M. Marc Laménie. Je peux comprendre les doléances de nos collègues du groupe RDSE.

Je pense à l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, qui pose de vrais problèmes dans de nombreux départements. Certains parlent même d’« usine à gaz ».

Les simulations sont de plus en plus complexes. J’en profite pour saluer l’ensemble des services de l’État qui les réalisent. Ils ont beaucoup de mérite.

Je pense également au flou total qui entoure la réforme de la DGF. D’ailleurs, cela ne date pas de cette année ! On parle de « réforme » depuis la création de la DGF, en 1979.

Je rejoins tout à fait Roger Karoutchi : la situation fait penser à un véritable maquis, voire un marécage. Il est difficile de s’y retrouver, surtout pour les plus petites communes ! Je rappelle que la DGF est une recette d’importance pour l’ensemble des collectivités territoriales, quelle que soit leur taille. Son montant global s’élève à 36 milliards d’euros. Ce n’est tout de même pas rien.

Les dotations, de base, forfaitaires ou de péréquation, le FPIC, la réforme de la taxe professionnelle, le Fonds national de garantie individuelle de ressources, le FNGIR sont autant d’outils très complexes. Nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie et de patience dans certaines petites communes !

Je me rallierai à la proposition de notre rapporteur spécial. Je crois qu’il faut essayer de retrouver un climat de confiance entre tous, notamment entre les collectivités et l’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Il est vrai que c’est le grand bazar ! (Ah ! sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le foutoir !

M. Vincent Delahaye. On a beaucoup de mal à se retrouver dans les finances des collectivités locales.

Ce qui a été décrit tout à l'heure par Roger Karoutchi est tout à fait exact. Les élus locaux ne savent plus du tout où ils vont. Or, quand les collectivités sont maintenues dans un flou artistique total, c’est le pays dans son ensemble qui en pâtit.

On fait des réformes sans disposer d’étude d'impact et on les laisse se dérouler sans en dresser le bilan. Je pense par exemple à la manière dont a été mise en place la péréquation ; à l’époque, il n’y avait pas de baisse majeure des dotations comme celle que l’on connaît aujourd'hui.

Nous sommes dans le flou, et nous continuons d’avancer dans le flou. Cela ne me semble pas une bonne méthode de gouvernement.

M. Jean-Louis Carrère. Il fallait y penser avant !

M. Vincent Delahaye. J’aurais pu être tenté de suivre nos collègues et amis du RDSE. Mais l’adoption de leur amendement présenterait effectivement l’inconvénient de renvoyer une copie blanche, ce qui serait tout de même assez gênant.

Je me rallierai donc, et je pense que les membres de mon groupe feront de même, à l’amendement de la commission. Je suis navré que Mme la ministre ait émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet, c’est navrant !

M. Vincent Delahaye. Nos excellents rapporteurs spéciaux n’ont pu nous présenter cette réforme de la DGF qu’en quatrième vitesse et au dernier moment. Eux-mêmes semblaient avoir du mal à s’y retrouver ! Je vous laisse donc imaginer ce qu’il en est pour nous.

Nous devons aller vers une simplification. Il faut aussi plus de justice. On ne peut pas vraiment dire que ces objectifs soient atteints aujourd'hui…

Donnons-nous un peu de temps. Il n'y a pas le feu au lac ! Nous sommes tous d’accord sur le principe d’une réforme. Pourquoi ne pas attendre qu’il y ait de véritables études d'impact ? Pour l’heure, nous nous sommes rapidement aperçus que les simulations qui nous avaient été transmises étaient fausses. Hélas ! Ce n’est pas la première fois que cela se produit.

Madame la ministre, donnons-nous le temps de bien réformer et gardons-nous de toute précipitation !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

M. Francis Delattre. Pour nous réconforter !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non, monsieur Delattre, je ne chercherai pas à vous réconforter ! Je veux simplement revenir sur la méthode.

Le Gouvernement a fait très clairement savoir qu’il souhaitait réformer la DGF à la fin du mois de septembre 2014. Cela fait plus d’un an.

Les parts figées relèvent de l’histoire ! Les conserver, ce serait de l’immobilisme total. Elles sont injustes, illisibles et renforcent les inégalités entre les territoires.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Votre réforme aggrave les injustices !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Or cela ne vous avait inspiré aucune réaction à l’époque, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale.

Le Gouvernement est bien évidemment tout à fait d’accord pour assumer ses responsabilités, mais ne lui imputez pas les erreurs commises par d’autres ! (M. Éric Doligé s’exclame.) Tout le monde connaissait les tenants et les aboutissants de la réforme de la DGF que nous proposions.

Comme je l’ai répété au moins trois fois, nous avons demandé aux deux groupes de la majorité sénatoriale de s’associer à une mission parlementaire. Ils ont refusé, en invoquant leur peur de se lier les mains. Or cela ne correspond à aucune réalité sous la Ve République. C’est tout de même un peu ennuyeux !

Ne me dites donc pas aujourd'hui que vous n’avez pas eu le temps de travailler ! Vous avez choisi de ne pas participer aux travaux qui ont été engagés ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Sachez aussi assumer vos responsabilités !

Votre ancien collègue Jean Germain a accompli cette tâche pendant une année, alors qu’il ne le souhaitait pas. Il s’est substitué à une majorité – j’ai déjà indiqué à Jacques Mézard que je regrettais de ne pas avoir suffisamment associé le RDSE – qui a déclaré à l'automne 2014 ne pas vouloir travailler. (M. le rapporteur spécial Claude Raynal applaudit.)

M. François Marc. C’est la vérité !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je veux bien entendre toutes les critiques, mais il y a un moment où trop, c’est trop ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Dans le cadre de cette mission, Christine Pires-Beaune et Jean Germain ont rencontré énormément de maires. Ils ont auditionné toutes les associations d’élus. Ils ont fait un boulot extraordinaire.

Vous auriez pu faire le même travail que certains ont accompli dans leurs territoires en réunissant l’ensemble des maires. Je me suis rendue dans ces réunions, sur l’invitation de certains élus. Nous avons expliqué les parts figées, l’évolution attendue. Nous avons indiqué ce que pouvait être une dotation de centralité, ce qu’il était possible de faire s'agissant des dotations de ruralité. Relisez les comptes rendus de vos débats ; vous aussi avez dénoncé le niveau anormalement bas de la dotation des communes rurales !

Vous avez refusé de travailler. Dont acte. Cela peut être une stratégie. Chacun sera responsable de sa propre stratégie. Pour ma part, je suis responsable uniquement de la mienne.

Le résultat, c’est que nous avons perdu trois mois, ce qui est beaucoup pour un tel rapport. Tout a été public. Dès que le document a été finalisé, Christine Pires-Beaune et Jean Germain ont multiplié les réunions publiques. Et quand Jean Germain est malheureusement décédé, Mme Pires-Beaune s’est mise à la disposition de tous et a reçu les représentants d’autres groupes que le sien. Je le répète, ces parlementaires ont accompli un travail remarquable !

Nous avons fait en sorte que la DGCL réponde à toutes les demandes de simulation. Il y en a eu beaucoup. Je reconnais qu’il est difficile de lire plus de 36 000 simulations. Toutefois, il ne faut pas se saisir du prétexte d’avoir refusé de travailler pendant un temps pour demander le report d’une année !

On nous reproche souvent d’être immobiles, de ne pas avancer. On nous demande aussi d’être plus justes. On nous a dit qu’il fallait écouter les maires ruraux ; nous les avons écoutés. On nous a dit qu’il fallait écouter l’Association des maires de France, l’AMF, nous l’avons écoutée. On nous a dit qu’il fallait écouter le Comité des finances locales, le CFL ; nous l’avons écouté. Ce dernier s’est d’ailleurs prononcé en faveur des principes de l’article 58.

Nous avions ainsi une base sur laquelle nous appuyer pour continuer à travailler. Tout argument doit être écouté, entendu et soupesé au trébuchet de la simulation. Ensuite, il était possible de déposer des amendements avant la mise en place définitive du dispositif.

Je suis prête à accepter la critique, à la condition qu’elle soit précise ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je commencerai en évoquant la méthode. Je rappelle que la réforme a été présentée en conseil des ministres le 30 septembre dernier. Je m’étonne donc qu’il m’ait fallu téléphoner cinquante-sept fois et me rendre dans les locaux de la DGCL, où l’on m’a répondu qu’il était impossible de me remettre les simulations sans l’accord du Gouvernement ! Il a fallu beaucoup insister pour les avoir ! Même le motard qui nous les apportait a mis un week-end entier pour venir jusqu’à nous ! Tout cela est assez étonnant. Si la réforme était prête, comme M. la ministre l’affirme, il fallait transmettre immédiatement les simulations.

J’en viens à l’analyse au fond. Je vous invite à relire l’article 58, qui comporte plus de 180 alinéas. L’Assemblée nationale en a d’ailleurs ajouté deux : le premier revient à dire que cette réforme ne vaut rien, puisqu’elle ne sera applicable qu’au 1er janvier 2017 ; le second prévoit la remise d’un rapport sur l’application d’une réforme qui ne s’appliquera pas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Dès lors, deux solutions s’offrent à nous. Soit nous adoptons l’amendement de notre collègue Jacques Mézard et nous supprimons purement et simplement cet article, qui n’a rien à faire dans ce projet de loi de finances pour 2016 puisqu’il ne s’appliquera pas en 2016.

Soit, et c’est à cette solution que j’aurais tendance à me rallier, nous adoptons l’amendement du rapporteur spécial, qui tend à fixer un calendrier en quatre étapes. Premièrement, la carte de l’intercommunalité est achevée en 2016 ; on procède enfin dans l’ordre. Deuxièmement, un rapport du Gouvernement tenant compte de cette nouvelle carte est remis. Troisièmement, les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat procèdent à des simulations sur la base desquelles le Parlement va pouvoir travailler. Quatrièmement, nous votons sur un texte dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà qui est parfait !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ainsi, on procède à l’endroit. On ne vote pas à l’aveugle un texte qui ne s’appliquera pas en 2016 – dans ce cas, pourquoi le faire figurer dans le projet de loi de finances pour 2016 ? – et qui prévoit la remise d’un rapport sur son application alors qu’il ne s’appliquera pas !

L’amendement du rapporteur spécial Charles Guené a le mérite de remettre les choses dans l’ordre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Madame la ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises nous entendre, mais vous ne nous écoutez jamais ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le Sénat s’est exprimé sur plusieurs réformes qui ont été lancées. Je pense notamment à la loi NOTRe. Toutes nos propositions sur l’organisation des collectivités territoriales ont été balayées. Tout ce que nous disons entre par une oreille, mais ressort par l’autre ! Le Gouvernement s’arrange pour que l’Assemblée nationale défasse notre ouvrage.

J’ai lu avec attention l’amendement de notre collègue Jacques Mézard, qui m’a semblé, comme toujours, frappé au coin du bon sens. Je me suis dit que j’allais le voter, parce qu’il s’agissait de la solution la plus réaliste sur un article de 186 alinéas. En général, pour fixer des principes, trois ou quatre alinéas suffisent !

J’ai ensuite lu l’amendement du rapporteur spécial Charles Guené. Je l’ai trouvé plus intéressant. Il nous est proposé de fixer un certain nombre d’objectifs et un calendrier, comme cela vient d’être souligné. Je me rallierai donc à cette proposition, ce qui n’enlève évidemment rien au mérite de l’amendement de notre collègue Jacques Mézard. (Sourires.)

Madame la ministre, je vous en prie, écoutez-nous un peu ! Ne nous sermonnez pas ! On nous a vendu la loi NOTRe en prétendant dès le premier jour qu’elle permettrait d’économiser 20 milliards d’euros. Au final, elle coûtera plus cher ! Comprenez donc que nous soyons un peu attentifs et un peu sur la réserve !

Donnez-nous le temps d’analyser les dossiers. Si nous n’avons pas suivi vos analyses, c’est parce que vous nous transmettez avec toujours beaucoup de retard les éléments dont nous avons besoin.

Certes, lors de la suppression de la taxe professionnelle, nous avons eu quelques difficultés à obtenir les simulations. D’ailleurs, entre la DGCL et Bercy, elles ne concordaient pas toujours. Cela nous a posé des problèmes.

On voit bien a posteriori qu’une réforme mal engagée crée toujours des difficultés. Dans notre grande sagesse, nous vous proposons de bien engager cette réforme en acceptant l’amendement de M. le rapporteur spécial Charles Guené.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Je vais me livrer à un exercice difficile, puisque je vais soutenir la proposition de M. le rapporteur spécial Charles Guené, parce qu’elle me paraît sage, tout en indiquant que je suis partiellement d’accord avec Mme la ministre, ainsi qu’avec M. de Montgolfier, à une petite nuance près.

Il est clair que la position du Sénat sur la DGF est celle de la sagesse.

M. François Marc. Quelle position ?

M. Philippe Adnot. Il faudrait pouvoir aller au-delà de la DGF et prendre également en compte le FPIC, ainsi que d’autres dotations. Si l’on ne tient pas compte de l’ensemble des réductions de dotation dans les éléments du calcul, notamment de celles qui concernent le FPIC, on ne pourra pas imaginer une réforme cohérente, complète et compréhensible.

C'est la raison pour laquelle je partage totalement la position de la commission des finances, qui demande un peu de temps.

Mais je suis également d’accord avec Mme la ministre. On ne devrait pas faire la réforme des intercommunalités sans connaître les capacités de financement. C’est tout de même incroyable de demander aux gens de se regrouper sans rien connaître des conséquences financières de ces regroupements !

Oui, monsieur Guené, il faut prendre le temps de faire une bonne réforme ! Oui, madame la ministre, il faut reporter la réforme des intercommunalités, parce qu’il est inconcevable de demander aux communes de se regrouper en ignorant toutes les incidences financières !

J’ai un léger désaccord avec M. de Montgolfier. Il faut faire les choses dans l’ordre. Commençons par faire une bonne réforme de la DGF, pour faire une bonne réforme de l’intercommunalité qui tienne compte de l’avis des commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI, et ne soit pas subordonnée à d’autres calculs. Faisons les choses convenablement. Ce sera à l’honneur du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non ! Ce serait de l’immobilisme !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. J’ai une certaine ancienneté comme élu ! (Sourires.) Voilà plus de vingt ans que j’entends parler de la réforme de la DGF ! On souligne son caractère inéquitable, son illisibilité…

Au fur et à mesure, par générosité, par compréhension, par véritable prise en compte de l’intégralité des difficultés des communes ou de leurs aspirations, on a fini par intégrer un certain nombre de données et par modifier fondamentalement cet outil.

On a inventé l’éternité, et créé des rentes de situation.

M. Francis Delattre. L’éternité, cela n’existe pas !

M. Jean-Louis Tourenne. Pour changer les choses, il faut du courage ; il faut une véritable volonté.

Je ne connais pas de meilleur moyen d’enterrer un projet ou de le repousser aux calendes grecques que de demander des simulations parfaitement identifiées quand l’on peut s’accorder sur les principes !

Dès qu’apparaissent les résultats dans une enveloppe fermée, ce qui suppose une répartition, donc des perdants, il devient difficile pour chacun d’entre nous de prendre une décision.

Madame la ministre, je crois que vous avez utilisé la meilleure méthode. Nous avons exprimé nos principes. Nous sommes parfaitement d’accord sur la nécessité de rétablir l’équité entre communes et de favoriser les communes rurales, ainsi que celles ayant des fonctions de centralité. Dès lors que cela sera acté, nous aurons une règle qu’il suffira ensuite d’appliquer, selon des modalités à définir.

La justice n’attend pas. On ne peut ni se permettre de jouer avec de telles questions ni se contenter de quelques mesures dilatoires pour repousser à demain, à après-demain ou à plus tard encore une décision qu’il nous faut prendre au bénéfice de l’ensemble des communes aujourd’hui victimes du système de répartition.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je rappelle à notre collègue Jean-Louis Tourenne que c’est le Gouvernement lui-même qui appelle à retarder la mise en place de la réforme !

Madame la ministre, vous êtes toujours conseillère régionale ; vous savez donc que nos collectivités sont largement ballotées par l’errance législative.

Je ne crois pas qu’il existe au Sénat ou dans les collectivités la moindre opposition à plus d’équité et à une réforme de la DGF. Il faudrait enfin que les parlementaires et le Gouvernement fassent preuve de sagesse et travaillent selon une méthode rigoureuse.

Je m’étonne que l’on veuille nous faire adopter dans le projet de loi de finances pour 2016 un principe de réforme de la DGF dont on nous dit qu’il ne sera pas applicable en 2016, mais qu’il sera, éventuellement, mis en place en 2017.

Madame la ministre, entendez la volonté qui s’exprime ici ! Oui, une réforme de la DGF est nécessaire ! Mais prenons le temps pour réformer la DGF et aboutir à un système plus équitable, plus juste.

Je comprends votre souhait de mettre à disposition des communes ou des intercommunalités les hypothèses de ressources au moment de l’élaboration des CDCI. Mais, dans de nombreux départements, ce sont les préfets qui disent aux communes et aux intercommunalités quel sera leur destin !

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. On m’a toujours expliqué que, pour faire de grandes réformes, il fallait en avoir les moyens. Or nous sommes dans une période où les moyens ne sont pas au rendez-vous. Sinon, on s’en serait rendu compte !

Dès lors, quand vous commencez à modifier les dotations des communes, sujet sensible en période de disette, vous le faites forcément à périmètre constant. Il y a donc des gagnants et des perdants, alors que les dotations ont déjà été réduites. Ainsi, certaines communes ou certains départements – je n’évoquerai pas leur situation aujourd'hui – n’ayant plus d’épargne ne peuvent plus investir. Les territoires continuent à s’appauvrir, et non à se développer. C’est la raison pour laquelle il faut être attentif et travailler différemment.

La réforme de l’intercommunalité entraînera une inflation fiscale dans certains territoires, simplement au titre de l’harmonisation des compétences, avant même le transfert de celles-ci, pour proposer des services à nos concitoyens.

Dans le département de la Marne, le simple fait de fusionner par obligation conduira une intercommunalité à augmenter la fiscalité obligatoire de plus de 30 %. On lui dit de ne pas s’inquiéter, tout cela devant se faire sur treize ans. Il n’empêche que nos concitoyens paieront plus d’impôts pour le même service !

Il convient donc de réfléchir dans la sérénité, en étant attentifs aux paradigmes. Or j’ai l’impression qu’on reprend le même paradigme que celui qui avait cours au XXe siècle : « Aide-toi, le ciel t’aidera » ou « Plus ta fiscalité est forte, plus l’aide que tu reçois est grande » ! Mais ce n’est plus d’actualité. Nous avons désormais trop d’impôts. Il faut changer de principe ! On ne peut pas à la fois dire que les collectivités coûtent trop cher tout en imposant une politique d’inflation fiscale.

C’est la raison pour laquelle le Sénat doit proposer des bases nouvelles, celles du XXIe siècle, qui prennent en compte les préoccupations. Ne partons pas de ce que nous avons connu jusqu’à présent ; notre modèle ancien est révolu !

J’ai été très tenté de soutenir l’excellent amendement de suppression de l’article 58, mais je me rallie bien volontiers à la proposition du rapporteur spécial M. Charles Guené, qui s’est efforcé de définir de nouvelles bases.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Voilà quelques années, nous avons assisté dans cette maison à la suppression de la taxe professionnelle. Jean-Pierre Fourcade, qui siégeait alors parmi nous, nous expliquait alors qu’il avait fallu un article pour la créer et un amendement de vingt-cinq pages pour l’annuler. Ensuite, Mme Lagarde est venue plusieurs fois ici pour améliorer son projet, tant il était avéré, aux yeux des élus locaux, qu’il était tout à fait inapplicable !

Aujourd'hui, j’ai le sentiment que, avec ce texte de dix-huit pages, nous nous retrouvons un peu dans la même situation. Je voudrais vous faire part de l’inquiétude terrible que ce texte provoque chez les maires et dans les territoires.

Madame la ministre, dans tout ce que vous avez dit, il y a une très bonne nouvelle : les rapports que nous faisons s’appliqueront. Je vous rappelle donc, et mon ami Éric Bocquet ne me démentira pas, que deux rapports sur l’évasion fiscale attendent d’être appliqués ! (Mme Françoise Férat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. L’amendement de M. le rapporteur spécial Charles Guené, que je soutiens, a le mérite d’ouvrir une piste. Il prévoit un calendrier. Cela signifie non pas que la réforme est rejetée, mais que son acceptation est engagée. L’amendement tend également à déterminer les différents agrégats pris en compte.

J’ai lu avec attention l’article 58 et étudié les simulations. Je constate que nous sommes sur des schémas finalement très convenus, même si une simplification est mise en œuvre. On retrouve les notions de potentiel fiscal, d’effort fiscal et de revenu moyen par habitant, qui constituent les agrégats centraux. Et, au-delà d’une définition à la louche des affaires de ruralité et de centralité, les critères de charges passent presque à la trappe.

La qualité de la gestion ne se mesure pas uniquement à l’effort fiscal. Dans certaines communes, il est important du fait de l’importance des charges. Dans d’autres, il l’est du fait de défaillances de gestion, par exemple parce qu’on a laissé filer les dépenses de fonctionnement.

Je demande qu’on prenne le temps d’examiner la typologie des communes et des collectivités, et les écarts moyens de dépenses par catégories. Donnons une prime à ceux qui, dans la même catégorie et avec les mêmes charges, tiennent leurs dépenses de fonctionnement plutôt qu’à ceux qui les laissent filer !

Un certain nombre de communes sont aussi des entreprises confrontées à des problèmes de compétitivité internationale, notamment dans le secteur touristique. Je souhaite qu’on définisse des critères, non pas pour « faire un cadeau aux riches », mais pour permettre aux communes concernées de continuer à produire de l’activité, donc des ressources pour l’État !

Tout ce qui concernait les communes touristiques – cela avait déjà été réduit en 1995, lors de la cristallisation de la dotation touristique –, a purement et simplement disparu. Plus aucun critère différentiel n’existe. Cela implique des ressources moins importantes pour un certain nombre de ces communes et, au final, une perte d’emplois et de recettes pour l’État. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Madame la ministre, vous avez beaucoup insisté sur le fait que vous avez entendu les élus locaux lorsque vous avez rencontré l’AMF et les maires ruraux.

Or j’ai constaté que les maires découvraient réellement aujourd'hui les principes arrêtés dans la réforme. Le dialogue doit donc s’ouvrir maintenant, car les élus sont mis devant le fait accompli. Ils ont vraiment besoin d’échanger ; la réforme les inquiète.

C’est surtout cette inquiétude que je trouve grave. Elle traduit la difficulté de maires responsables, qui doivent tenir des budgets et constatent la faiblesse de leurs marges de manœuvre. Quand on s’est engagé sur un programme et des investissements, on essaie de les tenir. Mais, comme l’a souligné M. Karoutchi, en l’absence de visibilité sur les finances, on hésite et on renonce à des investissements.

À mes yeux, il convient donc de nous donner du temps. Je partage complètement les propos de nombre de nos collègues. C’est là l’une des clés. Rabelais n’a-t-il pas écrit : « Le temps mûrit toutes choses […] le temps est le père de la vérité » ? Cette vérité, nous la trouverons en nous donnant du temps !

C’est la raison pour laquelle je soutiens pleinement la position de sagesse de la commission des finances. L’amendement n° II-12 permet de montrer qu’on veut avancer, mais dans le dialogue et sans précipitation, eu égard aux enjeux et aux dangers. N’oublions pas que l’investissement public est source d’emplois. Cela a été rappelé par d’autres collègues. Selon moi, il n’est pas souhaitable de prendre des décisions hâtives dans un domaine aussi fragile.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-103 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-12, présenté par M. Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2016, un rapport présentant les évolutions de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements qu’il entend soumettre au Parlement pour 2017.

Ce rapport envisage la réforme dans un cadre général englobant les différents dispositifs de péréquation verticale et horizontale du bloc communal. Il étudie notamment les conséquences de la suppression des composantes figées de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements, l’équilibre entre leurs ressources et leurs charges dans le cadre d’une péréquation rénovée, ainsi que les modalités de lissage dans le temps des effets de la réforme.

Il comprend les résultats des analyses et des simulations complémentaires demandées par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

II. – Les simulations des effets de la réforme, pour chaque commune et chaque établissement public de coopération intercommunale, sont rendues publiques par le Gouvernement lors de la transmission du rapport au Parlement.

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.