M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRC d’avoir demandé la tenue de ce débat, qui porte sur un sujet essentiel.

L’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a constitué un tournant symbolique. Cette loi a changé le regard de notre pays sur le handicap. Fini, la logique d’assistanat ! La loi garantissait l’égalité de tous les citoyens et mettait en avant la nécessité d’accompagner les personnes handicapées dans leur quotidien, afin qu’elles puissent avoir un parcours de vie comme tout un chacun.

Droit à l’éducation pour tous les enfants, accès aux droits fondamentaux reconnu et simplifié, grâce par exemple à la création des maisons départementales des personnes handicapées, mise en place de l’accessibilité universelle à l’échéance de dix ans : les avancées prévues dans le texte étaient porteuses d’espoir pour les millions de personnes en situation de handicap de notre pays.

Dix ans après, cela a déjà été dit, si des progrès ont été enregistrés, force est de constater l’existence d’un important retard. Les personnes handicapées sont les premières à faire cet amer constat : selon un sondage effectué par l’IFOP au début de l’année, près d’une personne handicapée sur deux estime que son quotidien ne s’est pas amélioré depuis dix ans ; près d’un quart des personnes interrogées juge même qu’il s’est dégradé !

Dix ans après son adoption, il faut donc bien reconnaître que les objectifs fixés par la loi de 2005 sont encore loin d’être atteints. En tant que parlementaires, nous devons mesurer la gravité de la situation. Le fait qu’une loi votée voilà dix ans ne soit que très partiellement appliquée est de nature à troubler les repères républicains dans notre pays et à aggraver la méfiance de certains de nos concitoyens à l’égard de la politique en général. Il nous faut réagir !

Le retard est immense. Pour le rattraper, nous avons autorisé en juillet 2014 le Gouvernement à légiférer par ordonnances. La mise en place des agendas d’accessibilité programmée était, sur le principe, un bon moyen d’inciter à la réalisation effective des travaux de mise en accessibilité. Pourtant, les associations nous alertent, souvent avec colère, sur le contenu de ces ordonnances, qui est loin d’être satisfaisant.

La mise en accessibilité ne peut pas être vue comme une contrainte. Elle ne peut pas être perçue comme une charge financière qui empêcherait la réalisation d’autres investissements. Elle impose bien sûr de faire des choix, des arbitrages, de définir des priorités, mais elle doit être vue comme un bénéfice pour tous et comme un investissement allant de soi. La notion de « difficulté financière », servant à justifier des dérogations, « renouvelables si nécessaire », au dépôt d’Ad’AP, doit être maniée avec prudence et clairement définie. Il faut veiller à ce que les travaux de mise en accessibilité ne passent pas systématiquement après d’autres investissements qui seraient jugés plus importants.

Comment la promotion de l’égalité de tous les citoyens ne serait-elle pas la priorité dans notre république ? L’État, le Gouvernement, les pouvoirs publics, les administrations, mais aussi les acteurs économiques et sociaux en général doivent s’engager.

L’État, en particulier, doit montrer l’exemple. Pourtant, la France est régulièrement montrée du doigt pour non-respect des droits de ses citoyens en situation de handicap. Ainsi, en février, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, un prisonnier handicapé ayant été traité d’une façon jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe a encore une fois épinglé la France en raison de l’insuffisante scolarisation des enfants handicapés, en particulier des enfants autistes : 20 000 d’entre eux ne seraient pas scolarisés en milieu ordinaire, alors que cela est vivement recommandé, dès lors qu’un accompagnement adéquat est assuré.

Le droit à l’éducation, pourtant inscrit dans la loi de 2005, est d’autant plus mis à mal que l’accessibilité des établissements scolaires n’est souvent pas assurée : comment est-il possible qu’un quart des écoles construites après 2008 ne soient pas accessibles, comme l’indique une étude récente de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement ? Comment est-il possible que la plupart des lieux de formation initiale post-bac, en particulier les universités, ne soient souvent pas accessibles aux personnes en situation de handicap, alors qu’ils devraient l’être depuis plusieurs années ? Comment se fait-il que l’évolution du statut professionnel des auxiliaires de vie scolaire progresse si difficilement ?

Les effets de cette situation sont désastreux : tout cela contribue au fait que les personnes handicapées soient moins diplômées que la moyenne, 51 % d’entre elles n’ayant aucun diplôme ou seulement le BEPC, contre 31 % pour l’ensemble de la population. Leur taux de chômage est de 21 %, soit plus du double de celui de la population totale, et il ne cesse de croître dramatiquement depuis plusieurs années : il a ainsi augmenté de plus de 75 % en cinq ans.

La loi de 2005 reconnaissait enfin le principe d’égal accès aux droits fondamentaux. Je n’ai pas le temps de développer ce sujet, sur lequel il y aurait pourtant aussi beaucoup à dire.

Pourquoi, par exemple, ne pas harmoniser les plafonds de la CMU-complémentaire et de l’allocation aux adultes handicapés ? L’écart n’est que de 80 euros. La situation est paradoxale : plus une personne est handicapée, plus elle a besoin de soins constants, plus le montant de l’AAH est élevé ; mais alors, les revenus deviennent souvent supérieurs au plafond fixé pour l’octroi la CMU-C. Comment expliquer cela aux personnes concernées ?

Mes chers collègues, nous aurons l’occasion, au cours des mois à venir, de rattraper notre retard grâce à deux vecteurs législatifs : d’une part, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, que nous examinerons la semaine prochaine ; d’autre part, le projet de loi relatif à la santé, dont nous discuterons dans quelques mois. Utilisons-les pour faire avancer un certain nombre de nos propositions. L’égalité ne doit pas, ne peut pas être sans cesse remise à plus tard. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour le groupe CRC.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Dominique Watrin a présenté l’analyse globale du groupe CRC sur les effets de la loi du 11 février 2005 sur la situation des personnes en situation de handicap. Comme lui, je constate que des pas en avant ont été accomplis.

Pour autant, le chemin qu’il reste à parcourir pour que le handicap ne soit plus un obstacle à la reconnaissance pleine et entière de la citoyenneté est immense. Ce chemin est d’autant plus rude que la loi de 2005 péchait par manque de financement et que la politique actuelle de réduction des dépenses publiques, en particulier les ponctions drastiques sur les budgets des collectivités territoriales, porte atteinte aux plus défavorisés, aux plus fragiles, dont les personnes en situation de handicap.

En six minutes, je n’aurai le temps d’aborder que deux points : l’accès à l’emploi et la scolarisation.

En matière d’accès à l’emploi, le bilan des dix années passées est mauvais, puisque les salariés en situation de handicap rencontrent des difficultés spécifiques sur le marché de l’emploi : 22 % d’entre eux sont au chômage, soit un taux double de celui de l’ensemble de la population.

Comment ne pas faire nôtre cette déclaration d’une grande association : « Aujourd’hui, de nombreuses personnes en situation de handicap se trouvent en situation de précarité grandissante avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté. […] Elles ne veulent plus demeurer des citoyens de seconde zone. » Ce constat critique, mais lucide, montre bien à quelles difficultés sociales et financières considérables sont confrontées les personnes en situation de handicap et leurs familles.

L’accès à l’emploi est donc l’une des clefs de l’amélioration de cette situation toujours très difficile. La loi est pourtant claire : l’effectif total de tout employeur du secteur privé, de tout établissement public de vingt salariés ou plus doit compter au moins 6 % de personnes en situation de handicap. Or le taux réel s’établit bien en deçà de cette obligation légale, puisqu’il est de 3,1 % dans le secteur privé et de 4,6 % dans le secteur public. En effet, une autre faiblesse de la loi de 2005 était le manque de mesures de coercition en matière d’emploi des personnes en situation de handicap.

Au-delà de ces chiffres, insuffisants, se pose la question des conditions d’emploi, des statuts et des rémunérations proposés aux salariés handicapés. Sur ce point, l’heure n’est pas aux progrès, puisque le projet de loi Macron accroît les marges de manœuvre des employeurs pour se soustraire à leur obligation d’emploi de personnes handicapées.

Ainsi, l’article 93 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit que l’employeur pourra s’acquitter partiellement de cette obligation en accueillant des personnes en situation de handicap pour des périodes de « mise en situation » en milieu professionnel, la personne handicapée n’étant pas rémunérée par l’entreprise. L’article 93 bis, quant à lui, résultant de l’adoption d’un amendement présenté discrètement par M. Macron dans la nuit de samedi 14 février, dispose que les stages de découverte des métiers concernant les élèves de la cinquième à la terminale permettront eux aussi aux employeurs de s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Nous aurons dans quelques semaines un débat fort sur ce texte, notamment sur ces dispositions encore peu connues, qui me paraissent tout à fait scandaleuses : comment accepter que soient mis sur le même plan un stage scolaire d’observation et un emploi !

Ces remarques m’amènent à faire le point sur la scolarisation des enfants en situation de handicap.

L’intégration dans le milieu scolaire de ces enfants constituait l’un des grands enjeux de la loi de 2005. À la rentrée de 2014, 258 710 jeunes en situation de handicap étaient scolarisés, soit une augmentation moyenne de leur effectif de 6,3 % par an depuis 2005, supérieure à la moyenne générale.

Une augmentation d’un tiers en dix ans du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés constitue un fait positif, mais dans quelles conditions cette scolarisation s’opère-t-elle ? Beaucoup d’observateurs soulignent que, trop souvent, il s’agit d’une scolarité a minima.

La réforme engagée pour améliorer le statut des assistants de vie scolaire n’a pas été menée à son terme. La précarité de ce statut, l’insuffisance de la formation, les difficultés de recrutement ne rendent pas la situation pleinement satisfaisante aujourd’hui, tant s’en faut. Là encore, la loi de 2005 a créé un droit sans prévoir de financement. Il est temps d’engager un programme ambitieux de formation des adultes, AVS et enseignants, adaptée aux différents types de handicaps, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

En outre, les classes recevant en inclusion des enfants en situation de handicap ne devraient pas dépasser vingt élèves. Sinon, l’inclusion reste un leurre !

S’agissant des projets personnalisés de scolarisation, l’équipe éducative est rarement mobilisée en permanence : on se contente trop souvent d’une réunion en début et en fin d’année pour valider les propositions d’orientation. De plus, l’équipe éducative est souvent trop administrative.

Pour permettre une scolarisation réussie, il faut également renforcer le lien entre l’éducation nationale et les MDPH, lieux de centralisation de l’information à destination des personnes en situation de handicap. Ces dernières ont un rôle central à jouer dans le suivi de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Elles peuvent orienter parents et enfants, leur indiquer à qui s’adresser pour telle ou telle question liée à la scolarisation. Elles présentent l’avantage de suivre la personne en situation de handicap à tous les âges de sa vie et pourraient être mobilisées pour préparer le passage de l’école à la vie active. Toutefois, de grandes incertitudes planent aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, sur l’avenir des MDPH : peut-être pourrez-vous nous rassurer ?

Si les efforts en matière de scolarisation sont réels et efficaces, la question de l’avenir des jeunes en situation de handicap, passé l’âge de 16 ans, reste posée. À ce titre, l’absence de réflexion sur la professionnalisation dans le cadre des classes ULIS – unités localisées pour l’inclusion scolaire – est regrettable. À mon sens, le développement de classes ULIS « pro » en lycée devrait être envisagé, de même qu’un renforcement de l’encadrement dans les SEGPA, les sections d’enseignement général et professionnel adapté. Cela permettrait à des enfants pouvant envisager ce type de scolarité d’être mieux accueillis et de construire leur avenir.

Je tenais à aborder ces deux sujets, très liés, qui constituent, avec celui de l’accessibilité, des volets de la loi de 2005 sur lesquels d’importants efforts restent à faire. Le bilan de l’application de cette loi ambitieuse n’est pas négatif. Elle a ouvert des chemins, permis une première reconnaissance. Il faut aujourd’hui empêcher que le poids des contraintes économiques, l’austérité n’entraînent de profonds reculs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour le groupe du RDSE.

M. Gilbert Barbier. « Une société […] se juge notamment à l’attention qu’elle porte aux plus fragiles et à la place qu’elle réserve […] aux personnes qui souffrent d’un handicap. » C’est en ces termes que le Président de la République Jacques Chirac engageait, dès 2002, la réforme de la loi de 1975, qui ne répondait plus aux attentes et aux besoins des personnes handicapées et de leurs familles. Il s’agissait de renforcer notre cohésion nationale par davantage de justice et d’attention aux plus vulnérables.

La loi du 11 février 2005 a marqué un indéniable tournant pour notre société et constitué une nouvelle étape dans la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap. Je voudrais rappeler ici le travail important fourni par Paul Blanc, qui fut le rapporteur de ce texte au Sénat.

Qualifiée à l’époque d’« historique », la loi du 11 février 2005 a incontestablement permis de changer le regard de la société sur les personnes handicapées. D’importants progrès ont été réalisés en la matière. Je pense notamment à la création de la prestation de compensation du handicap, qui permet de prendre en charge les coûts liés au handicap dans la vie quotidienne. En dix ans, le budget consacré à la PCH a doublé, pour s’établir à 1,5 milliard d’euros. Certes, l’attribution reste inégale et des améliorations doivent être apportées, mais je sais, madame la secrétaire d’État, que vous souhaitez ouvrir un chantier en vue d’assurer une meilleure prise en compte des besoins en matière d’aide pour la vie domestique et une plus grande équité. C’est une bonne chose, et nous examinerons vos propositions avec attention.

La création des maisons départementales des personnes handicapées, guichets uniques pour l’accès aux droits et aux prestations, doit également être saluée. Elle a permis de mettre fin au parcours semé d’embûches que devaient suivre jusqu’alors les personnes handicapées et leurs familles. Pour autant, si la mise en place de ces lieux uniques d’accueil, d’information, d’orientation et d’évaluation des personnes handicapées constitue une véritable avancée, beaucoup s’accordent à dénoncer l’existence d’inégalités d’un département à l’autre.

Par ailleurs, comme vous l’avez rappelé lors d’un colloque organisé par la fondation Chirac le 5 février dernier, « les MDPH sont aujourd’hui beaucoup trop absorbées par leurs tâches administratives au détriment du suivi individualisé des personnes ». Il est en effet essentiel que les MDPH puissent recentrer leur activité sur l’accompagnement des personnes dans la réalisation de leur projet de vie. En mai dernier, l’Association des directeurs de maison départementale des personnes handicapées a rédigé plusieurs propositions de simplification des démarches visant à alléger leur charge de travail. Quelle suite entendez-vous donner à ces propositions ?

La loi de 2005 a également donné une véritable impulsion à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. À la rentrée de 2014, on comptait ainsi près de 260 000 élèves handicapés scolarisés dans les établissements ordinaires, contre 150 000 en 2005. Ce bilan, insuffisant peut-être, mais tout de même globalement positif, est aussi à nuancer au regard des difficultés persistantes rencontrées par certains élèves handicapés. C’est du moins ce qui ressort d’une enquête menée par le Défenseur des droits, ainsi que d’un récent rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui s’inquiète que 20 000 enfants handicapés ne soient pas scolarisés dans notre pays et encourage la France à poursuivre ses efforts afin de garantir à tous les enfants une instruction appropriée. Cela passe évidemment par l’embauche d’assistants de vie scolaire, mais aussi par une meilleure formation des enseignants au handicap.

J’en viens à la question de l’accessibilité. Cela a été maintes fois exprimé dans cet hémicycle : le délai de dix ans prévu dans la loi de 2005 était particulièrement ambitieux, mais assez peu réaliste. Lors de l’examen de la loi de 2005 par notre assemblée, j’avais d’ailleurs alerté la ministre de l’époque sur le coût considérable de cette réforme, notamment pour les collectivités locales.

Par ailleurs, comme l’a parfaitement rappelé Claire-Lise Campion dans son rapport intitulé « Réussir 2015 », la mauvaise appréciation des délais nécessaires à la réalisation des travaux, la complexité des règles et l’absence d’évaluation des coûts expliquent que l’adoption de la loi de 2005 n’ait pas été suffisamment suivie d’effet. Je comprends que les personnes handicapées, pour lesquelles le délai de dix ans était déjà très long, ne puissent se satisfaire du report de la mise en accessibilité. Pour autant, cette réforme nécessite des dépenses nouvelles auxquelles les collectivités, il faut en être conscient, ne peuvent pas faire face. Avec des budgets de plus en plus contraints, il est difficile, notamment pour les petites communes, de se mettre en conformité avec la loi.

Dans ces conditions, même si je n’apprécie pas particulièrement le recours aux ordonnances, la loi que nous avons votée l’an dernier permettra, je l’espère, d’atteindre cet objectif d’accessibilité pour tous. En effet, comme l’avait rappelé notre ancien collègue Robert Tropéano, la qualité d’une société s’apprécie notamment à sa capacité à accueillir les différences et à permettre à toute personne handicapée d’être un acteur de la vie de la cité. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, selon l’INSEE, quelque 9,6 millions de personnes sont en situation de handicap au sens large, de façon permanente ou conjoncturelle.

La politique en faveur des personnes handicapées mobilise des moyens financiers importants : près de 38 milliards d’euros en 2013, dont 14,2 milliards d’euros provenant de l’État, 15,8 milliards d’euros de la sécurité sociale, 1 milliard d’euros de la CNSA, 6,3 milliards d’euros des départements, hors transferts de la CNSA, et 0,4 milliard d’euros de l’AGEFIPH.

Malgré les très fortes tensions qui pèsent, depuis 2008, sur les finances publiques, les dépenses en matière de handicap ont non seulement pu être préservées, mais ont augmenté de 32,4 % entre 2005 et 2010, une grande partie de cette augmentation ayant été supportée par les départements.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a représenté une belle avancée sociale, particulièrement pour les plus dépendants. Elle a promu l’ambition d’une société plus accueillante, d’une société de l’inclusion, prenant en compte la personne, son projet de vie et ses besoins, ainsi que ses droits individuels, condition nécessaire à l’exercice d’une citoyenneté pleine et entière.

La loi de 1975 n’était plus adaptée. Il fallait sortir de l’assistanat, de la compassion, du cantonnement dans l’aide sociale.

La loi de 2005 affirme que doit être garanti à toute personne – y compris celle qui « ne peut exprimer seule ses besoins » – « l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens », c’est-à-dire les soins, le dépistage, la prévention, la formation scolaire et professionnelle, l’emploi, le logement, les déplacements, le tourisme, la culture, etc. C’est le principe de l’accessibilité universelle qui est invoqué, ouvrant l’accès à tout pour tous sans restriction.

Cependant, sa mise en œuvre s’est faite dans la précipitation. Une grande partie des décrets publiés en décembre 2005 étaient applicables dès le 1er janvier 2006. Les conseils généraux se souviennent des locaux à trouver, des logiciels à harmoniser, des commissions exécutives à installer en une semaine, des personnels – libres de rester ou non – à remplacer et des bénéficiaires rendus exigeants par les grandes déclarations nationales.

Les bilans montrent la réactivité des départements et le rapport de 2012 des sénatrices Claire-Lise Campion et Isabelle Debré souligne les avancées majeures permises par la loi de 2005, tout en relevant que les résultats demeurent en deçà des espoirs initialement soulevés. Il est à noter que treize décrets resteraient encore à publier à ce jour – dix ans après !

Je m’attacherai à évoquer la compensation du handicap et la scolarisation des enfants handicapés.

La loi du 11 février 2005 a introduit le droit à compensation.

La prestation de compensation du handicap, versée par le conseil général – avec une participation de plus en plus faible de la CNSA, qui ne représente plus qu’un tiers de la charge –, finance des aides humaines, techniques et animalières, l’aménagement du logement ou d’un véhicule, ainsi que des charges spécifiques ou exceptionnelles.

Les conseils généraux ont versé la prestation de compensation du handicap à 170 000 personnes en 2014, contre 89 000 en 2006.

La PCH ne remplit pas toujours l’intégralité de sa vocation. Elle ne prend pas en compte, par exemple, l’intervention humaine de soutien aux jeunes parents handicapés et à leurs enfants. Certains départements prennent toutefois cette aide en charge.

La création du guichet unique des maisons départementales des personnes handicapées constitue un réel progrès. Une équipe pluridisciplinaire évalue les besoins spécifiques et les souhaits de la personne, ce qui signifie qu’à pathologie et déficience équivalentes, la réponse apportée peut être différente.

Les MDPH ont vocation à réduire les délais d’instruction des demandes, mais l’on constate encore des lenteurs et des fonctionnements disparates selon les départements en raison d’« embolies » liées à l’augmentation du nombre des sollicitations, mais également à des lourdeurs administratives, à la transformation du droit à être reçu en obligation de recevoir… Le choc de simplification et d’efficacité administrative n’a pas forcément été au rendez-vous, et les départements ont été contraints de mettre à disposition beaucoup plus de personnel que prévu : en Ille-et-Vilaine, par exemple, nous sommes passés de trente-cinq équivalents temps plein à soixante et un.

L’association des directeurs de MDPH a formulé des propositions d’allégement des procédures, comme l’a souligné M. Barbier à l’instant. Nous souhaitons que ces propositions soient examinées avec beaucoup d’attention.

Vous avez prévu, madame la secrétaire d’État, de recentrer les MDPH sur leur mission d’accompagnement global des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Je crois que ce sera une bonne chose.

Le fonctionnement de la MDPH repose plus que jamais sur une mobilisation importante de la collectivité départementale, tant sur le plan des ressources humaines que sur celui des moyens financiers. Certains départements ont été contraints de se désengager des fonds départementaux de compensation du handicap, facultatifs certes, mais néanmoins utiles.

Un autre point fort de la loi de 2005 était l’obligation, pour le service public de l’éducation, d’accueillir les enfants en situation de handicap en milieu ordinaire. Elle a eu pour conséquence une progression très sensible du nombre des enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire : 258 710 étaient inscrits dans le premier et le second degré à la rentrée de 2014, contre 151 500 en 2005.

Ce bilan positif est toutefois à nuancer. La loi de 2005 prévoyait une étroite association des parents à la décision d’orientation de leur enfant, mais l’affectation des enfants ne coule pas de source dans de nombreux établissements, en raison d’un manque d’assistants de vie scolaire. Bien qu’en dix ans le nombre d’AVS ait plus que doublé – on en compte aujourd’hui 69 000 –, leur statut, même consolidé, demeure précaire.

Les AVS ne reçoivent pas de formation véritable sur les différentes familles de handicaps, l’approche des personnes en situation de handicap, les outils à utiliser et les méthodes à développer ; ils bénéficient tout juste d’une sensibilisation, d’une adaptation à l’emploi sur une durée de soixante heures.

L’intégration scolaire soulève quelques interrogations eu égard à ses limites : un élève qui a besoin en permanence d’un AVS à ses côtés tire-t-il un véritable profit de son intégration dans le milieu scolaire ordinaire ? Le maintien à tout prix dans un cursus ordinaire peut s’avérer, à terme, contreproductif. Il en est de même de certains adolescents maintenus en classes ULIS de lycée jusqu’à l’âge de 16 ans et qui en sortent sans solution et sans place dans le milieu spécialisé. Ces jeunes sont parfois renvoyés dans leur famille et l’un des deux parents doit alors s’arrêter de travailler. Comment introduire l’enseignement spécialisé comme une orientation adaptée, socialement acceptable pour l’enfant et ses parents ? Telle est la question qui se pose.

Que dire des surcoûts insupportables liés aux assurances exigées par les banques pour tout emprunt contracté par un handicapé voulant créer son entreprise ?

La loi du 11 février 2005 a eu le mérite de sortir la question du handicap du domaine exclusif de la santé et d’ouvrir une réflexion sur ce qu’est le handicap et sur les secteurs d’activité concernés : aménagement du territoire, scolarisation des enfants handicapés, insertion professionnelle. Assortie d’objectifs ambitieux, sa mise en œuvre se heurte à de réelles limites. Tout n’a pu être mis en place à ce jour ; il reste encore beaucoup à faire.

Nous savons pouvoir compter, madame la secrétaire d’État, sur votre engagement et votre détermination pour que le vivre-ensemble soit une réalité vécue par tous les membres d’une même société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)