M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’associe aux propos des précédents orateurs en souhaitant un prompt rétablissement à Mme la ministre des outre-mer.

Le projet de loi qui nous est soumis me semble opportun et pertinent, car l’adaptation des dispositions qu’il contient aux besoins des collectivités, notamment du point de vue statutaire, stabilisera leurs cadres juridiques respectifs dans chacun des domaines abordés. S’agissant en particulier de Saint-Barthélemy, je saisis cette occasion pour appeler votre attention sur quelques points qui méritent d’être améliorés afin de tirer les conséquences du changement de statut de l’île.

Vous le savez, les dispositions statutaires à proprement parler font l’objet d’une proposition de loi organique qui vient d’être examinée par l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi comporte deux dispositions majeures, qui, si elles ne relèvent pas stricto sensu du présent texte, s’inscrivent néanmoins dans une perspective de modernisation.

La première est le projet de création d’une caisse locale destinée à assurer la prise en charge administrative de la sécurité sociale, qui, vous le savez également, a été annoncé par le Président de la République lors de sa visite à Saint-Barthélemy le 8 mai dernier. Si je comprends les réticences de principe que cette disposition peut susciter, il s’agit au fond d’arbitrer entre l’unité administrative et l’adaptation pour garantir l’accès à une protection fondamentale.

L’article 4 du présent projet de loi opère, contrairement au souhait de la collectivité, un rattachement explicite de Saint-Barthélemy à la caisse de sécurité sociale de la Guadeloupe. Il tire donc les conséquences du statut mais pas de la réalité locale. La création d’une caisse locale à Saint-Barthélemy relève pourtant bien de la modernisation. Il faut savoir que, aujourd’hui, aucune présence physique de la sécurité sociale n’est assurée sur l’île, en dépit de la mise à disposition de locaux par la collectivité. Pis, toute formalité administrative complexe suppose un déplacement par avion, car le faible développement de la dématérialisation des rapports avec la caisse de Guadeloupe ne permet pas de pallier l’absence de services locaux.

Toujours sur ce sujet, la gestion distante et l’absence de contrôle effectif qui en découle conduisent à un manque à recouvrer au titre du RSI, le régime social des indépendants, évalué à plusieurs millions d’euros. C’est dire si cette question relève de la modernisation tout autant que de l’adaptation du droit au statut ; de ce dernier point de vue, Saint-Barthélemy est la seule collectivité d’outre-mer appartenant également à la catégorie des PTOM, les pays et territoires d’outre-mer, à ne pas disposer d’un régime local de prise en charge de la sécurité sociale. Autrement dit, le service minimum n’est pas assuré, et le résultat pour le citoyen est pour le moins insatisfaisant. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu que vous alliez proposer un amendement ; j’aurai l’occasion d’y revenir dans la suite du débat.

La seconde disposition majeure de la proposition de loi organique précitée a trait à une question charnière, à savoir un point de procédure. Il s’agit en effet de rendre plus efficace la procédure d’adoption des sanctions pénales fixées par la collectivité dans le cadre de sa participation aux compétences de l’État. À cet égard, je relève l’amendement du rapporteur visant à ratifier l’ordonnance du 7 mai 2014 portant dispositions pénales et de procédure pénale pour l’application du code de l’environnement de Saint-Barthélemy.

L’article 22 du projet de loi concerne également une question de procédure, même si elle se situe sur un plan moins « formel » que la précédente. En effet, dans les matières qui demeurent régies par le principe de l’identité législative, telles que l’aviation civile, l’État est bien compétent pour fixer les règles, y compris lorsqu’elles proviennent du droit dérivé de l’Union européenne. Saint-Barthélemy appartenant à la catégorie des PTOM, l’État dispose de toute latitude pour adapter ces règles. Cependant, que constatons-nous ? Les textes nous sont transférés sans la moindre adaptation. C’est ainsi que nous allons voter aujourd'hui l’application à l’aéroport de Saint-Barthélemy de dispositions prises pour des aéroports comme celui de Roissy.

Vous pourriez certes me répondre, monsieur le secrétaire d'État, que nous sommes consultés régulièrement. Le problème est que nous le sommes toujours dans l’urgence. Nous ne disposons donc pas du temps nécessaire pour assortir notre avis de propositions d’adaptation précises. Qui plus est, en l’espèce, nos échanges avec les services de l’aviation civile afin de les alerter sur les points nécessitant des adaptations n’ont manifestement pas été pris en compte dans la rédaction du projet de loi. Aussi vous remercierais-je de bien vouloir me préciser à qui appartient l’initiative de la proposition. Doit-on considérer qu’elle appartient à collectivité ? Si tel est le cas, il conviendrait de ne pas nous consulter dans l’urgence. Il faudrait trouver un modus vivendi qui nous permette de formuler nos demandes d’adaptation de la réglementation européenne dans un cadre garantissant leur prise en compte. Cela vaut également si l’initiative appartient à l’État.

S'agissant de l’aviation civile, je proposerai un amendement visant à sécuriser les critères de dérogation à la législation européenne relative aux aérodromes à usage restreint pour l’adapter aux caractéristiques de l’aérodrome de Saint-Barthélemy.

Le temps qui m’est imparti étant limité, je ne m’étendrai pas sur les dispositions relatives au foncier outre-mer. Il s’agit d’un sujet épineux et ô combien crucial pour le développement des outre-mer ; comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la délégation sénatoriale à l’outre-mer s’en est emparée. Je tiens seulement à souligner la qualité de ses travaux et à saluer le rapport récemment publié. Le texte nous donne l’occasion de traduire en dispositions législatives certaines des premières propositions formulées ; à cet égard, je relève les amendements des rapporteurs de la délégation.

J’en terminerai par quelques mots sur l’excellente initiative prise par le rapporteur de la commission des lois afin de réduire les délais d’habilitation du Gouvernement. Le recours trop fréquent – quel que soit le gouvernement – aux ordonnances pour l’adaptation des textes à l’outre-mer prive le Parlement d’un débat de fond. Il présente également l’inconvénient de retarder l’entrée en vigueur effective des textes, avec toutes les incertitudes que fait naître la période transitoire quant à l’issue de l’adaptation dans certains cas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.

M. Abdourahamane Soilihi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, la discussion de ce projet de loi nous donne l’occasion de revenir une fois de plus sur certains des nombreux problèmes qui se posent dans nos outre-mer. Loin de constituer le texte de modernisation du droit en outre-mer par excellence, il appelle quelques observations de ma part.

Premièrement, en procédant, d’une part, à la création d’un observatoire des prix à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, d’autre part, au changement du statut de LADOM, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, il nous donne l’occasion de redire quelques mots sur la vie chère à Mayotte. En effet, comme en témoignent les mesures d’urgence annoncées par le Premier ministre lors de sa visite à Mayotte il y a quinze jours, le département vit au rythme de tensions sociales permanentes. La vie est chère à Mayotte ; j’ai envie de dire qu’elle est beaucoup trop chère. Les vraies solutions résident dans la recherche d’une interconnexion très active et durable entre le secteur public et le secteur privé, qui doivent corrélativement garantir le développement économique et social du département. À terme, une telle politique permettra d’endiguer les effets dévastateurs de la vie chère à Mayotte.

Deuxièmement, la création d’un établissement public foncier est une mesure qui peut être qualifiée d’importante. Encore faut-il qu’elle soit poussée plus loin et portée au cœur des innombrables difficultés foncières que le territoire connaît de longue date. L’outil foncier pose en effet d’énormes problèmes techniques et juridiques qui ne facilitent ni le développement et l’aménagement territorial ni l’épanouissement juridique des Mahorais dans la jouissance de leur droit à la propriété. Or des pistes de solutions existent.

Vous savez sans doute, monsieur le secrétaire d’État, combien ces désagréments provoquent des blocages dans les projets et programmes opérationnels collectifs, voire dans les projets de construction des habitants de Mayotte, qui détiennent, dans leur grande majorité sans titre, des terrains bâtis ou à bâtir. En effet, la population ne comprend pas que, malgré le nouveau statut, ses conditions de vie ne s’améliorent pas et que des difficultés supplémentaires emboîtent le pas aux mesures attendues d’harmonisation dans le domaine du droit de propriété, notamment. Il faut donc poursuivre l’harmonisation du code de l’urbanisme applicable à Mayotte pour permettre la poursuite de la réforme foncière engagée avec l’élaboration du cadastre, qui n’est pas encore terminée.

Dans de telles circonstances, la mise en place des politiques foncières s’avère complexe, car les mesures prises se heurtent souvent à des objectifs parfois contradictoires, ce qui peut s’expliquer par l’intervention d’une multiplicité d’acteurs ayant parfois des objectifs divergents ou par le défaut d’informations précises sur la réalité et la qualité du foncier disponible. L’aménagement de l’espace se heurte à des contraintes et finalités parfois opposées, empêchant ainsi le développement structuré et harmonieux du territoire.

Les collectivités doivent engager des opérations de construction de logements pour offrir à tous un habitat décent, mettre en place les équipements publics nécessaires à la population, développer des parcs d’activités pour accueillir des entreprises et réaliser des infrastructures de transport pour renforcer la mobilité des habitants.

Il importe aussi de protéger les espaces naturels et les terres agricoles d’une urbanisation excessive. Les données chiffrées de l’INSEE de 2012 indiquent qu’au cours des cinq dernières années les secteurs périphériques se peuplent au détriment de la capitale Mamoudzou. Ainsi, les populations des villages côtiers de l’île sont en forte croissance, accusant une augmentation annuelle supérieure à 4,8 %, toujours d’après les chiffres de l’INSEE de 2012. La croissance démographique accélérée par l’immigration clandestine demande beaucoup plus de vigilance de la part des pouvoirs publics locaux, en concertation étroite avec les services de l’État à Mayotte.

Devant l’opportunité que représente la création d’un établissement public foncier, je plaide pour la mise en place d’une conférence territoriale, qui sera un espace de dialogue et d’échanges rassemblant tous les acteurs de l’aménagement foncier que sont les services d’aménagement des communes, celui du conseil départemental, les opérateurs d’aménagement, l’État, les géomètres-experts, ainsi que les notaires, qui apparaissent comme un chaînon manquant dans le département, et la fédération des entreprises. II s’agit d’un cadre favorisant une démarche de coélaboration et un dialogue territorial construit qui prend en considération les réalités du département et les difficultés foncières à Mayotte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis aujourd’hui pour discuter d’un texte de clarification de nombreux dispositifs juridiques s’appliquant dans nos outre-mer.

Faute de temps, j’axerai mon propos sur « la trop vieille question des cinquante pas géométriques aux Antilles, que le Gouvernement a, enfin, décidé de résoudre ». Non, mes chers collègues, je ne me trompe et vous ne rêvez pas : tels sont bien les mots que mon grand-oncle Marius Larcher utilisait dans son ouvrage intitulé La solution définitive de la question des cinquante pas géométriques aux Antilles publié en... 1949 !

Plus de soixante ans après, et malgré une abondante production législative, nous sommes encore saisis pour autoriser une quatrième prolongation des agences des cinquante pas géométriques, pour trois ans cette fois, trois ans de trop, pourrait-on dire… J’espère qu’il s’agira vraiment de la dernière prolongation. Je rappelle que ces agences ont été instituées de manière temporaire et que leurs missions devaient être reprises à terme par un établissement public foncier, qui n’a jamais vu le jour.

Depuis la dernière proposition de loi de 2013, dont j’étais l’auteur, je regrette qu’aucune avancée n’ait été enregistrée vers un accord avec les collectivités sur un dispositif pérenne de gestion de la zone des cinquante pas. J’invite donc le Gouvernement à s’engager devant nous aujourd’hui sur deux points : d’abord, sur la question de la gestion administrative des zones des cinquante pas géométriques ; ensuite, sur la question politique du transfert de la domanialité, car seule une réelle volonté politique permettra de progresser sur ce sujet.

Si les agences sont prorogées jusqu’au 31 décembre 2018, ce que je souhaite, il serait raisonnable qu’au 1er janvier de la même année les négociations soient achevées pour rendre le transfert effectif. En effet, il est plus que temps de combler ce fossé entre droit et réalité et de suivre l’évolution sociale et économique de collectivités décentralisées, compétentes tant en matière d’aménagement que de gestion foncière. Tous les problèmes rencontrés sur la zone des cinquante pas sont connus, plus que connus, et ce depuis des lustres, mais demeurent irrésolus, faute de volonté politique.

Cette bande des cinquante pas, héritage du passé, derniers oripeaux de la période coloniale que l’on sait pourtant révolue, résiste aux évolutions du temps. Les considérations qui ont justifié sa création, tenant à la défense nationale, à l’approvisionnement ou aux communications, ne peuvent plus aujourd’hui fonder la domanialité publique de cette zone. Il n’existe plus aucun obstacle à ce qu’elle appartienne au domaine public d’une collectivité, sauf à prouver que l’action de l’État serait plus efficace, ce dont nous avons été amenés à douter, avec mes collègues Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient et Joël Guerriau, lors de nos travaux menés ici et sur site pour notre rapport sur la gestion du domaine de l’État, publié la semaine dernière, et dont vous avez été destinataires.

En effet, l’efficacité et la légitimité de l’État sont contestées localement, et l’enlisement des problématiques rencontrées sur la zone des cinquante pas s’explique par une absence de pilotage et de stratégie cohérente à long terme. Cette question est par essence politique et ne peut être résolue sans que l’État laisse les collectivités territoriales prendre des responsabilités plus importantes. Le principe doit devenir l’autonomisation foncière des collectivités, ce qui suppose qu’on leur garantisse la maîtrise de la partie urbanisée et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas.

Je dois préciser qu’il est fondamental que la demande de transfert de propriété émane des collectivités et que l’État fasse un travail préparatoire avec chaque territoire, afin de ne pas tomber sur les écueils rencontrés à Saint-Martin lors du transfert, faute de préparation préalable.

Les moyens en matière d’ingénierie, de potentiel financier et les compétences en matière de développement économique et d’aménagement du territoire poussent à recommander un transfert à la collectivité régionale en Guadeloupe et à la collectivité territoriale en Martinique. Je vous invite donc, monsieur le secrétaire d’État, à bien vouloir nous assurer que le transfert sera réglé avant la fin de la mandature, dans le cadre d’une convention entre l’État et la collectivité majeure qui en fera la demande. Cette convention fixerait des modalités opérationnelles et financières précises. Je vous ai bien entendu, mais permettez-moi de formuler le vœu que les générations qui nous succéderont ne verront pas perdurer cette question et que ce verrou majeur du développement économique et social des territoires antillais sautera dans un avenir très proche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Michel Magras applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Iaorana, bienvenue à notre collègue Lana Tetuanui, et bon succès pour sa mission dans cette maison ! (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux à mon tour adresser à Mme la ministre George Pau-Langevin mes vœux les plus chaleureux de prompt rétablissement. Je souhaite qu’elle soit rapidement de retour parmi nous.

La brièveté du temps qui m’est imparti me conduit à me concentrer rapidement sur les quelques éléments les plus importants qui concernent Wallis-et-Futuna, où les possibilités d’essor économique sont peu nombreuses.

Durant les vingt dernières années, j’ai vu explorer bien des pistes pour aider au développement du territoire, de la perliculture aux fermes piscicoles, en passant par les plateformes téléphoniques, et je n’évoque là que les idées sérieuses, vous faisant grâce des tas de suggestions franchement éloignées de la réalité. Nous n’avons ni pétrole, ni diamants, ni phosphates, ni nickel, au contraire de nos voisins.

Après le mirage des nodules polymétalliques, nous avons aujourd’hui des perspectives intéressantes dans le domaine des terres rares contenues dans les fonds marins de notre zone économique exclusive, mais à quelle échéance, dans quelles conditions et pour quelles retombées ? Voilà qui reste encore aléatoire et ne se concrétisera, au mieux, qu’à moyen terme.

Si nous n’avons pas de pétrole, nous avons des idées et, surtout, nous avons l’aide de l’État, l’écoute du Gouvernement et du rapporteur Jean-Jacques Hyest, l’ami de Wallis-et-Futuna,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah oui ! (Sourires.)

M. Robert Laufoaulu. … ce qui nous est précieux pour avancer.

À ce jour, la seule vraie ressource autonome du territoire provient de notre registre d’immatriculation des navires. Le pavillon français, reconnu pour son excellence, est composé de plusieurs registres, dont celui de Mata Utu, mégalopole de 3 000 habitants, peut-être le centre du monde (Sourires.) et accessoirement chef-lieu de Wallis-et-Futuna, qui donne son nom à notre registre. Nous accueillons d’ores et déjà les navires de la Compagnie du Ponant et le Club Med, et nous avons vocation à devenir le registre français de la croisière. Je ne parlerai pas des pavillons Bahamas et Panama, battus aujourd’hui par de nombreux paquebots de croisière, notamment américains, mais que les navires de la compagnie Croisières de France battent pavillon maltais me semble regrettable.

Nous devons relever le défi de la concurrence internationale, tout en gardant l’excellence du pavillon français. À cet égard, les mesures prises dans le présent projet de loi, améliorées, je l’espère, par des amendements, vont nous y aider.

Nous comptons sur l’assistance et l’appui de l’État pour nous aider à consolider le registre de Mata Utu. Je remercie ici M. le Premier ministre et Mme la ministre des outre-mer, ainsi que leurs cabinets, de l’écoute qu’ils ont bien voulu nous accorder sur ce sujet. Le Gouvernement peut compter sur notre volontarisme pour tenter d’accroître nos ressources propres, condition indispensable à notre développement.

Nous espérons que tous que les décrets d’application permettant la mise en œuvre effective de la mesure que nous allons, je l’espère, voter seront pris rapidement. Si vous pouviez me rassurer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, je vous en serais reconnaissant.

L’autre point que je souhaite aborder au cours de cette discussion générale concerne la fonction publique. Voilà plusieurs années déjà qu’un processus a été lancé à Wallis-et-Futuna pour régler la situation des agents en service sur le territoire. Ce processus arrive enfin au bout de son cheminement législatif, ce dont je me réjouis, mais nous ne sommes pas à la fin du parcours pour autant. Aussi, nous espérons que les autres aspects seront mis en œuvre dans les meilleurs délais.

Je profite de mon intervention aujourd’hui pour faire part au Gouvernement de la très grande inquiétude de l’ensemble des élus de Wallis-et-Futuna au sujet non pas des fonctionnaires d’État ou des concours internes, évoqués aux articles 9 et 10 du projet de loi, mais de la fonction publique territoriale. Lors de la négociation du protocole de sortie de grève, voilà environ deux ans, le président de l’Assemblée territoriale a signé sur la base de chiffres fournis par le préfet administrateur supérieur, ces chiffres s’avérant tout à fait erronés. La vérité est que nous avons été induits en erreur par les représentants de l’État : alors que l’impact financier pour un alignement des deux catégories de fonctionnaires avait été évalué par eux à 4 millions de francs pacifiques, le territoire se retrouvera finalement à devoir payer 64 millions de francs pacifiques, soit plus de quinze fois plus. Comment allons-nous faire ? C’est une véritable inquiétude.

Enfin, je conclurai sur l’enseignement des langues régionales et la nécessaire extension officielle des dispositifs législatifs à Wallis-et-Futuna. Le vice-rectorat et le territoire souhaitent proposer des options au baccalauréat, et il est indispensable que la réglementation nationale soit mise en place complètement et soit respectée.

J’aurai, au cours de l’examen des articles, l’occasion de revenir plus en détail sur d’autres points. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout comme les précédents orateurs, je souhaite un bon et prompt rétablissement à notre ministre des outre-mer.

Le projet de loi a pour objet de moderniser la législation applicable dans les outre-mer, afin qu’ils puissent relever les défis auxquels ils sont confrontés. Il paraissait donc fort opportun, tant il s’avère nécessaire d’engager des réflexions sur certaines problématiques propres aux territoires ultramarins, comme la dévolution du foncier de l’État ou l’aménagement, de manière plus générale. En fait, ce texte actualise des dispositions, proroge des dispositifs transitoires, renouvelle des habilitations arrivées à échéance, mais ne modernise que très peu, en dépit des nombreux travaux de la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Le cas de la Guyane est très significatif. Ce projet de loi contient juste une régularisation statutaire de l’établissement public d’aménagement en Guyane, l’EPAG, mesure bien légère au regard d’enjeux qui sont incommensurables. Aussi m’a-t-il paru utile de déposer des amendements pour essayer d’introduire dans le projet de loi des dispositions visant à améliorer le cadre de vie de mes concitoyens de Guyane. La majeure partie d’entre eux portent sur ce que je préfère appeler une « aberration », plutôt que de parler d’une « survivance coloniale » – mais je le fais quand même. En effet, comment accepter que l’État continue de posséder encore, en 2015, 95,2 % du territoire, contre 0,3 % pour les collectivités territoriales ? Une telle situation n’existe nulle part ailleurs en France !

Le summum, c’est que l’État s’est en même temps arrogé le droit de s’exonérer de toute taxation sur ce domaine, en vertu d’un article du code général des impôts ainsi rédigé : « Dans le département de la Guyane, les travaux d’évaluation ne sont pas effectués pour les propriétés domaniales qui ne sont ni concédées, ni exploitées ». Pas de cadastre, pas d’évaluation du foncier, jugés trop coûteux, donc pas de fiscalisation des propriétés domaniales non concédées et non exploitées, c’est-à-dire la quasi-totalité du territoire guyanais ! Il reste qu’on aboutit à une remise en cause « discriminatoire » par rapport à un principe fiscal appliqué sur le reste du territoire. Il y va de même pour l’Office national des forêts, qui exploite ce domaine jugé « improductif », en tire des revenus et se trouve également exonéré de taxe sur le foncier non bâti.

De la même manière, que dire de cette résistance, de cette réticence de l’État à transférer ce foncier qu’il juge pourtant « improductif » aux collectivités, aux particuliers, aux acteurs économiques, même quand ils sont porteurs de projets d’importance pour le développement du pays, comme c’est le cas actuellement pour le grand port maritime de Guyane.

Voilà des sujets qui mériteraient d’être traités dans ce projet de loi, monsieur le secrétaire d’État. Les Guyanais comprennent de moins en moins cette « gestion jalouse et stérile » de leur territoire. Il est grand temps d’y remédier, car ils ne sauront attendre longtemps encore. La délégation à l’outre-mer du Sénat a fort bien traité la question : il serait judicieux de mettre en application ses préconisations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je remercie l’ensemble des intervenants pour la qualité de leurs exposés. Au fond, ce débat a été la meilleure démonstration que l’on puisse donner de la nécessité de ce projet de loi et de son contenu.

Dans chaque intervention, nous avons entendu des élus de terrain évoquer des préoccupations et des priorités tout à fait légitimes : ici, la question foncière ; là, la question sociale ; ailleurs, la question institutionnelle. On ne peut pas à la fois reprocher au Gouvernement de présenter un texte comportant des dispositions trop hétérogènes et constater que, au fond, il s’est attaché à répondre, point par point, aux préoccupations exprimées par les élus. Cette approche me paraît plus utile que celle qui aurait consisté à vouloir apporter une réponse absolument homogène à des situations très diverses. Il vaut mieux répondre aux attentes, qui ne sont pas seulement celles des élus, mais qui résultent des réalités de la vie quotidienne de nos concitoyens, même si in fine le texte est en apparence hétérogène, d’un point de vue juridique ou formel. L’important, pour le Gouvernement, était de répondre aux vœux de nos concitoyens et vos interventions, comme je viens de le dire, ont fait la démonstration de la nécessité de ce projet de loi.

J’ai bien noté la critique récurrente, mais tout à fait acceptable, monsieur le rapporteur, portant sur le recours aux ordonnances. Cependant, vous constatez vous-même qu’un texte de 2005 a été prolongé en 2006, en 2011 et que l’on arrivera ainsi à un total de treize années de prolongation. Compte tenu de l’histoire institutionnelle et politique de notre pays, je me permets de vous demander de partager une part du fardeau avec ce gouvernement pour répondre à votre préoccupation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vais pas, à ce stade, répondre à l’ensemble des questions que vous avez posées, car ce serait présomptueux. Nous verrons, lors de l’examen des amendements, quelles réponses le Gouvernement pourra vous apporter.

Je répondrai toutefois à une question précise posée par Mme Archimbaud sur l’arrêté relatif à la teneur en sucre des produits qui n’ont aucun équivalent en métropole. Cet arrêté a été soumis à la Commission européenne, et il sera publié avant la fin de l’année, comme Mme la ministre des outre-mer vous l’a confirmé par écrit. Cependant, la loi visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer est d’ores et déjà pleinement applicable à tous les produits qui ont un équivalent en métropole, notamment les sodas et les produits laitiers.

En réponse à la question de M. Larcher, je précise que le Gouvernement a été conduit à prolonger la durée de vie des agences des cinquante pas géométriques de trois ans dans le cadre de ce projet de loi, afin d’éviter un effet « couperet » pour toutes les personnes ayant déposé un dossier de demande de régularisation non encore traité. Le Gouvernement a entendu les propositions des parlementaires, notamment la vôtre, monsieur le sénateur, dans laquelle vous exposez votre vision de l’avenir des agences à l’issue de cette prolongation.

Le rapport de la délégation sénatoriale à l’outre-mer que vous avez évoqué formule des recommandations très précises, visant à transférer le foncier urbanisé de la bande des cinquante pas géométriques aux collectivités régionales concernées. Le Gouvernement s’associe au souhait exprimé par les parlementaires de sortir du régime d’exception de la bande des cinquante pas géométriques hérité du passé. Le temps lui a malheureusement manqué pour déposer un amendement au Sénat, mais je m’engage à ce que cela soit fait au cours de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale. Ce transfert du foncier urbanisé de la bande des cinquante pas géométriques aux conseils régionaux se fera bien entendu en étroite concertation avec les présidents des régions concernées, la Martinique et la Guadeloupe. Je tenais à vous le préciser dès maintenant, puisqu’il s’agit d’un point important de notre débat.

Je remercie tous ceux d’entre vous qui ont évoqué les références aux initiatives prises par le Gouvernement quant aux moyens accordés aux outre-mer.

Puisque l’adaptation du droit applicable aux outre-mer au droit communautaire, question fort complexe, a été évoquée, je précise qu’il appartient bien au Gouvernement d’engager la procédure au niveau européen. Vous permettrez au secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche de remarquer que cette activité doit faire l’objet d’une vigilance régulière. Il y a quelques jours, j’ai signé une lettre adressée à la Commission européenne, concernant le régime des pêches applicable à Mayotte, qui nous impose de demander des adaptations. Nous entretenons un dialogue permanent avec la Commission européenne sur ces questions. Évidemment, le Gouvernement souhaite que ces démarches soient menées en étroite relation avec les élus que vous êtes, afin que l’efficacité soit aussi au rendez-vous.

Je vous remercie enfin de vos vœux de prompt rétablissement adressés à Mme la ministre. Je les lui transmettrai, tout en lui faisant part de la qualité de notre débat, qui nous permettra d’enrichir ensemble ce texte.