M. Michel Bouvard. Et la RN 90 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Passez-moi l’expression, mais ce sont des querelles de marchands de tapis. Là n’est pas l’essentiel.

Un accord a abouti entre les régions et les départements : il faut accepter que les régions soient véritablement les pilotes en matière économique.

M. Bruno Retailleau. Je suis d’accord !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ce que nous nous sommes efforcés de faire. Tout travail peut être amélioré. Cela étant, si l’on veut, par le biais d’un certain nombre d’amendements, maintenir le chef de file, je vous le dis franchement : on peut d’emblée abandonner les articles 2 et 3 du présent texte et passer à autre chose.

M. Jean-Pierre Grand. Pourquoi pas ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’espère avoir répondu à vos légitimes interrogations !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Avant tout, je tiens à remercier M. le rapporteur. L’exercice qu’il mène est compliqué. Il s’est beaucoup investi dans l’examen du présent texte, qui renferme un grand nombre d’articles, et je lui sais gré des précisions qu’il vient de nous apporter.

Je tiens à réagir à ses propos au regard de l’intervention de Valérie Létard.

Les conventions sont parfaitement possibles, y compris vis-à-vis des départements,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Bruno Retailleau. … M. le rapporteur vient de nous le dire. Au reste, dans un certain nombre de régions, l’intervention par voie de convention restera à mon sens nécessaire pour prévenir tout jacobinisme régional. Tel est l’esprit des propos que nous avons entendus voilà quelques instants.

À cet égard, je me demande si Michel Mercier accepterait de rectifier son amendement n° 698, afin d’étendre lesdites conventions non aux seules intercommunalités mais à l’ensemble des territoires. Le terme générique « territoires » permettrait d’inclure toutes les collectivités et intercommunalités.

M. le rapporteur nous l’a judicieusement rappelé : le code général des collectivités territoriales contient déjà cette disposition. Son introduction dans le présent projet de loi offrirait une sécurité à l’ensemble des acteurs. Elle permettrait ainsi d’apaiser le débat et de chasser les légitimes alarmes d’un certain nombre de nos collègues, sans pour autant dénaturer les dispositions dont il s’agit.

J’ajoute que nous pourrions, de la sorte, aboutir à un consensus entre les commissions des lois et des affaires économiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Ce débat met au jour la volonté qui, aujourd’hui, semble majoritaire au sein de la Haute Assemblée.

D’une part, il faut confier aux régions une responsabilité renforcée en matière économique.

D’autre part, il faut tenir compte des grandes agglomérations, notamment des métropoles, même si, comme Mme la rapporteur pour avis l’a indiqué, il ne s’agit pas uniquement d’elles.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous n’avons jamais dit le contraire !

M. Gérard Collomb. Il faut que ces acteurs puissent poursuivre leur action économique.

Mes chers collègues, ce qui me choque le plus, c’est que la région soit déclarée, au septième alinéa de l’article 2, « seule compétente pour décider des interventions économiques sur son territoire. » Ne pourrait-on pas supprimer le mot « seule » ? Contrairement à ce que suggère cette disposition, il faut chercher à articuler les initiatives des régions avec celles des autres acteurs économiques du territoire ! Supprimer ce mot aurait le mérite de donner une première concrétisation à nos discussions. (Mme Caroline Cayeux et M. Jean-Pierre Grand applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Mes chers collègues, à mon tour, je vous déclare qu’il me semble absolument nécessaire d’éviter toute ambiguïté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’y en a pas !

M. Jean-Pierre Grand. Si l’on affirme que la région est « seule compétente en matière économique », on suggère que les autres collectivités ne le sont pas.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. (Brandissant le rapport de la commission des lois.) Sans préjudice !

M. Alain Bertrand. Le mot « seule » tend à exclure !

M. Jean-Pierre Grand. Tout à fait, mon cher collègue.

Aussi, monsieur le rapporteur, il me semble que vous pourriez faire dans notre direction un petit pas qui, à nos yeux, serait une immense avancée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! Ce n’est pas possible !

Mme Nicole Bricq. Et ce n’est pas un petit pas !

M. Jean-Pierre Grand. Aujourd’hui, il est impératif de sécuriser juridiquement l’ensemble de ces dispositions. Il ne faudrait pas que la Cour des comptes vienne demain nous expliquer que tel ou tel acteur exerce des compétences qui ne sont pas les siennes, et que des contentieux s’ensuivent. Nous demandons simplement à travailler dans la sérénité.

La situation est suffisamment compliquée comme cela sur le terrain. Nous avons suffisamment de soucis pour tenter d’industrialiser nos territoires, nous éprouvons suffisamment de craintes face à un chômage grandissant : décrochons dès maintenant cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes !

Vous l’aurez compris, je rejoins totalement M. le maire de Lyon sur ce point. Les maires de la métropole de Montpellier souscrivent unanimement à cette analyse, et je suis certain qu’il en va de même dans la France entière. Pourquoi une commission parlementaire ne tiendrait-elle pas compte d’une telle demande – je dirai même une telle supplique, tant cet enjeu est essentiel pour nous ? Il s’agit de la base de notre action, du fondement de nos préoccupations.

Monsieur le rapporteur, je vous en prie, sécurisons l’action des différents acteurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà qui suffit !

Mme la présidente. Monsieur Mercier, pourriez-vous répondre brièvement à la demande que vous a adressée M. Retailleau ?

M. Michel Mercier. Madame la présidente, je doute qu’il me soit possible d’être bref sur un tel sujet. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Cela étant, je vais tâcher de répondre le plus rapidement possible.

Sur ce problème complexe, il me semble que nous confondons deux questions, et que c’est la raison pour laquelle nous ne parvenons pas à trouver une bonne solution.

Le Gouvernement et la commission ont la volonté de reconnaître à la région la compétence la plus complète possible en matière de développement économique. C’est vrai que d’autres dispositions fixent, notamment pour les EPCI, cette attribution comme la première compétence obligatoire. On aboutit partant à des situations quelque peu contradictoires.

Toutefois, si on lit attentivement le présent article, on constate que la compétence économique de la région porte sur la définition des moyens d’action. Il ne s’agit donc pas nécessairement de ces moyens eux-mêmes. (M. Bruno Retailleau opine.)

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Il s’agit de l’orientation !

M. Michel Mercier. J’entends bien les remarques formulées, notamment, par MM. Adnot et Retailleau, sans oublier bien sûr les propos tenus par M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois.

Une réponse ne figure-t-elle pas à l’article 1111-8 du code général des collectivités territoriales que M. Hyest a cité à plusieurs reprises ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Michel Mercier. Cet article organise les délégations de compétences. Plutôt que d’y faire référence en indiquant son seul numéro, on pourrait en transcrire les dispositions dans le présent texte, ce qui satisferait au moins partiellement M. Adnot : rien n’empêche la région de déléguer telle compétence économique à un département. Ce dernier n’obtient pas pour autant cette compétence : la région la conserve, elle l’exerce simplement par son intermédiaire.

Quant à l’amendement que j’ai déposé après le vote du texte de la commission, il traduit une idée initialement exprimée par Valérie Létard. Après avoir constaté que l’amendement déposé par ses soins risquait de mourir assez vite, après les débats de la commission, j’ai déposé cet amendement n° 698, en repli. Il tend à préciser que, pour réaliser son schéma, la région peut conclure une convention avec l’intercommunalité. J’insiste sur le fait que Mme Létard et, plus largement, l’ensemble de la commission des affaires économiques souhaitent l’emploi du verbe « pouvoir » au lieu du verbe « devoir », qui pose un certain nombre de problèmes.

Madame la présidente, pardonnez-moi ces explications un peu longues, qui sont uniquement destinées à clarifier la situation. Compte tenu de l’heure avancée, et étant donné que nous avons déjà accumulé beaucoup de retard, il me semblerait bon de rédiger clairement ces dispositions à la faveur d’une courte suspension de séance.

M. Michel Mercier. Je songe notamment à la question de la délégation et à l’exécution du schéma. C’est ce que je suggère à M. le président de la commission et à M. le rapporteur. On pourrait ainsi aboutir à une solution raisonnable aux yeux de chacun et rassurer tous les acteurs en sécurisant leurs actions.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, en vérité, il me semble que nous ne sommes pas très loin d’aboutir à une solution acceptable. (Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, acquiesce.)

J’entends bien les remarques qui ont été formulées par plusieurs orateurs au cours de cette discussion. Je me permets de rappeler que nous nous sommes engagés dans une voie conduisant à spécialiser les collectivités territoriales plutôt qu’à en supprimer un échelon.

Nous avons décidé, par principe, que la compétence en matière de la politique économique, à laquelle nous souhaitons rattacher la politique de l’emploi, serait principalement attribuée au conseil régional et à son président. Il est important de le rappeler.

Parallèlement, les compétences de proximité doivent, à nos yeux, être maintenues à l’échelon départemental – nous aurons l’occasion d’examiner cette question dans la suite de ce débat.

Ainsi, nous disposerons de collectivités fortement caractérisées.

Bien sûr, il faut également prendre en compte le bloc communal et intercommunal, comprenant notamment les métropoles. Il s’agit là d’un enjeu majeur. En effet, nous ne voulons pas porter atteinte à la capacité essentielle dont disposent ces acteurs d’exercer, sur leur territoire et par tous les moyens, des compétences permettant d’assurer le développement économique local. Nous ne voulons pas que l’affirmation de la compétence régionale pour l’économie assèche les responsabilités du bloc communal en matière de développement économique. (M. Jean-Pierre Grand applaudit.) Il s’agit là, pour nous tous, d’un point absolument fondamental. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous ne jugeons pas a priori l’affirmation de la compétence en matière de politique économique de la région incompatible avec la pérennisation de cette responsabilité reconnue de longue date au bloc communal.

Dès lors, un seul point complique le débat. Il s’agit non pas d’un quelconque soupçon – nous sommes d’accord sur le principe, le Gouvernement y compris –, mais de la nécessité d’établir une rédaction claire.

Il me semble que nous devons aussi avoir à l’esprit, dans le cadre de notre discussion sur l’article 2 portant sur le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, l’article 3 à venir. C’est dans ce dernier article que doivent figurer les précisions et clarifications que nous appelons de nos vœux.

Un certain nombre d’éléments de souplesse, précédemment rappelés par M. le rapporteur, ont déjà été prévus, puisque les dispositions de l’article 2 préservent les compétences du bloc communal et de la métropole de Lyon. Mais nous pouvons sans doute faire un peu mieux du point de vue de l’articulation entre l’échelon régional, le niveau départemental et le bloc communal.

En particulier, nous sommes en mesure, si toutefois M. le rapporteur en est d’accord, de préciser l’alinéa 6 de l’article 3 par le biais d’un amendement, que nous pourrions vous présenter dans quelques minutes. Au lieu d’écrire « le conseil régional peut déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux collectivités territoriales et à leurs groupements », formule un peu générale, nous pourrions opter pour une rédaction plus précise, en indiquant : « le conseil régional peut déléguer l’octroi de tout ou partie des aides aux départements, aux communes et à leurs groupements, ainsi qu’à la métropole de Lyon dans les conditions prévues par la loi. Il peut déléguer la gestion de tout ou partie des prêts ou avances. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Cette précision, me semble-t-il, serait de nature à dissiper une partie des inquiétudes qui ont été exprimées.

Mme la présidente. Monsieur le président, nous en sommes à l’article 2, et non à une éventuelle réécriture de l’article 3. Pour la clarté des débats, je souhaite que nous respections l’ordre de la discussion. La nuit portant conseil, elle permettra à chacun de réfléchir à la poursuite de nos travaux.

Madame la ministre, pouvez-vous nous rappeler l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements qui sont actuellement examinés ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Comme la commission, le Gouvernement y est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous pourrons tous, d’ici à demain matin, relire le texte élaboré par la commission. Certes, certains points ne sont pas explicitement indiqués. Mais lorsque l’on écrit que les dispositions sont applicables sous réserve de tel ou tel article, on vise bien des collectivités ! La région dispose donc de la compétence, mais, bien sûr, sous réserve des compétences attribuées aux autres collectivités. Cette formulation, je me permets de le souligner, n’a rien de monstrueux et existe dans tous les textes de loi. C’est ainsi que les lois sont construites !

En outre, non seulement nous apportons ces réserves, mais la commission présentera aussi – je l’ai rappelé - un amendement relatif à l’alinéa 7 de l’article 2, tendant à ajouter des précisions sur le sujet.

Enfin, je l’ai également mentionné, l’adoption des amendements que nous examinons actuellement reviendrait à maintenir le rôle de chef de filat de la région, alors même que la compétence ne serait confiée qu’à elle. Il y aurait là une incohérence !

Mme la présidente. Compte tenu de nos impératifs horaires, je vous propose, mes chers collègues, de procéder au vote sur ces amendements et de renvoyer la suite de la discussion à demain.

Je mets aux voix l'amendement n° 826.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167 rectifié, 653 et 682.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 44 amendements au cours de la journée ; il en reste 883.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Discussion générale

16

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 15 janvier 2015 :

À neuf heures trente :

1. Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014) ;

Rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 174, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;

Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (n° 140, 2014-2015) ;

Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 150, 2014-2015) ;

Avis de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 154, 2014-2015) ;

Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 157, 2014-2015) ;

Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 184, 2014-2015).

À quinze heures :

2. Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat).

À seize heures quinze et le soir :

3. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 15 janvier 2015, à zéro heure vingt.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART