compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

M. Claude Haut,

Mme Colette Mélot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Publication du rapport d’une commission d’enquête

Mme la présidente. J’informe le Sénat que, ce matin, a expiré le délai de six jours nets pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, créée le 4 mai 2015, à l’initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en application de l’article 6 bis du règlement.

En conséquence, ce rapport a été publié ce matin, sous le n° 126.

3

Article 26 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature
Article 27

Indépendance et impartialité des magistrats

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société (projet n° 660 [2014-2015], texte de la commission n° 120, rapport n° 119).

Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.

TITRE IER (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE LA MAGISTRATURE

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 27.

CHAPITRE V

DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUTRES MODALITÉS DE RECRUTEMENT DES MAGISTRATS

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature
Article 28

Article 27

L’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :

1° Le chapitre V bis est ainsi modifié :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « De l’intégration provisoire dans le corps judiciaire » ;

b) Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « De l’intégration provisoire à temps plein », comprenant une sous-section 1 intitulée : « Des conseillers et des avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire » et comprenant les articles 40-1 à 40-7 et une sous-section 2 intitulée : « Du détachement judiciaire » et comprenant les articles 41 à 41–9 ;

c) Est ajoutée après la section 1 telle qu’elle résulte du b du 1° du présent article une section 2 intitulée : « De l’intégration provisoire à temps partiel » et comprenant une sous-section 1 intitulée : « Des magistrats exerçant à titre temporaire » et comprenant les articles 41-10 à 41-16, une sous-section 2 intitulée : « Des juges de proximité » et comprenant les articles 41-17 à 41-24 et une sous-section 3 intitulée : « Des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles » et comprenant des articles 41-25 à 41-31 tels qu’ils résultent de l’article 31 de la présente loi organique ;

2° Les chapitres V ter, V quater et V quinquies sont supprimés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)

Article 27
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Article 29

Article 28

(Non modifié)

Au second alinéa de l’article 41 de la même ordonnance, après les mots : « et hospitaliers » sont insérés les mots : « , aux militaires ». – (Adopté.)

Article 28
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Article 30

Article 29

I. (Non modifié) – Au second alinéa de l’article 41-10 de la même ordonnance, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « cinq ».

II. – Le deuxième alinéa de l’article 41-12 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Les mots : « sept ans non renouvelable » sont remplacés par les mots : « cinq ans renouvelable une fois » ;

2° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées :

« Six mois au moins avant l’expiration de leur premier mandat, ils peuvent demander à être renouvelés. Le renouvellement est accordé sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est de droit dans la même juridiction. »

III (Non modifié). – Après le deuxième alinéa de l’article 41-13 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ils ne peuvent pas être mutés sans leur consentement. » – (Adopté.)

Article 29
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Article additionnel après l'article 30

Article 30

L’article 41–19 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « sept ans non renouvelable » sont remplacés par les mots : « cinq ans renouvelable une fois » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Six mois au moins avant l’expiration de leur premier mandat, ils peuvent demander à être renouvelés. Le renouvellement est accordé sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est de droit dans la même juridiction. » ;

3° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « avis », sont insérés les mots : « sur le projet de nomination pour la première période de cinq ans ».

Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Aux quatrième et septième alinéas, la référence : « troisième alinéa » est remplacée par la référence : « quatrième alinéa ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 30, modifié.

(L'article 30 est adopté.)

Article 30
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Article 31

Article additionnel après l'article 30

Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 30

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 41-22 de la même ordonnance, les mots : « de la juridiction de proximité à laquelle » sont remplacés par les mots : « du tribunal de grande instance auquel ».

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement a pour objet de prendre en compte la suppression de la juridiction de proximité, qui doit intervenir à compter du 1er janvier 2017.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement. La précision qui nous est ici proposée est tout à fait pertinente.

D’ailleurs, il faudra profiter de la navette parlementaire pour effectuer la même coordination à l’article 41–18 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 30.

Article additionnel après l'article 30
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Article additionnel après l'article 31

Article 31

À la sous-section 3 du chapitre V bis de la même ordonnance telle qu’elle résulte de l’article 27 de la présente loi organique, sont insérés des articles 41-25 à 41-31 ainsi rédigés :

« Art. 41–25. – Des magistrats honoraires peuvent être nommés pour exercer des fonctions d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance et des cours d’appel ou des fonctions de substitut près les tribunaux de grande instance ou de substitut général près les cours d’appel.

« Le nombre de ces magistrats ne peut excéder, pour chaque cour d’appel, le quinzième des emplois de magistrat de la cour d’appel et des tribunaux de première instance du ressort.

« Art. 41–26. – Lorsqu’ils sont affectés en qualité d’assesseurs dans une formation collégiale du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel, ces magistrats sont répartis dans les différentes formations de la juridiction selon les modalités fixées par l’ordonnance annuelle prévue par le code de l’organisation judiciaire et traitent des contentieux civil et pénal. La formation collégiale de la cour d’appel ne peut comprendre plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés dans les conditions du présent chapitre. La formation collégiale du tribunal de grande instance ne peut comprendre plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés dans les conditions de la présente section.

« Art. 41–27. – Les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 sont nommés pour une durée de cinq ans non renouvelable, dans les formes prévues à l’article 28.

« L’article 27-1 ne leur est pas applicable.

« Lorsqu’ils sont nommés à des fonctions qu’ils n’ont jamais exercées avant d’être admis à la retraite, ou à leur demande, ces magistrats suivent, dans les deux mois à compter de leur installation, une formation préalable.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des candidats mentionnés au présent article.

« Art. 41–28. – Les magistrats exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 sont soumis au présent statut.

« Toutefois, ils ne peuvent être membres du Conseil supérieur de la magistrature ni de la commission d’avancement, ni participer à la désignation des membres de ces instances.

« Ils ne peuvent recevoir aucun avancement de grade. Ils ne peuvent pas être mutés sans leur consentement.

« Les articles 13 et 76 ne leur sont pas applicables.

« Ces magistrats sont indemnisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Art. 41–29. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 8, les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Ces magistrats ne peuvent exercer une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et être salarié d’un membre d’une telle profession dans le ressort du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel où ils exercent leurs fonctions ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.

« Sans préjudice de l’application du deuxième alinéa de l’article 8, les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d’agent public, à l’exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités.

« En cas de changement d’activité professionnelle, les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 en informent le premier président de la cour d’appel ou le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, qui leur fait connaître, le cas échéant, que leur nouvelle activité n’est pas compatible avec l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

« Les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles prévues à l’article 41-25 ne peuvent mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de leurs fonctions que postérieurement.

« Art. 41–30. – Le pouvoir d’avertissement et le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles prévues à l’article 41-25 sont mis en œuvre dans les conditions définies au chapitre VII. Indépendamment de l’avertissement prévu à l’article 44 et de la sanction prévue au 1° de l’article 45, peut seule être prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la cessation des fonctions.

« Art. 41–31. – Les magistrats honoraires exerçant les fonctions mentionnées à l’article 41-25 ne peuvent demeurer en fonction au-delà de l’âge de soixante-douze ans.

« Il ne peut être mis fin aux fonctions de ces magistrats qu’à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction prévue à l’article 41-15. »

Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Amiel, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Vall, Barbier, Bertrand et Guérini, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

« Ceux-ci déclarent leur situation patrimoniale et leur déclaration d’intérêts, dans les deux mois qui suivent leur installation et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, à la haute autorité pour la transparence de la vie publique.

« Celle-ci apprécie la variation de la situation patrimoniale de l’intéressé entre la déclaration effectuée au moment de l’installation et celle transmise après la cessation des fonctions.

« Lorsque les évolutions patrimoniales constatées n’appellent pas d’observation ou lorsqu’elles sont justifiées, la haute autorité pour la transparence de la vie publique en donne acte à l’intéressé.

« Dans le cas où la haute autorité pour la transparence de la vie publique, après une procédure contradictoire, constate des évolutions patrimoniales pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications satisfaisantes, elle transmet le dossier de l’intéressé à l’administration fiscale.

« La déclaration de situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du magistrat, ni communicable aux tiers.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le modèle et le contenu de la déclaration, et ses modalités de dépôt de mise à jour et de conservation.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement s’inscrit dans la même veine que les amendements que j’ai défendus hier : ou je persiste dans l’erreur ou je continue d’enfoncer le clou, au choix. Au demeurant, je ne doute pas de l’avis qui sera donné.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue, la réponse sera identique à celle que la commission a émise hier sur d’autres amendements de cette nature. Je me demande d’ailleurs si vous n’aviez pas alors indiqué que vous retiriez vos amendements.

Quoi qu’il en soit, si vous ne retirez pas cet amendement, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la commission y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement vous demande également, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.

À travers cet amendement, vous prévoyez des dispositions spécifiques pour les magistrats honoraires qui exerceraient des fonctions juridictionnelles. Or le texte introduit déjà, aux alinéas 4 à 15 de l’article 21, tel que nous l’avons modifié hier, l’obligation que vous souhaitez voir instaurée, qui s’imposent évidemment aux magistrats honoraires exerçant de telles fonctions. Cet amendement est donc satisfait.

Mme la présidente. Monsieur Collombat, l'amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre-Yves Collombat. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 9 rectifié est retiré.

L'amendement n° 32, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement a pour objet de rétablir le texte initialement proposé.

Le projet de loi organique prévoit le recours à des magistrats honoraires pour exercer des fonctions juridictionnelles. Ce nouveau dispositif est strictement encadré.

En effet, le mandat des magistrats honoraires est de cinq ans non renouvelable, et ceux-ci ne peuvent exercer au-delà de soixante-douze ans.

Les magistrats honoraires exerçant ces nouvelles fonctions juridictionnelles ne seront pas comptabilisés dans les emplois de magistrats affectés dans une juridiction. Ils exerceront leurs fonctions sous forme de vacations, dont le nombre sera limité, comme c’est le cas pour les juges de proximité.

Ainsi, il n’y a pas de risque qu’ils occupent des emplois de magistrats en activité, et l’instauration d’un quota de nomination des magistrats honoraires n’est pas nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Pourquoi se priver de la compétence des magistrats expérimentés, alors que des postes sont vacants ? Pour autant, cette solution ne saurait être la panacée.

C’est la raison pour laquelle la commission a imposé une limite au nombre de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans une juridiction. Nous n’avons pas sorti cette limite de notre chapeau. Nous avons retenu la règle applicable aux magistrats placés, qui n’est pas contestée. L’effectif des magistrats honoraires doit donc rester dans la limite de un quinzième de l’effectif total, une limite, vous en conviendrez, mes chers collègues, suffisamment large pour répondre aux besoins.

À notre avis, il n’y a pas lieu de supprimer cette limite. C’est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 32 et est donc défavorable aux dispositions introduites par la commission.

M. Charles Revet. Le Gouvernement a tort !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous sais de grande sagesse, monsieur le sénateur. Aussi, je prends votre remarque pour un trait d’humour, une fois de plus ! (Sourires.)

Permettez-moi de m’attarder quelques instants sur le principe et la pratique.

Concernant le principe d’abord, c’est l’occasion de revenir sur le fonctionnement et l’organisation de la magistrature, notamment pour ce qui concerne les effectifs. Je l’ai rapidement expliqué hier, je n’y reviendrai donc pas, car je vous sais assez attentifs à l’évolution des effectifs dans la magistrature. Nous sommes passés en moyenne d’une promotion de 144 élèves magistrats à une promotion de 350. La promotion comprend 382 magistrats cette année, et elle en comptera même 482 l’année prochaine.

Ainsi, nous seulement nous remplaçons les départs à la retraite, mais nous augmentons l’effectif global de la magistrature.

Je l’ai indiqué hier, le nombre de postes vacants doit être apprécié à l’aune des postes créés, qui sont liés à ces promotions importantes. Ils seront vacants le temps de la formation de ces élèves magistrats. Je le répète, nous sommes en train, d’une part, de combler les vacances de postes et, d’autre part, d’augmenter les effectifs.

Sur le principe, en termes d’effectifs de la magistrature et d’organisation de la répartition des magistrats, on ne saurait raisonner comme si nous étions dans une situation durable de manque de magistrats.

Concernant la question pratique, vous vous êtes référé, monsieur le rapporteur, au dispositif relatif aux magistrats placés, à la nuance près – or elle est essentielle ! – que ceux-ci occupent des emplois à temps plein, alors que les magistrats honoraires exerceront des vacations. Ils ne sont donc pas comptabilisés dans le nombre d’emplois. D’où une difficulté, simplement arithmétique, à calculer le quinzième que vous envisagez d’introduire dans la loi, et, surtout, une différence de situation.

Pour toutes ces raisons et eu égard au fait que le régime est très encadré – les magistrats honoraires sont affectés à des fonctions juridictionnelles pour une durée de cinq ans maximum, avec une limite d’âge de soixante-douze ans –, je souhaite que nous en revenions au texte proposé par le Gouvernement et que la Haute Assemblée renonce à la disposition proposée par la commission.

Sans doute ne vous avons-nous pas fourni, j’en conviens sans difficulté, monsieur le rapporteur, suffisamment d’éléments éclairants pour vous permettre, en toute pertinence, d’éviter d’introduire cette disposition.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Merci de le dire si gentiment, madame la garde des sceaux ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 56, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 5, 9, 14, première phrase, 15, 16 et 19

Avant le mot :

mentionnées

insérer le mot :

juridictionnelles

II. – Alinéas 17 et 18, première phrase

Remplacer le mot :

prévues

par le mot :

mentionnées

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 31, modifié.

(L'article 31 est adopté.)

Article 31
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature
Article 32

Article additionnel après l'article 31

Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 31

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 42 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant des rémunérations accessoires, notamment les primes, sont fixées par décret en conseil des ministres. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. « Ceux qui travaillent plus doivent être récompensés par rapport à ceux qui travaillent moins. » C’est ainsi que le ministre de la justice Dominique Perben résumait, en 2003, les motivations le conduisant à mettre en œuvre une prime individuelle dite « modulable » pour les magistrats.

Depuis lors, l’adage « travailler plus pour gagner plus » a gagné le monde judiciaire.

L’article 42 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature mentionne que les magistrats perçoivent une rémunération comprenant le traitement et ses accessoires, parmi lesquels figure la prime de « rendement », dont la modularité représente aujourd’hui une part non négligeable dans la rémunération des magistrats.

Nous ne pouvons accepter une telle modularité fondée sur la production quantitative des magistrats.

De plus, ces primes sont souvent distribuées de manière non transparente et parfois discriminatoire, comme l’attestent les décisions des tribunaux administratifs prononcées à l’égard de certains magistrats.

Aussi, pour garantir l’indépendance au quotidien des magistrats, nous proposons que le montant des rémunérations accessoires, notamment les primes de rendement, soient fixées par décret en conseil des ministres, afin de pallier la modularité de celles-ci. Ainsi l’enveloppe allouée à cette prime pourrait être réintégrée dans le traitement des magistrats à parts égales pour tous.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l’ordre judiciaire a instauré trois primes : une prime forfaitaire, une prime pour travaux supplémentaires et une prime modulable attribuée en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l’institution judiciaire. La seule question qui se pose est de savoir si cette dernière prime est de nature à remettre en question l’indépendance des magistrats.

Or, dans un arrêt en date du 4 février 2005, le Conseil d’État a estimé que cette prime modulable, destinée à tenir compte de la quantité et de la qualité du travail fourni, ne porte « aucune atteinte à l’indépendance des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions ; qu’elle ne porte davantage atteinte ni au principe d’égalité ni aux obligations de délicatesse et de dignité qui s’imposent à tout magistrat en vertu de l’article 43 de l’ordonnance portant loi organique du 22 décembre 1958 ».

Cette juridiction a par ailleurs estimé que ces dispositions sont de nature « purement indemnitaire et n’ont, dès lors, pas de caractère statutaire ».

Ces dispositions ne relèvent donc pas du domaine organique. C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Pour autant que je comprenne, madame Cukierman, votre contestation porte non pas sur l’existence de la prime, puisque vous renvoyez la fixation du montant des rémunérations accessoires à un décret en conseil des ministres, mais sur les modalités d’attribution.

Convenez, madame la sénatrice, que renvoyer la détermination de cette prime à un décret en conseil des ministres serait plutôt de nature à aggraver les interrogations sur une atteinte éventuelle à l’indépendance des magistrats.

Par ailleurs, il résulte clairement de la décision du Conseil d’État dont M. le rapporteur vient de parler que ces dispositions n’ont pas leur place dans la loi organique, ayant un caractère réglementaire ; du reste, c’est bien à un décret en conseil des ministres que les auteurs de l’amendement proposent de recourir.

Enfin, il ne s’agit pas simplement de récompenser une masse de travail, dans une perspective quantitative – pour reprendre un mot que vous avez employé, madame la sénatrice. C’est la qualité qui est prise en compte, et non seulement celle du travail, mais aussi celle de la participation au fonctionnement de l’autorité judiciaire. Sans doute ce dispositif est-il particulièrement visible dans la magistrature, un corps de petite taille et spécialement exposé aux regards ; mais il faut considérer qu’il existe dans l’ensemble de la fonction publique.

Pour toutes ces raisons, mais principalement parce que la disposition proposée ne relève pas de la loi organique, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 42.