compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

M. Philippe Adnot,

Mme Valérie Létard.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Modifications de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date du 28 novembre, le Gouvernement demande que la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, soit inscrite à l’ordre du jour du lundi 15 décembre matin et, éventuellement, après-midi.

Par ailleurs, il demande que les conventions internationales inscrites à l’ordre du jour du jeudi 18 décembre matin soient examinées l’après-midi et que trois autres conventions internationales soient examinées lors de cette même séance, selon la procédure simplifiée.

L’ordre du jour des lundi 15 et jeudi 18 décembre 2014 s’établirait donc comme suit :

Lundi 15 décembre

À 10 heures :

- Proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes ;

(Le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé au vendredi 12 décembre, à 12 heures, et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait d’une heure).

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin ;

- Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ;

Jeudi 18 décembre

À 9 heures 30 :

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ou nouvelle lecture ;

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises ;

De 15 heures à 15 heures 45 :

- Questions cribles thématiques sur la réforme des rythmes scolaires ;

À 16 heures et, éventuellement, le soir :

- 7 conventions internationales en forme simplifiée ;

- Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

3

Article additionnel après l'article 64 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Deuxième partie

Loi de finances pour 2015

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Culture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Article 50 bis (nouveau)

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Culture

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et article 50 bis).

La parole est à M. Vincent Eblé, rapporteur spécial.

M. Vincent Eblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, la mission « Culture » est une mission importante budgétairement – 2,6 milliards d’euros prévus en 2015 –, qui couvre trois champs principaux : le patrimoine, la création et la démocratisation culturelle.

Les principaux objectifs visés par la mission sont les suivants : sauvegarder, protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel sous toutes ses formes ; favoriser la création, la diversité et la diffusion des œuvres d’art et de l’esprit ; renforcer l’enseignement supérieur culturel et soutenir la démocratisation culturelle grâce, en particulier, à l’éducation artistique et culturelle.

Dans la répartition opérée avec mon collègue André Gattolin, il me revient de vous présenter l’analyse générale de la mission ainsi que les crédits relatifs au programme 175 « Patrimoines ». Pour sa part, André Gattolin vous parlera du programme 131 « Création » et du programme 224 « Transmission de la culture et démocratisation des savoirs ».

Les crédits prévus pour 2015 sont stables par rapport à 2014, et c’est une évolution dont on peut se féliciter, après deux années de forte attrition des crédits au cours desquelles la mission a fortement contribué à l’effort de redressement des comptes publics. En outre, cette évolution favorable dans le contexte budgétaire actuel se poursuivra sur l’ensemble des trois années 2015-2017.

Cet effort traduit bien la priorité accordée par le Gouvernement à la culture et est en cohérence avec plusieurs grandes priorités transversales : les territoires, le renforcement de l’attractivité et de la compétitivité de notre pays, la jeunesse et la refondation de l’école.

La mission « Culture » est marquée par le poids de ses dépenses de fonctionnement et d’intervention. La hausse des dépenses de fonctionnement traduit, notamment, une inflexion positive des moyens attribués aux opérateurs – les musées nationaux, le Centre des monuments nationaux, les établissements du spectacle vivant, les écoles supérieures –, après deux années de baisse, avec la réduction de leurs subventions et même des prélèvements exceptionnels sur les plus solides d’entre eux.

De façon générale, les opérateurs de l’enseignement supérieur connaissent un traitement plus favorable que les grands musées ou établissements qui ont des marges de manœuvre pour développer leurs ressources propres. Nous approuvons ce traitement différencié, qui traduit en outre la priorité accordée à la jeunesse et à l’éducation.

André Gattolin et moi-même, comme beaucoup d’entre nous ici je pense, attendons avec impatience le dépôt au premier semestre 2015 du grand projet de loi sur le patrimoine, la création et l’architecture. Il permettra de juger, en complément du budget pour 2015, de l’ambition du Gouvernement dans le domaine culturel.

Les crédits du programme 175 « Patrimoines » sont stables, de manière générale, par rapport à 2014. Après deux années de forte baisse, ils représentent 751 millions d’euros. J’estime que cette stabilité des crédits, dans le contexte budgétaire actuel, est une bonne chose. En effet, la préservation et la restauration de nos monuments historiques constituent des facteurs importants de renforcement de l’attractivité culturelle et du dynamisme touristique et économique de nos territoires. Les grands équipements étant achevés, les dépenses d’investissement diminuent au profit des dépenses de fonctionnement et d’intervention.

Mes principales observations sont les suivantes.

En premier lieu, je relève la stabilisation des crédits déconcentrés, ce qui est une bonne nouvelle et un signe fort en direction des collectivités territoriales dans le contexte de baisse des dotations. Cela traduit la volonté de l’État de maintenir son engagement aux côtés des territoires dans le domaine culturel. Cet effort est d’autant plus nécessaire qu’une récente étude de l’association des petites villes de France révèle que 95 % des villes de 3 000 à 20 000 habitants envisagent de réduire dès 2015 les moyens qu’elles consacrent à la culture.

En deuxième lieu, il faut noter la volonté de pérenniser l’excellence culturelle de notre pays ainsi que le souhait d’améliorer les conditions d’accueil, de visite et de sécurité des visiteurs dans les principaux lieux touristiques. Je salue surtout la décision d’ouvrir sept jours sur sept les musées nationaux les plus fréquentés – Versailles, le Louvre, Orsay – à l’horizon de 2017. Cette dernière décision sera financée par des recettes de billetterie supplémentaires, mais l’État contribuera en partie aux besoins nécessaires en personnels.

Enfin, il faut souligner l’apparition d’une subvention pour charges de service public, néanmoins modeste, de 5 millions d’euros au profit de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP. Cette subvention traduit la reconnaissance de la spécificité de cet opérateur au sein du paysage de l’archéologie préventive. En effet, celui-ci doit faire face à des missions de service public, en matière aussi bien scientifique que territoriale, à la différence des autres opérateurs de ce secteur devenu concurrentiel.

En ce qui concerne son financement par la redevance d’archéologie préventive, le ministère de la culture et de la communication nous a indiqué que les difficultés tenant au recouvrement de cette redevance ont été résorbées.

Étant responsable des crédits du patrimoine, il me revient également de vous présenter l’article 50 bis rattaché à la mission, qui a été adopté par l’Assemblée nationale sur une initiative de notre collègue député François de Mazières, le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse de l’Assemblée.

Cet article vise à instaurer une demande de rapport du Gouvernement au Parlement en ce qui concerne la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux, le CMN, les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.

Le CMN est en effet confronté à une extension de son champ d’intervention et les monuments les plus rentables sont minoritaires au sein de son périmètre. Le principe d’une réflexion sur la diversification des ressources du Centre des monuments nationaux nous semble donc plutôt utile, même si la solution proposée par M. de Mazières peut soulever des interrogations, qui tiennent notamment à l’équilibre économique des jeux de hasard en France et aux conséquences d’un tel financement sur une éventuelle perte de recettes pour le budget de l’État, dans la mesure où une partie des sommes misées par les joueurs dans le cadre de la loterie nationale est reversée à l’État. Toutefois, puisqu’il s’agit à ce stade d’une simple demande de rapport, nous proposons d’adopter cet article sans modification.

De même, j’indique au Sénat que la commission des finances a suivi la proposition des deux rapporteurs spéciaux et vous propose donc d’adopter les crédits de la mission « Culture » sans modification.

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, rapporteur spécial.

M. André Gattolin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a indiqué à l’instant Vincent Eblé, il me revient de vous présenter les crédits du programme 131 « Création » et du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

S’agissant tout d’abord du programme 131, doté de 734 millions d’euros, le budget 2015 est marqué par une évolution favorable des moyens dédiés au spectacle vivant et aux arts plastiques, et par la fin du chantier de la Philharmonie de Paris.

La réduction apparente des crédits dédiés au soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant s’explique par la fin des travaux de la Philharmonie de Paris et par le rythme d’avancement de ceux de l’Opéra-Comique et du Théâtre national de Chaillot, en cours de rénovation.

Si l’on neutralise ce facteur, il apparaît que les crédits d’intervention dédiés aux acteurs du spectacle vivant sur le territoire sont préservés en 2015 et le seront également sur l’ensemble des trois années 2015-2017. Les crédits consacrés aux arts plastiques sont, pour leur part, en hausse et soutiendront principalement les fonds régionaux d’art contemporain, ou FRAC, et les galeries d’art.

Les crédits d’intervention déconcentrés, destinés à financer des initiatives territoriales, connaissent, eux aussi, une hausse.

Le budget pour 2015, s’agissant de la création, est également marqué par deux événements : d’une part, l’ouverture de la Philharmonie de Paris en janvier 2015 et, d’autre part, l’ouverture de la collection Lambert à l’été 2015. Je concentrerai ici mon propos sur la Philharmonie, même si la collection Lambert est une donation exceptionnelle faite à l’État en 2012 par le galeriste Yvon Lambert. Il s’agit même de la plus grosse donation privée en France depuis 1920. Celle-ci sera exposée de façon permanente à partir de l’été 2015 en Avignon, et il n’y a guère de remarques budgétaires à faire à son sujet au titre du projet de loi de finances pour 2015.

L’ouverture prochaine de la Philharmonie est très attendue. Des questions demeurent toutefois en suspens, s’agissant notamment de la prise en compte des surcoûts du chantier et du calibrage des dépenses de fonctionnement du nouvel établissement. Si le chantier coûtera au final bien plus cher que ce qui avait été initialement prévu, le ministère est loin d’en porter seul la responsabilité et force est de constater que d’importants efforts ont été réalisés pour enrayer la dérive des coûts.

Fin connaisseur du sujet, notre prédécesseur Yann Gaillard redoutait, l’an passé, que le montant total des travaux soit proche de 400 millions d’euros. Les estimations récentes laissent heureusement penser que celui-ci ne devrait pas excéder 381 millions d’euros.

Je signale par ailleurs que, à la demande du Premier ministre, une mission a été lancée afin de calibrer de la façon la plus adaptée les dépenses de fonctionnement du futur établissement.

À ce stade, la dotation inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2015 est de 9,8 millions d’euros.

Des synergies et mutualisations sont attendues entre la Philharmonie de Paris et la Cité de la musique. Il sera donc intéressant d’évaluer très attentivement la première année de fonctionnement de la Philharmonie de Paris.

Madame la ministre, même si nous n’avons pas déposé d’amendement à ce propos, Vincent Eblé et moi-même jugerions particulièrement opportune la création d’un indicateur de performance dédié au fonctionnement de la Philharmonie, indicateur qui pourrait notamment prendre en compte la fréquentation de l’établissement et le développement de ses ressources propres.

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est doté de 1,1 milliard d’euros. Son budget, en très légère hausse, est marqué par une priorité accordée à l’éducation artistique et culturelle et aux établissements d’enseignement supérieur.

On constate la hausse dynamique des crédits en faveur de l’enseignement supérieur culturel, qui financeront notamment des dépenses d’investissement sur l’ensemble du territoire, en faveur des écoles d’architecture, des écoles d’art et des écoles du spectacle vivant.

Les dépenses d’intervention concernent essentiellement le versement des bourses aux étudiants des établissements de l’enseignement supérieur culturel.

La forte hausse des crédits s’explique par la progression continue du nombre de boursiers, par une augmentation raisonnable du montant unitaire des bourses et par la création de deux nouveaux échelons.

Le ministère de la culture s’aligne en ce domaine sur le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. À cet égard, il faudra suivre avec attention la manière dont sera financé le passage à la rentrée 2015 de tous les étudiants de l’échelon 0 vers l’échelon 0 bis qui n’est pas inscrit dans le projet de loi de finances pour 2015.

Enfin, le budget pour 2015 est marqué par une forte hausse des crédits dédiés à l’éducation artistique et culturelle, évolution qui reflète la priorité du Gouvernement donnée à la jeunesse et à la démocratisation de la culture.

Dix millions d’euros de crédits déconcentrés seront, en particulier, spécifiquement dédiés au plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle, contre 7,5 millions d’euros l’an dernier. Ils devraient permettre de faire émerger nombre de projets dans les territoires.

En revanche, je signale la réduction très marquée du soutien de l’État aux conservatoires à rayonnement régional et départemental. L’action n° 3 qui leur était dédiée disparaît et est intégrée au sein de l’action n° 1 relative au soutien aux établissements d’enseignement supérieur et d’enseignement professionnel.

Le ministère a décidé de recentrer ses interventions sur les seuls conservatoires adossés à des pôles supérieurs d’enseignement du spectacle vivant.

Même si la part de l’État dans le financement global des conservatoires régionaux et départementaux est relativement réduite – 6 % en moyenne au cours des dernières années –, je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que cette décision de réduire leurs crédits émeut un certain nombre de mes collègues, au sein tant de la commission de la culture que de la commission des finances. Et si – il faut en convenir – les aides individuelles aux élèves de ces établissements sont maintenues pour tous les établissements d’enseignement supérieur spécialisés, nous souhaiterions obtenir de votre part plus de précisions quant aux tenants et aboutissants de ce choix.

Concernant les dépenses de personnel et de fonctions support imputées sur le programme 224, nous constatons que les dépenses de personnel augmentent légèrement du fait de l’amorce, en 2015, de la remise à niveau de la politique catégorielle et indemnitaire du ministère de la culture et de la communication, prévue par la programmation triennale 2015-2017.

Les frais de fonctionnement sont pour leur part stabilisés, ce qui marque la poursuite d’un effort de rationalisation et de mutualisation de ces dépenses, pour la plupart indexées sur l’inflation.

Pour finir, je précise que l’Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement qui vise à augmenter les autorisations d’engagement du programme 224 de 2,1 millions d’euros, afin de permettre le lancement des travaux de sécurité du bâtiment de l’établissement public du Palais de la Porte dorée, l’EPPD, qui abrite à la fois la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et l’aquarium tropical.

Ces travaux ont vocation à garantir la sécurité des visiteurs et des agents et à améliorer l’optimisation de l’espace pour faire face à la hausse de la fréquentation.

Les travaux devant s’étaler jusqu’en 2017, les crédits de paiement correspondant à ces autorisations d’engagement seront consommés ultérieurement.

En conclusion, comme l’a souligné mon collègue Vincent Eblé, le budget de la mission « Culture » pour 2015 nous semble satisfaisant à plusieurs égards.

D’une part, il s’inscrit dans la cohérence par rapport à plusieurs grandes priorités transversales du Gouvernement, telles que le soutien aux territoires, le renforcement de l’attractivité notamment touristique de notre pays, la jeunesse et le développement de l’éducation artistique et culturelle.

D’autre part, il s’inscrit également dans la logique du redressement des comptes publics, les hausses de dotation étant précisément ciblées et des efforts étant réalisés sur la maîtrise des dépenses.

Des efforts de diversification de leurs ressources et de rationalisation des dépenses sont ainsi demandés aux grands opérateurs culturels. De même, le ministère poursuit sa politique de rationalisation des dépenses de fonctionnement. Enfin, aucun nouveau chantier culturel d’ampleur, susceptible d’induire un dérapage des dépenses, n’est annoncé pour les trois années 2015-2017.

C’est donc sous le bénéfice de ces observations que Vincent Eblé et moi-même vous proposons, mes chers collègues, l’adoption sans modification des crédits de la mission « Culture ».

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’évolution des crédits du programme « Patrimoines », qu’il me revient de rapporter ici au nom de la commission de la culture, est satisfaisante. En effet, après deux années de très forte diminution des crédits alloués à ce secteur, auquel le Sénat attache une grande importance depuis longtemps, les crédits sont, cette année, globalement stables, puisqu’ils se traduisent par une légère hausse des crédits de paiement, avec 751 millions d’euros, et par une légère baisse des autorisations d’engagement, avec 745 millions d'euros. Je ne peux donc que m’en féliciter.

De surcroît, les efforts demandés aux grands opérateurs de l’État en matière culturelle sont moindres que les années précédentes, car la contribution de ce budget et de celui des grands opérateurs à l’assainissement des finances publiques avait été considérable, un peu trop à mon gré. Cette année, les grands opérateurs sont épargnés et certains d’entre eux, dont la gestion est parfaitement équilibrée et satisfaisante, souhaiteraient d'ailleurs disposer d’une marge de manœuvre beaucoup plus grande, notamment sur les emplois de titre III qu’ils réussissent à autofinancer.

Je souhaiterais, à cet égard, dire un mot du Centre des monuments nationaux, dont le périmètre a été élargi, en 2009, avec le domaine national de Rambouillet, puis, en 2014, avec le fort de Brégançon. Cette extension a été réalisée à budget constant, hormis un transfert de crédits de 175 000 euros en provenance du ministère de la défense qui assurait jusqu’ici l’entretien du fort de Brégançon.

Le CMN s’est vu confier, cette année, une nouvelle mission : il devra assurer la gestion de l’hôtel de la Marine que la commission avait eu le plaisir de visiter, voilà quelques années, au moment où une polémique était née au sujet de sa reprise par une entreprise privée. Le CMN aura pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre les appartements historiques de l’hôtel de la Marine, notamment les salons d’apparat, dont le rôle historique est connu.

Dans ce contexte, la commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 50 bis qui prévoit un rapport – notre collègue Vincent Eblé l’a évoqué tout à l’heure – relatif à la possibilité d’affecter au CMN les bénéfices d’un tirage exceptionnel du Loto. Voilà quelques années, une mission d’information sénatoriale, présidée par Philippe Richert et dont j’étais le rapporteur, avait conclu qu’il était impératif, au vu de l’état prévisionnel des finances publiques, d’affecter au patrimoine une partie importante des recettes du jeu – le vice au service de la vertu, avions-nous dit à l’époque ! –, comme cela se pratique en Grande-Bretagne ou en Italie depuis fort longtemps. On avance lentement, mais on avance un peu ; je ne peux que m’en féliciter.

Concernant les monuments historiques, on constate une lente érosion des crédits, certes pratiquement stabilisée cette année. Néanmoins, les crédits de paiement s’établissent à 327 millions d’euros et les autorisations d’engagement à 340 millions d’euros. Si les crédits d’entretien sont préservés – et je ne peux que m’en réjouir – à hauteur de 48 millions d’euros, les crédits destinés à la restauration diminuent de 9 millions d’euros.

Je voudrais à cet égard, madame la ministre, ayant reçu voilà quelques jours le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, vous faire part de la profonde inquiétude de ces entreprises qui, en quelques mois, ont vécu six liquidations judiciaires, la suppression de deux cents emplois et un effondrement de l’apprentissage.

Ce sont des savoirs immémoriaux qui progressivement se perdent. La situation des collectivités territoriales et la baisse des dotations en sont plus responsables que le budget du ministère de la culture – je tiens à le souligner ici –, mais il n’en reste pas moins que le rôle d’un rapporteur dans le domaine du patrimoine est de souligner la gravité de la situation pesant sur ces entreprises qui font partie du patrimoine national. Et on sait à quel point celui-ci contribue à l’attractivité de notre pays, tant économique que touristique, en même temps qu’à la conservation de la mémoire nationale.

La politique en matière de musées est, cette année, confortée, après des baisses importantes de crédits les années précédentes. Les crédits de paiement s’établissent ainsi à 339 millions d'euros pour 2015. C’est important à la fois pour assurer l’équilibre entre Paris et la province, auquel notre assemblée est attachée, et pour préparer l’ouverture sept jours sur sept des grands musées, ainsi que vous le souhaitez.

Les crédits de l’action n° 8 relative aux acquisitions des collections publiques sont maintenus, après avoir diminué ; c’est une excellente chose, et le Sénat y attache, là aussi, un grand intérêt.

Les archives vont poursuivre leur politique de numérisation. Là aussi, c’est un élément positif.

Je terminerai cette très brève présentation en évoquant les difficultés de l’archéologie préventive.

Il y a quelques années, la redevance d’archéologie préventive, la RAP, aurait dû régler la situation. Malheureusement, un dysfonctionnement grave du logiciel Chorus, le système informatique du ministère – le progrès technique, comme la langue d’Esope, est la pire et la meilleure des choses ! –, est intervenu. Il y a Chorus au ministère de la culture,…

M. Michel Bouvard. Chorus n’est pas que pour la culture !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Je ne vous le fais pas dire, cher collègue.

… et il y a eu LOUVOIS, « le logiciel unique à vocation interarmées de la solde » à la défense.

Cette situation a mis en péril l’Institut de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, et les opérateurs. Il semblerait aujourd'hui – vous l’avez indiqué devant la commission, madame la ministre – que les choses rentrent dans l’ordre. Je ne peux que le souhaiter, car le secteur de l’archéologie préventive – ô combien sensible dans nos collectivités ! – a été fragilisé économiquement.

En conclusion, j’indique que je m’en étais remis à la sagesse de la commission sur le programme « Patrimoines » et que celle-ci a émis un avis défavorable sur l’ensemble des crédits de la mission « Culture ».

M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter cette année l’avis de la commission de la culture sur les crédits du programme « Création » et sur le soutien public au cinéma.

Nous pouvons tout d’abord nous féliciter du maintien des crédits visant à encourager la création et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. C’est un excellent signe en période de contrainte budgétaire, et je note que la promesse du Premier ministre a été tenue. Hors Philharmonie de Paris, ces crédits sont même en augmentation de 2 %.

Globalement, les dépenses de fonctionnement des opérateurs du spectacle vivant sont maintenues et les crédits en faveur des équipements en région sont préservés, ce qui permettra notamment de poursuivre la réalisation de fonds régionaux d’art contemporain « de nouvelle génération ».

Autre motif de satisfaction, le montant des crédits déconcentrés de fonctionnement dans le domaine du spectacle vivant s’élève à 284 millions d’euros, dont 192 millions d’euros pour les labels et réseaux.

En revanche, malgré une hausse de 5 % des crédits de paiement, qui mérite d’être soulignée, les arts plastiques continuent à faire figure de « parent pauvre » de la création française pour plusieurs raisons. Ils bénéficient de moins de 10 % des crédits du programme, ne peuvent pas s’appuyer sur un régime d’indemnisation du chômage comme celui des intermittents – j’attire d'ailleurs votre attention sur ce dernier régime, car il me paraît nécessaire de le conforter, et j’aimerais que Mme la ministre nous éclaire à cet égard –, vivent souvent en dessous du seuil de pauvreté et attendent toujours une réponse du ministère du travail pour mettre en place une convention collective.

Je rappelle également que les acteurs privés, mais aussi – c’est le plus choquant – les structures publiques ne respectent pas leur droit d’exploitation, les privant ainsi de revenus complémentaires et diminuant l’assiette de leurs cotisations à la sécurité sociale. Enfin, des dérives des systèmes de cotisations ont été dénoncées à plusieurs reprises par l’Inspection générale des affaires culturelles et l’Inspection générale des affaires sociales, qui ont décrit la situation dramatique d’artistes privés de retraite. Je souhaiterais que nous prenions le temps d’appréhender ensemble tous ces sujets en amont du projet de loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine, que nous attendons – vraiment ! – pour le printemps 2015.

Le Sénat, en adoptant les amendements présentés par notre commission de la culture, c’est-à-dire l’application de la TVA au taux réduit de 5,5 % sur l’ensemble des livraisons d’œuvres d’art et le relèvement du plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson des variétés et du jazz, le CNV, a montré qu’il entendait prendre toute sa part dans ce débat. Je rappelle que le CNV joue un rôle vital de soutien à la filière musicale, puisqu’il redistribue 35 % du rendement de la taxe sous forme d’aides sélectives au profit des entreprises les plus fragiles.

J’en viens maintenant au soutien public au cinéma. Dans ce domaine aussi, le projet de loi de finances préserve ce qui doit l’être, même si on voit bien qu’il en faudra davantage pour pérenniser notre système original et vertueux de soutien à l’activité cinématographique.

Alors que les taxes qui abondent le fonds de soutien rapporteront moins l’an prochain, le projet de loi de finances, dans sa rédaction initiale, en laissait l’intégralité du produit au CNC. La commission des finances, cependant, a proposé, et la majorité de notre assemblée l’a adopté, le principe d’un « écrêtage » des deux principales taxes affectées au CNC, en cas de dépassement du plafond. Je le regrette.

Je me réjouis surtout que le Sénat ait suivi l’avis de la commission de la culture en ne votant pas la proposition de la commission des finances de ponctionner le fonds de roulement du CNC de 61,5 millions d’euros, d’autant que le produit des taxes affectées s’inscrit en recul de près de 10 % par rapport aux prévisions de l’an passé.

Madame la ministre, je sais que vous connaissez la situation du cinéma français et les dangers qui pèsent sur lui. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous attendons des réformes d’envergure pour l’an prochain, et vous savez que vous pourrez compter sur le Sénat pour les accompagner.

Les réformes attendues sont nombreuses : sur le fonds de soutien, sur la chronologie des médias ou encore sur le soutien à l’exportation. Il faudra également travailler à la réforme du crédit d’impôt cinéma, non seulement pour attirer les films étrangers, mais aussi pour empêcher que les films français ne soient tournés, pour des raisons fiscales, en Belgique, au Luxembourg et même en Allemagne. Le temps est venu d’agir sur ce point.

Nous sommes attachés à notre système de soutien au cinéma, vertueux et performant. C’est grâce à lui que nous continuons de produire 270 films par an, que les films français captent plus du tiers des spectateurs hexagonaux, que les salles ont réalisé plus de 200 millions d’entrées l’an passé, et que la branche représente 250 000 emplois directs.