M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à fixer un délai médian de prise d’effet du nouveau cahier des charges du contrat responsable à compter du 1er janvier 2017 pour toutes les situations, au lieu d’avril 2015, comme c’était initialement prévu. Il s’agit de rétablir une situation claire et de ménager les délais impératifs de la négociation collective en entreprise.

En effet, l’article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a fixé une double date de point de départ du nouveau cahier des charges du contrat responsable. De manière générale, il est prévu que les contrats d’assurance soient mis en conformité lors de leur souscription ou renouvellement à compter du 1er avril 2015.

Par dérogation, les contrats d’assurance souscrits par les employeurs et mis en place dans l’entreprise antérieurement à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2014 disposent d’une période transitoire de mise en conformité allant jusqu’au 31 décembre 2017.

Cette dérogation est justifiée par l’obligation pour les partenaires sociaux de respecter les durées légales de négociation. Il est rajouté dans ce texte que l’entreprise perd le bénéfice de cette période transitoire si l’acte de mise en place est modifié, quelle que soit la nature de la modification.

S’agissant des dispositifs mis en place dans l’entreprise, la loi se traduit à nouveau par un second niveau d’inégalité entre entreprises en fonction de la nécessité que celles-ci auront à modifier ou non le dispositif. En effet, indépendamment du sujet santé, les entreprises doivent mettre les dispositifs en conformité avec d’autres obligations légales liées au régime de faveur dont dépend le financement de la protection sociale.

Ainsi, les entreprises qui sont pourvues de dispositifs rédigés en des termes très généraux pourraient être tentées de les figer jusqu’au 31 décembre 2017, figeant par ricochet les contrats d’assurance, donc le marché. En revanche, celles qui ont choisi des dispositifs devant être mis en conformité perdent toute maîtrise du calendrier social en matière de santé et doivent immédiatement rejoindre le nouveau cahier des charges dans des conditions irrespectueuses au regard du droit du travail. Dans ce dernier cas, la dérogation ne joue plus son rôle.

Le double point de départ du nouveau contrat responsable souffre donc de nombreuses critiques liées à une distorsion de situation importante entre employeurs et salariés dépendants ou non d’une mise en place antérieure dans l’entreprise, et plus généralement entre personnes salariées ou non.

Cet amendement tend à rétablir une simplicité de mise en œuvre cohérente avec toutes les situations.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l'amendement n° 165.

M. René-Paul Savary. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.

L'amendement n° 18 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux.

L'amendement n° 307 est présenté par M. Barbier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 29

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au dernier alinéa du II de l’article 56 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014, l’année : « 2015 » est remplacée par l’année : « 2016 ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L’amendement n° 18 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 307.

M. Gilbert Barbier. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements tendent à repousser la date d’entrée en vigueur des contrats responsables d’entreprise.

Le décret envisagé par le Gouvernement pose un problème de reste à charge pour les salariés. Toutefois, il ne faut pas oublier que les nouveaux contrats responsables d’entreprise, tels qu’ils sont prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, sont issus de l’accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux le 11 janvier 2013. Cet accord a notamment pour objectif d’accorder à l’ensemble des salariés une couverture complémentaire ; 400 000 d’entre eux en sont aujourd'hui dépourvus.

Retarder la mise en œuvre du dispositif reviendra à priver de son bénéfice pour deux années supplémentaires les salariés non couverts.

Je ne néglige pas pour autant l’enjeu que représente la mise en œuvre de ce dispositif pour les entreprises et je demanderai à la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, ou à la commission d’organiser un suivi de la mise en place des nouveaux contrats collectifs, afin de mesurer les difficultés que rencontrent les entreprises et les salariés sur le terrain.

En conséquence, au nom de la commission, je prie les auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. La discussion sur le niveau des dépassements qui pourront être pris en charge dans le cadre des contrats dits « solidaires et responsables » fait oublier ce qu’est la réalité dans notre pays : les dépassements sont, en moyenne, inférieurs à 50 %. Ceux qui proposent que soient pris en charge et labellisés « solidaires et responsables » des dépassements d’honoraires de 150 % ou de 250 % sont donc très éloignés de la réalité de nombreux territoires. Il ne faut pas considérer que certaines pratiques sont généralisées. Elles sont le fait de certains territoires, de certains centres-villes, très bien identifiés.

Ces contrats solidaires et responsables seront mis en œuvre pour les entreprises à échéance de leur contrat actuel. Ils ne seront pas mis en place partout au 1er janvier 2015, contrairement à ce qui était prévu initialement. En effet, le dispositif a été revu à l’occasion du projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale de l’été dernier. Il a alors été décidé que les nouveaux contrats entreraient en vigueur au moment du renouvellement du contrat d’entreprise et au plus tard le 1er janvier 2018.

Monsieur Cadic, la disposition que tend à introduire votre amendement, si elle était adoptée, serait moins favorable pour nombre d’entreprises, notamment pour celles dont le renouvellement du contrat interviendra relativement tard. Le dispositif tel qu’il est actuellement prévu n’oblige pas les entreprises à toutes renouveler leur contrat à la même date. Au contraire, le mécanisme est graduel et progressif.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces trois amendements, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 103 est-il maintenu ?

M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 103 est retiré.

Monsieur Savary, l'amendement n° 165 est-il maintenu ?

M. René-Paul Savary. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 165 est retiré.

Monsieur Barbier, l'amendement n° 307 est-il maintenu ?

M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 307 est retiré.

Articles additionnels après l'article 29
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Articles additionnels après l'article 29 bis

Article 29 bis (nouveau)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 322-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les mots : « ainsi que » sont remplacés par le signe : « , » ;

2° Sont ajoutés les mots : « ainsi que pour les bénéficiaires de la déduction prévue à l’article L. 863-2 ».

II. – Le présent article entre en vigueur au 1er juillet 2015.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, sur l'article.

Mme Aline Archimbaud. L’article 29 bis prévoit l’exonération des participations forfaitaires et des franchises pour les bénéficiaires de l’aide complémentaire santé, qui sont donc, je le rappelle, des personnes ayant des revenus mensuels inférieurs à 973 euros.

Le reste à charge va donc être allégé, ce qui est une bonne chose. Toutefois, madame la ministre, cette mesure ne sera pas suffisante. Selon les estimations du Fonds CMU, seuls 26 % à 38 % des personnes éligibles à l’aide complémentaire santé y ont effectivement recours et seront donc également éligibles à cette exonération de franchise médicale.

Pour ma part, je suis convaincue que le tiers payant intégral et l’exonération de franchises rendront le dispositif plus attractif, mais je sais également que si nous ne communiquons pas davantage sur l’aide complémentaire santé, seul un bon tiers des personnes éligibles continuera à en bénéficier.

Pour les mêmes raisons, il faudra également simplifier les démarches permettant d’accéder à l’aide complémentaire santé. Vous avez d’ailleurs commencé à le faire dans le PLFSS pour 2014, en mettant en place un appel d’offres, madame la ministre, qui permettra de simplifier la dernière étape du processus, à savoir le choix par le potentiel bénéficiaire de sa complémentaire santé.

Jusqu’à présent, ces personnes étaient quelque peu perdues dans un maquis d’offres plus ou moins claires et qui se révélaient parfois très décevantes au moment où elles y faisaient appel. Un important travail de simplification de toutes ces étapes doit donc encore être effectué.

En attendant, le groupe écologiste votera bien sûr pour cet article.

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3 

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – Au second alinéa de l’article L. 322-4 du code de la sécurité sociale après les mots : « de même », sont insérés les mots : « pour les ayants droit mineurs de l’assuré ainsi que pour les bénéficiaires de la protection complémentaire en matière de santé mentionnée à l'article L. 861-1 ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à supprimer, pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, la participation forfaitaire due aux médecins, qui pose des difficultés pratiques dans le cadre du tiers payant, mais à maintenir les franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement, car, s’il était adopté, il viderait la mesure proposée d’une partie de son contenu. Les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé n’auraient pas à s’acquitter de franchises pour les consultations, mais en paieraient sur les médicaments.

Je dois dire que je ne comprends même pas comment une telle mesure peut être défendue. D’un côté, vous dites qu’il faut faciliter l’accès aux soins des personnes ayant des revenus très modestes – celles-ci se situent en dessous du seuil de pauvreté –, et, de l’autre, vous voulez leur faire payer une partie des franchises !

Je ne vous cache pas, monsieur le rapporteur général, que, si cet amendement est une illustration du contre-projet que la majorité sénatoriale entend porter, il est assez préoccupant, car il donne plutôt l’impression que vous ne souhaitez pas favoriser l’accès aux soins des personnes aux revenus modestes. Vous proposez en fait une mesure d’injustice sociale !

Je suis évidemment, je le répète, fermement défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, nous abondons dans votre sens concernant la participation forfaitaire due aux médecins, qui pose des difficultés. Toutefois, de façon asymétrique, nous souhaitons maintenir les franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires.

Mme Laurence Cohen. C’est en totale contradiction avec l’article !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce faisant, nous ne faisons pas obstacle au tiers payant. L’essentiel, lorsqu’on veut se soigner, est de pouvoir se rendre chez le médecin. Or il n’y aura pas de participation forfaitaire chez ce dernier – notre amendement est sans ambiguïté à cet égard. En revanche, après tout, pourquoi ne pas préserver une légère franchise sur les médicaments ou les transports sanitaires ?

Madame la ministre, vous craignez que cet amendement ne soit une illustration de notre projet. Excusez-moi de vous le dire aussi franchement, mais vous vous trompez complètement ! Alors que vous ne connaissez absolument pas notre projet, vous considérez qu’il est antisocial. Tel n’est pas le cas, comme vous vous en rendrez compte lorsque vous aurez, je l’espère, à en débattre avec nous. Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous de ce point de vue, madame la ministre !

Quoi qu'il en soit, afin que l’on ne porte pas une appréciation négative sur notre projet, nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 48 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous me demandez de me garder de porter une appréciation, monsieur le rapporteur général. Or notre débat est de nature politique, et si nous ne pouvons pas porter d’appréciation politique, je ne vois pas très bien pourquoi nous sommes rassemblés ! Nous ne sommes pas ici uniquement pour débattre de mesures techniques, nous discutons de projets politiques.

Vous avez vous-même affirmé que vous vouliez proposer un autre projet. Nous le jugerons sur d’autres mesures. J’avoue que je ne comprends pas bien votre emportement, d’autant que j’ai le sentiment d’être restée pour ma part extrêmement calme et d’avoir tenu des propos mesurés !

Vous avez évoqué à plusieurs reprises le tiers payant. Or les franchises n’ont strictement rien à voir avec le tiers payant. L’amendement tend à prévoir le maintien de la franchise chez le pharmacien, où on paie en tiers payant. Supprimer la franchise chez le médecin pour favoriser le tiers payant, tout en la maintenant chez le pharmacien, à l’évidence, cela pose problème.

M. Jean Desessard. C’est de la simplification ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour le Gouvernement, la question des franchises est totalement indépendante de celle du tiers payant. Nous avons simplement un problème concernant la récupération des franchises des personnes ne bénéficiant pas de l’aide complémentaire santé, mais c’est une autre étape. À ce stade, le tiers payant et les franchises sont deux questions différentes en matière d’accès aux soins. On ne peut pas justifier le maintien ou la suppression des franchises par la mise en place du tiers payant !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'article.

M. René-Paul Savary. Pour ma part, je regrette que M. le rapporteur général ait retiré son amendement. En effet, nous assumons sa proposition !

L’article 29 bis prévoit un certain nombre de dérogations aux participations forfaitaires, que ce soit sur les médicaments, la rémunération des médecins ou les transports sanitaires. Ainsi, alors que 3,6 milliards d’euros d’actes entrent dans le champ de la franchise, un peu plus de 60 % en sont exonérés.

On supprime donc les franchises, la gratuité est garantie, on ne responsabilise plus le patient… C’est là un retour en arrière, à un moment où nous ne pouvons plus assumer le financement de notre modèle social. C’est ainsi que, un jour, celui-ci finira par être remis en cause ! Nous devons être attentifs à ce point.

Nous l’avons vu lors de l’examen des articles précédents, nous transférons une part toujours plus importante de nos dettes à la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, donc à nos petits-enfants. Allons-y ! Continuons à nous soigner gratuitement sur leur compte. Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce raisonnement…

Alors oui, j’assume l’amendement de M. le rapporteur général, qui fait partie des nouvelles propositions que nous formulons dans le cadre du présent PLFSS. Nous proposons un nouveau modèle.

Même les personnes en difficulté doivent prendre conscience de ces problèmes. D’ailleurs, je peux vous dire, pour avoir pratiqué la médecine pendant un certain nombre d’années, qu’elles ne rechignent pas sur ces questions. Elles ne se soignent pas pour le plaisir. Elles acceptent le cadre qui leur est proposé, d’autant qu’elles sont particulièrement bien prises en charge dans notre pays.

Nous proposons un dispositif tout à fait cohérent. Pour des raisons pratiques, il n’était pas commode de conserver la franchise sur les consultations médicales. C’est la raison pour laquelle nous avions prévu un remboursement différent pour les médecins et pour les pharmaciens. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29 bis.

(L'article 29 bis n'est pas adopté.)

Article 29 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Article 30

Articles additionnels après l'article 29 bis

M. le président. L'amendement n° 282, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 29 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ouvre également droit à la couverture complémentaire mentionnée au premier alinéa le bénéfice du droit mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles. »

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er septembre 2015.

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à rendre automatiques l’ouverture et le renouvellement des droits à la CMU-C, la CMU complémentaire, pour les personnes allocataires du RSA socle.

Les droits à la CMU-C sont théoriquement ouverts dans un délai de deux mois après le dépôt du dossier complet de demande et pour une période d’un an renouvelable. Or les faits sont là : la constitution d’un dossier complet par les demandeurs est complexe, surtout pour le public visé, qui est particulièrement touché par la précarité ; par ailleurs, l’instruction de la demande, chaque année, par la caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM, entraîne de terribles lourdeurs administratives et des coûts importants de gestion, sans parler des difficultés dans le travail des équipes.

Ces coûts sont évitables pour une partie des bénéficiaires de la CMU-C, à savoir ceux qui sont allocataires du RSA socle, puisque les conditions de ressources du second sont inférieures à celles de la première.

D’ailleurs, aux termes de l’article L. 861-2 du code de la sécurité sociale, les allocataires du RSA socle sont « réputés satisfaire aux conditions » permettant de bénéficier de la CMU-C. Si la corrélation entre le nombre de bénéficiaires du RSA socle et de la CMU-C est particulièrement forte, on estime cependant – les études le disent – à 30 % le nombre de bénéficiaires du RSA socle qui n’ont pas fait valoir leurs droits à la CMU-C, soit un peu moins de 500 000 personnes, et cette proportion s’élève même à 40 % en Île-de-France.

Il est donc nécessaire de tirer toutes les conclusions de ce lien entre RSA socle et CMU-C en rendant automatiques l'ouverture et le renouvellement des droits à la CMU-C pour les allocataires du RSA socle.

Selon les informations recueillies durant la mission que j’avais menée pour le Premier ministre au printemps et à l'été 2013 sur l'accès aux droits et aux soins des plus précaires, les systèmes informatiques pourraient permettre aux CPAM et aux CAF, les caisses d’allocations familiales, d’échanger les informations nécessaires pour mettre en place cette mesure. Il est inutile que les CPAM recommencent le travail régulier de vérification des ressources déjà réalisé par les CAF. L’adoption de cet amendement serait donc source d'économies pour les CPAM.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cette mesure tend à limiter le non-recours aux prestations sociales pour de nombreux bénéficiaires du RSA socle.

La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avant de donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement, je voudrais revenir sur le vote qui vient d’avoir lieu et qui est tout de même l’un des moments importants de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Annie David. Tout à fait !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous vous êtes emporté, monsieur le rapporteur général, en disant que je n’avais pas à qualifier votre projet. Toutefois, en l’occurrence, il ne s’agit pas de supputations ou d’intentions : nous sommes face à un vote, et celui-ci a supprimé non pas une partie, mais la totalité d’un article qui prévoyait d’exonérer de franchises les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté,…

Mme Marisol Touraine, ministre. … c’est-à-dire, pour le dire de manière encore plus simple, les personnes qui sont pauvres dans notre pays !

D’ailleurs, à certains égards, je remercie M. Savary d’avoir déclaré : « Nous assumons ».

M. René-Paul Savary. Oui, j’assume !

Mme Marisol Touraine, ministre. En effet, je combats fermement la position qui est la vôtre, monsieur le sénateur, et votre déclaration a le mérite de faire apparaître en toute clarté les projets qui s’affrontent.

Mme Laurence Cohen. Tout à fait !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’en viens à l’amendement n° 282 de Mme Archimbaud.

Je comprends bien la préoccupation qui est la vôtre, madame la sénatrice : le non-recours aux droits est un problème que nous constatons, et nous devons faire en sorte que les personnes qui peuvent bénéficier de la CMUC-C, du RSA ou d’autres droits y aient effectivement accès.

Pour autant, je vous le dis franchement, je ne suis pas favorable à l’automaticité des droits, parce que cela ne facilite pas ou ne favorise pas les contrôles sur les attributions de prestations. Par conséquent, pour que les choses puissent se faire de manière transparente et encadrée, il paraît préférable d’informer et de renforcer l’accès aux droits.

C’est ce à quoi nous travaillons, d’ailleurs, notamment au travers du futur simulateur de droits, qui se mettra en place dans les prochains mois : ce sera un dispositif très simple, qui permettra à des personnes de saisir, sur un site internet – celui-ci sera en libre accès dans les administrations –, leurs sources de revenus, leur situation familiale, entre autres, et qui leur donnera ainsi immédiatement la liste des prestations auxquelles elles ont droit.

C’est un point qui nous semble important. De même, il nous paraît souhaitable de pouvoir vérifier les demandes qui sont faites à chaque niveau ou pour chaque droit correspondant.

Pour ces raisons, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir à mon tour brièvement sur ces petits accès d’énervement de la part de Mme la ministre et de M. le rapporteur général, même si, à ce moment, j’avais quitté l’hémicycle, pour des raisons de santé… (Sourires.)

Cet article 29 bis vient d’être supprimé, mais, si je me souviens bien, madame la ministre, il ne figurait pas dans le projet de loi initial. Vous ne l’avez introduit qu’à l’Assemblée nationale ! Par conséquent, à la rigueur, peu importe qu’il soit supprimé maintenant, puisque vous pourrez le rétablir ; en tout cas, au départ, vous n’aviez pas pensé à cette disposition. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Génisson. On a tout de même le droit d’améliorer un texte au cours de la discussion !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait, ma chère collègue !

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. J’avoue être quelque peu surprise. Le Gouvernement, qui compte un secrétaire d’État chargé de la simplification administrative, engage dans cette perspective un important travail, qui concerne de nombreux domaines.

Or les faits sont là : les équipes dans les CPAM sont absolument surchargées, le délai d’attente de deux mois qui est prévu par la loi pour l’accès à la CMU-C est, malheureusement, souvent dépassé, le dossier de demande de la CMU-C est extrêmement complexe et les démarches sont très longues.

De plus, d’après les textes de loi, les bénéficiaires du RSA socle ont droit à la CMU-C, puisque les plafonds de ressources ouvrant droit à ces deux prestations sont à peu près les mêmes. Dans ces conditions, pourquoi doivent-ils constituer un second dossier, alors que, de toute façon, le contrôle des caisses d’allocations familiales se fait tous les trois mois ? Tous les trois mois, on peut donc vérifier de nouveau si ces personnes ont bien droit à la fois au RSA socle et à la CMU-C. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait doubler les contrôles, d’autant que ceux de la CAF sont extrêmement sérieux, ce qui est positif d'ailleurs.

Conséquences de la situation actuelle, les équipes d’instruction des dossiers sont surchargées, les personnels n’en peuvent plus et les gens n’arrivent pas à bénéficier de leurs droits. C’est un constat partagé par tout le monde !

C’est pourquoi j’avoue ne pas comprendre la réponse qui m’a été faite.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je soutiens, pour ma part, la position de Mme la ministre. En effet, la CMU-C fait partie des droits connexes au RSA, et à force d’accumuler ces derniers, on en arrive à dévier du but premier du RSA.

Quel était l’objectif du RSA ? Il s’agissait, d’une part, de lutter contre la pauvreté, et, d’autre part, d’inciter à retourner à l’emploi. Or plus on accorde de droits connexes, moins le dispositif incite à retrouver du travail, parce que, une fois que la personne a retrouvé un emploi, elle perd tous ses droits connexes. C’est ainsi que certains bénéficiaires finissent par refuser de travailler, parce que, quand ils font leurs comptes, ils constatent qu’ils ne sont pas gagnants s’ils retournent à l’emploi. Et, au fond, on peut les comprendre !

C’est pourquoi il ne faut pas systématiquement associer ces droits connexes au RSA. Ce dernier est une allocation différentielle attribuée à un foyer en fonction du nombre de personnes. Ses seuils sont spécifiques, donc les critères d’attribution ne sont pas forcément les mêmes que pour la CMU-C.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Nous discutons d’un sujet important, sur lequel j’aimerais apporter mon éclairage de président de conseil général.

Il y a deux catégories de personnes qui touchent le RSA socle.

D’un côté, il y a celles qui sont vraiment très avancées dans l’exclusion, qui sont signalées à nos services et prises en charge. Nous menons un travail d’insertion approfondi avec ces personnes, qui ne se réduit pas à l’insertion par le travail, mais qui passe aussi par la famille, par l’habitat et par tout un ensemble de facteurs. Tout en cherchant à les responsabiliser, on leur indique bien qu’il existe la CMU-C.

D’un autre côté, il y a les personnes – elles représentent 70 % des cas – qui ne sont pas très avancées dans l’exclusion et qui peuvent s’insérer directement par le travail. Ces personnes-là sont prises en charge par Pôle emploi, et il est vrai que, souvent, elles n’ont pas l’information, je l’ai constaté à plusieurs reprises.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Notre collègue Savary a dit tout à l'heure qu’il « assumait », et il vient d’expliquer qu’il ne faut pas ouvrir des droits en plus du RSA, parce que, sinon, après avoir fait ses comptes, le bénéficiaire ne sera plus incité à travailler.

M. René-Paul Savary. C’est ce que disent tous les rapports !

M. Jean Desessard. J’ai bien compris, monsieur Savary, mais, si l’on suit votre logique, il ne faut plus accorder aucun droit complémentaire aux bénéficiaires du RSA. Voilà ce que cela signifie !