M. Philippe Dallier. Nous terminons par où j’aurais souhaité que nous commencions, c'est-à-dire par la fusion des quatre départements de Paris et de la petite couronne pour créer la métropole du Grand Paris. C'eût été tellement plus simple ! La deuxième étape aurait consisté à intégrer ce nouveau département à la métropole telle que nous venons de la créer.

Notre débat me laisse un petit goût d’amertume. Bien des choses auraient été facilitées si nous avions fait cette fusion qui, tout le monde le sait ici, finira de toute manière par avoir lieu. La seule question est : quand et comment ?

Si nous avions commencé par-là, nous aurions évité cet empilement de cinq couches d’administration locale auquel nous arrivons au bout du compte : commune, territoire, département, métropole, région. On n’en doute pas, c'est une grande simplification… D’autant qu’il reste de nombreuses inconnues !

Si nous avions commencé par adopter l’amendement que je vous avais proposé il y a quelques années déjà, nous aurions fait un grand pas vers la métropole intégrée que je souhaite. Ce n’est pas le cas, et je le regrette.

Toutefois, cela ne m’empêche pas de vous proposer ce soir – peut-être pas pour la dernière fois ! – de fusionner en 2018 les quatre départements de la petite couronne pour créer un département du Grand Paris.

M. le président. L'amendement n° 994, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :

Après l’article 17 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa du I de l’article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le 1er janvier 2020, les compétences des conseils généraux de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne sont transférées à la métropole du Grand Paris. Cette nouvelle collectivité hybride est une collectivité à statut particulier telle que définie à l’article 72 de la Constitution. » 

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Cet amendement tend à aller dans le même sens que ceux qui ont été proposés par Philippe Dallier.

Il s’agit de transférer, au 1er janvier 2020, les compétences des conseils généraux de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne à la métropole du Grand Paris. Cette nouvelle collectivité serait une collectivité à statut particulier, telle qu’elle est définie à l’article 72 de la Constitution.

Il s’agit, en quelque sorte, de reproduire le modèle de Lyon, dont la métropole a repris à son compte les compétences du département du Rhône sur son territoire.

Nous devons aller dans cette direction pour construire une métropole de plus en plus intégrée. Nos concitoyens comprendraient difficilement que nous conservions cinq couches de collectivités en région parisienne, avec la commune, le conseil de territoire, le département, la métropole et la région. La simplification et l’efficacité de nos structures locales, que tous appellent de leurs vœux, passe aussi par une rationalisation.

Je sais que nombre de nos collègues qui siègent ici sont attachés aux départements. Toutefois, à la différence des autres départements de France, je crois que nous devons aller très vite vers une fusion de la métropole et des départements sur les territoires métropolitains recouvrant un seul département, comme à Marseille, ou plusieurs.

Ainsi, la métropole aura davantage de capacités pour mener des politiques sociales et redistributives et pour faire de la péréquation. En effet, si nous construisons aujourd’hui ces métropoles, c’est non seulement pour assurer une intégration métropolitaine, mais également pour tirer vers le haut les quartiers et les territoires qui concentrent aujourd'hui les difficultés sociales et économiques. Nous ne devons pas les abandonner ! Il faut les intégrer, et la métropole jouera ce rôle. Par ailleurs, la fusion avec le département renforcera cette logique métropolitaine.

Nos concitoyens comprendraient mal que, au sein de la métropole du Grand Paris, les droits sociaux soient différents selon les départements. Je ne prendrai qu’un seul exemple, faute de temps, celui du pass Navigo pour les jeunes, qui est remboursé à 50 % par la région. Dans certains départements, notamment le Val-de-Marne, le conseil général prend en charge l’autre moitié. Or tel n’est pas le cas dans mon département, les Hauts-de-Seine.

Si nous parvenons à harmoniser ces politiques sociales dans le cadre de la métropole, nous aurons, me semble-t-il, franchi un pas supplémentaire pour assurer, à la fois, une meilleure qualité de vie à nos concitoyens et une égalité entre les territoires de la métropole.

Madame la ministre, il s’agit d’un amendement d’appel. Le Gouvernement s’était engagé à réaliser une étude. Maintenant que la métropole est bien lancée, nous devons travailler à l’étape suivante, qui est celle de l’intégration des départements. Je le sais, ce ne sera pas facile, mais commençons dès maintenant, pour aboutir en 2020 !

M. le président. L'amendement n° 631, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :

Après l’article 17 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 12 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, il est inséré un article 12-… ainsi rédigé :

« Art. 12-… – Une loi, avant le 31 décembre 2019, détermine les modalités de transfert, au plus tard au 31 décembre 2020, des compétences du département du Grand Paris vers la métropole du Grand Paris. »

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Cet amendement tend à prévoir, dans une deuxième étape, l’intégration du département du Grand Paris que je propose de créer à la métropole du Grand Paris.

M. le président. L'amendement n° 996, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :

Après l’article 17 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 12 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, il est inséré un article 12-… ainsi rédigé :

« Art. 12-... – Une loi, avant le 31 décembre 2019, détermine les modalités de transfert, au plus tard, au 31 décembre 2020, des compétences des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne vers la métropole du Grand Paris. »

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 996 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 636, 994 et 631 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous pourrions discuter très longuement des évolutions proposées par les auteurs ces amendements. Tout serait ainsi réglé ce soir, pour 2019 ou 2020… Un tel vote aurait un effet médiatique certain !

M. Yves Pozzo di Borgo. Au sein du Conseil de Paris aussi ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On le voit bien, il est très difficile de faire avancer la métropole. Personnellement, j’estime qu’une évolution est envisageable s’agissant des compétences des départements de la petite couronne. On sait où vous voulez en venir, mes chers collègues : faire renaître le département de la Seine.

Dans l’immédiat, la commission a donné un avis…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. De sagesse !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, madame la ministre, défavorable ! Nous ne pouvons pas improviser. Même si Philippe Dallier a rédigé des rapports… Et avec qui, d’ailleurs ? (Sourires.)

M. Philippe Dallier. Tout seul !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mon cher collègue, vous auriez pu trouver un compère !

M. Philippe Dallier. Eh bien non…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. Kaltenbach, par exemple ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Il n’était pas encore sénateur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’avis de la commission est donc défavorable sur les trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez demandé au Gouvernement un rapport pour 2019 proposant un certain nombre d’évolutions. Il faudrait peut-être attendre de le recevoir.

Je me permets, à cette heure tardive, de formuler un commentaire qui pourra sembler inhabituel de ma part : selon moi, la proposition la plus réaliste est celle de M. Dallier, car elle paraît la plus proche des résultats que l’on peut attendre du rapport qui vous sera fourni.

En effet, il est compliqué de prendre une décision maintenant. Il est compliqué de fixer une date, pour de nombreuses raisons. Au fond, l’échéance de 2021 est la seule qui me paraisse justifiée.

Je préférerais donc que les deux premiers amendements soient retirés ; en revanche, en ce qui concerne l'amendement n° 631, je m’en remets à la sagesse du Sénat, par cohérence avec ce qui a été dit précédemment.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Malgré l’heure tardive, je veux dire que notre groupe est en désaccord complet avec les propositions de suppression des départements formulées par nos collègues Philippe Dallier et Philippe Kaltenbach.

Je rappelle que ces propositions n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact sérieuse de la part du Gouvernement, notamment pour ce qui concerne l’avenir des compétences qu’exercent aujourd'hui les départements, de manière généralement plutôt satisfaisante.

Nous reviendrions au département de la Seine de 1964. C’était il y a cinquante ans ! Pour notre part, nous n’acceptons pas ce grand bond en arrière.

Les dispositions de ces amendements procèdent d’une vision profondément rétrograde et quelque peu simpliste des problèmes auxquels nous sommes confrontés dans cette métropole, dont la gravité mérite un traitement beaucoup plus sérieux.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je veux insister sur la sagesse dont le Gouvernement devrait faire preuve sur des propositions de ce type, compte tenu, surtout, de la trajectoire qu’ont connue les projets gouvernementaux sur ces sujets depuis deux ans. (Sourires.)

Avant d’envisager la suppression de départements, il faut résoudre trois problèmes.

Premièrement, sur le plan constitutionnel, les départements sont des collectivités territoriales mentionnées par la Constitution.

Deuxièmement, sur le plan fonctionnel, il ne sera pas facile, pour les établissements publics, d’assurer, du jour au lendemain, des missions que les départements accomplissent de façon éprouvée depuis des dizaines d’années.

Troisièmement, sur le plan financier, on s’aperçoit, à mesure que l’on tire les conséquences de la suppression de la clause de compétence générale, que les départements finançaient, à ce titre, un assez large éventail de missions et que quelqu'un devra bien prendre le relais de ces différents financements.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Alain Richard. Je sais que Philippe Dallier a beaucoup travaillé sur ces sujets. Toutefois, les membres de la commission des lois peuvent témoigner de la dimension des dispositions qui ont permis de transformer la communauté urbaine de Lyon en une collectivité territoriale constitutionnellement unique. (Mme la ministre le confirme.) Au reste, il a fallu qu’une ordonnance soit édictée pour parachever le travail.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui ! Il a même fallu la corriger.

M. Alain Richard. Quand on regarde la charge administrative et bureaucratique de cette transformation et ses effets concrets au bénéfice du citoyen et du contribuable, on voit bien qu’une réflexion approfondie est nécessaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, mon explication de vote me permettra également d’évoquer l’amendement que j’avais déposé et que l’adoption de l’amendement du Gouvernement a rendu sans objet. Son dispositif était à peu près le même que celui de M. Dallier.

Madame la ministre, les propos que je vais tenir ne concernent pas votre action, parce que je sais la patience et l’esprit de concertation dont vous avez fait preuve dans l’élaboration de ce projet de loi.

Toutefois, en ce qui me concerne, ce texte ne me convient absolument pas. En effet, au nom de la modernisation, il crée un échelon territorial supplémentaire, sans en supprimer un.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Philippe Dominati. C’est une faute majeure.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non, c’est un compromis !

M. Philippe Dominati. Au cours des débats d’hier et de cet après-midi, j’ai entendu, à plusieurs reprises et dans la bouche d’orateurs de toutes les sensibilités politiques, parler du compromis que l’État aurait trouvé avec les maires, après de longues discussions, pour essayer d’avancer, pour faire en sorte que l’assemblée des territoires puisse disposer d’une version du projet.

Or l’État régalien, lorsqu’il est fort, lorsqu’il s’intéresse à la région capitale, ne fait pas de compromis. Ce compromis, c’est l’issue des dernières élections municipales qui vous oblige à le passer ! Le Gouvernement a alors été nettement battu sur ses projets municipaux, perdant, par là même, une partie de sa légitimité politique.

La région d’Île-de-France a été remodelée plusieurs fois au cours de son histoire. Sans remonter au baron Haussmann, je veux rappeler que le général de Gaulle est à l’origine d’une réforme majeure, de même que Valéry Giscard d’Estaing, qui a donné un maire à Paris et du pouvoir à des élus locaux.

Le président Sarkozy a lancé le concept du Grand Paris (Mme la ministre le confirme.), sans pouvoir aller au bout de la réflexion. Vous avez repris ce concept, et c’est heureux.

Dans l’esprit de Nicolas Sarkozy, il fallait réfléchir à la délimitation du territoire, à une gouvernance simplifiée, à une budgétisation clarifiée. Ces chantiers, il les a laissés à son successeur.

Pour ma part, je regrette que, depuis deux ans, sur un sujet aussi essentiel que le développement de la capitale, le Président de la République n’ait pas donné d’orientation précise.

D’autres débats m’avaient laissé croire que la modernisation consistait justement à supprimer des structures territoriales… Au gré des gouvernements, on nous a annoncé le démantèlement des départements, leur rétablissement, et, de nouveau, leur suppression, puis leur rétablissement. Sans être régionaliste ou départementaliste, l’idée d’une simplification m’enthousiasmait.

Or, à Paris, il y aura, au nom de la modernisation, des maires d’arrondissement, la maire de Paris, également présidente du conseil général du département, le responsable de Paris Métropole et le président du conseil régional. Et je ne parle pas de l’administration de l’État ni des instances européennes ! Cette situation est tout à fait honteuse.

Le Gouvernement est obligé de prendre une voie de compromis, qui, on le voit, ne satisfait personne dans cet hémicycle. C'est la raison pour laquelle j’avais déposé un amendement similaire à celui qu’a présenté Philippe Dallier.

Il y aura trois départements, plus le département de Paris, dans le périmètre de Paris Métropole. Franchement, le Gouvernement que vous représentez, madame la ministre, aurait dû avoir le courage de franchir un pas. Vous ne l’avez pas fait. Il faut dire que vous ne le pouviez pas, ayant été totalement balayée aux élections municipales.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce n’est pas pour cela !

M. Philippe Dominati. En outre, sur un sujet comme celui-là, il faut faire preuve de pédagogie. Il est tout à fait anormal que nous ayons reçu aussi tardivement, de la part du Gouvernement, un amendement aussi complet. Le délai pour l’examiner a été bien trop court.

Dans l’agglomération lyonnaise, par exemple, les élus de tous bords ont essayé de faire comprendre aux populations concernées ce qu’était une métropole, comment elle était créée… Ce travail n’a absolument pas été réalisé dans la région capitale.

La manière dont est conduite cette réforme, qui devrait être majeure, ne peut me donner satisfaction. Je tenais à vous le faire savoir, madame la ministre.

Votre projet est devenu tellement technocratique que les élus ont d’immenses difficultés à le comprendre. Comment le citoyen pourrait-il, demain, voir dans ce texte une modernisation ? Comment pourrait-il y voir autre chose qu’une très forte régression ?

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Philippe Dominati a souligné que le président Sarkozy avait lancé le Grand Paris. Je veux rappeler brièvement l’histoire de ce concept.

Il vient, en fait, d’un travail produit par l’OCDE selon lequel il y aurait, sur la planète, quelques grandes villes-monde – comme Paris, Tokyo et New York, mais aussi, désormais, Shanghai et quelques autres –, qui constituent des facteurs dynamiques pour le PIB de leur pays. D'ailleurs, Christian Saint-Étienne avait remis au Président de la République Nicolas Sarkozy un rapport qui exprimait bien cette idée.

Selon l’OCDE, le PIB de ces villes-monde est, en général, beaucoup plus important que celui du reste du territoire. Ainsi, le PIB de l’Île-de-France, réparti entre la capitale et les autres départements franciliens, représenterait quelque 29 % ou 30 % du PIB national. Le concept de Grand Paris est né de là.

En effet, le rapport de Christian Saint-Étienne avait bien montré qu’un des problèmes de la ville-monde formée par Paris et l’Île-de-France résidait dans le fait que l’évolution de son PIB n’était, en réalité, pas supérieure à celle du reste du pays, en raison, notamment, de la multiplication des structures.

À cet égard, je reconnais qu’il y a un point positif dans l’amendement de compromis du Gouvernement : le transfert de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, ainsi que de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, à l’horizon 2021.

D'ailleurs, sur ce point, l’amendement du Gouvernement tend à rejoindre ceux, quelque peu cavaliers, de mes collègues – héritiers, en réalité, d’une réflexion qui existe depuis longtemps au Sénat, notamment depuis le rapport Dallier.

En revanche, le fait que l’amendement du Gouvernement vise à créer de nouvelles structures me semble très négatif. Il faudra tout de même que nous arrivions à remettre en cause cet empilement, qui va encore alourdir la dynamique économique de la région Île-de-France ou, pour reprendre la terminologie de l’OCDE, de la ville-monde.

Par conséquent, je considère, comme Philippe Dominati, que cet amendement est traversé de contradictions.

Je le rappelle, j’avais été l’un des acteurs du débat sur le Grand Paris, au moment du projet de double boucle. À l’époque, nous étions plusieurs à penser qu’il fallait aller beaucoup plus vite dans la construction du Grand Paris.

Depuis lors, des rapports de force ont joué. Paris et les autres communes se sont mis d’accord pour le faire à leur façon. C’est un cheminement de compromis. On verra bien ce que l’on fera en 2017 ou en 2021.

M. Roger Karoutchi. On va déjà changer de politique ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Je l’avoue, je faisais partie des fanatiques du rapport Dallier. J’aurais aimé que l’on aille beaucoup plus vite. Toutefois, ainsi va la vie politique ! Le processus a suivi son train, permettant quand même de faire évoluer la situation.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, si j’étais désagréable,…

M. Philippe Dallier. À cette heure, ce n’est plus possible !

M. Roger Karoutchi. Mon cher collègue, je peux l’être à toute heure ! (M. Philippe Dallier s’esclaffe.)

Madame la ministre, si j’étais désagréable, je vous dirais que, si le Gouvernement a naturellement le droit d’évoluer, de changer d’avis, voire d’être erratique, il ne peut pas nous présenter un amendement de compromis sur la métropole du Grand Paris en nous disant que cette solution, au fond, ne le satisfait pas. En effet, vous ne croyez pas à ce que vous défendez devant le Parlement. Et nous, de notre côté, nous tentons de faire un pas vers le Gouvernement, mais nous ne savons plus où trouver ce dernier. Cela devient très compliqué !

On a compris que le Premier ministre et le Président de la République avaient changé cinq fois d’avis en un an – telle est la réalité. J’entends, ce soir, qu’un jour, peut-être, les départements disparaîtront.

Madame la ministre, le temps des proconsuls, qui n’avaient qu’à taper dans les mains pour que tout le monde s’agenouille, est révolu. Aujourd'hui – cela a beau être insupportable –, il faut tenir compte des réalités, écouter l’avis des élus, des populations, des citoyens … Il faut même se résoudre à ne pas passer en force, ni ici ni ailleurs !

Les élus franciliens n’ont pas le droit de n’être pas d’accord, même s’ils sont 94 % à ne pas souhaiter une fusion immédiate des départements. Ils auraient naturellement tort, n’auraient pas les compétences, ne connaîtraient pas la situation de leur commune, ne comprendraient rien… (M. Philippe Dallier s’exclame.)

Franchement, madame la ministre, un peu de mesure ! Puisque nous acceptons la métropole, puisque nous acceptons d’évoluer, nous ne devons pas avoir l’impression que le Gouvernement s’éloigne à mesure que nous avançons vers lui. Sinon, cela va devenir très compliqué… Nous avons tous besoin de cohérence. Pour trouver un accord, il faut être deux.

Au demeurant, je ne suis pas sûr que les départements auront fusionné à l’issue de la deuxième lecture…

Cela dit, je ne vois pas pourquoi les élus d’Île-de-France seraient moins respectés que les autres. On nous cite l’exemple de Lyon, mais la métropole lyonnaise s’est faite après cinquante ans d’existence de la COURLY, la communauté urbaine de Lyon ! De même, la métropole de Marseille s’est faite après des décennies de communauté urbaine.

Pour ce qui nous concerne, nous n’avons pas l’expérience du travail en commun, Paris ayant toujours considéré la banlieue comme une zone d’aménagement à son profit.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ce n’est pas vrai !

M. Roger Karoutchi. Pendant longtemps, qu’elle ait été gérée par la droite ou par la gauche, la capitale ne nous a pas traités correctement.

M. Philippe Kaltenbach. Bertrand Delanoë a complètement changé cette logique !

M. Roger Karoutchi. Aujourd'hui, on nous appelle à aller plus vite. Certes, mais prenons déjà l’habitude de travailler ensemble ! Pour commencer, avançons sur le projet de métropole. Pour ma part, je suis persuadé, cher Philippe Dallier, que le jour où la métropole se mettra en place, la dynamique interne s’enclenchera et les choses se feront.

De grâce, ne donnons pas aux gens le sentiment que l’on veut tout leur imposer. Laissons-les découvrir leur complémentarité, le fait que, ensemble, ils peuvent aller plus vite, travailler plus, travailler mieux. C’est alors que l’on obtiendra de bons résultats.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. J’ai été quelque peu surpris, madame la ministre, de vous entendre émettre un avis de sagesse sur des amendements visant à supprimer des départements.

Je puis comprendre qu’à cette heure tardive une forme de courtoisie s’installe, mais si le modèle proposé par le Gouvernement à la fin des débats consiste à supprimer les départements pour faire la métropole, il fallait nous le dire dès le départ.

Encore une fois, je comprends votre courtoisie à l’égard des auteurs de ces amendements, qui ont laissé le processus suivre son cours en ayant peut-être autre chose en tête. Toutefois, à votre avis de sagesse, j’ai envie de répondre : patience et longueur de temps.

La légitimité du département est largement remise en question en milieu urbain, c’est une évidence. Pour autant, faut-il ajouter encore de la complexité à la construction dont nous débattons, et qui prendra encore des années, en posant la question des départements ? Je ne le crois pas.

Par ailleurs, la suppression des départements de la petite couronne pose la question essentielle de la solidarité, de la péréquation, des équilibres sociaux. Il s’agit d’un vrai sujet.

Je suis élu d’un département pauvre et je constate les phénomènes de ségrégation qu’a évoqués le Premier ministre, avec des mots sans doute trop forts. Avant de réfléchir au devenir du département, c’est contre ces phénomènes qu’il faut lutter. Le voulons-nous ? C’est la seule vraie question.

Je comprends Philippe Dominati, dont la thèse est très claire. Cependant, le mot « compromis » n’est pas à bannir du vocabulaire politique, car c’est un beau mot ; le mot « accord » n’est pas à bannir non plus du vocabulaire politique, car c’est un beau mot. Que des élus de différentes tendances politiques choisissent de se réunir, même si c’est chaotique, tant mieux. À Lyon, deux grands élus sont tombés d’accord, et les autres se sont mis au carré. À Paris, c’est différent : tout le monde s’est mis d’accord, ce qui était beaucoup plus difficile.

Ne récusons pas la notion de compromis, c’est elle qui nous fait avancer et qui nous permettra, demain, de continuer à aller de l’avant.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement n’a pas déposé d’amendements visant à supprimer des départements. Nous n’avons pris aucune initiative en ce sens. Ces amendements ont été déposés par un sénateur socialiste, par M. Dominati et par M. Dallier.

Pour ma part, je pense même qu’on ne peut transférer les compétences du département à la métropole dans une période d’instabilité telle que nous la connaissons et que nous allons la connaître.

Notre démarche n’est pas anticonstitutionnelle, sinon nous n’aurions pu l’appliquer à Lyon. Nous avons longuement vérifié : ce ne serait anticonstitutionnel que si nous l’appliquions à l’ensemble du territoire.

Monsieur Dominati, j’entends vos arguments. Toutefois, ce n’est pas en raison des élections municipales que les choses ont évolué, mais à cause de deux moments importants.

À la fin de décembre 2012, Jean-Marc Ayrault a reçu l’ensemble des élus de Paris Métropole pour élaborer un projet ; certains s’en souviennent, nous ne pûmes que dresser un constat d’échec. À partir de là, le Gouvernement a proposé un texte reprenant à peu près les volontés des élus de Paris Métropole, qui n’avaient su se mettre d’accord devant le Premier ministre. Le Sénat a rejeté ce texte. Il s’agit de faits, et l’on ne peut dire que le Gouvernement ait changé d’avis. L’Assemblée nationale a ensuite proposé un second projet.

Monsieur Karoutchi, les élus d’Aix-Marseille-Provence ne sont pas tous dans la communauté urbaine créée il y a quatorze ans. Pas du tout ! Nous le savons, plus de 90 % d’entre eux ne sont pas d’accord avec la création de cette métropole que votre groupe, monsieur Karoutchi, a votée avec enthousiasme, à la suite de Jean-Claude Gaudin et d’autres élus, contre la volonté de plus de 90 % des maires de ce territoire…

Nous prenons en considération les maires d’Île-de-France, puisque ceux qui sont concernés par la métropole, regroupés dans le syndicat Paris Métropole, ont, eux, obtenu la remise en chantier de la loi. Vous ne pouvez donc pas dire que les élus d’Île-de-France ne sont pas pris en considération. Au contraire, ce sont les seuls à avoir obtenu la réécriture totale de l’article les concernant, après un accord conclu avec Manuel Valls en octobre dernier.

Si nous en sommes arrivés à cette situation, c’est parce que le Gouvernement, devant les difficultés rencontrées en dernière lecture, à l’Assemblée nationale, sur l’article 12, s’est engagé à ce que la mission de préfiguration soit coprésidée par un représentant du Gouvernement et un représentant de Paris Métropole. Nous avons même accepté – vous le savez bien, monsieur Karoutchi, vous qui avez sans doute longuement travaillé au sein de cette mission de préfiguration –, qu’elle soit portée par la représentation des élus.

Les travaux de la mission de préfiguration ont abouti à un compromis en octobre 2014. Un certain nombre de sous-amendements adoptés ce soir ne figurent d’ailleurs pas dans cet accord.

Les élus de cette métropole sont donc les seuls à avoir pu travailler en complète liberté, en ayant à leur service – j’insiste sur ce point –, des représentants de l’État, pour réaliser les simulations qu’ils souhaitaient.

Le résultat de ces travaux a été pris en compte, même si, je le répète, les dispositions d’un certain nombre d’amendements votés ce soir ne figurent pas dans le rapport des élus adopté à 94 %. Je ne puis donc laisser dire que les élus ont été maltraités dans cette affaire, alors que c’est tout le contraire.

Toutefois, j’entends ce que dit M. Dominati : c’est vrai, nous créons une couche supplémentaire. Nous en sommes parfaitement conscients. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que cela corresponde au souhait de la population tout entière… Il s’agit d’une question très complexe.

Beaucoup d’amendements ont été votés, y compris contre l’avis du Gouvernement. Le compromis comprend donc nombre de dispositions qui ne figuraient pas dans l’accord conclu à l’époque.

Je dois à M. Dallier de souligner qu’il est en accord avec lui-même depuis le début, depuis la première lecture de la loi MAPTAM, suivi en cela par quelques-uns de ses collègues.

Le Gouvernement rend donc un avis de sagesse pour montrer qu’il reconnaît l’existence de cette question – un rapport a d’ailleurs été programmé pour 2019 – et pour rendre hommage à ceux qui avaient formulé cette proposition, reprise de leurs travaux de qualité.

Il ne faut y voir ni plus ni moins que cela. Le compromis a été accepté ; il a été voté ce soir, nombre d’amendements de votre groupe, monsieur Karoutchi, ayant été adoptés. Je pense que vous en êtes satisfait, même si certains d’entre eux tendent à soulever des problèmes en matière d’habitat ou d’offices publics de l'habitat.

Je ne puis laisser dire que le Gouvernement a méprisé l’ensemble des élus concernés. Je sais que, à cette heure tardive, nous sommes tous un peu fatigués. Entendez tout de même que le compromis voté ce soir est bien le fruit du document élaboré par ces mêmes élus.