Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Madame la secrétaire d’État, votre réponse confirme malheureusement nos inquiétudes : vous parlez de « concertation », de « projet coordonné », mais cela ne signifie pas forcément la fusion des deux hôpitaux Bichat et Beaujon, point qui est précisément en débat.

Puisqu’il est question, dans les discours, d’améliorer l’offre de santé, permettez-moi de répéter mon propos : notre crainte est de voir le nombre total de lits passer des 1 400 lits existants à 1 000 lits. Or, vous n’apportez aucun éclaircissement sur ce point.

Par ailleurs, vous avez parlé de financement. Le projet de la direction de l’AP-HP est, on le sait, de revenir à une situation d’équilibre budgétaire – c’est du moins ce qu’elle annonce – au moyen d’un plan de cession de 200 millions d’euros. Cela nous porte à craindre que, pour financer ce projet d’hôpital Nord du Grand Paris, l’AP-HP procède par redéploiement, en fermant des services et en cédant une partie de son patrimoine au plus offrant.

Le rapport sur l’hôpital rédigé en 2012 par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, soulignait les surcoûts et les dysfonctionnements inhérents aux hôpitaux de trop grande taille. Les projets déjà existants montrent que ce problème se pose effectivement de façon extrêmement sérieuse. Le rapport mettait en évidence la diminution du nombre de lits engendrée par les fusions d’hôpitaux publics intervenues entre 2003 et 2008.

Vous comprendrez dans ces conditions que nous allons rester mobilisés et vigilants. La volonté que vous avez réaffirmée d’entendre les propositions présentées par la population et les élus de Paris et d’être attentive à cette concertation ne saurait être qu’une déclaration d’intention si, dans le même temps, un projet contraire à ce qu’expriment les personnels et les populations continue de prospérer.

régime de solidarité territoriale en polynésie

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Dubois, auteur de la question n° 912, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. Vincent Dubois. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Cette question, à laquelle se joint Mme la sénatrice Teura Iriti, est relative au retour attendu de l’État dans le financement du Régime de solidarité de la Polynésie française, le RSPF.

La loi du 5 février 1994 d’orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française définissait, pour une durée de dix ans, les conditions dans lesquelles « la nation aidera le territoire de la Polynésie française à réaliser une mutation profonde de son économie, afin de parvenir à un développement mieux équilibré et à une moindre dépendance à l’égard des transferts publics, en favorisant le dynamisme des activités locales et le progrès social ».

Au chapitre de ce progrès social, la conjugaison des solidarités territoriale et nationale a permis de mettre en place un système de protection sociale original, qui a notamment introduit la création d’un régime de solidarité spécifique pour les plus démunis. Ainsi, entre 1994 et 2007, la participation de l’État au régime de solidarité a représenté une somme globale de 350 millions d’euros, soit une moyenne de 27 millions d’euros par an.

L’interruption brutale, en 2008, de ces crédits de solidarité a généré un défaut de financement de l’État de 190 millions d’euros alors que, concomitamment, la Polynésie subissait les conséquences de la crise économique mondiale. En effet, le taux de chômage en Polynésie a doublé en six ans, passant de 10 % à plus de 20 % et entraînant une augmentation des effectifs relevant du régime de solidarité territoriale, passés de 50 000 à 80 000 bénéficiaires.

Aujourd’hui, plus du quart de la population de la Polynésie française vit en dessous du seuil de pauvreté et ne survit que grâce aux faibles allocations versées via ce régime de solidarité. Par voie de conséquence, celui-ci connaît un déficit chronique qui s’aggrave chaque année, avec un risque imminent de non-paiement des allocations sociales, unique source de revenus pour les plus démunis.

Cette situation est évidemment très inquiétante et nécessite une intervention rapide de l’État au titre de la solidarité nationale, intervention qui commence par un retour de l’État au financement dudit régime de solidarité.

En réponse aux sollicitations de la nouvelle majorité issue des élections de mai 2013, et notamment de nos trois députés à l’Assemblée nationale, deux pistes de réflexion sont actuellement proposées par le Gouvernement, pistes qui ne constituent cependant que des régularisations : premièrement, l’obligation pour les fonctionnaires métropolitains en poste en Polynésie française de cotiser à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ; deuxièmement, l’application aux malades polynésiens, qui sont obligés d’être rapatriés en France pour y recevoir des soins très spécialisés, des tarifs hospitaliers métropolitains, et non pas des tarifs plus élevés de 30 %, comme c’est le cas actuellement. Ces deux mesures, si elles sont nécessaires, restent encore très insuffisantes pour combler le déficit colossal du régime de solidarité territoriale.

Je vous rappelle en outre que les recommandations du rapport de l’IGAS de janvier 2004 étaient extrêmement claires quant à la participation de l’État au régime de solidarité territoriale : « Un arrêt, ou même une réduction sensible aurait des effets déstabilisants pour l’équilibre financier du régime de solidarité, et au-delà, pour la protection sociale généralisée qui risquerait des remises en cause. Ceci est » – selon la mission IGAS – « d’autant moins souhaitable que les plus fragiles en seraient les premières victimes. Cette participation de l’État fait partie de la solidarité nationale. »

En septembre dernier, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et Mme la ministre des outre-mer ont réaffirmé par écrit « le principe d’une contribution de l’État au redressement du régime de solidarité de la Polynésie française ».

Mme la présidente. Il vous faut conclure, monsieur le sénateur.

M. Vincent Dubois. Constatant qu’aucune disposition n’est prévue dans le projet de loi de finances pour l’année 2015, je souhaite savoir si Mme la ministre des affaires sociales et de la santé compte oui ou non, et dans quel délai, remettre en place une véritable contribution financière de l’État au Régime de solidarité de la Polynésie française, comparable à celle qui existait jusqu’en 2007, et ce, au profit des familles polynésiennes les plus fragiles.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. La protection sociale généralisée, la PSG, qui comprend le régime de solidarité destiné aux personnes ne pouvant pas être couvertes par les deux autres régimes composant la PSG, a été créée en Polynésie française en 1994.

Si ce régime a permis une amélioration significative de l’état de santé de la population de la Polynésie française, il fait aujourd’hui face à d’importantes difficultés financières, en grande partie liées à la dégradation du climat économique général depuis 2008. En effet, la croissance atone du pays s’est répercutée sur les finances de la collectivité.

À la demande du président de la Polynésie française, une mission d’appui sur le système de santé et de solidarité polynésien a été conduite conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale des finances, et l’Inspection générale de l’administration, s’agissant de l’aggravation de la situation financière du RSPF. Elle a donné lieu en juin dernier à un rapport qui formule soixante-six propositions permettant de poursuivre le rétablissement de l’équilibre des dépenses de santé et de restaurer celui du RSPF. Ces propositions portent à la fois sur la maîtrise des dépenses et sur les hausses de recettes envisageables sans remettre en cause l’accès aux soins pour les plus démunis.

À la suite des engagements pris cet été, un groupe de travail composé de représentants des autorités polynésiennes et de représentants des administrations centrales du ministère des affaires sociales et du ministère des outre-mer a été installé afin d’approfondir les pistes de réformes et les modalités d’accompagnement de l’État au redressement du RSPF.

Deux pistes sont d’ores et déjà à l’étude : d’une part, mettre fin à la majoration du tarif appliqué aux Polynésiens soignés en métropole ; d’autre part, réfléchir aux conditions dans lesquelles l’État pourrait, en tant qu’employeur, verser à la Polynésie française une partie des cotisations patronales. Des expertises devraient déboucher dans les toutes prochaines semaines. Il s’agira là encore d’un effort conséquent pour l’État.

Je puis vous assurer de la volonté du Gouvernement de rechercher avec les autorités de la Polynésie française les voies d’un redressement durable du RSPF, en réaffirmant le principe d’une contribution de l’État à ce régime, au regard et en accompagnement des réformes qui seront engagées pour en assurer la pérennité dans le sens des propositions de la mission inter-inspections.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Dubois.

M. Vincent Dubois. J’entends la confirmation des deux mesures que vous proposez, mesures qui, comme je l’indiquais, sont certes nécessaires, mais ne constituent à notre sens que des régularisations attendues depuis déjà plusieurs années, notamment en ce qui concerne un tarif « homogène » pour les malades polynésiens, c’est-à-dire un tarif identique à celui des malades français. Cela me semble une évidence.

Néanmoins, ce régime a connu un déficit considérable en 2014, et rien n’est prévu à cet égard dans le projet de loi de finances pour 2015. Or les soixante-six mesures du rapport de l’IGAS ne seront pas mises en place avant plusieurs années et ne permettront donc pas de résoudre la difficulté à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. Cette difficulté est liée à une situation d’urgence. L’État doit donc apporter rapidement son soutien au titre de la solidarité nationale à ce régime de solidarité, car ce sont les familles les plus démunies qui en ont le plus besoin. Je vous rappelle qu’un quart de la population polynésienne vit aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté, sans aucun revenu et sans travail. Nous ne pouvons attendre que ces soixante-six mesures soient mises en œuvre car, malheureusement, le déficit du Régime de solidarité de la Polynésie française s’aggravera encore au cours de l’année prochaine.

plan crèches en difficulté

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 890, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.

M. Christian Favier. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention et dire mon inquiétude sur les conditions de mise en œuvre du plan crèches 2013-2017, qui se fixe pour objectif la création, en moyenne annuelle, de 20 000 nouvelles places d’accueil collectif.

Le Haut Conseil de la famille, le HCF, a fait part des mêmes inquiétudes. Dans sa note de conjoncture du mois d’octobre, il constate que, en 2013, seule la moitié des places prévues aura été créée. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation, mais la plus importante tient aux difficultés rencontrées par de nombreuses collectivités territoriales, qui sont aujourd’hui dans l’impossibilité de mobiliser les financements nécessaires à la construction et à la gestion de nouvelles crèches, du fait des restrictions budgétaires drastiques qu’elles subissent et qui vont malheureusement s’accélérer.

Après le gel puis la forte diminution des dotations d’État, des études récentes font apparaître le risque que ces collectivités baissent leurs investissements de près de 25 %.

Il faut savoir également que, toujours d’après le Haut Conseil de la famille, le coût de construction des crèches a presque doublé en dix ans sans que le montant des aides ait suivi cette progression. Pis même, une étude récente sur le financement des structures d’accueil montre que le taux de participation de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, a reculé au cours de la même période, passant de 36,8 % à 25,6 %.

Ce désengagement des allocations familiales doublé des réductions de dotation imposées aux collectivités territoriales risque donc de compromettre gravement le développement des places en crèche, pourtant indispensables.

Alors que le Gouvernement réaffirme faire de la création de nouvelles places en crèche une priorité de la convention d’objectifs et de gestion signée avec la CNAF, je crains que cette volonté ne soit contredite par les faits et par un désengagement financier sur le terrain.

Aussi je vous demande, madame la secrétaire d’État, si cette diminution de près d’un tiers de l’intervention de la CNAF n’est pas de nature à décourager encore plus les collectivités territoriales, principales actrices en ce domaine, d’autant que ces dernières sont frappées par ailleurs d’une forte baisse de leurs ressources, pour aujourd’hui mais aussi, malheureusement, pour demain.

Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, de quels moyens allez-vous vous doter pour remédier à cette situation et pour faire face à ce risque de relative stagnation du nombre de places en crèche alors que les besoins n’ont jamais été aussi forts ? Quelles mesures nouvelles le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir les collectivités qui investiront dans la création de nouvelles places en crèche, tant attendues par les parents de jeunes enfants ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur Favier, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la secrétaire d’État, Laurence Rossignol.

Dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion pour la période 2013-2017, le Gouvernement a fixé à la Caisse nationale des allocations familiales un objectif sans précédent : la création de 100 000 solutions en accueil collectif et 100 000 solutions en accueil individuel.

Il s’agit d’une contribution déterminante à l’atteinte de l’objectif global de 275 000 places d’accueil supplémentaires pour les enfants de zéro à trois ans d’ici à 2017, objectif qui mobilise également l’éducation nationale à hauteur de 75 000 places de préscolarisation.

Cet objectif conduira à augmenter de 20 % le nombre de places d’accueil disponibles en seulement cinq ans. À titre de comparaison, à peine 100 000 solutions d’accueil pour les enfants de zéro à trois ans ont été créées sous le gouvernement de François Fillon : pour 158 000 nouvelles solutions d’accueil en crèche ou auprès d’assistants maternels, la précédente majorité avait supprimé 58 000 places en maternelle. Les ambitions ne sont donc en rien comparables.

Le 9 octobre 2014, le Haut Conseil de la famille a adopté un avis et une note faisant le point sur le développement de l’accueil des jeunes enfants. Le HCF souligne que la tendance constatée permettrait d’atteindre 51 % de l’objectif en 2013. Il précise que la conjoncture a pesé sur les réalisations.

En effet, l’année 2013 constitue la première année de la convention d’objectifs et de gestion, dont la signature a été tardive, en juillet. Or, la sous-exécution des crédits finançant l’investissement des projets de crèches est habituellement la première année d’une convention d’objectifs et de gestion. Parmi les autres facteurs conjoncturels cités par le HCF figurent le contexte économique dégradé, qui aurait induit une plus faible demande d’accueil par les parents, ainsi que les élections municipales du printemps 2014, qui auraient freiné les projets.

Malgré ce contexte très défavorable, ce sont près de 11 000 places de crèche nouvelles qui ont été proposées aux familles en 2013, auxquelles s’ajoutent les 14 000 places déjà ouvertes en 2012. En deux ans, les efforts du Gouvernement ont porté leurs fruits et ont permis d’offrir des solutions supplémentaires aux familles. Au total, ce sont 384 000 places dans 11 400 établissements d’accueil du jeune enfant, qui sont proposées aux enfants de moins de trois ans.

Mais ce n’est pas tout : 313 000 assistants maternels agréés accueillent en 2013 plus de 960 000 enfants, dont 620 000 sont âgés de moins de trois ans. Enfin, à la rentrée scolaire 2013, plus de 97 000 enfants de moins de trois ans ont été scolarisés en maternelle.

Néanmoins, le Haut Conseil met également en avant des difficultés d’ordre structurel pour expliquer les moindres créations de places d’accueil collectif depuis 2013. Pour autant, je ne peux pas vous laisser dire que ces difficultés sont liées à un désengagement de la Caisse nationale d’allocations familiales. C’est faux : la subvention d’investissement des caisses d’allocations familiales est passée de 6 600 euros en moyenne par place en 2000 à près de 9 000 euros en 2013 ; elle a donc augmenté de 32 %.

En revanche – et c’est le constat du HCF –, « les coûts de construction des établissements d’accueil du jeune enfant ont presque doublé » sur la même période, passant de 18 000 euros à 34 000 euros. Dès lors, le taux de cofinancement par les CAF a effectivement diminué.

Face à ce constat, le Gouvernement a immédiatement décidé d’agir pour conforter le plan crèches, pour rassurer les collectivités territoriales et les familles.

Cette accélération du plan crèches repose, d’une part, sur une aide exceptionnelle de 2 000 euros supplémentaires pour chaque nouvelle place de crèche dont la création sera décidée en 2015 et, d’autre part, sur un travail de simplification par l’allégement des normes qui encadrent la construction de places de crèches.

À cela s’ajoute un plan global de développement des places auprès des assistants maternels, fondé sur le renforcement de l’accompagnement des assistants maternels par les relais d’assistants maternels, l’augmentation de la prime à l’installation des assistants maternels, l’expérimentation du versement, en tiers payant, du complément de libre choix du mode de garde pour les familles modestes.

Vous le constatez, la détermination du Gouvernement à tenir ces objectifs ambitieux est intacte.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui confirme mes propos sur le faible nombre de places créées en 2013. À cet égard, vous avez en effet confirmé que l’objectif n’avait été atteint qu’à 50 %. Pour notre part, nous ne pouvons nous contenter de déclarations d’affichage ou de bonnes intentions. Si un changement significatif n’est pas obtenu dans l’amélioration de l’offre d’accueil pour la petite enfance, et dans des conditions financièrement acceptables pour les familles et donc pour le plus grand nombre, c’est aussi l’accès à l’emploi de nombreux parents qui risque d’être remis en cause, et tout particulièrement – je sais que vous êtes sensible à cette question – des femmes, qui sont souvent les premières victimes de l’absence de mode d’accueil.

Personnellement, j’attends d’un gouvernement de gauche des décisions courageuses en la matière. Or, quand on a pu trouver 20 milliards d’euros dans le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi sans aucune contrepartie en matière d’emploi, on devrait être capable, me semble-t-il, de dégager des moyens plus importants permettant la réussite de ce plan crèches !

Madame la secrétaire d’État, vous avez effectivement évoqué une aide supplémentaire de 2 000 euros par place. Je rappellerai simplement que le coût d’une place est de 35 000 euros à sa création et de 15 000 euros par an pour son fonctionnement.

Par conséquent, en dépit des efforts du Gouvernement, certes appréciables, les maires et les collectivités territoriales sont très loin de disposer des moyens nécessaires pour faire face à cette demande. En outre, il est faux de dire, comme vous l’avez affirmé, madame la secrétaire d’État, que les résultats en 2013 étaient liés au nombre de demandes des familles en diminution. C’est complètement faux ! Au contraire, les demandes de place en crèche, notamment dans un département comme le Val-de-Marne – j’en sais quelque chose ! – sont aujourd’hui de cinq à dix fois supérieures au nombre de places proposées, y compris dans les départements qui font beaucoup d’efforts en la matière.

Par conséquent, nous attendons que ce plan crèches soit réellement mené au bon niveau. Or ce n’est pas encore le cas pour le moment…

régularisation des travailleuses et travailleurs du 57 boulevard de strasbourg

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, auteur de la question n° 917, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, qui est absent ce matin. J’en profite pour dire que je lui ai envoyé quelques courriers qui sont restés sans réponse ; mais enfin, je ne m’attarderai pas sur ce point… Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’être présente ce matin pour m’apporter une réponse, que j’espère positive.

Ma question sera brève, car elle est simple et son exposé clair et limpide.

Depuis plusieurs mois, dix-huit travailleuses et travailleurs sans papiers se battent contre l’exploitation dont ils sont victimes en plein cœur de Paris : je veux parler des salariés du salon de beauté situé au 57, boulevard de Strasbourg. Recrutés peu après leur arrivée en France par ce qu’il convient d’appeler « un réseau mafieux », ces dix-huit personnes, en majorité des femmes, ont subi l’inacceptable.

Je me suis rendu sur place voilà une dizaine de jours et j’ai été bouleversé par leur récit : effectuant des journées de travail de plus de douze heures, dans des locaux insalubres, mal aérés, en présence de produits chimiques, ces personnes sont payées entre 200 et 400 euros par mois et séparées selon leur nationalité pour éviter toute rébellion.

Ces salariés se sont mobilisés avec courage pour s’extraire de leur condition et ont pris contact avec la Confédération générale du travail qui leur a, depuis, apporté un soutien indéfectible. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, qui critiquez souvent la CGT, je veux aujourd’hui rendre hommage à cette organisation pour ce combat : la CGT Paris a mené cette action de façon admirable et désintéressée, dans des conditions très difficiles.

Les salariés du 57, boulevard de Strasbourg ont porté plainte individuellement contre ce système fondé sur le recrutement et l’exploitation de personnes vulnérables par le travail dissimulé. La loi prévoit, dans le cadre de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, la délivrance d’un titre de séjour dès le dépôt d’une plainte contre la traite des êtres humains afin de protéger les victimes. Ce délit a été constaté par l’inspection du travail à quatre reprises depuis le mois de mai avec des procès-verbaux mentionnant des « conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine ».

Or cette demande légitime n’a pas été entendue par la préfecture de police, qui refuse de délivrer les titres de séjour. Ces travailleurs qui ont choisi de résister et de faire valoir leurs droits pourraient être expulsés, alors que leur employeur, qui a entre-temps fui les lieux, n’est pas inquiété. Cette situation ne peut plus durer.

Madame la secrétaire d’État, la dignité humaine exige au moins le respect de la loi. Quelles mesures M. le ministre de l’intérieur compte-t-il prendre afin que ses services respectent l’article L. 316-1 du CESEDA et délivrent à ces travailleuses et travailleurs courageux un titre de séjour afin de mener leur combat à terme ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, sur la situation au regard du droit au séjour des personnels d’un établissement situé sur le boulevard de Strasbourg, à Paris, qui ont porté plainte pour des faits de travail dissimulé et de traite des êtres humains.

Ce dossier fait l’objet d’un suivi très attentif de la part de la préfecture de police et du directeur général des étrangers en France.

Dès le printemps a été engagé un examen individualisé de la situation de chacune de ces personnes. Plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs entrées dans un processus de régularisation qui pourrait aboutir favorablement dès lors qu’elles seront en mesure de produire des promesses d’embauche.

La préfecture de police poursuit l’instruction de l’ensemble de ces dossiers dans le cadre fixé par la circulaire du 28 novembre 2012 qui, comme vous le savez, a énoncé des critères précis de régularisation pour assurer à chaque ressortissant étranger en situation irrégulière un traitement équitable de sa demande, quel que soit le lieu où il se trouve sur le territoire.

Toutes les diligences sont prises pour favoriser, dans le respect des textes, la prise en compte des situations humaines que vous évoquez et pour que les personnes présentant une promesse d’embauche et des perspectives satisfaisantes d’intégration professionnelle et sociale puissent sortir de la clandestinité.

Par ailleurs, vous évoquez l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile…

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. … qui permet à l’autorité préfectorale de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à un ressortissant étranger portant plainte contre un réseau de traite des êtres humains.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Les conditions de mise en œuvre de cette disposition ne pourront être réunies qu’à partir du moment où le procureur de la République aura engagé des poursuites sur ce fondement.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. De manière plus générale, les services du ministère de l’intérieur sont convenus d’un plan d’action résolu pour mettre un terme aux situations de travail illégal et d’exploitation qui se font jour sur ce boulevard et qui ne peuvent pas être tolérées.

Des contrôles renforcés ont été diligentés pour identifier les cas de travail non déclaré. Au 30 septembre 2014, ce sont vingt et une opérations qui avaient été réalisées contre huit sur toute l’année précédente. Ces investigations vont se poursuivre dans les prochaines semaines.