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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.

Je rappelle également que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je veillerai à ce que les temps de parole soient strictement respectés, afin que chacun puisse s’exprimer et bénéficier de la retransmission. Je serai sans faiblesse à cet égard !

l'école de la république dans le cadre des événements actuels

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour le groupe CRC.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a une semaine, dix-sept de nos concitoyens ont été assassinés lors d’actes terroristes perpétrés durant trois jours, du siège de Charlie Hebdo au magasin Hyper Casher. Au travers de ces actes, ce sont les fondements de notre République et ses valeurs qui sont visés, la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité.

En réaction, une mobilisation citoyenne historique est apparue. Elle appelle désormais la République à l’action. L’urgence est de lutter contre l’ignorance, de se battre contre tout rétrécissement de la pensée.

Pour cela, quelle meilleure arme que la culture, et quel meilleur lieu que l’école de la République pour diffuser la culture ? N’est-ce pas à l’école que l’on étudie Beaumarchais ? Repensons à ces mots de Figaro : « Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en gêne le cours, que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur; et qu’il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. »

Certes, l’école ne peut pas tout, mais elle peut beaucoup. Il faut la transformer pour qu’elle devienne réellement émancipatrice, forme des citoyens, développe l’esprit critique, transmette des valeurs républicaines. Notre école doit être fondée sur le principe que tous les élèves sont capables d’apprendre et de réussir ; elle doit lutter contre l’échec scolaire, permettre à tous les jeunes laissés sur le bord du chemin de retrouver du sens à la République, quels que soient leur origine et leur milieu social.

Il faut donc se poser, dès à présent, dans le cadre de l’élaboration d’une loi de finances rectificative, la question des ressources dont disposent l’école et les enseignants.

Les enseignants sont au cœur du dispositif. Ils ne doivent pas être démunis. Leur formation initiale et continue est fondamentale. Je vous le redis, il faut organiser un plan pluriannuel de recrutement ambitieux, en mettant en place de véritables pré-recrutements.

Les enseignants ne doivent pas non plus être seuls. Leur travail doit pouvoir s’articuler de façon pérenne avec celui des acteurs et des actrices de la culture et de la création, dans le temps de l’école.

Cette école-là, madame la ministre, n’existe pas assez. Pour la mettre en place, les derniers budgets de l’école et de la culture ne sont, à l’évidence, pas suffisants. C’est pourquoi nous demandons maintenant des mesures d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je voudrais d’abord rendre hommage aux enseignants, dont vous avez évoqué le rôle essentiel. Ils ont été en première ligne ces derniers jours et ils continueront de l’être, dans la mesure où, comme vous l’avez dit, ce sont les valeurs fondamentales de notre République qui ont été attaquées la semaine dernière. Or ces valeurs fondent l’identité et la mission de l’école.

Les enseignants ont dès les premières heures pleinement pris conscience du rôle qu’ils avaient à jouer, et je veux les remercier d’avoir fait en sorte, malgré quelques incidents que nous condamnons fermement, de faire respecter une minute de silence et de discuter avec leurs classes. On le sait, ce n’est pas un exercice facile ; je veux le redire ici. Il n’est pas simple, pour un enseignant, de trouver les mots, les contre-arguments à opposer aux théories de la haine, aux explications simplistes ou « complotistes » qui circulent sur internet et dont sont abreuvés nos jeunes. Il n’est pas simple non plus, pour les enseignants, d’apprendre à leurs élèves à vivre ensemble, de leur parler des valeurs de la République alors que certains d’entre eux ne font pas même l’expérience de la mixité sociale. Il n’est pas simple non plus pour eux d’invoquer l’autorité de l’école lorsque cette dernière est si souvent mise en cause dans notre propre société.

C’est pour cela que l’école ne peut pas tout, toute seule. Cependant, elle peut beaucoup, et elle peut mieux faire. Nous devons faire preuve de lucidité pour améliorer le fonctionnement de notre institution scolaire. Celle-ci peut en particulier mieux remplir sa mission de transmission des connaissances, laquelle constitue le meilleur moyen de lutte contre l’obscurantisme. Élever le niveau de nos élèves doit être l’un de nos objectifs prioritaires.

L’école peut mieux lutter contre les inégalités sociales, qui, en se transformant en inégalités scolaires, minent le pacte républicain. Ces inégalités sociales font de nos valeurs républicaines une espèce de langue morte pour beaucoup de jeunes. Nous avons commencé à nous atteler à cette tâche, et nous sommes déterminés à faire davantage.

L’école peut et doit mieux transmettre les valeurs républicaines, pas simplement par un apprentissage théorique, mais aussi par une mise en pratique. L’éducation morale et civique est nécessaire, et nous l’introduirons à la rentrée prochaine, de l’école primaire jusqu’à la fin du lycée. Mais il faut que l’ensemble du fonctionnement de l’école soit irrigué par la nécessité de faire des élèves des citoyens qui travaillent ensemble, sur le mode du projet, qui ont des valeurs et qui les mettent en pratique au quotidien.

Pour cela, il faut des enseignants formés. Nous avons rétabli leur formation initiale, nous renforcerons leur formation continue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

mesures anti-terrorisme post attentats

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe socialiste.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le ministre de l’intérieur, les 7, 8 et 9 janvier derniers, la France a été frappée en son cœur par d’horribles attentats faisant dix-sept victimes innocentes : douze personnes ont été tuées dans l’attaque contre le journal Charlie Hebdo, une policière municipale a été abattue dans la rue et quatre personnes sont mortes lors de la prise d’otages sanglante dans un supermarché casher.

C’est la liberté d’expression et de culte ainsi que ses défenseurs qui ont été touchés par cette barbarie. C’est la France, la République et ses valeurs qui ont été meurtries.

Ces événements tragiques ont néanmoins suscité, ce dimanche 11 janvier, un formidable mouvement spontané d’unité collective, partout sur le territoire national, mais aussi à travers le monde.

La nation tout entière s’est levée pour rendre hommage aux victimes, pour dire son indignation et marquer son refus de la violence, ainsi que sa forte résolution à ne pas se laisser intimider.

La nation tout entière a également salué l’action du Président de la République, du Gouvernement et des forces de l’ordre, qui ont fait preuve d’une très grande efficacité.

Je vous demande aujourd’hui, monsieur le ministre, de bien vouloir détailler aux Français, qui s’interrogent légitimement sur la suite, les mesures qui sont et seront prises pour lutter contre un terrorisme protéiforme et assurer la protection de la population.

J’aimerais également que vous nous assuriez que ces mêmes événements ne serviront pas de prétexte à certains pour déverser leur haine dans un contexte nauséabond de racismes en tous genres.

Chacun doit prendre conscience de l’impact que ses actes et ses paroles peuvent avoir, particulièrement lorsque l’on est un personnage public, à l’heure où les réseaux sociaux servent parfois de véhicules incontrôlables à l’obscurantisme et à la haine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’avais pas encore eu l’occasion de m’exprimer devant le Sénat depuis les événements terribles que notre pays a subis. Bernard Cazeneuve, voilà quelques jours, a participé au débat que vous avez organisé sur ce sujet, avec la concision et la capacité à trouver les mots justes qui le caractérisent. En répondant à d’autres questions, il reviendra sur un grand nombre des points que vous avez évoqués, monsieur le sénateur.

Je tiens à vous remercier, monsieur le président du Sénat, pour les mots que vous avez prononcés mardi dernier, et encore hier soir. Je veux saluer l’extraordinaire manifestation de soutien non seulement du peuple français, mais aussi de ceux et de celles qui le représentent à l’Assemblée nationale et au Sénat. Personnellement, la volonté de rassemblement qui s’est exprimée avec une telle force tant dans la rue qu’au sein du Parlement, au-delà des différences d’opinion dont l’existence est naturelle dans cette démocratie que l’on a voulu abattre, me rend confiant. Ce moment important pour la République, nous le devons à chacun d’entre vous. Monsieur le président du Sénat, vous avez su jouer pleinement votre rôle, ce dont je ne doutais pas.

Monsieur Mohamed Soilihi, il est important que ce soit vous qui posiez cette question. Vous avez rappelé que, partout dans le monde, la solidarité à l’égard de la France s’est manifestée. La mobilisation a été considérable en métropole, mais aussi dans les outre-mer, comme Mme la ministre des outre-mer le soulignait hier à l’Assemblée nationale. Il convient de le signaler, car cela conforte ce que nous sommes, à savoir une nation présente, dans sa diversité, sur tous les océans.

La réponse de l’État sera implacable à l’égard des terroristes. Bernard Cazeneuve aura l’occasion de revenir sur les mesures qui ont été prises ou qui le seront, et le conseil des ministres de mercredi prochain adoptera toute une série de dispositions, qui devront en permanence faire l’objet d’une concertation avec le Parlement, d’autant que le Sénat travaille depuis plusieurs mois déjà sur la question des filières djihadistes.

Vous avez aussi souligné, monsieur le sénateur, combien il est important que nous restions unis, non pas pour faire taire nos différences, mais pour être au plus haut niveau possible, pour faire en sorte que, précisément, ceux qui ont voulu atteindre la France en son cœur ne la divisent pas. Nous devons être très attentifs à cet égard. J’ai utilisé les mots que vous connaissez concernant les fractures de notre société, défini ce qu’était aujourd'hui l’antisémitisme au sein de celle-ci, souligné qu’il était important de protéger tous nos compatriotes, quelle que soit leur confession, qu’ils croient ou ne croient pas, conformément aux principes qui fondent la République et la laïcité. Je ne veux plus que nos compatriotes juifs aient peur. Je veux souligner ici, comme le Président de la République l’a fait ce matin à l’Institut du monde arabe, que chaque citoyen a des droits et des devoirs.

Monsieur le sénateur, vous représentez Mayotte, ce territoire qui a voulu adhérer pleinement à la République et devenir un département, dont l’immense majorité de la population est de confession ou de culture musulmane. Certes, vous ne vous êtes pas exprimé à ce titre, je le sais bien, mais, dans de tels moments, tout a son importance. Je veux assurer à l’ensemble de nos concitoyens, notamment à nos compatriotes de confession et de culture musulmane, qu’ils ont droit à la protection de leurs lieux de culte. Les décisions que nous avons prises avec le ministre de l’intérieur vont dans ce sens. Personne ne doit avoir peur dans ce pays. Personne ne peut avoir honte en France.

C’est en restant unis autour de nos valeurs et de la République que nous apporterons la plus forte et la plus belle des réponses. Cette réponse doit être claire, impitoyable, mais il faudra aussi que nous soyons capables de travailler sur l’école, la laïcité, la situation dans nos quartiers, le vivre-ensemble, au fond sur ce qui définit le mieux la République. Je suis sûr, monsieur le sénateur, que vous contribuerez pleinement à ce travail, comme tous vos collègues. (Applaudissements.)

mesures de lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe UDI-UC.

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

J’ai cinquante-six ans, je suis petite-fille de déportés et je n’aurais jamais cru voir un jour, dans ce pays, des enfants assassinés parce qu’ils étaient juifs – je pense à l’affaire Merah –, des gens assassinés dans un supermarché cacher pour la même raison ou des dessinateurs abattus pour avoir usé de leur liberté d’expression.

Le choc est incommensurable. Comment en est-on arrivé là dans le pays de la liberté et des droits de l’homme ?

Les débats de ces derniers jours entraînent certains d’entre nous dans des dérives sécuritaires, et je remercie M. le Premier ministre et M. le ministre de l’intérieur d’avoir déjà indiqué qu’il n’y aurait pas de loi d’exception. C’est important.

J’avais plus ou moins anticipé ce type de problèmes en sollicitant dès le mois de juin la création d’une commission d’enquête sénatoriale. Nous travaillons au sein de cette commission dans un climat d’harmonie, loin du tapage sécuritaire, avec le souci de l’efficacité. Je ne doute pas que sa contribution sera utile.

Monsieur le ministre de l’intérieur, comment comptez-vous améliorer la détection précoce de la radicalisation ? Les enseignants, les éducateurs, les travailleurs sociaux, le personnel pénitentiaire et les élus ont souvent du mal à déchiffrer les grilles de lecture de cette radicalisation.

Comment distinguer le musulman qui pratique sa religion, comme c’est son droit absolu dans la République, qui mange hallal, fait ses prières et respecte le ramadan, de celui qui est radicalisé ou sur la voie de la radicalisation ?

Vous avez mis en place des cellules de veille et de signalement, et nous avons rencontré les responsables de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, l’UCLAT. Quelles mesures comptez-vous prendre à destination notamment des enseignants et des travailleurs sociaux, qui sont en première ligne face à ces phénomènes nouveaux, au développement exponentiel, pouvant conduire des jeunes gens à s’engager dans une spirale de folie meurtrière au nom d’un islam totalement dévoyé ?

La détection et le signalement précoces sont les postes avancés de la prévention, mot presque oublié ces temps-ci et pourtant essentiel. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je veux d’abord saluer le travail accompli par la commission d’enquête que vous présidez. Vous avez notamment auditionné un grand nombre de ceux qui, au sein du ministère de l’intérieur, contribuent à la protection des Français.

Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité d’instaurer des politiques de prévention de la radicalisation. Il est effectivement absolument nécessaire de mettre l’accent sur le volet préventif. C’est ainsi que l’action très large que le Premier ministre a décidé d’engager, au mois d’avril dernier, incluait des dispositifs de prévention. Le projet de loi a été adopté définitivement le 4 novembre dernier.

Nous avons notamment créé une plate-forme de signalement au sein du ministère de l’intérieur. Cela permet aux familles et, plus largement, à tous ceux qui détectent des signes de radicalisation, même faibles, de signaler les personnes qui risquent de basculer dans des activités terroristes, de manière que nous puissions mettre en place des dispositifs de prévention amples et efficaces. À ce jour, 700 cas ont été signalés.

Mme la garde des sceaux et moi-même avons pris conjointement une circulaire. Dans les départements où résident ces personnes, sous l’autorité du procureur de la République et du préfet, toutes les administrations de l’État et des collectivités locales, toutes les énergies publiques sont mobilisées pour agir en matière de santé mentale, d’accompagnement social, de lutte contre les addictions, d’éducation, afin d’engager la déradicalisation.

En ce qui concerne l’école, Mme la ministre de l’éducation nationale a pris des dispositions pour qu’un véritable livret sur la déradicalisation soit diffusé dans les établissements scolaires.

Bien entendu, cela ne suffit pas, car 90 % des personnes qui basculent dans le terrorisme se radicalisent par le biais d’internet. À ce propos, je vous invite à prendre connaissance des contenus racistes, antisémites qui circulent sur la Toile, via des réseaux sociaux tels que Twitter ou Facebook, et sont de nature à blesser des personnes, à créer un climat d’incitation à la haine.

Personne ne songe à remettre en cause la liberté d’expression sur internet. C’est un vecteur auquel nous sommes tous attachés et qui est aussi un extraordinaire moyen d’échanges. Néanmoins, il faut avoir conscience qu’un espace de liberté ne saurait être exempté de toute régulation visant à juguler les haines, les racismes et l’antisémitisme. Nous sommes déterminés à agir sur ce point, car la prévention est aussi nécessaire dans ce domaine. (Applaudissements.)

coopération internationale en matière de renseignement et mobilisation de la réserve militaire et civile

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe UMP.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. La France a été touchée au cœur et à l’âme par des attentats abjects, mais elle s’est redressée avec un esprit de détermination et de courage exemplaire. Nous sommes fiers de notre pays, fiers de nos policiers, de nos gendarmes, de nos concitoyens et de notre union nationale.

Cependant, après l’émotion, arrive le temps des questions, et surtout le temps de l’action.

Les Français attendent de nous du concret, ils attendent de nous l’application des lois qui ont déjà été votées et le renforcement des services de renseignement, car le contre-terrorisme est un processus au long cours.

Dans un monde où les projets terroristes ne connaissent plus de frontières et s’échafaudent avec le soutien d’organisations basées à l’étranger, le renforcement de notre capacité de renseignement passe évidemment par la coopération internationale judiciaire et technique.

Certains pays, comme la France, ont davantage de moyens et d’expertise que d’autres. Ils ont le devoir d’aider les États plus vulnérables, car la sécurité internationale est un bien commun mondial. Il est essentiel que les synergies jouent à plein, notamment entre partenaires de l’OTAN, pour renforcer par exemple la surveillance des trafics d’armes et des financements criminels illicites.

Davantage doit aussi se jouer au niveau européen. Une harmonisation des mesures antiterroristes est indispensable. Je pense par exemple au programme PNR – passenger name record – de transfert des données des dossiers des passagers.

Comme je le soulignais voilà quelques mois dans mon rapport sur le terrorisme à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, ces réseaux de partenariats ne doivent pas être limités aux instances gouvernementales. Il nous faut associer la société civile à l’effort de sécurité nationale.

C’est tout l’enjeu des réserves opérationnelles et citoyennes, qui pourraient mobiliser les personnes disposant de compétences spécifiques, notamment sur les plans linguistique, technologique ou psychologique, pour l’encadrement de jeunes en mal de repères, la sensibilisation à la citoyenneté et la mise en œuvre de programmes de prévention et de déradicalisation.

Hélas, les décrets d’application de la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure ne sont toujours pas parus, alors qu’il s’agit d’un vivier formidable.

M. Alain Gournac. C’est vrai !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le Premier ministre, les mobilisations massives de ce week-end ont montré que la France était capable de cet élan d’union pour défendre la liberté et le vivre-ensemble. Donnons-nous les moyens de mieux impliquer tous les citoyens au service de cette résilience. En particulier, aidez-nous à développer ces réserves civiles citoyennes et opérationnelles. Nous sommes tous Charlie, mais nous voulons tous redevenir pleinement la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous avez raison d’insister sur la nécessité de mobiliser ces réserves citoyennes dans le contexte actuel. Le rassemblement, l’unité, la conscience de leur rôle de tous les citoyens français qui se sont manifestés nous imposent de mettre en œuvre rapidement les dispositions législatives à l’élaboration desquelles le Sénat a largement participé. Les décrets d’application seront présentés au comité technique ministériel de mon ministère le 12 février et, dans la foulée, au Conseil d’État par le secrétaire général du Gouvernement. Par conséquent, ces décrets seront pris de manière à rendre possible la mobilisation que vous souhaitez. Cela est nécessaire, et le Gouvernement en est parfaitement conscient.

Ensuite, il faut que les dispositions adoptées au mois de novembre soient mises en œuvre. Nous avons présenté hier en conseil des ministres les textes d’application de l’interdiction administrative de sortie du territoire et de l’interdiction d’entrée sur le territoire pour les ressortissants étrangers ayant été engagés dans des opérations à caractère terroriste sur les théâtres d’opérations que l’on sait. Ces personnes ne doivent en aucun cas pouvoir entrer sur le territoire national. La plus grande fermeté s’appliquera à leur encontre. Je le dis avec la plus nette détermination. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

Nous sommes tout aussi déterminés à procéder à l’expulsion de France des ressortissants étrangers impliqués dans des activités terroristes. Nous avons multiplié par deux, entre 2013 et 2014, le nombre de ces expulsions. Nous poursuivrons avec la plus grande fermeté cette politique,…

M. Éric Doligé. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … car il faut regarder la réalité en face.

Enfin, vous évoquez à juste titre la nécessité de renforcer les coopérations européennes. Nous avançons dans un certain nombre de domaines, mais il faut accélérer. Le Conseil européen et la Commission européenne sont tombés d’accord sur le PNR européen, mais il y a un blocage au niveau de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen.

Il faut convaincre les parlementaires européens (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.), qui observent les événements et sont conscients de la gravité de la situation, qu’il est possible de trouver un équilibre entre un renforcement de la sécurité à travers la mise en place de ce PNR et une amélioration de la protection des données, de manière à assurer la préservation des libertés publiques.

Comme l’a dit avec beaucoup de force au Sénat M. le Premier ministre, la lutte contre le terrorisme ne saurait conduire à sacrifier les libertés publiques au profit de la sécurité, car sinon nous concéderions aux terroristes une première victoire.

Il convient donc de définir cet équilibre avec pragmatisme, efficacité, détermination, lucidité et responsabilité.

En conclusion, j’insisterai sur le fait que nous allons, de façon résolue, multiplier les initiatives à destination des grands opérateurs de l’internet. Je me rendrai aux États-Unis au début du mois de février pour rencontrer les responsables de ces grands opérateurs en vue de les sensibiliser à la responsabilité collective qui doit être la nôtre et de leur faire passer le message que liberté et responsabilité doivent aussi se conjuguer sur internet. (Applaudissements.)

projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, je veux tout d’abord vous remercier pour l’action que vous avez menée et l’image que vous avez donnée du Gouvernement et de la République. Le consensus sur les valeurs de la République existe ; il perdurera, ainsi que celui sur la sécurité.

Il faut aussi revenir à la vie : ma question porte sur la réforme territoriale, qui touche au quotidien de nos concitoyens.

Cette réforme mériterait elle aussi de faire l’objet d’un large consensus, plutôt que d’être revue à chaque alternance. Vous connaissez nos réserves, pour ne pas dire plus, sur certains aspects des textes qui nous ont été successivement présentés. Nous avons voté la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, nous nous sommes opposés au binôme départemental, ainsi qu’à votre texte relatif à la délimitation des régions.

Avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, nous craignons que l’on aboutisse non pas à une simplification, mais à de nouveaux enchevêtrements de compétences et, surtout, à l’affaiblissement de la proximité, dimension nécessaire au quotidien de nos concitoyens. Nous considérons qu’il manque une cohérence globale, une vision d’ensemble, une prise en compte suffisante de la problématique des ressources et de la fiscalité locale. Il aurait fallu un grand texte, assorti d’objectifs ambitieux.

Monsieur le Premier ministre, nous voudrions savoir quelle est la position définitive du Gouvernement. Vous avez su nous dire ici, lorsque vous étiez ministre de l’intérieur, à l’occasion de l’examen de certains textes, que c’était ainsi, et pas autrement. Cela ne nous a pas fait plaisir, mais nous l’avons entendu !

En l’espèce, il nous importe de connaître votre position sur des questions précises. Vous n’avez pas du tout suivi les propositions du Sénat s’agissant de la fusion des régions. Maintenez-vous le transfert aux régions des compétences en matière de voirie départementale, de collèges, de transports scolaires ? Maintenez-vous le seuil de population de 20 000 habitants pour les intercommunalités ? Défendrez-vous in fine ces positions devant l’Assemblée nationale ? Ce sont des questions précises, qui appellent des réponses précises et claires. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)