M. Simon Sutour. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, si la proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles, que nous examinons aujourd’hui, est considérée par certains, à juste titre, comme une rustine à la loi NOTRe, elle n’en demeure pas moins essentielle pour appréhender l’implication des conseils départementaux dans la protection et la reconstitution des forêts sensibles, la prévention des incendies et, bien évidemment, dans la lutte contre ceux-ci.

En supprimant la clause de compétence générale des départements, l’article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République remet en cause la capacité de certains départements dits « sensibles » – essentiellement ceux de l’arc méditerranéen et du sud-ouest de la France métropolitaine – à intervenir pour défendre leurs forêts contre les incendies.

En effet, si, jusqu’à présent, la protection des forêts n’était pas une compétence obligatoire des départements, ces derniers avaient la possibilité de mener des actions de défense des forêts contre l’incendie, comme en ce qui concerne la prévention des inondations – pour rester dans le domaine de la protection de l’environnement des biens et des personnes –, à laquelle notre collègue Pierre-Yves Collombat a fait allusion.

Cette souplesse dans les moyens d’intervention et de financement des départements a, ce dont il convient de se féliciter, grandement contribué à réduire de manière continue les surfaces brûlées. Les chiffres sont parlants, comme Mme la rapporteur et M. le ministre l’ont rappelé.

Sur les territoires dits « sensibles », la mise en place obligatoire des plans départementaux ou interdépartementaux de protection des forêts contre les incendies, les PPFCI, élaborés sous l’autorité des préfets, a permis à la France de se conformer aux directives de l’Union européenne relatives à ce sujet et de bénéficier de subventions pour leur mise en œuvre. Ces plans constituent, en outre, d’excellents outils et montrent, année après année, leur efficacité.

Après avoir examiné quelques plans de protection des forêts contre les incendies – celui de mon département et des départements voisins –, je suis convaincu que le département est l’échelon pertinent en la matière, en particulier pour la mise en œuvre des actions de lutte, comme il l’est, du reste – nous devons le reconnaître, mes chers collègues – dans beaucoup de domaines.

Pour ne citer qu’un exemple – on me pardonnera de citer celui de mon département –, le Gard, avec ses 288 370 hectares de surfaces boisées – soit près d’un tiers de la surface totale du département –, 259 jours d’ensoleillement par an et une exposition régulière au vent, notamment le mistral, constitue un territoire propice aux incendies.

Face à ce risque, une politique volontariste est mise en œuvre en matière de prévention, avec un partenariat actif, dont le noyau dur est constitué par le conseil départemental du Gard, le service départemental d’incendie et de secours, l’Office national des forêts et la direction départementale des territoires et de la mer. Ce partenariat est élargi, en fonction des actions, à d’autres acteurs : la gendarmerie, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, les établissements publics de coopération intercommunale exerçant la compétence de défense des forêts contre l’incendie – dite aussi « compétence DFCI » –, Météo-France, le syndicat des forestiers privés ou encore, et c’est normal, la chambre d’agriculture.

Néanmoins – et il faut le reconnaître –, depuis la départementalisation, le département du Gard, en finançant les deux tiers du budget du service départemental d’incendie et de secours, soit 40 millions d’euros par an, est, en tant que collectivité, le pilier de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies.

Ces ratios sont sensiblement identiques pour les autres départements également concernés par l’article L. 133-1 du code forestier, qui définit, dans les territoires, les bois et forêts « particulièrement exposés au risque d’incendie ». Il s’agit donc d’efforts substantiels.

L’action des départements ne se limite pas au financement et à l’administration des SDIS. Ils interviennent également d’une autre manière : entretien des tours de guet, mise en œuvre du plan de patrouille avec les forestiers-sapeurs pour la surveillance estivale des massifs forestiers, aide directe aux communes pour mettre en place des plans communaux de sauvegarde à activer en cas d’incendie, appui technique aux communes et aux EPCI pour la gestion des pistes DFCI, ou encore formation des élus et information du grand public sur le débroussaillement, l’emploi du feu et les bonnes conduites à adopter en forêt.

Je pourrais multiplier les exemples, car les actions varient selon les caractéristiques propres de chaque territoire concerné. Elles ont en commun d’être toutes le fait des conseils départementaux. Indispensables et efficaces, ces actions doivent impérativement être pérennisées.

C'est la raison pour laquelle je me félicite que notre collègue Pierre-Yves Collombat ait pris l’initiative de cette proposition de loi, dont l’adoption va permettre non seulement de rétablir ce qui était en péril, mais plus encore de sécuriser les actions des départements en la matière.

Ce matin, en commission des lois, nous avons unanimement voté l’amendement tendant à étendre cette possibilité à tous les départements, ce qui paraît logique. Nous écouterons l’avis du Gouvernement sur l’amendement visant à offrir cette même possibilité aux régions, même s’il semble que la législation en vigueur le permette déjà.

Cette clarification, en explicitant la compétence du conseil départemental au sein du code général des collectivités territoriales, est finalement plutôt la bienvenue.

Ainsi, les départements concernés pourront continuer à financer ou à mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts. Il s’agit d’une bonne nouvelle, puisque nous savons tous ici qu’ils le font très bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, madame la rapporteur, monsieur Collombat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à clarifier le rôle des départements dans les plans de prévention et de lutte contre les feux de forêt.

Il faut souligner que notre organisation territoriale est en pleine recomposition tant sur le plan géographique qu’en matière de compétences. Il est important d’accompagner ce mouvement afin de garantir la continuité des missions d’intérêt général assurées par les collectivités territoriales et par l’État.

Sur ce point, le code forestier ménage une place importante aux départements, qui assurent déjà des missions de prévention, d’équipement, d’entretien et de surveillance dans nos forêts.

Le texte que nous examinons aujourd’hui consiste donc à garantir la pérennité de ces actions déjà mise en œuvre ou à inciter à leur mise en œuvre en les inscrivant dans la loi.

Le premier des amendements proposés vise à étendre à l’ensemble du territoire le dispositif en vigueur à ce jour uniquement dans les régions et départements à risque. Le second tend à rappeler la possibilité, pour les régions, de cofinancer les aménagements et les mesures de prévention évoquées dans le dispositif.

Ces mesures vont dans le même sens que le reste de la proposition de loi, à savoir celui d’une volonté de clarification plutôt qu’une action normative.

Je voudrais rendre hommage aux services d’intervention et de secours contre les feux de forêt. Ce sont plus de 80 000 personnels qualifiés qui interviennent sur l’ensemble du territoire. Grâce à ces derniers, 96 % des feux de forêt sont maîtrisés avant qu’ils n’aient détruit plus de cinq hectares, surface en dessous de laquelle l’impact sur l’environnement reste limité.

Que ces personnels soient professionnels ou volontaires, nous pouvons donc saluer leur œuvre de sécurité publique, de protection de notre patrimoine naturel forestier, de la biodiversité qu’il abrite ainsi que de son potentiel économique local et de ses fonctions sociales.

Je veux rappeler ici que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a créé les groupements d’intérêt économique et environnemental forestier – les GIEEF. Cet outil doit monter en puissance afin de prendre en compte les enjeux actuels que sont l’amélioration de la qualité française de la production forestière, mais aussi l’amélioration de la qualité environnementale en termes de biodiversité, de ressources hydriques, d’atténuation du changement climatique.

C’est la prise en compte de ces enjeux par l’ensemble des acteurs privés, institutionnels et associatifs qui nous permettra de faire face aux défis de la forêt française du XXIe siècle.

Comme sur beaucoup de sujets, nous connaissons le panel des solutions, mais nous en démarrons à peine la mise en œuvre. Il s’agit, dans beaucoup de domaines forestiers, de passer d’une monosylviculture excessive à une futaie irrégulière jardinée.

Cette méthode permet de varier les espèces, les âges, les tailles et de combiner les zones d’éclaircies, de vieillissement et de sénescence. Cela permet également d’identifier les xylophages et leurs prédateurs – et de les réguler –, ainsi que l’ensemble de la faune et de la flore associées.

Et pour couronner le tout, cela crée des emplois : certes à l’Office national des forêts, mais aussi chez les bûcherons. Car, pour bien gérer une forêt, le métier de bûcheron, au sens le plus noble du terme, celui qui se rapproche du jardinier – son jardin étant la forêt – et non du conducteur d’engin opérant, comme trop souvent, une coupe rase, est indispensable.

En conclusion, mes chers collègues, c’est très clairement que les écologistes voteront cette proposition de loi et les amendements déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec plus de quinze millions d’hectares de zones boisées, la France est un pays où la forêt occupe une place centrale, avec les risques que cela comporte.

Dans le département du Var, que nous représentons en commun, mon cher collègue, la forêt représente pas moins de 63 % du territoire. Entre 2 500 et 3 000 départs de feu sont comptabilisés chaque année sur le territoire méditerranéen.

Notre département représente avec la Corse plus de 50 % des départs de feu. C’est dire s’il s’agit d’un sujet central pour les Varois et, au-delà, pour tous les départements connaissant un risque d’incendie très élevé.

Je remercie donc notre collègue de cette initiative que je soutiens bien volontiers, car elle vise à maintenir la sécurité de nos forêts et à permettre à l’ensemble des acteurs locaux de pouvoir prendre les initiatives adéquates pour une meilleure sécurisation de nos forêts.

La situation est aujourd’hui maîtrisée et il est satisfaisant de constater que les surfaces brûlées sont en sensible baisse d’année en année.

Je note toutefois un certain paradoxe entre la suppression, voilà quelques mois, de la clause de compétence générale et la volonté de maintenir les compétences du département à travers cette proposition de loi. Cette manière de gouverner me semble incohérente et approximative, même si je ne renie pas cette initiative pour le bien de la gestion de nos forêts.

Si je m’oppose à la clause de compétence générale, je m’interroge sur votre logique et votre refus d’offrir cette possibilité aux régions, qui financent également la réalisation d’actions forestières et soutiennent des acteurs de la forêt – actions pilotes, animation, émergence de projets forestiers, sensibilisation, etc.

Selon moi, des questions de cohérence subsistent encore.

Cette proposition de loi prévoit ainsi de préserver la faculté des conseils départementaux d’intervenir dans « la défense des forêts contre l’incendie ». Ils pourront financer ou mettre en œuvre des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts dans un double objectif : d’une part, prévenir les incendies et faciliter les opérations de lutte et, d’autre part, reconstituer les forêts.

Les forestiers-sapeurs, agents départementaux détectant en moyenne huit feux sur dix et permettant une extinction rapide des feux naissants, par exemple, sont une organisation départementale tout à fait efficace.

Il est satisfaisant de constater que cette politique commune de plans départementaux et interdépartementaux fonctionne, ainsi que l’Entente pour la forêt méditerranéenne, laquelle, avec ses vingt-neuf collectivités regroupées, forme un ensemble cohérent.

Je profite de cette tribune pour saluer le travail remarquable des sapeurs-pompiers, qui, sur le terrain, font preuve d’un professionnalisme et d’une efficacité tout à fait admirables.

Pour la sûreté et la préservation de notre pays de forêts, je soutiens cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe.

Mme Hermeline Malherbe. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur Collombat, madame la rapporteur, mes chers collègues, quels que soient les sujets dont nous discutons en séance depuis lundi, nos pensées vont aux victimes des attentats de vendredi dernier. Cette fois, ce sont les pompiers qui font le lien.

Je salue leur engagement comme je salue celui de tous les professionnels de la sécurité et de la santé qui poursuivent leur mission auprès des blessés et de leurs familles ou interviennent, comme on l’a encore vu ce matin, pour assurer notre sécurité à tous.

Du fait de l’étendue de leur mission, les pompiers interviennent aussi pour éteindre les feux de forêt. Il s’agit aujourd’hui, à travers cette proposition de loi relative à la protection des forêts contre l’incendie dans les départements sensibles, de rappeler les politiques d’aménagement et les actions menées – entre autres – par les départements en amont de l’intervention des pompiers.

Mes chers collègues, chaque année, en moyenne, près de 35 000 hectares brûlent en France. Aussi important soit-il, ce chiffre est moitié moins élevé qu’en 2003, par exemple.

Le Gouvernement a réaffirmé cette année – et je m’en réjouis – le caractère prioritaire de la lutte contre les incendies de forêt avec le lancement du dispositif 2015 de lutte contre les feux de forêt. Et en matière de défense de la forêt contre les incendies, les départements sont en première ligne de par leur implication dans la gestion des SDIS et leur compétence en matière d’aménagement du territoire, qui leur donne toute légitimité à agir.

Mes chers collègues, je partirai d’un exemple concret de forêt à la fois méditerranéenne et pyrénéenne, celui de la forêt des Pyrénées-Orientales, particulièrement exposée au risque d’incendie.

Afin de limiter ce risque, le département s’est donc engagé, avec l’État, dans une politique volontariste de prévention des feux de forêt mise en œuvre dans le cadre du Conservatoire de la forêt méditerranéenne. Certains des orateurs qui sont intervenus connaissent également bien ce cadre.

Il s’agit, avec les collectivités, communes et EPCI, ainsi qu’avec l’aide de financements régionaux ou européens, de répondre à trois objectifs dans le cadre de trois missions.

Les trois objectifs consistent à réduire le nombre d’incendies de forêt, à minimiser les surfaces parcourues par ceux-ci et à réduire la vulnérabilité des formations forestières.

Les trois missions principales sont l’information, notamment à travers une action de sensibilisation au risque d’incendie auprès des publics scolaires ; la réalisation d’équipements tels que pistes DFCI, points d’eau ou brûlages dirigés dont l’objectif est de favoriser l’intervention des pompiers pour réduire les surfaces incendiées ; la coordination et le suivi des moyens mis en œuvre.

Par ailleurs, nous avons effectivement un travail à poursuivre sur le bois de construction et le bois-énergie, évoqués par M. le ministre.

Forts de cette expérience, nous travaillons bien évidemment avec les communes et les acteurs du territoire, qu’il s’agisse de l’ONF, du monde agricole ou viticole et des éleveurs.

Nous menons aussi, depuis 2009, des actions de coopération transfrontalière avec nos voisins espagnols sur le financement de dispositifs de prévention et de travaux d’équipement.

En complément de tous ces engagements, le département est membre de l’Entente pour la forêt méditerranéenne, expression de la solidarité entre tous les départements du pourtour méditerranéen.

En supprimant la clause de compétence générale, la loi NOTRE, promulguée le 8 août dernier, fait peser une menace sur la poursuite des politiques volontaristes déjà engagées par les conseils départementaux de nombreux territoires dits « sensibles ».

Au regard de l’insécurité juridique à laquelle sont confrontés les départements en matière de défense de la forêt contre les incendies, il était urgent de clarifier la situation.

La présente proposition de loi, déposée sur l’initiative du groupe RDSE, vise donc à conforter et à pérenniser l’organisation collaborative mise en place sur les territoires sensibles.

Je soutiens bien entendu ce texte, porté par mon collègue Pierre-Yves Collombat, tout comme je soutiens l’amendement qu’il a déposé. Celui-ci tend à permettre aux régions de concourir au financement des opérations de prévention des incendies de forêt.

La coopération entre les départements, les régions et les autres collectivités territoriales doit être expressément visée par le texte pour renforcer nos moyens d’action collectifs.

Compte tenu de l’urgence, cette proposition de loi tend à permettre aux départements déjà engagés avec l’État d’assurer la poursuite de leurs missions en 2016.

Monsieur le ministre, j’ai tout particulièrement apprécié vos propos concernant l’évaluation des différentes politiques menées. Au-delà de l’urgence, il me semble effectivement indispensable de voir comment l’ensemble de ces actions et missions peuvent être pérennisées sur le long terme, pour tous les départements qui sont ou seront un jour menacés par des feux de forêt.

Il s’agit donc d’aller plus loin, pour voir comment nous pourrons rendre notre action durable, pour répondre à une attente forte de nos concitoyens concernant la sécurité des biens, des personnes et des espaces dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes à quelques jours de la COP 21. Alors que la question du réchauffement climatique fera l’objet de négociations internationales, nous avons voté lundi une proposition de résolution affirmant le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux sur le climat.

Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi liée à ces questions globales et à la protection des forêts face à l’évolution du risque incendie dans un contexte de changements climatiques.

À mesure que la température de la planète grimpe, le risque incendie augmente. C’est ce que confirme un rapport de l’administration américaine, selon lequel « le réchauffement planétaire induit par les activités humaines a amplifié un grand nombre de phénomènes météorologiques extrêmes en 2014 » et « augmentera encore la probabilité d’incendies de forêt ».

Sans vouloir être alarmiste – le bilan annuel français permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées grâce aux efforts déjà accomplis et à l’organisation existante –, je crois qu’une vigilance accrue s’impose face à ce risque sur notre territoire, qui est largement couvert par la forêt.

Celle-ci s’étend et s’accroît chaque année de près de 50 000 hectares. Elle est souvent morcelée, car elle appartient, à hauteur de 75 %, à des propriétaires privés. Ils sont en effet plus d’un million à détenir plus d’un hectare. L’incendie se propage d’autant plus vite que cette forêt n’est pas gérée durablement, ni exploitée, ni entretenue. Elle est malheureusement difficile d’accès, faute de dessertes adaptées aux engins de lutte contre l’incendie.

Le texte présenté par notre collègue Pierre-Yves Collombat, dont je salue le travail, va dans le sens d’une meilleure prise en compte de ces réalités. Il vise à permettre à nos territoires de s’organiser pour prévenir les risques d’incendie auxquels ils seront de plus en plus exposés dans les années à venir, et y faire face.

Comme cela a été dit en commission, cette proposition de loi constitue « une rustine de la loi NOTRe », laquelle, en supprimant la clause de compétence générale des départements, a remis en cause leur capacité juridique à poursuivre les actions déjà conduites pour la protection des forêts.

Ce texte vise donc à réparer un tort, en prévoyant explicitement la faculté, pour les départements, d’intervenir dans le cadre de la défense des forêts contre l’incendie.

En outre, cher collègue Pierre-Yves Collombat, vous avez déposé un amendement visant à étendre le champ du texte, originellement destiné aux territoires réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie, à l’ensemble des départements, ainsi qu’un amendement tendant à permettre aux régions de France de concourir au financement des opérations de prévention des incendies.

Ces extensions nous semblent bien évidemment cohérentes avec la volonté d’agir, en matière de prévention des risques d’incendie, là où c’est nécessaire, tout en permettant à ceux qui ne poursuivent pas encore d’actions en la matière de pouvoir mettre en place des dispositifs.

C’est d’autant plus indispensable que les phénomènes de réchauffement climatique redessinent d’ores et déjà – les forestiers le savent – la carte des risques pour les massifs forestiers. Je pense notamment aux dépérissements anticipés pour cause de sécheresse ou de problème sanitaire, qui fragilisent des zones jusque-là considérées comme peu sensibles.

Le groupe UDI-UC soutiendra donc cette initiative, qui va dans le bon sens, et permet aux départements d’organiser des actions d’aménagement, d’équipement et de surveillance des forêts, malgré l’absence d’une clause de compétence générale.

Pour autant, la question du financement de ces actions reste entière, tout comme celle du niveau de portage administratif pertinent.

S’agissant de protection et de sécurité, dans une logique de solidarité nationale, et alors que bon nombre de départements sont exsangues, l’État se doit de tenir toute sa place aux côtés des collectivités pour le financement de ces missions d’intérêt général, dont le coût s’avérera très certainement élevé dans les années à venir.

Alors que bon nombre de massifs forestiers s’étendent bien au-delà des limites des départements, il est également essentiel de travailler à une échelle cohérente, celle des massifs. En ce sens, nous devons privilégier, cela a été dit, les modèles d’organisation globale de lutte contre l’incendie, à l’instar des plans de protection des forêts contre les incendies ou de l’Entente pour la forêt méditerranéenne, qui regroupe vingt-neuf collectivités et à laquelle adhérent des régions, des départements, des SDIS et des EPCI.

Pour conclure, je vous rappelle que, à l’heure où nous parlons, l’Indonésie s’embrase encore, victime d’incendies de forêt qui asphyxient une bonne partie de l’Asie du Sud-Est. Le bilan est le suivant : entre 2 et 3 millions d’hectares brûlés et autant de puits de carbone en moins, 500 000 cas d’infection respiratoire, 43 millions d’habitants sinistrés et un épais brouillard qui s’étend au-delà des frontières jusqu’aux Philippines, à la Thaïlande et à la Malaisie.

Les pronostics les plus pessimistes estiment que la quantité de gaz à effet de serre émise par ces feux est supérieure à celle de l’activité économique des États-Unis.

Toutes proportions gardées, l’emballement de ces phénomènes nous donne la mesure des enjeux et de l’urgence d’une bonne organisation de la lutte contre les incendies de forêt, en métropole comme dans nos territoires ultramarins.

L’objectif des dispositions proposées est bien de mieux prévenir et maîtriser les dérèglements de la nature, souvent favorisés, voire provoqués par la main de l’homme, qu’il s’agisse des feux dévastateurs ou des inondations meurtrières que nous avons connues voilà encore quelques semaines. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est, aux dires mêmes de son auteur, notre collègue Pierre-Yves Collombat, largement inspirée par le Gouvernement. Par ailleurs, son examen en procédure accélérée renforce l’empreinte gouvernementale de ce texte.

Ce type de méthode nous laisse à chaque fois interrogatifs, tant il représente en fait un détournement de procédure remettant en cause le travail parlementaire.

En l’occurrence, cette proposition vise à tenter de rattraper une situation qui pourrait s’avérer dangereuse du fait de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions, actée dans la loi NOTRe.

Pour mémoire, qu’il me soit permis de le rappeler ici, une majorité de gauche avait concouru, au Sénat, au rétablissement de cette compétence générale dans la cadre de la loi MAPTAM, loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, alors que celle-ci avait été supprimée par une majorité de droite en 2010.

C’est donc en cohérence avec nos prises de position constantes sur cette question que nous avons été le seul groupe parlementaire de notre Haute Assemblée à refuser la suppression de la compétence générale dans le cadre de la loi NOTRe, proposée par le Gouvernement et adoptée avec le soutien de la majorité de droite du Sénat.

Pour notre part, nous n’avons pas changé d’avis. Lors de nos débats, nous avions alerté sur les risques que faisait courir une telle mesure.

Ainsi, selon ma collègue Cécile Cukierman, la compétence générale « offre un espace de liberté d’action aux élus locaux, un espace de démocratie permettant l’expression de conceptions contradictoires. Elle permet de répondre à des problèmes dont les solutions ne sont pas toujours prévues par la loi, à des besoins et des attentes émergeant dans notre société. Elle permet enfin d’inventer ; elle est source de progrès et, bien souvent, d’innovation sociale et territoriale ».

Pour ma part, concernant particulièrement les départements, j’avais alors affirmé : « Toute la force de la décentralisation réside là, dans cette compétence générale. Grâce à elle, les compétences obligatoires sont vivifiées par des actions transversales qui souvent les débordent et finalement les servent, les rendent plus efficaces. » Nous sommes, me semble-t-il, dans ce cadre, avec la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.

Au fil des années, les départements ont su prendre en compte un véritable fléau, les incendies, les feux de forêt, et mettre en œuvre des politiques publiques de prévention efficaces aux côtés de la compétence incendie.

Aussi, afin de leur permettre de poursuivre dans cette direction, puisque dorénavant les départements ne peuvent intervenir que dans les domaines que leur a attribués la loi, il faut que cette compétence leur soit reconnue.

C’est la raison d’être de cette proposition de loi, qui doit être adoptée avant le 1er janvier prochain, afin d’éviter un risque de blocage des financements à partir de cette date.

M. le secrétaire d'État André Vallini déclarait pourtant devant nous, le 13 janvier dernier, que « la suppression de la clause de compétence générale s’accompagne évidemment de garanties du maintien de l’intervention de la région ou du département dans les domaines où cela est nécessaire ». Il semble qu’il y ait eu un bug et que ce type d’interventions ait été oublié.

Mais sommes-nous assurés que d’autres ne l’ont pas été aussi ? J’ai notamment en tête le problème de la démoustication dans le sud-ouest. Sommes-nous assurés que les départements pourront toujours opérer dans ce domaine, au sein des ententes interdépartementales mises en place, qui interviennent ainsi dans le cadre d’une action essentielle en faveur de la santé publique, sans en détenir formellement la compétence ?

Combien de fois allons-nous devoir examiner des projets ou des propositions de loi permettant de colmater les brèches ouvertes dans l’action départementale ou régionale du fait de la disparition de la compétence générale ? Combien de missions aujourd’hui couvertes ne le seront plus demain et combien de politiques publiques nouvelles ne pourront-elles être mises en œuvre, tout simplement parce qu’elles ne sont pas mentionnées dans notre arsenal législatif ?

Beaucoup, dans ces travées, ne cessent de dénoncer l’excès de normes. Il faudra pourtant en fabriquer de nouvelles et de nombreuses, du fait même de la suppression de cette compétence générale, que vous avez, à une très large majorité, décidée.

Revenant au texte qui nous est soumis, nous saluons sa simplicité et son utilité. Ayant souhaité le maintien non seulement de la compétence générale, mais aussi de la place et du rôle des départements, c’est tout naturellement que nous voterons cette proposition de loi, qui leur permettra de poursuivre leur action dans le domaine de la préservation de nos forêts et de la lutte préventive contre les feux qui parfois les ravagent.

Nous soutiendrons également les amendements de l’auteur de cette proposition de loi, lesquels visent à faire face aux évolutions futures de situations aujourd’hui imprévisibles, en élargissant le champ des départements concernés, et prévoient le soutien des régions aux actions qui sont et seront engagées.

Cependant, nous ne pouvons que regretter que l’obligation de légiférer qui s’impose aujourd'hui à nous découle de la suppression de la compétence générale des départements, décision dont on mesure déjà l’absurdité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)