compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Secrétaires :

M. Christian Cambon,

M. Jean Desessard.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l'article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Première partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 15 (priorité)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier (SUITe)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

M. le président. Nous abordons l’examen de l’article 15, appelé en priorité.

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Articles additionnels après l'article 3

Article 15 (priorité)

I. – La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :

1° Après l’article 1er, sont insérés des articles 1er-1 à 1er-5 ainsi rédigés :

« Art. 1er-1. – La rétribution de base des avocats et des autres professionnels de l’aide juridique est déterminée par le produit du nombre d’unités de valeur correspondant à la mission accomplie et du montant unitaire de l’unité de valeur.

« Art. 1er-2. – La rétribution mentionnée à l’article 1er-1 est complétée par une rétribution complémentaire destinée à prendre en compte les charges et contraintes spécifiques liées à certaines missions d’aide juridique, la longueur et la complexité des procédures au titre desquelles l’aide est accordée ainsi que les conditions particulières d’exercice de ces missions en fonction des juridictions.

« Cette rétribution complémentaire est applicable aux missions dont le fait générateur est postérieur au 31 décembre 2015.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il définit notamment :

« 1° Les missions susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice de la rétribution complémentaire ;

« 2° Les conditions dans lesquelles, dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, une convention conclue entre les chefs de juridiction et le bâtonnier, après avis du premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour, arrête le montant ou le mode de calcul de la rétribution complémentaire ;

« 3° Les modalités d’évaluation de la mise en œuvre de cette convention au sein de chaque barreau.

« À défaut de convention passée dans le délai de trois mois à compter de la publication du décret mentionné au troisième alinéa, le montant ou le mode de calcul de la rétribution complémentaire applicable dans le barreau concerné est fixé par arrêté du ministre de la justice.

« Art. 1er-3. – Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de l’unité de valeur mentionnée à l’article 1er-1 est fixé à 24,20 € pour les missions dont le fait générateur, défini par décret en Conseil d’État, est postérieur au 31 décembre 2015.

« Art. 1er-4. – L’affectation à chaque barreau des dotations mentionnées aux articles 29, 64-1 et 64-3 ne fait pas obstacle à ce que les crédits correspondants soient utilisés indifféremment pour toute dépense d’aide juridique.

« Art. 1er-5. – L’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats rend compte au ministre de la justice de l’utilisation, au sein de chaque barreau, des ressources affectées au financement de l’aide juridique, par le biais de transmissions dématérialisées. » ;

2° L’article 4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, l’année : « 2001 » est remplacée par l’année : « 2016 », le montant : « 5 175 F » est remplacé par le montant : « 1 000 € » et le montant : « 7 764 F » est remplacé par le montant : « 1 500 € » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Ils sont révisés chaque année en fonction de l’évolution constatée des prix à la consommation hors tabac. » ;

3° Les trois derniers alinéas de l’article 27 sont supprimés ;

4° Les deuxième et troisième alinéas de l’article 29 sont supprimés ;

5° L’article 64-4 est abrogé ;

6° La quatrième partie devient la cinquième partie, la cinquième partie devient la sixième partie et la sixième partie devient la septième partie ;

7° La quatrième partie est ainsi rétablie :

« QUATRIEME PARTIE

« L’AIDE À LA MEDIATION

« Art. 64-5. – L’avocat qui assiste une partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle dans le cadre d’une médiation ordonnée par le juge a droit à une rétribution.

« Lorsque le juge est saisi aux fins d’homologation d’un accord intervenu à l’issue d’une médiation qu’il n’a pas ordonnée, une rétribution est due à l’avocat qui a assisté une partie éligible à l’aide juridictionnelle.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il définit également les conditions dans lesquelles une partie éligible à l’aide juridictionnelle peut obtenir la prise en charge d’une part de la rétribution due au médiateur. »

II. – Le deuxième alinéa de l’article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les références : « des articles 302 bis Y, 1001 et 1018 A du code général des impôts » sont remplacées par les références : « de l’article 1001 du code général des impôts et aux V et VI de l’article 15 de la loi n° … du … de finances pour 2016 » et le mot : « juridictionnelle » est remplacé par le mot : « juridique » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « selon les critères définis au troisième alinéa de l’article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, » sont supprimés.

III. – L’ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifiée :

1° Après l’article 1er, il est inséré un article 1er-1 ainsi rédigé :

« Art. 1er-1. – Les articles 1er-1 et 1er-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sont applicables, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, à l’aide juridique en matière pénale, à l’exception de l’accès au droit. » ;

2° Le troisième alinéa de l’article 15 est supprimé.

IV. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 1001, dans sa rédaction résultant de l’article 22 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, est ainsi modifié :

a) Au 5° ter, le taux : « 11,6 % » est remplacé par les mots : « 12,5 % pour les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2016 et à 13,4 % pour les primes ou cotisations échues à compter du 1er janvier 2017, » ;

b) Au a, les mots : « pour la part correspondant à un taux de 2,6 % et dans la limite de 25 millions d’euros par an » sont remplacés par les mots : « à hauteur de 35 millions d’euros en 2016 et de 45 millions d’euros à compter de 2017 » ;

2° L’article 302 bis Y est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa du 1°, le montant : « 11,16 € » est remplacé par les mots : « 13,04 € pour les actes accomplis à compter du 1er janvier 2016 et 14,89 € pour les actes accomplis à compter du 1er janvier 2017 » ;

b) Le 4 est abrogé ;

3° L’avant-dernier alinéa de l’article 1018 A est supprimé.

V. – Les produits financiers des fonds, effets et valeurs mentionnés au 9° de l’article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont affectés au Conseil national des barreaux, pour financer l’aide juridique, à hauteur de 5 millions d’euros au titre de l’année 2016 et de 10 millions d’euros au titre de l’année 2017.

Cette contribution est répartie au prorata du montant des produits financiers générés, au titre de l’année précédant l’année au titre de laquelle la contribution est due, par les fonds, effets et valeurs reçus par les caisses des règlements pécuniaires des avocats créées dans chaque barreau.

Elle est recouvrée, sous le contrôle du ministre de la justice, par le Conseil national des barreaux.

Le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à cette contribution sont régis par les règles applicables en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.

Un arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé du budget, pris après avis du Conseil national des barreaux et de l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats, fixe les modalités de répartition et d’affectation de cette contribution, ainsi que les modalités selon lesquelles le Conseil national des barreaux rend compte au ministre de la justice du recouvrement de la contribution.

VI. – Le produit des amendes prononcées en application du code de procédure pénale et du code pénal, à l’exclusion des amendes mentionnées à l’article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est affecté au Conseil national des barreaux à hauteur de 28 millions d’euros en 2016 et 38 millions d’euros à compter de 2017.

VII. – Le I est applicable en Polynésie française.

M. le président. L'amendement n° I-97, présenté par M. Navarro, n’est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° I-414 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 13

Supprimer ces alinéas.

II. – Après l’alinéa 17

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

c) Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Le demandeur bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou du revenu de solidarité active est dispensé de justifier de l’insuffisance de ses ressources. » ;

III. – Alinéa 18

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

3° L’article 27 est ainsi modifié :

a) Au quatrième alinéa, les mots : « Pour les aides juridictionnelles totales, » sont supprimés et le mot : « est » est remplacé par les mots : « peut être » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de l’unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l’admission à l’aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2016, à 26,50 €. » ;

IV. – Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

V. – Alinéa 20

Rédiger ainsi cet alinéa :

5° À la première phase du premier alinéa de l’article 64, après les mots : « procédure pénale », est insérée la référence : « , à l’article L. 39 du livre des procédures fiscales » ;

VI. – Après l’alinéa 27

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

…° À l’article 67, les mots : « et de l'aide » sont remplacés par les mots : « , de l’aide » et après les mots : « non juridictionnelles » sont insérés les mots : « et de l’aide à la médiation » ;

…° Après l’article 67, sont insérés des articles 67-1 et 67-2 ainsi rédigés :

« Art. 67-1. – L'affectation à chaque barreau des dotations mentionnées aux articles 29, 64-1 et 64-3 ne fait pas obstacle à ce que les crédits correspondants soient utilisés indifféremment pour toute dépense d'aide juridique.

« Art. 67-2. – L'Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats rend compte au ministère de la justice de l’utilisation au sein de chaque barreau des ressources affectées au financement de l’aide juridique par le biais de transmissions dématérialisées. »

…° À l'article 69-5, les mots : « allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité ou du revenu minimum d'insertion » sont remplacés par les mots : « allocation de solidarité aux personnes âgées ou au revenu de solidarité active » ;

…° L’article 69-11 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « allocation supplémentaire de solidarité » sont remplacés par les mots : « allocation de solidarité aux personnes âgées » ;

b) Au dernier alinéa, la référence : « L. 549-1 » est remplacée par la référence : « L. 542-6 » ;

VII. – Alinéa 29

Remplacer les références :

aux V et VI

par la référence :

du VI

VIII. – Alinéas 32 à 34

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

1° À l’article 2, les mots : « ou retenues au sens des articles 141-4 et 709-1-1 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « , retenues ou en rétention dans les conditions prévues par le code de procédure pénale » ;

2° À la première phase du premier alinéa de l’article 23-1-1, après les mots : « procédure pénale », est insérée la référence : « , à l’article L. 39 du livre des procédures fiscales ».

IX. – Alinéas 43 à 47

Supprimer ces alinéas.

X. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – Les dispositions réglementaires d’application des articles 4, 27, 64, 64-5, 67, 67-1 et 67-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée publiées avant le 1er janvier 2017 peuvent prévoir une date d’entrée en vigueur rétroactive au plus tôt au 1er janvier 2016.

… – Le II de l'article 59 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi est abrogé.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je dirai tout d’abord quelques mots sur l’article 15, qui est relatif à l’aide juridictionnelle, avant d’évoquer cet amendement n° I-414 rectifié.

Si le budget de l’aide juridictionnelle augmente désormais chaque année, l’article 15 apporte, de son côté, des améliorations substantielles au dispositif, notamment un relèvement du plafond de ressources pour l’éligibilité des justiciables et une hausse du niveau de rétribution des avocats.

Dans le cadre du processus que nous avons amorcé voilà trois ans, nous introduisons des dispositions permettant d’engager la réforme de l’aide juridictionnelle, avec comme objectifs de la simplifier, d’en améliorer l’efficacité et, surtout, de la pérenniser. Plus qu’une simple ligne budgétaire, nous voulons en effet faire de l’aide juridictionnelle une véritable politique de solidarité pour l’accès au droit.

Cet article 15 ainsi que l’amendement n° I-414 rectifié visent d’abord à tirer les conséquences d’un protocole signé le 28 octobre avec les représentants de la profession : le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris. Ce protocole fait suite au mouvement des avocats, qui s’est cristallisé sur la question du prélèvement de 5 millions sur les 75 millions d’euros de produits financiers des fonds des clients qui transitent par les caisses des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, et qui sont placés.

Au-delà du mécontentement lié à ces 5 millions d’euros, il existe dans la profession une légitime inquiétude quant à la solidité du dispositif de l’aide juridictionnelle. Depuis près de quinze ans, une demi-douzaine de rapports, dont plusieurs du Sénat, notamment celui de Roland du Luart en 2007 ou celui de Sophie Joissains et Jacques Mézard en 2014, expliquent que le système est à bout de souffle.

Face à cette véritable inquiétude, nous avons engagé des discussions avec la profession depuis juillet 2012, afin d’essayer d’introduire une réforme, que nous pensons indispensable et qui a été rendue urgente du fait de l’immobilisme constaté lors des dix années précédentes, malgré la publication des rapports dont je viens de parler.

Ces discussions ont été entamées sur la base de la transparence et de la loyauté, méthode qui – j’en conviens – n’est pas faite pour aller vite… Néanmoins, nous avons avancé, et l’amendement qui vous est soumis permet de tirer les enseignements de l’inquiétude générale quant au système de l’aide juridictionnelle.

Aujourd’hui, le système de l’aide juridictionnelle n’est satisfaisant pour personne. Il ne l’est pas pour les justiciables éligibles parce qu’il n’est ni efficace ni diligent ; il n’est même pas conforme aux nécessités, puisque nous sommes amenés à relever le plafond des ressources à 1 000 euros. Il ne l’est pas non plus pour les avocats, qui considèrent à bon droit que le niveau de rétribution de leurs prestations n’est pas adapté à la qualité des prestations qui sont attendues.

J’ajoute que ce système n’est pas satisfaisant non plus pour la puissance publique ou pour le législateur, car il n’a pas évolué conformément aux dispositions prévues dans la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Qui plus est, la concentration de cette activité professionnelle – 16 % des avocats assurent ainsi 84 % de l’aide juridictionnelle – peut fragiliser les cabinets d’avocats concernés et les rendre dépendants de cette activité en termes de revenus, ce qui peut entraîner une certaine précarité.

Cette insatisfaction générale appelle des réponses, certaines immédiates, en particulier par l’augmentation, chaque année, du budget de l’aide juridictionnelle, d’autres sur le moyen et le long terme, car il faut bien finir par consolider ce dispositif.

C’est pourquoi nous avons proposé de relever le plafond de ressources à 1 000 euros pour ces derniers – n’oublions pas que le système a été conçu pour les justiciables. En outre, nous indexons ce plafond sur l’évolution constatée des prix à la consommation hors tabac, ce qui permet de garantir le maintien du pouvoir d’achat.

Par ailleurs, nous améliorons le niveau de rétribution des avocats, avec une augmentation moyenne de 12,6 %, alors qu’elle était figée depuis 2007. Nous réduisons le nombre de groupes de barreaux de dix à trois. L’unité de valeur vaudra ainsi 26,5 euros dans le premier groupe – elle s’élève aujourd’hui à 22,5 euros –, 27,5 euros dans le deuxième et 28,5 euros dans le troisième.

Nous avions prévu une unité de valeur socle, qui soit articulée avec une contractualisation permettant d’apporter une rétribution complémentaire, en tenant compte des spécificités de certains territoires, par exemple la typologie des contentieux – dans certains territoires, certains types de contentieux sont en effet plus importants que d’autres – ou la distance qui peut entraîner des frais plus importants à tel ou tel endroit. L’amendement supprime cette unité de valeur socle, car la profession, qui juge l’idée de la contractualisation tout à fait pertinente, estime qu’elle a besoin de temps pour y travailler. Elle s’y est d’ailleurs engagée dans le cadre du protocole du 28 octobre.

La profession s’est également engagée à travailler avec nous sur des instruments qui sont utiles à tous, notamment la mise en place tant du portail Portalis pour la justice civile, en particulier dans le cadre de la réforme de la justice du XXIe siècle, que d’une application spécifique pour la gestion de l’aide juridictionnelle.

En outre, l’amendement prévoit de supprimer la disposition consistant à prélever 5 millions d’euros sur les 75 millions d’euros de produits financiers des fonds des clients qui transitent par les CARPA et qui sont placés.

Parmi les dispositions de simplification du traitement de l’aide juridictionnelle, nous introduisons par exemple, pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ainsi que du revenu de solidarité active, une dispense de justification de l’insuffisance des revenus.

Enfin, nous améliorons aussi l’accès à l’aide juridictionnelle dans le cadre d’une médiation, tandis que diverses dispositions sont relatives à la retenue et à la rétention.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter à la représentation nationale. Si elles ont été un peu longues, je vous prie de m’en excuser, mais la question de l’aide juridictionnelle a fait l’objet de tellement de débats, d’informations contradictoires, voire parfois d’informations erronées, qu’il me semblait important de prendre le temps nécessaire.

M. le président. L'amendement n° I-60, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 43 à 47

Supprimer ces alinéas.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour le Conseil national des barreaux résultant de la suppression de l'affectation des produits financiers des fonds, effets et valeurs mentionnés au 9° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est compensée, à due concurrence, par la création et l'affectation d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-60 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° I-414 rectifié.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’amendement n° I-60 a été déposé avant l’amendement n° I-414 rectifié que Mme la garde des sceaux vient de nous présenter longuement. Il se situe en partie dans la même ligne. Il vise en effet à tirer les conséquences du protocole d’accord du 28 octobre dernier conclu entre les avocats et la chancellerie.

Ce protocole prévoit expressément que la réforme ne sera pas financée par un prélèvement sur les produits financiers des CARPA. L’amendement n° I-60 a donc pour objet de supprimer les alinéas de l’article 15 qui mettent en œuvre ce prélèvement.

Au-delà du seul protocole, des questions de fond justifiaient notre désaccord sur ce sujet. Ainsi, les avocats participent déjà à des missions d’intérêt général, notamment par des contributions gratuites. En outre, les fonds des CARPA servent à d’autres missions, en particulier de formation ou d’actions sociales, comme le paiement de congés de maternité. Il n’est donc pas normal que ces fonds financent la réforme de l’aide juridictionnelle.

Pour toutes ces raisons, en particulier le respect du protocole d’accord du 28 octobre dernier, la commission a été amenée à proposer cet amendement.

J’en viens à l’amendement n° I-414 rectifié du Gouvernement, qui va plus loin et est plus complet que l’amendement n° I-60. La commission des finances pourrait donc s’y rallier, sous réserve des réponses que Mme la garde des sceaux pourra nous apporter en ce qui concerne l’équilibre général de la réforme.

Ma première interrogation porte sur l’enveloppe de 16 millions d’euros, qui était initialement prévue pour la contractualisation. Va-t-elle servir à compenser les deux mesures nouvelles, d’une part, la revalorisation des unités de valeur, d’autre part, l’abandon du prélèvement sur les produits financiers des CARPA ? Dans ce cas, l’utilisation de cette enveloppe entraîne-t-elle l’abandon de la contractualisation ?

Par ailleurs, le bâtonnier de Paris, que nous avons reçu, a évoqué une révision du barème, certaines unités devant certes être revalorisées, mais divers actes devant être moins bien rémunérés. Qu’en est-il exactement ?

Sur le fond, quel sera le financement de la réforme à terme ? Les choses semblent parfaitement équilibrées pour 2016, mais le fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice prévu par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », devrait intervenir à compter de 2017. Comment cela va-t-il se passer ?

Enfin, selon l’amendement, les arrêtés nécessaires seront publiés avant le 1er janvier 2017, mais ils pourront « prévoir une date d’entrée en vigueur rétroactive au plus tôt au 1er janvier 2016 ». Je comprends votre prudence, madame la garde des sceaux, mais quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la date de publication de ces arrêtés ? Il importe notamment que les avocats connaissent précisément la tranche dans laquelle se situe leur barreau.

Je vous remercie, madame la garde des sceaux, des précisions que vous voudrez bien nous apporter. Elles seront utiles pour apprécier l’équilibre d’ensemble du régime de l’aide juridictionnelle.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur général, je répondrai précisément à vos questions.

Tout d’abord, les discussions vont reprendre avec la profession au sujet de la contractualisation, dont le principe trouve son origine à la fois dans les discussions que nous avons avec elle depuis juillet 2012 et dans les rapports, notamment ceux du Sénat, qui ont été publiés sur cette question. Nous le savons, la situation est différente selon les territoires ; c’est d’ailleurs pour cela que les unités de valeur sont modulées dans le droit actuel.

Tout le monde est d’accord depuis plus de deux ans pour supprimer la modulation et pour mettre en place une unité de valeur unique sur l’ensemble du territoire.

Cela ne doit cependant pas aboutir à effacer complètement les disparités territoriales que l’on constate. Il existe donc un accord sur la mise en place d’une unité de valeur unique, mais nous avons conçu un dispositif pour prendre en compte ces disparités territoriales.

Lors des négociations qui ont eu lieu à la fin du mois d’octobre, la profession a exprimé son accord pour discuter de la contractualisation, car elle estime que ce système est pertinent. Elle souhaite cependant que ses modalités de mise en œuvre soient précisées, ce qui revient à poser la question du barème.

La profession estime qu’un certain nombre de contentieux sont à l’origine d’un volume d’unités de valeur ne correspondant pas à la réalité du travail accompli. La plupart du temps, le nombre d’unités de valeur accordé n’est pas suffisant, même si, dans certains cas, il pourrait être reconsidéré à la baisse – par exemple, pour les gardes à vue ou les prolongements de garde à vue.

La question du barème est abordée dans différents rapports – notamment le rapport d’information rendu par vos collègues Jacques Mézard et Sophie Joissains – et dans les observations de la profession. L’ensemble de ces éléments a nourri notre travail. Par ailleurs, la chancellerie a réuni pendant quatre mois un groupe de travail auquel participaient des représentants de la profession, des magistrats et le service de l’accès au droit. Lors de ces travaux, plusieurs hypothèses ont été examinées.

Une part des malentendus tient au fait que certains représentants de la profession ont considéré diverses conclusions du groupe de travail comme des engagements de la chancellerie. Or une partie des éléments qui ont suscité une forte mobilisation chez les avocats ne figurent pas dans les propositions de la chancellerie. Par exemple, le prélèvement sur les produits financiers de la CARPA était une suggestion émanant de la profession, même si les représentants de ladite profession sont aujourd’hui divisés sur ce point.

Nous allons reprendre le travail sur la contractualisation. Celle-ci n’est pas abordée dans cet article 15 ni dans l’amendement n° I-414 rectifié du Gouvernement. L’unité de valeur socle complétée par une rétribution complémentaire négociée dans le cadre de la contractualisation ne figure plus dans le texte. Conformément au protocole d’accord signé le 28 octobre, les unités de valeur seront désormais modulées en fonction de trois groupes de barreaux, au lieu de dix auparavant.

Ces explications répondent à vos questions portant sur la contractualisation et sur le barème, dont la profession considère qu’il doit être revu. Cette dernière craint en effet de voir le nombre d’unités de valeur augmenter pour certains contentieux et baisser pour d’autres. Or l’intérêt de la contractualisation réside dans la possibilité ouverte aux barreaux d’apprécier la difficulté des tâches en fonction des particularités de leur territoire.

Nous allons donc reprendre ce travail posément, et j’espère qu’il aboutira. Je vous disais tout à l’heure que la discussion avait commencé en juillet 2012. Même si je regrette qu’elle n’ait pas permis d’engager la réforme souhaitée, elle n’a pas été totalement infructueuse, puisque c’est de cette discussion qu’est issue la diversification des ressources que nous avons introduite l’année dernière, en particulier la taxation des contrats de protection juridique.

Vous avez parfaitement raison, monsieur le rapporteur général, de vous interroger sur le financement de la réforme à partir de 2017. On peut estimer que, vers le milieu de cette année, le fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice, créé par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, prendra le relais. Le prélèvement sur les produits financiers des CARPA, à hauteur de 5 millions d’euros en 2016 et de 10 millions d’euros en 2017, était prévu pour permettre la « soudure », mais tout le monde savait qu’il était peu probable que ce prélèvement soit nécessaire en 2017, puisque le fonctionnement de ce nouveau fonds interprofessionnel est censé commencer à partir de 2017.

Votre dernière question portait sur la création des trois nouveaux groupes de barreaux : je vous ai déjà expliqué qu’elle résultait du protocole d’accord.