de l’État, avec 67 milliards d’euros.

Nous pourrions nous en réjouir si les défaillances de notre système éducatif n’étaient pas de plus en plus importantes, ce qui est extrêmement grave pour notre jeunesse et pour l’avenir de notre pays. Chaque année, quelque 150 000 jeunes décrochent : ils n’ont ni diplôme ni formation. Cela peut être considéré comme une énième répétition, mais c’est malheureusement une réalité.

Très souvent, l’orientation, qui se fait par défaut, conduit non pas à la réussite des élèves, mais à l’exclusion, et l’apprentissage, pour des raisons idéologiques, n’a plus la place qu’il devrait avoir dans notre système éducatif. C’est pourtant une voie d’excellence et un formidable levier pour lutter contre le chômage des jeunes.

Notre système scolaire coûte proportionnellement plus cher que la moyenne de ceux des pays de l’OCDE, mais ses performances sont inférieures. Certains pays de l’OCDE ont tenu compte des résultats du rapport PISA – Program for International Student Assessment – et ont mis en œuvre des réformes, comme la Finlande, l’Allemagne ou l’Italie.

Un rapport de la Cour des comptes de mai 2013, intitulé « Gérer les enseignants autrement », montre que l’éducation nationale ne souffre pas d’un manque de moyens ou d’un trop faible nombre d’enseignants, mais d’une « gestion défaillante ».

M. Michel Savin. Bien sûr !

Mme Colette Mélot. Malgré l’ampleur du déficit public, le Gouvernement a fait le choix de créer 60 000 postes pendant le quinquennat. Pour 2016, le projet de loi de finances prévoit la création de 10 821 postes nouveaux. L’entrée « frais de personnels » risque, une fois de plus, d’excéder ses crédits.

Ces moyens seraient mieux employés à lutter contre les inégalités pointées par l’étude PISA, notamment en revenant sur la prépondérance accordée au second degré. Un rapport de la Cour des comptes de 2015 confirme en effet que les inégalités se cristallisent sur le premier degré, alors que le coût d’un lycéen français est supérieur de 38 % au coût moyen d’un lycéen dans les autres pays de l’OCDE. C’est une anomalie.

Les réformes des programmes des collèges engagées par le Gouvernement ne vont pas dans le bon sens. Nous avons dénoncé la suppression des classes bilangues et des sections européennes. Ces classes, pourtant, ne favorisent pas l’élitisme, mais obtiennent de très bons résultats et sont ouvertes aux élèves de tous les milieux sociaux.

J’ai pu le constater dans un collège de ZEP – devenu « REP+ » – de Seine-et-Marne, où j’ai enseigné pendant dix ans. Les élèves de la classe européenne ont vécu des expériences intéressantes et ont participé à des déplacements dans d’autres pays dont tous les élèves ne pourront pas bénéficier, alors que l’on envisage de saupoudrer pour tous des notions de langue dès la classe de cinquième.

De plus, le remplacement de deux heures d’aide personnalisée individuelle par trois heures en classe entière est une aberration. Un élève en difficulté a besoin d’une aide individuelle, à son niveau. En traitant tous les enfants de la même façon, on commet une injustice envers les plus vulnérables.

L’égalitarisme n’est pas un facteur de réussite et ne favorise pas l’égalité des chances. Les tests PISA ont démontré que notre système était inégalitaire. Dans cette période troublée, nous avons conscience que l’éducation et la culture sont essentielles pour la cohésion sociale et le « bien vivre ». Ce sont des moyens de lutte contre la délinquance et la radicalisation.

Pour terminer, je voudrais évoquer la formation des enseignants. Les ESPE semblent se mettre en place et ont été intégrées dans les universités. Pourtant, le Gouvernement peine à recruter des enseignants dans les disciplines fondamentales, comme les mathématiques, le français ou l’anglais, ce qui pourrait se traduire par une baisse du niveau des reçus. Dans les académies déficitaires, comme celle de Créteil, où les besoins sont immenses, le recrutement est difficile et des postes n’ont pas pu être pourvus.

Le salaire des enseignants français est inférieur de 15 % à 20 % à celui de leurs homologues des États membres de l’Union européenne ou de l’OCDE. C’est peut-être l’une des raisons du manque d’intérêt pour cette profession. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le métier d’enseignant n’attire plus dans notre pays ; c’est un signe alarmant.

La réforme de l’éducation nationale est devant nous. Nous devons agir vite et protéger nos jeunes, car nous ne pouvons plus en laisser tant au bord du chemin. Il nous faut mettre en œuvre des dispositions efficaces. Il ne saurait donc être question d’intérêts particuliers, d’ordre idéologique ou politique. C’est l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants qui est en jeu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question est posée : 700 millions d’euros d’augmentation des crédits pour l’enseignement scolaire pour 2016, pour quoi faire ?

C’est très simple : pour mettre des enseignants bien formés devant les élèves. Eh oui, cela a un coût ! Pour scolariser à nouveau en maternelle, et soutenir la priorité à l’école primaire. Eh oui, cela a un coût ! Pour respecter les exigences du dispositif « Plus de maîtres que de classes » et l’accompagnement des élèves les plus en difficulté. Eh oui, cela a un coût !

Cette année encore, nous opérons un rattrapage nécessaire, nous engageons un effort indispensable. Monsieur Carle, vous avez affirmé que le « toujours plus » ne résolvait rien. Je vous réponds que le « toujours moins » a montré ses limites sous le précédent quinquennat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Les résultats n’étaient pourtant pas plus mauvais !

Mme Françoise Cartron. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez également défendu le caractère primordial de l’enseignement primaire. Nous sommes d’accord ! Il y a deux ans, pourtant, vous votiez ici même contre la loi de refondation de l’école, dont l’axe principal visait à accorder la priorité au plus jeune âge. Or, pour la première fois, cette ambition a été mise en œuvre.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Cela ne se traduit pas dans les faits.

Mme Françoise Cartron. J’avoue parfois avoir des difficultés à vous suivre !

Mme Françoise Cartron. Pourtant, je suis avec vous quand vous appelez à un redéploiement du secondaire. Chiche ! Il faudra bien que nous nous attaquions à toutes ces options qui sont extrêmement coûteuses et dont nous avons vu qu’elles pouvaient susciter des défilés.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord !

Mme Françoise Cartron. Nous accordons également la priorité à la lutte contre le décrochage scolaire, en lui attribuant les moyens nécessaires. Une bonne nouvelle a été annoncée aujourd’hui, avec de premiers résultats positifs relevés par l’OCDE : en 2014, le nombre de décrocheurs a baissé en France de 26 000 ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Cartron. L’effort doit se poursuivre, nous sommes sur la bonne voie.

Vous défendez également l’apprentissage des fondamentaux. Nous sommes tout à fait d’accord. Rappelons cependant que, toujours selon une note de l’OCDE, les enfants français passent plus de temps à apprendre à lire qu’ailleurs. Notre pays consacre 37 % du temps d’instruction obligatoire à l’étude du français en primaire, contre 22 % dans les autres pays.

M. Jacques Grosperrin. Et que dit McKinsey ?

Mme Françoise Cartron. Pourtant, l’OCDE nous démontre, enquête après enquête, que notre niveau n’est pas à la hauteur de nos espérances.

Mme Françoise Cartron. L’enjeu des années à venir réside donc dans l’innovation pédagogique.

M. Jacques Grosperrin. Le pédagogisme, donc !

Mme Françoise Cartron. Nous la mettons au cœur de nos réformes, quand vous la combattez. Chers collègues de l’opposition, au vu de certaines de vos propositions récentes, je vous répète qu’il est illusoire de croire que les solutions aux problèmes d’aujourd’hui et de demain se trouvent dans les recettes du passé !

M. Jacques Grosperrin. C’est vous qui êtes nostalgiques de Jules Ferry !

Mme Françoise Cartron. Je dirai un mot sur la réforme des rythmes scolaires, que vous avez largement évoquée. Vous relevez deux écueils. D’une part, elle aurait aggravé les inégalités entre les territoires.

M. Loïc Hervé. « Eh oui, cela a un coût ! » (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme Françoise Cartron. Non, elle les a révélées. Demain, les nouveaux rythmes permettront de les réduire.

Vous avez affirmé d’autre part que le fonds de soutien était en baisse.

M. Loïc Hervé. « Eh oui, cela a un coût ! »

Mme Françoise Cartron. Ce n’est pas exact : son niveau est maintenu tel qu’il avait été pérennisé dans la loi de finances.

Je me souviens de votre désengagement, lors de la mandature précédente, s'agissant de la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Au sein de la commission, nous avions examiné un rapport qui disait tout le mal possible de l’école maternelle…

M. Jacques Grosperrin. Nous n’avons jamais dit cela !

Mme Françoise Cartron. … et vantait les jardins d’éveil, entièrement payés par les communes, sans accompagnement de l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. Jacques Grosperrin. Ce n’était qu’une option, et sans doute pas la meilleure.

Mme Françoise Cartron. Ce n’était qu’une option, mais c’était la seule, cher collègue !

Souvenons-nous que le Gouvernement a mis en place durant ces trois dernières années les crédits nécessaires pour mener cette politique ambitieuse. Ne boudons pas notre plaisir, saluons cet effort et saluons ce budget, qui est le premier de la nation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord vous remercier de l’intensité de ces débats, des désaccords que vous avez parfois exprimés, des visions que nous avons parfois partagées et, surtout, de la passion que ce sujet appelle.

Les crédits de l’enseignement scolaire pour 2016 traduisent le cap que nous fixons pour l’année en matière d’éducation. Vous l’avez tous relevé, il s’agit du premier budget de la nation. Nous comptons sur l’éducation nationale pour éduquer nos jeunes enfants, mais aussi, plus généralement, pour fixer un point de repère dans la société de la République.

Ce budget important atteint 65,72 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent près de 2 milliards d’euros consacrés à l’enseignement agricole. Il est en augmentation de 694 millions d’euros, conformément à la volonté du Gouvernement de placer l’école au cœur des valeurs républicaines, en mettant en place le financement des mesures issues de la « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République ».

Quelques jours après les attentats dramatiques de Paris et de la Seine-Saint-Denis, je veux d'ailleurs, au nom de la ministre de l’éducation nationale, saluer ici la mobilisation extraordinaire de la communauté éducative, des enseignants et de tous les personnels, pour assurer l’accueil des élèves et organiser des temps d’échanges et de recueillement, avec une haute conscience de leur mission, un professionnalisme et un dévouement qui sont l’honneur de l’éducation nationale et, plus largement, de notre République, dont tous ceux qui font profession d’enseigner sont les artisans quotidiens.

L’école ne peut pas tout, bien sûr, mais elle a un rôle à jouer. L’école de la République transmet aux élèves une culture commune de la tolérance et du respect. Chaque élève y apprend à refuser l’intolérance, la haine et la violence sous toutes leurs formes. C’est ce que nous essayons de promouvoir avec toute une batterie de mesures prises dans le cadre de la « grande mobilisation de l’éducation nationale pour les valeurs de la République », à laquelle a été associée la représentation nationale, après les tragiques événements de janvier dernier.

La transmission du sens et de la portée du principe de la laïcité est une priorité de cette année. Le plan de formation des personnels, engagé en février dernier avec l’instruction de 1 000 premiers formateurs, sera poursuivi et accompagnera l’entrée en vigueur des nouveaux programmes d’enseignement moral et civique de l’école élémentaire jusqu’au lycée à cette rentrée. Il est bon de rappeler ces progrès, réclamés depuis très longtemps et qui, une fois qu’ils sont mis en place, apparaissent comme des évidences.

La capacité des candidats à « expliquer et à faire partager les valeurs de la République » sera désormais évaluée systématiquement dans les concours de recrutement. Les parents d’élèves seront invités à signer la charte de la laïcité à l’école et un « livret laïcité » sera diffusé dans l’ensemble des établissements scolaires.

De plus, le parcours citoyen sera mis en place, avec pour objectif de faire connaitre aux élèves les valeurs de la République et de les amener à devenir des citoyens responsables et libres. Ce parcours s’appuie sur l’enseignement moral et civique, ainsi que l’éducation aux médias et à l’information, et doit favoriser la conscience citoyenne et la culture de l’engagement.

La réserve citoyenne de l’éducation nationale offre également à tous les citoyens la possibilité de s’engager bénévolement pour transmettre et faire vivre les valeurs de la République, au côté des enseignants. Quelque 4 660 personnes se sont ainsi préinscrites depuis le début de l’année. Ces volontaires seront mobilisables dans les écoles durant l’année scolaire.

Nous affirmons les valeurs qui font l’école républicaine et nous garantissons les moyens de les consolider. Ce budget permet également la mise en place de la réforme des collèges, en nous appuyant sur des personnels plus nombreux et mieux formés.

Quelque 4 000 postes sont ainsi dédiés à cette réforme. L’année scolaire 2015-2016 sera marquée par un effort important de formation et d’accompagnement des équipes pédagogiques à la nouvelle organisation du collège, qui entrera en vigueur à la rentrée 2016. Cette réforme, nous la menons avec les enseignants.

La mise en œuvre des enseignements pratiques interdisciplinaires, celle de l’accompagnement personnalisé, l’utilisation de la dotation d’heures professeurs pour le travail en petits groupes ne se feront pas sans l’avis du conseil pédagogique.

Cette réforme s’accompagne de la refonte des programmes de la scolarité obligatoire, et c’est l’un des piliers essentiels de la refondation de l’école de la République. Les programmes actuels de l’école primaire et du collège, vous le savez, manquent de progressivité et de cohérence, et sont considérés par de nombreux enseignants comme trop lourds et trop longs.

C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité qu’ils soient repensés, et cela – c’est une première – pour toute la scolarité obligatoire.

Pour la première fois, les programmes de la scolarité obligatoire sont conçus par cycles de trois ans. Pour la première fois, ils ne sont plus la simple juxtaposition de programmes disciplinaires annuels. Pour la première fois, ils sont articulés avec le socle commun pour garantir son acquisition.

Ces nouveaux programmes permettront de rendre les apprentissages solides, car ils sont fondés sur une pédagogie de l’entraînement et de la répétition. Ils donnent la priorité, longtemps réclamée dans cet hémicycle, à la maîtrise du langage écrit, à la lecture et à la compréhension orale, en imposant aux élèves des entraînements quotidiens, notamment des travaux d’écriture et de dictée.

L’entrée en vigueur des nouveaux programmes d’enseignement à la rentrée de 2016 pour tous les élèves des cycles 3 et 4 entraîne le renouvellement des manuels scolaires qui sera échelonné sur deux années en fonction des disciplines. L’effort total de l’État en faveur du renouvellement des manuels scolaires s’élève à 150 millions d’euros, ce qui est considérable.

Cette réforme du collège et des programmes s’accompagne aussi d’une modernisation de notre école, avec le lancement du « grand plan numérique ». Il s’agit d’élever le niveau de compétences numériques des élèves et d’accompagner la généralisation des pratiques du numérique dans les classes et les établissements scolaires.

Le déploiement de ce plan numérique coûtera 192 millions d’euros, avec l’objectif de toucher 40 % des collèges dès 2016. Il entre dans sa phase opérationnelle, qui se déroulera en deux temps : une phase de préfiguration dès la rentrée de 2015, avec plus de cinq cents établissements pilotes adossée à un plan exceptionnel de formation des enseignants, au développement de l’offre de ressources numériques et à la valorisation et au partage de projets pédagogiques innovants ; et une phase de déploiement à grande échelle de 2016 à 2018.

Ce budget est également marqué par la pérennisation effective du soutien financier de l’État aux communes pour la mise en place des activités périscolaires associées aux nouveaux rythmes scolaires. Cette pérennisation était réclamée à juste titre par le Sénat.

Cette rentrée est celle de la deuxième année de la généralisation des nouveaux rythmes scolaires. Nous ne devons pas oublier pourquoi nous avons mené cette réforme essentielle, et pourquoi elle s’inscrit dans la priorité que nous avons voulu donner, au plan pédagogique comme au plan financier, à l’école primaire. En effet, l’action de ces dernières années a centré l’effort sur l’école primaire, comme certains parmi vous l’ont réclamé.

Les cinq matinées retrouvées permettent de mieux rythmer la journée et de favoriser les apprentissages, en particulier les apprentissages fondamentaux, qui sont positionnés aux moments où la capacité d’attention des élèves est la plus grande.

S’agissant des activités périscolaires, vous le savez, elles relèvent de la compétence des communes. Toutefois, cette réforme, parce qu’elle est fondamentale pour notre système éducatif, est accompagnée depuis 2013 par le fonds de soutien au développement des activités périscolaires.

Nous avons pris cet été les mesures nécessaires pour rendre ce fonds pérenne, et avons ainsi garanti dans le temps le montant des aides perçues par les communes, à hauteur de 50 euros par élève, et de 90 euros par élève pour les communes les plus en difficulté.

L’attribution de ces aides est liée à la signature du projet éducatif territorial, le PEDT. Néanmoins, ce dernier doit être vécu comme non pas une contrainte, mais une chance pour la mise en place d’activités périscolaires de qualité. Les élus locaux ne s’y sont pas trompés. Bénéficiant de l’accompagnement mis en place par les services de l’éducation nationale et de la jeunesse et des sports, ils se sont investis pour la généralisation des PEDT, si bien que, à la rentrée de 2015, quelque 82 % des communes étaient déjà couvertes.

C’est ce taux de couverture que nous avons utilisé dans ce projet de loi de finances 2016 pour évaluer le montant du fonds. Toutefois, nous avons eu l’occasion de le dire lors du comité interministériel aux ruralités du 14 septembre dernier, notre ambition politique est que, à terme, quelque 100 % des communes soient engagées dans un PEDT. Nous nous en donnons d’ailleurs les moyens, puisque Najat Vallaud-Belkacem et Patrick Kanner ont mobilisé leurs services pour converger vers cet objectif en apportant un conseil et un accompagnement aux communes, notamment rurales.

Si nous atteignons cet objectif, le Gouvernement débloquera les budgets nécessaires, afin que chacune des communes puisse bénéficier de cette aide. À ce titre, je veux souligner que le Premier ministre a confié à la vice-présidente Françoise Cartron, que je salue, la mission d’établir un bilan des initiatives prises par les élus locaux.

M. Jacques Grosperrin. Pourquoi ne nous l’avez-vous pas demandé à nous ? (Sourires.)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je ne doute pas que ce travail sera très instructif.

Je veux aussi lever une ambiguïté qui a fait l’objet d’une question de la sénatrice Françoise Gatel lors d’une séance de questions au Gouvernement et qui fait l’objet d’un amendement visant l’éligibilité des communes pour la prise en charge des activités périscolaires des écoles privées.

M. Loïc Hervé. C’est un véritable sujet !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je rappelle que ces écoles sont libres de leur organisation et que le fonds leur apporte une incitation. Ce dispositif fonctionne, puisque, en 2014-2015, ces aides ont été versées à plus de huit cents écoles privées. Le Gouvernement souhaite que de nouvelles écoles privées adoptent cette réforme.

Au-delà des politiques nouvelles, ce budget traduit des moyens en augmentation et répartis de manière plus juste. Il porte l’ambition d’une école qui donne aux enseignants les moyens d’exercer leur métier et aux élèves la possibilité d’apprendre dans les meilleures conditions.

Oui, nous avons la conviction que la suppression de 80 000 postes durant le quinquennat précédent a abîmé l’école de la République et a créé de nombreux dysfonctionnements, qu’il faudra du temps pour corriger. Le Gouvernement a pour feuille de route de tenir l’engagement de création de 60 000 postes, dont 54 000 dans l’éducation nationale, 5 000 dans l’enseignement supérieur et 1 000 dans l’enseignement agricole. Il s’agit d’un effort significatif, qui conduira à la création de 10 711 postes en 2016.

Oui, nous avons la conviction que la suppression de la formation initiale des enseignants, pierre angulaire d’un enseignement de qualité, a été une erreur fondamentale. La réussite de la refondation de l’école passe par une meilleure formation. Nous avons ainsi, cela a été dit, rétabli la formation initiale avec la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, qui favorisent un apprentissage progressif et complet du métier d’enseignant.

Nous voulons ensuite une école qui soit profondément juste et qui sache honorer la promesse de l’égalité républicaine. Cela passe en premier lieu par une prise en compte très fine des disparités qui peuvent exister entre les territoires de la République.

Ainsi, la rentrée de 2015 a été marquée par la mise en place de l’allocation progressive des moyens, qui a permis de répartir les emplois du premier degré en fonction non plus seulement de l’évolution du nombre d’élèves, mais aussi du contexte territorial et social des populations d’élèves. C’est une réforme à la fois difficile et indispensable.

La prise en compte des disparités entre les territoires passe aussi par la mise en place en cette rentrée d’une nouvelle carte de l’éducation prioritaire, qui s’est traduite par un effort de 352 millions d’euros et la création de 2 150 postes d’assistants d’éducation prioritaire.

La prise en compte des disparités entre les territoires passe également par le financement du dispositif « plus de maîtres que de classe », qui vise à prévenir la difficulté scolaire. Quelque 500 emplois supplémentaires ont ainsi été créés à la rentrée de 2015, portant à près de 2 500 le nombre d’emplois créés depuis le début du quinquennat.

Bref, l’école que nous voulons n’est pas une école qui exclut, mais une école inclusive, qui sait donner à chacune et à chacun, quel que soit son handicap, les moyens de sa réussite future.

S’agissant de l’accompagnement des élèves en situation de handicap, la professionnalisation des personnels se poursuit. Les assistants d’éducation ayant exercé durant six ans des fonctions d’accompagnement du handicap pourront bénéficier d’un contrat à durée indéterminée. Cette mesure pourra concerner à terme 28 000 accompagnants.

Par ailleurs, 350 postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, et 10 000 contrats aidés sur des missions d’auxiliaire de vie scolaire seront créés en 2015-2016. Trente nouvelles unités d’enseignement en maternelle ont également été créées en cette rentrée, afin d’accueillir les enfants souffrant d’autisme, et je peux vous annoncer qu’il y en aura cent, soit une par département, dès la rentrée prochaine.

Concernant les activités périscolaires, elles doivent être rendues accessibles à tous les enfants. La Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, a précisé par circulaire du 25 février dernier les modalités de sollicitation du fonds d’accompagnement « publics et territoires » pour accompagner les collectivités dans la mise en accessibilité des activités périscolaires. Quelque 380 millions d’euros y sont dédiés pour la période 2013-2017.

La construction d’une école plus performante et plus moderne, ouverte sur le numérique et susceptible de s’adapter aux territoires dans leur diversité constitue un effort considérable et requiert d’importants moyens. La formation continue des enseignants et des professeurs est notamment indispensable face aux changements profonds que connaît leur métier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai bien entendu vos interventions respectives, vous déciderez dans votre grande majorité du sort que vous réserverez à ce budget à l’issue du vote des amendements. Le suspens le plus total règne !

J’espère donc que l’importance des réformes engagées par le Gouvernement et les moyens considérables qui y sont consacrés, ainsi que, plus généralement, la force nouvelle que ces réformes vont donner à l’école de la République vous inciteront à voter sans complexe ce qui est le premier budget de la nation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

(Mme Françoise Cartron remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

débat interactif et spontané

Enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B (début)

Mme la présidente. Dans la suite de l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », nous allons maintenant procéder à un débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à quarante-cinq minutes par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, le Gouvernement ou la commission des finances pourront répondre, avec le même temps de parole.

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur l’apprentissage, dont nous avons déjà beaucoup parlé.

La loi qui a réformé la taxe d’apprentissage a privé les écoles de production de la possibilité de collecter la fraction « quota », qui représente une part importante de la taxe. Seule la part « activités complémentaires » peut aujourd’hui participer au financement des écoles de production, mais celle-ci représente moins de 10 % des ressources qui provenaient précédemment de la taxe d’apprentissage.

Les élèves issus de ces écoles de production sont nombreux à obtenir leur diplôme et à trouver du travail à l’issue de leur formation. L’un des objectifs des écoles de production est d’amener les jeunes vers un emploi pérenne et non vers des contrats aidés qui ne sont que des sources de précarité.

Les collectivités territoriales soutiennent ces écoles, de même que les entreprises qui ont besoin de jeunes bien formés et susceptibles d’entrer rapidement dans la vie active. La région Rhône-Alpes soutient ainsi les écoles de production de mon département, aussi bien en termes financiers que par des actions auprès des entreprises.

Pourtant, les écoles de production se trouvent en grande difficulté financière, certaines étant même menacées de fermeture. On voit bien le paradoxe : un discours qui soutient la formation professionnelle et l’apprentissage et, dans le même temps, des écoles de production qui se trouvent en grande difficulté.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont vos propositions pour aider ces écoles de production ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le débat interactif et spontané m’oblige à vous faire une réponse rapide et précise.

Il est vrai que la loi de mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a des conséquences assez importantes pour un certain nombre d’établissements. Dans l’enseignement secondaire comme dans l’enseignement supérieur, cette loi a déstabilisé une partie des financements que les écoles et les établissements touchaient au titre de la taxe d’apprentissage dans des proportions parfois significatives.

Les écoles de production sont des écoles techniques privées hors contrat, qui jouent un rôle important, notamment en matière de lutte contre le décrochage scolaire, avec des résultats efficaces.

En revanche, les écoles de production, en tant qu’établissements à but non lucratif concourant, par des actions de formation professionnelle, à offrir aux jeunes sans qualification une chance nouvelle d’accès à la qualification, peuvent toujours, au titre de la liste dérogatoire, percevoir une fraction de la taxe d’apprentissage. En réalité, monsieur le sénateur, les difficultés que vous avez signalées résultent d’un changement technique : la réduction de trois à deux du nombre de catégories de formation définies pour la répartition de cette taxe.

Nous connaissons parfaitement l’implication de certaines régions auprès des écoles de production, qui, dans un certain nombre de territoires, reçoivent également d’autres aides publiques. Il convient donc d’analyser de manière plus fine l’incidence réelle sur ces écoles de la modification dont je viens de parler. C’est pourquoi Mme la ministre de l’éducation nationale a demandé à son cabinet de recevoir les représentants de la Fédération nationale des écoles de production : cet entretien, qui est imminent, est destiné à identifier précisément les conséquences concrètes pour les écoles de production de la récente réforme de la taxe d’apprentissage et à prendre la mesure des disparités de situation de ce point de vue.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République vise à établir une école bienveillante et bientraitante, qui soit un lieu où il fasse bon apprendre et bon vivre ; l’école est aussi le lieu où doit s’engager, dès le plus jeune âge, la lutte contre le déterminisme et les inégalités sociales, pour que chaque enfant puisse développer ses capacités et devenir citoyen de demain.

La médecine scolaire, fondée en 1945 pour participer au redressement national et veiller à la bonne santé des enfants, est un acteur indispensable du système éducatif. Ses personnels – médecins, infirmiers et psychologues – ont dû sans cesse s’adapter à l’évolution de la société et de ses défis : c’est ainsi qu’ils ont commencé à établir des projets d’accueil individualisé pour les enfants en situation de handicap ou à détecter les troubles du comportement et de l’apprentissage le plus tôt possible. Or, tout cela, ils l’ont fait avec des moyens humains pratiquement inchangés depuis la création de la médecine scolaire et malgré la suppression des 5 000 personnels des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – au cours du quinquennat précédent.

En 2013, le Sénat a inscrit le parcours coordonné de santé dans le code de l’éducation ; malheureusement, la droite sénatoriale, redevenue majoritaire, a supprimé son inscription dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Quel signal négatif enverrait-on aux futurs médecins, mes chers collègues, si cette position devait prévaloir ! Comment les attirer vers la médecine scolaire, si celle-ci n’est pas digne de figurer dans une loi relative à la santé, elle qui forme pourtant, avec la protection maternelle et infantile et la médecine du travail, la première ligne de la santé publique ?

Monsieur le secrétaire d’État, deux grands chantiers ont été ouverts depuis 2013 en la matière. Pouvez-vous nous indiquer les actions qui sont mises en œuvre dans ce cadre pour rendre plus attractives ces professions au service de notre jeunesse ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame Blondin, vous avez à de nombreuses reprises attiré l’attention de Mme la ministre de l’éducation nationale sur la question de la médecine scolaire ; je crois que vous l’avez encore fait dernièrement, en commission. Je vous répondrai en deux temps.

D’abord, Mme la ministre a veillé, depuis que vous l’avez interpellée en commission, à la publication de circulaires définissant très clairement la politique éducative, sociale et de santé en faveur des élèves, les missions des médecins de l’éducation nationale et celles des infirmiers de l’éducation nationale ; ces circulaires, datées du 12 novembre dernier, apportent des précisions qui étaient nécessaires.

Ensuite, le Gouvernement a pris quatre mesures concrètes et rapides pour revaloriser l’attractivité du métier de médecin scolaire, une profession dans laquelle les difficultés de recrutement sont connues.

Premièrement, la rémunération indemnitaire des médecins de l’éducation nationale a été améliorée dès cette année, dans le cadre du passage au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel : une indemnité exceptionnelle de 600 euros sera versée au début de l’année 2016 au titre de 2015 aux très nombreux médecins dont la charge de travail a été augmentée du fait des emplois non pourvus. Par ailleurs, le montant indemnitaire moyen des médecins scolaires a été revalorisé au niveau du plafond réglementaire actuel de 8 000 euros ; cette revalorisation est consolidée dans le cadre du nouveau régime indemnitaire.

Deuxièmement, le déroulement de carrière des médecins de l’éducation nationale a été amélioré par l’augmentation du nombre de ces médecins qui pourront accéder à la première classe.

Troisièmement, des instructions seront données aux académies pour qu’elles relèvent le niveau de traitement des médecins contractuels primo-recrutés jusqu’à l’indice majoré 582, ce qui correspond à une augmentation supérieure à 4 700 euros par an.

Quatrièmement, l’accueil et le tutorat d’internes en médecine dans les services de médecine scolaire seront facilités, et les médecins tuteurs d’internes seront rémunérés à hauteur de 600 euros par an et par interne encadré.

Tels sont, madame la sénatrice, les efforts assez importants que le Gouvernement a prévus pour revaloriser la médecine scolaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Je souhaite poser trois questions au Gouvernement, en regrettant que la ministre de l’éducation nationale n’ait pas daigné prendre part au débat de ce soir.

Premièrement, il est clair que la réforme des rythmes scolaires – une question chère à Françoise Gatel – coûte cher aux collectivités territoriales, alors que, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d’État, elle ne me paraît pas essentielle au bien-être ni à la réussite des élèves. Je serais curieux de savoir, monsieur le secrétaire d’État, en quoi elle serait essentielle.

Deuxièmement, j’estime nécessaire que, dans les classes de cours préparatoire et de CE1, qui sont à mes yeux les plus importantes pour l’apprentissage des élèves, les effectifs soient réduits autant qu’il est possible. Qu’en pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État ?

Troisièmement, le recteur d’académie de Bretagne a déclaré, lors de sa conférence de rentrée, vouloir privilégier une approche intercommunale en ce qui concerne l’école primaire. A-t-il reçu du Gouvernement des consignes pour le regroupement des écoles dans nos communes ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Monsieur Canevet, je considère que j’ai déjà répondu à votre première question, et de manière précise, lorsque j’ai expliqué que l’organisation nouvelle, fondée sur cinq demi-journées hebdomadaires consacrées aux enseignements fondamentaux, permettait de tirer le meilleur parti des moments où les enfants sont les plus disponibles pour acquérir ces savoirs.

En ce qui concerne le CP et le CE1, il nous paraît essentiel de considérer, plutôt que des classes particulières, le cycle de trois ans CP-CE1-CE2, qui doit être conçu comme progressif ; dans la réforme qu’elle a voulu mener, Mme la ministre a d’ailleurs veillé à la progressivité des apprentissages.

S’agissant des orientations que le recteur de votre région a annoncées, monsieur le sénateur, une réponse précise vous sera transmise ultérieurement, renseignements pris.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d’État, ma question – spontanée… – porte sur l’enseignement professionnel. Dans ce domaine, les crédits pédagogiques par élève baissent pour la deuxième année consécutive, alors que les prévisions d’effectifs sont en hausse. De plus, la réforme de la taxe d’apprentissage a réduit les capacités pédagogiques de certains lycées. Difficile, donc, de trouver dans ce budget des éléments de revalorisation véritable de l’enseignement professionnel. Dans le même temps, le budget consacré à l’apprentissage est stable, alors que le nombre d’apprentis ne cesse de diminuer dans les niveaux IV et V.

Mme la ministre a lancé cinq grands chantiers, qui donneront lieu à des annonces pour « Les 30 ans du bac pro ». Une question, toutefois, reste non abordée : l’affectation, qui est pourtant un moment crucial de l’orientation des élèves. Or une partie du décrochage dans la filière professionnelle est liée au fait que nombre d’élèves n’obtiennent pas l’affectation demandée, faute de places en nombre suffisant. Dès lors, pourquoi ne pas dresser un bilan national de l’affectation des élèves et de la réalisation de leurs vœux en vue de mener une réflexion sur les critères de sélection ?

Ce bilan pourrait servir de point de départ à la conception de cartes de formation mieux équilibrées. De fait, que constate-t-on sur le terrain ? Dans certains secteurs, les élèves n’ont tout simplement plus la possibilité de choisir entre l’apprentissage et le statut scolaire, du fait de l’absence du second. Ce dogme de l’apprentissage doit être discuté, d’autant que le taux de réussite aux diplômes est bien meilleur sous statut scolaire : l’écart de réussite en faveur des élèves sous statut scolaire, de neuf points au CAP, atteint vingt points au bac professionnel ; et les documents budgétaires du Gouvernement prévoient que cet écart continuera de se creuser, de quatre points par an jusqu’en 2017.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est-il prêt à s’engager aussi en faveur de l’enseignement professionnel, pour lui donner réellement les moyens des ambitions fixées par la réforme du bac professionnel – une réforme que, à mon grand désarroi, il n’a pas choisi de remettre à plat ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame Gonthier-Maurin, vous avez raison d’insister sur l’intérêt de l’enseignement professionnel. Comme vous l’avez souligné, Mme la ministre de l’éducation nationale a lancé dans ce domaine un travail qui s’ordonne autour de cinq chantiers prioritaires.

Premièrement, nous voulons offrir à l’enseignement professionnel une perspective à long terme. Pour cela, nous devons assurer une meilleure adéquation entre la cartographie des filières de la voie professionnelle et l’évolution des métiers qui composent ces filières à l’horizon de dix ou quinze ans, afin d’aider au mieux les élèves dans leur insertion professionnelle.

Deuxièmement, nous entendons améliorer la première année de formation en lycée professionnelle, que l’on appelle la « seconde professionnelle ».

Troisièmement, Mme la ministre a demandé aux inspections générales du ministère d’aller voir comment se déroule concrètement la formation des futurs enseignants des lycées professionnels au sein des ESPE et de proposer des méthodes pédagogiques appropriées – Dieu sait s’il y en a parfois besoin ! – pour offrir aux futurs professeurs une formation adaptée.

Quatrièmement, il convient d’assurer la réussite de l’orientation des élèves dans la voie professionnelle. Pour rendre celle-ci plus attractive, les passerelles qui existent déjà entre elle et les autres voies doivent être effectives et, pour cela, beaucoup plus visibles par les jeunes.

En ce qui concerne l’affectation, qui est une question très importante, notre objectif est évidemment de satisfaire le vœu des élèves chaque fois qu’il est possible. Reste que, les places dans les filières étant ouvertes en fonction du nombre de débouchés, en liaison avec les régions qui élaborent les cartes de formation – dont l’évolution prend parfois un peu de temps –, il arrive que des élèves n’obtiennent pas l’affectation qu’ils ont demandée. Le point d’équilibre le plus juste possible doit être trouvé ; nous nous y efforçons, dans le cadre d’un bilan national du type de celui que vous avez appelé de vos vœux, madame Gonthier-Maurin, et qui est mené en liaison avec la réflexion sur la réforme du collège et sur les évaluations.

Cinquièmement, il importe de rendre visible ce que la voie professionnelle offre de meilleur. En vue du trentième anniversaire du bac professionnel, six ambassadeurs ont été nommés pour représenter cette formation ; des concours de photographies sont également prévus, de même que des opérations portes ouvertes.

Une relance de l’enseignement professionnel est indispensable, car, aujourd’hui comme hier, il répond à des besoins économiques, mais aussi sociaux. Il est donc doublement précieux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Ma question porte sur l’apprentissage des mathématiques et s’adressait à Mme la ministre de l’éducation nationale, car elle concerne plutôt l’enseignement du premier degré.

De nouveaux programmes concernant les apprentissages du français en primaire et au collège ont été élaborés. J’ai toujours pensé qu’illettrisme et « innumérisme » étaient liés. Or nous avons reçu les conclusions du Conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO, qui montrent que nos enfants ont quelques lacunes en mathématiques.

Finalement, monsieur le secrétaire d’État, mon propos vous concerne aussi : aujourd’hui, la France est réputée dans la recherche en mathématiques et rivalise sans problème dans ce domaine avec les États-Unis. Qu’en sera-t-il demain si les conclusions du CNESCO se révèlent exactes ? Quelles mesures prévoyez-vous de prendre pour ne pas laisser la situation se dégrader ? De nouvelles évolutions des programmes du premier degré et du collège sont-elles envisageables ?

J’ai récemment demandé que l’on dédouble les classes pour l’apprentissage de la lecture en cours préparatoire. Peut-être faudrait-il envisager de créer des postes supplémentaires pour l’apprentissage des mathématiques ?

Je profite de la discussion budgétaire pour vous alerter sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État : il vous faut suivre de près cette problématique, afin d’empêcher que des difficultés n’apparaissent et de prévoir la création de modules spécifiques dans le cadre du budget de formation continue des enseignants.

Comme le disait tout à l’heure notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, le budget alloué à la formation continue se réduit hélas de plus en plus. Je vous demanderai donc, monsieur le secrétaire d’État, d’y apporter une attention toute particulière et d’en prévoir le financement nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous avez raison d’insister sur un tel sujet et de rappeler que le niveau des élèves français en culture mathématique – notamment lors des dernières enquêtes PISA, les programmes internationaux pour le suivi des acquis des élèves – est en baisse. Leurs résultats sont surtout marqués par de forts déterminismes sociaux.

À 17 ou 18 ans, près de 10 % des jeunes Français rencontrent des difficultés pour utiliser les mathématiques dans leur vie quotidienne. C’est la raison pour laquelle Mme la ministre de l’éducation nationale a souhaité mettre en place une stratégie mathématique d’une ampleur que je crois sans précédent.

Cette stratégie s’articule autour de trois grands axes, qui correspondent à peu près aux souhaits que vous venez d’exprimer.

Le premier axe concerne les nouveaux programmes – puisque nous venons justement d’élaborer de nouveaux programmes – de la scolarité obligatoire : ceux-ci donnent désormais à la maîtrise du nombre la même place centrale que celle qui est accordée à la maîtrise de la langue ; ils comportent également des contenus nouveaux tels que l’algorithmique ou l’informatique.

Le deuxième axe de cette stratégie résulte de l’élaboration d’un portail national de mathématiques, qui est actuellement en cours de construction. Nous mettons de nouvelles ressources pédagogiques à la disposition des enseignants et faisons évoluer le CAPES de mathématiques en créant une option informatique.

Enfin, le troisième axe de cette stratégie consiste à laisser une place importante aux mathématiques dans la formation des enseignants, avec des actions tout à fait spécifiques. Il faut aussi noter la publication d’une brochure ONISEP sur les métiers de l’informatique et des mathématiques, élaborée en partenariat avec de nombreuses associations.

Bref, nous tenons les engagements pris dans le cadre de la stratégie mathématique. La maîtrise des savoirs fondamentaux et des compétences en mathématiques est une priorité absolue pour l’école réformée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. En cette période dans les collèges, des heures communes de formation continue sont consacrées à la découverte et à la mise en œuvre de la réforme. Cette concertation, que j’espère non pyramidale, est indispensable.

Toutefois, dans le domaine de la formation continue, il existe d’autres besoins : les nouvelles ambitions et les besoins qui s’imposent à nous tous en raison de la mise sous tension de la société appellent de notre part l’élaboration de nouvelles formations, marquées par la pédagogie coopérative, la médiation, la transdisciplinarité et la pédagogie spécifique aux sciences. Cette démarche permettra de faire face aux embrigadements éventuels.

Pour autant, deux générations d’enseignants se trouvent aujourd’hui démunies devant nos élèves : celle à qui aucune formation pédagogique n’a été dispensée, entre 2010 et 2012, et celle qui est composée d’enseignants plus âgés et plus expérimentés, qui ont été formés à une époque où les disciplines thématiques semblaient suffire au respect du vivre ensemble et où les disciplines scientifiques ne permettaient pas de découvrir toutes les connaissances actuelles.

Monsieur le secrétaire d’État, comment les heures de formation continue pourront-elles satisfaire les besoins de ces deux générations d’enseignants que ce soit cette année, l’année prochaine ou l’année suivante ? (Mmes Corinne Bouchoux et Françoise Laborde ainsi que M. Guillaume Arnell applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous posez une question extrêmement importante, qui concerne finalement notre capacité à adapter le système d’enseignement et la formation des enseignants à des évolutions récentes, qui les mettent en prise directe avec des situations auxquelles ils n’avaient pas été préparés et que personne n’avait prévues.

Notre action, qui est en cours d’élaboration au ministère, se développe dans deux registres différents.

Tout d’abord, le premier registre de notre action relève non pas de l’enseignement primaire ou de l’enseignement secondaire, mais de la recherche : il est nécessaire de mieux comprendre les raisons pour lesquelles les comportements ultraviolents se développent brutalement, sans que l’on n’y soit préparé, et de déterminer les moyens nécessaires pour les voir venir.

Faire travailler des équipes de chercheurs dans de très nombreuses disciplines, qu’il s’agisse de sociologues ou de chercheurs appartenant aux sciences humaines et sociales, mais aussi parfois de chercheurs en informatique capables de traiter des données par exemple, contribue à mieux appréhender le problème.

Ensuite, sur le fondement de cette appréhension nouvelle, nous cherchons à mettre en place deux leviers pour agir. Je précise que l’initiative, qui revient à Mme la ministre de l’éducation nationale, est née de l’une des premières demandes qu’elle m’a adressées en ma qualité de secrétaire d’État à la recherche après les événements dramatiques intervenus ces derniers jours.

Notre premier levier d’action est celui des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation. Ces écoles constituent une grande chance pour notre pays, car elles bénéficient de l’appui des universités. Ce sont des lieux de formation des futurs enseignants qui, par définition, sont directement connectés au monde de la recherche produite dans les universités. Nous disposons avec les ESPE d’un outil unique au monde pour adapter très rapidement les programmes de formation des futurs enseignants aux évolutions de la recherche.

Notre second levier d’action concerne la formation continue des enseignants : lorsque les points sur lesquels il nous faut être meilleurs seront clairement définis – c’est-à-dire dans les prochaines semaines ou peut-être les prochains mois –, nous mettrons les formations à disposition des enseignants qui ne sont pas passés par les ESPE.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, l’objectif de la réforme des rythmes scolaires, qui vise à la fois à améliorer les apprentissages fondamentaux et à réduire les inégalités sociales dans l’accès aux activités périscolaires, sera-t-il atteint ?

J’ai lu dans le rapport du comité national de suivi des rythmes scolaires, publié en novembre dernier, que la majorité des enseignants – 74 % d’entre eux – estiment que le temps périscolaire a des incidences négatives sur le temps scolaire en termes d’organisation et de fonctionnement de l’école, ainsi que sur la faculté des élèves à rester attentifs ; 68 % des enseignants déclarent par ailleurs que leurs conditions de travail se sont dégradées en raison d’une accumulation des tâches qui leur sont confiées. Les activités pédagogiques complémentaires, qui sont bousculées par les activités périscolaires, font également l’objet de critiques. Que leur répondez-vous, monsieur le secrétaire d’État ?

Dans un contexte de réduction des dotations de l’État et compte tenu des difficultés d’organisation qu’engendre cette réforme, les élus n’ont pas ménagé leur peine pour mettre en place les activités périscolaires de la meilleure façon possible, dans l’intérêt des enfants et des familles.

Le fonds de soutien aux communes pour la mise en place de la réforme – cela a été dit – est pérennisé, sous réserve de l’adoption d’un projet éducatif territorial, ou PEDT ; 80 % des communes ont signé ce PEDT. Il y a sûrement un lien de cause à effet ! Toutefois, le compte n’y est pas et les élus demandent la compensation intégrale d’une réforme qui leur a été imposée !

Mme la ministre de l’éducation nationale a déclaré que le PEDT n’était pas une contrainte. Je peux pourtant vous assurer que dans de nombreuses communes rurales – qui n’ont pas les moyens et le personnel formé pour mettre en œuvre ce projet –, il est bien source de contraintes !

Merci d’arrêter de compliquer l’organisation de cette réforme ! Pour mémoire, en 2013, on demandait aux élus de faire appel au vivier associatif : en somme, on nous demandait tout simplement de nous débrouiller !

Pour conclure, le comité de suivi recommande un pilotage pédagogique renforcé, une attention renouvelée sur l’enseignement en maternelle et, surtout, une évaluation des effets sur les apprentissages. Monsieur le secrétaire d’État, l’égalité des chances entre les élèves relève-t-elle des collectivités territoriales ou de l’État, sachant qu’en ces temps difficiles, à l’heure où vous supprimez des moyens aux communes, la réforme leur coûte très cher ? Merci de me répondre !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à l’ensemble des problématiques soulevées par votre question – qui est assez dense – dans les deux minutes imparties. Je voudrais par conséquent me concentrer sur deux des sujets abordés.

Le premier sujet, qui a été évoqué au cours de la discussion générale – à laquelle je vous renvoie –, porte sur le rôle des communes : je crois que celles-ci ont globalement joué un rôle très positif dans la mise en place de la nouvelle organisation des rythmes scolaires et des PEDT.

Mme Colette Mélot. Elles n’ont pas le choix !

M. Daniel Laurent. On n’a pas le choix : c’est imposé !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Ces projets, pour lesquels j’ai rappelé les chiffres concernant leur signature, sont réellement des outils pertinents et efficaces.

Le deuxième sujet, qui est probablement le plus important, concerne la question de l’organisation du temps scolaire. En la matière, nous ne sommes pas dogmatiques ! Nous observons au plus près et avec des outils tout à fait appropriés les premiers résultats de la réforme et leur caractère positif. Ainsi, ont été remontés dès 2014 des signaux positifs par les enseignants eux-mêmes.

Cependant, comme le préconise le rapport du comité de suivi qui a été rendu public, il était à la fois nécessaire de renforcer l’accompagnement pédagogique de la réforme et de mesurer scientifiquement les bénéfices pédagogiques de la cinquième matinée.

C’est pourquoi, dès le mois de juin, des instructions ont été données aux recteurs pour assister de près les équipes. Nous aidons les enseignants à revoir les emplois du temps et à profiter pleinement des avantages de la cinquième matinée.

Nous avons fourni des ressources aux enseignants, afin de les aider à mieux prendre en compte les rythmes de l’enfant en maternelle. Nous produisons également des ressources pour que la mise en œuvre des nouveaux programmes de l’école élémentaire tire pleinement avantage de la cinquième matinée.

Enfin, Mme la ministre de l’éducation nationale a souhaité engager des protocoles d’évaluation scientifique à la rentrée : ils nous permettront en 2017 de disposer de retours scientifiques sur les effets de la cinquième matinée. Une recherche est notamment conduite par l’université de Tours sur le sujet, ainsi que sur la question très importante de la fatigue des enfants. Bref, la réforme des rythmes scolaires s’accompagne de la mise en place d’outils d’évaluation indépendants dans lesquels nous avons investi, comme à l’université de Tours. C’est la condition de la réussite d’une réforme dans laquelle nous croyons ! (Mme Colette Mélot s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le secrétaire d’État, depuis la loi sur la refondation de l’école et le rétablissement d’une véritable formation initiale des enseignants, l’année 2016 est la première année qui verra le nombre de créations de postes dépasser la barre symbolique des 10 000 postes. Il s’agit d’une excellente nouvelle, dont je me réjouis, après la « casse » organisée sous le précédent gouvernement !

Mais – car il y a un « mais » – je regrette que la refondation de l’école, en général, et l’engagement du Président de la République de créer 60 000 postes d’enseignants d’ici à 2017, en particulier, ne trouvent pas leur pleine déclinaison dans le réseau français à l’étranger.

Comme vous le savez, la France peut s’enorgueillir d’un réseau de lycées français à l’étranger unique au monde : 494 établissements scolarisent 330 000 élèves dans 135 pays ! Ces établissements homologués par le ministère de l’éducation nationale ont ainsi la possibilité de disposer d’enseignants détachés auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l’AEFE, qui gère ce réseau.

Toutefois, outre la soumission de l’AEFE à un plafond d’emplois très contraint, les détachements sont rendus de plus en plus difficiles, en raison notamment de l’extrême tension des effectifs en France.

Monsieur le secrétaire d’État, l’engagement du Gouvernement en termes de création de postes, en particulier d’enseignants, sera-t-il enfin décliné dans le réseau français à l’étranger, bien entendu au prorata du nombre d’élèves qui y sont scolarisés ? Par ailleurs, et pour conclure, serait-il envisageable, comme le député Philip Cordery et moi-même l’avons proposé dans notre rapport, de permettre, notamment dans les établissements partenaires, le détachement de personnels des établissements privés sous contrat, qui, à ce jour, sont exclus du dispositif ? (M. Jacques-Bernard Magner applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, comme vous le savez, le ministère des affaires étrangères et du développement international et le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche essaient de répondre à la double demande d’enseignement français à l’étranger. Dans votre question, je distingue deux problématiques.

La première problématique concerne la définition des besoins en postes pour assurer un tel enseignement français à l’étranger. Cet enseignement relève aujourd’hui, comme vous le savez, de la compétence du ministère des affaires étrangères et du développement international.

Le ministère de l’éducation nationale intervient lui à deux niveaux : il mobilise tout d’abord son expertise pédagogique, afin de s’assurer que les enseignements dispensés dans les différents établissements sont bien au niveau de qualité requis ; il gère ensuite l’ensemble du processus de mobilité des personnels candidats aux postes identifiés.

Il existe actuellement un peu plus de 10 000 agents du ministère de l’éducation nationale en détachement à l’étranger : principalement des enseignants, mais aussi des chefs d’établissement. Depuis quelques années, ce nombre est en augmentation régulière d’environ une centaine de postes par an, ce qui est considérable ! Cette tendance devrait se poursuivre lors de la rentrée 2016.

La seconde problématique se rapporte à la question du détachement des enseignants du privé. Cette question dépasse le cadre du réseau des établissements français à l’étranger évoqué ici, dans la mesure où la loi ne permet pas à l’État de rémunérer les enseignants du privé pour d’autres services que les services d’enseignement effectués dans des classes des établissements privés sous contrat. Au-delà, ouvrir la possibilité de détacher des enseignants du privé sous contrat dans les établissements du réseau produirait un impact net en termes de créations d’emplois, puisque cela s’ajouterait aux obligations de l’État vis-à-vis de ces établissements sur le territoire national.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais d’abord vous adresser des remerciements pour avoir salué l’engagement important de nos communes dans la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.

Je ne suis pas une « obsédée » du sujet, mais je souhaite évoquer une question à ce propos. Du fait que je préside une association de maires en Bretagne, représentant un territoire où 50 % des enfants, ou presque, sont scolarisés dans des écoles privées sous contrat d’association, vous comprendrez la légitimité de cette question, que je porte au nom de tous mes collègues maires.

Après les remerciements, permettez que je relève une contradiction, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez indiqué que les écoles privées étaient éligibles au fonds de soutien aux communes pour les rythmes scolaires ; je souhaiterais apporter une nuance importante à cette affirmation.

Si les écoles privées n’ont pas eu obligation de mettre en œuvre la réforme des rythmes scolaires, elles l’ont toutes fait chez nous, pour éviter de créer des distorsions concurrentielles et de mettre certaines communes en difficulté.

Or, dès lors qu’il n’existe qu’une seule école dans les communes, les écoles privées ayant choisi le dispositif dérogatoire « Hamon » ne sont pas éligibles au fonds. J’ai, ici, une lettre du recteur d’académie qui le confirme. Sur mon département, ce sont ainsi cinq communes qui n’ont pas pu bénéficier de ce fonds. Deux d’entre elles ont décidé, de ce fait, d’adopter le régime « Peillon ».

Je voudrais évoquer un autre point, monsieur le secrétaire d’État. Je n’attends pas de réponse de votre part ; je vous demande simplement de bien vouloir transmettre ma question à Mme la ministre… qui pourra s’y pencher après son retour du meeting électoral de Lyon ! (M. Michel Canevet sourit.)

Cette question concerne la majoration du fonds de dotation proposée aux communes éligibles à la dotation de solidarité rurale.

Sur mon territoire, deux communes ne bénéficient plus de cette majoration de 40 euros par élève, car elles sont en regroupement pédagogique intercommunal avec une commune qui vient d’entrer dans une métropole. Le fonds de majoration est attaché à la commune de scolarisation, et non à la commune de domiciliation.

Comme je l’indiquais, monsieur le secrétaire d’État, ce que j’attends de vous, c’est non pas une réponse immédiate, mais l’engagement qu’une réponse me sera apportée dès le retour de Lyon de Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame Gatel, sachez que Mme la ministre suit de très près…

M. Loïc Hervé. Mais à distance !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. … la situation que vous évoquez dans la première partie de votre question. Elle en a connaissance et m’a chargé, dans l’éventualité où vous évoqueriez le sujet dans le cadre de ce débat, de vous apporter une réponse circonstanciée.

Effectivement, nous avons rencontré une difficulté dans une quarantaine de communes de Bretagne (Mme Françoise Gatel opine.), où la mutualisation des temps d’activités périscolaires, les TAP, entre écoles publiques et écoles privées a conduit ces dernières à s’aligner sur le régime du décret « Hamon ». Vous l’avez rappelé.

Disons-le directement, cette hypothèse, même si elle n’était pas inconcevable, n’avait pas été prévue dans la loi.

Il n’est pas souhaitable de pénaliser les communes qui font un effort de cohérence et ouvrent, à travers leur PEDT, les activités périscolaires à tous les élèves scolarisés sur leur territoire. Mme la ministre s’est donc engagée à apporter des solutions à cette difficulté, et m’a chargé de vous le dire.

À court terme, il a été demandé au recteur d’accompagner les communes pour qu’elles présentent leur demande d’aide au fonds de soutien. Grâce au dialogue avec les directeurs d’école et les élus locaux, nous ferons en sorte que chacune puisse être aidée.

Pour traiter la question à moyen terme – donc définitivement, allais-je dire –, nous avons déposé un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015. Il s’agit de permettre aux communes qui mettent en place des organisations très intégrées, garantissant une bonne complémentarité entre temps scolaires et temps d’activités périscolaires, de le faire dans un cadre sécurisé.

Donc, s’agissant de votre première question, madame Gatel, je tenais à vous assurer que ces situations étaient bien prises en compte. Votre seconde question est beaucoup plus technique et je crois effectivement plus sage d’y répondre un peu plus tard, en dehors de cette séance.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin.

M. Jacques Grosperrin. Mon intervention n’appelle pas de réponse de votre part, monsieur le secrétaire d’État. Je tiens simplement à formuler trois remarques, afin, peut-être, de pouvoir changer de paradigme.

Premier point, autant on peut s’interroger sur le fait que la hausse constante des financements et des moyens n’entraîne pas forcément de meilleurs résultats, autant on ne peut ignorer que des enquêtes et des études ont été menées. Ainsi, on sait qu’il faut mieux payer les enseignants.

Dans ce but – et c’est là une réponse à l’intervention de Mme Françoise Cartron –, il avait été décidé, en 2011, d’augmenter les jeunes professeurs entrant en fonction de 157 euros. Cet effort avait coûté 85 millions d’euros de plus, et je crois que c’était important de le faire.

À l’époque, nous pouvions aussi compter avec le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées. Aujourd'hui, il est très difficile de trouver des enseignants qui acceptent d’effectuer des heures supplémentaires, car celles-ci ne sont plus défiscalisées.

Il me semble donc que le recrutement annoncé n’est pas au rendez-vous !

Deuxième point, il faut mieux former.

On peut effectivement considérer que l’on a avancé un peu trop vite sur la question des IUFM. Mais les pratiques ayant cours dans ces établissements relevaient tout de même de ce que j’ai coutume d’appeler le « pédagogisme à outrance », et je crains que les ESPE ne s’orientent dans la même direction.

Il conviendrait plutôt de s’interroger sur les expérimentations menées sur le terrain : le guide Parler bambin, la mallette des parents, qui, je sais, existe toujours, etc. Il me semble vraiment indispensable de partir du terrain.

Je regrette également que l’épreuve « Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable » ait été supprimée du concours.

Troisième point, il faut mieux aider les élèves en difficultés.

Nous savons que c’est ce qui plombe nos résultats dans les enquêtes PISA. Quand 25 %, 35 %, voire 40 % des élèves entrent en classe de sixième avec des difficultés, il ne fait pas de doute que ces difficultés vont aller croissant tout au long de leur scolarité au collège.

Le message en la matière, c’est : il faut donner plus de marge de manœuvre au niveau du terrain, donner plus d’autonomie aux établissements et, peut-être, accorder un vrai statut aux directeurs d’école. Le jour où le directeur d’école disposera d’un véritable statut, nous obtiendrons des résultats ! (MM. Guy-Dominique Kennel et Charles Guené ainsi que Mmes Vivette Lopez et Françoise Gatel applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Les propos de M. Grosperrin n’appellent pas de réponse de ma part. Il s’agit de fait d’une seconde intervention générale, dont je le remercie en tant que contribution au débat.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat interactif et spontané.

enseignement scolaire

Débat interactif et spontané sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire »
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Enseignement scolaire

67 008 134 417

67 067 412 689

Enseignement scolaire public du premier degré

20 193 056 693

20 193 056 693

Dont titre 2

20 155 113 550

20 155 113 550

Enseignement scolaire public du second degré

31 272 997 093

31 272 997 093

Dont titre 2

31 015 932 906

31 015 932 906

Vie de l’élève

4 812 942 877

4 828 416 139

Dont titre 2

1 978 433 100

1 978 433 100

Enseignement privé du premier et du second degrés

7 202 943 189

7 202 943 189

Dont titre 2

6 432 564 137

6 432 564 137

Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 141 708 918

2 185 513 928

Dont titre 2

1 470 705 526

1 470 705 526

Enseignement technique agricole

1 384 485 647

1 384 485 647

Dont titre 2

908 294 696

908 294 696

Mme la présidente. L'amendement n° II-154, présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

34 478 419

34 478 419

34 478 419

34 478 419

Vie de l’élève

dont titre 2

Enseignement privé du premier et du second degrés

dont titre 2

12 525 667

12 525 667

12 525 667

12 525 667

Soutien de la politique de l’éducation nationale

dont titre 2

18 356 470

2 856 470

18 356 470

2 856 470

Enseignement technique agricole

dont titre 2

TOTAL

65 360 556

65 360 556

SOLDE

- 65 360 556

- 65 360 556

La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, ayant pour objet de réduire les dépenses de la mission pour une question de principe et de conviction concernant la dépense publique.

Je me réfère ici à la remarque préliminaire que j’ai eu l’occasion de formuler dans mon intervention générale : les dépenses d’enseignement, en particulier celles qui ont trait au secondaire et au soutien de la politique de l’éducation nationale, sont très largement supérieures aux moyennes européennes et aux moyennes de l’OCDE.

C’est pourquoi nous proposons un ensemble de mesures qui représenteraient une économie de 65,360 millions d’euros pour l’année 2016 et de 165 millions d’euros en année pleine.

L’enseignement scolaire public du premier degré est épargné et le principe de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux est rétabli, tant pour les enseignants du second degré que pour les fonctionnaires rattachés au programme de soutien de la politique de l’éducation nationale.

Pour l’enseignement privé, la présentation budgétaire ne permet pas de distinguer premier et second degrés, mais il est évident, au vu des chiffres, que seul le second degré est visé.

Enfin, nous frappons les opérateurs de l’éducation nationale. Ces organismes sont intéressants – je pense à l’ONISEP, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, au CNED, le Centre national d’enseignement à distance, et au réseau Canopé –, mais, manifestement, ils ne se sentent pas soumis à l’obligation générale de productivité, d’appel aux ressources propres et, surtout, d’allégement des dépenses de fonctionnement au travers d’une dématérialisation des productions et publications.

Cet amendement est donc cohérent avec la politique d’économies raisonnable voulue par la majorité de la commission des finances pour rapprocher les coûts français des moyennes européennes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. À cette heure avancée, j’irai droit au but : le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à cet amendement.

Les raisons en sont évidentes. Il s’agit, ni plus ni moins, de revenir à la politique d’avant 2012, qui visait notamment à ne pas remplacer un professeur ou un enseignant sur deux partant à la retraite, comme vous l’avez rappelé.

J’ajoute que, emportés par leur volonté de réaffirmer cette politique, les sénateurs ayant choisi de présenter cet amendement ne font même pas preuve de cohérence avec les propos que certains d’entre eux ont exposés, tout à l’heure, à la tribune.

« Il y a trop d’argent sur le second degré, pas assez sur le premier », nous disaient-ils… Quand ils diminuent les crédits du secondaire, on s’attend donc, à tout le moins, qu’ils réinvestissent cet argent sur le primaire.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Or ils ne le proposent même pas !

Nous sommes donc face à une politique qui a connu le jugement des urnes en 2012 et une proposition qui diffère des propos tenus à la tribune, deux motifs suffisants pour exprimer un avis défavorable sur l’amendement n° II-154.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le rapporteur spécial, on ne peut pas se positionner en défenseur du latin et des classes bilangues en mai, dans le cadre de la réforme du collège, et proposer en décembre une suppression de créations de poste dans le second degré, en outre sans réinvestissement des sommes dégagées dans le premier degré.

Faites tout de même preuve d’un peu de sérieux dans vos raisonnements… C’est tout à fait incohérent !

Non, l’augmentation des effectifs n’est pas un dogme pour nous. Mais c’est bien un outil pour lutter contre les 150 000 sorties de notre système scolaire sans diplôme, contre l’aggravation des inégalités scolaires et contre les effets délétères de votre gestion passée de l’éducation nationale.

Votre perspective pour 2017, c’est de dégager 150 milliards d’euros d’économie. Ce sont 240 000 enseignants en moins, plus de 3 000 écoles qui disparaîtraient. Voilà vers quoi vous voulez nous entraîner, avec le raisonnement que vous engagez aujourd'hui.

Ce n’est pas sérieux de vouloir ainsi réduire les moyens d’un ministère qui en a bien besoin, et qui mérite même d’en avoir plus ! Nous voterons donc contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-154.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-153, présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

Vie de l’élève

dont titre 2

Enseignement privé du premier et du second degrés

dont titre 2

Soutien de la politique de l’éducation nationale

dont titre 2

44 400 000

44 400 000

Enseignement technique agricole

dont titre 2

TOTAL

44 400 000

44 400 000

SOLDE

- 44 400 000

- 44 400 000

La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Mes chers collègues, la commission des finances vous demande d’adopter cet amendement, tendant à supprimer 44 400 000 euros sur le programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale ».

C’est en fait le projet SIRHEN – système d’information des ressources humaines de l’éducation nationale – qui est visé.

De toute évidence, ce projet est en train de s’enliser, dans un climat rappelant étrangement un dossier que j’ai malheureusement connu directement, celui du logiciel unique à vocation interarmées de la solde, dit Louvois. Aujourd'hui, le projet SIRHEN concerne la gestion d’un petit nombre de fonctionnaires, pour un très gros budget, ce dernier ayant « explosé » à peu près tous les devis estimatifs.

Je reconnais que cet amendement pourrait être considéré comme un amendement d’appel. Mais si nous ne l’adoptons pas, SIRHEN continuera de pourrir l’existence du ministère. Je propose donc que nous le votions, ce qui, monsieur le secrétaire d’État, vous mettra en position de force vis-à-vis de vos partenaires dans ce projet, qui, de toute évidence, sont en train de vous faire les poches, sans résultat probant pour le fonctionnement de l’administration.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je remercie M. le rapporteur du coup de main qu’il propose au Gouvernement et j’espère qu’il ne m’en voudra pas de ne pas l’accepter.

Je reconnais l’existence de difficultés.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. On peut le dire !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Ce projet, nécessaire à la gestion des ressources humaines du ministère, laisse apparaître un surcoût par rapport aux estimations initiales. Celles-ci semblent avoir été fortement minorées au démarrage – elles s’établissaient à 80 millions d’euros –, au vu des actualisations qui portent le budget à un niveau nettement supérieur.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. De l’ordre de 300 millions d’euros !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Il est question de 321 millions d’euros exactement. Tout cela est transparent et public.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cela fait quatre fois plus !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. En revanche, monsieur le rapporteur, je souhaite vous alerter sur les conséquences de votre proposition d’abandon pur et simple de ce projet de modernisation.

Le ministère doit impérativement relever le défi de la modernisation de son système d’information pour la gestion des ressources humaines, qui date des années quatre-vingt. Si, comme vous le suggérez, le projet SIRHEN venait à être abandonné, le ministère ne pourrait pas faire l’économie d’une profonde modernisation de ces systèmes informatiques de ressources humaines. Il devrait alors repartir d’une copie blanche, éprouver pour plusieurs années encore un SIRH en phase d’obsolescence.

Bref, cette situation ferait peser un fort risque de paralysie de la gestion des personnels et, surtout, de leur paye – vous avez à l’esprit des souvenirs délicats à ce sujet –, mais aussi, à n’en pas douter, exigerait l’engagement de dépenses supplémentaires pour élaborer un nouveau projet.

C’est pourquoi il est préférable, du point de vue tant des personnels que des finances publiques, de poursuivre le développement en cours du projet SIRHEN, qui, au-delà des 4 000 personnes de l’inspection, concernera dès la fin de l’année 15 000 personnes supplémentaires, dont les personnels de direction du second degré.

L’enjeu de ce projet de modernisation et de simplification dépasse évidemment la seule notion de son coût. Il s’agit aussi d’assurer, à terme, une gestion sécurisée et modernisée des quelque 800 000 enseignants des premier et second degrés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-153.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II–233 rectifié bis, présenté par Mme Férat, MM. Détraigne, Luche, Guerriau, Bonnecarrère et Tandonnet, Mmes Joissains et Gatel, M. Canevet, Mme Doineau, MM. Roche et Gabouty, Mme Loisier, M. L. Hervé et Mme Billon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

Vie de l’élève

dont titre 2

Enseignement privé du premier et du second degré

dont titre 2

Soutien de la politique de l’éducation nationale

dont titre 2

Enseignement technique agricole

dont titre 2

2 533 580

2 533 580

TOTAL

2 533 580

2 533 580

SOLDE

+ 2 533 580

+ 2 533 580

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, cet amendement vise à rééquilibrer le montant des crédits de l’enseignement agricole après la ponction effectuée à l’Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaitais bien sûr m’adresser directement à votre collègue. Aussi, je vous demande instamment d’être mon messager auprès d’elle…

M. Jacques-Bernard Magner. Le secrétaire d’État est là !

Mme Françoise Férat. … puisque, à cette heure, elle préfère être auprès de ses camarades (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme Colette Mélot et M. Dominique de Legge. C’est vrai !

Mme Françoise Férat. … au lieu d’être ici, à la place qui devrait être la sienne.

M. Daniel Laurent. C’est la vérité !

Mme Françoise Férat. Lors de son audition en commission, à la suite des questions que je lui ai posées et auxquelles elle n’a pas répondu – vous en êtes les témoins –, la ministre m’a indiqué ne pas être concernée par l’enseignement agricole. Je crois qu’il lui faudra réviser son domaine de compétences !

En revanche, je constate qu’elle a su trouver la ligne budgétaire pour effectuer cette fois encore un prélèvement – excusez du peu ! – de 2,5 millions d’euros, manœuvre à laquelle, faut-il le rappeler, le Gouvernement s’était déjà livré l’an dernier.

Pour votre parfaite information, le programme 143 « Enseignement technique agricole » ressortit bien à la mission « Enseignement scolaire ». Seule l’action pédagogique échappe à l’éducation nationale.

Dans vos propos de tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que l’enseignement agricole était doté de 2 milliards d’euros. C’est une excellente nouvelle, mais, en réalité, ce budget n’est hélas ! que de 1,386 milliard d’euros, soit moins de 2 % des crédits de votre mission – 66 milliards d’euros.

Cette ponction met en péril l’existence même de l’enseignement agricole.

Je ne reviendrai pas sur les propos que j’ai tenus dans mon intervention générale et sur les chiffres que j’ai cités, chiffres que vous avez bien retenus, je l’espère.

Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous allez me répondre que des efforts budgétaires sont nécessaires. Bien sûr, mais en aucun cas lorsqu’il s’agit de nos jeunes.

À l’heure où l’éducation de l’ensemble de nos jeunes est primordiale, alors même que les résultats de ce système – tous s’accordent à le reconnaître – sont excellents, à l’heure même où, à juste titre, le Premier ministre proclame que l’éducation fonde les valeurs de la République, il convient d’adapter les actes aux paroles. Ou bien cessez ces discours qui n'ont d’autre intérêt que de vous donner bonne conscience !

Quel mépris pour le Sénat de ne pas être au banc du Gouvernement ce soir ! Quel mépris pour l’enseignement agricole ! Et surtout quel mépris pour les jeunes qui choisissent cette filière !

En conséquence, mes chers collègues, je vous demande de rétablir ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. Bien sûr !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)

Mme Vivette Lopez. Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas un scoop !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour deux raisons.

Premièrement, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, j’essaie de bien saisir la cohérence de vos votes, même si je tiens à préciser que je les respecte par principe.

Si je comprends bien, lorsqu’il s’agit de l’enseignement secondaire, lui retirer 65 millions d’euros de crédits ne soulève aucune difficulté.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. C’est ce que vous avez fait sans aucune hésitation il y a quelques minutes, à l’invitation du rapporteur spécial.

En revanche, il ne semble pas possible de retirer 2,5 millions d’euros à l’enseignement agricole !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Votre stratégie d’économies est donc à géométrie variable.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Non !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je tenais simplement à le souligner, tout en respectant, je le répète, les votes émis par votre assemblée.

M. Charles Revet. On l’espère !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Deuxièmement, madame Férat, je veux vous rassurer : en dépit de cet ajustement budgétaire, malheureusement classique en loi de finances, les crédits de l’enseignement agricole progressent par rapport à l’année dernière. (Mme Françoise Férat le nie.)

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, même si cela doit vous gêner, c’est la réalité !

Mme Françoise Férat. Vous avez reconnu en commission que ce n’était pas le cas !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Ils s’établissaient à 1,377 milliard d’euros l’an passé ; ils se montent désormais à 1,387 milliard d’euros, soit une progression de 10 millions d’euros.

Mme Françoise Férat. C’est une progression artificielle !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Pas du tout !

M. Jacques Grosperrin. Rappelez-vous la loi Rocard de 1984 !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-233 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II–235, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

45 000 000

 

45 000 000

 

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

 

 

 

 

Vie de l’élève

dont titre 2

 

6 000 000

 

6 000 000

Enseignement privé du premier et du second degré

dont titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Soutien de la politique de l’éducation nationale

dont titre 2

 

44 000 000

8 000 000

 

44 000 000

8 000 000

Enseignement technique agricole

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. J’ai déjà largement détaillé l’objet de cet amendement lors de mon intervention générale.

Celui-ci vise à faire prendre en charge par l’État, comme il le fait pour les collèges, une partie des frais de renouvellement des manuels scolaires dans le premier degré, par un redéploiement budgétaire de 50 millions d’euros.

Les communes sont déjà asphyxiées par la baisse des dotations et les charges résultant de la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires.

Cette opération pourra être renouvelée pendant deux ou trois ans. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

À cette heure avancée, je ne rouvrirai pas le débat sur la politique budgétaire de la commission des finances, qui se distingue en effet de celle du Gouvernement. Néanmoins, j’ai la certitude que nos collègues en connaissent les racines profondes et la légitimité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

MM. Loïc Hervé et Claude Kern. Exactement !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. J’en suis désolé pour M. le rapporteur, mais l’avis est nécessairement défavorable sur cet amendement qui tend à opérer un transfert de charges (M. Michel Savin s’esclaffe.) des communes vers l’État. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Vous savez faire !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-235.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II–328 rectifié bis, présenté par Mme Gatel, MM. Canevet, de Legge, Kern, Détraigne, Cigolotti, Cadic, Longeot, Luche, L. Hervé, Mouiller et Bonnecarrère, Mme Doineau, M. Marseille, Mme Joissains et MM. Lasserre et Tandonnet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2 

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

 

 

 

 

Vie de l’élève

dont titre 2

400 000

400 000

Enseignement privé du premier et du second degré

dont titre 2

Soutien de la politique de l’éducation nationale

dont titre 2

400 000

400 000

Enseignement technique agricole

dont titre 2

TOTAL

400 000

400 000

400 000

400 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Je ne doute pas que M. le secrétaire d'État émettra un avis favorable. En effet, le Gouvernement a eu la même inspiration que moi, mais il a juste oublié qu’à l’année 2015 succède l’année 2016 !

Tout à l’heure, M. le secrétaire d’État m’a excellemment répondu en m’indiquant que le fonds de soutien aux activités périscolaires serait abondé de 400 000 euros de manière à venir en aide aux établissements privés sous contrat d’association dont le régime déroge aux dispositions du décret Hamon. Mais il ne visait que l’année 2015 !

Monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas la seule à parler des rythmes scolaires puisque mes collègues Dominique de Legge et Michel Canevet ont eux aussi beaucoup évoqué ce sujet. Sans doute ma question précédente n’était-elle pas suffisamment claire : il reste en Ille-et-Vilaine cinq communes dont les écoles privées souhaitaient s’inscrire dans le dispositif dérogatoire Hamon et pour lesquelles le recteur a confirmé sa réponse négative. (M. Loïc Hervé applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je voudrais apporter une clarification.

Sur le fond, nous sommes d’accord. Cet amendement vise à régulariser les situations pour l’année 2016.

Mme Françoise Gatel. Absolument !

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. La stratégie que Mme la ministre vous a proposée consiste à amender le projet de loi de finances rectificative pour 2015 afin de régulariser les situations de l’année 2015 et des années suivantes.

M. Jacques Grosperrin. Peut-on lui faire confiance ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Vous faites comme vous voulez, mais cet engagement ministériel porte sur les années 2015 et 2016 et va donc au-delà de ce qui est prévu dans cet amendement.

Par conséquent, je vous invite à le retirer, madame Gatel.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d’État, puisque Mme la ministre n’est pas présente ce soir (M. Jacques-Bernard Magner proteste.),…

M. Michel Savin. Elle est en meeting !

M. Dominique de Legge. … peut-être pourriez-vous avoir l’obligeance de m’écouter.

Vous nous avez dit tout à l’heure que l’exception Hamon – vous avez alors parlé de la loi – n’était pas prévue dans la loi.

Premièrement, il s’agit donc non pas d’une loi, mais d’un décret – le décret Hamon.

Deuxièmement, nous parlons à cet instant de crédits budgétaires. De fait, je suis un peu étonné, car j’ai là une lettre que Mme la ministre nous a adressée, à Mme Gatel et à moi-même. Elle nous y explique qu’elle « souhaite apporter une réponse pérenne à cette difficulté de sorte que la démarche de convergence entre écoles publiques et écoles privées qui a été engagée dans les communes dont [nous lui avons] fait part puisse être pleinement reconnue par la loi et le dispositif de soutien financier qui lui est associé ». Elle ajoute qu’un « amendement sera déposé en ce sens par le Gouvernement lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015 ».

Effectivement, cet amendement a bien été déposé, mais il porte sur l’année 2015 !

Mme Françoise Gatel. Absolument !

M. Dominique de Legge. Or Mme la ministre nous parle d’une solution pérenne !

Mes chers collègues, je ne voudrais pas, à cette heure, vous infliger la lecture de la lettre de M. le recteur d’académie, lequel nous explique que Mme la ministre est tellement consciente du problème qu’elle va tenter de le régler en 2016 ! Et puisqu’on ne peut pas faire les choses simplement et de façon décentralisée, c’est certainement la raison pour laquelle elle me demande de lui écrire pour solliciter une demande de dérogation au décret, ma commune étant concernée.

Monsieur le secrétaire d’État, à cet instant, je ne suis pas certain que nous obtenions une réponse à toutes les questions que nous nous posons, mais une chose est avérée : vous ne nous ferez pas prendre des vessies pour des lanternes en nous expliquant que vous déposez un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015 afin de régler un problème qui se posera en 2016 !

De même, vous ne me ferez pas croire que c’est en déposant un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015 que vous réglerez un problème juridique qui ne dépend que de vous, puisque ce dont il est question relève du décret et non pas de la loi.

C’est la raison pour laquelle Mme Gatel et moi-même, avec d’autres collègues, avons déposé cet amendement que je souhaite voir adopté. Cessez de jouer sur les contradictions : nous avons besoin de réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je voudrais faire remarquer à nos collègues de la majorité sénatoriale qu’ils ont adopté à l’instant un amendement défendu par M. Carle au nom de la commission de la culture visant à priver le programme 230 « Vie de l’élève » de 6 millions d’euros. Or le présent amendement que vous nous invitez à voter vise à abonder le même programme de 400 000 euros ! Peut-être aurait-il mieux valu déposer un amendement faisant la synthèse des deux ; nous aurions alors évité cette discussion !

M. Dominique de Legge. On préfère l’avoir !

Mme Annie David. Il est tout même incohérent…

M. Dominique de Legge. Pas du tout !

Mme Annie David. … de retirer 6 millions d’euros d’un côté pour remettre 400 000 euros de l’autre côté ! (M. Guy-Dominique Kennel s’exclame.) Avouez, mes chers collègues, que vous êtes ce soir dans une posture, un dogme (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel s’exclame également.), et que vous entendez avant tout dévaloriser cette mission.

L’amendement de Mme Gatel nous semblait intéressant,…

Mme Annie David. … mais il est contradictoire avec celui de la commission de la culture. Vous votez tout et son contraire ! Quel manque de cohérence ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Madame la présidente, pardonnez-moi de prolonger les débats. Je voudrais clarifier une dernière fois le sens du vote que vous vous apprêtez à émettre, mesdames, messieurs les sénateurs.

Les dispositions que nous introduisons dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015 – vous pouvez le vérifier, puisque nous avons déposé un amendement à cet effet – et visant à modifier l’article 32 de la loi n° 2014–891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 sont une modification de manière pérenne de l’état de la législation. C’est ainsi que les choses fonctionnent. Si vous modifiez de manière pérenne la norme qui s’applique en 2015, cette même norme s’appliquera en 2016 et les années suivantes.

À ce stade, mesdames, messieurs les sénateurs, deux solutions s’offrent à vous, qui sont tout aussi respectables l’une que l’autre – chacun prend ses responsabilités.

Première solution : vous maintenez votre amendement et vous faites donc l’impasse sur la situation des communes et sur l’argent qui devrait selon elles, et à juste titre, leur revenir pour l’année 2015, car l’adoption de votre amendement interdirait la régularisation de la situation pour 2015.

Seconde solution : vous retirez votre amendement,…

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. … fort de la régularisation que le Gouvernement est en train d’opérer, et vous permettez par conséquent à ces communes de percevoir cet argent pour 2015 et, de manière pérenne pour les années suivantes, donc pour l’année 2016.

Je tenais à apporter cette clarification car de deux choses l’une : ou bien on travaille collectivement et intelligemment, et nous avons intérêt, me semble-t-il, à régler la situation pour 2015 et 2016 ; ou bien, pour des raisons qui m’échappent, vous tenez absolument à l’adoption de votre amendement, alors que ses conséquences se révéleront négatives pour les communes au titre de 2015, auquel cas vous l’expliquerez auxdites communes.

Mme Annie David. C’est de l’idéologie !

Mme Françoise Férat. Vous savez de quoi vous parlez !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’êtes pas de mauvaise foi, vous n’avez pas tort, mais vous ne réglez pas le problème. En effet, si, au moment de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015, vous réussissez à faire voter votre amendement à l’Assemblée nationale puis au Sénat, nous vous en remercierons. Néanmoins, lors de l’examen du projet de budget pour 2016, il faudrait abonder les fonds prévus au titre des mesures qui auraient été adoptées, ce qui n’est pas le cas pour l’instant.

L’adoption de notre proposition permettrait au contraire de border les choses. Vous avez raison, cet amendement porte à l’origine sur la loi de 2015, mais il nous apporte une sécurité en nous donnant la certitude que les crédits seront mobilisés pour 2016,…

Mme Françoise Gatel. Absolument !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. … faute de quoi il faudra peut-être attendre le projet de loi de finances rectificative pour 2016 pour obtenir les crédits.

Mme Françoise Gatel. Assurément !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Nos recteurs continueront d’invoquer le manque d’argent pour expliquer qu’ils sont dans l’impossibilité d’agir.

Mme Françoise Gatel. Exactement !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Par conséquent, ce que nous vous proposons à ce stade, monsieur le secrétaire d’État, c’est, pour employer une formule triviale, « ceinture et bretelles » ! (Sourires.) Vous nous offrez une ceinture, nous ajoutons des bretelles… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Loïc Hervé. C’est fromage et dessert !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II–328 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je me réjouis que Jean-Jacques Queyranne ait fixé sa réunion ce soir, parce que nous avons eu avec vous, monsieur le secrétaire d’État, un débat de qualité et vous avez fait preuve d’une bonne volonté manifeste,…

M. Cyril Pellevat. Comme d’habitude !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. … à laquelle nous n’avions pas toujours été habitués lors de nos entretiens précédents avec les ministres en charge du sujet. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je remercie également M. le secrétaire d’État d’avoir été présent ce soir.

J’ai travaillé dans le secteur du handicap, plus précisément dans le domaine de la surdité, avec un très grand linguiste croate, Petar Guberina, ami de Césaire et de Senghor. Il avait une philosophie par rapport aux choses qui vont et à celles qui ne vont pas. Évoquant la situation d’un enfant sourd, il disait : au lieu de nous lamenter sur ce qui ne va pas, réjouissons-nous et travaillons sur tout ce qui lui reste pour en faire quelque chose de positif.

Ce soir, nous avons fait quelque chose de positif, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez accepté d’entrer dans le débat interactif, qui constitue une nouveauté ; c’est en effet la deuxième fois que nous organisons un tel débat, le premier ayant eu lieu hier soir dans le cadre de la mission « Égalité des territoires et logement ». Il est regrettable que les questions d’ordre financier relatives à la mission aient été peu nombreuses, mais l’important était d’échanger librement. De ce point de vue, vous avez tout à fait répondu à notre attente. Nous avons beaucoup apprécié cette séance de travail avec vous, monsieur le secrétaire d’État, comme ce fut le cas vendredi dernier pour la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Mes chers collègues, nous pouvons nous satisfaire de ne pas avoir dépassé le délai qui nous était imparti pour l’examen des crédits de cette mission. Ainsi, la discussion des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » débutera demain matin ainsi qu’il avait été prévu. (Applaudissements.)

Etat B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

11

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à aujourd’hui, jeudi 3 décembre 2015, à neuf heures trente-cinq, à quatorze heures trente et le soir :

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (n° 163, 2015-2016) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 164, 2015-2016).

- Médias, livre et industries culturelles ; compte spécial : avances à l’audiovisuel public ;

- Sport, jeunesse et vie associative ;

- Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Crédits non répartis (+ articles 57 à 57 quater) ; compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État ;

- Outre-mer (+ article 57 quinquies) :

- Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation (+ articles 49 à 51 bis) ;

- Direction de l’action du Gouvernement ; budget annexe : publications officielles et information administrative.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 3 décembre 2015, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART