M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Après cette semaine terrible qui nous a tous plongés dans l’effroi, il me semble important de prendre le temps de voir en quoi le présent projet de loi, portant nouvelle organisation territoriale de la République, répond aux enjeux actuels. À ce titre, je remercie Mme la ministre d’avoir posé les termes du débat.

L’existence de très importantes inégalités territoriales, fortement ressenties par nos concitoyens, non plus que je ne sais quel déterminisme social, n’explique ni n’excuse en rien la barbarie. Cependant, notre responsabilité collective, même si j’ai le sentiment que les désaccords entre nous restent forts, est de remédier à ces inégalités. Tel est bien l’objet du présent texte.

Nous soutenons le renforcement de la région. Il s’agit de dépasser la compétition entre les territoires, qui est extrêmement néfaste et participe de la déconstruction de la solidarité nationale. C’est en s’appuyant sur les régions et sur la tenue de débats réunissant l’ensemble des acteurs de celles-ci que l’on pourra recréer un sens collectif plus fort à l’échelle régionale.

Mme la ministre a parlé de coopération entre les territoires ; j’irai plus loin, en parlant de solidarité. Comment la richesse de certains territoires profite-t-elle aujourd’hui aux autres ? C’est l’une des questions dont nous devrons nous saisir. À l’heure actuelle, des territoires ruraux se sentent exclus des dynamiques métropolitaines, des territoires urbains périphériques se sentent très éloignés de la ville-centre.

Dès lors, comment, au travers de ce texte, allons-nous pouvoir raccommoder, recréer une histoire commune ? À mon sens, des questions techniques de péréquation entreront en jeu.

M. Ronan Dantec. Les égoïsmes territoriaux sont extrêmement forts en France, mais, dans le contexte actuel, il faut absolument que la péréquation, la solidarité financière entre territoires riches et territoires pauvres, qu’ils soient ruraux ou urbains périphériques, soient renforcées par le présent texte. C’est là une véritable priorité.

Une autre forme d’exclusion territoriale a trait à l’exercice de la démocratie. Nous sommes tous d’accord pour prôner le renforcement de la démocratie locale, de proximité. Pour ma part, je voudrais insister sur un point : il serait peut-être temps de cesser d’opposer démocratie communale et démocratie d’agglomération. Le débat démocratique n’est pas le même dans la ville-centre, où l’on se sent concerné par l’ensemble des problématiques, et dans une commune périphérique pauvre et petite, où l’on ne se sent parfois même pas le droit de discuter des grandes questions intéressant l’agglomération, telles que les transports publics ou le développement économique. Or s’il n’y a pas de véritable démocratie à l’échelle de l’agglomération, le sentiment d’exclusion se trouve renforcé. Il faut absolument que, à l’issue de l’examen de ce projet de loi, l’égalité démocratique entre les citoyens, où qu’ils vivent, ait été renforcée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 674.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 813.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 810, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La compétence dite générale est un principe fondateur de la décentralisation et de la libre administration des collectivités territoriales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et permet l’application de la règle de subsidiarité.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Nous avons déposé plusieurs amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er. Ils visent à rappeler ou à resituer les grands enjeux qui se trouvent au cœur des réformes territoriales engagées il y a maintenant près de cinq ans par divers gouvernements.

Au travers du présent amendement, nous réaffirmons que la compétence générale est un des fondements de la décentralisation et du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Il n’y a pas si longtemps de cela, en 2010, une majorité de droite avait supprimé la compétence générale pour les régions et les départements. Une majorité de gauche l’a rétablie voilà tout juste un an, par le biais de la loi MAPTAM.

À cette occasion, nous avions eu, madame la ministre, un vrai débat de fond sur cette question. Vous défendiez alors une vision interstitielle de cette compétence. Au contraire, nous considérions pour notre part, comme aujourd’hui d’ailleurs, que cette règle non écrite découlait directement de la mise en œuvre des principes constitutionnels. Elle permet l’application de la règle de subsidiarité, qui devrait prévaloir en toute circonstance, en vertu de l’article 72 de notre Constitution, dont le deuxième alinéa dispose que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».

Compte tenu des enjeux, je suis étonnée du peu de place accordé à cette question dans le rapport de la commission, qui ne fait que rappeler de façon insidieuse les propos que vous avez tenus, madame la ministre, lors des débats sur la loi MAPTAM. Vous estimiez alors que « la suppression de la clause de compétence générale […] n’est pas déterminante pour la clarification de l’action publique locale ».

Il est par conséquent d’autant plus étonnant que vous décidiez de supprimer cette clause dans un projet de loi qui devait initialement traiter de la clarification des compétences. Il est vrai que, sur de nombreuses travées de notre assemblée, on privilégie la mise en place de compétences exclusives, de chefs de filat, d’encadrements de toutes sortes, en bref le retour à une certaine forme de dirigisme, au travers d’un encadrement de l’action des élus locaux, prétendument coupables de faire n’importe quoi et de jeter l’argent public par les fenêtres.

Nous récusons ces accusations et ce raisonnement. La compétence générale est à nos yeux essentielle. Elle offre un espace de liberté d’action aux élus locaux, un espace de démocratie permettant l’expression de conceptions contradictoires. Elle permet de répondre à des problèmes dont les solutions ne sont pas toujours prévues par la loi, à des besoins et des attentes émergeant dans notre société. Elle permet enfin d’inventer ; elle est source de progrès et, bien souvent, d’innovation sociale et territoriale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand on cite l’article 72 de la Constitution, ma chère collègue, il faut le faire de manière exhaustive. Son troisième alinéa dispose que les collectivités s’administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi ».

La compétence générale est un mythe qui revient sempiternellement ! Il existe bien un principe de subsidiarité, mais ce n’est pas la même chose. Il revient au législateur de déterminer à quel échelon les compétences peuvent le mieux être exercées. Pour certaines, nous pensons que cela demeure le département. Pour d’autres, qui peuvent être obligatoires, facultatives ou optionnelles, ce sont les intercommunalités. Mais nous aurons l’occasion de discuter de tout cela.

Je ne dois pas être bon juriste, car je n’ai jamais compris ce qu’était la clause dite « de compétence générale » ! Qu’on le veuille ou non, seule la loi peut attribuer des compétences.

M. Pierre-Yves Collombat. En l’absence de désignation !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sous les hurlements d’une partie de l’hémicycle, nous avions supprimé la clause de compétence générale. Puis celle-ci a été rétablie, sans que cela ne suscite de hurlements de notre côté de l’hémicycle – après tout, si cela vous faisait plaisir… Le présent texte prévoit d’en revenir à une solution sage, et par conséquent la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. La suppression de la clause de compétence générale ou de la clause générale de compétence – nul ne sait exactement comment il convient de l’appeler – s’inscrit dans un objectif, largement partagé sur toutes les travées et par tous les élus locaux de France, de clarification des compétences de chaque niveau de collectivités territoriales.

Mme Cécile Cukierman. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes élus !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Mais si, madame la sénatrice, et tous souhaitent plus de clarté dans la répartition des compétences. Depuis le début de la décentralisation, on a additionné les structures, multiplié les organismes, ajouté des échelons, et les compétences des uns et des autres se sont enchevêtrées.

La suppression de la clause de compétence générale s’accompagne évidemment de garanties du maintien de l’intervention de la région ou du département dans les domaines où cela est nécessaire. Au demeurant, je partage l’avis de M. Hyest : la notion de clause de compétence générale n’est pas définie par le droit et son contenu découle uniquement des articles du code général des collectivités territoriales définissant la capacité des organes délibérants à traiter des affaires d’intérêt local au travers de leurs délibérations. Ce n’est donc pas une notion juridique, c’est une notion politique.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiendrai cet amendement, car j’ai été élue, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en faisant campagne contre la suppression de la clause de compétence générale. La critique que je formulais à l’époque n’était pas de simple opportunité, mais de principe. À mon sens, le manque de clarté actuel dans la répartition des compétences tient non pas au fait que tous les échelons disposent de la compétence générale, mais plutôt à l’organisation du chef de filat et à la mise en œuvre du principe de subsidiarité, qui doivent respecter la clause de compétence générale.

Prenons un sujet que je connais peut-être mieux que d’autres : le logement. En l’état actuel des choses, je suis curieuse de savoir comment sera traitée la politique du logement ! Il s’agit normalement d’une compétence d’État. Or, aujourd'hui, pas un seul logement n’est construit ou rénové en France sans que les collectivités locales apportent une aide, d’ailleurs de plus en plus importante.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La plupart du temps, d’une ville à l’autre, d’un département à l’autre, d’une région à l’autre, ce ne sont pas les mêmes acteurs qui financent la même chose. Par ailleurs, quelle collectivité atteint aujourd'hui, sur le plan financier, la masse critique nécessaire pour faire face aux dépenses liées à ce type d’interventions, qui se chiffrent en milliards d’euros ?

Dans un souci de systématisation, il apparaîtrait logique de s’appuyer sur les intercommunalités ou sur la métropole. Or de nombreuses intercommunalités n’ont pas les reins assez solides pour pouvoir accompagner la construction de logements, qui est une opération coûteuse. Le cas de la métropole, à mon avis, mérite d’être traité à part, car il s’agit d’une entité suffisamment structurée pour pouvoir permettre une délégation de plein droit de la compétence logement à son profit.

La moitié des offices d’HLM sont départementaux. On va supprimer la clause de compétence générale, mais en la maintenant dans les faits sous couvert de solidarité territoriale, de solidarité sociale ou de développement durable, selon les cas. Bref, on ne saura plus où on en est !

En conformité avec ce que j’ai toujours pensé, la remise en cause de la clause de compétence générale ne me semble pas un progrès pour la République. Par ailleurs, je voudrais que l’on m’explique a minima ce qu’il en sera de la compétence logement pour les collectivités territoriales. J’ai beau lire et relire votre texte, cela n’apparaît pas. Je souhaite être éclairée sur ce point. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Contrairement à ce qui a été dit, le système actuel est parfaitement clair : lorsque la loi n’attribue pas une compétence, toutes les collectivités peuvent intervenir dans les domaines qui relèvent de l’intérêt communal, départemental ou régional. Cela règle la question de savoir, pour chaque compétence ou micro-compétence, qui peut intervenir de manière légale. Pourquoi poser un problème qui ne se pose pas ?

Cette question a été soulevée quand il s’est agi de faire des économies : je vous renvoie aux débats sur les 20 milliards d’euros et sur la suppression des compétences croisées. Pourquoi un projet coûterait-il plus cher s’il a dix financeurs plutôt qu’un seul ? C’est un raisonnement farfelu ! Quel que soit le nombre de financeurs, le coût est toujours le même !

Autre fantasme managérial, il faudrait se concentrer sur ses compétences, sur son « cœur de métier »… Là aussi, c’est complètement farfelu : dans la pratique, on est confronté chaque jour à des situations imprévues.

Madame la ministre, avez-vous eu une révélation sur le chemin de Damas ? (Sourires.) Pourquoi vouloir supprimer à nouveau ce qui avait été rétabli par une précédente loi, au début de l’année dernière ? Comme beaucoup de collègues socialistes, j’avais combattu la suppression de la clause de compétence générale. Pourquoi avoir ainsi changé d’avis ?

Mme Sophie Joissains. Comme pour les métropoles !

M. Pierre-Yves Collombat. On va au-devant de difficultés extrêmes pour toutes les compétences dont l’attribution n’aura pas été prévue par la loi : les préfets seront amenés à décider qui peut ou non intervenir dans tel ou tel domaine ! Le bon sens voudrait que l’on ne modifie pas ce qui fonctionne parfaitement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le rapporteur, si vous ne savez pas ce qu’est la compétence générale, je puis vous garantir que nombre de communes petites et moyennes, voire de communautés de communes, le savent !

Le développement tous azimuts constaté ces dernières années en milieu rural, notamment en matière d’assainissement ou de logement, a été rendu possible par l’apport financier de différentes collectivités territoriales. Allez dire aux petites communes rurales qu’il s’agit de doublons ! Si l’on supprime la compétence générale, les travaux ne seront plus réalisés et l’effort d’investissement sera encore plus faible qu’aujourd’hui. Dieu sait pourtant si nous avons besoin d’investissements !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous mélangez tout !

M. Bernard Cazeau. Si la clause de compétence générale a été rétablie il y a quelques mois, c’est qu’il s’agissait d’une nécessité. Même le Président de la République l’avait affirmé à l’époque !

Madame la ministre, je ne me permettrai pas de vous demander si vous avez eu une illumination, mais je voterai l’amendement du groupe CRC.

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

M. Patrick Abate. Cet amendement vise à affirmer un principe auquel nous sommes assez nombreux à être attachés, plus ou moins fortement.

L’alternative est simple : soit on restreint la liberté d’action des élus départementaux et régionaux, soit on défend pied à pied les libertés locales et le pouvoir d’intervention des collectivités territoriales.

Dans ces débats sur les collectivités territoriales, on entend des déclarations, des prises de position souvent contradictoires, y compris au sein même des groupes, excepté le nôtre. Comment prétendre aujourd'hui engager une nouvelle étape de la décentralisation tout en essayant de restreindre par la loi le champ d’intervention des gestionnaires locaux ?

Le renforcement des coopérations entre tous les niveaux de collectivités et l’amélioration de leur efficacité n’excluent pas forcément le maintien de la compétence générale, voire les financements croisés, qui permettent la réalisation d’équipements et de services utiles à la population. Au contraire ! Il s’agit là non pas d’un mythe, mais de la réalité du terrain et des besoins de la population.

La mise en œuvre de la notion de chef de filat, par exemple, qui respecte la compétence générale, ne va pas à l’encontre de la clarification des compétences. Ce n’est pas être hors sujet que de penser que l’efficacité peut être liée aussi à une meilleure répartition des richesses, qui n’est pas exclusive de la compétence générale.

Par ailleurs, dans certains domaines, le silence de la loi est souvent bien plus ample que le texte de la loi elle-même. Pouvons-nous raisonnablement interdire aux départements et aux régions toute intervention en dehors de leurs champs de compétence strictement définis par la loi ?

Que vont devenir les services et les équipements aujourd’hui mis en place par les départements et les régions et qui ne relèveront plus, demain, des compétences de ces collectivités territoriales ? Allons-nous les fermer, au nom d’une vision dirigiste et technocratique de la gestion locale ?

Tout ne peut rentrer dans des petites boîtes parfaitement définies. La loi ne peut jamais tout prévoir et est bien souvent en retard sur les réalités, qui se transforment en permanence. C’est aussi au nom du devoir de modernité et d’innovation que nous affirmons la nécessité de maintenir la clause de compétence générale.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. J’ai eu l’honneur de défendre, devant cette assemblée, le texte qui est devenu la loi du 16 décembre 2010 supprimant la clause de compétence générale pour les départements et les régions et la maintenant pour les communes et l’État : tel est précisément l’objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

Il y a, me semble-t-il, une certaine confusion entre compétence et financement. La compétence est une notion juridique : qui peut décider d’intervenir dans tel ou tel domaine. Le texte qui nous est présenté prévoit expressément que le département, dans le cadre de sa mission de solidarité, peut financer des équipements communaux.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et l’assainissement rural !

M. Michel Mercier. En effet. Ce qui a été décidé par la commune peut donc être financé par le département. Cela est explicitement prévu par le projet de loi.

Mme Cécile Cukierman. On a le droit d’y voir des contradictions !

M. Michel Mercier. On peut certes décider de tout jeter par la fenêtre, mais mieux vaut à mon sens s’efforcer de maintenir un système qui soit à peu près cohérent.

Il est normal que la commune, collectivité de proximité, conserve une compétence générale,…

Mme Cécile Cukierman. Mais si cela ne veut rien dire !

M. Michel Mercier. … parce qu’elle est le mieux à même de connaître les besoins de la population. Si elle ne peut pas assurer seule le financement d’un projet, ce qui sera souvent le cas, elle pourra être aidée par le département.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ou par la région !

M. Michel Mercier. Il ne faut donc pas confondre, je le redis, financement et compétence, celle-ci étant une notion juridique. Le texte préserve tout à fait la capacité, pour le département, d’intervenir financièrement au profit des communes. Revenir au dispositif de la loi de 2010 est opportun, parce que cela permet une clarification conforme aux réalités du terrain.

On a beaucoup parlé de démocratie à la suite des événements de ces derniers jours. Or, en démocratie, les élus sont jugés selon ce qu’ils font : encore faut-il savoir qui fait quoi !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Michel Mercier. Tout le monde réclame que l’on mette un peu d’ordre dans les compétences. Je ne soutiens pas forcément le Gouvernement, mais la clarification qui nous est proposée répond tout à fait à cette exigence. C’est la raison pour laquelle je voterai contre les amendements allant à son encontre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. J’ai déposé, à l’article 1er, un amendement visant également à revenir sur la suppression de la clause de compétence générale. Au rythme où nous allons, je ne pourrai sans doute pas le défendre ce soir… Je préfère donc m’exprimer dès maintenant.

Monsieur Mercier, il ne s’agit pas de mélanger compétence et financement, il s’agit d’affirmer le droit d’agir.

M. Philippe Adnot. Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a quelques années, le département de l’Aube avait décidé de créer une zone logistique de 250 hectares à un croisement d’autoroutes, car les communes concernées étaient trop petites pour mener à bien un tel projet. Or l’administration de l’État nous a refusé le droit de réaliser les équipements d’assainissement, au motif qu’il existait un syndicat intercommunal ad hoc.

M. Philippe Adnot. Le préfet s’est également opposé à ce que le département finance l’électrification pour le même motif, et ainsi de suite…

Sans la clause de compétence générale, nous n’aurions pas pu aménager la zone logistique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, cela n’a rien à voir !

M. Philippe Adnot. J’ai fait observer à l’administration de l’État qu’il était tout de même extraordinaire qu’elle oblige à saucissonner une opération conduite par une seule collectivité. Le département disposant de la clause de compétence générale,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle n’existait pas !

M. Philippe Adnot. …elle a été obligée de faire machine arrière.

Aujourd'hui, nous défendons le droit pour la région ou le département de mener à bien, demain, des projets importants pour leur territoire. La clause de compétence générale permet de faire face à des problématiques imprévues. Cela n’a rien à voir avec la question du financement.

Je voterai l’amendement n° 810.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il ne s’agit pas pour nous de dire blanc après avoir dit noir. Nous avons mené un travail de fond avec vous tous, notamment avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur les conférences territoriales de l’action publique. Nous faisons confiance aux élus. Il s’agit de leur permettre de subdéléguer des compétences sur les territoires, de promouvoir une véritable avancée en matière d’exercice des compétences. Je pense que les conférences territoriales de l’action publique répondent aux questions que vous avez soulevées.

En ce qui concerne le logement, par exemple, nous espérons avoir ouvert aux différentes collectivités, dans ce projet de loi, la possibilité d’intervenir dans les meilleures conditions possible, en tant que de besoin, au titre de la solidarité territoriale, compétence nouvelle qui relève de la nécessaire coopération entre les territoires que j’évoquais. Cela répond exactement à la question que vous avez posée, madame Lienemann.

Il faut à la fois clarifier – enfin ! – les responsabilités de chacun et favoriser les échanges entre collectivités territoriales, les délégations aux échelons infrarégionaux. En matière de développement économique, par exemple, la région peut se charger de la stratégie et l’intercommunalité ou le département de l’immobilier d’entreprise. C’est ce que l’on doit parvenir à faire. Qui ne connaît pas de contrats passés entre un département et des intercommunalités, entre des régions et des pays ou des pôles de développement ?

Par conséquent, clarifions les compétences tout en ménageant les marges de manœuvre nécessaires.

Il a été dit que cette question n’avait rien à voir avec celle du financement : je m’inscris en faux contre cette affirmation.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. On peut nous reprocher d’avoir réalisé 50 milliards d'euros d’économies, qui pèsent sur les finances des collectivités territoriales, mais d’aucuns disent que ce sont 150 milliards d'euros d’économies qu’il aurait fallu faire pour empêcher que la France ne se retrouve un jour dans la situation de la Grèce.

Il y a un problème de financement des collectivités territoriales. Aujourd'hui, les ressources de certaines d’entre elles sont tellement faibles qu’elles ne parviennent pas à assumer leurs compétences fondamentales.

Je parlais tout à l'heure de solidarité entre les territoires. J’espère que ce projet de loi s’accompagnera, par exemple, d’une refonte de la dotation globale de fonctionnement. Je regrette, à cet égard, que la majorité sénatoriale n’ait pas souhaité participer à la réflexion sur la réforme de la DGF. Je peux comprendre ce choix, mais cette refonte peut aussi contribuer à remédier aux inégalités territoriales actuelles.

Nous avons la volonté de permettre aux régions, aux départements, aux intercommunalités et aux communes de discuter de la mise en œuvre des compétences en fonction de priorités définies, mais je rappelle que seul le bloc communal dispose de la clause de compétence générale. On ne peut pas à la fois affirmer que la République s’appuie sur les communes et juger aberrant que la commune soit seule à disposer de la clause de compétence générale.

Oui, nous avons eu des doutes sur la mise en place des conférences territoriales de l’action publique ou sur la possibilité de prévoir des délégations infrarégionales de compétences. Nous avons travaillé sans a priori sur ces questions avec bon nombre d’entre vous.

Nous faisons confiance aux élus et, aussi difficile que la période soit sur les plans financier, économique, social et politique, nous trouverons des solutions. Aucun projet utile aux citoyens ne doit être empêché de voir le jour. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) Madame Lienneman, la clause de solidarité territoriale est peut-être ce qui nous permettra de trouver ensemble des solutions pour aider les territoires qui sont dans la déprise, que l’on oublie souvent, ou ceux qui sont en grande difficulté, que l’on oublie toujours.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous nous dites que nous n’avons plus aujourd'hui des capacités financières suffisantes pour assumer la clause de compétence générale.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Éric Doligé. Ce n’est pas de notre faute si nous n’avons plus de ressources suffisantes ! N’essayez pas de nous endormir avec un tel argument !

En 2010, M. Mercier l’a rappelé, nous avions voté la suppression de la clause de compétence générale. L’UMP a toujours maintenu cette position, car nous pensons que c’est ainsi que nous pourrons assurer le meilleur fonctionnement de nos collectivités, éviter un certain nombre de superpositions, faire des économies…