M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 96 est présenté par M. Godefroy.

L’amendement n° 348 rectifié est présenté par MM. Doligé, Cardoux, Magras, Milon, Laménie et Houel, Mme Deroche et MM. Calvet et Kennel.

L’amendement n° 846 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Les amendements nos 96 et 348 rectifié ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 846.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Une chose est de soutenir les politiques de coopération interinstitutionnelle et la mutualisation des moyens, une autre est de confier à un échelon territorial la compétence essentielle en la matière.

Christian Favier vient de le dire, avec cet article 3 bis, qui résulte d’un amendement déposé par les deux corapporteurs du projet de loi, nous nous posons la question suivante : quelle plus-value pourrions-nous dégager d’une forme de régionalisation de l’action publique en matière d’emploi ? Nous nous interrogeons d’autant plus que l’efficacité effective de la régionalisation de la formation et de l’apprentissage semble connaître quelques limites.

L’article 3 bis tend à donner aux élus régionaux une compétence nouvelle en matière de suivi de l’activité des acteurs du service public de l’emploi, un service public qui a été, d’abord et avant tout, victime de l’unification entre l’Agence nationale pour l’emploi et les ASSEDIC. Ce mariage entre une agence publique sous contrôle du ministère du travail et une structure paritaire composée des partenaires sociaux a fait la démonstration de la perte d’efficacité.

Au demeurant, le rôle central, jadis dévolu à l’ANPE, en matière de conseil et de placement des personnes privées d’emploi s’est trouvé peu à peu mis en question par l’intervention de cabinets de recrutement plus ou moins efficaces, tandis que la croissance continue du nombre des personnes privées d’emploi, la diversité de leurs situations et de leurs attentes, étaient autant de facteurs rendant toujours plus complexe l’intervention de Pôle Emploi.

Nous sommes convaincus que ce n’est pas par la régionalisation de l’action de Pôle Emploi et de ce qu’il reste de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, d’ores et déjà quasi démantelée par la décentralisation Raffarin, que nous ferons « mieux » en la matière. Avant de confier la formation et l’emploi aux régions, sans doute conviendrait-il plutôt, dans un premier temps, de faire le bilan de ce qui a déjà été engagé.

Soyons clairs : pour les personnes privées d’emploi, le fait que le même guichet serve à s’inscrire au chômage et à former un dossier d’allocation ne change pas grand-chose sur le fond.

Une statistique récente nous indiquait le mois dernier que 85 % des contrats de travail passés en France concernaient des embauches à durée déterminée d’une amplitude médiane de dix jours. De fait, le service public de l’emploi tel que nous le connaissons aujourd’hui fonctionne comme une sorte de super agence de travail intérimaire ne proposant que des contrats courts.

Est-ce apporter un « plus » aux compétences et aux fonctions des élus régionaux que de transformer ceux-ci en gestionnaires de cette précarité du travail ? Nous ne le pensons pas. C’est donc au bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l’article 3 bis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme l’a expliqué René-Paul Savary, cet article est très important et la commission des lois ainsi que la commission des affaires sociales l’ont approuvé, en souhaitant que soit franchie une nouvelle étape de la décentralisation, notamment dans le domaine de l’emploi.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement n’a pas la même position que le rapporteur sur ce sujet. Mais, dans la mesure où nous allons beaucoup avancer, je demande aux auteurs de l’amendement n° 846 de bien vouloir le retirer au profit de l’amendement n° 760 du Gouvernement, qui tend à poser un jalon sans doute excessif à leurs yeux, mais qui permet cependant d’adopter une position raisonnable à ce stade du débat.

M. le président. L’amendement n° 846 est-il maintenu ?

M. Christian Favier. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 846.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 760, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

consultation des conseils régionaux

par les mots :

concertation au sein du conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles

III. – Alinéa 8

Supprimer les mots :

et l’adaptation des conditions de mise en œuvre de ses missions à la situation de chaque région

IV. – Alinéa 10

Après les mots :

service public de l’emploi

insérer les mots :

le cas échéant,

V. – Alinéas 11, 12, 18,19 et 21 à 27

Supprimer ces alinéas.

VI. – Alinéas 28 à 39

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

8° Après le 3° de l’article L. 6123–4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sa contribution aux actions entreprises ; »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Premier ministre disait récemment, et encore cet après-midi, qu’il fallait progresser sur le sujet. Je vais vous apporter quelques éléments d’information, mais je m’étendrai moins longtemps que sur la question des financements, et j’espère que M. Delebarre me le pardonnera... (M. Michel Delebarre s’exclame.) Je souris, monsieur Delebarre.

La lutte contre le chômage est la première attente des Français à l’égard d’un gouvernement quel qu’il soit, et de celui-ci en particulier.

L’accent mis, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises et sur les engagements des branches pour la création d’emplois, dont certains, il faut le reconnaître, tardent quelque peu à se concrétiser, le renforcement des moyens de Pôle Emploi – nous créons 400 postes supplémentaires pour répondre à la demande de nos concitoyens en situation de chômage ou de recherche d’un premier emploi –, la lutte contre la précarité, la loi 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, créant, dans un contexte économique complexe, de nouveaux outils de préservation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, dont les résultats ont été meilleurs que prévu, la priorité donnée à l’insertion professionnelle des jeunes, la mise en œuvre des emplois d’avenir, le déploiement de la Garantie jeunes pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, le plan de lutte contre le décrochage scolaire : toutes ces actions de l’État sont menées avec les collectivités territoriales ; je pense, notamment, aux accords passés en matière d’apprentissage.

Le service public de l’emploi, nous en sommes tous convaincus, doit à l’évidence améliorer ses résultats concrets. Le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social partage largement cette appréciation, et il l’a dit publiquement. C’est la priorité de son ministère, en particulier au travers d’une meilleure territorialisation de ses objectifs et de son organisation, et d’une meilleure coordination des intervenants, qui sont des axes essentiels.

S’orienter, à l’inverse, vers un chamboulement institutionnel – je n’aime pas l’expression « big bang » – en pleine période de crise économique, dont nous souhaitons tous sortir, serait fort complexe. En effet, remettre en cause aujourd’hui Pôle Emploi risquerait de déstabiliser les services et les opérateurs, au moment précis où ils doivent être pleinement mobilisés. C’est pour nous une interrogation, que nous partageons au cours de nos échanges avec les personnels concernés et certains responsables de collectivités.

Pôle Emploi doit améliorer ses performances. Une feuille de route a été donnée en ce sens, et personne ne conteste cette nécessité.

La réorganisation du service public de l’emploi est récente. Comme le disait M. Gérard Larcher, qui connaît mieux que personne Pôle Emploi, très peu de temps s’est écoulé depuis sa création ! L’ANPE et les ASSEDIC représentaient deux cultures, et, nous l’avons tous vécu dans nos territoires, c’était difficile.

Lorsqu’on réfléchit aux services qui pourraient être décentralisés, ceux-ci se trouvent toujours dans le bloc ANPE et jamais dans le bloc ASSEDIC, par respect des partenaires sociaux, patronaux et salariés, qui ont réagi de conserve à ces propositions. C’est donc une difficulté supplémentaire.

Des avancées sont possibles, bien évidemment. Le Gouvernement propose d’ores et déjà de renforcer la présence des régions au sein du conseil d’administration de Pôle Emploi. Il faut les associer plus fortement au pilotage des opérateurs du service public de l’emploi, au titre de leurs compétences en matière d’orientation et de formation professionnelle.

Il faut également supprimer la convention entre Pôle Emploi et le préfet de région pour affirmer le rôle central des conventions régionales de coordination conclues entre l’État, la région et les opérateurs, comme levier d’adaptation territoriale du service public de l’emploi. Cette avancée n’est pas mince, chacun le sait.

Le caractère opérationnel de ces conventions, qui doivent désormais fixer les moyens engagés par chaque signataire pour leur mise en œuvre, est par ailleurs renforcé.

Vous le savez, le Gouvernement est ouvert à des évolutions qui iraient au-delà de ce qu’il préconise dans son amendement, dès lors que l’unité de Pôle Emploi et sa gouvernance, nationale et locale, ne sont pas remises en cause.

M. Bruno Retailleau. Ce qui est le cas !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui, donc, à un rôle plus affirmé de la région !

Nous devrons, au cours du débat parlementaire, approfondir la réflexion sur la recherche de la bonne solution, notamment grâce à l’éclairage apporté par les travaux en cours, pilotés par Thierry Mandon, sur la revue des missions de l’État.

Plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes, parmi lesquelles figure un nouveau pilotage du service public de l’emploi.

L’élément nouveau apporté par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, c’est la création – très récente, donc – des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP, qui ont pour but de mettre un terme à la dichotomie qui existait jusqu’alors dans les régions entre le volet formation professionnelle et le volet emploi. Ils ont pour mission d’assurer la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi, et la cohérence des programmes de formation dans la région.

Tout cela étant très récent, nous n’avons pas encore de retour sur l’efficacité de cette disposition.

Le Gouvernement propose de gérer le service public de l’emploi avec une co-présidence État-région – elle fait problème, mais nous allons en discuter – comme une sous-commission du CREFOP chargée d’établir une stratégie régionale de l’emploi.

Cette structure ad hoc État-région pourrait répondre à la nécessité d’une meilleure stratégie régionale de l’emploi.

En envisageant un rôle de chef de file des régions pour les politiques de l’emploi, à l’exception des missions de l’État et de Pôle Emploi, on leur permettrait de lancer des conventions d’exercice concerté de cette compétence entre collectivités. Cela faciliterait le quadrilogue de ces collectivités avec l’État, Pôle Emploi et les partenaires sociaux.

Il faut approfondir la réflexion sur une intégration plus complète des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle.

Il faut en particulier poser la question des actions : soutien aux missions hors contrats aidés, soutien aux maisons de l’emploi, soutien aux PME en matière de mise en œuvre au niveau régional du pacte de responsabilité, bien sûr, gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des – GPEC –, soutien à la validation des acquis de l’expérience – VAE – dans les centres agrées et en matière de prévention et d’accompagnement des mutations économiques – à cet égard, quelques expériences ont été menées et ont donné des résultats intéressants, y compris dans une région que je connais bien et qui a malheureusement subi un traumatisme important –, cellule d’appui à la sécurisation professionnelle – c’est un sujet de coordination aussi –, soutien à la création d’entreprises bien évidemment.

Sur cette ligne, le Gouvernement sera ouvert aux propositions d’amélioration du projet de loi qui pourraient être faites, notamment lors de la navette parlementaire – sans doute beaucoup lors de la navette parlementaire –, laquelle devrait également permettre d’intégrer les conclusions de la revue des missions de l’État territorial qui seront présentées le mois prochain concernant l’action des services déconcentrés en matière de soutien au développement de l’emploi. Des ateliers de consultation locale ont été spécifiquement mis en place, auxquels vous avez d’ailleurs participé, les uns et les autres.

Voilà résumé l’état de la réflexion gouvernementale de l’ouverture, ouverture qui doit nous conduire, dans le cadre des deux lectures, à trouver la meilleure solution possible. Je le répète : bouleverser Pôle emploi aujourd'hui constituerait sans doute un problème majeur.

Nous commenterons un certain nombre de propositions ayant d’ores et déjà été faites et nous veillerons à avancer, à provoquer un véritable échange entre la majorité et l’opposition, au cours des deux lectures du texte, au Sénat et à l’Assemblée nationale, afin de faire émerger une solution permettant d’accroître l’efficacité des systèmes mis en place, au bénéfice de nos concitoyens.

Des questions demeurent. Nous avons ainsi demandé à rencontrer l’Association des maires de France concernant les missions locales.

Nous apprécions le travail de la commission et du Sénat dans son ensemble. Je pense donc que, en faisant preuve d’optimisme, comme d’habitude, mais surtout en étant très raisonnables, nous serons en mesure de réaliser un net progrès, grâce aux propositions de la Haute Assemblée.

M. le président. L'amendement n° 727, présenté par M. Jarlier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

Les communes

Insérer les mots :

et leurs groupements

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Le texte de la commission des lois précise que les communes peuvent concourir au service public de l’emploi. Or, localement, ce sont souvent les intercommunalités qui sont aujourd'hui à l’origine de l’ouverture de maisons de services au public, lesquelles peuvent proposer des services liés à l’emploi ou à l’insertion, pour ne citer que ces exemples.

Cet amendement tend donc à préciser que les groupements de communes peuvent aussi concourir au service public de l’emploi au même titre que leurs communes membres.

M. le président. L'amendement n° 943, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

communes

insérer les mots :

et intercommunalités

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 944, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas. 

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1028, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 25, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et par un représentant des organisations syndicales de salariés ou des organisations professionnelles d’employeurs

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à confier la vice-présidence du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CREFOP, outre au préfet de région, à un représentant des syndicats de salariés ou des organisations patronales.

L’article 3 bis confie en effet la présidence du CREFOP au président du conseil régional, en vue d’assurer la coordination des intervenants du service public de l’emploi. Actuellement, le CREFOP est présidé par le préfet de région, la vice-présidence étant généralement assurée en pratique par un représentant des salariés ou des employeurs. Il s’agit donc de conserver cette vice-présidence, en prévoyant deux vice-présidences au sein du CREFOP.

M. le président. L'amendement n° 945, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après le mot :

avec

insérer les mots :

le représentant de l'État dans la région,

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 677, présenté par MM. Cazeau et Tourenne, Mme Perol-Dumont, MM. Madrelle et Daudigny, Mmes Bataille et Claireaux et MM. Cornano, Miquel, Cabanel et Courteau, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Compléter cet alinéa par les mots :

après concertation des présidents de conseils départementaux concernés

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, j’éprouve quelque pudeur à présenter cet amendement, car chaque fois que je parle du département à ce stade de l’examen du projet de loi, je me fais systématiquement renvoyer dans mes 22. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non ! Le département connaîtra son moment de gloire plus tard. Cela va venir…

M. Bernard Cazeau. Cet amendement porte sur l’emploi des personnes handicapées.

Ne croyez pas, monsieur le rapporteur, que je conteste la compétence régionale en ce domaine, mais, compte tenu du fait que le département a lui aussi des compétences en la matière – il s’occupe des ressources des personnes handicapées, à travers la prestation de compensation du handicap, la PCH, mais aussi de la recherche d’emploi et de l’insertion d’un certain nombre d’entre elles, à savoir celles qui peuvent travailler –, il serait intéressant – j’y mets les formes – qu’une concertation puisse avoir lieu sur ces sujets entre la région et l’exécutif départemental.

M. le président. L'amendement n° 946, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

Alinéa 32

Après les mots :

les maisons de l'emploi

insérer les mots :

, les plans locaux pour l'insertion et l'emploi,

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 947, présenté par MM. Husson et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

Alinéa 33

1° Remplacer le mot :

mobilise

par le mot :

travaille

2° Après le mot :

coordonnée

insérer le mot :

avec

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 760, 727 et 677 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement du Gouvernement reconnaît la pertinence de la question posée par la commission : comment confier aux régions de nouvelles responsabilités en matière d’emploi, dans le cadre de nouvelles mesures de décentralisation ? Cela s’appelle la captatio benevolentiae !

Pour autant, il veut en supprimer l’essentiel pour s’en tenir simplement à une meilleure association des régions à la politique nationale de l’emploi, avec un siège pour l’ARF, l’Association des régions de France, au sein du conseil d’administration de Pôle emploi – bel effort ! – et une concertation au sein du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, auquel les régions participent, avant la signature de la convention nationale entre l’État, Pôle emploi et l’UNEDIC.

Il faut souligner l’effort du Gouvernement, même s’il est extrêmement modeste comparé à l’intention qui était la nôtre, laquelle, il faut bien le reconnaître, n’était pourtant pas démesurée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’était pas du tout question que les régions prennent en charge l’accompagnement vers l’emploi de Pôle emploi, encore moins les indemnisations, bien sûr. Nous souhaitions simplement une concertation avec les régions.

Peut-être pourrions-nous accepter telle ou telle modification particulière de l’article 3 bis, qui n’est pas parfait, mais en aucun cas nous ne voterons en bloc toutes les modifications qui nous sont proposées, car elles n’ont pas de sens. Franchement, on se ridiculise !

Laissons plutôt la navette affiner cette question...

J’indique par ailleurs qu’une expérimentation du transfert aux régions de la compétence en matière de service public de l’emploi et des crédits correspondants de l’État avait été très fortement envisagée par des ministres, lesquels n’ont ensuite rien proposé.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Une expérimentation est toujours possible.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Gouvernement n’a pas proposé d’amendement dans ce sens. Pour notre part, nous en avions déposé un, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pas par nous !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si le Gouvernement avait déposé un amendement, nous l’aurions examiné avec soin, et sans doute l’aurions-nous adopté. Tel n’ayant pas été le cas, nous en avons proposé un visant à permettre une expérimentation, mais, je le répète, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, à raison d’ailleurs s’agissant d’une initiative parlementaire.

Pour tous ces motifs, madame la ministre, c’est avec beaucoup de regrets que j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

En revanche, je suis favorable à l’amendement de M. Jarlier, car il est vrai que les intercommunalités sont extrêmement actives en matière d’accompagnement vers l’emploi.

M. Bruno Sido. Comme chacun le sait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il va donc de soi qu’elles doivent être associées.

L’amendement de M. Cazeau tend à prévoir que les conventions conclues par la région avec les différents intervenants du service public de l’emploi, dont Cap Emploi, chargé de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, donnent lieu à une concertation préalable avec les présidents des conseils généraux de la région.

Une telle disposition n’est pas prévue actuellement par le code du travail, même si la région est concernée. Si cet amendement était adopté, nous ferions donc une innovation.

En outre, l’amendement vise un domaine très particulier, mais son dispositif ne fait pas de distinction et s’applique à toutes les conventions. Peut-être faudrait-il le retravailler et proposer une nouvelle rédaction ?

C’est vrai que le département a une responsabilité vis-à-vis des personnes handicapées, dont il s’occupe du retour vers l’emploi, mais votre amendement est trop général, mon cher collègue, pour que la commission des lois puisse émettre un avis favorable, même si nous voyons bien qu’il y a un problème en ce qui concerne l’accès au travail des handicapés.

J’ajoute, monsieur Cazeau, que si nous n’avons pas beaucoup évoqué le département cette semaine…

Mme Nicole Bricq. Mais on n’arrête pas d’en parler !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … nous en parlerons beaucoup, beaucoup, beaucoup la semaine prochaine.

M. Bernard Cazeau. Je l’espère !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement ne peut évidemment qu’être défavorable aux amendements autres que le sien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Comme l’a fait remarquer M. le rapporteur, la proposition de la commission est extrêmement modeste. Il s’agit de transférer non pas la compétence emploi, mais la gestion du service public de l’emploi. Si ma mémoire est bonne, cette idée est évoquée ici depuis de nombreuses années. La première fois qu’il en a explicitement été question, ce fut dans le rapport Belot, qui a entraîné ensuite la création du conseiller territorial.

La logique voudrait que, en confiant toute la problématique de l’emploi, notamment la formation, à la région, on lui confie aussi la compétence en matière de retour à l’emploi.

On se dit toujours que les autres font mieux que nous. À cet égard, j’évoquerai un exemple intéressant, celui du Danemark. En matière de flexisécurité et de retour à l’emploi, ce petit pays est assez intéressant. Il a décentralisé le service de l’emploi et la gestion du retour à l’emploi non pas à la région, ce niveau ayant été supprimé, mais aux communes. Dans un petit pays, c’est faisable.

Il me semble donc que le problème du retour à l’emploi n’est pas seulement d’ordre administratif. C’est aussi un problème de formation, de modifications des formations, de flexibilité dans les formations. Il importe de connaître les besoins locaux pour faire véritablement baisser le chômage. Je ne vois pas pourquoi l’État devrait se préoccuper de cette question. Que l’État arbitre, encadre, fasse les textes, dise ce qu’il ne faut pas faire, oui, mais c’est bien sur le terrain que s’organisera le retour à l’emploi.

Ce qui me frappe dans nos débats, c’est qu’on a l’impression que nous ne faisons face qu’à un problème de gestion administrative. Il faudrait sortir de cette logique – il m’est un peu curieux de m’entendre dire cela car je ne suis plutôt pas trop porté sur ce genre de choses. C’est à l’échelon local que l’on a quelque chance de faciliter le retour à l’emploi, d’organiser une certaine fluidité.

Eh bien non ! Cette proposition est accueillie comme le scandale des scandales ! Alors que l’on cherche à transférer d’une collectivité à une autre des compétences qui, ma foi, ne sont pas si mal exercées, on avance avec d’infinies précautions dans ce domaine, dans lequel on pourrait pourtant véritablement innover.

À ce titre, les propositions de la commission visant à améliorer les choses ne doivent être entendues que comme un premier pas. Nous restons vraiment loin du compte.

Je suis très étonné de cette réticence de l’État devant de modestes innovations qui, à mon goût, devraient déboucher sur d’autres progrès beaucoup plus importants, et plus logiques encore. C’est à la région de se charger de l’animation économique et ce qui l’accompagne, c'est-à-dire l’emploi et la formation !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je voudrais dire d’abord un mot de l’amendement n° 677 de notre collègue Bernard Cazeau. Comme l’indiquait Jean-Jacques Hyest, sa rédaction est sans doute trop générale mais il présente tout de même de l’intérêt.

Dans tous nos départements, il existe des plans départementaux d’insertion, chacun d’entre eux portant une attention toute particulière à l’emploi des handicapés, dont vous savez qu’ils sont en proportion deux fois plus concernés par le chômage que le reste de la population. Ces personnes ont besoin d’un accompagnement beaucoup plus soutenu et personnalisé, comme les professionnels concernés.

Je n’ai pas le pouvoir de réécrire ni de sous-amender la proposition du sénateur Cazeau, mais il faudra l’approfondir durant la navette.

En ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, et cet article, je veux dire de la façon la plus solennelle que j’ai entendu moi aussi le souhait du Premier ministre de trouver un accord entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement.

Madame la ministre, un tel accord ne sera pas possible si trois marqueurs auxquels nous tenons tout particulièrement ne sont pas clairement assumés et acceptés par le Gouvernement.

Le premier, nous y viendrons très rapidement, c’est la clarification des compétences avec le principe de subsidiarité. Nous voulons des régions agiles, des collectivités de projet et non pas de gestion. Il nous semble absolument incohérent d’embarrasser les grandes régions avec des compétences du quotidien.

Nous ne voulons pas, ensuite, d’une France napoléonienne, que vous passeriez sous la toise uniforme de la loi du nombre, de la règle des 20 000. C’est notre deuxième marqueur. Nous serons très attentifs à cette prise en compte de la diversité, car, encore une fois, la modernité, c’est la diversité.

Enfin, le Sénat a souhaité un texte audacieux. Je salue de nouveau les efforts de la commission des finances sur ce texte. Depuis trente ans et les lois Defferre, c’est le premier texte qui ne comportait pas de transfert de compétences décentralisées de l’État vers les collectivités, alors même que cela devrait faire partie de votre patrimoine génétique. Nous avons souhaité présenter un texte plus audacieux que celui du Gouvernement et proposer, par souci de cohérence mais aussi d’efficacité, que les régions puissent avoir une part dans la compétence de l’emploi. Tel est notre troisième marqueur.

C’est une question de cohérence. Nous avons suffisamment évoqué l’article 2 pour répéter que la légitimité économique accordée aux régions nous paraît absolument capitale. Or qu’est-ce que l’économie, si elle ne vise pas à développer l’emploi, au moment où la France connaît ce chômage endémique ?

C’est également une question de légitimité et d’efficacité, dans la mesure où les régions sont déjà au cœur de la formation professionnelle. Elles le sont toutefois incomplètement, et nous vous proposerons des dispositifs pour qu’elles acquièrent la quasi-plénitude de cette compétence de formation professionnelle. Tout cela fait sens, c’est évident.

Malheureusement, Jean-Jacques Hyest l’a très bien dit, votre texte vise à ôter la substance du travail de la commission, qui a d’ailleurs été très consensuel, bien au-delà de la famille que nous représentons, qu’il s’agisse de l’UMP ou de nos amis et collègues du Centre.

Nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement, par logique et par cohérence avec un de nos marqueurs fondamentaux. Nous souhaitons que ce texte ne vise pas à seulement réorganiser des compétences entre les niveaux de collectivités, mais envoie un signal de décentralisation.

Si l’État, au-delà des gouvernements, avait réussi dans cette mission de l’emploi, cela se saurait ! Essayons de mieux territorialiser pour prendre en compte la diversité économique de nos territoires. Confions aux régions cette mission de coordination de tous les acteurs du grand service public de l’emploi ! Vous verrez alors que l’emploi ne s’en portera que mieux. Osons ! Ayons de l’audace ! C’est, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce que nous vous demandons en cet instant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)