Sommaire

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Jean-François Humbert.

1. Procès-verbal

2. Renvoi pour avis unique

3. Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Anne-Marie Escoffier, M. Pierre Charon, Mme Catherine Tasca, M. Maurice Antiste.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 1 de M. Philippe Bas. – MM. Philippe Bas, Philippe Kaltenbach, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Vincent Capo-Canellas, Jean-Jacques Hyest, Mmes Cécile Cukierman, Esther Benbassa, Virginie Klès, M. Jean-Claude Requier. – Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance

Article 1er

Amendements identiques nos 3 de M. Jean-Jacques Hyest et 26 rectifié de M. Yves Détraigne. – MM. Philippe Bas, Yves Détraigne, Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 47 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jean-Claude Requier, le rapporteur. – Rectification de l’amendement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Philippe Bas, Jacques Mézard, Yves Détraigne. – Adoption de l’amendement n° 47 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendement n° 4 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 3

Amendement n° 5 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 23 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 59 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article 3 bis. – Adoption

Article 4

Amendement n° 88 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur. – Rejet.

Amendement n° 22 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 24 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.

Amendement n° 48 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jean-Claude Requier, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.

Amendement n° 104 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 4 bis. – Adoption

Article 5

Amendements identiques nos 6 de M. Jean-Jacques Hyest et 27 rectifié de M. Yves Détraigne. – MM. Philippe Bas, Yves Détraigne, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. Jean-René Lecerf. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 6

Amendement n° 7 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Philippe Bas, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 49 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jean-Claude Requier, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 89 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 6 bis

Amendement n° 76 de Mme Cécile Cukierman. – MM. Jean-Pierre Bosino, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 105 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Philippe Bas, le président de la commission.

Suspension et reprise de la séance

M. le président de la commission. – Adoption de l’amendement n° 105.

Adoption de l'article modifié.

Article 6 ter. – Adoption

Article 6 quater

Amendement n° 8 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Philippe Bas, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 7

Amendement n° 43 de Mme Catherine Tasca. – Mme Catherine Tasca.

Amendement n° 119 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Amendement n° 50 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Claude Requier.

MM. le rapporteur, le président de la commission, Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux ; Virginie Klès, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Mme Nathalie Goulet. – Rejet des amendements nos 43 et 119 ; retrait de l’amendement n° 50 rectifié.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 7

Amendements nos 60 et 61 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait des deux amendements.

Article 7 bis

Amendement n° 9 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 7 bis

Amendement n° 42 de Mme Virginie Klès. – Mme Virginie Klès.

Amendement n° 120 du Gouvernement. – M. Christiane Taubira, garde des sceaux.

M. le rapporteur, Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux ; Virginie Klès. – Retrait de l’amendement n° 42.

M. Jean-René Lecerf, Mme Esther Benbassa. – Adoption de l’amendement n° 120 insérant un article additionnel.

Article 7 ter. – Adoption

Article 7 quater

Amendement n° 10 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Philippe Bas, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet. – Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

Amendement n° 77 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l’article 7 quater

Amendements nos 62 et 63 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait de l’amendement n° 62 ; rejet de l’amendement n° 63.

Article 7 quinquies A (nouveau)

Amendement n° 92 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Amendement n° 64 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa.

M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Hyest.

M. le président de la commission, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur. – Rejet de l’amendement n° 92 ; adoption de l’amendement n° 64.

Amendement n° 78 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rectification de l’amendement.

MM. le rapporteur, le président de la commission. – Rejet de l’amendement n° 78 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 7 quinquies

Amendement n° 11 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme la présidente. – Retrait.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux

Amendement n° 51 rectifié de M. Jacques Mézard et sous-amendement n° 121 du Gouvernement. – M. Jean-Claude Requier, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 8

Amendement n° 12 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. François-Noël Buffet, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 106 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 28 rectifié de M. Yves Détraigne. – M. Vincent Capo-Canellas.

Amendement n° 57 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Françoise Laborde.

Amendements identiques nos 65 de Mme Esther Benbassa et 80 de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Esther Benbassa, Cécile Cukierman.

M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. Vincent Capo-Canellas, Mmes Cécile Cukierman, la présidente. – Retrait des amendements nos 28 rectifié et 57 rectifié ; adoption de l’amendement n° 106, les amendements nos 65 et 80 devenant sans objet.

Mmes Cécile Cukierman, la présidente.

Amendement n° 25 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. François-Noël Buffet, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 107 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 79 de Mme Cécile Cukierman. – M. Jean-Pierre Bosino.

Amendement n° 35 de Mme Dominique Gillot. – Mme Dominique Gillot.

M. le rapporteur, Mme Dominique Gillot. – Rectification de l’amendement n° 35 en sous-amendement à l’amendement n°107.

Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux ; Cécile Cukierman, Virginie Klès, M. le président de la commission.

Suspension et reprise de la séance

M. le président de la commission, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption du sous-amendement n° 35 rectifié et de l'amendement n° 107 modifié ; retrait de l’amendement n° 79.

Amendement n° 97 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 8 bis (supprimé)

Amendement n° 66 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa.

Amendement n° 81 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.

M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet des amendements nos 66 et 81.

L’article demeure supprimé.

Article 8 ter (nouveau)

M. André Reichardt.

Amendements identiques nos 13 de M. Jean-Jacques Hyest, 29 rectifié de M. Yves Détraigne et 98 du Gouvernement. – MM. André Reichardt, Yves Détraigne, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le rapporteur, Mme Cécile Cukierman. Mme la présidente.

MM. François-Noël Buffet, André Reichardt, Vincent Capo-Canellas, Mme Catherine Tasca, M. Jean-René Lecerf, Mmes Virginie Klès, Esther Benbassa, M. le président de la commission. – Rejet des amendements nos 13, 29 rectifié et 98.

Amendement n° 108 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 118 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 82 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman, M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-François Humbert.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures quarante.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Renvoi pour avis unique

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme ferroviaire (n° 650, 2013-2014), dont la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

3

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Discussion générale (suite)

Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Question préalable

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales (projet n° 596, texte de la commission n° 642, rapport n° 641).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, au 1er juin 2014, on comptait, dans notre pays, 68 645 personnes incarcérées. En treize ans, la population carcérale a augmenté de 44 %. De deux choses l’une : ou bien la délinquance a explosé dans des proportions étonnantes, ou bien la justice emprisonne davantage.

Si l’on procède de bonne foi à un examen de la situation, on observe que, à l’évidence, la justice est plus sévère : la moyenne des peines fermes d’emprisonnement est passée de 8,7 à 11,3 mois entre 2007 et 2011 ; de plus, 30 % des peines prononcées sont des peines de prison ferme, contre 5,5 % en Allemagne, par exemple.

La politique pénale menée pendant dix ans par l’ancienne majorité, fondée sur l’enfermement, a entraîné de façon quasiment automatique une surpopulation carcérale. Or, comme Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, le soulignait devant la commission des lois lors de son audition, « nous n’avons pas besoin d’évaluation pour le savoir, […] la surpopulation [carcérale], ne permettant pas ce minimum en démocratie qu’on appelle la dignité, favorise la récidive ».

Aujourd’hui, en France, le taux d’occupation carcérale moyen est de 119,38 % par rapport au nombre de places disponibles. Sur 247 sites d’emprisonnement, tous types confondus, 10 ont une densité supérieure à 200 % et 32 une densité comprise entre 150 % et 200 %.

Outre-mer, la situation est pire encore : au 1er juillet 2012, le taux atteignait 223 % à la maison d’arrêt de Majicavo, à Mayotte, 234 % au quartier maison d’arrêt de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, et 306 % au quartier maison d’arrêt de Faa’a-Nuutania, en Polynésie française.

Ces taux d’occupation illustrent avec force la gravité de la situation propre aux collectivités et départements ultramarins, situation que vous avez, madame la garde des sceaux, prise en compte, en installant un groupe de travail spécifique sur ce sujet, lequel devrait rendre son rapport au mois de juillet prochain.

De nombreuses études ont également démontré que la vie en prison, où l’on peut côtoyer des criminels aguerris, fabrique de la récidive. Il s’agit même souvent d’une véritable école du crime. Une phrase prononcée par un prisonnier, et largement reprise par les médias, illustre très justement cette situation : « Vous entrez en prison avec un CAP de voleur, vous sortez avec un mastère de criminologie. »

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !

M. Thani Mohamed Soilihi. De surcroît, 80 % des condamnés quittent aujourd’hui la prison sans aucun accompagnement ni projet de réinsertion. Or il est démontré que les sorties « sèches » augmentent le risque de récidive.

Enfin, l’incarcération coûte beaucoup plus cher que le suivi en milieu ouvert : environ 32 000 euros par détenu annuellement et 150 000 euros par place à construire, alors que, à titre indicatif, le coût d’un placement sous bracelet électronique est de 10,43 euros par jour.

Devant ces constats, et compte tenu du contexte budgétaire actuel, faut-il continuer à remplir encore et toujours les prisons ? Faudra-t-il, pour financer ce système, lever un nouvel impôt ? En outre, eu égard à l’importance de la récidive après un passage en prison, est-il opportun de s’obstiner à recourir à l’enfermement systématique ?

Vous avez fait le choix, madame la garde des sceaux, de privilégier la prévention de la récidive, en rétablissant l’individualisation de la peine en fonction de la gravité des faits et de la personnalité de l’auteur de ceux-ci, et de redonner aux magistrats leur pleine liberté d’appréciation.

Pour ce faire, vous nous proposez de supprimer, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, les peines planchers, dispositif qui s’est montré inefficace pour contrer la récidive et se trouve à l’origine d’un allongement de la durée des peines et d’un accroissement de la surpopulation pénale. Nous disposons d’un recul suffisant, de sept années, pour apprécier cette inefficacité.

Le texte que vous nous présentez aujourd’hui prévoit également d’enrichir l’arsenal répressif mis à la disposition des juges, en créant une nouvelle peine en milieu ouvert. La contrainte pénale consiste à imposer, sous le contrôle du juge de l’application des peines, le respect d’obligations et d’interdictions. Elle exigera un engagement du détenu, à qui il incombera, par exemple, de trouver un emploi, un hébergement, ou encore de rembourser ses victimes.

Ces mesures s’inscrivent donc dans une démarche de prévention de la récidive en favorisant la réinsertion. Le Gouvernement ne souhaite pas remettre tous les délinquants en liberté, comme cela a pu être dit. Tout délit mérite une sanction, mais cette dernière doit être utile et garantir la réinsertion du condamné dans la société à sa sortie.

Ce faux procès en laxisme qui est fait depuis toujours à la gauche dans ce pays est ridicule et dangereux.

Les arguments avancés contre cette réforme ont oscillé entre mises en cause contradictoires, invoquant le peu de changements que l’application de celle-ci apportera ou dénonçant, au contraire, une augmentation de la délinquance, indignations feintes, prédictions fantasmatiques d’une hausse de la délinquance et accusations injustes de vouloir vider les prisons. Je souhaite véritablement que les débats qui auront lieu dans cet hémicycle ne nous opposent pas de cette façon stérile et caricaturale.

La commission des lois, par la voix de son rapporteur, Jean-Pierre Michel, dont je salue l’excellent travail, a procédé à des améliorations intéressantes du texte, qui vous ont été présentées hier de manière détaillée. Néanmoins, je souhaiterais revenir rapidement sur certaines d’entre elles.

J’évoquerai, tout d’abord, la suppression de la rétention de sûreté.

La rétention de sûreté, qui permet de retenir en fin de peine des condamnés considérés comme dangereux et dont les bases juridiques sont jugées « hasardeuses et incertaines » par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne concerne, à ce jour, que quatre personnes. Cette mesure n’est pas faite pour remplacer l’internement en hôpital psychiatrique. Les détenus concernés ont besoin de soins, que la prison n’est pas en mesure de dispenser.

Je pense, ensuite, aux tribunaux correctionnels pour mineurs, créés par la loi du 10 août 2011 et ayant vocation à juger les mineurs récidivistes âgés de plus de 16 ans au moment de la commission de faits correctionnels punis de cinq ans d’emprisonnement. Ces tribunaux dérogent au principe de la spécialisation des juridictions pour mineurs et se sont révélés, dans la pratique, inutiles, coûteux et chronophages.

Quant au fait que la contrainte pénale soit prononcée à titre principal pour une série de délits punis de courtes peines d’emprisonnement n’impliquant pas de violences aux personnes, Alain Bauer, professeur de criminologie entendu par la commission des lois, nous a fait savoir que l’Allemagne a supprimé de son code pénal la peine de prison pour la quasi-totalité des délits : aujourd’hui, seules 20 % des infractions, contre 60 % en France, y donnent lieu à un emprisonnement.

Le dernier point sur lequel il me semble utile d’insister concerne l’intégration dans le texte des dispositions contenues dans la proposition de loi de nos collègues Jean-René Lecerf, Gilbert Barbier et Christiane Demontès relative à l’atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits, qui avait été adoptée, en 2011, à l’unanimité par le Sénat.

En conclusion, je tiens à rappeler que ce projet de loi est l’aboutissement d’une large concertation avec les acteurs du monde judiciaire et pénitentiaire et la société civile, ayant débuté avec la conférence de consensus que vous avez bien voulu mettre en place, madame la garde des sceaux. Il consacre une philosophie de la politique pénale qui tranche avec celle que nous avons connue pendant dix ans, en donnant enfin aux tribunaux correctionnels et à la défense les moyens d’assurer une véritable individualisation des peines. Nous espérons néanmoins voir évoluer le texte dans le sens indiqué par le rapporteur de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans un contexte de surpopulation carcérale chronique, et alors que le taux d’incarcération se rapproche de son niveau de la fin du XIXe siècle – en dépit du cortège de mesures prises, malheureusement insuffisamment cohérentes ou trop factuelles –, la nécessité d’une réforme de fond de notre système pénal s’est imposée.

Je veux saluer, comme les orateurs précédents, la constitution d’une conférence de consensus, présidée par Nicole Maestracci. Cette méthode a permis une large confrontation d’idées entre acteurs de sensibilités différentes, appartenant au monde judiciaire ou à la société civile.

Je veux aussi saluer le talent du Gouvernement, de l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, du Sénat, leur souci de retour à meilleure justice et à davantage de pragmatisme. Je rends en particulier hommage à M. le rapporteur de la commission des lois pour le remarquable travail qu’il a accompli.

Le projet de loi que nous examinons est un texte abouti, qui s’inscrit dans le prolongement de la démarche engagée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, visant à redonner sens à la sanction pénale, mais trop souvent dénaturée par les lois suivantes.

Nous sommes d’ailleurs nombreux, dans cet hémicycle, à nous féliciter du nouvel intitulé de ce projet de loi, qui recouvre la sanction pénale dans toutes ses dimensions et toutes ses composantes respectueuses de la dignité du condamné.

Cela a été rappelé, le projet de loi se structure en une trilogie : renforcement de l’individualisation des peines ; création d’une nouvelle peine de milieu ouvert, la contrainte pénale ; promotion de mesures d’exécution des peines permettant de lutter contre la récidive.

La redéfinition de la peine dit clairement les deux objectifs à atteindre : sanctionner le condamné, mais aussi favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion dans notre société. Ce second objectif était et est encore trop souvent perdu de vue, les centres de détention et les maisons d’arrêt étant devenus trop souvent des lieux de désocialisation.

Comme le soulignait le magistrat Serge Portelli en 2010, « juger, c’est juger autant l’homme que l’acte. L’individualisation des peines n’est pas une lubie ou un rêve laxiste, c’est une exigence morale, juridique et politique. C’est la condition absolue de l’efficacité d’une peine et la règle première de la lutte contre la récidive. »

Sans détailler plus avant ce dispositif, je veux saluer l’introduction de la mesure relative à l’atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits. Nous avons été nombreux à souligner à cette tribune, madame le garde des sceaux, combien l’article 7 quinquies A, qui reprend une proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat le 25 janvier 2011, est bienvenu.

S’agissant de la contrainte pénale, elle peut être une peine alternative à la prison, sous réserve que les moyens de suivi soient réellement renforcés par rapport à ce qu’ils sont aujourd’hui.

Il en va de même de la prévention de la récidive, qui fait du condamné l’acteur de son propre destin. Le projet de loi que nous examinons met le condamné en situation d’être responsable de sa propre sortie – non pas une sortie « sèche », mais une sortie accompagnée d’une réinsertion véritable –, sans pour autant méconnaître la place qui revient aux victimes dans le cadre d’une opportune justice « restaurative ».

Madame la garde des sceaux, je veux croire à l’intérêt de ce texte, et même à ses avancées, comme j’avais cru à celui de la loi pénitentiaire de 2009.

Toutefois, vous ne pouvez l’ignorer, la réussite de cette réforme implique que les trois conditions suivantes soient réunies.

Premièrement, il faut accroître les moyens mis à disposition des services judiciaires : à cet égard, la création de 1 000 emplois, dont 400 dès cette année, dans le corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation est un bon signe.

Deuxièmement, il convient de moderniser la probation française par le développement de la recherche et de la formation en criminologie et par l’intensification des relations avec les travailleurs sociaux.

Enfin, troisièmement, il importe de prendre en compte, chez les détenus, les problèmes de santé et d’addiction sous toutes leurs formes, et pas seulement la forme médicamenteuse.

Il faudra de l’énergie, de la détermination et de la constance pour remplir ces conditions. Je sais, madame la garde des sceaux, votre pugnacité et votre inébranlable détermination. Avec les membres de mon groupe, je n’aurai aucune hésitation à voter ce projet de loi, garant de notre contrat social et de notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la discussion d’un projet de loi dont l’examen aurait pu être l’occasion de réfléchir à l’élaboration d’une politique pénale plus ambitieuse, pour répondre aux besoins et aux enjeux d’une justice pour tous, et comprise par tous.

Annoncée, puis reportée – élections municipales à hauts risques obligent ! –, attendue, contestée même au sein du Gouvernement – comme en témoignent les missives adressées en juillet 2013 par le ministre de l’intérieur au Président de la République pour l’alerter sur un projet qui reposait, selon ses termes, sur un socle à la légitimité fragile, la conférence de consensus, et sur le fait que les conclusions du « jury » avaient été l’objet de fortes réserves au sein même de la magistrature –, cette réforme semble avant tout dictée par l’antisarkozysme, qui demeure décidément le principal moteur de la majorité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), comme en attestent les dangereux amendements adoptés par la commission des lois de notre assemblée, tendant par exemple à la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes ou à celle de la rétention de sûreté.

Circonstance aggravante, une réforme de cette nature n’aurait jamais dû être examinée en procédure accélérée, au préjudice des droits du Parlement et d’un débat serein et constructif pour l’avenir de notre société.

Premier constat, les Français expriment une volonté très nette de protection et de fermeté : 72 % d’entre eux demandent une plus grande sévérité à l’égard des récidivistes et une limitation des remises en liberté. Force est de constater que ce texte ne sera pas de nature à les rassurer, puisqu’il va exactement à l’encontre de leurs attentes !

Vous avez la conviction erronée que l’on incarcère trop en France, que la prison est l’école du crime et qu’il faut, pour ces motifs, prendre des dispositions pour empêcher à tout prix le recours à l’emprisonnement.

Personne ne souhaite que l’on enferme en prison des personnes qui n’ont rien à y faire, mais il y a aussi des personnes qui devraient y être et qui n’y sont pas, ou qui ne sont pas condamnées. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est bien vrai !

M. Pierre Charon. Par ailleurs, l’idée selon laquelle c’est la prison qui crée la récidive est fausse et caricaturale ; c’est bien la récidive qui conduit en prison.

Comme le soulignait Isabelle Gorce, la directrice de l’administration pénitentiaire que vous avez nommée, madame la ministre, « les courtes peines posent des problèmes complexes. Beaucoup, en maison d’arrêt, ont déjà été condamnés à des peines en milieu ouvert, et c’est donc à la suite d’échecs successifs qu’ils finissent par être condamnés à une petite peine d’emprisonnement. » Il vaudrait donc mieux réformer et encadrer les alternatives à la détention.

Vous multipliez les erreurs d’analyse, comme le démontrent les statistiques pénales du Conseil de l’Europe publiées récemment. En réalité, la vraie question, que vous escamotez de manière purement idéologique, c’est celle du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire. Vous préférez vider les prisons pour faire de la place, plutôt que de revoir ce dimensionnement en y consacrant les crédits nécessaires. Notre pays a besoin de 100 000 places de prison, or il n’en compte que 57 500.

Vous avez abandonné le projet, nécessaire mais timide, de l’ancienne majorité, qui prévoyait la construction de 24 000 places de prison, effort indispensable pour nous mettre en conformité avec les normes européennes et pouvoir faire exécuter effectivement les peines d’emprisonnement. Pour les deux années à venir, 2 000 places seulement sont budgétées.

En réalité, ce texte est une succession de dispositions inquiétantes.

Tout d’abord, la suppression des peines planchers pour les délinquants récidivistes relève d’une posture idéologique et constitue un signal de laxisme à l’égard des récidivistes.

Ensuite, la création de la contrainte pénale, cette nouvelle peine qui est en fait une liberté encadrée, permettra d’éviter un peu plus encore l’incarcération.

La dernière version du dispositif, des plus extrémistes, élaborée par la commission des lois institue une peine autonome, que les juges n’auront plus la latitude d’appliquer ou non et qui se substituera purement et simplement à la prison en cas de vol, de recel de vol, de filouterie, de dégradations, d’usage de stupéfiants, de délit de fuite et de certains délits routiers.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Vous voulez mettre tout le monde en prison ?

M. Pierre Charon. Vous souhaitiez donner de la place à l’aménagement de la peine, mais vous ne semblez plus maîtriser la voie que vous avez ouverte, madame la ministre, tant les plus jusqu’au-boutistes des vôtres vous donnent du fil à retordre !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est complètement excessif !

M. Pierre Charon. Demandez donc son avis à M. Valls, vous verrez !

Il est également proposé d’ajouter, dans la panoplie, une possibilité d’ajournement aux fins d’investigation sur la personnalité ou la situation de l’intéressé, dont la principale conséquence sera l’augmentation du nombre des peines inexécutées.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y en a déjà 100 000 !

M. Pierre Charon. Il y a aussi la procédure d’examen automatique de tous les dossiers des détenus pour les libérer aux deux tiers de leur peine – en réalité à la moitié, du fait des crédits de réduction de peine.

Ce sont là autant de signaux dangereux. Ne vaudrait-il pas mieux s’attacher à réduire les délais d’exécution des décisions de justice ? Plus d’un tiers des peines de prison ferme ne sont pas exécutées plus de sept mois après leur prononcé,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà, c’est cela le problème !

M. Pierre Charon. … et 25 % d’entre elles ne le sont pas après un an. Pour que la peine soit dissuasive, elle doit être effective !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Que proposez-vous ?

M. Pierre Charon. Il faut assortir votre réforme de moyens qui soient à la hauteur des enjeux, bannir toute disposition faisant prospérer l’impunité,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Évidemment !

M. Pierre Charon. … assurer la sécurité des personnes et des biens dans notre pays. Sans cela, nous ne pourrons voter le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est excessif et extrémiste !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui a pour objet premier de renforcer l’efficacité réparatrice de la sanction pénale pour la société. Mais, sous votre impulsion, madame la ministre, une visée symbolique lui a également été donnée : il tend à changer notre regard, à promouvoir une autre approche de la délinquance et de la prison, une autre ambition pour le triptyque sanction-réinsertion-prévention de la récidive. Il traduit la nouvelle orientation de la politique pénale voulue par notre majorité.

Ce projet de loi résulte d’un long travail de concertation associant tous les acteurs de la mise en œuvre de la politique pénale. Les travaux préparatoires ont commencé bien en amont, avec la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, présidée par Mme Nicole Maestracci et qui a recommandé de repenser la politique pénale en l’orientant vers la limitation du recours à l’incarcération et le développement des mesures d’aménagement des peines.

Le projet de loi est à l’évidence fidèle à l’esprit des conclusions de la conférence de consensus. Face à la croissance constante du nombre de détenus, la politique pénale doit absolument évoluer. Les personnes que nous avons auditionnées ont été unanimes sur ce point.

M. Robert Badinter a insisté sur le fait que le taux d’incarcération traduit la réussite ou l’échec de la politique pénale. De 2002 à 2012, le nombre de détenus a augmenté de 35 %, ce qui révèle l’échec de la politique pénale du « tout carcéral » menée par la majorité précédente, exception faite de la loi de 2009, et défendue à l’instant par notre collègue Pierre Charon.

La peine de prison constitue la norme aujourd’hui, alors même qu’elle reste souvent inexécutée. Or force est de constater les effets néfastes de l’incarcération, en particulier sur les personnes condamnées à de courtes peines. Loin de leur permettre de s’amender, la prison leur ouvre trop souvent la voie de la récidive et de la criminalité. Quand le recours à la détention est nécessaire – et il l’est forcément dans bien des cas –, il faut absolument garantir, comme l’a souligné notre collègue Jacques Mézard, des conditions de détention respectueuses de la dignité des personnes détenues et préparer la sortie dès le début de l’incarcération, afin d’éviter les sorties « sèches ».

C’est avec ce souci du respect de la dignité des personnes condamnées que j’ai défendu la proposition de loi modifiant la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, adoptée à l’unanimité par le Sénat le 15 mai dernier. Renforcer les pouvoirs du contrôleur général des lieux de privation de liberté, c’est veiller au respect de la dignité des personnes condamnées et aux bonnes conditions de travail des personnels pénitentiaires. C’est ainsi favoriser la réinsertion sociale et diminuer le risque de récidive. Les constats et les réflexions de M. Jean-Marie Delarue doivent maintenant nourrir nos nouvelles propositions.

Les peines d’emprisonnement prononcées arrivant toutes un jour à leur terme, la société a la responsabilité de prévenir efficacement la commission de nouvelles infractions. En ce sens, le présent projet de loi a le mérite d’aborder de front le problème de la récidive, en se focalisant sur les délits et sur les courtes peines.

Pour ces cas, force est de constater que la prison ne peut qu’aggraver le risque de récidive. Nul ne saurait, de bonne foi, taxer de laxisme ceux qui proposent de favoriser les peines alternatives à l’incarcération ou les aménagements de peines. Il est de la responsabilité de l’État de faire le nécessaire pour remplir son devoir de protection du citoyen, en dehors de toute considération démagogique. De ce point de vue, ce projet de loi est un texte courageux et responsable.

Je ne reviens pas sur l’architecture du texte ni sur l’analyse des articles, parfaitement présentés par Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur. Je soulignerai plutôt les apports, qui me semblent essentiels, du travail parlementaire, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Je salue particulièrement le travail très approfondi effectué par notre rapporteur, M. Jean-Pierre Michel.

Le texte met très justement l’accent sur l’indispensable individualisation des peines prononcées et sur le renforcement du contrôle et du suivi des personnes effectuant leur peine.

L’innovation principale de ce projet de loi réside dans la création d’une nouvelle peine de contrainte pénale, alternative nécessaire à l’incarcération, qui permettra un suivi renforcé des personnes condamnées. À cet égard, je salue l’initiative de l’Assemblée nationale, qui a étendu à tous les délits l’application de cette nouvelle peine à compter de 2017.

Sur l’initiative du rapporteur, la commission des lois du Sénat a fait un pas supplémentaire dans cette direction en adoptant un amendement visant à faire de la contrainte pénale la peine principale encourue pour une liste restreinte de délits, excluant les atteintes à l’intégrité physique des personnes. Dans ces cas, la peine d’emprisonnement n’a pas véritablement de sens.

L’instauration d’une procédure d’examen obligatoire de la situation des condamnés aux deux tiers de la peine est une autre mesure forte de ce texte. Cet examen permettra d’apprécier s’il y a lieu ou non de faire bénéficier les détenus d’une mesure de sortie encadrée. À tous les niveaux, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, dont je tiens à saluer l’action au cœur de notre système pénal, seront les pivots de la réforme, eu égard à leur rôle en matière de suivi et d’accompagnement des condamnés.

Par ailleurs, le texte renforce les pouvoirs de police et de gendarmerie en matière de contrôle des personnes placées sous main de justice. Il s’attache également à renforcer les droits des victimes.

Le travail de la commission des lois du Sénat a permis de nombreuses avancées. Elle a supprimé les dispositions autorisant la police et la gendarmerie à recourir à la géolocalisation et à des interceptions de communications en dehors de tout cadre d’enquête portant une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles, que notre assemblée a le souci constant de défendre.

Lors des auditions menées par la commission, la quasi-totalité des experts que nous avons entendus ont insisté pour que la rétention de sûreté soit supprimée : c’est ce que nous proposons. La surveillance de sûreté, quant à elle, est heureusement maintenue.

Notre rapporteur propose également la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, instaurés par la loi du 10 août 2011 et dont le fonctionnement n’a donné satisfaction à personne.

Enfin, la commission donne suite à la proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat le 25 janvier 2011, issue des travaux de la mission d’information sur la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions. Il s’agit de reconnaître explicitement l’altération du discernement comme facteur d’atténuation de la responsabilité, et donc de la peine, tout en renforçant les garanties relatives au respect de l’obligation de soins pendant et après la détention.

Je souhaite insister sur les aménagements de peines. La commission des lois a choisi, contrairement à ce qui était prévu dans le texte initial, de s’en tenir au droit actuel, issu de la loi pénitentiaire de 2009, en accord avec l’esprit du projet de loi, qui vise à favoriser les aménagements de peines, plutôt que d’en restreindre la possibilité. Cependant, il est nécessaire à mon avis de conserver les améliorations apportées par l’Assemblée nationale visant à réduire les différences entre les régimes applicables respectivement aux récidivistes et aux primo-délinquants, les premiers étant, en tout état de cause, condamnés à des peines plus lourdes que les seconds. J’y reviendrai en défendant un amendement.

Enfin, je présenterai un amendement tendant à renforcer le dispositif des travaux d’intérêt général, qui est l’un des pivots de la nouvelle peine de contrainte pénale et dont il faut donc assurer le développement.

Dans toutes ces dispositions, le texte respecte totalement la liberté du juge, tant pour le prononcé d’une sanction individualisée que pour l’exécution de celle-ci. Bien sûr, il conviendra de veiller tout particulièrement à ce que les moyens de la justice soient à la hauteur de cette volonté de réorientation de la politique pénale.

Les objectifs de ce texte sont donc justes. Il prolonge le travail accompli au travers de la loi pénitentiaire de 2009. Il permet en outre de dépasser l’opposition traditionnelle et caricaturale entre politique sécuritaire et politique dite « laxiste ». (M. Philippe Bas s’exclame.)

Après avoir apprécié et accompagné le travail que vous avez accompli, madame la garde des sceaux, nous serons à vos côtés pour faire en sorte que votre ambition ne reste pas lettre morte. Nous voterons donc ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il convient de redonner un sens à notre politique pénale, car l’inflation législative sécuritaire de ces dernières années s’est révélée inopérante, pour ne pas dire contre-productive. En effet, cette politique n’a pas permis de réduire la délinquance, et encore moins la récidive. Elle a de fait contribué à l’engorgement des établissements pénitentiaires et à la situation explosive que l’on connaît aujourd’hui.

Ne nous y trompons pas : ce texte représente un tournant dans la réponse pénale de notre État démocratique et de droit. Il constitue un choix de société, car il s’agit ici de renforcer l’efficacité des sanctions pénales, comme l’indique le nouvel intitulé du projet de loi, et non d’instaurer le laxisme.

Chers collègues, les visions peuvent être différentes, et les méthodes aussi, mais avons-nous gagné la guerre contre les violences ? Avons-nous enrayé le cancer de la surpopulation carcérale ? Avons-nous réduit à néant la récidive ?

Au 1er avril 2014, la capacité d’accueil des prisons françaises était de 57 680 places. Or 68 859 détenus étaient incarcérés au total, dont 2 209 femmes. À titre de comparaison, au 1er octobre 2012, les prisons françaises comptaient 76 407 personnes condamnées, dont 66 704 incarcérées et 9 703 non hébergées. Au 1er octobre 2013, on dénombrait 78 363 personnes condamnées, dont 67 310 incarcérées et 11 053 non hébergées.

Selon le rapport du groupe de travail relatif aux problématiques pénitentiaires d’outre-mer, en mars 2014, parmi les huit établissements pénitentiaires français dont le taux d’occupation est supérieur à 200 %, trois sont situés en outre-mer. Il s’agit du centre pénitentiaire de Ducos, en Martinique, qui détient le triste record de 1 042 détenus pour 570 places, du centre de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, la palme de la densité carcérale revenant au quartier de la maison d’arrêt de Faa’a Nuutania, en Polynésie, où le taux d’occupation atteint 279,6 %.

De manière générale, et selon le bulletin cartographique publié pour l’année 2011 par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ, deux départements, la Guadeloupe et la Guyane, se situent très souvent au-dessus du taux national de délinquance, voire se classent au premier rang selon ce critère. C’est le cas notamment pour les vols violents avec arme, pour les cambriolages, pour les atteintes volontaires à l’intégrité physique. Alors que le taux national est de 7,6 %, il s’établit à 15,5 % en Guadeloupe et à 15,1 % en Guyane. La gravité des actes de délinquance commis entraîne nécessairement un nombre important d’incarcérations dans ces deux départements. La surpopulation carcérale y est une réalité très prégnante, ayant pu conduire certaines juridictions, tels les tribunaux de grande instance de Basse-Terre, de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France, à différer la mise à exécution de certaines peines privatives de liberté.

Oui, je l’affirme : les traitements des délinquances et de la surpopulation carcérale ont été inefficaces sur l’ensemble du territoire, et particulièrement en outre-mer.

Dans un contexte économique difficile, caractérisé notamment par un taux de chômage, en particulier des jeunes, extraordinaire – il atteint 62 % pour la tranche d’âge 18-25 ans en Martinique –, beaucoup de détenus non accompagnés pendant leur parcours d’insertion sont amenés à récidiver. Avant leur incarcération, 70 % des détenus étaient sans emploi.

On a construit de nouvelles prisons, puis on a multiplié les réformes, pour aboutir aujourd’hui à une réflexion sur une politique plus forte d’aménagement des peines. À cet égard, qu’avons-nous fait jusqu’à présent de si extraordinaire qu’il faille rejeter cette nouvelle voie ? L’idée est dérangeante, et digne de la grandeur d’esprit de notre garde des sceaux actuelle, mais certains continuent à se battre inexorablement pour des idées qui nous poussent depuis des décennies à l’échec.

Nous nous dirigeons vers un mur dont les briques sont le manque de moyens financiers et humains, l’absence de changement de culture des acteurs judiciaires et pénitentiaires, et, enfin, la sédimentation des dispositifs pour lutter contre la récidive. La multiplication de ces derniers aboutit à des réponses de moins en moins efficaces. Nous sommes au bout d’un système et, dans notre société française du XXIe siècle, les esprits ne peuvent plus se satisfaire d’une situation aux effets pernicieux.

Nous, élus martiniquais, l’avons bien compris. C’est pourquoi le conseil régional de la Martinique et le centre pénitentiaire de Ducos ont signé en mai 2013, dans le cadre de la lutte contre la récidive, une convention de partenariat prévoyant treize actions de formation, comme la remise à niveau, la découverte des métiers, l’aide à l’orientation, ou encore la lutte contre l’illettrisme. Ce plan, d’un coût total de 563 024 euros, s’adresse à 224 détenus, hommes et femmes, jeunes et adultes, placés sous main de justice.

Parallèlement, un programme d’amélioration et de rénovation des équipements et des outils pédagogiques du centre pénitentiaire fait aussi l’objet d’un conventionnement avec la région, pour un coût de 131 400 euros.

De plus, le conseil régional participe à hauteur de 242 802 euros à la prise en charge des frais pédagogiques des actions de formation, et a accordé une subvention d’investissement de 98 550 euros.

Ce projet de loi ouvre, à mes yeux, des pistes intéressantes pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive, comme je l’avais fortement conseillé ici même lors de mon intervention du 25 avril 2013 sur la loi pénitentiaire.

Ainsi, je considère, madame la garde des sceaux, que votre projet de loi manifeste une ambition forte de lutter contre la délinquance et constitue une réforme pénale au service des citoyens.

En effet, trois grands axes orientent le dispositif : permettre au juge de prononcer une peine adaptée et juste ; créer une nouvelle peine, la contrainte pénale ; instaurer un nouveau dispositif pour éviter les sorties de prison dites « sèches », c'est-à-dire sans contrôle ni suivi. Pour la mise en œuvre de toutes ces nouvelles dispositions normatives, des moyens pertinents sont annoncés.

En résumé, si ces dispositions témoignent d’une volonté forte du Gouvernement d’avancer sur les questions épineuses de l’incarcération et de la récidive, il n’en demeure pas moins qu’elles viennent s’inscrire dans un environnement difficile et sans concession.

Les avancées dues aux règles pénitentiaires européennes et à la loi pénitentiaire sont indéniables, mais, encore une fois, on ne peut gagner sur le terrain de la lutte contre la délinquance qu’en instaurant une union sacrée. Nous ne devons ignorer aucune solution pour avancer sur le chemin de la réussite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je veux remercier les oratrices et les orateurs de cette discussion générale, dont les interventions ont permis de clarifier la teneur de certaines dispositions du projet de loi et, surtout, d’ouvrir des pistes de réflexion en vue de l’examen des articles.

Plus particulièrement, je tiens à remercier les sénatrices et les sénateurs de la majorité d’avoir rappelé posément – avec équanimité, allais-je dire, car il y a tout de même un certain mérite à rester pondéré sur ces questions –, en se fondant sur des éléments précis, tangibles, mesurables et vérifiables, l’état des lieux, la réalité sur laquelle nous essayons d’agir, la situation que nous avons la responsabilité de traiter.

On nous adresse constamment le reproche de faire des choix dogmatiques, fondés sur l’idéologie… Ce sont là des mises en cause, et non des démonstrations étayées.

Je répondrai à quelques questions précises que vous avez posées et, d’une façon transversale, à une préoccupation qui a été formulée par plusieurs d’entre vous, appartenant tant à la majorité qu’à l’opposition.

Madame Klès, vous avez évoqué, à partir d’un cas précis, un vrai sujet. Par une circulaire d’octobre 2012, j’ai demandé que les personnels des établissements pénitentiaires procèdent à la détection des détenus dépourvus de pièce d’identité. Ce travail d’évaluation de la situation est en cours.

Monsieur Antiste, vous savez, pour suivre de très près ces questions, que le rapport du groupe de travail parlementaire sur les prisons outre-mer sera rendu très prochainement. La situation dans les outre-mer est très inquiétante : le taux de suroccupation carcérale y atteint 328 %. Le Gouvernement a décidé de préserver les constructions prévues. Concernant Mayotte, monsieur Mohamed Soilihi, le nouveau centre de détention sera livré très prochainement, et la maison d’arrêt dans quelques mois.

Monsieur Lecerf, vous avez rappelé le contenu du rapport que vous aviez rédigé avec Mme Borvo Cohen-Seat et souligné à juste titre qu’il faut renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation. L’étude d’impact de la loi pénitentiaire avait estimé à un millier les besoins en termes de personnels supplémentaires : nous entendons précisément créer 1 000 postes en trois ans. Si la période avait été plus facile en matière de finances publiques, nous aurions fait davantage encore, mais je puis en tout cas affirmer que l’engagement pris sera tenu : d’ores et déjà, 63 conseillers d’insertion et de probation ont été recrutés en 2013 et 400 le seront en 2014, leur formation étant assurée par l’École nationale de l’administration pénitentiaire. C’est un effort considérable : je rappelle que ce corps est composé de 4 000 fonctionnaires ; aussi, lorsque nous créons 1 000 emplois nouveaux en trois ans, nous augmentons son effectif de 25 %. C’est sans précédent dans la fonction publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Voilà qui est de nature à répondre à vos interrogations sur la mise en place des effectifs et des moyens nécessaires, monsieur Lecerf, d’autant que nous avons aussi créé 120 postes de juge de l’application des peines ou de greffier en 2013 et que nous en créerons encore 50 en 2014. Nous veillons à ne pas renouveler l’erreur, parfois commise dans le passé, de créer des postes de magistrat sans les accompagner des postes de greffier correspondants.

Cependant, renforcer les effectifs ne suffit pas. Vous le savez, monsieur Lecerf, vous qui travaillez depuis longtemps sur ces questions pénitentiaires. J’ai donc institué en octobre 2012 un groupe de travail sur les profils de recrutement des conseillers d’insertion et de probation, car il nous faut mêler les métiers et les cultures professionnelles. Nous travaillons également sur les méthodes de prise en charge et les outils d’évaluation. Par conséquent, notre action ne porte pas seulement sur l’aspect quantitatif, elle comporte aussi une dimension qualitative. En effet, il est important que ce métier de conseiller d’insertion et de probation qui s’est en quelque sorte construit en marchant ait une identité cohérente sur l’ensemble du territoire, issue de la pratique professionnelle.

Pardonnez-moi de m’exprimer de façon un peu désordonnée, mais il faut dire que j’ai entendu des arguments eux-mêmes assez désordonnés…

Je ne répondrai pas à votre mise en cause générale, monsieur Charon, car elle ne le mérite pas. Vous avez bien sûr parfaitement le droit de vous exprimer en ces termes, mais vos accusations ne sont absolument pas fondées.

Vous affirmez savoir ce que veulent les Français. Or la situation que nous avons trouvée en arrivant aux responsabilités est la résultante de dix années de politiques pénale et carcérale menées par la précédente majorité ! Vous dites que nous avons abandonné le plan de construction de 24 000 places de prison, mais pas un seul euro, monsieur le sénateur, n’avait été inscrit au budget pour financer sa réalisation, dont le coût était de 3,5 milliards d’euros. On ne peut pas abandonner ce qui n’existe pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Nous préférons dire la vérité aux Français. Pour notre part, nous nous sommes engagés à créer 6 300 places de prison. Leur livraison a déjà commencé et nous tiendrons les délais prévus, sachant que nous sommes de surcroît parfois obligés de fermer des établissements vétustes et de les remplacer.

Vous nous reprochez, avec d’autres intervenants, d’avoir engagé la procédure accélérée. Je vais devoir rafraîchir certaines mémoires…

M. Philippe Bas. Ce n’est pas parce que nous avons mal fait que vous devez en faire autant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bas, je vois que vous prenez les devants !

Je me vois obligée de vous rappeler que la loi pénitentiaire de 2009 a été examinée selon la procédure accélérée. Ce n’en est pas moins une belle loi, grâce notamment à l’excellent travail accompli par son rapporteur au Sénat. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Bas. Excellent rapporteur !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Absolument ! M. Lecerf sait que je lui porte grande estime : nous nous sommes retrouvés depuis deux ans sur de nombreux sujets.

Je vous rappelle aussi que la loi de 2007 qui a instauré les peines planchers a également été débattue après engagement de la procédure accélérée. Ce n’était peut-être pas, en l’occurrence, le meilleur choix…

M. André Reichardt. Ah, vous voyez !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Parfois, le recours à la procédure accélérée se justifie moins.

M. André Reichardt. C’est le cas avec ce projet de loi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, car il y a une très grande différence, monsieur le sénateur, par rapport à la loi de 2007 : je vous mets au défi de me citer un texte comparable ayant fait l’objet d’un processus d’élaboration et de maturation aussi poussé !

Mme Catherine Tasca. Eh oui, cela change tout !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tous les éléments sont à votre disposition depuis plusieurs mois. D’ailleurs, la commission des lois du Sénat a pris l’initiative de procéder à des auditions avant même que l’examen du projet de loi ait commencé à l’Assemblée nationale.

En tout état de cause, le Parlement sait travailler bien et vite,…

M. André Reichardt. Pas toujours…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … et je le dis sans ironie aucune.

M. Philippe Bas. Ce qui nous gêne, c’est l’absence de navette.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bas, je suis sûre que, dans votre vie de ministre puis de sénateur, d’autres choses vous ont infiniment plus gêné…

M. Roger Karoutchi. Il en parle tous les jours ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous crois volontiers, monsieur Karoutchi !

Monsieur Hyest, vous savez tout le respect que j’ai pour vous.

M. Philippe Bas. À juste titre !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est réciproque !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais prendre le temps de vous répondre, car l’une des formules que vous avez utilisées à la tribune m’a étonnée. Compte tenu de la conception de la pénalité que vous défendiez lorsque vous présidiez la commission des lois,…

M. Jean-Jacques Hyest. Je n’ai pas changé d’avis !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … je regrette que vous n’ayez pas reconnu l’existence d’une continuité, dans l’esprit, entre le présent projet de loi et la loi pénitentiaire de 2009 : celle-ci reposait en effet sur une conception moderne de la pénalité.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La loi pénitentiaire affirmait la nécessité de punir, de sanctionner, mais aussi celle de travailler à l’insertion des détenus. Nous nous inscrivons aujourd'hui dans la même logique ; je n’aurais aucune peine à le démontrer.

Je respecte votre position, mais je regrette que vous ayez dit que, dans ce projet de loi, il n’y avait qu’un « zeste » pour les victimes.

M. Jean-Jacques Hyest. Dans la définition.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela fait deux ans que, à l’Assemblée nationale, on me cherche querelle en permanence sur ce sujet. Ce n’est pas le cas ici, aussi n’avais-je pas encore pris le temps d’expliquer ce que nous faisons pour les victimes, mais je vais m’y atteler maintenant, car je ne peux laisser certains propos sans réponse.

Je vais répondre posément, n’ayant pas le sentiment d’être ici en terrain hostile.

Comme je l’ai dit lors de mon intervention liminaire, deux préoccupations ont présidé à l’élaboration du présent projet de loi : remplir le devoir de solidarité de l’État à l’égard des victimes, en le rendant effectif, et travailler à la réinsertion, car toute peine, y compris d’incarcération, n’a qu’un temps et la personne sanctionnée est appelée à revenir ensuite dans la société. Nous voulons que ce soit dans de bonnes conditions.

Qu’avons-nous fait depuis deux ans pour les victimes ? Nous ne nous en vantons pas, parce que, par respect pour les victimes, je me suis interdit, comme je l’ai interdit à mes collaborateurs, de les instrumentaliser. Nous veillons à être exemplaires dans notre attitude à l’égard des victimes. Ne pas proclamer ce que nous faisons pour elles me dessert depuis deux ans. Aujourd'hui, devant la représentation nationale, je vais prendre le temps d’exposer notre action.

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, j’ai constaté que le budget de l’aide aux victimes n’avait pas cessé de baisser au cours des quatre dernières années du précédent quinquennat. Sans le claironner sur les toits, j’ai pris la décision d’augmenter de 25,8 % ce budget dès ma première année au ministère de la justice.

Durant le précédent quinquennat, il avait été décidé d’ouvrir des bureaux d’aide aux victimes : cinquante l’ont été en trois ans. J’ai trouvé que l’idée était belle et qu’elle méritait d’être mise en œuvre de façon plus large. J’ai donc décidé d’ouvrir un bureau d’aide aux victimes dans chaque tribunal de grande instance. Cent bureaux d’aide aux victimes ont ainsi été créés au cours de la seule année 2013 ; nous sommes en train d’ouvrir les derniers.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela étant, je me suis dit qu’ouvrir cent structures en une seule année pouvait conduire à des malfaçons. C'est pourquoi, dès le mois de juin 2013, j’ai demandé à l’Inspection générale des services judiciaires de procéder à un audit des bureaux d’aide aux victimes, afin de m’assurer que nous étions en train de bâtir du solide. Nous avons dû faire quelques ajustements pour consolider le dispositif. Nous allons maintenant inscrire ces structures dans la loi : leur existence sera ainsi pérennisée.

Par ailleurs, nous avons remobilisé le conseil national d’aide aux victimes. Après avoir beaucoup entendu parler des victimes pendant le précédent quinquennat, j’ai découvert, à mon arrivée au ministère, outre que le budget de l’aide aux victimes baissait depuis quatre ans, que le conseil national d’aide aux victimes n’avait pas été réuni depuis 2010. Sans aller non plus le clamer sur les toits, j’ai modernisé cette instance et modifié sa composition. Je reçois deux fois par an à la Chancellerie ce conseil dont vous êtes membre, monsieur Détraigne.

M. Yves Détraigne. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je salue d'ailleurs votre assiduité.

M. Yves Détraigne. Il s’est réuni régulièrement auparavant, mais pas sous la présidence du garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le conseil national d’aide aux victimes est placé sous la responsabilité du garde des sceaux, qui a le devoir d’organiser ses réunions à la Chancellerie. Ses membres avaient pris l’initiative de se réunir entre eux, mais il n’avait pas été réuni officiellement depuis 2010. Là encore, je ne suis pas allée le clamer sur les toits.

Nous avons pris l’initiative de créer une journée en faveur des droits des victimes, sous la responsabilité de la Chancellerie. La première s’est tenue en novembre 2013 ; la prochaine aura lieu en novembre 2014.

Nous avons également pris un certain nombre d’autres initiatives. Par exemple, nous appliquons par anticipation, sans attendre leur transposition dans notre droit – le délai court jusqu’en novembre 2015 –, les dispositions de la directive européenne sur les droits des victimes de la criminalité qui permettent un suivi individualisé des victimes. J’ai décidé de lancer une expérimentation dans huit tribunaux de grande instance. Cette expérimentation a commencé en janvier.

En plus d’avoir réécrit l’article 707 du code de procédure pénale, en plus d’avoir rassemblé les droits des victimes, qui étaient jusque-là dispersés dans le code, en plus d’avoir renforcé ces droits, notamment pour garantir la tranquillité et la sûreté des victimes pendant la période d’exécution de la peine, nous avons introduit dans le projet de loi un article relatif à la justice restaurative, parce que nous pensons qu’il faut aider la victime à se rétablir. Pour cela, il existe des méthodes qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays. Nous les introduisons avec précaution ; nous en sommes déjà à la deuxième expérimentation, très encadrée.

Je rappelle que, en France, le droit pénal s’est construit contre la victime. Celle-ci avait bien entendu droit à des dédommagements civils, mais elle n’a fait son entrée dans le procès pénal qu’avec la loi Badinter de 1983, visant à protéger les victimes d’infractions. Cette loi a été consolidée en 2000 par Élisabeth Guigou, qui a renforcé la protection des victimes.

Historiquement, je le redis, le système pénal français s’est construit non seulement sans la victime, mais même contre elle. Aujourd'hui encore, dans la plupart des pays anglo-saxons, la victime n’a aucune place dans le procès pénal. Pour notre part, nous suivons une logique complètement différente. Pas à pas, mais en faisant tout de même de belles enjambées, nous construisons un accompagnement des victimes, parce que nous estimons qu’elles ont besoin de réparation. Cela correspond d’ailleurs à l’esprit du rapport rédigé par Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu.

Nous voulons aussi améliorer les procédures d’indemnisation, car nous savons bien que, à l’heure actuelle, elles ne donnent pas entière satisfaction. L’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, l’INAVEM, nous a remis quarante propositions. Nous avons déjà repris certaines d’entre elles dans une circulaire qui sera adressée à tous les tribunaux de grande instance, afin d’homogénéiser les pratiques en matière d’aide aux victimes.

Excusez-moi de m’être exprimée un peu longuement sur l’aide aux victimes, mais cela me paraissait indispensable. On ne peut pas continuer à nous faire des procès sur ce sujet alors que nous avons tant fait en deux ans. J’ajoute que le projet de loi prévoit deux sources de financement de l’aide aux victimes, que vous souhaitez, me semble-t-il, améliorer.

Nous avons inscrit dans le texte une obligation d’évaluer les effets de son dispositif au bout de deux ans. Notre volonté est de prendre en compte la réalité telle qu’elle se présente et de la corriger. Nous voulons que nos dispositions soient efficaces, et nous ne craignons pas de prendre rendez-vous dans deux ans pour vous présenter les résultats de cette évaluation.

Accomplir ce travail d’évaluation nécessite bien entendu des outils. Nous avons déjà engagé la réforme de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, sur la base notamment du rapport de M. Le Bouillonnec et en lien avec le ministère de l’intérieur, qui a créé en janvier 2014 son propre système statistique. Celui de la Chancellerie existe depuis 1973. Dorénavant, l’ONDRP effectuera un travail transversal, à partir de sources multiples, pour étudier et analyser les phénomènes de délinquance sur l’ensemble du territoire.

Nous créons par ailleurs, sur le fondement de l’article 7 de la loi pénitentiaire, un observatoire de la récidive et de la désistance, qui échappera à l’emprise du ministère de la justice. Pour l’heure, en effet, les statistiques publiées font régulièrement l’objet de contestations. On accuse le ministère de l’intérieur ou – moins souvent – le ministère de la justice de manipuler les chiffres. C'est pourquoi il est important que les outils statistiques ne soient pas soumis à la tutelle des ministères. Le casier judiciaire national, parmi d’autres sources, alimentera cet observatoire, qui étudiera de façon transversale les trajectoires de délinquance et les facteurs de désistance. Nous avons besoin non seulement de mesurer le plus précisément possible l’évolution des diverses formes de délinquance, mais également de connaître les facteurs de désistance et l’effet des différents types de peines en matière de prévention de la récidive.

Tout à l'heure, lors de l’examen des articles, nous débattrons très probablement des catégories de peines. Il y a une logique, une cohérence à penser la peine en fonction du triptyque amende-contrainte pénale-incarcération. Cela apportera davantage de clarté et de lisibilité pour les magistrats, ainsi que pour tous les intervenants dans l’exécution des peines.

Il s’agit cependant d’un travail de fond. Dans le projet de loi, nous ne touchons pas à l’échelle des peines. Or un certain désordre a été introduit dans le code pénal.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vois que vous en convenez.

M. André Reichardt. Bien entendu !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il faut y remédier. Je suis sûre que nous parviendrons à nous entendre sur le principe que l’échelle des peines doit correspondre à l’échelle des valeurs de la démocratie et de la République. Aujourd'hui, du fait du désordre créé par des modifications successives sans lien les unes avec les autres, certaines atteintes aux biens sont punies plus sévèrement que des atteintes aux personnes. Je pense que personne ici n’est très à l’aise avec cet état de fait.

La révision de l’échelle des peines doit permettre de la faire correspondre à notre échelle de valeurs. Pour nous, les atteintes aux personnes sont plus graves que les atteintes aux biens.

M. André Reichardt. Pour nous aussi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’État a bien évidemment le devoir de protéger les biens des citoyens, mais c’est la protection des personnes qui doit primer. Tel est le message que nous devons adresser, y compris à travers le code pénal.

Ce travail de refonte du droit des peines est donc indispensable. J’ai installé, en mars 2014, une mission dirigée par Bruno Cotte. Actuellement président de chambre à la Cour pénale internationale, ce dernier a été, par le passé, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il s’agit d’un magistrat hors pair, absolument incontestable et incontesté. Avec une douzaine de personnalités – magistrats, avocats, directeurs d’établissement pénitentiaire, universitaires –, il est chargé de réfléchir sur l’échelle des peines, les longues peines, les mesures de sûreté. Cette mission devra remettre son rapport à la fin de 2015 et nous dire s’il y a simplement lieu de modifier notre droit des peines ou si nous devons écrire un code de l’exécution des peines. Elle s’est déjà mise à l’ouvrage et ses conclusions seront susceptibles de nourrir une réforme dense sur le fondement du triptyque amende-contrainte pénale-incarcération.

Avant de conclure, je voudrais encore m’adresser à M. Hyest…

M. Jean-Jacques Hyest. J’ai l’impression que vous avez seulement exposé votre politique pénale et que vous n’avez retenu qu’un zeste de mon intervention ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’en ai fait tout un citronnier, monsieur Hyest ! (Nouveaux sourires. –M. Philippe Bas applaudit.)

M. Mézard, parmi d’autres intervenants, a évoqué l’exécution des peines. Ce sujet est double.

Tout d’abord, il est erroné de dire qu’il existe un stock de peines non exécutées. Ce n’est pas la réalité : il y a un flux de peines.

M. André Reichardt. C’est la même chose !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, ce n’est pas la même chose. M. Bas est d’ailleurs d’accord avec moi.

M. Philippe Bas. Je suis d’accord avec mon collègue !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les juridictions prononcent des peines tous les jours. Par exemple, en 2012, pour 129 000 peines d’incarcération ferme prononcées, 128 000 environ ont été mises à exécution. Il y a donc une production continue de peines et, parallèlement, une exécution continue des peines, selon un délai moyen de neuf mois, sachant toutefois que, en fait, la moitié des peines sont exécutées en quatre mois et 36 % le sont en un mois. Au passage, permettez-moi de saluer le travail des juges de l’application des peines. Par ailleurs, 74 % des peines sont mises à exécution en douze mois et 83 % en dix-huit mois. Les peines sont donc bien exécutées.

J’en viens au second sujet. Comme vous le savez, la loi pénitentiaire dispose que, pour une peine inférieure à deux années d’incarcération ferme, s’il n’y a pas mandat de dépôt, la peine est susceptible d’être aménagée. C’est non pas une obligation, mais une option, une possibilité. Le juge de l’application des peines doit donc examiner les faits, la personnalité de l’auteur de ceux-ci, les conditions dans lesquelles il peut éventuellement prononcer un aménagement de la peine. Chaque année, 83 000 peines prononcées sont ainsi susceptibles de faire l’objet d’un aménagement, mais cette procédure prend du temps, car le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, puis le juge de l’application des peines, doivent étudier les éléments que j’évoquais avant la prise de décision.

Avec la contrainte pénale, nous échapperons à ces délais, car elle sera exécutoire par provision. Dès le prononcé à l’audience, le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation devra être en mesure de présenter les éléments qui permettront au juge de l’application des peines de prononcer les obligations et interdictions.

Je terminerai avec M. Hyest : chose promise, chose due ! (Sourires.)

Vous nous avez reproché, monsieur Hyest, d’être bavards ; nous ne le sommes pas. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Disons alors que vous avez reproché à la loi d’être bavarde ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur Hyest, vous avez indiqué ne pas percevoir la différence entre finalité et fonction de la peine. La finalité de la peine concerne la société et se conçoit à sa hauteur : le corps social doit rappeler l’existence de ce que Durkheim appelait « les états forts et définis de la conscience collective », c’est-à-dire tout un corpus de principes, de valeurs, de règles qui nous permettent de « faire société ». La peine rappelle la gravité de leur transgression. Quant à la fonction de la peine, elle a trait au condamné, dont la réinsertion doit être préparée pendant l’exécution de sa peine. Telle est, monsieur Hyest, la distinction que nous faisons entre finalité et fonction de la peine. Cette fois, j’en ai vraiment terminé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 1er

M. le président. Je suis saisi, par MM. Bas, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales (n° 642, 2013-2014).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Philippe Bas, pour la motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Bas. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la réforme dont nous débattons fait partie de celles dont l’inspiration peut paraître cohérente,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. Philippe Bas. … tandis que, malheureusement, les modalités de sa mise en œuvre se révèlent dangereusement sources de confusion et de contradictions.

Elle repose sur un système de pensée auquel nous ne pouvons adhérer que partiellement, s’agissant d’un domaine particulièrement sensible, celui de la lutte contre la violence et l’insécurité, dans lequel notre société a besoin de fermeté, de détermination et de continuité dans l’action.

Pour les auteurs de ce projet de loi, tout doit être tenté afin d’éviter la prison aux délinquants. Ceux qui ne voudraient pas partager entièrement ce point de vue et seraient tentés de le nuancer sont soupçonnés d’être partisans du « tout carcéral ».

Nous sommes pourtant nombreux à ne vouloir ni du « tout carcéral » ni du « tout sauf la prison », formule qui pourrait résumer la philosophie de ce texte. Notre but principal est non pas de faire dans l’absolu un choix théorique, idéologique ou philosophique entre l’incarcération et les alternatives à l’emprisonnement, mais de permettre aux juges de prononcer et d’exécuter effectivement des peines appropriées à la sanction des crimes et des délits, en ayant la possibilité de recourir à la palette la plus large possible de sanctions, les peines ne s’excluant pas a priori les unes les autres. C’est ainsi que le principe d’individualisation des peines, auquel nous sommes tous attachés, peut recevoir sa pleine application.

Madame le garde des sceaux, vous ne trouverez pas, au sein du groupe UMP, de sénateurs hostiles au développement des peines alternatives à la prison et à l’aménagement des peines.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. Philippe Bas. Je vous rappelle d’ailleurs que c’est nous qui avons inventé les centres éducatifs fermés, dont François Hollande s’était engagé à doubler le nombre pour le porter à quatre-vingts : encore un engagement oublié !

M. Philippe Bas. C’est également nous qui avons considérablement développé le recours au bracelet électronique. Ces deux mesures furent inscrites dans les lois de 2002 et de 2009.

Entre 2005 et 2012, le nombre de personnes purgeant une peine aménagée a augmenté de 345 % ! Le nombre de personnes bénéficiant d’une surveillance électronique avoisine aujourd’hui les 10 000, après avoir augmenté de 50 % pour la seule année 2011. Depuis, il a baissé.

Cependant, nous pensons que les alternatives à la prison et l’aménagement des peines ont une portée d’autant plus grande, à l’égard du délinquant, que la menace de la prison continue à exister. C’est d’ailleurs si vrai que notre rapporteur, après avoir proposé de supprimer la possibilité de prononcer des peines de prison, même avec sursis, pour certains délits, au bénéfice de la contrainte pénale, s’est empressé de proposer la création d’un délit de non-observation des obligations décidées dans le cadre de la contrainte pénale, pour que le tribunal puisse placer en détention le délinquant qui manquerait auxdites obligations.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est tout à fait cohérent !

M. Philippe Bas. Nous nous opposons donc aussi fermement à la doctrine du « tout sauf la prison » qu’à celle du « tout carcéral », parce qu’elle est constitutive d’une politique pénale délibérément moins sévère, dont la mise en œuvre contribuerait à affaiblir la lutte contre la violence. Une telle politique pénale est à contre-courant des attentes profondes de nos compatriotes.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous ne prônons ni l’une ni l’autre !

M. Philippe Bas. Si notre rapporteur s’est efforcé de l’embellir en la qualifiant d’« humaniste », elle peut aussi se voir reprocher une certaine naïveté, au sens où le Premier ministre Lionel Jospin avait employé ce mot pour regretter les insuffisances de sa politique en matière de lutte contre l’insécurité.

Sachez que nous nous proclamons nous aussi humanistes. C’est cet humanisme qui nous pousse à vouloir une société plus sûre pour chacun de ses membres, alors qu’elle est de plus en plus violente.

Ce qui doit inspirer la politique pénale, c’est la nécessité de mettre à la disposition des magistrats des sanctions qui rendent la punition certaine, effective, immédiate ou, du moins, rapide, connue à l’avance, dissuasive et légitime parce que proportionnée à la faute. C’est pourquoi tout ce qui contribue à la confusion de l’échelle des peines, à l’incertitude dans le quantum des sanctions, au retard dans l’exécution des condamnations et rend aléatoire la punition met en péril l’autorité de l’État et diffuse le sentiment de l’impunité.

On ne mettra pas fin au scandale – je pèse mes mots – des peines non exécutées en regroupant sous le vocable de « contrainte pénale » des alternatives à la prison et des aménagements de peines qui existent déjà. On y mettra fin en se donnant les moyens de rendre ces dispositifs effectifs et d’adapter les capacités de nos centres de détention, notoirement insuffisantes.

Nous n’avons pas de surcapacité carcérale en France : nous disposons de 84 places de prison pour 100 000 habitants, tandis que la moyenne, pour les pays membres du Conseil de l’Europe, s’établit à 138 places pour 100 000 habitants. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que notre densité carcérale soit en même temps de 15 % supérieure à la moyenne de ces pays et que nous détenions le record européen en matière de taux d’inexécution des condamnations. Madame le garde des sceaux, vous ne changerez pas cette situation d’un trait de plume législatif ; c’est un leurre que de le croire !

À nos yeux, c’est une faute d’avoir abandonné le programme de création de 24 000 places de prison supplémentaires que nous avions adopté au début de 2012.

M. Philippe Kaltenbach. Avec quel financement ?

M. Philippe Bas. Loin d’être incompatible avec la volonté d’amplifier le recours aux alternatives à l’enfermement, il était au contraire complémentaire de cette politique. Nous avons besoin de ces deux outils et nous devons pouvoir jouer sur tout l’éventail des sanctions pour faire reculer la délinquance.

Puisque vous vous prévalez de votre humanisme, sachez que nous ne demandons pas mieux que de le voir à l’œuvre dans un effort exceptionnel de mise à niveau des conditions de détention, trop souvent indignes encore aujourd’hui, et dans de nouvelles dispositions permettant de préparer la réinsertion des condamnés pendant leur détention, cet aspect étant curieusement absent du projet de loi dont nous sommes saisis.

Si mon groupe a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On se demande bien pourquoi !

M. Philippe Bas. … ce n’est pourtant pas parce que ce texte ne comporterait que de mauvaises mesures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Justement ! Il faut donc délibérer !

M. Philippe Bas. Nous sommes d’accord avec la généralisation de la présence des bureaux de l’exécution des peines dans les tribunaux de grande instance.

Nous sommes satisfaits quand, en matière d’aménagement des peines, la commission des lois, sur proposition de son rapporteur, rétablit la nécessaire distinction entre récidiviste et non-récidiviste.

Nous sommes aussi favorables à l’obligation de soins en cas d’altération du discernement du délinquant au moment de la commission de l’infraction. Ces dispositions sur l’atténuation de responsabilité pénale des personnes atteintes d’un trouble mental font enfin droit à l’excellente proposition de loi de Jean-René Lecerf votée par le Sénat en janvier 2011.

Nous apprécions également l’effort d’acclimatation de la justice dite « restaurative » et nous accueillons positivement l’ouverture de la possibilité que le condamné fasse un versement au fonds de garantie des victimes.

Enfin, nous reconnaissons volontiers que le chapitre III du titre II du projet de loi sur les missions du service public pénitentiaire en matière de suivi et de contrôle des personnes condamnées comporte des propositions intéressantes.

Nous allons même jusqu’à reconnaître un certain nombre d’apports positifs de la commission des lois, introduits sur l’initiative de son rapporteur pour améliorer plusieurs dispositions du texte voté par l’Assemblée nationale, qui comportait des surenchères dangereuses de notre point de vue.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. Philippe Bas. Ainsi, le parquet pourrait demander la révocation du sursis d’un condamné quand un tribunal aura prononcé une seconde condamnation sans avoir eu connaissance de la première. De même, il ne serait pas possible de convertir en contraintes pénales des peines de prison prononcées avant le vote de la réforme. Les modalités d’exécution de la contrainte pénale seraient simplifiées par rapport au texte voté par l’Assemblée nationale, en renforçant le pouvoir du juge de l’application des peines. Enfin, la loi ne déléguerait aucune responsabilité du procureur de la République aux officiers de police judiciaire, contrairement à ce que voulait le Gouvernement.

Si le projet de loi n’avait comporté que ces dispositions, nous n’aurions pas eu à déposer cette motion tendant à opposer la question préalable, mais, hélas, il en contient d’autres !

M. Philippe Bas. Certaines sont inutiles ou de pur affichage, d’autres nous paraissent réellement nuisibles, voire toxiques, d’autres encore risquent de provoquer de graves confusions dans la politique pénale.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut en parler !

M. Philippe Bas. Il faut en parler au moment de la discussion de cette motion tendant à opposer la question préalable, monsieur le président de la commission, vous avez tout à fait raison !

Est inutile, tout d’abord, le nouvel article 130-1 du code pénal, définissant la fonction de la peine dans un jargon que l’on rencontre encore rarement, heureusement, dans notre code pénal. Cet article inscrit d’entrée de jeu le texte dans un droit proclamatoire, où transparaît surtout la volonté de mettre en forme juridique un discours politique.

M. Philippe Bas. Pis encore, l’article 2 du projet de loi, parce qu’il enfonce une porte ouverte en disposant que « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée », est tout à fait incantatoire et inutile. Aurions-nous vécu, jusqu’à aujourd’hui, sous un régime d’automaticité des peines ? Chacun sait que non, car le principe de l’individualisation des peines est depuis longtemps un principe de valeur constitutionnelle, auquel le législateur ne saurait porter atteinte. Cette sorte de profession de foi légale que vous avez inscrite dans votre projet de loi, madame le garde des sceaux, est le point d’ancrage d’un discours accusatoire qui, de mon point de vue, est fondamentalement erroné, parce qu’il voudrait que les peines planchers, puisque ce sont surtout elles que vous visez, soient des peines automatiques, alors qu’il appartient au magistrat de les écarter chaque fois que la situation du délinquant le justifie à ses yeux.

Il n’y a pas plus d’automaticité dans les peines planchers que le projet de loi, dans sa rédaction initiale, n’en mettait dans la contrainte pénale, puisque le Gouvernement avait souhaité inscrire le recours à celle-ci comme une simple possibilité ajoutée à la gamme des sanctions, et non comme une peine excluant la possibilité de l’emprisonnement.

Aucune disposition pénale d’aucune sorte n’autorise actuellement les juridictions à renoncer à leur obligation d’appréciation des faits et de la situation du délinquant.

Plus préoccupantes encore sont les dispositions qui, prises isolément, nous paraîtraient déjà critiquables, mais qui, mises bout à bout, dégagent par leur convergence et par touches impressionnistes la physionomie d’ensemble du texte. Celui-ci repose sur la volonté de dissuader autant qu’il est possible les magistrats de prononcer des peines de prison.

M. Philippe Bas. Les peines planchers seraient supprimées. Les peines d’emprisonnement devraient être motivées, mais non pas la contrainte pénale. La révocation des sursis en cas de récidive ne serait plus automatique. Une même peine pourrait donner lieu à plusieurs révocations partielles sans révocation définitive. Le régime des récidivistes serait aligné sur celui des primo-délinquants en matière de révocation de sursis. Les tribunaux correctionnels pour mineurs seraient abandonnés, la rétention de sûreté supprimée.

L’ensemble de ces mesures éclaire le contexte dans lequel s’inscrit la création de la nouvelle contrainte pénale. Nous pourrions sans doute n’opposer à cette peine qu’une relative indifférence, voire lui témoigner une certaine bienveillance, en considérant qu’elle ne comporte pas d’innovation fondamentale par rapport aux très nombreuses alternatives à l’emprisonnement et aux nombreux systèmes d’aménagements de peines que comporte déjà notre code pénal : amendes, sursis, travaux d’intérêt général, stages de citoyenneté, mesures privatives ou restrictives de droits, sanctions complémentaires, sanction-réparation, orientation du mineur vers un centre éducatif fermé, personnalisation des peines, avec la semi-liberté, le placement à l’extérieur, le placement sous surveillance électronique, le fractionnement de peine, la dispense de peine, l’ajournement. Ce bref inventaire souligne la très grande richesse du régime des peines, tel qu’il a été construit par le législateur au fil des décennies.

Rien n’empêche d’enrichir encore ce double arsenal des alternatives aux peines de prison et des aménagements de peines, mais le projet de loi se borne à donner la possibilité au juge d’inscrire sous le régime de la contrainte pénale tout ou partie des mesures qui sont déjà à sa disposition. Ce faisant, il rend aussi applicables sous le régime de la contrainte pénale des mesures qui relèvent aujourd’hui non pas du prononcé de la sanction, mais de son exécution, avec toutes sortes d’obligations, d’interdictions ou de systèmes d’autorisation qui s’imposent au condamné.

Dans ces conditions, il apparaît clairement que l’originalité de la contrainte pénale tient non pas aux mesures qu’elle peut comporter, mais à la combinaison de ces mesures et à la procédure applicable pour sa mise en œuvre. Une partie des prérogatives confiées, jusqu’à présent, au juge de l’application des peines remonterait à la juridiction de jugement. Mais cette nouvelle répartition n’est pas réaliste : elle augmenterait considérablement la charge pesant sur les juridictions et retarderait les jugements, en prolongeant, dans bien des cas, la détention préventive.

De plus, la contrainte pénale est une peine floue, à géométrie variable, faiblement dissuasive. C’est d’ailleurs son essence même ! Au principe fondamental de la légalité des peines, vous opposez non pas seulement l’individualisation des peines, dont vous vous réclamez, mais aussi l’incertitude sur le contenu réel de la peine.

Il y a plus, car l’amendement de notre rapporteur visant à interdire que des peines de prison, fussent-elles assorties du sursis, soient prononcées pour un certain nombre de délits altère encore ce texte par rapport aux arbitrages gouvernementaux si difficiles qui avaient été arrêtés pour concilier les positions du ministre de l’intérieur et celles de la garde des sceaux.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il faudrait conclure !

M. Philippe Bas. À moins, monsieur le rapporteur, que ces arbitrages gouvernementaux n’aient dénaturé le texte initial du projet de loi de Mme le garde des sceaux, et que vous ayez seulement voulu aller à la rencontre de ses attentes !

Chaque année, 50 000 condamnations à des peines de prison, avec ou sans sursis, sont prononcées à l’encontre d’auteurs de délits contre lesquels les juridictions ne pourraient plus recourir à la prison, si cet article était adopté. Sachez que ces peines de prison ne sont pas prononcées faute de mieux par les magistrats, puisque ceux-ci déposent déjà de tout un éventail de peines alternatives. S’ils ne recourent pas à ces peines de substitution, c’est qu’ils considèrent que la peine de prison est la sanction la plus appropriée dans les cas où ils décident de la prononcer.

À l’évidence, cette réforme ne peut lever aucun des obstacles qui ont jusqu’à présent entravé le développement des alternatives à la prison et des aménagements de peines. La contrainte pénale est d’abord une contrainte exercée sur les magistrats eux-mêmes. Vous allez les placer devant une double impasse : celle de la surpopulation carcérale, qui empêche, si rien n’est fait, de mettre en œuvre les peines de prison, et, désormais, celle d’une sanction globale, difficile à décider pour la juridiction, longue à élaborer et qui ne se développera pas davantage que les obligations éparses dont elle est constituée ne sont aujourd’hui appliquées.

Voulue par l’Assemblée nationale, la généralisation dans deux ans du système de la contrainte pénale à toutes les infractions passibles de peines allant jusqu’à dix ans de prison relève d’une utopie dangereuse que nous devons aussi dénoncer. Un dispositif prévoyant une expérimentation suivie d’une évaluation avant toute extension aurait seul été raisonnable, mais une véritable fuite en avant s’est enclenchée, contre toute prudence. Les deux assemblées sont tentées d’y participer, sous le regard bienveillant du Gouvernement, qui ne tient pas à préserver les équilibres du texte adopté par le conseil des ministres. Notre rôle n’est pas d’y contribuer par de nouvelles surenchères, mais de nous y opposer.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je demande à notre assemblée de décider qu’il n’y a pas lieu, en l’état, de délibérer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On ne comprend vraiment pas pourquoi !

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, contre la motion.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à vous rassurer : contrairement à M. Bas, dont les arguments m’ont beaucoup étonné, je ne parlerai pas dix-neuf minutes et j’essaierai d’aller à l’essentiel.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Kaltenbach. M. Bas a en effet déposé une motion tendant à opposer la question préalable pour nous expliquer qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce projet de loi,…

M. Philippe Bas. Vous avez parfaitement compris !

M. Philippe Kaltenbach. … puisque tout est déjà prévu par la loi pénitentiaire et qu’il suffit d’appliquer celle-ci. Selon lui, nous n’avons donc pas à modifier le droit existant et le présent texte est parfaitement inutile.

On l’a bien vu, son intervention témoigne en fait surtout de la volonté du groupe UMP de disposer de dix-neuf minutes de temps de parole supplémentaires pour répéter en boucle les arguments qui fondent son opposition à ce projet de loi. J’y vois un détournement de la procédure de la question préalable.

M. Philippe Bas. Vous êtes orfèvre en la matière !

M. Philippe Kaltenbach. Pour reprendre la formule utilisée hier soir, lors de la discussion générale, par M. Lecerf, je dirai que le présent projet de loi s’inscrit dans l’« étroite continuité » de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Les débats en commission, la discussion générale et les réponses apportées par Christiane Taubira, garde des sceaux, montrent qu’il s’agit ici d’un texte important, qui va modifier en profondeur notre politique pénale. Je n’en citerai que les points les plus importants : abandon des peines planchers –c’était un engagement du candidat François Hollande –, création de la contrainte pénale, que des amendements de notre excellent rapporteur ont renforcée pour en faire une peine autonome, suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, fin de la rétention de sûreté, mise en place de dispositions nouvelles pour les condamnés atteints de troubles mentaux.

On le voit, ce texte apporte des réponses pragmatiques à de nombreuses questions qui se posent aujourd’hui : cela justifie amplement que le Gouvernement nous le soumette !

On nous explique que tout irait bien dans le meilleur des mondes et qu’il n’y aurait donc pas lieu de légiférer. Dire cela, c’est faire complètement fi de l’évolution de la délinquance depuis l’adoption de la loi pénitentiaire de 2009. La délinquance n’a malheureusement pas reculé sous les deux précédents quinquennats, bien au contraire, et la dégradation de la situation a été maquillée un temps par une politique du chiffre d’ailleurs largement dénoncée dans un rapport de l’Inspection générale de l’administration sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure. Remis en juillet 2013, ce rapport a révélé de très nombreuses défaillances et anomalies dans l’enregistrement des crimes et délits par les policiers et les gendarmes durant le précédent quinquennat. L’objectif était de faire de la communication politicienne, mais nos concitoyens constatent aujourd’hui avec nous, à la lumière de la réalité, que la politique menée pendant dix ans en matière de lutte contre la délinquance et la récidive a été un échec.

Le Gouvernement s’est attelé à remédier à cette situation. Afin d’appréhender au mieux les problématiques, il a organisé une large concertation, sous la forme novatrice d’une conférence de consensus sur la prévention de la récidive. Je veux féliciter Christiane Taubira d’avoir pris cette initiative et d’avoir su défendre avec détermination, jusqu’au bout, une vision humaniste.

Principalement axé sur l’individualisation des peines, la césure du procès pénal, le renforcement de la lutte contre la récidive et l’amélioration de la prise en charge des auteurs d’infractions, le texte qui nous est présenté apporte des solutions pragmatiques. Il inclut également un volet consacré à la protection des victimes et à leurs droits tout au long de l’exécution des peines.

Nous considérons que ce projet de loi s’inscrit complètement dans la continuité de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il comporte plusieurs dispositions tendant à décliner le principe d’individualisation des peines tout au long de la procédure judiciaire : ainsi, il énonce les finalités et les fonctions de la peine devant guider le juge tout au long du procès pénal, réaffirme le principe d’individualisation au stade du prononcé des peines et décline la mise en œuvre de ce principe au stade de l’exécution des peines.

Une innovation majeure résulte de l’instauration d’un ajournement du prononcé de la sanction par la juridiction de jugement aux fins d’investigations complémentaires sur la personnalité de l’auteur des faits. Cette disposition répond aux attentes des juridictions correctionnelles, qui déplorent trop souvent le manque d’éléments sur la personnalité du prévenu au moment du jugement.

S’agissant de la contrainte pénale, répondant à une attente forte des professionnels et de nombreuses personnalités que nous avons auditionnées, notre rapporteur a présenté des amendements visant à en faire une peine autonome, sans lien ni référence à l’emprisonnement, pour certains délits. Ce choix aura l’avantage de contribuer à changer les consciences et les représentations et rapprochera la France de ses voisins européens.

Je me félicite également du choix de supprimer, conformément à l’un des engagements du candidat François Hollande, les tribunaux correctionnels pour mineurs, dont la création allait clairement à l’encontre de l’ordonnance de 1945. De même, je salue la suppression de la rétention de sûreté pour les majeurs et les mineurs.

Par ailleurs, le texte reconnaît l’altération du discernement comme un facteur d’atténuation de la peine, tout en renforçant les garanties concernant l’obligation de soins pendant et après la détention. Un large consensus semble se dessiner sur ce point dans notre hémicycle, et je m’en réjouis !

On le voit, il est pour le moins surprenant que l’on puisse nous expliquer qu’il ne faut pas débattre de ce texte, au motif qu’il n’apporterait rien…

M. André Reichardt. Non ! Philippe Bas n’a pas dit cela !

M. Philippe Bas. Nous voulons au contraire approfondir la discussion, la reporter !

M. Philippe Kaltenbach. Si le Sénat vote la motion tendant à opposer la question préalable, la discussion s’arrêtera, mes chers collègues ! Ce serait tout de même dommage !

M. Philippe Bas. Ce que nous proposons, c’est de remettre l’ouvrage sur le métier !

M. Philippe Kaltenbach. En tout état de cause, le dépôt de cette motion vous aura surtout permis de disposer de dix-neuf minutes supplémentaires pour exposer une nouvelle fois vos arguments : chacun appréciera !

M. Jean-Jacques Hyest. M. Bas a été brillant !

M. Philippe Kaltenbach. Permettez tout de même que nous vous répondions !

Aujourd’hui, en dépit des modes de réponses pénales et du principe fondamental, réaffirmé par la loi pénitentiaire, selon lequel le recours à l’emprisonnement doit être strictement justifié, notre système pénal demeure profondément structuré autour de la peine de prison, qui continue à être considérée comme la sanction de référence.

Comme l’a justement rappelé Robert Badinter lors des auditions, en janvier 2002, on comptait en France 42 000 détenus, et 67 000 dix ans plus tard, soit une augmentation de 38 % : la délinquance n’a donc pas baissé durant cette période, bien au contraire ! Ce taux a continué à augmenter après 2012 : au 1er mai 2014, on comptait 68 645 personnes détenues – un record ! – pour 57 631 places de prison, soit un taux d’occupation de 119 %, sachant que, au 1er avril 2014, plus de 11 000 personnes étaient placées sous bracelet électronique. Sans ce dispositif, la surpopulation carcérale serait encore plus grande ! Or, nous le savons tous pertinemment, surpopulation carcérale et récidive sont directement liées.

Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique et les courtes peines ne permettent pas de mettre en place les mesures d’accompagnement destinées à préparer la réinsertion. Ces courtes peines conduisent naturellement vers des sorties « sèches », qui induisent de grands risques de récidive. C’est bien la preuve que la loi pénitentiaire ne suffit pas pour lutter contre la récidive et qu’il fallait un nouveau texte ! D’ailleurs, notre éminent collègue de l’UMP Jean-Jacques Hyest, auquel Mme la ministre a rendu plusieurs fois hommage, l’a reconnu en déclarant que les courtes peines sont plus souvent sources de récidive que d’exemplarité.

M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr ! Je l’ai toujours dit et je le maintiens !

M. Philippe Kaltenbach. Nous sommes complètement d’accord sur ce point, monsieur Hyest, mais tous vos collègues de l’UMP ne sont pas forcément de votre avis ! Mettons en avant ce qui nous rapproche !

Alors que notre système pénal demeure largement structuré par la peine de prison, la promotion de la probation part du constat de la nocivité des courtes peines d’emprisonnement en termes de prévention de la récidive et de leur caractère particulièrement désocialisant.

En effet, à l’heure actuelle, 98 % des personnes condamnées à une peine de moins de six mois et 84 % des personnes condamnées à une peine de six mois à un an sortent de prison sans bénéficier d’un accompagnement destiné à préparer leur réinsertion. Si l’on veut lutter contre la récidive, remédier à cette situation est un enjeu fondamental.

M. André Reichardt. Et les moyens ?

M. Philippe Kaltenbach. Mme la ministre vous a rassurés sur la question des moyens ! Je crois que vous n’avez pas encore été assez entendue, madame la garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’ai pas parlé assez longtemps ! (Sourires.)

M. Philippe Kaltenbach. Voilà quatre fois, madame la garde des sceaux, que vous répétez dans cet hémicycle qu’il y aura des moyens, que des postes de magistrat et de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation ont été créés ou le seront, mais, malheureusement, certains sénateurs de l’UMP semblent avoir du mal à vous entendre !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Qu’ils s’achètent un sonotone !

M. Philippe Kaltenbach. Dans son rapport, le député Raimbourg relevait que 40 % des peines de prison ne sont jamais exécutées, notamment en raison de la surpopulation carcérale.

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui ! Cela ne changera pas !

M. Philippe Kaltenbach. Près de 100 000 personnes condamnées à de la prison ferme n’ont pas, à ce jour, encore purgé leur peine. Comme l’a dit hier dans cet hémicycle le président de la commission des lois, « le véritable laxisme se situe bien là ». Les gouvernements qui se sont succédé entre 2002 et 2012 sont largement responsables de cette situation ! Vous nous reprochez le manque de places de prison, mais vous n’aviez pas prévu le moindre début d’un financement pour la réalisation du plan de constructions que vous aviez mis en place.

M. Philippe Bas. Nous avons hérité d’une situation très difficile, en 2002. (Rires.)

M. Philippe Kaltenbach. Bien sûr, remontons à la préhistoire ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) En 2002, les caisses étaient pleines ; vous les avez vidées, et on voit dans quel état est la France aujourd’hui ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Ce projet de loi s’inscrit bien dans la continuité de la loi pénitentiaire de 2009. Il donne à la justice de nouveaux moyens de prévenir la récidive. Bien sûr, les sénateurs socialistes souhaitent que le débat se poursuive, que les amendements soient discutés et que, in fine, le texte soit adopté. Par conséquent, ils ne voteront pas cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission a statué sur la question préalable et émis un avis défavorable. En effet, elle a consacré vingt heures à des auditions publiques, au cours desquelles nous avons longuement débattu du présent texte, jusque dans ses détails – dont certains étaient, d’ailleurs, superflus.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je pense que si certains des membres de la commission avaient voulu ne point délibérer, ils n’auraient pas participé à ces débats avec l’esprit constructif et passionné qui a été le leur !

Enfin, le plaidoyer de M. Bas m’a vraiment convaincu. En effet, il était tellement attaché à souligner les points d’accord, ceux qu’il fallait approfondir, ceux dont il fallait discuter que, pendant dix-neuf minutes, il a défendu avec force la nécessité de délibérer !

J’en conclus que nous sommes pour la délibération, exercice que nous avons pratiqué jusqu’ici, trouvant depuis toujours que c’est une bonne et belle chose. Vous avez encore apporté encore un peu d’eau à notre moulin, mon cher collègue, ce dont je vous remercie très sincèrement ! (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je serais malheureuse de devoir vous quitter si tôt, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Sourires.)

Monsieur Bas, je tiens à répondre à votre observation sur la création des centres éducatifs fermés.

Depuis 2012, nous en avons déjà créé huit. Je précise qu’il s’agit de créations nettes : auparavant, les trois quarts des nouveaux centres éducatifs fermés venaient se substituer à des foyers classiques. Ce n’est pas cette voie que nous avons choisie.

Je profite de cette occasion pour souligner que, pour les placements en foyer classique, en milieu ouvert, le taux de récidive est beaucoup plus faible que pour les autres solutions, telles que les placements en centre éducatif fermé ou l’incarcération.

M. Jean-Jacques Hyest. Ce ne sont pas non plus les mêmes délinquants !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur le plan de la théorie, vous avez raison, monsieur le sénateur, mais, en pratique, il n’en est malheureusement pas ainsi !

Les trois quarts des centres éducatifs fermés sont gérés par le secteur associatif habilité. Or les modes de gouvernance sont différents. Nous réorganisons donc le système dans le but de les réunifier. Non seulement nous avons créé des centres éducatifs fermés, mais nous travaillons à harmoniser leur gouvernance, à les évaluer – songez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’aucune évaluation n’a jamais été réalisée – et à inscrire ces centres dans l’ensemble des solutions qui sont mises à la disposition des tribunaux pour enfants et qui peuvent prendre place dans le parcours des jeunes pris en charge par la justice.

Comme votre motion, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, est un peu hors sujet, je me suis permis de vous faire une réponse elle aussi un peu hors sujet… (Sourires.)

M. Didier Guillaume. Très bonne réponse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il m’a en effet paru important de vous éclairer sur la question des centres éducatifs fermés, dont peut-être nous ne reparlerons plus dans ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. La motion tendant à opposer la question préalable mérite débat, tout comme votre projet de loi, madame la garde des sceaux. C’est d’ailleurs là toute la question !

Il est vrai que la loi pénitentiaire de 2009 prévoit des outils qui concourent à la prévention de la récidive et instaure des peines alternatives à la prison. Les auteurs de la motion nous invitent à mettre en œuvre de véritables moyens pour assurer son application effective. Ils soutiennent que, réellement appliquée, cette loi serait suffisante et qu’il ne faudrait pas aller plus loin ; le présent projet de loi ne serait donc pas justifié.

Face à eux, le Gouvernement et la majorité souhaitent, au contraire, aller plus loin.

Le groupe UDI-UC considère que le débat d’ensemble est légitime, autant sur l’opportunité de s’en tenir à la loi de 2009 que sur l’ampleur des changements qu’il convient d’opérer, si l’on pense qu’il en faut. Ce débat n’est pas tabou, non plus que celui sur la construction de prisons.

Des arguments plaident pour qu’un pas supplémentaire soit franchi. Autant reconnaître, néanmoins, que ce pas est dans la continuité de la loi de 2009.

Mme la garde des sceaux nous a rappelé hier avec brio la tradition humaniste du Sénat. Cette tradition, nous y souscrivons, en ayant à l’esprit que l’humanisme et la compassion doivent s’appliquer d’abord aux victimes.

De l’auteur d’une infraction, nous attendons qu’il s’amende, puis qu’il se réinsère. Nous ne pouvons pas ignorer que, dans la sanction, il y a une part de reconstruction, y compris pour la victime, dont il s’agit de reconnaître la souffrance. Certes, la société reconnaît le préjudice subi par la victime par d’autres voies, dont celle de l’indemnisation, mais il faut reconnaître que, pour nos concitoyens, la sanction concourt aussi à la réparation. Or la sanction, dans l’esprit de beaucoup, c’est la prison, qui a une valeur dissuasive.

C’est donc un équilibre qu’il nous faut rechercher, très fragile, entre la tradition humaniste que vous avez rappelée à juste titre, madame la garde des sceaux, et une logique plus répressive. Entre ces deux traditions, il y a sans doute un point de rencontre : la logique de responsabilité.

Faire preuve de responsabilité, c’est d’abord être pragmatique. Or, à l’évidence, une question majeure se pose : celle de la récidive, sur laquelle de nombreux orateurs ont insisté. Penser que la contrainte pénale évitera la récidive, c’est peut-être un raccourci.

Mme la garde des sceaux nous invite, en adoptant ce projet de loi, à franchir avec confiance un pas supplémentaire par rapport à la loi pénitentiaire. Ce pas s’accompagne de la suppression de plusieurs dispositifs actuellement en vigueur, comme les peines planchers ; de là vient la tonalité d’ensemble du projet de loi, que d’aucuns qualifieront de permissif.

L’équilibre entre la tradition d’humanisme pénal et une tradition plus répressive s’en trouve-t-il durablement compromis ? La question vaut d’être posée. Personnellement, j’incline à y répondre par l’affirmative.

M. le rapporteur propose d’aller plus loin encore que les dispositions proposées par le Gouvernement en rendant la contrainte pénale obligatoire pour une série de délits, alors que Mme la garde des sceaux concevait cette mesure comme optionnelle. M. Yves Détraigne a exprimé, hier soir, notre opposition claire à cette démarche. Le débat a rebondi ce matin en commission ; je laisse à M. le rapporteur le soin d’expliquer au Sénat, le moment venu, en quoi il a évolué.

Au bout du compte, même s’ils sont très critiques à l’égard du projet de loi, les membres du groupe UDI-UC souhaitent que le débat ait lieu ; c’est pourquoi ils s’abstiendront sur la motion tendant à opposer la question préalable.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. M. Kaltenbach doit manquer de mémoire : lorsque le groupe socialiste était dans l’opposition, on avait droit à toute la série des motions, et pas seulement à la question préalable. D’ailleurs, M. Sueur était un artiste du genre.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Que voulez-vous ? Cela donnait quinze minutes de plus…

M. Jean-Jacques Hyest. Je pense qu’il doit être un peu frustré aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il n’est pas mauvais d’apprendre à se contenir !

M. Jean-Jacques Hyest. Notre motion aura au moins permis à M. Kaltenbach d’avoir un temps de parole, même si je n’ai pas le sentiment qu’il ait apporté grand-chose de neuf au débat.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oh, c’est méchant !

M. Jean-Jacques Hyest. Si on avait appliqué la loi pénitentiaire, il n’y aurait pas besoin, comme nous l’avons démontré, de prendre de nouvelles mesures, et surtout pas celles qui nous sont proposées, qui compliquent et obscurcissent encore plus le problème.

Je me souviens que, pour la mise en œuvre de la loi pénitentiaire, on avait annoncé mille postes. Aujourd’hui, bizarrement, on nous parle aussi de mille postes, qu’on prétend créés alors qu’on va les créer !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce qui est fait est fait !

M. Jean-Jacques Hyest. Sans doute, madame le garde des sceaux, seulement, le retard est tel que les nouveaux postes seront vite absorbés.

Le problème, c’est qu’on ne donne pas suffisamment de moyens aux services d’insertion et de probation. C’est bien joli de faire de nouvelles lois, mais si on oublie de faire marcher la maison justice, cela ne sert strictement à rien ! Voilà pourquoi nous estimons qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre le débat.

On se bat sur de grands principes, certains nous accusent d’être des répressifs et se flattent d’être des humanistes, mais à quoi tout cela rime-t-il ? À rien du tout, sinon à se faire plaisir ! Regardons plutôt le nombre de peines prononcées par les juridictions qui ne sont pas exécutées.

La justice est depuis longtemps dans une situation catastrophique, et le projet de loi ne permettra pas de restaurer la confiance de nos concitoyens dans sa capacité à prononcer la légitime sanction tout en assurant la réinsertion de ceux qui auront été condamnés. Nous allons donc manquer notre cible. Procédons plutôt à une évaluation, comme Jean-René Lecerf et notre ancienne collègue Nicole Borvo Cohen-Seat l’ont fait avec la loi pénitentiaire dans leur rapport d’information. Appliquons les lois qui sont bonnes et abstenons-nous de légiférer de nouveau ; cela est totalement inutile et ne donnera pas de meilleurs résultats que les lois précédentes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris d’apprendre que les sénateurs du groupe CRC ne voteront pas la motion tendant à opposer la question préalable. Je vais mettre tout le monde d’accord : tous orateurs confondus, elle n’a rien apporté à notre débat ; elle l’a seulement allongé.

En réponse à M. Bas, je veux souligner que la contrainte pénale, telle qu’elle est conçue dans le projet de loi, concerne seulement les délits. Aussi, chers collègues de l’opposition, arrêtez de semer la peur et la panique dans l’opinion publique : il ne s’agit pas de l’appliquer pour les crimes,…

M. Jean-Jacques Hyest. Il ne manquerait plus que ça !

Mme Cécile Cukierman. … encore moins de dispenser les criminels de toute punition. Il s’agit simplement de faire le constat que, pour un certain nombre de délits, la prison n’est pas la solution. Dire cela, ce n’est pas dire que les auteurs de délits, quels que soient ceux-ci, bénéficieront de l’impunité et pourront rentrer chez eux tranquillement, sans avoir de comptes à rendre.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est encore heureux !

Mme Cécile Cukierman. Dans le dispositif proposé, la sanction existe ; simplement, elle n’est pas purgée en milieu fermé, mais en milieu ouvert.

De fait, vous le savez très bien, pour un certain nombre de petits délits, qui appellent de petites peines, la sanction purgée en milieu ouvert est parfois plus pénible, plus contraignante – pour reprendre votre vocabulaire – que quelques mois passés en prison.

Quant à la valeur dissuasive de la peine de prison, permettez-moi d’en douter. On a augmenté et augmenté encore les peines de prison, or le nombre de délits n’a jamais baissé, non plus que la récidive elle-même ; les statistiques montrent même le contraire !

Monsieur Hyest, je crois en effet qu’on se fait plaisir, qu’on se donne bonne conscience lorsqu’on défend la peine de prison en évacuant les personnes, sans jamais réellement résoudre les maux de la société ni ceux des auteurs de délits. Il est vrai qu’il s’agit d’un choix de société : nous pensons, nous, qu’il faut essayer de changer la situation.

Enfin, mes chers collègues, je ne résiste pas à la tentation de revenir sur l’argument financier que M. Hyest a soulevé. En effet, les postes promis n’ont pas été créés. Aujourd’hui, un engagement est pris dans ce domaine ; je souhaite qu’il soit tenu, mais, comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois.

Reste que cet argument me fait un peu sourire. Car s’il y a un groupe de notre assemblée qui ne se fait pas faute de dénoncer les politiques de rigueur et l’acceptation des réductions drastiques de la dépense publique, c’est bien le nôtre !

M. Vincent Capo-Canellas. Ça, c’est vrai !

Mme Cécile Cukierman. Dans quelques jours, les questions financières seront à l’ordre du jour de nos travaux. De deux choses l’une : soit nous décidons ensemble de prendre le problème à bras-le-corps et nous dégageons des moyens nouveaux, soit nous prenons acte de l’incapacité des parlementaires, dans un contexte de difficultés financières, à changer la donne. Seulement, si, sur chaque sujet, on fait valoir qu’il n’y a pas de moyens, je crois que nous ne voterons pas beaucoup de lois !

Mme Cécile Cukierman. Le problème financier que vous avez soulevé, monsieur Hyest, est bien réel. En effet, pour réussir l’application de la loi, des moyens devront être trouvés, par des redéploiements internes et par la création de postes nouveaux. C’est pourquoi, après avoir voté le projet de loi, nous nous battrons pour que les moyens nécessaires soient réellement mis en œuvre pour l’appliquer. En tout état de cause, les difficultés financières ne peuvent pas justifier qu’on ne vote pas ce texte, qui met en place une alternative au tout-carcéral pour certains délits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Je ne vous surprendrai pas, mes chers collègues, en vous annonçant que le groupe écologiste votera contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, nous attendons ce projet de loi depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années. Notre impatience était justifiée notamment par l’échec patent de la politique pénale menée par la droite pendant dix ans. Je trouve d’ailleurs une certaine ironie au dépôt par le groupe UMP d’une motion défendue en ces termes : « Les auteurs de cette motion considèrent que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est un fondement suffisant et nécessaire pour lutter contre la récidive. »

M. Philippe Bas. Exactement !

Mme Esther Benbassa. Discours étrange, quand on se rappelle que, entre 2002 et 2012, ce ne sont pas moins de 37 lois de procédure et 63 lois de fond qui ont été adoptées, souvent au gré de faits divers et avec des orientations parfois contradictoires.

M. Philippe Bas. Il est vrai que ce n’est pas une bonne pratique !

Mme Esther Benbassa. Pour une fois, mon cher collègue, vous voilà d’accord avec moi !

Par exemple, la loi du 10 août 2007 instituant les peines planchers enjoignait les magistrats d’incarcérer toujours plus, tandis que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 incitait à l’aménagement des peines. De surcroît, alors que les peines planchers étaient supposées dissuader les récidivistes potentiels, il s’est avéré que le taux de récidive a été multiplié par plus de deux entre 2002 et 2011, passant de 6,4 % à 14,7 %. C’est dire si la loi de 2007 a été inefficace ! Ce constat n’est pas contestable.

Soyons donc constructifs et débattons sereinement de ce projet de loi, qui a pour commencer l’immense mérite de remettre à plat le millefeuille législatif inventé par l’ancienne majorité ; un millefeuille qui n’a montré qu’une seule chose : son inefficacité !

Par ailleurs, arrêtons d’instrumentaliser les victimes : non seulement cela ne sert à rien, mais cela n’est pas éthique. Les victimes ont leur place dans cette loi, comme dans toutes les lois pénales. Je ne comprends donc pas pourquoi on les instrumentalise.

M. Philippe Bas. À aucun moment je ne l’ai fait !

Mme Esther Benbassa. Si, vous criez au laxisme ! Or vous n’arrivez pas à nous expliquer ce qu’est ce laxisme qui vous fait tant peur et qui va vous faire perdre des voix…

Pour une fois que nous avons une loi humaniste, qui change notre philosophie de la justice, essayons d’aller jusqu’au bout ! Ce qui tue ce pays, c'est de mettre en avant ses intérêts politiques avant ceux des Français.

Je vous appelle donc solennellement à nous concentrer sur les intérêts de la justice de notre pays. Elle le mérite ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Parce que les heures de débat consacrées à ce projet de loi, tant durant la conférence de consensus qu’à l’Assemblée nationale ou ici même sous la houlette de notre rapporteur, ne se comptent plus, parce que la masse du travail effectué et le nombre d’opinions exprimées se matérialisent par la hauteur des dossiers que l’on trouve sur certaines tables, le groupe socialiste ne votera pas la motion présentée par nos collègues du groupe UMP. Nous avons vraiment hâte d’entrer dans le concret, d’avoir un débat utile et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Comme nous souhaitons nous aussi que le débat ait lieu, nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l’adoption 136
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, à la demande de la commission, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive

Titre IEr

DISPOSITIONS VISANT À ASSURER LE PRONONCÉ DE PEINES EFFICACES ET ADAPTÉES

Chapitre Ier

Principes généraux concernant les peines encourues et le prononcé des peines

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 2

Article 1er

Au début du titre III du livre Ier du code pénal, il est ajouté un article 130-1 ainsi rédigé :

« Art. 130-1. – Afin d’assurer la protection effective de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des droits reconnus à la victime, la peine a pour fonctions :

« 1° De sanctionner l’auteur de l’infraction ;

« 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par MM. Hyest, Bas, Buffet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 26 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et MM. Zocchetto et Merceron.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Philippe Bas. L’article 1er ajoute au code pénal un article visant à définir à la fois la nature et le sens de la peine. Malgré le caractère très synthétique que lui ont imprimé ses auteurs, on y trouve les intérêts de la société, ceux de la victime, la nécessité de la réinsertion du délinquant et encore beaucoup d’autres choses… Bref, on y ménage la chèvre et le chou. Tout le monde peut y trouver son compte !

Il s'agit non pas d’une disposition ayant force de loi, mais d’une explication de texte, d’une sorte d’exposé des motifs. En réalité, c’est une disposition proclamatoire, sinon déclamatoire.

Mes chers collègues, ne prenons pas l’habitude d’introduire dans le code pénal des articles ne fixant aucune règle et ne prévoyant aucune sanction, même s’il s’agit d’évoquer des sanctions et le sens de la peine.

Le dispositif prévu par le Gouvernement ne se trouverait nullement affecté de la suppression de l’article 1er puisque ce dernier n’a aucune portée. C’est pour nous une question de principe : la loi ne doit pas se laisser aller à des bavardages, aussi intéressants soient-ils. Par ailleurs, nous sommes loin, ici, de l’élégance stylistique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (M. Vincent Capo-Canellas applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié.

M. Yves Détraigne. L’article 132-24 du code pénal, introduit par la loi pénitentiaire de 2009, précise déjà que « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions ». Dans ces conditions, l’article 1er n’apporte rien et est inutile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il nous paraît utile de fixer la ligne du projet de loi dès le début. C’est pourquoi il convient de maintenir la définition du sens de la peine à cet endroit du texte.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je suis étonnée par les arguments que je viens d’entendre, car nous nous référons justement à la partie de la loi pénitentiaire qui a été codifiée, cette dernière ne l’ayant pas été totalement. Or, comme vous l’avez rappelé, monsieur Détraigne, l’article 132-24 du code pénal relève de cette partie codifiée de la loi pénitentiaire.

Monsieur Bas, vous affirmez que cette disposition n’est pas normative, qu’il s’agit juste de bavardage. Elle est bien normative, c’est incontestable, puisqu’elle renvoie à un autre article !

L’article 1er distingue deux questions fondamentales : d’une part, celle des finalités des fonctions de la peine ; d’autre part, celle de l’individualisation de la peine. Dans ce cas, il y a un renvoi de l’article 130-1 à l’article 132-1 du code pénal, ce qui prouve bien qu’il s’agit d’une disposition normative. Des personnes plus savantes que moi sauraient peut-être mieux vous en faire la démonstration…

Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas évoqué de conflit entre le domaine législatif et le domaine réglementaire. Vous avez seulement déclaré que l’article 1er n’était pas nécessaire parce qu’il était dépourvu de fondement normatif. J’affirme, au contraire, que tel n’est pas le cas dans la mesure où il renvoie à un autre article du code pénal.

De plus, cet article permet de concilier des objectifs qui avaient été définis dans la loi pénitentiaire. Ce texte avait à la fois affirmé la nécessité de sanctionner et de réinsérer. Nous estimons que la peine a ces deux fonctions – je l’ai expliqué précédemment au sujet de la différence entre la finalité et la fonction de la peine.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. J’ai bien entendu les explications de Mme la garde des sceaux, mais il me semble que l’on ne peut pas adopter cet article sans opérer au minimum une coordination avec l’article du code pénal dont j’ai donné lecture. À défaut, la loi serait bavarde puisque nous aurions deux articles qui viseraient à dire la même chose, mais en utilisant des expressions parfois différentes. Il y a là un risque de confusion.

Certes, cette disposition n’est pas normative. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas faire du très bon travail législatif que d’introduire dans un article du code pénal une définition figurant déjà dans un autre article du même code, la première recoupant la seconde, mais avec des nuances ou quelques différences. Nous ferions mieux de nous en tenir à ce qui existe déjà. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 26 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 130-1. – Afin d’assurer la protection de la société et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Comme le Conseil d’État a eu l’occasion de le rappeler, dans son arrêt du 19 juillet 2011, le procès pénal n’est pas un procès privé, mais « a pour objet de permettre à l’État, par la manifestation de la vérité et le prononcé d’une peine, d’assurer la rétribution de la faute commise par l’auteur de l’infraction et le rétablissement de la paix sociale ». Dans ces conditions, il n’apparaît pas opportun de parler de « droits reconnus » à la victime afin de ne pas ouvrir une nouvelle brèche préjudiciable dans le procès pénal. La victime ne peut en aucun cas se voir reconnaître le droit de peser sur le choix et le prononcé de la peine. Le présent amendement a ainsi pour objet de substituer la notion d’« intérêts » à celle de « droits » de la victime.

Il ne s’agit pas de nier l’importance de prendre en compte la victime dans le déroulement du procès pénal, mais la loi du 9 septembre 2002 comme celles du 18 mars 2003, du 9 mars 2004, du 12 décembre 2005 et du 5 mars 2007 ont eu le souci de rendre le plus effectif possible son information, son accompagnement et la réparation des dommages qu’elle a subis. La victime est davantage encore associée à toutes les phases du procès pénal, y compris lors de l’exécution des peines, au prix de son instrumentalisation parfois, à des fins d’aggravation de la situation de l’auteur de l’infraction.

La justice pénale ne peut répondre de manière satisfaisante aux attentes des victimes en matière de soutien psychologique ou d’effacement de la souffrance. C’est ce constat qui amène à développer d’autres solutions comme la justice restaurative.

Le présent amendement vise donc à conforter la clarification déjà engagée par le projet de loi initial, qui supprime l’article 132-24 et réécrit ses dispositions pour les placer à l’article 132-1, soit en tête du chapitre du code pénal intitulé « Du régime des peines ». Une nouvelle rédaction allégée est proposée, car, comme nous le savons, en droit pénal, les fioritures stylistiques peuvent être hautement dommageables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je rejoins les auteurs de l’amendement lorsqu’ils affirment que la victime dans le procès pénal n’a pas de droits : par exemple, elle n’a pas celui de demander une peine. En revanche, elle a des intérêts à défendre. J’approuve donc cet amendement, à condition que M. Requier veuille bien réintroduire dans l’alinéa concerné la précision suivante : « de prévenir la commission de nouvelles infractions ». C’est en effet vraiment le but du projet de loi.

M. le président. Monsieur Requier, qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Claude Requier. Je suis d’accord pour rectifier l’amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 130-1. – Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement rectifié. Notre seule réserve était la suppression de la précision qui vient d’être rétablie.

Je salue, monsieur le sénateur, votre perspicacité, qui vous a conduit à vous rendre compte qu’il était prématuré de parler de droits. À notre insu, de façon presque insidieuse et subreptice, nous changions la nature même du procès pénal. Je vous remercie donc de votre vigilance.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je ne voterai pas cet amendement, même rectifié. Bien sûr que la victime a des droits dans le procès pénal ! Elle est partie au procès, elle prend un défenseur. Elle n’a pas que des intérêts.

Cet abaissement de la qualification des motifs pour lesquels la victime peut avoir à prendre part au procès est un très mauvais signal. Autant je ne suis pas favorable à ce que l’on inscrive dans la loi des professions de foi mises en forme juridique qui ne présentent aucun d’intérêt pour la fixation d’une règle, autant, si on le fait, il faut procéder avec exactitude ! Or il n’est pas exact de ramener aux seuls intérêts que la victime a à défendre les motivations pouvant permettre d’en faire une partie au procès pénal. Bien sûr que oui, la victime a des droits, on ne peut les lui dénier !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bas, il ne s’agit pas de dénier les droits de la victime. Au contraire, nous les consolidons dans ce texte. Il se trouve juste que la formulation proposée n’était pas exacte du point de vue du droit.

Dans notre procès pénal, la victime n’intervient pas dans le choix de la peine, elle est partie civile, même s’il faut être très attentif au préjudice qu’elle a subi. C’est pour cette raison, par exemple, que nous introduisons dans le texte la possibilité d’une césure du procès pénal. Aujourd’hui, très souvent, des décisions d’ajournement sont prises, car les juridictions estiment qu’elles ne disposent pas des éléments leur permettant de décider. Parce que nous voulons éviter autant que possible d’introduire ce délai qui peut être inutile et préjudiciable à la victime, nous prévoyons, au cours du procès pénal, une première audience, au cours de laquelle la juridiction décide, le cas échéant, de la culpabilité du prévenu et fixe l’indemnisation de la victime, et une seconde audience pour le prononcé de la peine.

Dans notre procès pénal, la victime ne participe pas au prononcé de la peine. C’est à ce stade que nous nous plaçons. Elle n’a pas de droits au sens du droit pénal ; c’est bien pour cela que nous voulons lui prêter toute notre attention à cette étape de la procédure en tenant compte de ses intérêts plutôt que de s’attacher à des droits qui n’existent pas au moment du prononcé de la peine.

La victime n’est pas sacrifiée ; au contraire, nous sommes attentifs à ses intérêts.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté : en aucun cas nous ne voulons restreindre les droits de la victime.

En matière pénale, il arrive souvent que les magistrats, voire les conseils des prévenus, reprennent l’avocat de la partie civile si celui-ci se permet de requérir, ce qui n’est pas son rôle. Il faut être clair sur ce point.

Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’il soit reconnu un droit de peser sur le choix et le prononcé de la peine : ce n’est pas la tradition dans notre droit pénal. Je le répète, il ne s’agit pas pour nous de restreindre les droits de la victime, qui sont reconnus, ce qui est tout à fait normal, mais chacun doit rester à sa place dans le procès pénal.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Les auteurs de l’amendement proposent de remplacer les mots « droits reconnus à la victime » par les mots « intérêts de la victime ». Dont acte ! Cependant, ils ne se contentent pas de cette modification puisqu’ils proposent également de supprimer la référence à une fonction essentielle de la peine, à savoir la prévention de nouvelles infractions.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Non !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’amendement a été rectifié !

M. Yves Détraigne. Au temps pour moi ! C’est un élément essentiel de la peine.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

L’article 132-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée.

« Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1. »

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. L’examen de l’article 1er a prouvé que, quand on commence à vouloir tout mettre dans un texte de loi, quand on s’acharne à vouloir tout décrire, cela soulève évidemment des problèmes. Là, c’est pareil : l’individualisation de la peine est déjà un principe constitutionnel et elle est prévue dans d’innombrables textes. C’est tout le sens du code pénal ! Aussi cet article, comme l’article 1er, me paraît-il superflu. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 2 améliore la rédaction de dispositions qui figurent déjà à l’article 132-24 du code pénal. Il améliore également leur insertion dans ledit code. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Monsieur Hyest, j’entends bien que l’individualisation de la peine est un principe constitutionnel, mais celui-ci n’est pas inscrit de façon explicite dans le code pénal, même si c’est ce que sous-tend l’article 132-24 du code pénal. J’irai même plus loin : en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, M. Bas nous expliquait que les peines planchers ne sont pas des peines automatiques puisque les juridictions peuvent y déroger. Certes, mais que dit la loi ? Elle dit qu’il peut être dérogé à l’incarcération si celles-ci peuvent apporter des garanties exceptionnelles.

Voilà pour le principe, qui est essentiel, car il éclaire, il guide, il fixe le cadre. Reste que nous ne pouvons nous en contenter, car il s’agit de traiter de situations individuelles. Prenons l’exemple d’un sans domicile fixe qui aurait commis plusieurs infractions sans grande gravité au regard du code pénal, sans nécessairement qu’il y ait une victime – la plupart du temps, d’ailleurs, il n’y en a pas –, et qui encourrait une peine plancher : quelles garanties exceptionnelles le magistrat peut-il présenter devant la juridiction pour déroger à la peine minimale ? Aucune ! Précisément parce que cette personne est en rupture sociale.

La contrainte pénale vise à faire en sorte que l’accompagnement et l’ajustement des mesures contribuent à la réinsertion. Nous, nous voulons que le principe de l’individualisation de la peine soit énoncé explicitement dans le code pénal, ce que vous refusez. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que les peines planchers, par exemple, n’étaient pas automatiques : elles étaient incontestablement une entrave à l’individualisation de la peine. Dans les situations où les personnes avaient le plus besoin d’être suivies pour réussir leur réinsertion, les magistrats ne pouvant présenter des garanties exceptionnelles, ils se trouvaient contraints de prononcer cette peine automatique. C’est bien ce qui explique que, pour ces petits délits, les cas dans lesquels des peines minimales ont été prononcées sont passés de 14 % à 44 %.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3 bis

Article 3

(Non modifié)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article 132-19 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d’emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux sous-sections 1 et 2 de la section 2 du présent chapitre.

« Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d’emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux mêmes sous-sections 1 et 2, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. » ;

2° (Supprimé)

3° L’article 132-20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction. » ;

4° L’article 132-24 est ainsi rédigé :

« Art. 132-24. – Les peines peuvent être personnalisées selon les modalités prévues à la présente section. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « articles », la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 362 est ainsi rédigée : « 130-1, 132-1 et 132-18 du code pénal. » ;

2° Au premier alinéa de l’article 495-8, les mots : « dispositions de l’article 132-24 » sont remplacés par les références : « articles 130-1 et 132-1 ».

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. L’article 3 est assez extraordinaire : quand un tribunal prononcera une peine d’emprisonnement, pourtant prévue par le code pénal, il devra motiver sa décision. Je rappelle quand même que, quand nous avons créé les peines planchers, on nous avait reproché d’obliger le juge à motiver sa décision de fixer un quantum de peine différent. Je rappelle également que la Cour de cassation considère que le juge est souverain et que personne ne peut modifier ses décisions.

Quand un tribunal prononce une peine prévue par le code pénal, les juges prennent leurs responsabilités, tiennent compte de la personnalité du prévenu ; ils sont tenus par le principe d’individualisation de la peine. Malgré cela, il faudrait qu’ils motivent leur décision ! On assiste là à un retournement extraordinaire par rapport à ce qu’on a toujours connu dans les juridictions françaises. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

L’obligation de motivation des peines d’emprisonnement fermes non aménagées découle directement des principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes desquels la liberté doit être le principe et l’enfermement l’exception. Dès lors, il est légitime de demander au juge d’expliquer les raisons pour lesquelles il prononce une peine d’emprisonnement ferme non aménagée.

Comme je l’ai dit en commission, c’est ce système qui prévaut chez certains de nos voisins, par exemple en Suisse ou en Allemagne. En outre, cet article s’inscrit dans la continuité de la loi pénitentiaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Monsieur Hyest, il me semble que vous avez travaillé à la rédaction du nouveau code pénal de 1994.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Eh bien, c’est à ce moment-là que le principe que vous dénoncez a été inscrit dans notre droit. Il est vrai que l’obligation de motiver le prononcé des peines de prison ferme a connu une exception avec la loi de décembre 2005, qui l’a supprimée pour les récidivistes.

Nous estimons que l’individualisation de la peine doit conduire le tribunal à regarder de près la situation de l’auteur des faits. C’est la seule modification que nous introduisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine de sursis simple ou d’emprisonnement faisant l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation. » ;

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Par cet amendement, nous entendons conserver peu ou prou le droit actuellement en vigueur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission était défavorable à la suppression de l’article 3 ; elle est également défavorable à la suppression de l’un de ses alinéas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En déposant cet amendement de repli, M. Hyest, qui est très lucide, avait certainement anticipé le rejet de son amendement précédent.

Monsieur Hyest, je vais être d’une grande perfidie avec vous.

Mme Esther Benbassa. Oh ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne comprends pas que vous qui avez été rapporteur de la loi de codification du livre III du code pénal vous vous opposiez à un texte qui vise à conforter les dispositions introduites alors. Nous ne faisons que placer nos pas dans le large sillon que vous avez tracé lors des travaux auxquels vous avez pris part pour la rédaction du nouveau code pénal.

Pour votre bien et malgré vous, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le second alinéa de l’article 465-1 est supprimé.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. L’article 465-1 du code de procédure pénale permet de délivrer un mandat de dépôt à l’encontre d’un prévenu lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, et ce quelle que soit la durée de la peine encourue. Aux termes du second alinéa de cet article, ce mandat de dépôt s’impose pour certains délits, sauf décision spécialement motivée du tribunal.

Cette automaticité nous semble contraire à la logique d’individualisation des peines, d’autant plus que les peines prononcées en cas de récidive par les magistrats sont souvent déjà plus sévères. Aussi, il n’y a pas lieu de durcir les conditions d’exécution de ces peines.

Dans l’esprit du projet de loi, nous proposons donc de supprimer l’automaticité prévue au second alinéa de l’article 465-1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement n’est pas nécessaire, dès lors que l’article 3 du projet de loi rétablit l’obligation de motivation des peines d’emprisonnement, y compris celles relatives à des faits commis en état de récidive légale.

Il ne me paraît pas illégitime que, pour des faits de violence particulièrement graves, l’intéressé soit immédiatement incarcéré, dès lors que la juridiction a expressément estimé qu’une peine d’emprisonnement ferme non aménagée s’imposait.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame Benbassa. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La juridiction a quand même le choix de délivrer ou non un mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu. Par ailleurs, il est vrai que, pour des faits de violence graves, on peut comprendre que l’incarcération soit immédiate.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, madame Benbassa.

M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 59 est-il maintenu ?

Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 59 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article 3 bis

I. – L’article 709-1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 709-1. – Dans chaque tribunal de grande instance et dans chaque cour d’appel, il est institué un bureau de l’exécution des peines, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement sont précisées par décret.

« Ce bureau est notamment chargé de remettre à toute personne condamnée présente à l’issue de l’audience du tribunal correctionnel un relevé de condamnation pénale, mentionnant les peines qui ont été prononcées. »

II. – (Non modifié) Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions visant à assurer le prononcé de peines individualisées

Section 1

Dispositions favorisant l’ajournement de la peine afin d’améliorer la connaissance de la personnalité ou de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu

Article 3 bis
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Article 4 bis

Article 4

I. – La sous-section 6 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par un paragraphe 5 ainsi rétabli :

« Paragraphe 5

« De l’ajournement aux fins d’investigations sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale

« Art. 132-70-1. – La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l’égard d’une personne physique lorsqu’il apparaît nécessaire d’ordonner à son égard des investigations complémentaires sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale, lesquelles peuvent être confiées au service pénitentiaire d’insertion et de probation ou à une personne morale habilitée.

« Dans ce cas, elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine.

« La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai de quatre mois après la décision d’ajournement, sous réserve des délais plus courts prévus au troisième alinéa de l’article 397-3 du code de procédure pénale quand la personne est placée en détention provisoire. Ce délai peut être prolongé pour une nouvelle durée maximale de quatre mois.

« Art. 132-70-2. – Lorsque la juridiction ajourne le prononcé de la peine, elle peut octroyer immédiatement à la victime des dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif. »

II. – Après l’article 397-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 397-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 397-3-1. – Quand il prononce l’ajournement de la peine aux fins d’investigations sur la personnalité en application de l’article 132-70-1 du code pénal, le tribunal peut également placer ou maintenir la personne déclarée coupable sous contrôle judiciaire, en application du premier alinéa de l’article 397-3 du présent code, sous assignation à résidence avec surveillance électronique, en application du premier alinéa de l’article 142-12, ou, dans les cas prévus aux articles 395 et suivants, en détention provisoire, en application du deuxième alinéa de l’article 397-3. La détention provisoire ne peut être décidée que pour l’un des motifs prévus aux 2°, 3° et 6° de l’article 144. Lorsque la personne a été placée ou maintenue en détention, les deux derniers alinéas du même article 397-3 sont applicables. »

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

sociale,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

confiées, suivant le cas, à des personnes morales habilitées ou au service pénitentiaire d’insertion et de probation.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais prendre le temps d’expliquer l’objet de cet amendement, car il a trait à un sujet qui n’est sans doute pas familier à tout le monde : la prise en charge du prévenu, soit par des associations agréées, qui agissent de façon tout à fait professionnelle, soit par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP.

La loi de 2012 avait d’une certaine façon validé et même consolidé un partage des tâches qui s’est construit sur le terrain pendant une quinzaine d’années entre le SPIP, qui est un service de l’administration pénitentiaire et relève donc du service public de la justice – à ce titre, il assure des missions régaliennes –, et les associations agréées. Le premier intervient au stade post-sentenciel et les secondes dans la prise en charge pré-sentencielle, afin de réaliser des enquêtes visant à collecter des éléments d’information sur la personnalité, le parcours, l’environnement social et familial du prévenu aux fins d’éclairer la juridiction.

L’Assemblée nationale a souhaité réintroduire l’action du service pénitentiaire d’insertion et de probation au cours de la phase pré-sentencielle. Je m’y suis opposée en arguant que c’était changer un mode de fonctionnement qui donnait plutôt satisfaction et, surtout, qu’on introduisait une charge de travail supplémentaire pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Le Gouvernement souhaite en effet que les SPIP, qui ont accumulé un vrai savoir-faire professionnel dans la prise en charge post-sentencielle, fassent bénéficier le service public de ce savoir-faire en restant dans l’accompagnement et le suivi, notamment dans le cadre de la contrainte pénale. L’Assemblée nationale ne s’est toutefois pas laissée convaincre ou séduire et la commission des lois du Sénat non plus.

Cet amendement vise donc à réintroduire l’action du SPIP au stade pré-sentenciel, comme l’a souhaité l’Assemblée nationale, et à revenir à l’usage du pluriel. Il faut en effet écrire « les personnes morales habilitées » et non « la personne morale habilitée », car il y a plusieurs associations entre lesquelles les magistrats ont le choix. En outre, la mention « les personnes morales habilitées » doit précéder dans la phrase les mots « le service pénitentiaire d’insertion et de probation ». En clair, cela signifie que les magistrats peuvent continuer à désigner une association, mais que, à défaut, comme c’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui, lorsque l’association est débordée, lorsqu’il n’y a pas d’association dans le ressort du tribunal ou lorsque, pour une raison ou pour une autre, une association n’est pas en mesure de mener à bien cette enquête, le parquet désigne le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

En outre, nous précisons « suivant le cas », ce qui permet au parquet de procéder à une désignation à mon avis plus pertinente que ne le permet le texte actuel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour des raisons de fond et de forme. Nous parviendrons peut-être à une meilleure rédaction en commission mixte paritaire ou bien le Gouvernement proposera-t-il d’amender le texte de la CMP…

Le présent amendement a pour objet la réalisation des investigations sur la personnalité ordonnées par la juridiction de jugement dans le cadre d’une césure du procès pénal.

La loi du 27 mars 2012, dont le rapporteur était Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, a posé pour principe que les investigations pré-sentencielles sur la personnalité devaient être confiées par priorité au secteur associatif. Le Sénat avait critiqué cette disposition, estimant que, dans certains cas, l’intervention du SPIP peut être justifiée, notamment lorsque l’auteur de l’infraction est déjà suivi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

En outre, et c’est la question de fond, dans le cas d’une césure, comme c’est le cas ici, le juge se trouve à cheval entre le pré-sentenciel et le post-sentenciel : s’il envisage, par exemple, une contrainte pénale, il peut être justifié de recourir au SPIP, compétent pour suivre l’exécution de la mesure.

Quant à la forme, la portée juridique des termes « suivant le cas » est incertaine – je dirais même que cette expression n’a pas grand sens. Par ailleurs, il faut écrire les mots « personne morale habilitée » au singulier.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois est totalement défavorable à cet amendement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Totalement ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Le projet de loi prévoit que, en cas de césure du procès, « la décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai de quatre mois après la décision d’ajournement » et précise que « ce délai peut être prolongé pour une nouvelle durée maximale de quatre mois ». Cependant, je rappelle que, aux termes de l’article 397-3 du code de procédure pénale, « lorsque le prévenu est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans les deux mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal ». Or on ne sait pas si le délai supplémentaire de quatre mois s’appliquera aux deux mois prévus par l’article cité ou si, d’une manière générale, on peut prolonger le délai de quatre mois, sans d’ailleurs expliquer comment ni pourquoi. De toute façon, la phrase visée est fort mal rédigée.

Notre souhait, c’est qu’on ne prolonge pas indéfiniment le temps entre la comparution et le prononcé de la peine. Ce n’est pas œuvrer en faveur de la rapidité de la justice, qui est une nécessité, que d’accorder un délai supplémentaire de quatre mois. Naturellement, nous ne sommes pas hostiles à ce qu’on procède à des vérifications complémentaires sur la personnalité du prévenu, mais il faut fixer des délais.

Du surcroît, dans les cas de comparution immédiate, si les juges demandent beaucoup de précisions complémentaires, les juridictions risquent d’être embouteillées à un point qu’on n’imagine pas. Je crains que, si une telle possibilité était utilisée à plein et s’il n’y avait pas diligence de la part soit des associations, soit des SPIP, on n’assiste à une embolie totale des juridictions.

Madame le garde des sceaux, vous le savez, nous nous sommes battus pour que la détention provisoire ne dure pas indéfiniment. Eh bien, c’est exactement la même chose dans le cas présent : il faut que les peines soient prononcées dans des délais raisonnables ! À cet égard, quatre mois me paraissent largement suffisants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

L’article 4 du projet de loi prévoit que, en cas de césure pour investigations sur la personnalité, la juridiction devra se prononcer sur la peine au bout de quatre mois. Les députés ont prévu que ce délai pourrait être renouvelé de quatre mois supplémentaires.

La faculté de renouveler la décision d’ajournement pour quatre mois supplémentaires a été saluée, notamment par l’Union syndicale des magistrats. Pour une fois que l’USM est d’accord avec moi et ne me traite pas de tous les noms d’oiseaux, c’est une raison de plus pour être favorable à cette prolongation. Je conviens néanmoins qu’elle est un peu longue. Ne pourrait-on pas prolonger le délai de deux mois seulement, madame la garde des sceaux ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends le principe énoncé par M. Hyest de diligence de la justice. C’est précisément pour cette raison que nous avons introduit la césure du procès pénal : il y a des décisions qui doivent être prises rapidement, sans quoi on perd confiance en la justice.

M. Jean-Jacques Hyest. Nous sommes d’accord !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En fait, monsieur Hyest, votre proposition consiste à revenir au texte du Gouvernement…

M. Jean-Jacques Hyest. Je ne l’ai pas dit !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous pouvez de temps en temps vous faire violence lorsqu’il y a convergence d’intelligence – je dis cela pour la rime. (Sourires.)

Lorsque nous avons eu ce débat à l’Assemblée nationale, où cette disposition a été introduite, j’ai fait valoir un point de vue pratique. Certes, on comprend qu’il y ait des situations où il est nécessaire de proroger l’enquête. Simplement, la difficulté que je vois en tant que garde des sceaux, et cela rejoint votre propos, c’est la charge de travail supplémentaire pour les juridictions que cette prorogation entraînerait. En effet, au final, on aura trois audiences, puisque l’une d’elles sera nécessaire pour décider de la prorogation du délai. Cela étant, je reconnais que les difficultés matérielles ne doivent pas être opposées aux principes, mais si on les évacue complètement on fragilise le principe en se mettant dans l’impossibilité de le concrétiser.

Quoi qu’il en soit, j’entends le principal argument que vous avancez, monsieur Hyest : deux fois quatre mois, c’est long ; mais la décision de justice peut intervenir avant quatre mois.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a de très nombreux cas où l’enquête est bouclée en moins de quatre mois et d’autres, très nombreux aussi, où, en cas de nécessité de prorogation, seul un mois supplémentaire est nécessaire.

M. Jean-Jacques Hyest. Mais ce délai supplémentaire de quatre mois n’incite pas à la diligence !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Apparemment, il y aurait un compromis possible. La commission pourrait peut-être plafonner le délai, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La question pourra être examinée plus avant lors de la commission mixte paritaire. Cette procédure me paraît plus correcte que de modifier ici les amendements.

M. Jean-Jacques Hyest. Je propose juste de supprimer une phrase !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pris entre deux feux, le Gouvernement, dans sa grande sagesse, s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Qui est sage ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Si l’on accorde des délais supplémentaires, nous savons tous, pour avoir été responsables de juridictions ou de services administratifs, qu’ils seront utilisés en cas de surcharge. Voilà pourquoi il ne faut pas donner un délai trop long.

Pour ma part, je suis prêt à attendre la commission mixte paritaire, mais il serait plus judicieux, si l’on veut pouvoir rediscuter ultérieurement de ce délai avec l’Assemblée nationale et obtenir une petite évolution, de voter dès maintenant cet amendement. Ce serait une meilleure stratégie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa, est ainsi libellé :

Alinéa 6, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, mis à part les cas d’atteinte physique volontaire à la personne

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Les remises en liberté ou le maintien en milieu ouvert comportent des risques qui diffèrent en fonction du profil de la personne reconnue coupable et des faits qui lui sont imputés. Les critères criminologiques objectifs mettent en évidence les risques de récidive, de représailles et d’intimidation liés aux auteurs de violences physiques volontaires. N’oublions pas la fréquente proximité entre agresseur et victime, qui se connaissent dans la moitié des cas. Les auteurs de ces violences ne peuvent être mis sur un pied d’égalité avec les auteurs d’autres formes de délinquance.

Cet amendement vise non seulement à prendre en compte le préjudice subi par la victime, mais également à reconnaître ce statut indispensable au moment du procès pénal. Cette reconnaissance est la condition sine qua non pour que la victime voie sa dignité réhabilitée, puisse tourner la page et sortir de la situation de victime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement vise à exclure la possibilité d’un ajournement du prononcé de la peine pour investigations sur la personnalité en cas de condamnation de l’auteur pour des violences volontaires contre les personnes. Or, même pour ces délits, des investigations peuvent être utiles si le juge pense que la contrainte pénale aura des effets bénéfiques.

J’ajoute, mais M. Hyest le sait bien, que, si l’infraction est particulièrement grave, le II de cet article tend à prévoir la possibilité de placer l’intéressé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire en attendant que la juridiction de jugement se prononce sur la peine.

Pour tous ces motifs, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Hyest, hier soir – je reviens à votre intervention à la tribune, car, vous le savez, je bois chacune de vos paroles –,…

M. le président. Quelle déclaration ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … vous nous avez demandé de faire confiance aux magistrats. C’est ce que nous faisons !

Les magistrats sont des personnes responsables. S’ils estiment qu’ils disposent des éléments nécessaires, ils feront immédiatement le nécessaire, sans recourir à un délai inutile. Nous leur donnons la possibilité d’apporter la réponse qui convient le mieux à la situation. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Madame le garde des sceaux, veuillez m’excuser, mais ce sont les arguments de M. le rapporteur qui me convainquent le plus de retirer mon amendement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oh !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est l’intérêt du dialogue parlementaire…

J’admets en effet que le magistrat a des moyens à sa disposition, tels que la détention provisoire. C’est d’ailleurs l’actuel article 397-3 du code de procédure pénale.

M. le président. L’amendement n° 24 est retiré.

L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif

par les mots :

dommages-intérêts à titre provisionnel

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement a un double objet : en premier lieu, il est rédactionnel ; en second lieu, il vise à revenir sur le caractère définitif des dommages et intérêts lorsque la juridiction ajourne le prononcé de la peine. Il apparaît en effet hasardeux de permettre au juge, à ce stade de la procédure, alors que le délai de saisine de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions court toujours, de fixer à titre définitif le montant des dommages et intérêts dont devrait s’acquitter la personne condamnée.

Le délai de saisine de la CIVI, qui est de trois ans à compter de la date de l’infraction, est prolongé d’un an à compter de la date de la dernière décision ayant statué définitivement sur la culpabilité ou sur la demande de dommages et intérêts formée devant la juridiction pénale.

Par ailleurs, alors même que l’on n’est pas encore en mesure de déterminer la sanction qui sera appliquée au coupable, il est prévu de donner définitivement à la victime la possibilité d’être indemnisée. Le parallélisme des formes et l’équilibre du procès pénal ne peuvent s’accommoder de la fixation définitive des dommages et intérêts alloués à la victime, dans cette phase d’ajournement dont le juge décide qu’elle est provisoire, puisqu’il disjoint alors la décision de culpabilité et la décision de sanction pénale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Si une victime formule des demandes complètes et justifiées et si le tribunal peut se prononcer à titre définitif, pourquoi ne le ferait-il pas ? Du reste, dans la plupart des cas, ce sera à titre provisionnel.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. J’avais d’ailleurs suggéré en commission à M. Mézard de le retirer. Les explications de Mme la garde des sceaux pourraient emporter cette décision aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour la victime, il est préférable que l’indemnisation à titre définitif soit possible. Si, comme vient de le dire M. le rapporteur, la juridiction dispose des éléments qui permettent de prononcer l’intégralité de l’indemnisation due à la victime à titre de réparation, il n’y a pas lieu de contraindre la victime à revenir. Nous introduirions une complication dans le dispositif. Par ailleurs, une telle disposition n’aurait pas d’influence sur la décision de la CIVI, puisque celle-ci peut être saisie dans un deuxième temps.

Sous l’éclairage de ces précisions, je vous invite, monsieur le sénateur, à retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié est retiré.

L'amendement n° 104, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Remplacer les mots :

et suivants

par les mots :

à 397-7

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 5 (Texte non modifié par la commission)

Article 4 bis

(Non modifié)

La sous-section 6 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par un paragraphe 6 ainsi rédigé :

« Paragraphe 6

« De l’ajournement aux fins de consignation d’une somme d’argent

« Art. 132-70-3. – La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l’égard d’une personne en la soumettant à l’obligation de consigner une somme d’argent en vue de garantir le paiement d’une éventuelle peine d’amende. Elle détermine le montant de cette consignation et le délai dans lequel celle-ci doit être déposée au greffe, qui ne saurait être supérieur à un an. Elle peut prévoir que cette consignation est effectuée en plusieurs versements, selon un échéancier qu’elle détermine.

« Elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine.

« La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai d’un an après la décision d’ajournement. » – (Adopté.)

Section 2

Dispositions favorisant le recours aux modes de personnalisation de la peine

Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 6

Article 5

(Non modifié)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-18-1, 132-19-1 et 132-19-2 sont abrogés ;

1° bis À la fin de l’article 132-20-1, les mots : « commise en état de récidive légale » sont supprimés ;

2° (Supprimé)

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 706-25, le mot : « seizième » est remplacé par le mot : « dernier ».

III. – L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :

1° Les quatorzième et avant-dernier alinéas de l’article 20 sont supprimés ;

2° L’article 20-2 est ainsi modifié :

a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;

b) Les deuxième à septième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu’il n’y a pas lieu de faire application du premier alinéa. Cette décision ne peut être prise par le tribunal pour enfants que par une disposition spécialement motivée. » ;

c) Au début du huitième alinéa, les mots : « Pour l’application des articles 132-8 à 132-11, 132-18-1 et 132-19-1 du code pénal et des deux alinéas précédents, » sont supprimés ;

3° À l’article 20-3, les références : « des deuxième à cinquième alinéas » sont remplacées par la référence : « du deuxième alinéa » ;

4° Les douzième et avant-dernier alinéas de l’article 48 sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 27 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat et MM. Amoudry, J.L. Dupont, Deneux et Merceron.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Philippe Bas. Contrairement à ce qu’a dit Mme le garde des sceaux voilà quelques instants, les peines planchers, telles qu’elles ont été définies dans le code pénal, ne mettent pas fin à la liberté d’appréciation des juges et n’empêchent nullement le respect du principe constitutionnel d’individualisation des peines.

Lors des réformes successives du code pénal, nous avons pris l’habitude d’adresser aux juridictions des recommandations pour recourir à telle ou telle forme de peine. Nous avons nous-mêmes contribué à cette évolution. Le texte du Gouvernement n’y met pas fin : les nouvelles dispositions qu’il institue en matière de motivations du prononcé de la peine visent elles-mêmes à donner des orientations sur les préférences du garde des sceaux et du Parlement en matière de politique pénale.

La préférence qui était fermement assignée aux juridictions dans la fixation de peines planchers est remise en cause par l’article 5. C’est un très mauvais signal. Par conséquent, il faut supprimer cet article pour maintenir les peines planchers, étant entendu, comme je l’ai déjà dit, que celles-ci ne sont pas contraires au principe d’individualisation des peines et que le système actuel a le mérite de permettre un traitement équitable des récidivistes et des auteurs de violences graves sur tout le territoire.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 27 rectifié.

M. Yves Détraigne. Si l’on en croit le Gouvernement et la majorité, les peines planchers n’ont eu aucun effet sur la prévention de la récidive et ont uniquement aggravé la surpopulation carcérale. Or les faits montrent qu’il n’en est rien.

L’argument selon lequel l’automaticité constituerait le défaut principal des peines planchers ne tient pas non plus. Les juges peuvent toujours individualiser la peine en écartant la peine plancher ou en prononçant une peine avec sursis. En outre, on s’aperçoit que le nombre de peines planchers prononcées est en diminution, passant de 50 % en 2007 à 37 % en 2011. Les juges se sont donc parfaitement approprié la possibilité nouvelle qui leur était offerte.

Avec l’article 5 et ceux qui vont être examinés ultérieurement, on a le sentiment que, peu importe le dispositif et la manière dont la justice se l’est approprié, dès lors qu’il a été mis en place par la précédente majorité, il faut le supprimer. Eh bien non ! S’il apporte un plus, s’il est utile à la justice – c’est le cas s’agissant des peines planchers –, il ne faut pas le supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les peines planchers, monsieur Détraigne, n’ont pas apporté un plus : elles ont augmenté de façon considérable le prononcé des sursis avec mise à l’épreuve, ce qui a dénaturé totalement ce dispositif et conduit certains SPIP à l’embolie. Supprimer les peines planchers permettra donc de réduire de 5 000 le nombre des sursis avec mise à l’épreuve prononcés et de redéployer un certain nombre de moyens.

Je remarque que le rapporteur de la loi de 2007 n’était autre que M. Zocchetto, qui préside aujourd’hui le groupe auquel vous appartenez. Or M. Zocchetto concédait alors que le dispositif des peines planchers applicable aux récidivistes donnait lieu à de vives critiques, notamment de la part des magistrats et de la Défenseure des enfants.

Au cours des débats, la commission des lois avait alors fait adopter deux amendements tendant à permettre aux juges de prendre en compte cette possibilité à titre exceptionnel. Nous avions donc déjà très fortement encadré le prononcé des peines planchers.

En 2011, lorsque ces peines ont été étendues à certains auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violences, en dehors de toute récidive, la commission des lois a manifesté son opposition. Elle a finalement restreint le champ du dispositif aux violences les plus graves. Elle a d’ailleurs estimé qu’il était regrettable de revenir sur des principes énoncés par la loi pénitentiaire de 2009, et ce sur le rapport de notre estimé collègue M. Courtois.

M. le président. Je vous remercie de citer cet excellent rapport. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En conséquence, il est temps de conduire aujourd’hui le processus à son terme et donc de supprimer ces peines planchers. Cette mesure est du reste en cohérence avec l’individualisation des peines.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Monsieur Détraigne, vous avez raison, les magistrats ont, dans les toutes premières années, massivement appliqué les peines planchers, puis ils ont fait de gros efforts pour y déroger. L’objectivité avec laquelle ils jugent les a conduits à considérer que, dans bien des cas, l’application de la peine plancher ne convenait pas. Comme M. le rapporteur vient de le rappeler, les magistrats ont parfois eu recours au sursis avec mise à l’épreuve pour éviter le prononcé d’une peine plancher.

Cela étant – je l’ai déjà dit il y a quelques instants –, les peines planchers entravent l’individualisation des peines, dans le principe et dans la pratique. C’est absolument incontestable ! J’en reviens à l’article 132-19-1 du code pénal relatif aux peines planchers, introduit par la loi de 2007, que je cite à l’intention de M. Bas et qui vient aussitôt après le tableau des peines planchers : « Par décision spécialement motivée, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure aux seuils prévus par le présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion. » Or, je le répète, le public qui est visé par le projet de loi et qui a besoin d’être accompagné ne présente précisément pas ces garanties exceptionnelles.

Souvenons-nous que les peines planchers ont plus que triplé, bondissant de 14 % à 44 % ! Qu’en est-il résulté ? La principale conséquence a été la surpopulation carcérale, au titre des courtes peines. Or, en pareil cas, il est impossible de préparer la sortie de prison, précisément parce que le temps est trop court. Qui plus est, les personnes concernées sont encore plus désocialisées, du fait de leur passage en prison. J’ai déjà cité ces chiffres hier en ouvrant la discussion générale : 7 % des personnes qui entrent en prison sont sans domicile fixe et 14 % des personnes qui en sortent sont sans solution d’hébergement. Il faut tenir compte de cette réalité !

Autrement dit, nous devons nous poser la question suivante : l’objectif affiché, à savoir la lutte contre la récidive, a-t-il été servi par les peines planchers ? Non seulement tel n’a pas été le cas, mais les peines planchers ont eu l’effet inverse, notamment sur les petits délits, punis de moins de trois ans d’emprisonnement. J’ai cité hier le chiffre de 47 %.

Ces peines ont aggravé la surpopulation carcérale et donc entravé la lutte contre la récidive. Voilà pourquoi elles ont eu un effet pervers. Elles ont trahi l’intention du législateur.

Répétons-le, le législateur voulait lutter contre la récidive, mais, en réalité, il a mis en place un dispositif qui, en augmentant considérablement la population carcérale – cette dernière a crû de 35 % en dix ans –, a contrecarré tout ce qui pouvait être fait sur ce front au sein des établissements pénitentiaires.

Voilà pourquoi nous affirmons qu’il est nécessaire de supprimer les peines planchers. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de les abroger purement et simplement. Le présent texte met à la disposition des magistrats un arsenal comprenant notamment la contrainte pénale, qui permettra d’assurer le suivi le plus individualisé possible. Il pourra être adapté, ajusté. À ce jour, nous ne disposons pas, dans le code pénal, d’un semblable instrument.

À l’avenir, ce suivi sera ajusté et évalué – c’est là une obligation. Ainsi, nous instaurons de meilleures assurances pour la réinsertion de personnes que l’on incarcérait précisément faute de pouvoir apporter ces garanties exceptionnelles.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Cette réforme a pour principe inhérent le retour à une plus grande liberté d’appréciation du juge.

Pour ma part, je craignais fort que la suppression des peines planchers ne s’accompagne, par exemple, de l’instauration d’une règle relative à une libération d’office. Je redoutais que l’on étende la liberté d’appréciation d’un côté tout en la restreignant de l’autre.

Étant donné que le projet de loi présente une cohérence d’ensemble, c’est-à-dire que cette liberté d’appréciation des magistrats se traduit aussi bien par la suppression des peines planchers que par l’absence d’un principe de libération d’office, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 27 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5 (Texte non modifié par la commission)
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Article 6 bis

Article 6

I. – (Non modifié) Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le mot : « présent, », la fin du second alinéa de l’article 132-29 est ainsi rédigée : « que, en cas de condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus aux articles 132-35 et 132-37, le sursis pourra être révoqué par la juridiction. » ;

2° À la fin de l’article 132-35, les mots : « sans sursis qui emporte révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 » ;

3° L’article 132-36 est ainsi rédigé :

« Art. 132-36. – La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé, quelle que soit la peine qu’il accompagne, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation à une peine de réclusion ou à une peine d’emprisonnement sans sursis.

« La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé qui accompagne une peine quelconque autre que la réclusion ou l’emprisonnement, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation d’une personne physique ou morale à une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement sans sursis. » ;

4° À l’article 132-37, les mots : « sans sursis emportant révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis » ;

5° L’article 132-38 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « simple », sont insérés les mots : « ordonnée par la juridiction » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

6° À l’article 132-39, le mot : « encourue » est remplacé par les mots : « prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » ;

7° L’article 132-50 est ainsi rédigé :

« Art. 132-50. – Si la juridiction ordonne l’exécution de la totalité de l’emprisonnement et si le sursis avec mise à l’épreuve a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, elle peut, par décision spéciale, ordonner que la première peine sera également exécutée. »

II. – L’article 735 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 735. – Lorsque la juridiction de jugement n’a pas statué sur la révocation du sursis en application de l’article 132-36 du code pénal parce qu’elle n’avait pas connaissance de la première condamnation, le procureur de la République peut ultérieurement saisir le tribunal correctionnel d’une requête motivée tendant à sa révocation.

« Le tribunal statue lors d’une audience publique après audition de la personne et, s’il y a lieu, de son avocat. »

III (nouveau). – À l’article 735-1 du même code, les mots : « selon les modalités prévues à l’article 711 » sont remplacés par les mots : « selon la procédure prévue à l’article 735 ».

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Le droit en vigueur prévoit la révocation automatique du sursis simple en cas de nouvelle condamnation. C’est la nature même du sursis que de devoir être révoqué en cas de récidive. Or les dispositions du présent article révèlent une nouvelle conception du sursis. Ce dernier ne serait plus automatiquement révoqué en cas de récidive. La révocation du sursis simple demeurerait une simple faculté de la juridiction de jugement, qui pourrait le prononcer ou non en cas de nouvelle condamnation.

C’est pour nous opposer à cette évolution que nous avons déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je fais mienne l’argumentation que vient de développer Jean-René Lecerf : cet article laisse la liberté au juge de révoquer ou non le sursis. Aujourd’hui, l’automaticité de la révocation peut poser des problèmes. Aussi, nous inversons le principe, pour permettre à la juridiction de révoquer le sursis en toute connaissance de cause. À cet égard, cet article a lui aussi pour objet de renforcer l’individualisation des peines prononcées.

L’étude d’impact estime la baisse de la population carcérale attendue de cette mesure à environ 1 700 personnes. Dans le contexte de surpopulation des prisons que nous connaissons, cet effet n’est tout de même pas négligeable.

Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Ce sont les magistrats eux-mêmes qui ont attiré notre attention sur le fait qu’ils prononcent parfois des peines en ignorant l’existence d’un sursis et que la décision en résultant est contraire à leur intention, eu égard à leur appréciation de la faute et à la sanction qu’ils souhaitent prononcer. En l’état actuel du droit, le sursis est automatiquement révoqué.

Les juges doivent disposer de tous les éléments d’appréciation existants, dont celui-ci. Ils choisiront ainsi de révoquer ou non le sursis. Il ne leur sera pas interdit d’agir en ce sens. Il faudra simplement prononcer la révocation. Autrement dit, il faudra que la volonté du magistrat soit connue, ni plus ni moins. Le magistrat pourra révoquer un sursis tout à fait librement.

Il faut mettre un terme à cette automaticité – car c’en est une – conduisant à ce que des révocations soient prononcées sans que personne l’ait voulu. Je le répète, en découvrant cette mesure, le magistrat qui en est à l’origine la déplore parfois lui-même.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Madame le garde des sceaux, le mot « automaticité » peut renvoyer à des réalités très différentes.

Lorsqu’il est question d’automaticité pour le prononcé d’une peine initiale pour un primo-délinquant, chacun d’entre nous manifeste son opposition au nom de l’individualisation des peines. En revanche, dans le cas d’une peine de prison avec sursis, le juge saisi à l’origine a déjà porté une appréciation individuelle sur le cas du délinquant. Il a déjà décidé l’instauration d’un sursis, pour suspendre en quelque sorte une épée de Damoclès au-dessus de la tête du délinquant, afin de dissuader toute récidive. Si le sursis, prononcé par le juge en toute connaissance de cause, n’est plus automatiquement révoqué en cas de récidive, la notion même de récidive perd presque toute sa portée.

Voilà pourquoi cette évolution nous semble préjudiciable à une politique pénale responsable. Elle permet à des magistrats de remettre en cause une décision fondamentale prise précédemment, par la condamnation avec sursis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

que, en cas

par les mots :

qu’en cas

II. – Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le tribunal statue en audience publique, après audition de la personne et, s’il y a lieu, de son avocat. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

On le répète souvent, la baisse de la qualité des textes de loi conduit à les remettre sans cesse sur le métier, ici pour corriger une maladresse rédactionnelle, là pour envisager un cas particulier auquel on n’avait pas songé.

Une loi bien rédigée est une loi claire et efficace. Ces exigences sont particulièrement fortes en matière pénale, domaine dans lequel la législation est d’interprétation stricte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend à apporter deux améliorations réelles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

ayant ordonné la révocation du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36

par les mots :

ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 ; le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis en cas d’infraction commise dans le délai de cinq ans

II. – Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

6° À l’article 132-39, les mots : « si la révocation du sursis n’a pas été encourue » sont remplacés par les mots : « si la révocation totale du sursis n'a pas été prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » ;

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement de coordination et de cohérence avec une disposition relative au sursis avec mise à l’épreuve.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 6 ter

Article 6 bis

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° L’article 132-44 est ainsi modifié :

a) Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout changement d’emploi ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l’exécution de ses obligations ; »

b) Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° Informer préalablement le juge de l’application des peines de tout déplacement à l’étranger. » ;

3° L’article 132-45 est ainsi modifié :

a) Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Sous réserve de son accord, s’inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire, le cas échéant après avoir suivi des leçons de conduite ; »

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« 20° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger.

« Les obligations prévues aux 1°, 3° et 18° du présent article ne peuvent être prononcées que si la juridiction décide que, en application du second alinéa de l’article 132-42, le sursis ne s’appliquera à l’exécution de l’emprisonnement que pour une partie de celui-ci. » ;

4° L’article 132-52 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis avec mise à l’épreuve dès lors que le manquement ou l’infraction ont été commis avant l’expiration du délai d'épreuve. »

II. – Le dernier alinéa de l’article 132-45 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2017.

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le dernier alinéa de l’article 132-41 est supprimé ;

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à rétablir la possibilité pour le juge, telle qu’adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, de prononcer un sursis avec mise à l’épreuve sans limitation liée à l’état de récidive légale. Cette mesure s’inscrit dans le processus général de suppression des dispositions spécifiques aux récidivistes et dans la logique du présent texte, que nous avons longuement évoquée, visant à renforcer le principe d’individualisation des peines.

À ce jour, le dernier alinéa de l’article 132-41 du code pénal limite à deux le nombre de sursis auquel une personne en état de récidive légale peut être condamnée. Ce plafond est abaissé à un seul sursis pour les infractions avec violences ou pour les infractions sexuelles commises avec la circonstance aggravante de violences.

Or les processus de sortie de délinquance peuvent inclure des rechutes et des aléas. S’ils sont moins graves que les premiers faits commis ou s’ils surviennent longtemps après eux, ils ne doivent pas nécessairement donner lieu à une peine de prison ferme. Cependant, ils peuvent justifier le prononcé d’une nouvelle peine de sursis pour que le condamné continue à être suivi et pour que ses efforts soient accompagnés.

La suppression du dernier alinéa de l’article 132-41 restaure la pleine capacité d’appréciation du juge, qui pourra soit décider de condamner les personnes en état de récidive à un nouveau sursis, soit les condamner à une peine sans sursis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Comme le Gouvernement à l’Assemblée nationale, il nous a semblé que, dans certains cas, il fallait distinguer entre récidivistes et non-récidivistes.

En outre, dès lors que les sursis avec mise à l'épreuve sont prononcés dans le cadre de peines « mixtes », ils peuvent se cumuler sans restriction, y compris pour les récidivistes.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Bosino, le Gouvernement entend votre préoccupation en faveur de l’individualisation des peines. La situation que vous évoquez permet cependant de comprendre, une fois de plus, comment la contrainte pénale va améliorer la prise en charge et l’accompagnement des personnes qui en ont vraiment besoin. Jusqu’à présent, on n’a pas accordé aux magistrats ou, ensuite, aux services de milieu ouvert, les moyens de pratiquer de véritables accompagnements. C’est ce que nous entendons faire par ce texte de loi.

En ce qui concerne les récidivistes, nous sommes absolument convaincus de la nécessité de garantir un accompagnement le plus tôt possible dans le cadre de l’exécution de la peine. L’une des conditions d’efficacité du dispositif est ainsi de faire en sorte que le récidiviste, déjà sanctionné plus lourdement, voit sa situation examinée dans les mêmes délais qu’un non-récidiviste. Je dis le même délai, mais, en réalité, la peine étant plus lourde, les deux tiers d’une peine prononcée à l’encontre d’un récidiviste ne recouvrent pas la même durée que les deux tiers d’une peine plus clémente.

En revanche, il ne nous semble pas nécessairement utile et efficace pour l’auteur de l’infraction d’accumuler de fausses solutions. La multiplication des sursis n’est pas toujours une bonne réponse. Une peine mixte, voire une peine de contrainte pénale, peut être plus efficace.

En observant les parcours de délinquance, on constate que la réitération se produit souvent dans un temps très court. Une situation sociale, ou parfois seulement personnelle, conduit la personne à réitérer. Dans ce cas, une prise en charge, avec un accompagnement et un certain nombre de contraintes et d’obligations est préférable à une accumulation de mesures dénuées d’effet réel et qui n’aident pas à la réinsertion.

Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Bosino, l'amendement n° 76 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Bosino. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

II. - Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

5° À l'article 132-56, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».

III. - Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Lors de sa réunion du mercredi 18 juin, la commission des lois s'est prononcée en faveur de l'extension progressive du champ de la contrainte pénale à l'ensemble des délits, quel que soit le quantum de peine encouru, à compter du 1er janvier 2017. Plusieurs intervenants, à gauche comme à droite, ont souhaité que cette extension n'ait pas lieu de façon automatique, ainsi que le prévoit le texte du projet de loi voté à l'Assemblée nationale, mais que le Parlement soit amené à se prononcer expressément sur une telle extension, au vu du premier bilan effectué.

Comme je ne suis pas aussi incontrôlable qu’on le dit,…

Mme Nathalie Goulet. Oh ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … je partage ce point de vue. Il me semble que si l’on veut étendre cette contrainte pénale à tous les délits, il faut que le Parlement se prononce au vu des résultats de l’évaluation.

J’ai donc fait adopter ce matin cet amendement, qui vise à rendre obligatoire une nouvelle loi pour étendre ou modifier la contrainte pénale. Il tend par ailleurs à procéder à une mesure de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais vous parler très franchement, monsieur le rapporteur. Même si nous avons eu des échanges rapides à ce sujet, je découvre quelque peu cet amendement.

Le dispositif adopté à l’Assemblée nationale, qui oblige le Gouvernement à présenter au Parlement une évaluation dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, me semble satisfaisant. Ce clapet introduit dans le texte, qui retarde l’extension de la contrainte pénale jusqu’après l’évaluation, me paraît tout à fait raisonnable et sérieux. Si l’on part de l’hypothèse que ces deux qualités sont également celles du Parlement, celui-ci fera le nécessaire si l’évaluation laissait apparaître qu’il convient de ne pas appliquer ces dispositions différées.

Je souhaite que, sur ce point, nous en restions au texte voté à l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne vais pas retirer cet amendement, car, quel que soit le résultat de l’évaluation présentée au Parlement, le basculement sera automatique en 2017.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais non !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est ce que souhaite éviter la commission des lois.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. Bas avait raison de dire qu’il ne faut pas utiliser un mot pour un autre. Il n’y a pas d’automaticité, monsieur le rapporteur. Il y a des textes d’application immédiate et d’autres d’application différée.

Voyez la collégialité de l’instruction : adoptée en 2007, le Parlement en a différé l’application à deux reprises. Il faut dire que le texte original n’était pas applicable. Nous l’avons retravaillé, et j’ai présenté un projet de loi en conseil des ministres en avril 2013. Il n’a toujours pas été soumis au Parlement !

Si, le cas échéant, vous voulez reporter l’extension de la contrainte pénale, choisissez plutôt de le faire par amendement, au lieu de supprimer aujourd’hui le dispositif. Cette procédure serait plus simple que d’attendre de trouver une circonstance permettant d’introduire ce qui vous paraîtra juste au terme de l’évaluation.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je voterai cet amendement.

Lorsque j’ai défendu la motion tendant à opposer la question préalable, j’ai souligné qu’il n’est pas de véritable expérimentation si sa généralisation n’est pas suspendue à une décision postérieure à son évaluation.

Ici, le délai prévu est très court. Nous sommes en juin 2014, et la généralisation du système de la contrainte pénale est prévue au 1er janvier 2017. Cela ne laisse nullement le temps à l’expérimentation de se déployer dans les tribunaux et de prendre le recul nécessaire pour en apprécier la validité.

En outre, madame le garde des sceaux, contrairement à votre interprétation du texte en discussion, l’alinéa 16 de l’article 6 bis dispose que « le dernier alinéa de l’article 132-45 du code pénal, » – c'est-à-dire les dispositions que nous soumettons à expérimentation – « dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur le 1er janvier 2017 ». En droit, le présent de l’indicatif vaut obligation.

Par conséquent, non seulement le délai avant la généralisation est très court, mais, en sus, la généralisation se passera de toute nouvelle disposition législative. Afin que rien ne permette le passage automatique à la généralisation au 1er janvier 2017, je crois souhaitable de supprimer l’alinéa 16 de l’article 6 bis.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, madame la ministre, nous avons mis à profit la suspension de séance que vous nous avez accordée pour échanger sur le sujet.

Nos réflexions ont abouti à maintenir la position de la commission, pour la raison suivante : nous sommes toujours ouverts au dialogue et nous savons qu’il y aura une commission mixte paritaire, qui statuera. Toutefois, en l’état actuel des choses, il nous paraît logique de tirer les conséquences de l’évaluation qui sera faite au bout de deux ans. Évaluer une loi nouvelle, c’est d’ailleurs très bien, très moderne !

Comme vous, madame la ministre, nous prenons cette évaluation très au sérieux, et nous souhaitons de tout cœur qu’elle soit positive, parce que nous croyons beaucoup à cette mesure nouvelle que nous nous apprêtons à voter. Cependant, il faut aussi envisager l’éventualité que cette évaluation ne soit pas positive, ou bien, comme le disait Mme Klès, qu’elle aboutisse à proposer des modalités différenciées ou des adaptations.

Il nous paraît donc logique que, une fois cette évaluation réalisée, le Parlement soit saisi, s’il y a lieu, afin de revoir le dispositif. À défaut, cela reviendrait à présupposer que l’évaluation est positive et qu’il n’y a pas de conséquences à en tirer.

Le raisonnement de la commission nous semble logique et nous le soutenons en toute sérénité. Nous maintenons donc l’amendement n° 105, après avoir entendu vos préoccupations, madame la garde des sceaux.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 105.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6 bis, modifié.

(L'article 6 bis est adopté.)

Article 6 bis
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Article 6 quater (Texte non modifié par la commission)

Article 6 ter

(Non modifié)

Le 10° de l’article 132-45 du code pénal est complété par les mots : « , et ne pas prendre part à des jeux d’argent et de hasard ». – (Adopté.)

Article 6 ter
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Article 7

Article 6 quater

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article 132-49 du code pénal est supprimé.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. L’article 6 quater concerne la révocation partielle du sursis. À l’heure actuelle, le juge peut décider à titre exceptionnel que la récidive, après une condamnation avec sursis, donnera lieu, non à la levée totale du sursis, mais seulement à sa révocation partielle.

Or le projet de loi dont nous débattons, en prévoyant que plusieurs récidives pourraient donner lieu à plusieurs révocations partielles, aboutit à vider encore davantage de son contenu la notion de sursis. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission considère qu’il convient de laisser au JAP, le juge d’appréciation des peines, la faculté d’apprécier au cas par cas, ce qui lui permettra d’adapter la sanction des manquements à l’évolution du condamné et à la gravité de chaque manquement.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est également défavorable, car cet article améliore l’efficacité de la peine.

M. Philippe Bas. C’est paradoxal !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6 quater.

(L'article 6 quater est adopté.)

Article 6 quater (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Articles additionnels après l'article 7

Article 7

I. – (Supprimé)

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 474 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) La dernière phrase est ainsi rédigée :

« Le présent alinéa est applicable au condamné exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique. » ;

2° Le premier alinéa de l’article 723-15 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « incarcérées », sont insérés les mots : « ou exécutant leur peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique » ;

b) (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 43, présenté par Mmes Tasca et Klès et MM. Kaltenbach et Madec, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

« I. - Le code pénal est ainsi modifié :

« 1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

« a) Au premier alinéa, les mots : « ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, » sont supprimés ;

« b) À la fin du 4°, les mots : « les risques de récidive » sont remplacés par les mots : « la commission de nouvelles infractions » ;

« c) À l'avant-dernier alinéa, les mots : « , ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an » sont supprimés ;

« 2° À l'article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à deux ans ».

« II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

« 1° La dernière phrase du premier alinéa de l'article 474 est ainsi rédigée : « Le présent alinéa est applicable au condamné exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique. » ;

« 2° Le premier alinéa de l'article 723-15 est ainsi modifié :

« a) À la première phrase, après le mot : « incarcérées », sont insérés les mots : « ou exécutant leur peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique » ;

« b) La seconde phrase est supprimée. »

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Cet amendement vise à rendre possibles des aménagements de peine pour les condamnations inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement, en alignant le régime applicable aux personnes condamnées en état de récidive légale sur celui qui est applicable aux primo-condamnés.

Cette disposition a connu un destin variable. Le projet de loi initial abaissait de deux ans à un an pour les primo-condamnés, et d’un an à six mois pour les récidivistes, les seuils d’emprisonnement permettant d’ordonner une mesure d’aménagement de peine.

L’Assemblée nationale a aligné le régime applicable aux récidivistes sur celui qui est applicable aux primo-condamnés, en prévoyant que les peines d’une durée égale ou inférieure à un an pourraient être aménagées.

L’abaissement du seuil revient sur les dispositions de la loi pénitentiaire de 2009 et nous a semblé en contradiction avec l’esprit du projet de loi, lequel vise à favoriser les aménagements de peine plutôt qu’à en restreindre la possibilité. C’est en partant de ce constat que la commission des lois est revenue au droit en vigueur, c’est-à-dire à la loi de 2009.

Il est néanmoins nécessaire de conserver les améliorations apportées par l’Assemblée nationale, qui visent à amenuiser les différences entre les régimes applicables aux récidivistes et aux primo-condamnés.

S’il est normal, bien évidemment, que les récidivistes soient condamnés à une peine plus lourde que les primo-délinquants, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Dominique Raimbourg, a relevé qu’il était « contre-productif de limiter l’accès des premiers aux aménagements de peine, qui favorisent l’insertion ou la réinsertion et, par là même, limitent le risque de récidive ».

En ce sens, cet amendement tend à rendre possibles les aménagements de peine concernant les condamnations inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement pour tous les condamnés. Son dispositif est cohérent, par ailleurs, avec la volonté de la commission des lois de maintenir les articles 7 bis et 7 ter, introduits par l’Assemblée nationale, qui alignent les régimes applicables aux récidivistes sur ceux des primo-condamnés en matière de crédits de réduction de peine et d’octroi de la libération conditionnelle.

Sur ce sujet, mes chers collègues, je souhaiterais vous livrer une réflexion de fond. J’appelle votre attention sur le fait que, face à la situation en milieu carcéral et au développement de la récidive, nous sommes devant un mur : les récidivistes sont très souvent de jeunes délinquants, qui glissent progressivement sur une pente fatale. Nous devons donc nous interroger sur la manière dont nous abordons la question des aménagements de peine, eu égard à cette situation.

N’avons-nous pas intérêt, dans un objectif d’efficacité de la lutte contre la récidive, à traiter, sur ce seul point de l’accès aux aménagements de peine, les récidivistes de la même manière que les primo-délinquants ?

Si l’on maintient la distinction entre les deux régimes, on se prive d’un moyen d’accompagnement. Quoi qu’il en soit, la décision reste entre les mains du juge et, pour en revenir au débat antérieur, il ne saurait en aucun cas y avoir d’application automatique.

Néanmoins, alors que nous sommes confrontés à ce problème de la récidive, il serait dommage, en renonçant aux aménagements de peine, de ne pas tendre la main aux jeunes délinquants récidivistes, afin de les arrêter sur cette pente fatale.

M. le président. L’amendement n° 119, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

A. - Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement, elle peut... (le reste sans changement). » ;

b) À la fin du 4°, les mots : « les risques de récidive » sont remplacés par les mots : « la commission de nouvelles infractions » ;

c) Après la première occurrence des mots : « égale à », la fin de l'avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « un an. » ;

2° À l'article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à un an ».

B. - Alinéa 4

Rétablir le a) dans la rédaction suivante :

a) À la première phrase, les mots : « deux ans » sont remplacés, deux fois, par les mots : « un an » ;

C. - Alinéa 9

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) La seconde phrase est ainsi rédigée : 

« En cas de cumul de condamnations, lorsque le total des peines d'emprisonnement prononcées ou restant à subir est supérieur à un an mais inférieur à deux ans, le juge de l'application des peines peut, par une décision spécialement motivée, ordonner l'une de ces mesures à l'égard du condamné qui justifie de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir la commission de nouvelles infractions. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des lois du Sénat a modifié une disposition, adoptée à l’Assemblée nationale, qui tend à changer les seuils prévus dans la loi pénitentiaire.

Le Gouvernement souhaite maintenir le texte dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale.

M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

a) Au premier alinéa, les mots : « ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, » sont supprimés ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an » sont supprimés ;

2° À l’article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à deux ans ».

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à aligner le régime applicable aux personnes condamnées en état de récidive légale sur celui des primo-condamnés.

Le projet de loi repose, notamment, sur le postulat que le récidiviste a besoin d’une personnalisation accrue dans le prononcé et l’exécution de la peine. Il est donc paradoxal, et même à rebours des visées du projet de loi, de réduire la possibilité d’aménagement de la peine pour les récidivistes.

Il s’agit de revenir au seuil de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, tout en conservant l’avancée que constitue l’alignement des régimes décidé par l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ces trois amendements visent les seuils d’emprisonnement permettant d’ordonner une mesure d’aménagement de peine, un sujet compliqué et technique.

Le texte initial du Gouvernement distinguait entre les primo-délinquants, pour lesquels le seuil était d’un an, et les récidivistes, pour lesquels il était de six mois.

L’Assemblée nationale a prévu un an pour tout le monde.

La commission des lois a proposé, le 18 juin dernier, d’en revenir aux seuils prévus dans la loi pénitentiaire de 2009, lesquels étaient plus favorables, soit deux ans pour les primo-condamnés et un an pour les récidivistes.

Mme Tasca, quant à elle, souhaite instaurer un seuil de deux ans pour tout le monde, ce qui est un peu plus favorable que la proposition de la commission des lois.

Enfin, aujourd’hui, à dix-huit heures trente, le Gouvernement demande que l’on en revienne, non pas à son texte, mais à celui de l’Assemblée nationale !

Je vous propose, pour ma part, d’en rester aux seuils prévus par la commission des lois lors de sa réunion du 18 juin dernier, et qui étaient ceux de la loi pénitentiaire : deux ans pour les primo-délinquants, un an pour les récidivistes.

Mon avis est donc défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Là encore, il y aura une commission mixte paritaire, et nous verrons comment nous pourrons trouver des compromis avec l'Assemblée nationale.

À ce stade du débat, je tiens à dire que la position de la commission des lois est celle qui a été exprimée par le Sénat lors du vote de la loi pénitentiaire.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous avons considéré qu’il était juste de prévoir des aménagements de peine de deux ans pour les primo-délinquants et d’un an pour les récidivistes. Ces seuils, que nous avons défendus lors de l’examen de la loi pénitentiaire, ont fait l’objet d’un large accord au sein de la Haute Assemblée.

À cet égard, si vous le permettez, madame la garde des sceaux, j’exprimerai des réserves sur le second paragraphe de l’exposé des motifs de l’amendement n° 119, dont je vous donne lecture : « Cette possibilité qui résulte de la loi pénitentiaire de 2009 constitue en effet une dénaturation du sens de la peine de prison, au demeurant non comprise par la plupart des magistrats eux-mêmes. »

Je veux réagir pour deux raisons.

Premièrement, les magistrats comprennent, me semble-t-il, cet article, qui n’est pas difficile à interpréter.

Deuxièmement, nous plaidons ici – tel est l’esprit du texte qui nous est soumis – pour que la peine de prison soit conçue de telle manière qu’elle permette la sortie et la réinsertion du détenu dans les meilleures conditions possible. Aussi, je comprends mal qu’on considère qu’un aménagement de peine, qui est, d’ailleurs distinct pour les récidivistes et les autres, puisse dénaturer le sens de la peine de prison.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 43 et 50 rectifié ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Tasca, le Gouvernement est malheureusement défavorable à votre amendement n° 43, dont les dispositions, vous en conviendrez, vont plus loin que la rédaction actuelle de la loi pénitentiaire.

Monsieur le rapporteur, je voudrais apporter une nuance concernant le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Les députés, sur l’initiative de leur rapporteur, ont effectivement fixé le seuil d’aménagement des peines à un an pour tous. Néanmoins, ils ont introduit un dispositif dérogatoire de deux ans pour les personnes ayant fait l’objet de condamnations à plusieurs peines de prison, lorsque celles-ci sont inférieures à un an.

Le Gouvernement ayant présenté son propre amendement – j’essaie de ne pas faire de bipolarité ! (Sourires.) –, il est également défavorable à l’amendement n° 50 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l'amendement n° 43.

Mme Virginie Klès. Mon explication de vote vaudra également pour l’amendement n° 50 rectifié, qui subira, me semble-t-il, le même sort que l’amendement n° 43. Je veux insister sur les propos de ma collègue Catherine Tasca.

Les récidivistes sont des délinquants qui, à un moment ou à un autre, pour une raison ou pour une autre, rechutent. Cette rechute les expose à un quantum de peine plus important et elle est inscrite dans leur dossier, qui est accessible au juge. En refusant de leur accorder les mêmes aménagements de peine qu’aux autres personnes, il me semble, une fois de plus, que nous faisons le contraire de ce que nous devrions faire.

En effet, ce sont les multirécidivistes qui ont le plus besoin d’être accompagnés, voire, dans certains cas, encouragés, alors même qu’ils étaient sur le bon chemin. La récidive n’est pas forcément un acte plus grave que le précédent ; elle peut, au contraire, être moins grave. Or ces circonstances ne sont plus prises en compte dès lors que l’on décrète que la récidive implique un seuil d’aménagement de peine différent de celui des autres condamnés, et donc un accompagnement différent.

Même si j’ai peu d’espoir d’être entendue, j’insiste sur la demande que j’ai formulée conjointement avec Mme Tasca et d’autres collègues, à savoir considérer la récidive comme une rechute et donc l’intégrer comme un élément du dossier, qui n’entraîne pas forcément une diminution des droits à l’accompagnement.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Pour ma part, je voterai également l’amendement n° 43, car j’ai été convaincu par les arguments de mes collègues Catherine Tasca et Virginie Klès.

Il s’agit d’aménager la peine d’emprisonnement, c'est-à-dire, dans l’esprit de la loi, d’aller dans le sens de l’efficacité de la peine, en donnant une chance supplémentaire à la personne condamnée.

Pour cette raison, il n’y a pas lieu de faire de distinction entre les récidivistes et les non-récidivistes. C’est pourquoi je soutiens cet amendement avec force.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout d’abord, je dois l’avouer, je n’ai pas compris que l'Assemblée nationale ait abaissé le seuil d’aménagement des peines d’emprisonnement à un an pour les primo-délinquants. Je ne sais pas pourquoi elle en a décidé ainsi.

Rappelez-vous, mes chers collègues, quelques épisodes historiques : à un certain moment, on a voulu abaisser le seuil à un an, mais le Sénat a tenu bon, en le maintenant à deux ans. Toutefois, vous oubliez de dire en quoi consiste l’aménagement de peine.

Comprenez-le bien, les aménagements de peine n’ont rien à voir avec les peines alternatives. Ils concernent des personnes ayant été condamnées à deux ans de prison ferme ou à une peine avec sursis, dont deux ans fermes. Une personne condamnée à cinq ans, dont deux ans fermes, a la possibilité de bénéficier d’un aménagement de peine.

Honnêtement, on peut dire tout ce que l’on veut, mais les récidivistes et les primo-délinquants, ce n’est quand même pas pareil ! Une personne qui, après avoir déjà été condamnée à une peine de prison, quelquefois aménagée, est de nouveau condamnée à une peine de prison d’un an ferme n’a, veuillez m’excuser, rien à voir avec un primo-délinquant.

Méfiez-vous, mes chers collègues, car nous étions parvenus à un équilibre. Un récidiviste peut être condamné à une autre peine ; vous avez pris un certain nombre de dispositions par ailleurs.

Pour ma part, à l’instar du président de la commission des lois, je m’en tiens au dispositif que nous avons adopté en 2009. Y déroger nous exposerait à des problèmes. Cela serait mal compris.

Madame la garde des sceaux, je regrette, tout comme vous, que toutes les dispositions en vigueur ne soient pas appliquées. On oublie de le dire, mais l’aménagement de peine va quelquefois jusqu’à un travail d’intérêt général, la semi-liberté ou encore, selon les cas, le placement à l’extérieur d’une personne qui a été condamnée à deux ans de prison ferme, ce qui n’est pas rien !

Je vous l’ai dit et je le répète, si toutes les possibilités prévues dans la loi pénitentiaire étaient appliquées, nous nous poserions beaucoup moins de questions. C’est pourquoi je reste fidèle au dispositif que nous avons adopté en 2009.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Permettez-moi de retracer très rapidement l’historique, assez étrange, du seuil d’aménagement des peines d’emprisonnement à deux ans.

Ce seuil avait été effectivement prévu dans le projet de loi pénitentiaire, présenté par Mme Dati, alors garde des sceaux. La loi à peine votée, le précédent gouvernement était intervenu à de nombreuses reprises, par l’intermédiaire de tel ou tel de nos collègues, pour abaisser ce seuil à un an. À chaque fois, le Sénat a effectivement ferraillé et résisté – Jean-Jacques Hyest, le premier, que j’ai essayé d’accompagner – pour maintenir le texte tel qu’il avait été adopté. J’admire la continuité gouvernementale : sur ce point, il semble que, d’un gouvernement à l’autre, les principes ne diffèrent pas !

On a beaucoup reproché au texte qui nous est présenté de vouloir vider les prisons. Je ne pense pas que tel soit son objet, mais je ne souhaite pas non plus qu’il les remplisse ! Or si l’on modifie le seuil d’aménagement des peines, les effets seront plus importants, d’après l’étude d’impact elle-même, que ceux qui découlent de la suppression des peines planchers.

Enfin, concernant la question des primo-délinquants et des récidivistes, j’indique qu’on est primo-délinquant avant d’être récidiviste. Cette personne aura donc une période durant laquelle elle pourra bénéficier du seuil d’aménagement de deux ans.

Par ailleurs, une telle mesure poserait un problème de pédagogie à l’égard de l’opinion publique et d’acceptabilité de cette réforme.

M. Jean-René Lecerf. Aussi, j’estime qu’il est sain de maintenir cette distinction entre le récidiviste et le primo-délinquant.

Pour toutes ces raisons, j’approuve sans réserve la position de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mon collègue Jean-René Lecerf a dit beaucoup mieux que moi ce que j’avais l’intention de dire.

Je ne connais pas l’historique de cette question, mais je voulais, moi aussi, parler de l’effet de cette énième réforme pénale sur l’opinion publique, qui a besoin, dans cette période extrêmement troublée, de comprendre les lois que nous adoptons, notamment en matière de prévention.

Lorsque j’ai fait mes études de droit il y a un certain nombre d’années, dans un comité de prévention de la délinquance, où l’on suivait des jeunes en équilibre précaire, on disait : « La prévention, cela dépend aussi de nous. » Je ne sais pas ce qu’on a fait pendant trente ans, mais, à considérer l’augmentation des chiffres de la délinquance, force est de constater que tout ce qu’on a inventé n’a pas vraiment fonctionné.

La loi pénitentiaire qui a été adoptée en 2009 me semble non seulement équilibrée, mais également bien comprise, comme l’a rappelé M. le président de la commission des lois. C’est pourquoi nous suivrons l’avis de la commission des lois et du rapporteur sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je veux dire que je maintiens ma position, qui a d’ailleurs été confirmée lors des auditions que nous avons réalisées par d’éminentes personnalités, telles que Mme Tulkens et M. Badinter.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Claude Requier. Je retire l’amendement n° 50 rectifié, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 7 bis (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 395 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « ans », sont insérés les mots : « , sans excéder sept ans » ;

2° Au deuxième alinéa, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « sans excéder sept ans ».

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 61, dont les dispositions portent, elles aussi, sur la comparution immédiate.

M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 61, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, et qui est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 397-4 du code de procédure pénale, le mot : « un » est remplacé par les mots : « une peine d’au moins une année d’ ».

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Esther Benbassa. Une recherche menée par la Ligue des droits de l’homme sur une centaine d’audiences de comparution immédiate a abouti à un constat alarmant sur ce qui peut s’apparenter à une justice d’abattage.

Selon cette enquête, les affaires sont jugées en moyenne en trente-six minutes. Seulement 2 % des affaires jugées font l’objet d’une relaxe, alors que 57 % d’entre elles aboutissent à une peine de prison ferme. Dans 80 % des cas, les juges suivent les réquisitions du parquet.

Nous considérons que de trop nombreux délits sont couverts par la comparution immédiate. Il est indispensable que les affaires les plus graves puissent être jugées dans les meilleures conditions possible.

Aussi, par l’amendement n° 60, nous proposons de revenir à la situation antérieure à la loi de 2002, en limitant la comparution immédiate aux délits pour lesquels la peine encourue est inférieure à sept ans de prison.

L’amendement n° 61 a pour objet, quant à lui, d’aligner les conditions d’incarcération des personnes condamnées en comparution immédiate sur le droit commun : un mandat de dépôt, hors récidive, ne pourra être délivré que pour les peines d’au moins un an de prison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 60, je partage évidemment, depuis très longtemps, les réticences de Mme Benbassa sur la procédure de comparution immédiate, auparavant appelée « procédure de flagrant délit », qui aboutit très souvent à prononcer des peines de prison.

Toutefois, l’adoption de cet amendement pourrait avoir des effets inopportuns, en interdisant notamment de juger sur-le-champ un auteur d’agression sexuelle sur mineur ou de vol avec violences. La personne poursuivie pourrait alors être mise en détention provisoire pendant plusieurs mois et, dans ce cas, il est encore préférable qu’elle puisse être jugée en comparution immédiate.

Si Mme Benbassa ne retirait pas cet amendement – mais je ne doute pas qu’elle le fera, avec le bon sens qui la caractérise ! –, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.

L’amendement n° 61 vise pour sa part à limiter la possibilité pour la juridiction de jugement d’ordonner le placement en détention de la personne condamnée à une peine de moins d’un an de prison dans le cadre d’une comparution immédiate. En l’état du droit, il s’agit d’une simple faculté pour la juridiction, qui doit spécialement motiver sa décision d’après les éléments de l’espèce. Il n’y a donc là rien d’automatique.

En outre, l’article 3 du projet de loi, précédemment examiné, renforce l’obligation pour le juge de motiver les peines d’emprisonnement sans sursis, et l’article 5 abroge les peines planchers.

C’est pourquoi, là encore, si le bon sens de Mme Benbassa ne prévalait pas, je devrais également être défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de ces amendements.

Le Gouvernement est malheureusement défavorable à l’amendement n° 60, dont l’adoption pourrait avoir des effets pervers.

Je comprends les crispations suscitées par la procédure de comparution immédiate, que certaines juridictions ont utilisée de manière abusive ces dernières années, alors même qu’il s’agit d’une procédure lourde à mettre en œuvre, les jugements devant être rendus par une formation collégiale. Il n’en demeure pas moins que cette procédure se justifie dans certaines situations.

Quant à vouloir l’interdire pour des faits passibles d’une peine de prison supérieure à sept ans, même si je comprends l’esprit d’une telle mesure – pour des faits aussi graves, il faut souvent du temps pour mener l’enquête, et il est préférable d’éviter une audience trop rapide –, je voudrais apporter deux précisions.

Tout d’abord, les juridictions usent désormais avec plus de discernement de la comparution immédiate, conformément à la circulaire de politique pénale que j’ai adressée aux parquets généraux le 19 septembre 2012.

Ensuite, nous sommes en train de transposer les dispositions des directives dites « B » et « C » – nous avons encore dix-huit mois pour cette dernière – qui autorisent, en cas de comparution immédiate, la présence de l’avocat lors du déferrement devant le procureur de la République.

Compte tenu de ces aménagements, je vous suggère donc de retirer l’amendement n° 60, madame Benbassa, d’autant que la mesure que vous proposez aurait pour conséquence d’exclure de la procédure de comparution immédiate des infractions graves qui justifieraient d’en relever.

Je vous propose aussi de retirer l’amendement n° 61, en raison surtout du risque d’effets pervers que ses dispositions comportent. Le seuil d’une peine d’un an d’emprisonnement pourrait en effet inciter un magistrat à prononcer cette peine pour pouvoir ordonner simultanément un mandat de dépôt, alors qu’il aurait sans doute prononcé une peine inférieure sans cet effet de seuil. Là encore, faisons confiance aux magistrats et considérons qu’ils n’ordonneront pas de mandat de dépôt sans raison.

M. le président. Madame Benbassa, les amendements nos 60 et 61 sont-ils maintenus ?

Mme Esther Benbassa. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 60 et 61 sont retirés.

Articles additionnels après l'article 7
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Articles additionnels après l'article 7 bis

Article 7 bis

(Non modifié)

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 721 est ainsi modifié :

a) Les deuxième et quatrième alinéas sont supprimés ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « ou du deuxième » sont supprimés et le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article 721-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « excéder », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « trois mois par année d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année. » ;

b) La deuxième phrase est supprimée ;

c) À la dernière phrase, les mots : « ou, si elle est en état de récidive légale, un mois par an ou deux jours par mois » sont supprimés.

II. – Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Le rapporteur de l’Assemblée nationale a justifié cet article en expliquant que, pour éviter la récidive, il fallait aligner le régime des réductions de peines des récidivistes sur celui des primo-délinquants.

Toutefois, il oublie que ces personnes ont déjà récidivé ! Nous ne souhaitons pas abolir toute distinction entre ces deux catégories de détenus et nous pensons que le système actuel est largement suffisant, sauf à faire totalement disparaître la récidive d’un certain nombre de dispositifs.

J’aurais également souhaité que l’on avance des preuves avant de proposer de telles modifications. Or aucune étude n’a été menée.

Depuis toujours, les récidivistes sont soumis à un régime de diminution de peine différent des primo-délinquants. Je trouve curieux de vouloir aligner ces deux régimes et je vois dans l’argumentation de M. le rapporteur un paradoxe.

Il a fait allusion à la réitération et souligne que la notion de récidive légale n’est pas complètement pertinente. Nous pouvons en convenir, mais nous proposons pour notre part d’en rester au système actuel.

Je précise que cet argumentaire vaudra défense de l’amendement n° 10, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les peines prononcées à l’encontre des récidivistes peuvent déjà être plus lourdes. Dès lors, il nous semble préférable d’aligner leur régime de réduction de peine sur celui des primo-délinquants.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7 bis.

(L'article 7 bis est adopté.)

Article 7 bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 7 ter

Articles additionnels après l'article 7 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 42, présenté par Mmes Klès et Tasca et M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 721-1 du code de procédure pénale, après le mot : « qui » sont insérés les mots : « , entrés illettrés en détention ont mis à profit cette dernière pour apprendre à lire et à écrire ou ».

La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Cet amendement tend à affirmer très clairement la nécessité de lutter contre l’illettrisme pour mieux lutter contre la délinquance.

En effet, beaucoup de détenus sont totalement illettrés à leur entrée en prison. Et si le code pénal mentionne aujourd’hui clairement des formations diplômantes ou la fréquentation de la bibliothèque, ces actions paraissent inconcevables et hors de portée pour un détenu illettré.

C’est pourquoi il nous semble important de viser très clairement les personnes qui vont faire l’effort, en prison, d’apprendre à lire et à écrire. C’est en effet le b.a.-ba, la première marche vers des formations diplômantes ou professionnalisantes, mais aussi vers l’estime de soi, autant d’éléments extrêmement importants en matière de lutte contre la récidive.

M. le président. L'amendement n° 120, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 721-1 du code de procédure pénale, après les mots : « ou d’une formation, » sont insérés les mots : « en s’investissant dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, en participant à des activités culturelles et notamment de lecture, ».

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce sujet est apparu lors du débat à l’Assemblée nationale, et j’y ai été sensible.

Malheureusement, la rédaction de l’amendement présenté par le député UMP Jean-Frédéric Poisson n’était pas satisfaisante.

Nous avons donc travaillé sur ce thème entre les deux lectures de façon à compléter l’article 721-1 du code de procédure pénale, pour intégrer les efforts du détenu en matière de lecture et de calcul dans le décompte du calcul des réductions de peine.

Je rappelle simplement que le taux d’illettrisme est de 7 % à l'échelon national, contre 27,8 % dans les établissements pénitentiaires. Nous avons donc des progrès à faire. Nous avons déjà signé une convention avec l’éducation nationale pour qu’elle effectue des interventions plus fortes et plus continues dans les établissements pénitentiaires. Cependant, il me paraît pertinent d’inciter aussi les détenus à s’impliquer.

Enfin, si les amendements nos 42 et 120 ont le même esprit, le Gouvernement a la faiblesse de préférer le sien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mme la ministre sera contente, car, à titre personnel, j’ai aussi une faiblesse pour l’amendement du Gouvernement. (Sourires.)

La commission avait accepté l’amendement de Mme Klès, considérant que cette disposition méritait de figurer dans le texte.

Je considère pour ma part que l’amendement du Gouvernement est plus complet, sous réserve toutefois de supprimer les mots « et notamment de la lecture », qui apparaissent redondants.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais on peut s’investir dans l’apprentissage de la lecture, puis participer à des groupes de lecture !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Madame la garde des sceaux, je vous propose de renvoyer à plus tard les détails de rédaction.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, et je demande à Mme Klès de bien vouloir retirer le sien.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je demande moi aussi le retrait de l'amendement n° 42, au profit de l'amendement n° 120 que j’ai présenté.

M. le président. Madame Klès, l'amendement n° 42 est-il maintenu ?

Mme Virginie Klès. En espérant faire plaisir aussi bien à M. le rapporteur qu’à Mme la garde des sceaux (Sourires.), je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 42 est retiré.

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur l'amendement n° 120.

M. Jean-René Lecerf. Pour ma part, j’avais une faiblesse pour l’amendement de Mme Klès.

En effet, autant les choses sont claires quand il s’agit d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, autant elles deviennent beaucoup plus évanescentes lorsque l’on parle de participation à des activités culturelles. Et dans ce cas, quid des activités sportives ? Autant les termes « lecture, écriture et calcul » me semblent concrets et objectifs, autant les termes « activités culturelles » me semblent relever d’une appréciation très discrétionnaire.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Comme je l’ai dit en commission, je tiens vraiment à ce que la formulation reste celle de l’amendement n° 42. Il ne s’agit pas de récompenser la participation à des activités culturelles comme le football, la couture ou la broderie.

L’illettrisme n’a rien à voir avec la culture. Il s’agit pour les détenus illettrés d’apprendre à lire et à écrire. « Activités culturelles », excusez-moi, cela fait un peu Club Med ! Nous avons des problèmes d’illettrisme en prison et nous devons nous atteler à les résoudre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7 bis.

L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Vial, Béchu, Milon et Ferrand, Mme Duchêne et MM. Grosdidier, Beaumont et Hérisson, est ainsi libellé :

Après l’article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 721-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 721-1-… ainsi rédigé :

« Art. 721-1-… – En application de l’article 721-1 du code de procédure pénale, une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée à toute personne condamnée, quel que soit son niveau d’éducation ou de français, qui lit un livre et en fait un compte rendu écrit selon des modalités définies par décret d’application. Cette réduction, accordée par le juge de l'application des peines après avis de la commission de l'application des peines, est de cinq jours par livre lu et par mois d’incarcération. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Articles additionnels après l'article 7 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 7 quater

Article 7 ter

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le huitième alinéa de l’article 729 est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est supprimée ;

b) À la dernière phrase, les mots : « les cas prévus » sont remplacés par les mots : « le cas prévu » ;

3° Après le mot : « mineur », la fin du second alinéa de l’article 729-3 est supprimée. – (Adopté.)

Article 7 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Articles additionnels après l’article 7 quater

Article 7 quater

Après l’article 723-17 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-17-1 ainsi rédigé :

« Art. 723-17-1. – Lorsqu’une condamnation mentionnée à l’article 723-15 n’a pas été mise à exécution dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle elle est devenue définitive, le condamné, s’il n’est pas incarcéré ou s’il exécute une peine aménagée, est convoqué devant le juge de l’application des peines, préalablement à la mise à exécution de la condamnation, afin de déterminer les modalités d’exécution de sa peine les mieux adaptées aux circonstances, à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale. Cette convocation suspend la possibilité pour le parquet de mettre la peine à exécution.

« Il peut être dérogé aux dispositions du présent article dans les cas prévus par l’article 723-16. »

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Nous souhaitons supprimer l’article 7 quater, qui prévoit que, lorsqu’une peine de prison ferme inférieure à cinq ans n’a pas été mise à exécution dans les trois ans suivant le jugement, le juge d’application des peines peut en modifier les modalités d’exécution. En d’autres termes, le juge de l’application des peines choisira les modalités d’exécution de ces peines : incarcération, aménagement ou même dispense de l’exécution sous certaines conditions.

L’Assemblée nationale a défini l’appréciation à laquelle doit se livrer le juge quant aux modalités d’exécution d’une peine n’ayant pas été exécutée dans un délai de trois ans.

Pour notre part, nous estimons qu'il n'est pas concevable de modifier les règles en cours de mise à exécution, au motif que la justice aurait été défaillante puisqu’elle n’aurait pas été en mesure de faire appliquer une décision.

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 7 quater vise à supprimer certains cas quelque peu absurdes dans lesquels la peine est mise à exécution au bout de plusieurs années, alors que la personne concernée, par exemple, n’a pas reçu la convocation du juge d’application des peines, car elle était sans domicile fixe ou a déménagé, et alors même qu’elle n’a pas réitéré depuis sa condamnation et qu’elle s’est réinsérée.

Si le juge estime qu’il n’y a pas lieu d’aménager la peine, la personne condamnée sera bel et bien incarcérée, le juge conservant la possibilité de mettre la peine à exécution.

La commission est donc défavorable à la suppression de l’article 7 quater.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’article 7 quater permettra de mettre un terme à un certain nombre de situations absurdes ayant pour effets pervers de rendre l’insertion ou la réinsertion plus difficile, parfois même d’y mettre fin.

Les situations telles que celles que vient d’évoquer M. le rapporteur sont fréquentes. Pour ma part, je me suis déplacée dans de nombreux établissements, où j’ai consulté les registres des greffes, comme l’ont du reste également fait certains d’entre vous, ainsi que des députés. Or ces registres montrent que certaines mises à exécution ont lieu plusieurs années après la condamnation, alors que la situation sociale, professionnelle et familiale de la personne condamnée a changé.

Il est donc bon que le juge d’application des peines puisse prendre connaissance de ces situations, les étudier et décider qu’une mesure autre que l’incarcération doit être mise en œuvre, s’agissant d’une condamnation à deux mois d’emprisonnement intervenant au bout de plusieurs années, comme c’est parfois le cas. La personne condamnée a alors un emploi, une vie familiale, et on l’incarcère en mettant à exécution une peine de deux mois !

Vous avez certainement entendu récemment les représentants des personnels pénitentiaires expliquer qu’ils voient parfois arriver dans les établissements des personnes ayant été condamnées à deux mois d’emprisonnement pour le non-paiement d’une pension alimentaire et dont la peine a été prononcée il y a trois ou quatre ans. Pensez-vous réellement que cela contribue à l’insertion ou à la réinsertion ?

Le juge d’application des peines sera appelé à porter une appréciation sur ces situations. Il pourra alors confirmer l’exécution de la peine, donc l’incarcération, ou décider qu’elle doit être exécutée sous une autre forme.

Pour ces raisons, nous souhaitons maintenir l’article 7 quater, et je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Il est vrai que ces cas existent, madame la garde des sceaux, mais ce qui me gêne, c’est que le juge d’application des peines soit appelé à prendre de telles décisions tout seul. Il s’agit tout de même de l’exécution de peines !

Ensuite, je rappelle qu’il y a un risque que se pose un problème d’égalité entre les citoyens sur le territoire. Ainsi, dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, des services de police sont affectés à l’exécution des peines.

Par ailleurs, le quantum de la peine n’est pas précisé. De même, il n’est pas indiqué non plus si le condamné s’est soustrait ou non à l’exécution.

Pour ma part, je suis d’accord pour qu’une peine de deux mois ne soit pas exécutée. Je pense que, effectivement, il faut faire quelque chose dans les cas que vous avez évoqués, madame la garde des sceaux, mais pas ainsi, pas d’une manière systématique et obligatoire. Franchement, je suis un peu surpris par ce qui nous est proposé !

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

M. François-Noël Buffet. J’abonde dans le sens de M. Hyest. Le problème n’est pas que le juge puisse s’adapter à la situation de la personne condamnée. On peut parfaitement comprendre les cas que vous avez évoqués, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur.

Le problème est que ce système concernera des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure à cinq ans. Cela signifie-t-il qu’il s’appliquera, par exemple, à une peine de trois ans de prison dont l’exécution n’est pas intervenue pour des raisons, peut-être, de négligence du système judiciaire ? Ce cas est différent de celui d’une peine de trois mois fermes prononcée pour un délit plus simple. On peut alors comprendre que la condamnation ayant été prononcée il y a longtemps et que la peine n’ayant pas été exécutée, on puisse trouver une autre solution.

Il faudrait préciser que le juge d’application des peines, ou une autre formation, ne peut modifier l’exécution de la peine qu’à la condition que le quantum soit acceptable. Tel doit être l’objet de notre discussion sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entends vos interrogations, messieurs les sénateurs, mais la peine ne sera pas systématiquement modifiée, car le procureur pourra décider de ne pas déférer le condamné devant le juge d’application des peines.

Cette disposition n’est pas un couperet. Elle permettra juste d’examiner certaines situations et de ne pas aggraver les problèmes de certains condamnés, problèmes qu’on retrouverait malheureusement à l’issue des deux mois d’incarcération.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 203 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l’adoption 137
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales.

Nous en sommes parvenus, au sein de l’article 7 quater, à l'amendement n° 77, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

… – L’article 723-16 du même code est abrogé.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 7 quater prévoit que la mise à exécution des peines de prison ferme aménageables qui n’ont pas été exécutées dans un délai de trois ans est subordonnée à un examen préalable du dossier par le juge de l’application des peines, qui choisira les modalités d’exécution les mieux adaptées à la personnalité et à la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

L’objectif visé par cet article est bien de s’assurer que les courtes peines privatives de liberté anciennes ne seront mises à exécution que si elles ont toujours un sens.

L’article 723-16 du code des procédures pénales peut cependant faire échec à cette application et empêcher les condamnés, dans un certain nombre de cas, d’exercer leur droit d’accès au juge et de voir leur situation examinée sur le fond. Pourtant, toute mise à exécution d’une peine devrait se fonder sur une décision au fond de rejet d’aménagement d’une peine par le juge d’application des peines, le JAP.

Nous proposons donc la suppression des dispositions de l’article 723-16 du code des procédures pénales, qui permet aujourd’hui au procureur de la République de mettre à exécution des peines sur la base de critères flous, tels que le risque de fuite ou le risque pour les personnes, sans même que la loi exige une nouvelle condamnation – il suffit d’un « fait nouveau » – et que la personne condamnée ait la possibilité de former un recours, tandis qu’elle peut le faire contre un jugement de rejet d’aménagement de peine.

Cette disposition est en effet contraire à la politique volontariste d’aménagement des peines que ce texte vise à mettre en place et elle réduit souvent à néant le travail antérieur des professionnels.

Pour toutes ces raisons, nous proposons l’abrogation de l’article 723-16 du code des procédures pénales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Nous pensons qu’il est nécessaire de maintenir les dérogations à l’article 723-15 du code des procédures pénales, afin de prendre en compte les cas « d'urgence motivée soit par un risque de danger pour les personnes ou les biens établi par la survenance d'un fait nouveau, soit par l'incarcération de la personne dans le cadre d'une autre procédure, soit d'un risque avéré de fuite du condamné ».

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je comprends l’esprit de votre amendement, madame Cukierman. Cependant, je crois qu’il est prudent de permettre au procureur de décider, dans certaines circonstances, de la mise à exécution de la peine. On doit penser à des situations diverses et réelles, telles que les violences conjugales : il peut se révéler nécessaire d’éloigner la personne violente afin de protéger sa compagne, son épouse et, le cas échéant, les enfants.

Par ailleurs, je rappelle que si la peine est mise à exécution, le condamné peut immédiatement faire saisir le juge d’application des peines pour demander un examen de sa demande d’aménagement. Je crois donc que nous devons laisser cette capacité au ministère public.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai présenté des exemples réels auxquels je pense que vous êtes sensibles – chaque fois que je donne un exemple, je m’appuie sur des cas dont nous avons vérifié l’effectivité. Pour toutes les raisons que je vous ai exposées, je vous demande de retirer cet amendement.

Mme la présidente. Madame Cukierman, l'amendement n° 77 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Cette disposition soulève de véritables questions, à propos desquelles nous devrons peut-être nous interroger au moment de la nécessaire évaluation de la loi.

Les exemples que vous avez mentionnés, madame la garde des sceaux, montrent que nous devons faire attention. En effet, le cadre général ne suffit pas : il existe aussi des exceptions. La question des violences faites aux femmes en est une et j’y suis bien évidemment sensible ; il faut également tenir compte du fait qu’un certain nombre de textes prévoient des mesures particulières en cas de violences faites aux femmes.

Nous devons être attentifs à ne pas ouvrir la porte à l’arbitraire dans l’ensemble de nos procédures pour tenir compte de ces cas très graves que tous réprouvent. Néanmoins, au vu des arguments que vous avez donnés, madame la garde des sceaux, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 77 est retiré.

Je mets aux voix l'article 7 quater.

(L'article 7 quater est adopté.)

Article 7 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 7 quinquies A (nouveau)

Articles additionnels après l’article 7 quater

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 62, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 7 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 723-27 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-27-... ainsi rédigé :

« Art. 723-27-... – Lorsque le procureur de la République ou le procureur général envisage de ramener à exécution la peine d’une personne détenue ou condamnée, il l'en informe, par tout moyen et sans délai.

« La personne dispose d'un délai de dix jours pour saisir le juge de l'application des peines aux fins d’un débat contradictoire sur l’opportunité et sur les modalités d’exécution de la peine les mieux adaptées à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

« Cette saisine suspend la possibilité pour le parquet de mettre la peine à exécution.

« Il est alors statué par le juge d'application des peines selon les dispositions de l'article 712-6. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Comme vous le savez, les mises à l'écrou de peines non exécutées sont aujourd'hui discrétionnaires, alors que les révocations de sursis doivent faire l'objet d'un débat contradictoire.

Par ailleurs, aucune règle ne prévoit actuellement l'information d’une personne détenue ou condamnée. Il arrive ainsi que celle-ci apprenne sa mise à l’écrou la veille, voire le jour de sa sortie, ce qui apparaît contraire à toute préparation à la sortie.

Pour pallier ces deux difficultés, l’amendement n° 62 vise donc à conditionner la mise à exécution d’une nouvelle peine à un débat contradictoire devant le juge de l’application des peines. Au cours de ce débat, le parquet devra justifier du motif de la mise à exécution, et la personne pourra être assistée de son avocat.

Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 7 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 723-27 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-27-... ainsi rédigé :

« Art. 723-27-... – Lorsque le procureur de la République ou le procureur général envisage de ramener à exécution la peine d’une personne détenue ou condamnée, il en informe la personne dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État.

« L’inscription au registre d’écrou est notifiée au condamné au moins dix jours avant sa mise à exécution.

« Le greffe informe sans délai la personne de la date prévisible de libération. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Il s'agit d’un amendement de repli par rapport au précédent. Il tend à conditionner la mise à exécution de la peine au fait d’informer la personne détenue au moins dix jours avant sa mise à l’écrou.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mme Benbassa propose un dispositif très complexe pour la mise à exécution des peines par le parquet, alors que le projet de loi prévoit des dispositions plus simples.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 62 et 63.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Benbassa, ces deux amendements visent effectivement le même but.

L’observation de M. le rapporteur est tout à fait fondée : vous proposez un dispositif complexe. La complexité n’est pas une objection rédhibitoire, mais votre amendement est satisfait par les dispositions votées juste avant la levée de la séance, qui permettent le passage devant le juge d’application des peines des personnes condamnées à une peine de prison allant jusqu’à un an pour les récidivistes et jusqu’à deux ans pour les personnes dont c’est la première incarcération. Si j’ai bien suivi les débats, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté ces dispositions tout à l’heure à l’unanimité !

Le texte prévoit également le passage devant le juge d’application des peines dans le cas où le condamné exécute déjà une peine d’emprisonnement aménagée et dans le cas où la peine est mise à exécution plus de trois ans après avoir été prononcée, disposition également adoptée juste avant la levée de la séance.

Compte tenu de ces dispositions qui, bien entendu, n’étaient pas encore incluses dans le texte du projet de loi au moment où vous avez présenté vos amendements, mais qui doivent satisfaire votre préoccupation, je vous demande de vous vouloir retirer ces deux amendements.

Mme la présidente. Madame Benbassa, les amendements nos 62 et 63 sont-ils maintenus ?

Mme Esther Benbassa. J’entends vos arguments, madame la garde des sceaux ; c’est pourquoi je retire l’amendement n° 62.

En revanche, il me semble nécessaire d’adopter l’amendement n° 63, dont les dispositions sont relativement simples à mettre en œuvre, tandis que je reconnais que celles de l’amendement n° 62 sont complexes.

En effet, je ne suis pas sûre que l’amendement n° 63 soit également satisfait par les dispositions qui viennent d’être votées. Peut-être pourrions-nous le vérifier ? Je suis prête à retirer l’amendement s’il est satisfait…

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mettons-le aux voix ! Nous sommes ici essentiellement pour voter.

Mme la présidente. L’amendement n° 62 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 63.

Mme Esther Benbassa. Je n’ai pas eu la réponse à ma question, madame la présidente !

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 7 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 7 quinquies (Texte non modifié par la commission)

Article 7 quinquies A (nouveau)

I. – Le second membre de phrase du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal est remplacé par trois phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, la peine privative de liberté encourue est réduite du tiers. En outre, la juridiction tient compte de cette circonstance pour fixer le régime de la peine. Lorsque le sursis à exécution avec mise à l’épreuve de tout ou partie de la peine a été ordonné, cette mesure est assortie de l’obligation visée par le 3° de l’article 132-45 après avis médical et sauf décision contraire de la juridiction. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié:

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 362, après les mots : « des dispositions », sont insérés les mots : « du second alinéa de l’article 122-1 et » ;

2° L’intitulé du chapitre III du titre XXVIII du livre IV est ainsi rédigé : « Mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou en cas de reconnaissance d’altération du discernement » ;

3° Après l’article 706-136, il est inséré un article 706-136-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-136-1. – Le juge de l’application des peines peut ordonner, à la libération d’une personne condamnée dans les circonstances mentionnées au second alinéa de l’article 122-1 du code pénal, une obligation de soins ainsi que les mesures de sûreté visées à l’article 706-136 pendant une durée qu’il fixe et qui ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement. Les deux derniers alinéas de l’article 706-136 sont applicables. » ;

4° À la première phrase de l’article 706-137, les mots : « d’une interdiction prononcée en application de l’article 706-136 » sont remplacés par les mots : « d’une mesure prononcée en application des articles 706-136 ou 706-136-1 » ;

5° À l’article 706-139, la référence : « l’article 706-136 » est remplacée par les références : « les articles 706-136 ou 706-136-1 ».

6° Avant la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 721, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il peut également ordonner, après avis médical, le retrait lorsque la personne condamnée dans les circonstances mentionnées à la première phrase du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal refuse les soins qui lui sont proposés. » ;

7° Le premier alinéa de l’article 721-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« De même, après avis médical et sauf décision contraire du juge de l’application des peines, aucune réduction supplémentaire de peine ne peut être accordée à une personne condamnée dans les circonstances mentionnées à la première phrase du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal qui refuse les soins qui lui sont proposés. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, la juridiction tient compte de l’existence de ce trouble lorsqu'elle détermine la peine ainsi que sa durée et qu’elle en fixe le régime. Si elle prononce une peine privative de liberté, elle doit décider d’une durée moindre que celle qu’elle aurait retenue en l’absence d’un tel trouble, sauf si elle considère que les circonstances de l’espèce et la personnalité du condamné ne permettent pas cette atténuation de la responsabilité pénale. Lorsque la nature du trouble mental de la personne le justifie, la juridiction s'assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l'objet de soins adaptés à son état, le cas échéant dans le cadre d'une contrainte pénale, d’un suivi socio-judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve et, en cas de peine privative de liberté, pendant l'exécution de celle-ci ainsi qu'à l'issue de son exécution. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Une disposition adoptée par l’Assemblée nationale prévoyait une réduction de moitié de la peine en cas de trouble mental. Nous avions estimé que ce système était rigide. Il est certain que l’altération de la raison doit être prise en compte dans la détermination de la peine, mais il n’est pas pertinent de prévoir une réduction rigide.

Sur la base d’une proposition de loi de Jean-René Lecerf, que le Sénat avait adoptée,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … votre commission des lois avait prévu une réduction du tiers de la peine en cas de trouble mental. C’est la même logique de rigidité.

C'est pourquoi nous proposons de supprimer la disposition en question, tout en rappelant que l’altération de la raison est un motif d’atténuation de la peine.

Mme la présidente. L'amendement n° 64, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer les mots :

fixer le régime de la peine

par les mots :

déterminer la peine et en fixer le régime

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. L’article 7 quinquies A, introduit par la commission des lois, concerne les personnes dont le discernement était altéré au moment de la perpétration d’un crime ou d’un délit. Il prévoit de diminuer du tiers la durée des peines encourues.

Nous souscrivons à cette volonté, mais nous considérons que la juridiction doit tenir compte de l’altération du discernement à la fois lorsqu’elle détermine la peine et lorsqu’elle fixe son régime. Tel est l’objet du présent amendement.

Madame la présidente, j’espère que, cette fois, vous ne déciderez pas autoritairement de le mettre aux voix !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 64. En revanche, elle est défavorable à l’amendement n° 92.

Sur ma proposition, la commission des lois a introduit dans le projet de loi le texte d’une proposition de loi, qui avait été signée notamment par Jean-René Lecerf, puis votée par le Sénat. Celle-ci résultait d’un rapport d’information fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales par Gilbert Barbier, Christiane Demontès, Jean-René Lecerf et moi-même.

La proposition de loi avait été votée à l’unanimité, contre l’avis du Gouvernement. Je constate que, si les gouvernements changent d’orientation, leurs services – ou je ne sais qui – n’en changent pas. La rédaction proposée par le Gouvernement est inacceptable. Elle est très imprécise et elle ne changera rien à la situation actuelle.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 92.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 64 ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne puis qu’être défavorable à cet amendement, puisque ses dispositions portent sur l’alinéa que l’amendement du Gouvernement vise à modifier. C’est cependant à regret, le cœur déchiré, que j’émets cet avis ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Je voudrais resituer le problème dans son contexte. J’avoue que je suis assez surpris de lire, dans l’objet de l’amendement du Gouvernement, qu’une « diminution systématique de la peine du tiers paraît trop rigide et assez artificielle, car elle s’appliquerait quelle que soit l’importance de l’altération du discernement, même en cas d’altération très légère ».

Ce que nous visons, ce ne sont pas des problèmes d’altération très légère. La mission d’information que le rapporteur a évoquée avait évalué à 10 % – et je pense que notre évaluation était faible – la proportion de détenus dont l’état psychiatrique était tel que la peine n’avait strictement aucun sens pour eux, et qu’ils n’avaient donc pas grand-chose à faire dans les prisons de la République, qu’ils transformaient en asiles du XXIe siècle.

Je me félicite de la franchise d’un certain nombre de présidents de cour d’assises, que j’avais eu l’occasion de rencontrer au moment des débats sur la loi pénitentiaire.

Le problème, c’est qu’il n’y a pas de lieu d’accueil pour les personnes dont le discernement est tellement altéré qu’il est presque aboli, pour ne pas dire qu’il l’est purement et simplement. On ne sait donc pas quoi en faire ni où les mettre, puisqu’il n’y a plus assez de lits psychiatriques dans des établissements fermés. De ce fait, les experts ne se précipitent pas pour estimer qu’il y a abolition du discernement.

Quelles sont les conséquences de cette situation ? Les cours d’assises traitent des personnes dont le discernement est aboli ou quasi aboli comme si leur discernement n’était qu’altéré. Cela explique une partie des problèmes de nos prisons. (M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.) Cela explique, par exemple, le nombre particulièrement important de suicides. En effet, on sait très bien que les personnes souffrant de problèmes psychiatriques très lourds sont plus portées au suicide que les autres.

Le comble du comble, c’est que le principe, posé par le législateur, d’une appréhension différente de la situation des personnes dont le discernement est altéré s’est retourné contre ces personnes, puisqu’elles sont condamnées plus lourdement que si elles étaient saines d’esprit.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !

M. Jean-René Lecerf. Nous avons donc voulu faire en sorte que l’on ne puisse plus se tromper sur le caractère de circonstance atténuante et non aggravante d’une altération considérable, confinant à l’abolition, du discernement. D’où notre proposition de diminuer la peine du tiers.

Bien entendu, nous avons également prévu, pour compenser le fait que les personnes concernées reviendront plus rapidement dans la société, de renforcer leurs obligations de soins aussi bien pendant qu’après la détention.

Je crois qu’il s’agit d’un vrai problème. La preuve, c’est que la proposition de loi avait été adoptée à l’unanimité ; ce n’est pas si fréquent, surtout quand le Gouvernement est hostile au texte. Je me souviens de cette séance un peu particulière, durant laquelle nous n’avions pas vraiment l’impression d’avoir une écoute satisfaisante de la part de la représentante du gouvernement de l’époque.

Je rejoins totalement l’argumentation de M. le rapporteur. De deux choses l’une : soit on essaie d’inscrire l’essentiel de la proposition de loi dans le présent projet de loi, soit la situation actuelle, qui n’est pas à l’honneur d’une démocratie avancée comme la nôtre, continuera d’exister.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Pour l’avoir constaté moi-même, je peux confirmer l’état de nos prisons. Elles abritent beaucoup de malades mentaux – je parle de malades graves, pas de personnes un peu dérangées – dont la place n’est pas en prison, même si nombre d’entre eux sont des criminels.

Madame la garde des sceaux, vous avez rappelé que j’avais participé à l’élaboration du code pénal. Je me souviens fort bien de la transformation de l’ancien article 64, qui est maintenant l’article 122-1. Auparavant, la notion retenue était l’état de démence – au moment des faits et non de manière générale, je le rappelle. Après avoir consulté les spécialistes, nous avons opté pour les notions d’abolition et d’altération du discernement.

Cependant, depuis lors, il est très rare que les cours d’assises déclarent des accusés irresponsables au motif que leur discernement était aboli au moment des faits. Plus leur maladie mentale est importante, plus les personnes sont condamnées. C’est tout de même un paradoxe ! Auparavant, un grand nombre de personnes étaient déclarées irresponsables au motif qu’elles étaient en état de démence au moment des faits.

Il faut dire que, à cette époque, il y avait un certain nombre d’établissements psychiatriques accueillant les malades en milieu fermé ; je pense, par exemple, à l’hôpital Maison-Blanche. L’évolution de la psychiatrie en France – ce n’est pas vrai ailleurs – a fait disparaître beaucoup d’entre eux, au nom de principes sans doute très intéressants.

Comment résoudre le problème ? Madame la garde des sceaux, vous dites que les tribunaux pourront tenir compte de l’état mental des accusés, mais ils devraient déjà en tenir compte. Si on ne prend pas de mesure forte, les choses risquent de continuer comme aujourd'hui. J’estime qu’il faut prévoir une réduction automatique de la peine quand il y a vraiment atténuation de la responsabilité.

Le texte prévoit aussi des soins en complément de la réduction de la peine. Vous savez bien qu’il est difficile d’organiser des soins dans les établissements pénitentiaires. On connaît l’établissement de Château-Thierry, qui n’est pas un hôpital, mais qui y ressemble un peu. L’administration pénitentiaire a besoin de ce type d’établissements.

En votant à l’unanimité la proposition de loi de Jean-René Lecerf en 2011, le Sénat a essayé de répondre à une vraie question, qui n’est toujours pas résolue. Honnêtement, madame la garde des sceaux, votre amendement est tout à fait insuffisant de ce point de vue. C'est pourquoi je soutiens la position de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je voulais simplement dire que le travail fait par la commission était très important. Le rapport rédigé par Gilbert Barbier, Christiane Demontès, Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel était de haute qualité. Ils ont procédé à de nombreuses investigations et organisé de nombreuses auditions. Nous sommes tous porteurs de ce rapport.

Nous pensons véritablement que l’altération du discernement doit être un facteur d’atténuation de la peine. Nous voulons le marquer fortement, de manière explicite. J’ajoute, madame la garde des sceaux, qu’il va de soi pour nous que l’atténuation de la peine doit aller de pair avec des garanties en matière d’obligation de soins pendant et après la détention.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit d’un sujet important ; vous permettrez donc que je m’exprime à nouveau.

Ma préoccupation, c’est d’éviter une rigidité. J’entends l’argumentaire développé aussi bien par Jean-René Lecerf que par Jean-Jacques Hyest. Je dis simplement que certains cas d’altération légère du discernement ne justifient pas une réduction du tiers de la peine.

Je vous entends quand vous évoquez les situations inquiétantes qui vous préoccupent et qui nous préoccupent également. Vous l’avez dit, les personnes en question ont souvent des tendances suicidaires ; elles ont aussi des tendances agressives. En tout état de cause, leur situation ne peut que s’aggraver en milieu carcéral.

Dans ces cas-là, il y a danger pour elles-mêmes, pour les personnels pénitentiaires et, potentiellement, pour la société, car ces personnes sortiront dans un état d’altération psychologique plus important. Ce point est à prendre en considération.

Je comprends cette logique du tiers, car il faut sortir de cette situation paradoxale, que vous avez décrite, dans laquelle la fragilité psychologique de la personne génère de la peur, aussi bien chez les experts que chez les magistrats, lesquels craignent de voir leur responsabilité engagée s’ils ne prononcent pas de peine d’incarcération ou si la peine est atténuée. Le paradoxe est donc que la sanction est souvent plus lourde.

Je comprends donc que vous souhaitiez plutôt inverser la logique en précisant qu’une altération du discernement doit être prise en considération comme une circonstance atténuante.

Cependant, si vous fixez la barre à une réduction d’un tiers, je crains que la juridiction ne décide de ne pas tenir compte de l’altération, lorsque celle-ci est légère, plutôt que de prononcer une peine inférieure d’un tiers, qui paraîtrait trop laxiste eu égard à l’état du coupable.

Je vous soumets simplement mon inquiétude, mais je suppose que vous en avez tenu compte, lors des travaux que vous avez conduits, au travers de vos auditions et de vos réflexions.

M. André Reichardt. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Néanmoins, je tiens à dire que le risque me semble réel qu’une altération qui justifierait une réduction moindre que le tiers de la peine ne soit plus prise en compte à l’avenir, alors que cette dégradation de l’état psychique est avérée et nécessiterait d’être prise en considération.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais je tiens à préciser que c’est non pas la peine prononcée, mais la peine encourue qui sera réduite.

Par ailleurs, la mise en œuvre de cette mesure dépendra des conclusions du rapport d’expertise psychiatrique. Si l’altération est légère, tous les psychiatres que la France peut connaître et les présidents de cour d’assises que nous avons entendus nous ont confirmé qu’il n’y avait pas lieu de prononcer une peine réduite, tous estimant que l’état n’a pas eu d’influence sur l’acte de délinquance en lui-même dans ce cas-là.

À mon sens, il n’y a pas de souci à se faire sur ce dispositif, que nous avons élaboré en toute connaissance de cause, après nous être déplacés en Suisse et en Belgique, notamment.

Je suis donc opposé à l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 78, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à supprimer la surveillance judiciaire pour les personnes dont le discernement était altéré à la date des faits.

Selon les alinéas 6 à 9 de l’article 7 quinquies A, l’autorité judiciaire a la possibilité d’imposer pendant dix à vingt ans, selon une procédure très minimaliste, des mesures de sûreté, alors que le suivi de ces personnes relève d’une prise en charge médicale à la libération, sous contrainte si nécessaire, avec notamment l’organisation d’un relais entre l’unité de consultation et de soins ambulatoires, les services médico-psychiatriques régionaux et la psychiatrie de secteur.

En vertu des alinéas 10 à 13, le juge de l’application des peines est contraint dans le prononcé des réductions de peine supplémentaires accordées aux personnes au discernement altéré en cas de refus de soins, quelle que soit l’infraction, alors que, jusqu’à présent, ces restrictions concernaient des « types » de fait. Ils sont par ailleurs complexes à mettre en œuvre, puisqu’il faudra avoir eu un avis médical et un refus postérieur.

Il importe de rappeler que les détenus peuvent être soumis à des hospitalisations sous contrainte. En cas de troubles mentaux persistants, cette question relève à nos yeux du domaine médical et non du droit pénal.

C’est pourquoi nous vous proposons la suppression de ces alinéas au sein de l’article 7 quinquies A.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, et j’espère que Mme Cukierman aura le bon sens de le retirer, car le texte de la proposition de loi, qui avait été votée à l’unanimité, repose sur un équilibre : s’il y a une altération grave, il est prévu une réduction d’un tiers de la peine encourue, mais, parallèlement, il est possible de prononcer une obligation de soins renforcés tant au sein de l’établissement pénitentiaire qu’à sa sortie, pour que la personne ne se retrouve pas sans suivi médical.

D’ailleurs, le principe de cette obligation de soins a été avalisé par tous les psychiatres que nous avons entendus et qui, on peut le dire, représentaient toutes les sensibilités politiques. À mon sens, il faut donc maintenir l’obligation de soins.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement pense aussi qu’il faut une obligation de soins. Seulement, à M. le rapporteur qui nous dit qu’un équilibre a été trouvé, je rappelle que cette disposition de l’alinéa 7 correspond à une obligation dans le cas où la personne est reconnue irresponsable, donc n’est pas condamnée.

En l’espèce, vous introduisez cette mesure dans le cas d’une condamnation, même si elle est moindre, d’un tiers en fonction de l’altération du discernement constatée par expertise. Néanmoins, la personne exécute bien une peine, donc je ne crois pas qu’il soit équilibré de retenir cette injonction de soins, telle que vous la prévoyez.

C’est pourquoi, au contraire de M. le rapporteur, le Gouvernement est favorable à l’amendement de Mme Cukierman, sous réserve que celle-ci le modifie pour maintenir les alinéas 10 à 13. À mon sens, le texte serait alors plus juste.

Mme la présidente. Madame Cukierman, que pensez-vous de la proposition de rectification suggérée par Mme la garde des sceaux ?

Mme Cécile Cukierman. Effectivement, notre amendement peut être scindé en deux.

S’agissant des équilibres évoqués, je tiens à rappeler, sans ressortir les comptes rendus de nos débats, que nous avons toujours été un peu frileux sur la question des mesures de sûreté. Ce n’est donc pas à ce sujet qu’un équilibre a pu être trouvé.

Néanmoins, je rectifie mon amendement en ce sens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 78 rectifié, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et qui est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas.

Le Gouvernement a émis un avis favorable sur cet amendement.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission reste défavorable à l’amendement de Mme Cukierman.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’y insiste, le rapport réalisé par la commission est équilibré, puisqu’il prévoit l’atténuation de la peine et l’obligation de soins pendant la période de détention et, le cas échéant, après.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pendant dix ans, même s’il a exécuté la peine !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Si l’on remet cette mesure en cause, on détruit l’équilibre du texte.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, on ne peut pas parler d’équilibre !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7 quinquies A, modifié.

(L'article 7 quinquies A est adopté.)

Chapitre II bis

Dispositions relatives à la justice restaurative

Article 7 quinquies A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8

Article 7 quinquies

(Non modifié)

Le sous-titre II du titre préliminaire du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Sous-titre II

« DE LA JUSTICE RESTAURATIVE

« Art. 10-1. – À l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, les victimes et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative.

« Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. »

Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Il s’agit d’un article bien sympathique ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas sa vocation ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. Tout d’abord, il pose un problème de vocabulaire : s’agissant de la justice, faut-il utiliser le terme de « restauratrice » plutôt que « réparatrice » ?

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai lu comme vous la directive européenne qui parle de « justice réparatrice ». Elle évoque d’ailleurs beaucoup d’autres sujets, comme la médiation pénale.

Toutefois, cet article sera-t-il suffisant pour dire que l’on a rempli les obligations de la directive ? Personnellement, j’en doute, car votre texte fixe un principe général, sans détails et sans les modalités d’application de cette justice réparatrice ou restauratrice.

Nous savons très bien que cette idée vient des États-Unis, où des criminologues ont travaillé sur le sujet, et qu’elle s’est ensuite développée au Canada. Je rappelle que, dans ces pays, il n’y a pas de procès pénal comme le nôtre ; il est même très rare que l’on aille jusqu’à l’audience de jugement. Ceux qui le connaissent savent que ce contexte judiciaire est complètement différent.

Néanmoins, puisque c’est la mode de copier le modèle anglo-saxon, allons-y ! (Mme la garde des sceaux fait un signe de dénégation.) Si, madame la garde des sceaux ! Nous y allons tout doucement, car l’Europe nous l’impose. Je pense pour ma part que nous ne nous battons pas assez pour défendre notre système judiciaire européen.

En même temps, ce modèle anglo-saxon a un intérêt incontestable, que l’on a d’ailleurs pu constater à l’occasion d’expériences sans texte qui nous sont apparues intéressantes.

Vous constatez donc ma gêne. Ni les membres du groupe UMP ni moi-même ne voterons cet article, car, à notre avis, la question doit être étudiée plus profondément pour préciser les choses. En effet, le texte prévoit de confier la mise en œuvre de cette justice à « un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. »

Bien des bêtises ont été dites à ce sujet, et nous sommes d’accord qu’il ne s’agit pas forcément de confronter l’auteur et la victime. Néanmoins, si je suis d’accord pour faire ces expériences, je le suis moins pour que ces mesures figurent sans plus de précision dans ce texte, n’étant pas sûr qu’elles aient leur place dans notre code de procédure pénale.

Vous comprenez mon hésitation, madame la garde des sceaux : je me dis que ces dispositions peuvent être utiles, mais je me souviens également que les associations de victimes nous ont indiqué que certaines victimes réclament un droit à l’oubli. Bien sûr, le processus sera fondé sur le volontariat, mais qui peut nous garantir que certains ne seront pas « incités » à y participer ?

Ce sujet mérite d’être approfondi. En l’état, je ne pourrai pas voter l’article 7 quinquies.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cette fois, les amendements concernés ne sont pas en discussion commune. J’avoue que je ne comprendrai jamais comment procède la direction de la séance : dans certains cas, les amendements en discussion commune n’ont aucun rapport entre eux ; dans le cas présent, les deux amendements et le sous-amendement visent le même sujet, mais ils ne sont pas en discussion commune !

Lors de la réunion de la commission, j’avais demandé à M. Hyest de retirer l’amendement n° 11. Il vient de nous dire qu’il ne pourrait pas voter cet article, mais je me permets de lui faire observer qu’il y a une marge entre le fait de ne pas voter un article et le fait d’en demander la suppression.

Enfin, M. Mézard a déposé un amendement n° 51 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 121 du Gouvernement. J’émets un avis favorable sur ce sous-amendement et cet amendement. Et je ne m’exprimerai plus sur ce sujet !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous apporter une précision : le règlement du Sénat prévoit que les amendements de suppression ne font jamais l’objet d’une discussion commune.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Eh bien, c’est un mauvais règlement !

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la présidente, sur la suggestion de M. le rapporteur, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 est retiré.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je souhaite intervenir malgré le retrait de cet amendement, parce qu’il s’agit d’un sujet extrêmement important.

Compte tenu des observations que vous avez formulées, monsieur Hyest, je me dois de vous apporter quelques éléments d’information, qui vous permettront peut-être d’évoluer dans votre appréciation.

Cet article s’appuie effectivement sur la directive européenne relative aux droits des victimes, mais nous n’avons pas attendu la publication de ce texte pour réfléchir à ce sujet. Nous saisissons l’occasion offerte par l’examen de ce texte pour inscrire dans la loi une pratique existant déjà dans notre pays et qui a fait l’objet d’une première expérience menée de façon extrêmement rigoureuse.

Le tiers indépendant que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, intervient sous l’autorité de l’administration pénitentiaire ; il s’agit, en l’occurrence, de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, ou INAVEM, c’est-à-dire du réseau des cent quarante-trois associations d’aide aux victimes que certains d’entre vous connaissent bien, mesdames, messieurs les sénateurs. Ce réseau est solide, professionnel, responsable, rigoureux, tout à fait fiable. Une deuxième expérience de rencontres a commencé au début de cette année.

Vous avez eu raison de préciser qu’il existait deux types de rencontres, monsieur Hyest. La rencontre indirecte est la modalité la plus fréquente : elle associe des victimes et des auteurs de faits semblables, mais pas du même acte. La rencontre directe, beaucoup plus exceptionnelle, réunit l’auteur de l’acte et la victime qui a subi le préjudice résultant de cet acte. Indirecte ou directe, la rencontre est organisée sur la base d’un volontariat strict. La victime et l’auteur sont informés de la manière la plus précise possible, et c’est librement qu’ils choisissent de participer à la rencontre, qui n’est pas une rencontre de fantaisie.

Vous avez fait une observation sémantique, à laquelle je veux réagir, monsieur le sénateur. En effet, plusieurs qualificatifs pouvaient être retenus pour cette forme de justice : réparatrice, restauratrice ou restaurative.

J’avoue que je me suis laissé convaincre, avant tout par défaut, que l’expression « justice restaurative » était la meilleure. Les associations d’aide aux victimes le pensent également, parce que la meilleure démarche consiste à faire en sorte que la victime – en plus de tout le reste – puisse se présenter face à un auteur qui admet le tort qu’il a pu causer et reconnaît la victime en tant que telle : il ne s’agit pas d’une abstraction, mais d’une personne qui a subi un préjudice, enduré une souffrance et dont la vie a été perturbée du fait de l’acte de l’auteur. Souvent, l’auteur lui-même entame à cette occasion un processus de responsabilisation.

Je le répète, tout se fait sur la base du volontariat, et j’ajouterai « à titre gracieux », parce qu’il n’y a pas de rétribution – ni réduction de peine, ni cadeau, ni valorisation –, si ce n’est un effet bénéfique pour les personnes qui participent à la rencontre.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est bien pour cette raison que cette disposition n’a pas à figurer dans le code de procédure pénale !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si ! Il faut poser un cadre.

Lorsque je suis devenue ministre, cette expérience avait déjà commencé. J’ai fait preuve d’une grande prudence, parce que j’estime que les victimes doivent être traitées avec d’extrêmes précautions, même si, pour en avoir rencontré un certain nombre, je sais qu’il s’agit de personnes souvent très solides. En tout cas, elles font l’effort personnel de mobiliser leurs ressources, qu’elles découvrent parfois à cette occasion, elles se battent pour tenir debout et, au-delà, vont vers les autres, les aident, s’engagent dans des associations.

Mon premier réflexe a été d’accepter de mettre face à face une victime et un auteur. Un protocole tout à fait rigoureux a été établi avec l’INAVEM, dont le réseau offre toutes les garanties de sérieux. La deuxième expérience a commencé et il me paraît bon que le cadre dans lequel ces expériences ont lieu soit inscrit dans la loi.

Je le répète, ces rencontres sont strictement volontaires et ont donné des résultats. En effet, les victimes et les auteurs témoignent et ces rencontres transforment les individus. Nous avons eu également l’occasion de rencontrer des personnes qui ont vécu des expériences de justice restaurative dans d’autres pays, notamment au Canada : la transformation que j’évoquais se révèle roborative pour les participants, elle leur rend confiance et espoir, les aide à donner un sens à ce qu’ils ont vécu. Pourquoi les priver de ce qui n’est qu’une option ?

Telles sont donc les raisons qui nous ont incités à inscrire ces dispositions dans le projet de loi.

Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est confidentielle, sauf accord contraire entre les parties et excepté les cas où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l’expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de la victime.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité précise que la mesure de justice restaurative doit être confidentielle, sauf accord contraire entre les parties et hormis les cas où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l’expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de l’ordre public et de la victime.

Cette confidentialité permet de préserver d’éventuelles représailles la victime, ainsi que la vie privée de cette dernière, alors même que, par la justice restaurative, elle expose une nouvelle fois sa vulnérabilité.

Cet amendement vise donc à insérer cette précision dans la loi.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 121, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 51 rectifié, alinéa 3

Remplacer les mots :

où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l’expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de la victime

par les mots :

où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le sous-amendement n° 121 rédige différemment l’amendement n° 51 rectifié, afin de définir plus précisément les conditions dans lesquelles la confidentialité de la mesure peut connaître une exception.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En ce qui concerne le sous-amendement n° 121, j’émets un avis favorable à titre personnel. En effet, le président de la commission n’a pas voulu réunir la commission à l’heure du dîner, puisque ce sous-amendement a été déposé dans l’après-midi.

La commission a par ailleurs émis un avis favorable sur l’amendement n° 51 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 51 rectifié ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 121, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 51 rectifié. J’espère que cette rédaction convient à M. Requier !

M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 121.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié, modifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7 quinquies, modifié.

(L’article 7 quinquies est adopté.)

Chapitre III

Dispositions instituant la contrainte pénale

Article 7 quinquies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8 bis (Supprimé)

Article 8

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les 2° à 8° de l’article 131-3 deviennent, respectivement, des 3° à 9° et il est rétabli un 2° ainsi rédigé :

« 2° La contrainte pénale ; »

2° Après l’article 131-4, il est inséré un article 131-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 131-4-1. – Lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement et les faits de l’espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

« La contrainte pénale emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société.

« Dès le prononcé de la décision de condamnation, la personne condamnée est astreinte, pour toute la durée d’exécution de sa peine, aux mesures de contrôle prévues à l’article 132-44.

« Les obligations et interdictions particulières auxquelles peut être astreint le condamné sont :

« 1° Les obligations et interdictions prévues à l’article 132-45 en matière de sursis avec mise à l’épreuve ;

« 2° L’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général, dans les conditions prévues à l’article 131-8 ;

« 3° L’injonction de soins, dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu’une expertise médicale a conclu qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un traitement ;

« 4° à 6° (Suppression maintenue)

« Le condamné peut, en outre, bénéficier des mesures d’aide prévues à l’article 132-46 du présent code.

« La juridiction qui prononce la contrainte pénale peut imposer à la personne condamnée les obligations et interdictions prévues à l’article 132-45. Elle peut également prononcer une injonction de soins si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et si une expertise médicale a conclu qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un traitement. La juridiction peut également prononcer, le cas échéant, tout ou partie des obligations et interdictions auxquelles était astreinte la personne dans le cadre de son contrôle judiciaire.

« Après le prononcé de la décision, le président de la juridiction notifie à la personne condamnée, lorsqu’elle est présente, les obligations et interdictions qui lui incombent ainsi que les conséquences qui résulteraient de leur violation.

« Après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le juge de l’application des peines fixe, parmi celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article, les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné, ainsi que les mesures d’aide dont il bénéficie, dans des conditions et selon des modalités précisées par le code de procédure pénale. Ces obligations et interdictions peuvent être modifiées au cours de l’exécution de la contrainte pénale au regard de l’évolution du condamné.

« La condamnation à la contrainte pénale est exécutoire par provision. » ;

3° Au premier alinéa de l’article 131-9, après les mots : « ni avec », sont insérés les mots : « la peine de contrainte pénale ou » ;

4° et 5° (Suppression maintenue)

II. – (Suppression maintenue)

III. – (Non modifié) Pour les faits commis avant le 1er janvier 2017, la peine de contrainte pénale prévue à l’article 131-4-1 du code pénal n’est applicable qu’aux délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans.

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. L’article 8 introduit dans le code pénal, au chapitre consacré aux peines correctionnelles, ce que l’on appelle désormais la contrainte pénale. Je n’entrerai pas dans le détail du fonctionnement de cette nouvelle peine.

Au soutien de cet amendement de suppression, j’indiquerai simplement que nous nous interrogeons sur la nature de ce nouvel objet juridique, que nous avons beaucoup de mal à définir sérieusement. En effet, nous nous demandons s’il n’est pas, comme le dit la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, le « faux jumeau du sursis avec mise à l’épreuve », une sorte de sursis probatoire qui n’est pas réellement une peine, contrairement à la façon dont il est présenté.

Comment ne pas s’interroger face à la rédaction de l’article 8, qui précise que la contrainte pénale « peut » être prononcée lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement ? L’utilisation du verbe « pouvoir » indique bien qu’il ne s’agit pas d’une peine à part entière. Pour notre groupe, il s’agit plutôt d’une mesure alternative à l’emprisonnement et non d’une sanction pénale autonome. Cette mesure ne présente donc rien de très nouveau par rapport au droit positif en matière de sursis avec mise à l’épreuve.

Comme nous l’ont montré les interventions de certains professeurs de droit lors des auditions organisées par la commission, la fixation des limites et des enjeux de ces dispositions risque de se révéler juridiquement compliquée.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons de voter cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, puisque cet amendement tend à supprimer un des articles essentiels de ce projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je souhaite malgré tout prendre le temps de dire à M. le sénateur Buffet, même si je ne rêve pas de le convaincre, que la contrainte pénale est une peine à part entière. Il ne s’agit aucunement d’un aménagement de peine. La mesure que nous introduisons dans le code pénal est une nouvelle réponse au phénomène de la délinquance et vient enrichir notre arsenal répressif.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 106, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 131-4-1. – Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans et que la personnalité de l’auteur des faits, sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que les circonstances de la commission de l’infraction justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit, en revenant au texte initial du Gouvernement, à quelques modifications rédactionnelles près, de prévoir que la contrainte pénale est prononcée pour des délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans, point final.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et M. Merceron, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

1° Remplacer le mot :

Lorsque

par les mots :

Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans et que

2° Remplacer les mots :

l’auteur d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement

par les mots :

son auteur

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement vient en prélude, si j’ose dire, à la discussion de l’article 8 ter qui, introduit par la commission, tend à dresser une liste de délits pour lesquels la contrainte pénale s’applique automatiquement et que nous proposerons de supprimer.

L’Assemblée nationale, quant à elle, a prévu d’étendre, à compter du 1er janvier 2017, la contrainte pénale à l’ensemble des délits. Il nous semble que cette solution – à condition que le prononcé de la contrainte pénale demeure facultatif – est préférable à celle qu’a adoptée la commission. C’est donc dans un souci de cohérence que nous avons déposé le présent amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après le mot :

emprisonnement

insérer les mots :

n’excédant pas cinq ans

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à supprimer l’extension de la contrainte pénale à partir du 1er janvier 2017.

Si nous sommes pour une véritable expérimentation de cette nouvelle peine et approuvons la proposition du rapporteur qui fait de la contrainte pénale la peine principale pour un certain nombre de délits, il paraît nécessaire qu’un nouveau débat sur son extension s’engage à partir de l’évaluation à laquelle aura donné lieu son application.

Par ailleurs, cette application exclusive aux délits n’excédant pas cinq ans permettra une meilleure acceptation de la contrainte pénale par les citoyens. Elle est donc recommandée par la prudence, qui peut être considérée comme un « principe de précaution pénale », étant donné le manque de visibilité quant aux conséquences à moyen ou long terme de cette application sur la délinquance.

La contrainte pénale doit avoir toutes ses chances et c’est seulement ainsi que l’on pourra savoir si elle est à la hauteur de son potentiel. L’impatience qui voudrait qu’on l’applique à tous les délits, sans autre considération, ne peut que nuire à la réforme utile que nous nous apprêtons à voter.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 80 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 65.

Mme Esther Benbassa. Revenant sur le texte issu des travaux de sa commission des lois, l’Assemblée nationale n’a prévu l’extension de la contrainte pénale à tous les délits qu’à partir de 2017. Le suivi renforcé mis en place ne sera donc possible, d’ici là, que pour les délits les moins graves.

Considérant qu’il s’agit là d’une contradiction avec l’esprit du projet de loi, nous proposons que la contrainte pénale soit étendue à tous les délits dès l’entrée en vigueur de la loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 80.

Mme Cécile Cukierman. J’irai dans le même sens que Mme Benbassa. Sur ce débat, je crois que nous ne trouverons pas d’équilibre.

Peut-être avons-nous eu des incompréhensions, avant la suspension, sur les demandes que l’on peut faire au Parlement et sur ce que l’on peut en attendre. En tout cas, nous regrettons, pour notre part, que ce qui avait été décidé initialement, notamment par la commission des lois de l’Assemblée nationale, n’ait pas été suivi en séance publique, après une intervention très médiatisée du Président de la République, qui eut lieu le lendemain des débats de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Tout cela n’est certainement que pure coïncidence…

Quoi qu’il en soit, nous regrettons que la contrainte pénale ne concerne que les infractions punies de cinq ans d’emprisonnement et que nous ne puissions pas l’étendre à l’ensemble des délits.

Oui, nous le regrettons, et j’en viens à me demander si, après toutes les interventions que nous avons entendues, assurément très sincères, nous avons réellement envie de mettre en œuvre cette mesure, de la voir réussir, si nous avons réellement envie de construire une justice qui puisse sanctionner sans offrir la prison comme unique réponse !

On sent bien, y compris à travers les différents amendements en discussion commune, que l’on souhaite avancer sinon à reculons, du moins à tout petits pas ; certains diront "doucement mais sûrement", mais d’autres diront qu’à force d’avancer trop doucement, on peut finir par reculer !

Nous avons également une interrogation : ce report tel qu’il est proposé est, au bout du compte, difficilement compréhensible. Il est incohérent quand on voit, par exemple, que le sursis avec « mise à l’épreuve », qui est une forme de probation, est aujourd'hui applicable à tous les crimes et délits. Or la contrainte pénale est, de fait, censée être plus « contraignante ».

La cantonner à un domaine restreint pendant plusieurs années, c’est certainement hypothéquer son existence même. L’exemple de la loi sur la collégialité de l’instruction est à cet égard particulièrement probant.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer cet alinéa et de revenir à la rédaction initiale de la commission des lois de l’Assemblée nationale, que nous préférons à celle du Sénat. Parfois, il faut savoir travailler intelligemment d’une chambre à l’autre !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le groupe UDI-UC et le groupe RDSE ont présenté des amendements qui ont, peu ou prou, le même objet que celui de la commission : nous nous accordons pour demander une clause de revoyure en 2017. Il faudra alors redéposer un texte pour aller plus loin.

En conséquence, la commission a été défavorable aux amendements identiques nos 65 et 80 de Mmes Benbassa et Cukierman, qui proposent que la contrainte pénale s’applique d’ores et déjà à tous les délits, quel que soit le quantum de la peine encourue.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà qui est parfaitement clair !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite s’en tenir au texte issu des débats de l’Assemblée nationale. Tout à l’heure, nous avons eu un malentendu sur la clause d’évaluation. C’est une obligation que j’ai souhaité inclure d’emblée dans le texte et qui a franchi toutes les étapes de la discussion. Je l’ai voulu dès le début, et cela dans un souci d’efficacité, car, je le répète, il ne s’agit pas de faire une loi pour le plaisir de légiférer ! Nous nous fixons un objectif, qui est de prévenir la récidive, et non pas seulement de la réprimer plus sévèrement. Il s’agit d’éliminer le plus possible la récidive !

Nous avons travaillé avec une obsession d’efficacité, laquelle se traduit tout naturellement par une possibilité de rendez-vous à une date déterminée – dans deux ans – pour évaluer les résultats obtenus. C’est un risque que le Gouvernement accepte de prendre. Deux ans, c’est en quelque sorte le temps d’un démarrage au diesel, le temps que le dispositif prenne son rythme de croisière… C’est un peu une question d’énergie cinétique ! (Sourires.) Quoi qu'il en soit, c’est ce temps qui nous sera nécessaire pour nous permettre de réaliser l’évaluation que nous jugeons nécessaire.

En commission des lois, le rapporteur a expliqué que, selon lui, cette évaluation au bout de deux ans rendait inconcevable l’inscription dans le texte d’une extension de la contrainte pénale à l’ensemble du champ des délits à partir du 1er janvier 2017.

Je rappelle simplement que, dans l’état actuel de notre droit, il existe un certain nombre d’alternatives à la peine d’emprisonnement et que celles-ci couvrent l’ensemble du champ des délits. Ainsi, les travaux d’intérêt général et le sursis avec mise à l’épreuve peuvent être prononcés pour tout délit, ce qui signifie qu’ils peuvent s’appliquer à des infractions pour lesquelles la peine encourue peut atteindre dix ans d’emprisonnement. Or la contrainte pénale que nous créons est une peine plus contraignante – j’insiste bien sur ce point – que ces alternatives à l’incarcération qui existent actuellement.

J’ai du mal à saisir la logique consistant à laisser inchangés ces alternatives à l’emprisonnement ou ces modes d’aménagement de peine et à limiter la contrainte pénale aux peines encourues – car il s’agit bien des peines encourues, et non pas prononcées – n’excédant pas cinq ans.

La contrainte pénale permet un suivi plus individualisé, un ajustement, une modification des obligations, des interdictions, un contrôle par les forces de sécurité avec une possibilité de retenue, de visites domiciliaires, de perquisitions, une inscription au fichier des personnes recherchées. Et cela n’empêche pas que puissent être prononcées les autres peines qui ne sont pas assorties de tout ce dispositif contraignant et qui couvrent tout le champ des délits !

Après les travaux de sa commission des lois, l’Assemblée nationale a modifié le texte en séance plénière. Le Gouvernement souhaite s’en tenir à cette rédaction, ce qui n’est pas contradictoire avec une évaluation après deux ans de la mise en œuvre de la contrainte pénale.

Je ne sais pas si vous êtes disposés à revoir les choses en commission mixte paritaire. En tout cas, le souhait du Gouvernement est d’en revenir à la disposition adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Si l’amendement n° 106 a été adopté ce matin en commission des lois, c’est à la suite d’une discussion qui a eu lieu la semaine dernière, discussion suscitée par les réflexions formulées par des membres du groupe de l’UDI-UC, par M. Mézard ou encore par M. Alain Richard.

En tant que rapporteur de la commission, je me dois de présenter des amendements susceptibles de recueillir l’aval du plus grand nombre possible de commissaires, au-delà des limites strictes de la majorité sénatoriale. C’est le cas de cet amendement.

Je demande donc à M. Capo-Canellas et à Mme Laborde de bien vouloir retirer leurs amendements nos 28 rectifié et 57 rectifié, qui sont totalement satisfaits par l’amendement n° 106.

Mme la présidente. Madame la ministre, j’ai bien compris que vous donniez un avis défavorable sur l’amendement n° 106 de la commission. Pourriez-vous préciser votre avis sur les autres amendements en discussion commune ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pardonnez-moi, madame la présidente, j’ai omis de préciser que le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements, car il souhaite le rétablissement du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la garde des sceaux, je veux rappeler que notre amendement n° 28 rectifié vise précisément à revenir à la rédaction des travaux de l’Assemblée nationale.

Nous avons effectivement eu, la semaine dernière, une discussion en commission, à la suite d’une intervention d’Alain Richard, notamment, selon lequel il était indispensable, pour l’heure, de fixer une liste de délits dès lors que, à partir de 2017, la contrainte pénale serait généralisée à l’ensemble des délits punis d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans. Nous avons alors estimé préférable de revenir à la version de l’Assemblée nationale.

Je ne suis pas sûr d’avoir parfaitement saisi, ce matin, lors de la réunion de la commission, l’évolution de la position du rapporteur. Je voudrais donc bien comprendre la différence entre la version de l’Assemblée nationale, que nous soutenons, et la version de notre rapporteur.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous répondre à M. Capo-Canellas ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je pense qu’il est utile que M. Capo-Canellas et Mme Laborde retirent leurs amendements, qui sont satisfaits par la rédaction de l’amendement n° 106.

Mme la présidente. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Capo-Canellas. Si M. le rapporteur nous assure que notre amendement est satisfait, il n’y a pour moi aucun problème à le retirer.

Mme la présidente. Madame Laborde, l’amendement n° 57 rectifié est-il également retiré ?

Mme Françoise Laborde. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Les amendements nos 28 rectifié et 57 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements identiques nos 65 et 80, satisfaits, n’ont plus d’objet. (Mmes Esther Benbassa et Cécile Cukierman s’exclament.)

Mme Cécile Cukierman. Je demande la parole.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Pardonnez-moi, madame la présidente, mais je ne pense pas que les amendements identiques nos 65 et 80 soient satisfaits. Dans la mesure où ils tendent à supprimer l’alinéa 21, ils ne s’inscrivent pas dans la même logique que l’amendement n° 106, et je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas été mis aux voix.

Mme la présidente. Ma chère collègue, comme vous l’avez fait observer, votre amendement ainsi que celui de Mme Benbassa tendaient à supprimer l’alinéa 21. Or c’était également le cas de l’amendement n° 106, dont l’adoption a entraîné la suppression de cet alinéa. De fait, les amendements identiques nos 65 et 80 sont donc satisfaits et n’ont plus d’objet.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous n’allons peut-être pas passer la nuit sur des amendements devenus sans objet !

Mme Éliane Assassi. Il n’est pas interdit de demander un éclaircissement !

Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La contrainte pénale ne peut être prononcée à l’encontre d’une personne reconnue coupable d’atteinte physique volontaire à la personne.

La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Nous proposons d’insérer un alinéa visant à exclure du champ d’application de la contrainte pénale les personnes reconnues coupables d’atteinte physique volontaire à la personne.

Le dispositif que le Gouvernement souhaite mettre en place concerne les infractions de toute nature, qu’elles soient contraventionnelles, délictuelles ou criminelles. Il pourrait donc s’appliquer à des personnes susceptibles d’encourir une peine de dix ans de prison, et cela ne nous paraît pas acceptable. C’est pourquoi nous tenons à préciser que la contrainte pénale ne pourra pas concerner les personnes coupables d’atteinte physique volontaire à la personne.

Il n’est pas possible de traiter la contravention, le délit et le crime de la même manière ! En effet, les victimes subissent un préjudice qui peut être grave ; elles réagissent à l’évidence de façon différente selon qu’elles ont subi une agression physique ou une atteinte à leurs biens. On ne peut traiter tous les cas de la même manière !

Au demeurant, qu’on en ait eu l’intention confirme ce que nous soulignons depuis le début de ce débat : l’introduction de la contrainte pénale, dont on ne sait trop s’il faut la qualifier de peine ou d’élément complémentaire de peine, aurait nécessité une refonte totale de notre dispositif pénal, afin de rétablir une cohérence dans l’échelle des peines.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. S’il est vrai que, comme certains de nos collègues, notamment Alain Richard, l’ont fait observer en commission, l’application de la contrainte pénale supposera, non pas une acceptation, mais une adhésion de l’auteur de l’infraction, il n’est pas utile d’exclure a priori du champ d’application de ce dispositif les auteurs d’un certain nombre de délits.

C’est d’autant moins opportun que, parmi les auteurs de délits qui ne pourraient pas se voir appliquer la contrainte pénale si l’amendement n° 25 était adopté, il en est pour lesquels la contrainte pénale serait pourtant particulièrement appropriée ; je pense en particulier à ceux qui sont sujets à une addiction ou qui se trouvent pris dans un phénomène de bande. Pour ceux-là, les SPIP travailleront de manière beaucoup plus fructueuse en milieu ouvert que dans un environnement carcéral.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 25.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Monsieur Buffet, la notion de violences volontaires peut recouvrir des situations extrêmement différentes. C’est ainsi que, en l’état actuel du droit, les auteurs de certaines violences volontaires peuvent être condamnés à accomplir un travail d’intérêt général ou à suivre un stage de citoyenneté. En effet, les « violences volontaires », c’est un terme générique ; dans chaque cas, la juridiction apprécie : si elle estime que l’acte commis peut être réparé par le moyen d’un travail d’intérêt général, elle peut prononcer ce type de sanction-réparation.

Dans ces conditions, il n’y a pas de logique à exclure l’ensemble des actes de cette catégorie du champ d’application de la contrainte pénale ; c’est aux juridictions qu’il appartient d’apprécier la sanction adaptée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 107, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Si elle dispose d'éléments d'information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction qui prononce la contrainte pénale peut définir les obligations et interdictions particulières auxquelles celui-ci est astreint parmi celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article.

II. – Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans des conditions et selon des modalités précisées par le code de procédure pénale, le juge de l'application des peines peut, après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, puis au cours de l'exécution de la contrainte pénale au regard de l'évolution du condamné, modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions fixées par la juridiction, et déterminer les mesures d'aide dont il bénéficie.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission des lois a apporté plusieurs modifications à l'article 8 du projet de loi afin de rééquilibrer les pouvoirs respectifs de la juridiction de jugement et du juge de l’application des peines dans la mise en œuvre de la contrainte pénale.

Le présent amendement, adopté ce matin par la commission des lois, vise à prévoir, d’une part, que la juridiction de jugement pourra prononcer, sur la base des éléments d'information dont elle dispose, l'ensemble des obligations et interdictions qui lui paraissent appropriées et, d’autre part, que le JAP pourra, dans un second temps, compléter, modifier ou supprimer ces obligations et interdictions, au vu de la personnalité du condamné et de son évolution.

Mme la présidente. L'amendement n° 79, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La juridiction qui prononce la contrainte pénale peut imposer, à titre provisoire, à la personne condamnée les obligations et interdictions prévues aux 7°, 9°, 12° et 13° de l’article 132-45.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à limiter les obligations et interdictions qui peuvent être prononcées par le tribunal dans le cadre d’une contrainte pénale avant l’intervention du juge de l’application des peines.

Pour recueillir les bénéfices de la création de la contrainte pénale, il faut laisser le temps de l’évaluation par le SPIP et de la fixation par le JAP des obligations, ainsi que du plan de réinsertion. C’est pourquoi nous proposons de limiter les obligations susceptibles d’être prononcées par le tribunal correctionnel. Plus précisément, nous suggérons une limitation aux interdictions de conduire, de paraître en certains lieux et d’entrer en contact avec certaines personnes : coauteurs de l’infraction, victimes ou certaines catégories de personnes, comme les mineurs.

L’injonction de soins, qui diffère de l’obligation de soins prévue à l’article 132-45 du code pénal, pourrait être prononcée par le tribunal correctionnel, sur la base d’une expertise psychiatrique, pour les situations les plus exceptionnelles, comme le prévoit déjà l’article 8 du projet de loi.

En ce qui concerne les autres obligations et interdictions, il paraît plus pertinent de les intégrer dans le plan élaboré par le SPIP et le juge de l’application des peines. Du reste, ces obligations sont rarement mises en œuvre avant quatre mois, sauf pour les personnes qui, de manière volontariste, suivent des soins ou paient leur pension, quelle que soit la décision du tribunal correctionnel.

Mme la présidente. L'amendement n° 35, présenté par Mme D. Gillot et M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Alinéa 16, première phrase

Après le mot :

probation

insérer les mots :

ou toute personne morale habilitée

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Il s’agit, par cet amendement, de reconnaître la place que peut prendre le secteur associatif dans la mission de suivi des personnes faisant l’objet d’une contrainte pénale.

Si le projet de loi est porteur d’initiatives attendues et audacieuses, il pourrait avoir une portée limitée faute d’y associer l’ensemble des acteurs, notamment le secteur associatif. À mes yeux, il doit instituer une complémentarité entre le secteur public et le secteur associatif sociojudiciaire.

D’ailleurs, dans son avis du 27 mars 2014, la Commission nationale consultative des droits de l’homme déplore que le projet de loi repose sur « une conception exclusivement régalienne de la peine de contrainte pénale en gardant le silence sur la participation de la société civile dans la mise en œuvre de la contrainte pénale ».

Il est important de rappeler la différence entre la décision judiciaire, qui relève de la compétence exclusive de l’État et correspond à une mission régalienne, et l’exécution de la peine, qui doit impliquer la société civile à travers le secteur sociojudiciaire. Cette distinction est fondamentale et ouvre la possibilité d’une complémentarité dans la prise en charge de la contrainte pénale.

Habilité depuis des décennies par les cours d’appel à intervenir sur les missions pré-sentencielles, et par extension, depuis 2006, sur l’exécution des mesures de sursis avec mise à l’épreuve, le secteur associatif sociojudiciaire ne saurait être écarté des acteurs intervenant dans l’exécution des peines.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 79 et 35 ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’amendement n° 79 tend à donner moins de pouvoirs à la juridiction de jugement qu’au JAP, ce qui risque de poser un problème de constitutionnalité ; pour cette raison essentielle, la commission des lois y est défavorable.

En revanche, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 35. En effet, si l’on veut que la contrainte pénale réussisse, il faut, j’en suis persuadé, que l’ensemble de la société participe à la mise en œuvre de cette nouvelle peine. Au Canada ou dans les pays nordiques, par exemple, où l’on parle de « peines communautaires », la société civile et les associations contribuent à leur application et au contrôle du respect des obligations.

Je sais que le service public pénitentiaire en milieu ouvert – autrement dit le SPIP – est très opposé à la participation des associations à ce travail. Pourtant, à mon avis, cette participation ne prive le SPIP d’aucune de ses prérogatives. Simplement, la mission de service public qu’assument ses agents, tout comme celle des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, également fonctionnaires, est partagée avec un secteur associatif habilité. D’ailleurs, les éducateurs de la PJJ sont tout à fait désireux de travailler au côté des associations habilitées, très puissantes dans le domaine de la justice des mineurs, pour gérer le secteur ouvert et les établissements.

Bien entendu, il faudra que le ministère conclue des conventions avec un certain nombre d’associations. Mais je crois que nous devons accomplir un progrès dans ce domaine, pour que la contrainte pénale puisse être plus facilement appliquée.

Mme la présidente. Madame Gillot, pour que la disposition que vous proposez puisse être adoptée, il faudrait que vous transformiez votre amendement n° 35 en sous-amendement à l’amendement n° 107 de M. le rapporteur.

Mme Dominique Gillot. J’en suis d’accord, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et M. Mohamed Soilihi, et ainsi libellé :

Amendement n° 107, alinéa 6

Après le mot :

probation

insérer les mots :

ou par toute personne morale habilitée

Monsieur le rapporteur, puis-je considérer que la commission est favorable à ce sous-amendement ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Bien sûr, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 107 et 79, ainsi que sur le sous-amendement n° 35 rectifié ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à votre amendement n° 107, monsieur le rapporteur, d’autant que son contenu se trouvera substantiellement modifié si le sous-amendement n° 35 rectifié.

Nous l’avons vu précédemment, vous avez souhaité réintroduire, de façon quasi systématique, le SPIP dans le pré-sentenciel. Comme je vous l’ai rappelé, cela fait une quinzaine d’années que la prise en charge des enquêtes de personnalité est effectuée principalement par le secteur associatif habilité, le service public n’intervenant qu’à titre accessoire. En revanche, le post-sentenciel est assuré par le SPIP, qui est un service du ministère de la justice assumant une fonction régalienne.

Je veux souligner, même si la qualité des relations que nous entretenons avec les associations rend probablement ce propos superflu, que celles-ci sont animées par des personnes très sérieuses, qu’il s’agisse de professionnels ou de bénévoles, qui accomplissent leur tâche avec disponibilité et rigueur. Mais le fait d’assurer un suivi post-sentenciel, en particulier dans le cadre de la contrainte pénale, doit constituer un vrai métier. Je vous l’ai dit, nous ne nous contentons pas de renforcer les effectifs du SPIP : nous travaillons également sur la formation initiale, sur la formation continue, sur les outils de prise en charge et sur les outils d’évaluation. Ainsi, nous professionnalisons la prise en charge qui sera confiée aux conseillers d’insertion et de probation.

Par conséquent, je souhaite clairement que le service pénitentiaire d’insertion et de probation soit chargé du post-sententiel dans le cadre de la contrainte pénale. Cela ne préjuge pas de l’avenir. Cependant, nous avons le souci d’une prise en charge vraiment professionnelle, assurée par des personnes ayant reçu une formation rigoureuse au sein de l'École nationale de l'administration pénitentiaire, formation éventuellement complétée par celles que peuvent dispenser d’autres organismes si cela s'avère nécessaire. Ainsi, nous aurons un corps de conseillers d’insertion et de probation performant.

Sans animosité ni acrimonie, l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 107 et sur le sous-amendement n° 35 rectifié est donc franchement défavorable.

Concernant l’amendement n° 79, j’en sollicite le retrait. Certes, dans le texte d’origine, nous avions nous-mêmes prévu de limiter la capacité de déterminer le contenu de la contrainte pénale au juge correctionnel, car nous estimions que c'était l’évaluation obligatoire qui avait vocation à collecter les éléments permettant de déterminer les obligations et les interdictions les mieux adaptées.

Toutefois, dans la mesure où nous introduisons également la césure du procès pénal et que, par conséquent, l’ajournement, sans être obligatoire, peut être prononcé par la juridiction, on peut considérer que des situations se présenteront où le tribunal disposera d’éléments suffisants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 35 rectifié.

Mme Cécile Cukierman. Nous approuvons les propos que Mme la ministre vient de tenir, car il peut être effectivement dangereux de permettre aux personnes morales, fussent-elles habilitées, de prendre en charge l’application de la contrainte pénale.

On trouve au sein des SPIP un personnel formé, de qualité, avec lequel il faudra certainement travailler pour l’aider à appréhender cette nouvelle peine.

Comme je le disais hier, ce personnel est appelé à devenir une cheville ouvrière de l’application de cette réforme. Je crois que, pour en assurer la réussite, il importe maintenir le rôle du service public et de son personnel.

Vous vous en doutez, on rencontre beaucoup d’attentes mais aussi beaucoup d’inquiétudes chez ce personnel. Je crains qu’on ne lui envoie pas un bon message en déclarant que « toute personne morale habilitée » peut prendre en charge la contrainte pénale. Et je n’ai pas besoin de rappeler les faits divers dont les médias se sont fait l’écho ou les dérives qu’on a pu constater, où se trouvaient en cause des personnes morales habilitées intervenant à côté des fonctionnaires de la protection judiciaire de la jeunesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je voudrais solliciter des éclaircissements.

Madame la ministre, vous avez parlé à l’instant de post-sentenciel à propos de l’intervention des personnes morales habilitées. Or il me semble que, avec l’amendement n° 107 modifié par le sous-amendement n° 35 rectifié, on se situe dans le pré-sentenciel…

Selon moi, c'est ici une évaluation pré-sentencielle de la situation que l’association habilitée est susceptible de faire. Mais ai-je bien compris ?

Mme Cécile Cukierman et Mme Éliane Assassi. Non, c'est pendant l’exécution de la peine !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission. Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.

Mme la présidente. Le Sénat va bien sûr accéder à cette demande.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame la présidente, la concertation a montré toute son utilité : chacun a maintenant bien compris et l’esprit et la lettre de l’amendement de M. Jean-Pierre Michel, sous-amendé par Mme Gillot.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Klès, il s’agit bien de post-sentenciel puisque l’article 8 concerne la contrainte pénale. La sanction est donc déjà prononcée et l’évaluation, qui est la grande innovation de la contrainte pénale par rapport à d’autres peines comme le sursis avec mise à l’épreuve, intervient en post-sentenciel. Elle permet d’ajuster le contenu de la contrainte.

La situation ayant été clarifiée, je confirme l’avis totalement défavorable du Gouvernement, car je souhaite que les agents du service pénitentiaire d’insertion et de probation soient seuls chargés de la mission d’évaluation qu’implique la contrainte pénale.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 35 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 107, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme Cécile Cukierman. Nous retirons l’amendement n° 79, madame la présidente !

Mme la présidente. L'amendement n° 79 est retiré.

L'amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision de condamnation fixe également la durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est tenu. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans, ni le maximum de la peine d’emprisonnement encourue. Les conditions dans lesquelles l'exécution de l'emprisonnement peut être ordonnée, en tout ou partie, sont fixées par le code de procédure pénale.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement vise à prévoir que le maximum de l’emprisonnement encouru en cas de non-respect de la contrainte pénale, qui ne peut excéder deux ans, sera fixé par la juridiction. Nous nous sommes fondés sur les dispositions de l’article 131-36-1 du code pénal, relatif au suivi sociojudiciaire.

La commission des lois a prévu la création d’un délit autonome. Cela entraînera peut-être une difficulté, car les poursuites devront être engagées par le procureur de la République. Je ne suis pas sûre que la commission ait saisi tous les effets de cette disposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pour sanctionner les manquements à la contrainte pénale, deux solutions sont envisageables.

On peut, comme le souhaite le Gouvernement, prévoir que la juridiction de jugement fixe, a priori, la durée de l’emprisonnement qui sera mis à exécution si le condamné ne respecte pas les obligations de la contrainte pénale. Si l’on adoptait cette solution, il n’y aurait plus aucune distinction entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a opté pour un système peut-être plus lourd, celui de la création d’un délit autonome de non-respect des obligations de la contrainte pénale. Un juge unique statuera sur la peine qu’il conviendra de prononcer. Dans ce cas, le JAP saisira le procureur de la République. Telle est la position qui a été adoptée par la commission des lois et sur laquelle le Gouvernement souhaite revenir. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8 ter (nouveau) (début)

Article 8 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 66, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

« La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« De la contrainte pénale

« Art 132-70-4. - Lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme d'un an au plus a été prononcée et que le condamné ne fait pas l'objet d'une mise à l'épreuve prévue à l'article 132-40, le juge de l'application des peines peut, lorsque cette condamnation n'est plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours par le condamné, ordonner que le condamné effectuera une contrainte pénale en application des articles 131-3 et 131-4-1.

« Le présent article est applicable aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an résultant de la révocation d'un sursis, assorti ou non d'une mise à l'épreuve. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de rétablir un article ajouté par l'Assemblée nationale, mais que la commission des lois du Sénat a supprimé.

Cet article visait à donner au juge la possibilité de convertir une peine de prison inférieure à un an en contrainte pénale. Cette souplesse dans l’application de la peine pourrait permettre un meilleur suivi des personnes condamnées. C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de rétablir la disposition en question.

De surcroît, le juge ayant déjà la possibilité d’aménager la peine en un sursis-TIG, il semble cohérent de lui donner la faculté de la convertir en contrainte pénale, laquelle permet un suivi renforcé.

Pour répondre aux préoccupations exprimées par le rapporteur en commission, cette conversion ne serait pas possible si un sursis avec mise à l'épreuve était déjà prévu pour le condamné.

Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« De la contrainte pénale

« Art 132-70-4. – Lorsqu’une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d’emprisonnement ferme d’un an au plus a été prononcée, le juge de l’application des peines peut, lorsque cette condamnation n’est plus susceptible de faire l’objet d’une voie de recours par le condamné, ordonner que le condamné effectuera une contrainte pénale en application des articles 131-3 et 131-4-1.

« Le présent article est applicable aux peines d’emprisonnement ayant fait l’objet d’un sursis partiel, assorti ou non d’une mise à l’épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an résultant de la révocation d’un sursis, assorti ou non d’une mise à l’épreuve. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement étant quasi identique à celui qui vient d’être présenté par ma collègue Esther Benbassa, je considère qu’il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission ayant fait le choix de supprimer cet article, elle ne peut être que défavorable à son rétablissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement approuve plutôt le principe de conversion. Je prends acte du fait que la commission a préféré supprimer l’article 8 bis, mais le Gouvernement continue de penser que ce dispositif serait utile. Pour ne pas émettre un avis contraire à la position de la commission, il s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 8 bis demeure supprimé.

Article 8 bis (Supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 8 ter (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 8 ter (nouveau)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 131-5-1, au premier alinéa de l’article 131-6, au premier alinéa de l’article 131-8 et au premier alinéa de l’article 131-8-1, après les mots : « d’emprisonnement », sont insérés les mots : « ou d’une contrainte pénale », et après les mots : « l’emprisonnement », sont insérés les mots : « ou de la contrainte pénale » ;

2° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 131-21, après le mot : « punis », sont insérés les mots : « d’une contrainte pénale ou » ;

3° À l’article 311-3, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

4° À l’article 313-5, les mots : « de six mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

5° Le troisième alinéa de l’article 321-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsqu’il concerne le délit de vol défini à l’article 311-3, le recel est puni d’une contrainte pénale et de 375 000 euros d’amende. » ;

6° À l’article 322-1, les mots : « de deux ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

7° À l’article 434-10, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

II. – Au premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, les mots : « d’un an d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

III. – Au premier alinéa de l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « de deux mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

IV. – Le code de la route est ainsi modifié :

1° Aux articles L. 233-1 et L. 233-2, les mots : « de trois mois d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

2° Aux articles L. 234-1, L. 234-8, L. 234-16 et L. 235-3 et au premier alinéa de l’article L. 235-1, les mots : « de deux ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

3° Au deuxième alinéa de l’article L. 235-1, les mots : « de trois ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale ».

V. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 62-2, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou d’une contrainte pénale » ;

2° Au premier alinéa de l’article 138, après le mot : « correctionnel », sont insérés les mots : « , une contrainte pénale » ;

3° Au deuxième alinéa de l’article 395, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « ou si le délit est puni à titre principal d’une contrainte pénale ».

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, sur l'article.

M. André Reichardt. L’article 8 ter vise à faire de la contrainte pénale une nouvelle peine autonome. Celle-ci ne serait donc plus, aux termes de cette disposition, un aménagement de peine. Elle remplacerait purement et simplement les peines de prison pour un certain nombre de délits, à savoir, sous réserve de ce que nous dira tout à l’heure M. le rapporteur : le vol simple et le recel de vol simple ; la filouterie ; la destruction, la dégradation ou la détérioration ne présentant pas de danger pour les personnes ; le délit de fuite ; le délit d’usage de stupéfiants ; le délit d’occupation des halls d’immeuble ; les délits prévus par le code de la route.

Je le dis d’emblée, le groupe UMP est très défavorable à cette disposition, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, nous sommes saisis de cet article 8 ter à la suite de l’adoption d’un amendement de M. le rapporteur par la commission des lois à une voix de majorité. Or cet article très important pour le dispositif pénal pris dans sa globalité n’a manifestement pas fait l’objet d’une réflexion suffisante pour que nous puissions décider de nous engager dans la voie proposée.

Par ailleurs, en remplaçant la peine de prison pour certains délits faisant encourir à leurs auteurs jusqu’à trois ans d’emprisonnement, quel signal donnons-nous aux délinquants et à nos concitoyens ? Dès lors que la contrainte pénale apparaît comme un concept flou – certains ont parlé tout à l’heure de « sanction à géométrie variable » –, c’est un signal d’impunité que l’on envoie aux délinquants !

Alors même qu’il faut restaurer la confiance de nos concitoyens envers leurs institutions, est-ce bien le moment de nous engager dans une voie qu’ils ne comprendront pas, et pour cause, puisqu’elle n’est pas claire ?

Qu’on le veuille ou non, dans notre pays, la peine de prison structure le système pénal. Elle est un symbole qui imprime dans l’esprit de chacun la gravité de l’acte violant la loi.

En abaissant, comme le prévoit l’article 8 ter, l’échelle des peines, on manifeste une sorte de renoncement et on touche à la structure de l’échelle des peines, laquelle n’en a pas franchement besoin !

Je rappelle que Mme la garde des sceaux a précisément confié une mission à M. Cotte pour revoir l’échelle des peines. Est-il opportun d’anticiper sur les conclusions de ces travaux ?

Ce que demande la société, c’est une sanction adaptée à la faute et s’inscrivant dans une échelle des peines juste et compréhensible. Dans cette échelle, la prison trouve, bien entendu, encore sa place.

Pour autant, au groupe UMP, nous ne sommes pas arc-boutés sur le tout-carcéral et nous encourageons vivement le recours aux aménagements de peine, quand cela est possible. Celui-ci est d’ailleurs devenu beaucoup plus systématique ces dernières années, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Jacques Hyest au cours de la discussion générale. Mais il nous semble que ces aménagements de peine doivent s’associer à la crainte d’une peine privative de liberté, qui en constitue le préalable. Le prévenu peut se voir condamné à une peine de prison qu’il pourra voir ensuite transformée, avec ou sans délai, en un aménagement de peine, si le magistrat l’estime souhaitable.

À cet égard, on peut même considérer que la contrainte pénale instaurée en peine autonome constitue en fait une vraie contrainte imposée aux magistrats, qui ne pourront plus apprécier la personnalité du délinquant dans le contexte de la faute qu’il a commise.

Enfin, pourra-t-on, avec cette nouvelle sanction pénale, mettre fin à ce que Jean-Jacques Hyest appelait tout à l’heure le « scandale de l’inexécution des peines » ? Empêchera-t-on sérieusement la récidive ? La freinera-t-on même seulement ? On sait bien que les deux phénomènes, inexécution des peines et récidive, sont dus pour l’essentiel à l’absence de moyens. On ne fait pas assez, dans ce pays, pour la probation et la réinsertion !

Or des moyens, cette contrainte pénale, ajoutée aux aménagements de peine qui vont encore se développer, va en nécessiter beaucoup ! Mme la garde des sceaux nous a indiqué l’ampleur de ceux qu’elle comptait mobiliser pour accompagner ce projet de loi. Acceptons-en l’augure ! Mais je crains fort que, de la même façon que la grande loi pénitentiaire de 2009 n’a pas trouvé les financements adéquats pour permettre sa pleine et entière application, il n’en soit de même avec ce nouveau texte que vous vous apprêtez à voter.

La situation des finances publiques, mes chers collègues, s’impose à tous, que l’on soit de droite ou de gauche, et ce n’est pas à la veille de l’examen du projet de loi de finances rectificative que je dois le rappeler dans cet hémicycle !

Pour toutes ces raisons, je considère qu’il ne faut pas voter cet article 8 ter, et je vous remercie, mes chers collègues, de votre soutien à cet égard. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 29 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Tandonnet, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et M. Merceron.

L'amendement n° 98 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 13.

M. André Reichardt. Je l’ai défendu dans mon intervention sur l’article, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 29 rectifié.

M. Yves Détraigne. Avec l’article 8 ter du projet de loi, nous arrivons, si je puis dire, au cœur des modifications qui ont été proposées par notre rapporteur et adoptées en commission. Avec ces dispositions, la commission a purement et simplement, à l’instigation du rapporteur, modifié la nature même de la contrainte pénale.

En effet, celle-ci nous était présentée comme une nouvelle possibilité offerte au juge, en complément des possibilités déjà existantes, de trouver la réponse la plus adaptée, accroissant ainsi sa liberté de choix.

Or, avec l’article 8 ter, c’est tout le contraire puisque le dispositif introduit par la commission supprime la peine de référence actuellement en vigueur, à savoir l’emprisonnement – pour toute la population, c’est depuis longtemps la peine de référence ! –, pour imposer, dans un certain nombre de cas, la contrainte pénale. Je dis bien « imposer » puisqu’elle serait obligatoire – la contrainte pénale ou rien ! – et que le juge n’aurait plus le choix : on porterait ainsi atteinte à sa libre appréciation, alors que, au contraire, ce projet de loi a aussi pour objectif, si l’on en croit son exposé des motifs, de compléter la gamme des réponses que le juge peut apporter à un délit.

Le système proposé fait donc disparaître la peine de prison. On aurait pu imaginer qu’elle perdure au moins en cas de récidive… Mais non, même pas ! Ainsi, on pourra détériorer et dégrader des biens en état de récidive légale, six ou sept fois, sans qu’une peine d’emprisonnement puisse être prononcée par le tribunal correctionnel.

On ne peut pas faire abstraction du message qui est envoyé à nos concitoyens lorsque l’on décide de supprimer des peines d’emprisonnement pour une série de délits, même s’il va nous être proposé de sortir de cette liste le vol simple et le recel de vol simple. Il n’en restera pas moins six cas où cette peine sera automatiquement appliquée si la proposition du rapporteur est suivie. Il nous semble qu’on envoie un message très négatif à la population et aux délinquants en puissance.

Monsieur le rapporteur, votre proposition n’est décidément pas acceptable, et ce pour trois raisons que je tire d’ailleurs de l’objet écrit de l’amendement déposé par Mme la garde des sceaux, dont, en l’espèce, nous partageons pleinement l’analyse : cette proposition procède d’une confusion sur l’objectif et le contenu de la peine de contrainte pénale ; elle complexifie la répression ; elle aboutit finalement à un affaiblissement de celle-ci.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 8 ter.

Mme la présidente. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 98.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite effectivement supprimer cet article introduit par la commission.

Lors de mon audition devant vous, monsieur le rapporteur, je vous ai indiqué que la logique de la contrainte pénale était liée au suivi de l’auteur de l’infraction, s’appuyant sur une évaluation de sa personnalité et de sa situation, suivi qui n’existe ni dans les alternatives à l’incarcération ni dans les cas d’aménagement de peine.

Vous changez de logique en faisant de la contrainte pénale une peine encourue à titre principal pour une série de délits.

Je suis d’accord avec M. Reichardt pour considérer qu’il faut mettre de l’ordre dans le droit des peines ; c’est d’ailleurs l’objet de la mission qui a été confiée au président Bruno Cotte.

Pour nous, la contrainte pénale est liée au profil de l’auteur de l’infraction. Le suivi de la personne condamnée à la contrainte pénale implique que le contenu de celle-ci puisse être ajusté, adapté, intensifié ou allégé, selon les besoins. Vous, vous liez la contrainte pénale à une série de « petites infractions ». Or, avec la contrainte pénale, ce n’est pas une « petite peine » que nous entendons instituer ; nous mettons en place une peine spécifique dans sa composition et qui doit donner des résultats parce qu’elle est conçue comme devant permettre un suivi aussi proche que possible.

De fait, votre conception de la contrainte pénale ne relève pas de la même logique que celle qui guide le Gouvernement avec ce texte.

Sans doute faut-il avoir bien en tête la liste des infractions pour lesquelles vous proposez d’exclure la peine d’emprisonnement. Car c’est bien en cela que consiste votre démarche : remplacer la peine de prison par la contrainte pénale. Peut-être d’autres infractions mériteraient-elles alors de figurer dans cette liste.

Je rappelle que la contrainte pénale implique un suivi, ce qui lui confère son caractère contraignant ; c’est donc un dispositif relativement lourd. Sa durée minimale est de six mois. Certaines infractions ne nécessitent pas un dispositif aussi lourd. Vous n’en faites pas une réponse exclusive et, dans un certain nombre de situations, la juridiction pourra choisir, par exemple, un travail d’intérêt général. Toutefois, dans certains cas, cette peine alternative ne conviendra pas soit à la situation de la personne, soit à sa personnalité, soit à ses capacités. Dans d’autres cas, le stage de citoyenneté ne sera pas la bonne réponse et la contrainte pénale sera prononcée d’emblée à l’encontre d’une personne ayant commis une infraction plus ou moins « par accident », dans des circonstances particulières, une personne qui n’est pas en train de s’installer dans la délinquance. À ce moment-là, on pourra vraiment parler d’un marteau pour écraser une mouche et la contrainte pénale sera trop lourde.

Je reviens sur la liste des délits que vous avez retenus : la filouterie, les destructions, dégradations et détériorations qui ne présentent pas de danger pour les personnes et commises sans circonstance aggravante, le délit de fuite, le délit d’usage de stupéfiants, le délit d’occupation des halls d’immeubles et les délits prévus par le code de la route. Je ne mentionne pas le vol simple et le recel de vol simple puisque vous avez finalement décidé de proposer de l’exclure de cette liste.

Les délits routiers sont un vrai sujet, sur lequel, vous le savez, nous travaillons avec le ministère de l’intérieur. Vous avez réfléchi, comme nous et comme la commission Nadal, à la contraventionnalisation de certains délits routiers, tout en envisageant le risque de voir les conducteurs relâcher leur vigilance dès lors que les peines encourues en cas d’infraction au code de la route seraient réduites.

Mais il y a aussi d’autres infractions qui pourraient justifier qu’elles n’entraînent pas une peine d’incarcération : certaines blessures volontaires, l’occupation sans droit ni titre d’un domicile, l’abandon de famille. Pour l’instant, ces infractions sont potentiellement punies de peines d’incarcération, mais il ne serait pas invraisemblable de les exclure de ce type de peines.

Compte tenu de la conception différente qu’a le Gouvernement de la contrainte pénale, compte tenu de la nécessité de refondre le droit de la peine – vous-même, vous avez estimé que certaines infractions, comme le vol simple, devaient être exclues du dispositif prévu à l’article 8 ter , tandis que, pour ma part, je considère que d’autres pourraient y être incluses –, je pense qu’il est peut-être prématuré d’introduire cette disposition. Je ne suis pas sûre de vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur, mais j’attends en toute sérénité le vote du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques puisqu’elle a voté très majoritairement l’introduction de cet article 8 ter.

Pour quelles raisons a-t-elle inséré cet article ?

Monsieur Reichardt, il ne vient pas de nulle part ! Il vient de loin ! Pour ce qui nous concerne, en France, il procède d’abord de la proposition n° 36 du rapport du député Dominique Raimbourg : « Créer une peine de contrainte pénale. Il s’agirait d’une peine principale se substituant à l’emprisonnement pour certains délits. »

À la suite des nombreuses auditions que nous avons menées en commission, des visites que j’ai effectuées à la Cour de cassation, j’en suis venu à considérer – même si la conférence de consensus ne s’est pas vraiment prononcée sur ce point – que la contrainte pénale devait être une peine autonome susceptible de se substituer à la peine d’emprisonnement.

En fait, je pense que, en matière délictuelle, on doit instaurer un triptyque : la prison, la contrainte pénale et les peines pécuniaires. Pour que ce triptyque existe, il faut bien que, en plus de ce qui figure dans le dispositif du projet de loi tel qu’il était envisagé, on prévoie que, pour un certain nombre de délits – ce n’est qu’un début et, madame le garde des sceaux, si vous voulez allonger la liste, tous vos amendements seront les bienvenus ! –, la peine de prison n’est plus encourue.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je me suis opposé – et la commission m’a suivi – à ce qu’il y ait en 2017 un basculement automatique de tous les délits, car je pense que le bilan à cette date devra être fait aussi à la lumière de l’application de cet article 8 ter, s’il est maintenu, comme je le souhaite. On verra alors ce qu’on fait de la contrainte pénale et à quels délits on peut l’appliquer de façon autonome, sans qu’une peine de prison soit encourue.

Je veux installer, dans l’opinion publique comme chez les magistrats, cette idée qu’il y a trois sanctions possibles. J’ajoute que presque toutes les personnes que nous avons auditionnées ont soutenu cette position : la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Robert Badinter, Mme Mireille Delmas-Marty, le professeur Martine Herzog-Evans, le professeur Xavier Pin, entre autres.

Voilà les raisons pour lesquelles j’ai proposé cet article 8 ter, qui est prudent et même très prudent, car j’ai tenu compte des objections formulées en commission notamment par Jean-René Lecerf et Yves Détraigne, qui craignaient qu’on n’envoie un mauvais signal si l’on incluait le vol simple dans la liste. Car le délit de vol simple peut recouvrir aussi bien le vol d’un microsillon ou d’un bâton de rouge à lèvres dans un magasin que celui d’un fourgon plein d’argent ! J’ai donc déposé un amendement visant à retirer le vol simple de la liste.

Si vous voulez qu’on inclue l’abandon de famille, etc., on peut le faire ! Mais je tiens à introduire dès à présent le principe dans la loi : la contrainte pénale est destinée à être une peine autonome, ce qui implique de revoir l’échelle des peines correctionnelles, du moins pour un certain nombre de délits. Je pense qu’il faut le faire maintenant. Car j’aime beaucoup les commissions gouvernementales, elles sont présidées par des gens qui sont souvent des amis et qui ont de grandes qualités, mais je sais qu’elles débouchent rarement sur des résultats, hormis, pour l’instant, la conférence de consensus.

Appuyons-nous donc sur ce projet de loi pour introduire d’ores et déjà, mais de manière très modeste, cette idée selon laquelle la contrainte pénale est une peine autonome et que les délits auxquels elle s’applique ne sont pas passibles d’une peine de prison.

Voilà quelle est la philosophie de cet article 8 ter, qui, me semble-t-il, ne révolutionnera pas notre droit pénal, mais qui, à terme, si le bilan de 2017 nous y encourage, pourra conduire à d’autres avancées.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je crois que cet article 8 ter présente un risque. Vos intentions ne sont absolument pas en cause, monsieur le rapporteur : je travaille depuis suffisamment longtemps avec vous pour connaître votre philosophie, et, à la manière dont vous présentez les choses, je n’ai aucun doute. Cependant, lorsqu’on observe ce qui s’est passé antérieurement, on constate que la tendance a souvent été à l’aggravation de la répression. Il est donc possible que, là où le juge prononce aujourd’hui des sanctions du type stage de citoyenneté ou travail d’intérêt général, il préfère prononcer à l’avenir une peine de contrainte pénale.

On l’a vu notamment avec le bracelet électronique : lorsqu’il est apparu, la surveillance électronique était censée apporter une solution essentiellement en matière d’aménagement de peine, donc d’exécution d’une sanction en milieu ouvert. Or le bracelet électronique a été utilisé de manière plus large et s’est appliqué à des infractions d’un niveau de gravité plus bas que celles pour lesquelles il avait été conçu.

Le risque est d’autant plus redoutable que la contrainte pénale est une sanction lourde, et non, contrairement à ce que prétendent certains, un simple aménagement : telle qu’elle est conçue, elle pourra être prononcée pour une durée de six mois à cinq ans, les obligations et les interdictions seront plus contraignantes qu’elles ne le sont dans le sursis avec mise à l’épreuve, l’exécution sera immédiate, l’évaluation se fera de façon immédiate et sera renouvelée régulièrement. Par conséquent, c’est une vraie peine, avec ses contraintes et ses lourdeurs.

J’attire donc l’attention sur ce risque, parce qu’il arrive que les conséquences de nos décisions ne correspondent pas complètement à nos intentions.

C’est ce qui me permet, monsieur Reichardt, monsieur Détraigne, de saisir l’occasion de vous être agréable en émettant un avis favorable sur vos amendements, qui se trouvent être identiques à celui du Gouvernement ! (Sourires.)

M. Yves Détraigne. Vous être trop bonne, madame le garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous me le revaudrez, n’est-ce pas ? (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. J’entends vos propos, madame la ministre, et sur le fond je les partage, mais je crois que faire de la politique, c’est aussi, parfois, faire preuve de pragmatisme.

Comme M. le rapporteur l’a bien expliqué, le souhait de la commission n’était pas d’affaiblir cette nouvelle sanction qu’est la contrainte pénale, mais au contraire de lui donner de la visibilité et de faire en sorte que, au-delà de l’affichage législatif, elle soit réellement utilisée par les juridictions. C’est pourquoi nous avons soutenu en commission son amendement visant à insérer cet article et que nous voterons ce dernier en l’état.

Je comprends les risques que vous pointez, madame le garde des sceaux, mais je crois qu’ils sont à mettre en balance avec un autre risque : que, par facilité ou par habitude, le recours à la contrainte pénale par les juridictions soit rare, voire pratiquement inexistant. On se retrouverait alors en 2017 avec une expérience réduite au minimum.

Si je dis cela, c’est parce que les votes de l’Assemblée nationale – qui a posé un certain nombre de conditions au recours à la contrainte pénale – et les choix de la commission ne sont pas allés dans le sens d’un élargissement de la contrainte pénale à tous les délits. Dès lors, il nous semblait important, en tout cas intéressant, de supprimer la peine de prison pour un certain nombre de délits.

Encore une fois, je comprends les craintes que vous exprimez, madame la ministre, mais, comme vous l’avez très bien dit, il faut lever tout malentendu entre nous. Nous n’utilisons peut-être pas les bons arguments, mais je crois que la volonté de beaucoup d’entre nous, c’est que la contrainte pénale réussisse afin que l’on puisse sortir du système actuel, dans lequel la seule sanction qui vaille est la peine d’emprisonnement, quel que soit le délit.

Il y aura une commission mixte paritaire, mais, à l’instar de certains collègues, je regrette que le Gouvernement ait choisi la procédure accélérée, et je crois que, sur cette question-là comme sur d’autres, une deuxième lecture aurait permis d’approfondir les intentions initiales des uns et des autres et d’enrichir le texte.

Cela étant, d’ici la commission mixte paritaire, on peut encore essayer d’avancer et de travailler pour trouver la meilleure solution possible.

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous informer que l’équipe de France est qualifiée pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde de football et qu’elle affrontera l’équipe du Nigéria ! (Sourires et marques de satisfaction.)

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

M. François-Noël Buffet. Une fois n’est pas coutume, madame le ministre, je volerais bien à votre secours, car, à l’instant où nous parlons, je ne sais pas quelle est la véritable contrainte pénale.

En effet, d’un côté, il y a la contrainte pénale proposée par le Gouvernement, et donc par vous-même, qui est conçue comme une alternative à la détention et qui s’appliquera à des délits pour lesquels une peine de prison est encourue. Le juge aura la liberté de choisir la contrainte pénale plutôt que la peine d’emprisonnement, et c’est donc effectivement, dans ce cas-là, une vraie alternative qui est offerte.

Mais il y a aussi la contrainte pénale prévue par cet article 8 ter, qui devient une sanction en dehors de toute autre référence, puisque la peine de détention disparaît pour les délits qui sont visés.

Or la notion de peine encourue, quelle que soit l’issue du jugement, permet d’envoyer un avertissement fort aux délinquants potentiels : « En cas de commission de telle ou telle infraction, vous risquez la prison ! » Ensuite, le tribunal a la liberté de choisir.

C’est la raison pour laquelle je pense que l’adoption de cet article, en supprimant le recours possible à la peine de prison, risquerait d’entraîner une évolution importante dans l’échelle des peines telle qu’elle existe aujourd'hui et un changement complet de comportement chez les délinquants, qui n’auraient plus cette crainte d’avoir à exécuter une peine en détention.

C’est pourquoi nous voterons ces amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je souhaite réagir à l’intervention de M. le rapporteur.

En somme, monsieur le rapporteur, vous souhaitez inscrire la contrainte pénale comme peine autonome dans le code pénal, entre les sanctions pécuniaires et la peine d’emprisonnement. Je serais presque tenté de dire, en vous entendant, que la nature des délits concernés par cette contrainte pénale érigée en peine autonome importe peu. Vous venez d’ailleurs de nous expliquer que, ce matin, sur la base des objections émises par certains de nos collègues membres de la commission, vous avez renoncé à faire figurer le vol simple dans la liste des délits en question. Ainsi, on considère soudain que le vol simple n’est plus punissable de cette contrainte pénale et qu’il retombera dans la règle du droit commun, c’est-à-dire l’emprisonnement.

Je souhaiterais juste vous poser une question, avant que nous ne nous prononcions : que fait-on du recel de vol simple ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il va être proposé de supprimer aussi le recel !

M. André Reichardt. Bien.

Il reste que votre foi dans la contrainte pénale comme peine autonome vous conduit même à inviter Mme la ministre à ajouter d’autres délits dans votre liste ! Enfin quoi, nous sommes là dans le droit pénal ! Il ne s’agit pas d’ériger un principe ! Il y a des gens qui vont tomber sous le coup de ces incriminations ! La société nous regarde ! Quelle image donnons-nous ? Quelle est cette impunité ? De quels délits est-il question ? De quelle manière seront-ils sanctionnés ?

Pour ma part, j’estime que cette affaire n’est pas mûre. Pourquoi ne pas attendre, dans la mesure où le professeur Cotte s’est vu confier la mission de réfléchir à une échelle des peines dans notre pays – et nous en avons besoin ! –, et cantonner la contrainte pénale au rôle que le Gouvernement entendait lui assigner, si tant est que le Parlement le décide, à savoir une peine se substituant à une peine d’emprisonnement, bien que je ne sois pas tout à fait favorable à une telle solution, pour empêcher la récidive ?

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, je reprendrai la formule de mon collègue François-Noël Buffet : une fois n’est pas coutume, nos vues convergent sur ce point avec celles du Gouvernement. Nous estimons en effet que les dispositions introduites par la commission étendraient trop largement la portée de la contrainte pénale. De plus, elles reviennent à tuer la notion d’expérimentation, de progressivité, de recherche d’alternative à la prison sans s’interdire de faire de la prison une option toujours possible.

La difficulté est bien celle-ci : comment faire un pas de plus après la loi pénitentiaire sans se priver aussi de la solution ultime de la prison ?

La liste des délits qui figure à cet article, même « délestée » du vol et du recel de vol – il faut donner acte au rapporteur d’avoir eu, ce matin, le courage et l’honnêteté de présenter cet amendement –, induit que, pour ces délits, le risque de la prison n’existe plus.

Sans doute faut-il considérer que l’emprisonnement est une sanction forte, qui n’est mise en œuvre que dans des cas extrêmes. Pour autant, s’en passer, c’est adresser un signal à des délinquants potentiellement multiréitérants, leur laissant espérer que, pour ces délits, ils ne risqueront jamais la prison !

Pour les victimes, le signal est celui d’un abandon de la société. Elles auront le sentiment que le délit qu’elles auront subi ne sera pas suivi d’une réparation ou d’une sanction aussi forte que l’était la prison auparavant.

Si nous pouvons entendre qu’il faut développer des alternatives à la prison, en revanche, empêcher le juge, en fonction de la personnalité, d’individualiser la sanction et de choisir, selon les circonstances, soit la contrainte pénale soit l’emprisonnement, nous apparaît comme un signal manifestement excessif.

Sur ces sujets extrêmement difficiles et quelque peu passionnels, il nous faut faire preuve de pédagogie. Vous nous proposez, madame le garde des sceaux, de franchir un pas important, mais nous le dénaturerons si nous allons jusqu’à l’étape qui nous est proposée par le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Je voudrais dédramatiser le débat qui a lieu sur cet article 8 ter.

J’entends bien les interrogations et les inquiétudes exprimées par le Gouvernement, qui est dans son rôle, notamment quant à la compréhension de l’opinion s’agissant d’une réforme comme celle-ci.

Néanmoins, je ne crois pas que cet article marque une rupture avec la logique du texte que nous examinons. Il ne change pas la nature profonde de la contrainte pénale, d’autant que, vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, la contrainte pénale est une peine, et une peine lourde.

Un élément est apparu que l’on oublie peut-être d’évoquer ce soir. Lors de toutes les auditions, très nombreuses, auxquelles a procédé M. le rapporteur – pour ma part, j’ai assisté à beaucoup d’entre elles –, la majorité des acteurs de la chaîne pénale se sont interrogés sur la réalité de cette contrainte pénale. Ils se demandent où celle-ci se situera dans l’échelle des peines et comment sa création se traduira concrètement.

À mon sens, M. le rapporteur s’efforce, avec ce pas supplémentaire, de donner une réalité à la contrainte pénale en définissant son champ de façon plus précise. Il le fait d’une manière qui reste tout de même relativement modérée puisqu’il suggère lui-même de restreindre la liste des délits passibles de contrainte pénale sans être passibles de l’emprisonnement en retirant le vol et le recel – et je rappelle qu’il s’agit toujours de délits où est absente toute atteinte physique aux personnes, ce qui est tout de même fondamental.

Or nous nous interrogeons tous sur l’utilité de la prison. C’est d’ailleurs le point de départ de notre réflexion commune, que vous avez fort bien menée, madame la ministre. Il nous faut bien, à un moment, mettre les « mains dans le cambouis » et nous efforcer d’apporter une réponse dans la loi, par la loi, à cette interrogation profonde.

Le constat est très largement partagé, me semble-t-il, quant au fait que la prison n’est pas toujours une sanction efficace et qu’elle produit même parfois des effets contraires à ceux que l’on recherche, à savoir tendre vers l’harmonie sociale et permettre aux auteurs d’un délit de trouver une voie à suivre pour ne pas plonger forcément dans la prison.

Cette proposition, je le répète, est modérée et je dis à ceux qui s’interrogent ou qui éprouvent des réticences qu’il ne faut pas dramatiser ce sujet, en faire un sujet d’affrontement. Il convient plutôt d’utiliser le peu de temps qui nous reste d’ici à la commission mixte paritaire, si le texte est adopté, pour essayer de tirer profit de la proposition de M. le rapporteur, sans y voir forcément une contradiction frontale avec l’esprit du projet de loi. Je crois que cette réflexion mérite d’être menée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Nous arrivons à une étape importante de la discussion. Je n’ai jamais autant regretté la procédure accélérée, même si cela ne m’avait pas trop choqué dans un premier temps, car la même procédure avait été utilisée pour la loi pénitentiaire et nous étions finalement parvenus à débattre de manière approfondie. Toutefois, la contrainte pénale apporte un élément beaucoup plus novateur.

À cet égard, je comprends que M. le rapporteur et nombre de nos collègues soient convaincus que, si l’on n’arrive pas à autonomiser cette contrainte pénale, elle risque de ne pas jouer du tout le rôle que nous sommes un certain nombre à souhaiter lui assigner. Nous nous trouvons donc, en quelque sorte, entre le marteau et l’enclume.

J’ajouterai que, étant rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire, je visite assez souvent les établissements pénitentiaires et je crois que l’idée que l’on se fait aujourd’hui de la prison comme peine ultime est fausse.

Aujourd’hui, deux catégories de personnes « fréquentent », si je puis dire, les établissements pénitentiaires. Pour celles qui appartiennent à la première, et que je qualifierai de « classiques », c’est effectivement la pire des peines : ce sont des individus que la prison peut totalement briser. Pour celles qui relèvent de la seconde, qui sont des délinquants souvent plus jeunes, davantage issus de banlieues, parfois en rupture scolaire ou éprouvant des difficultés à se considérer comme intégrés dans notre République, la prison est un épisode d’une sorte de cursus honorum de la délinquance, presque un maréchalat, dont ils pourront ensuite se vanter.

Pour ces individus-là, qui créent dans la société un sentiment d’insécurité, et même une véritable insécurité, la contrainte pénale, les obligations, les interdictions, le suivi personnalisé – dans la mesure où il pourra réellement être assuré, car se pose effectivement le problème des moyens, ainsi que cela a été souligné à maintes reprises –, représenteraient une incommodité finalement beaucoup plus lourde que l’emprisonnement traditionnel.

C’est la raison pour laquelle, en la matière, mon opinion diverge quelque peu de celle des collègues de mon groupe.

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. M. Lecerf a excellemment mis en avant un certain nombre d’éléments sur lesquels je souhaite à mon tour insister, concernant le sens de la contrainte pénale et le message que l’on fait passer tant aux auteurs potentiels de délits – et l’on espère qu’ils seront dissuadés d’en commettre – qu’à la société.

Ce n’est pas parce que le juge ne pourra plus prononcer la contrainte pénale que les auteurs des délits visés à cet article se trouveront face à la perspective d’une non-sanction : la contrainte pénale peut être beaucoup plus pénible à vivre que la prison !

M. Reichardt disait tout à l'heure : « La France nous regarde, faisons attention à ce que nous disons ! » Oui, faisons attention à ce que nous disons : la contrainte pénale est une véritable sanction, et il n’y aura pas d’impunité lorsqu’on prononcera la contrainte pénale là où, auparavant, on infligeait une peine de prison.

Ici même, nous avons récemment créé un nouveau délit, celui d’entrave à l’action du contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui n’est pas passible de prison. Nous avons donc commencé à aller dans ce sens : il existe d’ores et déjà des délits qui ne peuvent pas être sanctionnés par une peine de prison.

On a aussi évoqué le sentiment que pourraient éprouver les victimes si cet article était adopté. Or, selon moi, même du point de vue des victimes, il peut être important de savoir que, de toute façon, pour tel ou tel délit, l’auteur ne pourra pas encourir la prison. On le sait, certaines victimes renoncent à porter plainte contre l’auteur, notamment s’il s’agit d’un proche, précisément parce elles ne veulent pas qu’il se retrouve finalement en prison. Si, demain, les victimes savent qu’il existe une autre sanction, la contrainte pénale, qui sera efficace tout en évitant une peine de prison à l’auteur du délit, elles hésiteront moins à dénoncer les actes qu’elles auront subis. La contrainte pénale peut donc aussi apparaître comme un moyen de mieux soutenir les victimes.

Enfin, ce n’est pas parce qu’un article crée, pour certains délits, une contrainte pénale sans possibilité d’emprisonnement que la contrainte pénale disparaît pour autant totalement du paysage pour les autres délits : elle reste prononçable dans d’autres cas.

Comme l’a dit Mme Tasca, profitons du temps qui nous reste, certes bien trop court, jusqu’à la commission mixte paritaire pour essayer d’affiner le dispositif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, avant tout, je tiens à vous remercier de tout ce que vous avez dit.

Il est vrai qu’il nous reste peu de temps. Aussi, peut-être nous faut-il faire preuve de pédagogie. Pour être entendus, nous devons émettre un message clair et compréhensible.

Selon moi, le message est simple : la prison ne suffit pas à prévenir les récidives. Voilà ce que nous devons expliquer. Faisons valoir qu’actuellement, face aux délits dont nous parlons, elle n’est pas une solution efficace et que, a contrario, la contrainte pénale, comme peine autonome, pourrait en être une. Tentons le coup !

Je ne crois pas que les gens aient du mal à comprendre que la prison produit de la récidive ! Mme la garde des sceaux a cité des chiffres. Des auditions ont été menées. De tout cela il ressort que le recours systématique à la prison entraîne la multiplication des récidives ! Dès lors, je ne vois pas pourquoi, à cette heure avancée, nous nous torturons tant les méninges sur une question toute simple !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens à réagir au mot « impunité », qu’a employé M. Reichardt.

Cher collègue, vous vous êtes exprimé de manière très claire : finalement, selon vous, cette réforme conduira à l’impunité pure et simple ! Nous avons pourtant expliqué je ne sais combien de fois au cours de la discussion générale que nous étions contre l’impunité. Je le répète, nous estimons que tout délit mérite sanction. Cependant, si l’on part du principe selon lequel toute sanction implique une référence à la prison, on aboutit à une impasse. Dès lors, une telle position n’est pas réaliste.

Le chiffre est connu : à ce jour, 99 600 peines de prison ferme sont prononcées mais ne sont pas appliquées. Ce sont autant de personnes qui « se baladent » alors qu’elles ont fait l’objet d’une condamnation à une peine de prison ferme !

De surcroît, nous le savons bien, pour les délits qui sont visés à l’article 8 ter, les peines de prison qui sont éventuellement prononcées – et continueraient de l’être si cet article n’était pas adopté – sont généralement courtes. Or les courtes peines n’en emportent pas moins de lourdes conséquences.

D’une part, ce sont celles qui bénéficient du moins d’aménagements, celles pour lesquelles la sortie est la moins préparée.

D’autre part, il suffit de visiter une prison pour constater que l’incarcération fournit à un certain nombre de personnes l’opportunité d’entrer dans un milieu délinquant ou criminel et qu’il est donc, dans bien des cas, préférable d’infliger une peine autre que l’emprisonnement.

Tant que l’on aura dans la tête que « peine égale prison », toute autre forme de sanction, telle la contrainte pénale, sera regardée comme n’étant pas une « vraie peine », comme faisant en quelque sorte moins peur, et notre système pénal restera centré sur la prison.

C’est précisément avec cette logique qu’il faut rompre. Ce mouvement a déjà été engagé via la loi pénitentiaire, où la prison est définie comme le dernier recours. En matière correctionnelle, il faut ne recourir à cette solution que si aucune autre n’est possible.

Le débat de ce soir est important, sinon essentiel, car c’est un changement de culture qui est en jeu. Ce changement, pour notre part, nous avons choisi de l’assumer parce que nous mesurons trop les inconvénients du système actuel. On ne peut pas raisonner comme si la situation présente était idyllique, et comme si elle allait soudain se détériorer du fait de la contrainte pénale !

Le Sénat doit se prononcer sur cette importante question.

Mme Esther Benbassa. C’est un débat de société !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 29 rectifié et 98.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 108, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

, au premier alinéa de l'article 131-8 et au premier alinéa de l'article 131-8-1

par les mots :

et au premier alinéa de l'article 131-8

II. – Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du premier alinéa de l'article 131-8-1, après la première occurrence du mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou d'une contrainte pénale » et, après la seconde occurrence du mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou de la contrainte pénale ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement tend à corriger une erreur de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement n’étant pas rancunier, il émet un avis favorable ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Faut-il en conclure que, si le Gouvernement était rancunier, il laisserait les erreurs matérielles en l’état ? (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 118, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il a déjà été fait largement état de cet amendement, qui tend à supprimer de la liste des délits pour lesquels seule la contrainte pénale est encourue les délits de vol simple et de recel de vol simple.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Compte tenu des débats que nous venons de consacrer à ces questions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 82, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa du I de l’article L. 221-2, les mots : « d’un an d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d’une contrainte pénale » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il va sans dire que M. le rapporteur a accompli un excellent travail. Cela étant, il nous semble qu’il a omis, dans la liste figurant au présent article, le délit de conduite d’un véhicule sans permis de conduire.

Dans la logique que nous venons d’expliciter longuement, il nous paraît bon de combler cette lacune.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La question des délits routiers s’est complexifiée au fil du temps. Ces délits représentent 42 % des jugements prononcés en correctionnelle. C’est une proportion considérable ! Ils peuvent le cas échéant être punis d’une peine d’incarcération.

Je l’ai déjà indiqué, nous avons envisagé de contraventionnaliser les délits routiers. Toutefois, ce sujet est extrêmement sensible, le comportement des automobilistes dépendant aussi du niveau des sanctions encourues.

Nous travaillons donc sur ce sujet avec la plus grande prudence. La commission Nadal s’est déjà penchée sur cette question, que nous examinons en lien avec les services du ministère de l’intérieur. Je le répète, le facteur psychologique n’est pas négligeable.

Cela étant, compte tenu du long débat que nous avons eu précédemment, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8 ter, modifié.

(L'article 8 ter est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné cinquante-huit amendements. Il en reste cinquante-sept.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous avons donc bien travaillé !

Mme la présidente. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Article 8 ter (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Discussion générale

4

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 26 juin 2014 :

À neuf heures trente :

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition (n° 390, 2013-2014) ;

Rapport de Mme Bariza Khiari, fait au nom de la commission de la culture (n° 637, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 638, 2013-2014).

2. Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques (n° 310, 2013-2014) ;

Rapport de M. Daniel Raoul, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 594, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 595, 2013-2014) ;

Avis de M. Raymond Vall, fait au nom de la commission du développement durable (n° 592, 2013-2014).

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

3. Questions cribles thématiques sur la pollution de l’air.

À seize heures et le soir :

4. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales (n° 596, 2013-2014) ;

Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 641, tomes I et II, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 642, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 26 juin 2014, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART