M. Ronan Dantec. … alors que, dans le même temps, ses principaux leaders sont engagés dans une totale surenchère sur la baisse globale du budget de l’État. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Quand l’un dit 100 milliards d’euros, l’autre dit ensuite 150 milliards. La contradiction est flagrante, nous le savons bien.

La position adoptée par le groupe écologiste est bien plus claire : la dépense publique est utile ; il faut maintenir les budgets alloués aux collectivités, et aucune perspective d’augmentation des recettes, donc du retour à l’équilibre pour le budget de l’État, ne sera possible avec une baisse des dépenses aujourd’hui.

Si l’on compare la politique budgétaire des États-Unis ou de la Grèce depuis la crise de 2008, on voit bien quels ont été les bons choix.

Nous ne sommes pas pour autant contre la recherche d’économies, je l’ai dit, et une bonne gestion de l’action publique. Je rappelle que le groupe écologiste a soutenu, notamment lors des discussions sur la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, tous les processus de mutualisation. Nous sommes souvent allés plus loin dans nos propositions de mutualisation et de souplesse de mutualisation que ce qui a été finalement retenu dans la loi.

Nous nous trouvons aussi aujourd’hui, me semble-t-il, dans l’obligation d’examiner d’autres pistes de financement pour les collectivités. J’ai noté l’intérêt, lors du débat de la semaine dernière, sur quelques-unes de nos propositions financières destinées à accompagner les intercommunalités. J’ai par exemple soumis au débat, monsieur le secrétaire d’État, la création d’une dotation générale de fonctionnement additionnel climat, puisque les intercommunalités sont désormais dans l’obligation de développer des plans climat-air-énergie territoriaux. Cette dotation pourrait être abondée par l’augmentation de la contribution climat-énergie, dite « taxe carbone ». C’est une proposition sur laquelle les réseaux de collectivités avaient précédemment travaillé.

Puisque la réforme de la DGF est reportée sur le fond, je profite de cette intervention pour dire que cette réforme n’a de sens que si elle s’appuie sur une vraie vision de la manière dont les territoires interagissent entre eux. Dans ce débat, nous restons souvent à la surface des choses. Je ne le dis pas parce que le président Gaudin est là aujourd’hui, mais je m’adresse à ceux qui se souviennent de Regain, le film de Pagnol réalisé dans les années trente et dans lequel nous retrouvions exactement le même syndrome. Pourtant, la réalité des métropoles d’Aix-Marseille ou de Nice-Côte d’Azur a bien changé depuis.

Aujourd’hui, les territoires interagissent, et l’une des clefs de la réussite consiste à placer les recettes et les dynamiques de la métropole au service de l’ensemble de ses territoires. Il faut sortir d’une vision un peu caricaturale entre, d’un côté, l’espace urbain et, de l’autre, un espace rural qui serait en déshérence : certains espaces ruraux vont bien et profitent de leur métropole ; à l’inverse, on trouve des villes moyennes qui vont mal et qui entraînent dans la difficulté l’ensemble du territoire avoisinant.

C’est cela, la réalité de la France d’aujourd’hui. Il va donc falloir travailler un peu plus sérieusement à une vision partagée de l’aménagement du territoire, tenant compte du rôle accru des collectivités territoriales, de la réforme des recettes et du nécessaire renforcement des obligations de solidarité : on sait à quel point les systèmes de péréquation sont difficiles à mettre en œuvre.

Mes chers collègues, nous avons besoin d’une nouvelle vision globale et collective de l’aménagement des territoires. Ce chantier me semble urgent. Néanmoins, je crains parfois que nous ne nous en tenions une fois de plus aux postures et que, de ce fait, nous ne restions à la surface des choses ! (Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE. – M. François Marc applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d’État, « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » : là est le bon sens, là est la sagesse !

Quand une réforme, sur le principe de laquelle un large consensus existe, a une telle importance pour la vie et le fonctionnement de nos collectivités, il n’est jamais bon de tenter de l’imposer aux forceps, c’est contraire à un fonctionnement équilibré de nos institutions.

Il n’est pas sain d’écarter, à l’exception du rapport Pires Beaune, d’ailleurs très inspiré par la direction générale des collectivités locales, la DGCL, tous les travaux, tous les rapports réalisés ou en cours de réalisation par le Sénat, lequel représente par essence les collectivités territoriales.

Comment voulez-vous que nous travaillions de manière constructive, conformément à notre objectif, quand il a fallu batailler pour obtenir au dernier moment et après de multiples demandes les simulations de votre projet de réforme de la DGF pour nos collectivités ? Au reste, la compréhension de ces simulations relève de l’alchimie, voire de la boule de cristal, surtout quand celles-ci sont livrées sans application des baisses de dotation.

En amont, je vous ai exprimé notre regret que cette réforme soit incluse dans un article du projet de loi de finances au lieu de faire l’objet d’un texte spécifique, permettant un vrai travail de préparation.

De même, je l’ai déjà dit, nous ne comprenons pas qu’une telle réforme soit votée de cette manière, alors que les périmètres des nouvelles intercommunalités imposés par les préfets ne seront connus qu’au cours de l’année 2016 et qu’ils rendront ce projet de réforme encore plus illisible et inapplicable.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe RDSE ont déposé un amendement de suppression de l’article 58.

Conscient des difficultés techniques que pose, sur le terrain, l’application de ces dispositions, le Gouvernement a décidé de repousser d’un an les effets de la réforme : dont acte ! Mais il persiste à vouloir faire voter les principes de cette réforme à travers le projet de loi de finances pour 2016.

Selon nous, c’est tout le système, principes inclus, qui doit être repoussé d’un an. En effet, il convient d’améliorer à la fois les principes et leur déclinaison, d’autant que – nous l’avons toujours dit – l’architecture générale de cette réforme présente des aspects très positifs quant aux objectifs.

Le problème est le suivant : sur le terrain, la définition des critères de certaines des nouvelles dotations constituant la future DGF aboutit manifestement à l’inverse du but visé. Je pense en particulier, dans le nouveau système de calcul de la dotation forfaitaire, à la future « dotation de centralité » dont les effets seraient calamiteux si elle était maintenue telle quelle.

Je ne conteste pas le principe d’une baisse des dotations. D’ailleurs, soyons clairs : quel que soit le gouvernement, cette réduction aura lieu, et elle avait de fait commencé avant 2012.

La véritable question est la suivante : comment et dans quels délais répartir cette baisse de dotations de manière équitable, c’est-à-dire en la faisant principalement supporter par les collectivités riches – il y en a aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales – et non en appliquant la même purge à toutes les collectivités ?

Certes, les collectivités doivent assumer les conséquences de leurs décisions. Tel n’a pas été le cas pour les emprunts toxiques. À ce titre, tout le monde paie pour les errements de certains,…

M. Jacques Mézard. … certes puissants politiquement… Mais nous savons tous que certains territoires sont naturellement beaucoup plus fragiles que d’autres ; que l’ouest de l’Île-de-France est plus facile à développer que l’est ; que les territoires ruraux enclavés sont à la limite de la désertification absolue.

Ainsi, parallèlement à la DGF, les systèmes de péréquation doivent être revus. C’est tout particulièrement vrai de la péréquation horizontale. Or ce chantier est très difficile à mener, parce que les collectivités riches, toutes sensibilités confondues, continuent à faire de la résistance.

À ce propos, nous n’approuvons pas l’amendement, déposé par le rapporteur général de la commission des finances, tendant à geler le FPIC 2016 au niveau de 2015, contrairement à ce qui était initialement prévu. À nos yeux, il s’agirait là d’un mauvais signal.

Quant au fonds pour la réparation des dégâts causés aux biens des collectivités territoriales et de leurs groupements par les calamités publiques, créé, sur l’initiative du RDSE, par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », le présent projet de loi de finances prévoit de le fusionner avec le fonds de solidarité relatif aux catastrophes naturelles au sein d’une dotation de solidarité. Nous n’y sommes pas opposés, à condition toutefois que le montant global, lui, ne fonde pas. Ce serait une calamité !

Monsieur le secrétaire d’État, je ne saurais être plus prolixe en quelques minutes. Néanmoins, au nom du groupe RDSE, j’insiste sur ce point : le Gouvernement doit accepter de modifier sa copie pour ce qui concerne la DGF. Vous en êtes à coup sûr conscient, il serait utile et constructif de donner davantage de signes pour que cette question fasse l’objet d’un véritable travail consensuel avec le Parlement.

Une grande majorité de nos collègues de toutes sensibilités est, à n’en pas douter, d’accord quant au principe de la réforme, mais non quant aux modalités, notamment certaines de celles que vous avez maintenues au titre de l’article 58. L’enjeu est si important, surtout si les collectivités doivent avaler des baisses de dotations, qu’il mérite bien quelques mois de réflexion supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Marc. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin applaudit également.)

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis une trentaine d’années, la France a vécu ce que l’on pourrait appeler la longue marche vers plus d’autonomie et plus de décentralisation.

La conséquence de cette évolution est connue : les collectivités ont obtenu davantage de compétences, et les élus chargés de les exercer ont vu s’étendre le champ de leurs responsabilités. Reste la question des moyens mis à leur disposition pour mener à bien les missions qui leur sont confiées. C’est là tout l’enjeu de cette discussion.

Tout d’abord, on peut aborder ce sujet sous l’angle de l’enveloppe globale des dotations. Ces derniers jours, ces dernières semaines, de nombreux débats ont été consacrés à la baisse de la DGF, qui, dans son ensemble, chute de 3,67 milliards d’euros. Un certain nombre de voix se sont élevées pour que l’ensemble de cette réforme soit revu, pour que le niveau des moyens alloués aux collectivités soit rehaussé et pour que les préconisations gouvernementales ne soient pas suivies.

À cet égard, un critère simple permet de distinguer deux ensembles, dans cet hémicycle comme dans celui de l’Assemblée nationale.

D’un côté, certains sont engagés par la trajectoire des finances publiques qui a été adoptée et qui doit garantir le redressement dont notre pays a besoin. Je fais partie de ceux-là, à l’instar de tous les membres du groupe socialiste et républicain. Nous avons soutenu le Gouvernement dans le nécessaire redressement des finances publiques.

Cette trajectoire est connue.

M. Francis Delattre. Elle est connue, mais elle n’est pas atteinte !

M. François Grosdidier. En effet ! L’État recrute et baisse les impôts !

M. François Marc. Il s’agit d’une trajectoire pluriannuelle, qui précise un certain nombre d’économies appliquées aux différents champs budgétaires.

De l’autre côté, certains membres de la Haute Assemblée ont refusé de suivre le Gouvernement dans cette orientation vertueuse de redressement des finances publiques. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) À cette condition, je l’admets volontiers, tout est possible !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Et tout est permis !

M. François Marc. En effet, on n’est pas engagé et on n’a pas à veiller à l’équilibre des finances publiques à l’horizon de 2017 ou de 2018. Dès lors, on peut plus facilement s’octroyer des marges de manœuvre.

M. Philippe Dallier. Ça, c’est de la caricature !

M. François Marc. Cela étant, tout en restant soucieux de respecter la trajectoire qu’il s’est fixée, le Gouvernement a compris qu’il fallait accompagner l’effort d’investissement. Je lui sais gré d’avoir débloqué une enveloppe de 800 millions d’euros en faveur de l’investissement local,…

M. François Grosdidier. Les sous-préfets n’arrivent même plus à distribuer la DGF !

M. François Marc. … d’avoir élargi le champ d’application du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, et d’avoir nettement rehaussé le niveau de la péréquation. Il faut, cela va sans dire, penser aux communes les plus modestes.

Bref, ce budget comporte des mesures intéressantes et positives permettant d’accompagner la nécessaire évolution de nos finances publiques.

Ensuite, il convient d’examiner la répartition des moyens.

Mes chers collègues, la République a accepté le mouvement de décentralisation. Elle a donné davantage de responsabilités aux pouvoirs locaux.

M. François Grosdidier. Et moins de moyens !

M. François Marc. Parallèlement, elle doit veiller à garantir l’égalité de traitement des Français à travers les moyens mis en œuvre au sein des collectivités territoriales.

Est-il normal que le potentiel financier des collectivités varie, aujourd’hui encore, de 1 à 3 ? Est-il normal que, comme l’a révélé le rapport Pires Beaune–Germain, les moyens mis à disposition des collectivités via la DGF varient, pour les mêmes strates, de 1 à 2 ? En l’occurrence, l’égalité de traitement des citoyens de notre République ne se vérifie pas, c’est incontestable ! (M. Ronan Dantec acquiesce.) Il faut mettre un terme à cette situation.

M. Yannick Botrel. C’est exact !

M. François Marc. Monsieur le secrétaire d’État, il faut agir sur le terrain du potentiel financier. Diverses questions méritent, à mon sens, d’être posées à cet égard. Certaines ont été abordées dans le cadre du présent projet de loi de finances, quant à la territorialité des ressources des collectivités. D’autres, bien entendu, sont liées au fonctionnement de l’intercommunalité. Je pense en particulier aux allocations de compensation. Dans ce domaine, on a en quelque sorte procédé à la cristallisation de différences antérieures. Il est sans doute possible d’employer des moyens fiscaux pour réduire l’écart du potentiel financier.

De surcroît, il faut poser la question de la DGF, au sujet de laquelle un consensus général se manifeste : il est nécessaire de faire évoluer ce dispositif. Lorsque Mme Pires Beaune est venue au Sénat présenter son rapport, une quasi-unanimité s’est dessinée pour reconnaître la justesse de son diagnostic.

Des inégalités se font jour et des évolutions sont indispensables.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas une raison pour procéder ainsi !

M. François Marc. Mme Pires-Beaune a émis plusieurs préconisations. Le Gouvernement a repris certaines d’entre elles dans cet article 58. Selon moi, ces dispositions vont dans le bon sens. Il s’agit d’attribuer la même dotation de base à tous en la complétant, le cas échéant, d’une dotation pour la ruralité et d’une part pour la centralité. Qui, aujourd’hui, peut contester ce mécanisme, particulièrement clair, transparent et satisfaisant ? Personne !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Les villes moyennes vont encore payer pour les autres !

M. François Marc. Ces préconisations font donc l’objet d’un consensus. Reste, cependant, la question de leur mise en œuvre.

M. François Marc. Or c’est là que le bât semble blesser. Si l’on réforme la DGF à enveloppe constante,…

M. François Grosdidier. Et même avec une enveloppe en baisse !

M. François Marc. … on va évidemment ôter des crédits à certains pour en donner plus à d’autres : c’est inévitable ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Michel Canevet s’exclament.) Dans les cas où l’on observe des écarts de 1 à 2, voire de 1 à 3, il y aura nécessairement des perdants.

M. Gérard Collomb. C’est clair !

M. François Marc. À travers le dispositif qu’il présente, le Gouvernement prévoit environ deux tiers de gagnants et un tiers de perdants. C’est là une indication utile, que nous devons garder à l’esprit. Il ne faut pas moins aller dans le sens indiqué.

Pour ma part, j’estime que le dispositif détaillé dans cet article 58 est un bon projet. Des questions techniques se posent encore…

M. Francis Delattre. Et même quelques questions politiques !

M. François Marc. Quelques difficultés se font jour, notamment pour les villes moyennes.

Messieurs les rapporteurs, ces problèmes techniques n’ont pu être résolus au cours des dernières semaines. À présent, nous devons nous atteler à les traiter, ce qui exigera quelques semaines ou quelques mois.

Quoi qu’il en soit, j’en suis persuadé : le socle est posé, les bons principes ont été fixés et ce dispositif sera, comme prévu, applicable au 1er janvier 2017. Nous allons y arriver. Comme mes collègues du groupe socialiste et républicain, j’apporte aujourd’hui mon entier soutien aux propositions formulées en la matière par le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Vincent Eblé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cette mission dans le contexte d’une poursuite de la baisse des dotations, dont chacun sait qu’elle est nécessaire – même si personne ne la souhaite – au vu de l’effort collectif qu’il faut engager pour réduire la charge de la dette et rétablir les comptes publics dans notre pays.

Monsieur le secrétaire d’État, la commission des finances a considéré, à juste titre, que ce processus devait être corrigé, au regard des normes nouvelles apparues en cours d’année et des décisions prises par le Gouvernement. Nous en avons débattu il y a quelques jours.

La seule réforme des rythmes scolaires représente – c’est la Cour des comptes qui le dit – une charge nette de 350 millions à 620 millions d’euros pour les collectivités. L’impact des décisions nationales sur les dépenses de personnel se chiffrait, pour 2014, à 1 milliard d’euros – c’est toujours la Cour qui le dit – et représente 42 % de la progression de la masse salariale enregistrée cette année. Je ne parle pas, pour les départements, de la revalorisation du RSA – un coût de 420 millions d’euros en 2015 – ni de ces normes, non prises en compte par le Comité national d’évaluation des normes, qui naissent des décisions de l’autorité préfectorale sur le terrain pour des plans de protection contre les risques d’inondation ou les risques naturels, qui conduisent à mettre en œuvre des dispositifs contre les crues centennales (Mme Christiane Hummel opine.), voire millénales. Je ne parle pas non plus des décisions prises par l’autorité préfectorale dans la gestion et le format des services d’incendie et de secours. L’accumulation de ces éléments concourt à une hausse des charges qui nous sont imposées.

Le problème de la réduction des dotations pose corrélativement le problème de la soutenabilité, pour les contributeurs, des prélèvements effectués au titre de la péréquation, dont je veux dire un mot. J’ai bien entendu le président Mézard, nous ne contestons pas le bien-fondé de la péréquation, mais nous faisons le constat qu’elle ne peut pas, à elle seule, pallier la diminution des dotations pour les collectivités les plus fragiles. (M. Jacques Mézard opine.) C’est une mission impossible.

La péréquation crée aussi des situations de tension entre collectivités, au moment même où la réforme de la carte communale est en cours. Il est ainsi à craindre que, ici et là, certains arbitrages ne soient rendus par rapport à des intérêts budgétaires des collectivités plutôt qu’en fonction de la cohésion territoriale.

En outre, la péréquation pénalise des collectivités dynamiques, qui ne sont pas toutes dans une logique de rente.

Enfin, la péréquation est établie sur une base fragile. Je souhaite rappeler, à ce titre, le soutien que nous apportons au maintien à 780 millions d’euros du FPIC, au titre de l’exercice 2016.

Cette montée de la péréquation conduit certaines communes à passer en « dotation négative » vis-à-vis de l’État. Le FPIC, c’est aussi quatre départements où toutes les communes sont considérées comme riches, ce qui est la démonstration même de l’aberration lorsqu’on sait que trois de ces départements sur quatre sont des départements de montagne !

J’ajoute que la péréquation ne prend évidemment pas en compte les charges. Je rappelle, monsieur le secrétaire d’État, la recommandation réitérée, qui figure dans le rapport de la Cour des comptes de cette année sur les finances publiques locales (L’orateur brandit un exemplaire dudit rapport.), appelant à ce que la diminution des dotations et la péréquation soient mises en œuvre sur des critères intégrant le niveau de richesse mais aussi les charges des collectivités.

Je dirai un mot sur la situation des départements. En 2014, la dégradation de l’équilibre financier se poursuit. Le risque est bien évidemment – là encore, c’est la Cour des comptes qui le souligne – que l’effet de ciseaux se poursuive avec la montée des dépenses d’action sociale. Je voudrais rappeler que, outre la revalorisation du RSA décidée par l’État, le nombre des bénéficiaires de ce dispositif a augmenté de 5,8 % au cours de l’exercice écoulé, pour atteindre 2 430 000 personnes. Je rappelle également que les prestations de compensation du handicap ne sont couvertes qu’à 41 % et que le taux de couverture se dégrade.

Dans le même temps, les départements sont, eux aussi, entrés dans une logique de péréquation, qui fonctionne selon une triple mécanique. Une première péréquation porte sur les compensations. En effet, les départements dont le potentiel financier était plus important il y a quelques années ont reçu moins de compensation sur l’allocation personnalisée d’autonomie, les taux de couverture variant d’un département à l’autre.

Les conséquences n’en ont pourtant pas été tirées, et cette compensation n’a pas été revisitée lorsque sont apparues la péréquation des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, la péréquation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et la péréquation de la dotation globale de fonctionnement. En effet, à la différence de celle qui s’applique au groupe communal, la péréquation propre aux départements prend en compte les niveaux de fiscalité départementale. Cela aboutit d’ailleurs à des effets « pousse au crime » : un de vos anciens collègues du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, me recommande ainsi d’augmenter la fiscalité de 10 % afin de moins contribuer à la péréquation !

Il y a donc lieu de procéder à une remise à plat, sur des bases sincères et sereines. Nous espérions disposer de quelques indications à cet effet dans le rapport que le Gouvernement devait rendre au Parlement à propos de la soutenabilité du FPIC pour les communes. Ce rapport a été rendu hors délai (L’orateur brandit un exemplaire dudit rapport.), alors que la discussion budgétaire avait commencé ; en outre, il est hors sujet, puisque son objet même n’y est pas traité, sinon dans une des annexes.

Pourtant, ce problème concerne également la réforme de la DGF – dont nous souhaitons le report –, puisqu’elle ne prend pas suffisamment en compte la problématique des différences de charges des collectivités et la typicité de ces charges.

Mon temps de parole étant écoulé, j’aurai l’occasion de revenir sur ce que sont un certain nombre de ces charges, et notamment sur les problématiques liées aux risques naturels, où l’État demande actuellement à des entreprises et à des collectivités d’assumer une partie de ses coûts sur les sections domaniales. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’aborderai successivement trois sujets : la baisse des dotations, la réforme de la DGF et la péréquation.

Concernant la baisse des dotations, beaucoup de choses excellentes ont déjà été dites. Mon sentiment est le suivant : elle pose un problème de rythme, madame la ministre, un problème d’ampleur et un problème majeur de répartition.

Sur ce dernier point, l’État fait-il autant d’effort qu’il en demande aux collectivités ? Comment cet effort de baisse des dotations est-il réparti entre les collectivités ? À cet égard, vous savez qu’il en va de la baisse de la DGF comme de l’impôt sur le revenu : nous avons le sentiment que l’effort est concentré sur les collectivités dont la richesse est « moyenne ».

En effet, les communes qui touchent ce que l’on appelle la « DSU cible » sont exemptées de cet effort, lequel, dès lors, s’en trouve doublé pour les collectivités qui se situent juste au-dessus de ce niveau et qui sont ainsi confrontées à de très grandes difficultés.

Rappelons qu’entre 2011 et 2013 la valeur des concours financiers de l’État a été gelée, que ceux-ci ont baissé en 2014 de 1,5 milliard d’euros et que, depuis 2015, nous devons franchir chaque année une marche de presque 3,7 milliards d’euros.

Je souhaite vous transmettre un message simple : il est nécessaire de s’orienter vers une pause, voire vers un moratoire. Une pause, c’est-à-dire au moins une année blanche, pour permettre l’évaluation des conséquences de ces baisses de dotations et observer leurs effets non pas au niveau « macro », comme l’a excellemment fait M. le secrétaire d’État ici même dernièrement, mais bien sur les collectivités.

De ce point de vue, on peut noter un certain nombre d’aberrations. Ainsi, certaines communes moyennes qui perçoivent la DSU – mais pas la « DSU cible » – sont également éligibles, à un faible niveau, au FPIC – il s’agit donc de communes disposant de peu de ressources – ainsi que, si elles sont situées en Île-de-France, au Fonds de solidarité de la région d’Ile-de-France, le FSRIF. Or elles subissent pourtant une baisse très forte de la DGF, jusqu’à une diminution de moitié.

Cet exemple – tout aussi pertinent dans le secteur rural – montre les difficultés que rencontrent ces collectivités. La marche prévue pour 2016 va être, selon moi, particulièrement ardue à franchir. Au vu des votes à l’Assemblée nationale et de la détermination du Gouvernement, j’entends bien que la question ne se posera pas en 2016, mais vous devez réfléchir, madame la ministre, à un étalement, à une pause ou à un moratoire pour 2017. Car l’effet de ces mesures sur l’emploi, sur les finances des collectivités et sur les services va être colossal. La part élastique d’un budget communal, celle que l’on peut baisser, est réduite : elle représente moins de 20 %.

Face à ce problème considérable, il faut sortir de cette bulle langagière qui consiste à avoir des statistiques macro-économiques globales, accompagnées de savants calculs sur ce que représente la DGF et sur l’ensemble des communes, pour revenir à des cas pratiques et s’interroger, avec des associations d’élus et le Parlement, sur l’effet défoliant de ces baisses de dotations. (M. Michel Bouvard applaudit.)

Je vous invite donc à une forme de cessez-le-feu.

Mme Françoise Gatel. C’est tout à fait cela !