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Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union des démocrates et indépendants-Union centriste a présenté une candidature pour la commission des finances.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Bernard Delcros membre de la commission des finances, en remplacement de M. Pierre Jarlier, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

21

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 1er

Modernisation de notre système de santé

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article additionnel après l’article 1er

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 298 rectifié, présenté par Mmes Laborde, Billon, Jouanno et Gonthier-Maurin, MM. Amiel, Requier, Guérini et Castelli, Mmes Malherbe et Blondin, M. Bonnecarrère, Mmes Bouchoux et Gatel, MM. Guerriau, L. Hervé et Houpert, Mmes Jouve et Morin-Desailly et M. Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par un membre de phrase et une phrase ainsi rédigés :

ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle encourage une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les essais cliniques et thérapeutiques.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à réintégrer la mention de l’égalité entre femmes et hommes parmi les objectifs impartis à la politique de santé. En effet, l’indication d’une « réduction des inégalités sociales » qui figure dans le texte de la commission ne saurait comprendre à elle seule l’objectif d’égalité entre femmes et hommes que nous soutenons.

Le cas des maladies cardiovasculaires illustre la nécessité d’exprimer clairement cet objectif d’égalité, ces maladies étant la première cause de mortalité chez les femmes. Elles concernent aussi, contrairement aux idées reçues, les femmes jeunes : plus de 11 % des femmes victimes d’un infarctus ont moins de cinquante ans. Pourtant, selon la Fédération française de cardiologie, les femmes ne bénéficient pas d’un dépistage suffisant dans ce domaine et sont souvent prises en charge trop tard.

La législation américaine encourage le recrutement de sujets féminins pour tous les essais cliniques, dès lors qu’un projet de recherche est financé par des fonds publics. Une publication scientifique américaine récente appelle à une prise de conscience de l’importance des différences sexuelles en médecine et recommande aux scientifiques de les considérer comme un fil directeur dans le cadre de la recherche.

Cet amendement vise donc à faire prendre conscience du fait que notre médecine gagnerait à intégrer plus systématiquement la dimension des différences entre femmes et hommes, car l’égalité commence par la santé.

Tout à l’heure, par manque de temps, je n’ai pas pu expliciter la notion de lutte contre les clichés. Il faut le souligner, cette orientation n’est pas préconisée pour le seul bénéfice des femmes : il suffit de voir les progrès permis par une meilleure connaissance de la sensibilité des hommes à l’ostéoporose ou à l’anorexie. (Mme Annick Billon applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 942, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que l'égalité entre les femmes et les hommes

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est presque identique à celui que vient de présenter ma collègue. Son objet, qui vient d’être parfaitement explicité, est le même.

Il semble en effet possible de privilégier une approche de la santé prenant mieux en compte les spécificités des femmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements entendent réaffirmer l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes auquel doit tendre la politique de santé.

On ne peut bien évidemment que souscrire à cet objectif, que la commission des affaires sociales partage pleinement. Toutefois, notre droit comporte déjà des dispositions fixant ce principe. Je pense notamment à l’article 1er de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui date du mois d’août 2014. Il privilégie une approche transversale, en conférant à l’État, aux collectivités territoriales, ainsi qu’à leurs établissements publics la mission de mettre en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes, selon une approche intégrée. Ce texte leur impose également de veiller à l’évaluation de l’ensemble de leurs actions.

C’est en tenant compte de ces observations que la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. L’objectif d’égalité en matière de santé entre les femmes et les hommes est évidemment un objectif important. Il avait été inscrit à l’article 1er de ce projet de loi, mais a été supprimé par la commission.

Cela étant, la rédaction de ces deux amendements n’est pas exactement identique. Je vous demande donc, madame Laborde, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de Mme Archimbaud, sur lequel j’émets un avis favorable. En effet, vous faites explicitement référence, dans l’amendement n° 298 rectifié, à « une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les essais cliniques ». Or, si un tel objectif doit être atteint, il me paraît difficile de passer par la loi pour l’imposer.

M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 298 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 298 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’amendement n° 942.

Mme Laurence Cohen. Contrairement à ce que dit Mme la rapporteur, il est toujours nécessaire d’affirmer le besoin d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment pour ce qui concerne la santé.

Au demeurant, les explications données par Mme la ministre me conviennent : ces deux amendements se rejoignent, mais l’un est plus pertinent que l’autre.

Je formulerai simplement une réserve. Il est en effet proposé d’insérer cette mention à l’alinéa 4. Pour notre part, s’agissant de la réduction des inégalités sociales et territoriales en matière de santé, nous avions proposé de compléter l’alinéa 12, et non l’aliéna 4, qui introduit la notion de « santé au meilleur coût ». Nous avions d’ailleurs reçu le soutien de Mme la ministre s’agissant du retrait de cette mention.

Ainsi, l’amendement n° 942 ne nous paraît-il pas compléter l’alinéa approprié. Toutefois, dans la mesure où nous tenons beaucoup à cette notion d’égalité entre les femmes et les hommes en matière de santé, nous le voterons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 942.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 688, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, l’adaptation aux besoins des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Le projet de loi a pour ambition de lutter contre les inégalités en matière de santé. Permettez-moi de reprendre ce que disait notre collègue Aline Archimbaud : ce texte doit suivre un fil conducteur, celui de la bienveillance due aux malades.

Les personnes handicapées et leur famille sont concernées au premier chef par ces inégalités, l’accès à la santé n’allant pas de soi pour les personnes handicapées. L’accès aux soins est encore plus complexe lorsqu’il s’agit de personnes handicapées mentales, pour lesquelles la prévention demeure souvent inaccessible, avec une communication malaisée ou encore la non-prise en compte de l’accompagnement familial ou médico-social. Pour ces patients, les conséquences sont des ruptures dans le parcours de soins et de santé ou un parcours fractionné.

Les associations qui agissent pour la reconnaissance de ces difficultés demandent que cet article 1er prenne en compte la nécessité d’une adaptation aux besoins des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux. Elles estiment que plus de huit millions d’aidants non professionnels, souvent familiaux, jouent aujourd’hui un rôle central dans l’aide et l’accompagnement d’un proche dépendant de son entourage pour les actes de la vie quotidienne, en raison d’un handicap ou d’une maladie. Le rôle d’aidant peut avoir des retentissements graves sur la santé, qui doivent être bien pris en compte par les acteurs professionnels qui le côtoient.

Dès lors, il est nécessaire que la définition de la politique de santé prenne en compte ces spécificités, si l’on ne souhaite pas, dans les faits, exclure ces personnes d’un accès à la santé dans le système ordinaire.

Mes chers collègues, au vu de l’importance de cet amendement et à la suite du débat qui s’est tenu en commission, je demande un scrutin public.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Calvet, Charon et Houel.

L'amendement n° 164 rectifié nonies est présenté par MM. Vasselle, D. Robert, Cornu, Trillard, Cambon et Laufoaulu, Mme Deromedi, MM. Saugey, J.P. Fournier, César, B. Fournier et G. Bailly, Mme Mélot, M. Gilles, Mme Lopez, M. Dassault, Mme Gruny et M. Pointereau.

L'amendement n° 347 rectifié bis est présenté par Mme Loisier, MM. Marseille, Kern, Guerriau, Canevet, Cadic, Médevielle, L. Hervé et Maurey, Mme Gatel et M. Bockel.

L'amendement n° 543 est présenté par M. Sueur, Mmes Campion et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mme Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux. » ;

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié.

M. François Commeinhes. Parmi les différentes actions qui composent la politique de santé, redéfinies par l’amendement adopté en commission des affaires sociales, aucune mention spécifique au handicap n’apparaît. Pourtant, l’accès à la santé pour les personnes handicapées mentales ne va pas de soi. Le monde de la santé s’adapte difficilement, à la marge, à la singularité du handicap mental dans ses pathologies ou ses modes d’expression. Une prévention inaccessible, une communication malaisée ou encore la non-prise en compte de l’accompagnement familial ou médico-social sont autant de facteurs qui aboutissent à des ruptures ou à un fractionnement des parcours de soins et de santé.

Par ailleurs, plus de huit millions d’aidants non professionnels, souvent familiaux, jouent aujourd’hui un rôle central dans l’aide et l’accompagnement d’un proche dépendant de son entourage pour les actes de la vie quotidienne, en raison d’un handicap ou d’une maladie. Le rôle d’aidant peut avoir des retentissements graves sur la santé, qui doivent être bien pris en compte par les acteurs professionnels qui le côtoient.

Ne pas prévoir, dès la définition de la politique de santé, une prise en compte de ces spécificités, c’est exclure ces personnes, dans les faits, d’un accès à la santé dans le système ordinaire. Cet amendement vise donc à ce que l’ensemble de la politique de santé prenne en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux.

M. le président. L'amendement n° 164 rectifié nonies n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 347 rectifié bis.

Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement a été largement défendu. J’insisterai simplement sur les aspects liés à la prévention, soulignés par Mme la ministre au cours de son intervention liminaire.

Par cet amendement, il s’agit d’agir préventivement en faveur des personnes en situation de handicap.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour présenter l’amendement n° 543.

Mme Claire-Lise Campion. Cela a été dit, les différentes actions qui composent la politique de santé ont été redéfinies par l’amendement adopté en commission des affaires sociales. De ce fait, les mentions spécifiques aux personnes handicapées et à leurs aidants familiaux ont disparu.

Alors que l’accès à la santé est un élément fort de notre pacte républicain, ce droit, en réalité, s’étiole : l’accès à la santé des personnes handicapées est loin d’aller de soi. Cet amendement est donc essentiel, puisqu’il vise à réaffirmer que l’ensemble de la politique de santé doit prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux.

Le groupe socialiste demande également un scrutin public sur ces amendements identiques.

M. le président. L'amendement n° 280 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mme Laborde et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes handicapées. » ;

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. L’article 1er vise à définir la politique que nous souhaitons mener en matière de santé. Ayant une portée générale, il n’a pas à entrer dans un certain nombre de détails et de précisions. C’est la raison pour laquelle je l’avais voté en commission, au mois de juillet dernier, tel qu’il avait été rédigé par les rapporteurs.

Il existe malgré tout un domaine un peu particulier : celui de la prise en compte du handicap, qui constitue un chapitre important en matière de santé publique. Il est donc essentiel, compte tenu de l’extrême diversité des pathologies – handicap physique, handicap psychologique, handicap mental –, que le terme « handicap » figure à l’article 1er.

J’avais à l’origine déposé un amendement identique à celui de mes collègues, mais j’ai préféré rectifier mon amendement pour supprimer les mots « et de leurs aidants familiaux ». Le cas des aidants familiaux constitue en effet une question spécifique. Cette rédaction permettra d’englober tous les problèmes auxquels les personnes handicapées peuvent être confrontées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission est tout à fait en phase avec le problème que vous soulevez, mes chers collègues. Nous sommes nous aussi sensibles à la place des personnes handicapées dans la politique de santé.

Concernant les aidants familiaux, nous souhaiterions que vous teniez compte de ce que vient de dire notre collègue Gilbert Barbier. N’oubliez pas non plus que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement traite de cette question.

Pour notre part, nous pensons que le handicap seul doit être pris en compte à l’article 1er. C’est pourquoi je demande aux auteurs des amendements nos 688, 106 rectifié, 347 rectifié bis et 543 de se rallier à la rédaction proposée par notre collègue Gilbert Barbier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, qui ont le mérite de rétablir une petite partie, tout à fait essentielle, du texte initial, à savoir celle qui portait sur la prise en compte de la spécificité des besoins de santé des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux. On voit en effet qu’accompagner des personnes handicapées – pas seulement des personnes handicapées d’ailleurs – peut générer des difficultés de santé spécifiques.

Je prendrai donc le contre-pied de Mme la rapporteur, en demandant le retrait de l’amendement n° 280 rectifié bis de M. Barbier au profit des amendements qui mentionnent les aidants familiaux.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. La commission demande le vote par priorité de l’amendement n° 280 rectifié bis(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas démocratique !

M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je dois dire que je suis un peu étonnée par cette demande, qui me paraît disproportionnée par rapport aux enjeux. Je ne saisis pas la logique qui conduit à traiter de façon différente des amendements extrêmement proches les uns des autres.

Cela étant, je souhaite que le débat se déroule dans de bonnes conditions. Puisque M. le président de la commission des affaires sociales demande la priorité, je ne m’y oppose pas. Mais que les choses soient claires pour chacun : si l’amendement n° 280 rectifié bis est adopté, nous ferons le deuil d’une prise en charge globale des personnes handicapées et de leurs aidants. Je m’en remets donc, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat, tout en soulignant ma préférence pour les amendements plus globaux.

M. le président. La priorité est ordonnée.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 280 rectifié bis.

Mme Annie David. Alors que nous entamons tout juste la discussion des articles, qui va nous conduire à nous fréquenter assidûment pendant les jours et les nuits qui viennent, je considère cette demande de priorité comme une atteinte au débat démocratique.

Plusieurs amendements visaient à prendre en compte les personnes handicapées et leurs aidants familiaux. Leur énoncé étant plus global, ils amélioraient davantage le projet de loi. Considérer la situation des personnes handicapées tout en négligeant leurs aidants familiaux constituerait une erreur grave, voire une faute politique. Les aidants, qu’ils accompagnent le handicap ou le vieillissement, sont des femmes et des hommes qui contribuent de manière essentielle au succès de notre système de santé publique. Les mépriser de la sorte est indigne du débat que nous avons eu en commission et de celui que nous devrions avoir ici même en séance.

Cette demande de priorité n’est pas digne de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission. C’est pourquoi mon groupe votera contre l’amendement n° 280 rectifié bis, non parce que nous nous opposons à la prise en charge des personnes handicapées – chacun l’aura bien compris –, mais parce que nous pensons qu’il est injuste de dissocier les personnes handicapées de leurs aidants familiaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Le groupe écologiste n’avait pas déposé d’amendement sur ce sujet, mais nous étions solidaires de la démarche de nos collègues.

Comme cela a été rappelé, les aidants familiaux, ce sont plus de huit millions de personnes en France, des situations très douloureuses… Nous avons tous des exemples en tête ! Je suis choquée par ce procédé.

Mme Laurence Cohen. C’est un coup de force !

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. Au nom du groupe socialiste, je voudrais à mon tour dire notre étonnement, notre incompréhension et, plus encore, notre colère devant la méthode adoptée. Il s’agit vraiment d’un très mauvais coup porté au monde du handicap, en particulier à tous les aidants familiaux qui accompagnent les personnes handicapées.

Cette demande de priorité sur l’amendement le plus restrictif ne répond pas aux attentes des Français concernés. Elle est d’autant plus inacceptable et incompréhensible que nous disposions de quatre amendements émanant des différents groupes politiques de notre assemblée, soulignant à l’unisson le rôle des aidants.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Qu’est-ce qu’un aidant familial ? C’est une personne qui compte dans sa famille une personne handicapée et qui aide cette personne handicapée. Qu’on ne vienne pas me dire autre chose, je connais ce sujet mieux que personne !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Oui, je suis moi-même un aidant familial !

Mme Annie David. Nous le sommes tous !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je fais par conséquent partie de cette population normale qui aide une personne handicapée – j’ai chez moi une personne handicapée – et qui par ailleurs fait partie de la population générale, laquelle bénéficie de la loi de santé. Dans ces conditions, pourquoi mentionner dans le texte les aidants familiaux si ceux-ci sont déjà couverts par la loi de santé au titre de leur appartenance à la population générale ?

Les personnes handicapées ont toute leur place dans le texte, comme l’a dit Mme la rapporteur. Mais s’il faut inclure les aidants familiaux, pourquoi, à ce compte, ne pas intégrer les conjoints des aidants, les enfants – lorsque je ne suis pas disponible, ce sont mes enfants qui me relaient – ou d’autres personnes ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Si nos amendements ont été déposés, c’est parce que les associations de personnes handicapées que nous avons auditionnées ont fortement insisté sur la reconnaissance des aidants familiaux, qui font souvent face à une grande détresse.

Nous sommes réunis ici non pas pour parler de nos cas personnels, mais pour accompagner l’ensemble des personnes concernées par le problème du handicap. Il serait à ce titre tout à fait positif que le Sénat prenne également en compte les aidants familiaux.

Je trouvais d’ailleurs assez cavalier que la première rédaction de nos rapporteurs ne comporte pas un mot sur les personnes handicapées. Le débat en commission des affaires sociales, notamment l’intervention de Gilbert Barbier – il faut le dire –, a permis de faire bouger les lignes, ce dont je me réjouis. Reste qu’il n’a jamais été question du genre de procédé que l’on veut nous imposer ce soir. Nous assistons en réalité à une sorte de course, qui n’est pas digne des parlementaires, à qui fera voter son amendement. On en profite pour cliver sur ce sujet la droite et la gauche, afin de pouvoir dire : « c’est finalement l’amendement de M. Barbier qui est adopté ». Ce procédé politique ne me semble absolument pas correct.

Je demande que l’on cesse de fonctionner ainsi et que l’on clarifie les méthodes qui doivent prévaloir au sein de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. J’ai peu de chose à ajouter aux arguments de Mme Cohen. Nous ne sommes pas dans cet hémicycle pour évoquer nos situations particulières, si difficiles à vivre soient-elles. Les aidants jouent un rôle essentiel et nombre d’entre eux, comme en attestent les témoignages que nous avons reçus, se trouvent dans des situations de grande difficulté. C’est la raison pour laquelle des amendements ont été déposés dans les mêmes termes, toutes tendances politiques confondues.

Il est vrai que les arguments avancés en commission par notre collègue Gilbert Barbier sur un amendement qui intégrait alors la question des aidants familiaux ont permis de faire réfléchir M. Milon.

Je dénonce donc le procédé utilisé, qui augure mal de la qualité de nos débats futurs. Pour notre part, nous souhaitons une discussion constructive et sereine. Là, c’est un très mauvais coup qui est porté !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Je regrette d’être personnellement mis en cause.

M. Gilbert Barbier. Sommes-nous ici pour nous livrer pendant des heures à un affrontement bloc contre bloc ? N’est-il pas préférable de chercher en commun des solutions d’intérêt général ? C’était mon seul objectif en présentant cet amendement. Et cela ne me poserait aucun problème si Mme Cohen le sous-amendait.

J’ai simplement pris en compte ce qui a été indiqué en commission. Nous sommes tous sensibles à la question des aidants familiaux. Mais, comme l’a souligné M. Milon – c’est ce qui m’a conduit à rectifier mon amendement –, elle ne relève pas directement de la santé publique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Gilbert Barbier. Il s’agit avant tout d’un problème d’accompagnement social, ce qui n’est pas vraiment l’objet du présent projet de loi.

Au sein de la Haute Assemblée, nous souhaitons tous – nous en avons encore eu la confirmation aujourd'hui – une référence au handicap dès l’article 1er. Cela me semble nécessaire compte tenu de la spécificité du problème.

Mon intention n’est évidemment pas d’humilier qui que ce soit. Je cherche simplement une solution de consensus,…

Mme Laurence Cohen. Nous en avions déjà une !

M. Gilbert Barbier. … et je pense que nous pouvons y parvenir avec mon amendement. (M. Claude Malhuret applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. En commission, lors des débats sur l’article 1er, qui pose un cadre général, l’examen d’amendements relatifs aux personnes handicapées et aux aidants familiaux avait donné lieu à des discussions sur différents sujets, dont la perte d’autonomie. M. Barbier avait alors noté, à juste titre, que nous étions là sur une problématique tout autre que la mention explicite du handicap.

À titre personnel, j’aurais préféré qu’il soit fait référence au « handicap » plutôt qu’aux « besoins des personnes handicapées ». Une telle rédaction aurait, me semble-t-il, été plus large. Mais ce n’est pas le choix qui a été retenu. L’essentiel à mes yeux est bien de faire figurer le terme « handicap » à l’article 1er.

Je partage l’analyse de mon collègue Alain Milon. Il me paraît peu opportun de mentionner à ce stade les aidants familiaux – d’ailleurs, cela ne se limite pas forcément au handicap ; il peut s’agir aussi, par exemple, de cancers en phase terminale –, qui font partie de la population générale, car tout le monde peut être soumis aux souffrances et aux difficultés de la vie, même s’ils sont évidemment concernés de facto par un texte sur la santé.

Encore une fois, le plus important est que l’amendement de M. Barbier permette de mentionner le handicap dès l’article 1er. En l’occurrence, la compétition entre groupes politiques n’est pas de mise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)