Sommaire

Présidence de Mme Bariza Khiari

Secrétaires :

M. Jean Desessard, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

1. Procès-verbal

2. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de trois propositions de loi

3. Dépôt d'un rapport

4. Communication du Conseil constitutionnel

5. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

6. Ouvrages d'art de rétablissement des voies. – Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Christian Favier, rapporteur de la commission des lois.

MM. René Vandierendonck, Yvon Collin, Christophe-André Frassa, Mme Évelyne Didier.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er. – Adoption

Article 2 (suppression maintenue)

Adoption définitive de l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État.

Suspension et reprise de la séance

7. Politique de développement et de solidarité internationale. – Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Discussion générale : MM. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Christian Cambon, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Yvon Collin, Mmes Leila Aïchi, Évelyne Didier, MM. Robert del Picchia, Gilbert Roger.

MM. Harlem Désir, secrétaire d'État ; Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères ; Christian Cambon, corapporteur.

Clôture de la discussion générale.

Texte de la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

MM. Robert del Picchia, Harlem Désir, secrétaire d'État.

Adoption définitive du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

8. Communication du Conseil constitutionnel

9. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014

M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

MM. André Gattolin, Jean Bizet, Aymeri de Montesquiou, Michel Billout, Mme Bariza Khiari, M. Jean-Pierre Chevènement.

MM. Philippe Marini, président de la commission des finances ; Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

Débat interactif et spontané

Mme Colette Mélot, M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

MM. Jean-Yves Leconte, Harlem Désir, secrétaire d'État.

MM. Christophe-André Frassa, Harlem Désir, secrétaire d'État.

MM. Aymeri de Montesquiou, Harlem Désir, secrétaire d'État.

MM. Jean Bizet, Harlem Désir, secrétaire d'État.

10. Modification de l'ordre du jour

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 19 juin 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de trois propositions de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen, d’une part, de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur et, d’autre part, des deux propositions de loi relatives à la sécurisation des transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland (Lyon).

Ces trois propositions de loi ont été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale le lundi 23 juin 2014.

3

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu le rapport annuel 2013 du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

4

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 20 juin 2014, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article 226–19 du code pénal (Atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques) combinées aux dispositions de l’article L. 1223–3 du code de la santé publique (Établissements de transfusion sanguine) (2014–412 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

5

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 20 juin 2014, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- le 2° du 1 de l’article 109, le 6° de l’article 112, le 8 ter de l’article 150-0 D et le second alinéa de l’article 161 du code général des impôts (Régime fiscal applicable aux sommes ou valeurs reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique dont les titres sont rachetés par la société émettrice) (n° 2014–404 QPC) ;

- le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales (Répartition des sièges de conseillers communautaires entre les communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération) (n° 2014–405 QPC).

Acte est donné de ces communications.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies
Discussion générale (suite)

Ouvrages d'art de rétablissement des voies

Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies (proposition n° 559, texte de la commission n° 640, rapport n° 639).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les infrastructures de transport sont essentielles pour répondre aux besoins de mobilité de nos concitoyens et renforcer la compétitivité de notre pays. Pourtant, leur gestion dans les territoires peut parfois être source de difficultés pour les collectivités locales.

Le texte qui est aujourd’hui examiné en deuxième lecture par la Haute Assemblée permettra de progresser dans ce domaine. Il s’agit de définir un cadre permettant de répondre aux difficultés nées des divergences de vues, sur l’entretien des franchissements d’infrastructures, entre l’État ou ses établissements publics, d’une part, et les collectivités territoriales, d’autre part.

Lorsqu’il y a franchissement d’une infrastructure par une autre, la jurisprudence est constante : elle impose au propriétaire de la voie rétablie d’entretenir à ses frais l’ouvrage d’art nécessaire au franchissement, sauf convention contraire.

Ce principe s’applique à toutes les infrastructures – routes, chemins de fer, canaux – quel que soit le schéma de superposition entre les deux voies et quels que soient les maîtres d’ouvrage de la nouvelle infrastructure qui justifie la réalisation de l’ouvrage d’art.

Cette situation est à l’origine de nombreuses difficultés sur les territoires. Le cas des petites communes rurales traversées par une autoroute ou par une ligne à grande vitesse et qui doivent supporter les charges liées à l’entretien du pont nécessaire pour maintenir une route communale est souvent cité en exemple. Il est évident que les montants en jeu et les capacités techniques nécessaires sont souvent hors de portée pour ces collectivités.

La représentation nationale a ainsi légitimement souhaité se saisir de ce sujet pour apporter des réponses concrètes à ces situations. Mme Évelyne Didier, qui avait évoqué ce sujet dès notre première rencontre, a ainsi déposé une proposition de loi en ce sens en juillet 2011, adoptée par le Sénat en janvier 2012. Le parcours parlementaire de cette proposition de loi s’étant poursuivi avec persévérance et opiniâtreté, celle-ci a ensuite été examinée par l’Assemblée nationale le 22 mai dernier.

Le Gouvernement sait l’attachement de l’ensemble des parlementaires à trouver une solution. Il souhaite lui aussi définir un cadre clair pour résoudre les situations problématiques pour les collectivités, notamment les plus fragiles. C’est le sens de l’action gouvernementale : apporter des réponses concrètes aux problèmes rencontrés par nos concitoyens et par leurs territoires. C’est la raison pour laquelle nous soutenons le principe de cette proposition de loi.

Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, il y a un mois, le Gouvernement a proposé plusieurs amendements permettant de faire évoluer le dispositif initial et d’atteindre aujourd’hui un point d’équilibre qui permet de répondre à l’ensemble des préoccupations. Je tiens à rappeler brièvement les principaux équilibres du texte qui va être examiné par la Haute Assemblée.

En premier lieu, la proposition de loi pose le principe de l’existence d’une convention de gestion pour toute nouvelle infrastructure de transport – alinéa 6. Elle définit également son contenu – alinéas 7 à 10.

Les travaux parlementaires ont été l’occasion de préciser ce point. Ils ont confirmé le principe de référence selon lequel le gestionnaire de la voie nouvelle prend en charge l’ensemble des dépenses liées à la structure de l’ouvrage d’art. Mais, si ce principe doit en effet guider la répartition des charges, il est nécessaire de laisser aux partenaires une certaine souplesse dans la conduite des discussions.

Personne ne doute que ce principe devra être appliqué tel quel pour les petites collectivités auxquelles j’ai fait référence précédemment et qui ont par conséquent un statut particulier tenant compte de leur surface financière, de leurs difficultés d’ingénierie. Toutefois, il ne faut pas exclure la possibilité d’adapter ce principe en fonction des spécificités propres des collectivités. Je pense à leur capacité financière, à leur capacité technique ou encore à l’intérêt qu’elles retirent de la réalisation de la nouvelle infrastructure de transport. Une petite commune rurale ne peut pas être traitée de la même manière qu’un conseil général : ce ne serait ni compréhensible ni juste.

Au-delà de la question des ouvrages neufs se pose bien entendu la question du traitement des ouvrages existants. Je tiens à rappeler qu’on dénombre environ 12 000 franchissements pour le réseau ferroviaire, 2 000 pour le réseau routier non concédé et encore 2 500 pour les voies navigables.

La généralisation immédiate aux ouvrages existants des dispositions applicables aux ouvrages neufs serait insoutenable pour l’État et ses opérateurs.

Elle serait insoutenable d’un point de vue budgétaire, dans le contexte de redressement des comptes publics que nous avons engagé : ce serait plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros par an supplémentaires à prélever sur les budgets consacrés aux infrastructures de transport. Nous peinons déjà à trouver les ressources financières. Vous mesurez bien la nécessité que les règles soient applicables mais aussi soutenables financièrement. Pour ce faire, elles doivent prendre en compte la réalité budgétaire et laisser suffisamment de temps pour se préparer à la prise en compte de ces dispositifs nouveaux.

Elle serait en outre insoutenable d’un point de vue technique étant donné le nombre d’ouvrages concernés : il faut donc identifier les situations les plus urgentes qui devront être traitées.

Le texte qui va être examiné prévoit ainsi un recensement des ouvrages d’art de rétablissement des voies pour lesquels il n’existe aucune convention en vigueur. Le secrétaire d’État chargé des transports identifiera ceux des ouvrages recensés dont les caractéristiques, notamment techniques et de sécurité, justifient l’établissement d’une telle convention.

Enfin, les situations faisant l’objet d’un contentieux doivent également trouver une issue rapide. Des dispositions permettant le règlement prioritaire de ces situations ont été introduites dans le texte législatif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier tout particulièrement Mme Évelyne Didier et M. le rapporteur, Christian Favier, du travail constructif qu’ils ont mené et des échanges qu’ils ont eus avec le Gouvernement et ses services sur ce texte.

Je ne doute pas que l’examen qui va s’engager aboutira à l’adoption de ce texte de bon sens qui, en apportant une réponse rapide et efficace, permet de mettre fin à des situations difficiles sur le terrain, sources d’inquiétude pour les élus locaux, tout en s’inscrivant dans une démarche pragmatique et responsable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – MM. Yvon Collin, Marc Laménie et Jean-Pierre Cantegrit applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Favier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies de notre collègue Mme Evelyne Didier, adoptée par l’Assemblée nationale le 22 mai dernier.

Le 17 janvier 2012, en première lecture, notre Haute Assemblée avait adopté à l’unanimité ce texte qui vise à répondre à la question de la répartition des charges de gestion d’un ouvrage de rétablissement d’une voie de communication coupée à l’occasion de la réalisation d’une infrastructure de transport.

Sans entrer dans les détails, je rappellerai seulement que les principes régissant cette question ont été définis par une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d’État, selon laquelle les ouvrages d’art de rétablissement de voies interrompues par la construction d’une infrastructure de transport nouvelle sont incorporés à l’infrastructure dont ils relient les deux parties. Ainsi, il revient donc aux collectivités territoriales d’assurer l’entretien des ouvrages d’art de rétablissement des voies.

Pourtant, force est de constater que de nombreuses collectivités ignorent les obligations qui leur incombent. Et face aux contraintes que la gestion d’un ouvrage d’art de rétablissement des voies fait peser sur leur budget, elles peuvent être parfois amenées à réduire, voire à interdire, l’utilisation de leur voirie afin de préserver la sécurité des utilisateurs.

Rappelons également que les projets de réalisation d’une infrastructure de transport coupant une voirie déjà existante, comme ceux qui visent à effectuer des travaux de rétablissement, sont, la plupart du temps, imposés par l’État à la collectivité territoriale, laquelle ne dispose souvent d’aucun pouvoir de décision en la matière.

Pour répondre à cette injustice et aux lourdes difficultés rencontrées par nos collectivités, en particulier les plus petites d’entre elles, cette proposition de loi pose un nouveau principe général de répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités territoriales et les gestionnaires des infrastructures de transport nouvelles, selon lequel les charges et responsabilités seraient réparties entre, d’une part, les collectivités territoriales à qui incomberaient la prise en charge et la gestion des trottoirs, du revêtement routier et des joints qui en assurent la continuité et, d’autre part, les gestionnaires de l’infrastructure de transport nouvelle pour la prise en charge de la surveillance, de l’entretien et de la reconstruction de la structure de l’ouvrage et de l’étanchéité de l’ensemble de ce dernier.

La prise en compte des particularités de chaque ouvrage d’art relèverait d’une convention entre les deux parties. Les conventions déjà signées continueraient de s’appliquer mais seraient, en cas de dénonciation, renégociées selon le principe général que je viens d’énoncer. S’agissant des situations de litige, en l’absence de convention, il reviendrait aux deux parties d’en conclure une dans un délai de trois ans.

En première lecture, il y a deux ans, nous avions, sur ma proposition, procédé à des améliorations rédactionnelles et à une réorganisation des dispositions de la proposition de loi, afin de conforter le cadre protecteur proposé pour les collectivités territoriales.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a adopté seize amendements rédactionnels ou de précision, afin de renforcer et de clarifier ce nouveau principe de répartition des charges.

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté – M. le secrétaire d’État vient de le rappeler – huit amendements du Gouvernement. L’un d’entre eux visait à préciser que la répartition des charges devrait tenir compte de plusieurs facteurs : la volonté du gestionnaire de la voie affectée de supporter seul les charges de surveillance, d’entretien et de réparation pour des motifs de sécurité de son infrastructure, la capacité contributive du gestionnaire de l’infrastructure de transport nouvelle, la capacité contributive de la collectivité dont la voie est affectée…

Il est également prévu que la médiation du préfet devrait être précédée, en cas de désaccord entre les deux parties sur la conclusion d’une convention de répartition des charges, d’un avis préalable de la chambre régionale des comptes.

Ces amendements visaient également à permettre aux collectivités territoriales ayant engagé une action contentieuse avant le 1er juin 2014 de trouver, via la conclusion d’une convention, une solution négociée avec l’État ou l’un de ses établissements publics, ainsi qu’à établir un recensement des ouvrages afin d’en connaître le nombre exact – le chiffre évoqué d’environ 17 000 ouvrages concernés mérite d’être affiné –, la répartition et l’état général.

Pour ne pas retarder la mise en œuvre de cette proposition de loi et malgré un certain nombre de restrictions apportées par l’Assemblée nationale, je vous propose d’accepter les modifications adoptées qui tendent à renforcer et à conforter le nouveau principe de répartition des charges liées aux ouvrages d’art de rétablissement des voies.

L’entrée en vigueur rapide de cette proposition de loi permettrait aux élus locaux de se saisir pleinement de ces nouvelles dispositions, ce qui les aiderait à mettre fin, pour certaines d’entre elles, à plusieurs années de conflits avec les opérateurs de l’État.

La commission des lois, qui a examiné cette proposition de loi le 18 juin dernier, l’a adoptée à l’unanimité et a donné un avis conforme que je vous invite à suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chère Évelyne Didier, mes chers collègues, il est peu de dire que cette proposition de loi était attendue par les collectivités territoriales concernées.

Je suis heureux que cinq ans d’un combat opiniâtre et de négociations qui l’étaient tout autant soient aujourd’hui récompensés, puisque la question de la répartition des responsabilités et des charges financières entre, d’une part, les collectivités les territoriales et, d’autre part, l’État et ses opérateurs – Réseau ferré de France, ou RFF, Voies navigables de France, ou VNF, et SNCF – a alimenté nombre de débats localement.

Je rappelle, comme d’autres, que l’on dénombre aujourd’hui au moins 12 000 franchissements pour le réseau ferroviaire, 2 000 pour le réseau routier non concédé et encore 2 500 pour les voies navigables. Je n’ai même pas inclus à ce dernier chiffre les ouvrages de franchissement du canal Seine-Nord.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Effectivement !

M. René Vandierendonck. Et pour une grande majorité d’entre eux, il n’existe pas de convention de gestion entre les collectivités et les gestionnaires de ces infrastructures.

L’enjeu est donc extrêmement important pour les collectivités territoriales, surtout à une époque de raréfaction de la ressource et de réforme territoriale. Il n’est pas neutre non plus pour les départements, puisque plusieurs milliers de ponts porteraient aujourd’hui des routes départementales au-dessus du réseau routier national – environ 1 000 –, au-dessus de voies ferrées – environ 2 500 – ou de canaux – environ 1 250.

À l’heure actuelle – nous l’avons tous rappelé –, une jurisprudence très ancienne, très protectrice des intérêts de l’État, prévaut et est appliquée ne varietur. Il s’agit du fameux arrêt du Conseil d’État de 1906 qui dispose que la collectivité propriétaire de la voie portée est entièrement responsable de l’ouvrage et doit en assurer l’entretien, la réfection, le renouvellement et garantir la sécurité des tiers.

Nous sommes là devant une situation quelque peu étonnante : un gestionnaire de transport, RFF ou VNF, par exemple, décide de créer une ligne qui vient couper des voies existantes et laisse ensuite les ouvrages de rétablissement à la charge des collectivités !

Or de nombreux ouvrages d’art reconstruits après la Seconde Guerre mondiale arrivent aujourd’hui en fin de course. Des ouvrages plus récents, réalisés pour les lignes à grande vitesse, commencent également à montrer des signes d’usure. Beaucoup de petites communes sont donc en danger pénalement et financièrement, puisqu’elles ne disposent pas des moyens nécessaires. Oserai-je le dire, dans un certain nombre de cas – il ne s’agit pas d’une hypothèse d’école – elles ne sont même pas au courant de l’étendue exacte de leurs responsabilités !

Mme Évelyne Didier. C’est tout à fait juste !

M. René Vandierendonck. La gestion de ces ouvrages est très lourde et les conséquences financières et pénales afférentes sont importantes. Il fallait y remédier. Cette proposition de loi apporte une solution pragmatique, issue d’une négociation au cours de laquelle Mme Didier a su faire preuve d’une opiniâtreté que je tiens une nouvelle fois à saluer.

Je tiens également à rappeler – la réalité est rarement hémiplégique (Sourires.) – que ce texte s’inscrit dans la continuité du groupe de travail lancé en 2009 par Dominique Bussereau, mais relayé immédiatement…

Mme Évelyne Didier. Je suis également à l’origine de ce groupe de travail !

M. René Vandierendonck. C’est vrai, madame Didier, c’est vous qui êtes à l’origine de la sensibilisation à cette question.

Je me souviens, monsieur le président de la commission des lois, que, dans un raccourci dont vous avez le secret, vous avez dit, lors d’un débat sur les normes, qu’une bonne manière de restreindre ces dernières serait de poser en principe que le prescripteur soit le payeur. Cette logique est en quelque sorte rétablie à travers ce texte, ce qui me paraît de bonne administration publique.

Les modifications apportées au texte sur proposition du Gouvernement ont le mérite de la franchise en cette période financièrement très contrainte. Elles permettent de sauvegarder l’essentiel.

S’agissant des nouvelles infrastructures, l’Assemblée nationale a maintenu les principes adoptés au Sénat : d’une part, le renvoi à une convention pour répartir les charges de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement des ouvrages – il s’agit d’un point très positif, surtout pour les communes dont j’ai parlé qui ignorent l’étendue et l’existence de leurs obligations – ; d’autre part, – nouvelle règle de référence – l’obligation, pour les gestionnaires de la nouvelle infrastructure, d’assumer l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage d’art. À cet égard, vous avez négocié pied à pied sur les notions d’entretien, d’étanchéité. Reste à la charge des collectivités territoriales la chaussée et la voirie, c’est-à-dire le trottoir et le revêtement routier. Cette nouvelle règle de référence constitue, à mes yeux et aux yeux de beaucoup de collectivités territoriales, une disposition essentielle du texte.

Toutefois, le Gouvernement a tenu, dans la négociation, à apporter une certaine souplesse et a adapté ce principe en fonction des spécificités propres des parties à la convention, au regard notamment de leurs capacités financières – cela a été rappelé par M. le secrétaire d’État – ou encore de l’intérêt direct que peut retirer la collectivité concernée de la réalisation de la nouvelle infrastructure de transport.

Beaucoup de contentieux étant en cours et nombre de ces questions encore pendantes, il a également été prévu de recourir à la médiation en cas de désaccord sur l’élaboration de la convention avant saisine des juges compétents. Là encore, il me semble que procéder ainsi c’est faire preuve de sagesse.

Concernant les ouvrages de rétablissement déjà existants, largement majoritaires et auxquels s’attachent de nombreux enjeux financiers, l’Assemblée nationale a complété le dispositif. D’une part, pour les ouvrages ne faisant l’objet d’aucune convention – il y en a beaucoup –, a été prévu, sur la proposition du Gouvernement, un recensement – c’est une première –, qui doit être fait avant le 1er juin 2018. Ce recensement – qui nous offrira, à mon avis, son lot de découvertes et de surprises – permettra de hiérarchiser les urgences et donc d’établir un plan pluriannuel d’investissement permettant de dresser un calendrier d’intervention.

D’autre part, pour les situations litigieuses en cas de convention existante, les travaux de l’Assemblée nationale ont été guidés par la volonté de trouver une réponse dans des délais relativement rapides.

Merci, madame Didier, d’avoir tenu bon sur ce dernier point et d’avoir fait en sorte que l’existence de recours ne vienne pas endiguer la nécessité d’accorder de justes priorités, notamment l’existence d’une procédure transactionnelle pour désamorcer des contentieux, dont certains sont déjà anciens.

En conclusion, après l’adoption, il y a quelques jours, de la proposition de loi permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique, voici un deuxième texte qui reconnaît les collectivités territoriales et assouplit très sérieusement leurs modalités d’intervention. Je tiens donc à remercier une nouvelle fois Évelyne Didier – j’ai déjà eu l’occasion de le faire en commission des lois –, ainsi que M. le secrétaire d’État. Ces dispositions étaient attendues depuis des décennies, notamment par votre serviteur ; je ne peux que vous dire bravo ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chère Évelyne Didier, comme l’ont montré les débats au Sénat puis à l’Assemblée nationale, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture fait l’objet d’un consensus, qui va de la majorité à l’opposition, en passant par l’Association des maires de France, chose assez rare pour être soulignée ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est vrai !

M. Yvon Collin. En matière d’ouvrages de franchissement - ponts, ouvrages de soutènement et tunnels -, la solution dégagée par la jurisprudence impose au propriétaire de la voie portée d’entretenir l’ouvrage, sauf convention contraire. Les ouvrages d’art attenant à une voirie constituent une dépendance de la route qu’ils supportent, car ils sont nécessaires à la conservation et à l’exploitation de celle-ci.

Il en résulte que le propriétaire est aussi le gestionnaire de la voie portée, et qu’il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l’ouvrage en bon état d’entretien et pour assurer la sécurité à l’égard des tiers.

Par exemple, un pont dont la maîtrise d’ouvrage a été assurée par l’État, mais qui relie deux parties d’une voirie départementale, doit être entretenu par le conseil départemental, propriétaire de la voie principale et donc responsable en cas de dommage.

Les différentes interventions et débats sur ce texte, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont montré qu’il n’est pas rare de voir de petites communes renoncer à l’entretien de ponts pourtant dangereux, par peur de voir leur responsabilité engagée, y compris au pénal pour le maire. Il n’est pas rare, non plus, que des collectivités ignorent, par le jeu des transferts de compétences, qu’elles sont propriétaires d’un ouvrage.

La difficulté est toujours la même ; la décentralisation toujours plus importante et le transfert de compétences vers les collectivités ont conduit à des transferts de charges parfois trop rapides.

Ces transferts de compétences et de charges, monsieur le secrétaire d’État, n’ont pas toujours été accompagnés des moyens financiers correspondants. En 2014, dans mon département, la surveillance des ouvrages d’art, régulièrement assurée par les agents de la direction de la voirie et de l’aménagement et des subdivisions départementales, a été complétée par des investigations faisant appel à des techniques spécialisées, comme le contrôle des fondations par plongeurs et l’auscultation des superstructures à l’aide d’instruments de laboratoire. C’est du sérieux !

Je n’entrerai pas dans le débat sur le désengagement financier de l’État ; je rappellerai seulement que, conformément aux annonces faites par le Gouvernement, notamment dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales, l’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités territoriales a diminué de 1,5 milliard d’euros en 2014. Les collectivités les plus fragiles, les petites communes rurales par exemple, ne disposent plus des moyens d’assurer leur mission de service public d’entretien de ces ouvrages d’art. Comment le pourraient-elles, M. Favier l’a souligné dans son excellent rapport, quand une remise en état peut coûter jusqu’à un million d’euros, soit la moitié ou plus de leur budget d’équipement ? Le coût de surveillance et d’entretien annuel, quant à lui, va de 2 000 à 4 000 euros. L’enjeu financier global est donc de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour la surveillance et l’entretien, et de centaines de millions d’euros par an pour les travaux de renouvellement.

À ce handicap financier, il faut ajouter un handicap technique, puisque ces communes sont en position de faiblesse face à des établissements publics comme Réseau ferré de France, RFF, qui disposent d’équipes d’ingénierie importantes. En application de la révision générale des politiques publiques, la circulaire du 10 avril 2008 a arrêté pour la fin de l’année 2011 le recentrage de l’action de l’État auprès des collectivités sur de simples missions d’expertise et mis fin aux prestations techniques concurrentielles.

Le texte que nous nous préparons à adopter – le suspense n’est pas insoutenable (Sourires.) – constitue une réponse adéquate et équilibrée à ces difficultés, que les élus locaux que nous sommes rencontrent tous les jours. Désormais, ce sera au maître d’ouvrage, c’est-à-dire à celui qui a interrompu la voie par une infrastructure de transport qu’il a décidé de construire, qu’incomberont la responsabilité et la charge de la structure de l’ouvrage de rétablissement. Au propriétaire de la voie rétablie reviendront la responsabilité et la charge de la chaussée et des trottoirs.

Le texte introduit, en outre, l’obligation pour les parties, de signer une convention, ainsi que la possibilité d’une médiation en cas de conflit sur l’élaboration de la convention.

Par ailleurs, une disposition utile a été introduite à l’Assemblée nationale, visant à faire procéder, avant le 1er juin 2018, à un recensement des ouvrages d’art de rétablissement des voies pour lesquels s’applique pleinement la jurisprudence du Conseil d’État, en l’absence de convention.

Enfin, les situations faisant l’objet d’un contentieux pourront également trouver une issue rapide. Compte tenu du nombre d’ouvrages concernés, proche de 17 000, le texte introduit des dispositions permettant aux collectivités engagées dans un contentieux de dégager rapidement une solution négociée avec l’État ou l’un de ses établissements publics, « sous réserve de désistement commun aux instances en cours ».

Il appartiendra au préfet de saisir la chambre régionale des comptes pour qu’elle examine l’économie générale de la convention et ses conséquences financières.

Pour conclure, parce qu’il semble, monsieur le secrétaire d’État, que nous ayons trouvé un équilibre entre le souhaitable et le possible – objectif que nous cherchons toujours à atteindre –, le groupe du RDSE dans son ensemble adoptera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour l’adoption en seconde lecture de la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, texte essentiel à nos communes, notamment les plus petites, et indispensable à nos finances publiques.

La jurisprudence administrative actuelle rend les communes propriétaires des ouvrages d’art situés sur leur territoire.

Le débat porte sur la responsabilité de mise en œuvre des obligations relatives à la sécurité, à la surveillance et à l’entretien de la structure. La réglementation en vigueur oblige nos communes à assumer un fardeau bien trop lourd, les coûts pouvant s’élever à plusieurs millions d’euros par an. Cette charge est manifestement disproportionnée, d’autant que les ressources des communes ne cessent d’être contraintes et réduites. Nous nous devons donc de tirer les conséquences de la situation et d’agir en leur nom. Déjà, en 2009, nous avions travaillé sur la question de la domanialité des ouvrages d’art, mais l’occasion nous a manqué d’approfondir la réflexion.

Il n’existe, à ce jour, pas de recensement précis du nombre d’ouvrages d’art en France, mais les experts estiment qu’il en existe près de 17 000 sur tout le territoire. Les communes sur lesquelles ils sont implantés n’ont guère d’autre choix que de procéder aux dépenses obligatoires afin d’assurer la sécurité des utilisateurs, ce qui les oblige à sacrifier certaines politiques communales pour équilibrer leur budget, sauf à se désengager tout à fait de la gestion de ces ouvrages et interdire la circulation !

Dès lors, les conseils municipaux se trouvent en porte à faux à l’égard de leurs concitoyens. En réalité, mes chers collègues, les communes n’ont pas les moyens de faire face à ces dépenses. Mais pourquoi donc les maires n’effectuent-ils pas les réparations nécessaires à la circulation sur de tels ouvrages d’art ? Tout simplement parce que les ressources leur manquent !

Cela considéré, nous devons saisir l’occasion offerte par l’examen de la présente proposition de loi pour établir une répartition équitable des responsabilités et des charges financières relatives aux ouvrages d’art de rétablissement des voies.

Le texte prévoit notamment d’instaurer une obligation de conclure une convention pour les parties concernées. Il s’agit non pas de désengager purement et simplement les communes, mais de responsabiliser davantage – à juste titre – le maître d’ouvrage.

Les communes ne décident généralement pas de l’installation d’une telle structure ; je pense qu’il est donc anormal qu’elles en assument seules la charge. C’est logiquement qu’il doit revenir au maître d’ouvrage, porteur du projet de construction, de garantir la surveillance, l’entretien ou la réfection des ouvrages d’art dont il est à l’initiative.

Par ailleurs, au regard de la diversité des cas existants, la voie contractuelle me semble être la bonne option.

La proposition de loi prévoit également la possibilité de régler les conflits par voie de médiation du préfet, lui-même chargé de saisir la chambre régionale des comptes pour une répartition proportionnée et experte. L’intervention d’un tiers, extérieur au conflit, est souvent le moyen d’apaiser les tensions entre les parties et de trouver une solution objective. En outre, nous éviterons au maximum les recours auprès de juridictions déjà fortement engorgées.

Dès lors, afin de garantir la sécurité de nos concitoyens tout en préservant la santé financière et juridique de nos communes, le groupe UMP soutiendra la présente proposition de loi. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens avant toutes choses à remercier tous ceux qui ont eu à mon endroit des mots sympathiques.

Si je travaille sur le sujet qui nous occupe depuis le début de l’année 2009, je le dois au maire de Vandières, en Meurthe-et-Moselle, qui m’avait interpellée sur cette question. J’ai alors sollicité le secrétaire d’État chargé des transports de l’époque, Dominique Bussereau, qui a eu l’intelligence d’accepter la création d’un groupe de travail. Voilà comment tout est parti.

Depuis lors, nous avons beaucoup travaillé avec les services administratifs, ainsi que, tout récemment, avec le ministère. Je ne dis pas que nous étions toujours d’accord, mais j’ai trouvé en face de moi des personnes soucieuses des intérêts de l’État et des divers acteurs impliqués. Il a fallu convaincre ! Ce fut un travail de longue haleine, mais, aujourd’hui, le résultat est là, et nous pourrons bientôt nous en féliciter.

Reste que la jurisprudence va encore évoluer, peut-être dans un sens différent. Dans tous les cas, elle sera plus conforme au principe du « décideur-payeur ».

Le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, adopté en première lecture dans cet hémicycle en janvier 2012, est donc le fruit d’un travail commencé en 2009. Autant dire qu’il était temps de conclure !

Il était temps, en effet, d’élaborer un cadre législatif clair pour la répartition des charges impliquées par la surveillance, l’entretien, la réparation et le renouvellement des ouvrages d’art rétablissant les voies de communication coupées par des infrastructures de transport nouvelles.

Lors de la construction d’une voie ferrée, d’une voie navigable ou encore d’une autoroute, le gestionnaire est souvent amené à construire des ouvrages d’art afin de rétablir la continuité des voies préexistantes ainsi interrompues. Dans la plupart des cas, la collectivité propriétaire de la voie n’a aucune alternative et se trouve contrainte, par la suite, sous l’effet de la jurisprudence, de supporter les charges qui en découlent.

Du moins telle est la situation surtout depuis le transfert de la compétence des routes. On a souvent oublié de le dire, en effet, ce « paquet cadeau » contenait aussi, sans que cela soit vraiment annoncé, le transfert de la compétence des ponts, ce que les collectivités n’ont découvert que progressivement. C’est ainsi que nous avons dû faire face à des cas particulièrement préoccupants.

Le poids financier qui résulte de cette situation est tel que beaucoup de communes ne peuvent y faire face de manière satisfaisante. Rappelons que le coût d’un ouvrage d’art est estimé entre 600 000 euros et un million d’euros, et que le coût moyen de surveillance et d’entretien, quand la situation n’est pas compliquée, est compris entre 2 000 et 4 000 euros par an. C’est une bombe à retardement, un véritable problème de sécurité publique qui se pose.

Les différents travaux et auditions que nous avons menés depuis cinq ans ont démontré qu’il n’était pas souhaitable de remettre en cause la domanialité ni le droit de propriété des collectivités sur ces ouvrages. Il est néanmoins tout à fait possible de rompre avec la jurisprudence actuelle, défavorable à nos collectivités, et de décider d’une répartition des charges plus juste et plus équitable. N’est-ce pas celui qui décide de modifier l’existant pour ses propres besoins qui doit payer ? Cela semble de bon sens !

Aussi, nous proposons ce principe de référence clair : la prise en charge par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de l’ensemble des frais relatifs à la structure de l’ouvrage d’art. Une convention devra prévoir les modalités de répartition des charges des opérations de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement de l’ouvrage, ainsi que les conditions de sa remise en pleine propriété à la collectivité territoriale et d’ouverture à la circulation. C’est le compromis que nous avons trouvé avec le Gouvernement. Merci Nancy…

Il s’agit là d’un principe simple et équitable.

Mes chers collègues, le bon sens a visiblement prévalu au sein de nos deux assemblées parlementaires ; je m’en félicite. En effet, comme vous le savez, le texte a obtenu jusqu’à présent l’approbation sur toutes les travées.

C’est pourquoi j’espère vraiment un vote conforme aujourd’hui, bien que la proposition de loi ait effectivement subi – M. le rapporteur l’a souligné – quelques modifications suite à son passage à l’Assemblée nationale, notamment avec les amendements gouvernementaux.

Ainsi que M. le secrétaire d’État vient de le rappeler, le Gouvernement s’est prononcé très clairement en faveur du principe de base que je viens d’énoncer ; c’est déjà là une véritable avancée.

Par ailleurs, il a fallu accepter des compromis ; les amendements ont été longuement débattus avec le secrétariat d’État aux transports, qui était en relation permanente avec toutes les parties prenantes.

Ainsi, la possibilité d’adapter le principe de base en fonction des spécificités de chaque situation, et notamment des capacités financières et techniques des collectivités concernées, a été introduite.

En outre, pour les franchissements existants, le texte initial prévoyait la possibilité pour l’une ou l’autre des parties de dénoncer les conventions existantes et d’en conclure de nouvelles sur la base du principe de référence ; et, pour les ouvrages ne bénéficiant encore d’aucune convention, en cas de litige, les parties avaient la possibilité de signer un tel document dans un délai de trois ans. Or, nous le savons aujourd’hui, le réseau ferroviaire compte environ 12 000 ouvrages d’art, les voies navigables en dénombrent 2 500 et le réseau routier non concédé, 2 000.

Le Gouvernement est donc revenu sur ces dispositions, qui risquaient de rendre très vite la situation insoutenable en termes financiers et techniques pour l’État et ses opérateurs.

La nouvelle version du texte prévoit d’identifier et de traiter les situations les plus urgentes, c'est-à-dire les ouvrages d’art faisant l’objet de contentieux, ainsi que ceux pour lesquels il n’existe aucune convention en vigueur et dont les caractéristiques techniques et de sécurité justifient l’établissement d’un tel document.

Certes, le texte remanié ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité au départ. Cependant, la proposition de loi que nous allons, je l’espère, adopter aujourd’hui a le mérite de sécuriser nos communes en établissant un cadre législatif clair : il est explicitement énoncé que c’est aux gestionnaires des nouvelles infrastructures de transport de prendre en charge les dépenses liées à la structure des ouvrages d’art. C’était là notre objectif. En tous les cas, le texte s’appliquera à tous les ouvrages futurs. Aux collectivités d’être vigilantes ! Au moins seront-elles toutes informées, puisque le dispositif s’applique normalement dès l’enquête préalable.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le maire de Vandières, en Meurthe-et-Moselle, m’alertait voilà cinq ans sur le sujet. Dominique Bussereau, alors secrétaire d’État aux transports, avait su répondre à ma demande en mettant en place un groupe de travail.

Aujourd’hui, ce sont vos services qui nous ont été d’une aide précieuse, monsieur le secrétaire d’État. Le processus a été mené à son terme en associant jusqu’au bout les parties prenantes. L’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France nous ont apporté leur entier soutien tout au long de ce travail de réflexion.

Je souhaite remercier ici toutes les personnes qui ont travaillé sur le dossier. Je pense notamment à mes collaborateurs, pour lesquels les ouvrages d’art n’ont désormais plus aucun secret ! (Sourires.)

Car je ne doute pas, mes chers collègues, que le texte fera l’objet d’un conforme à l’issue de nos débats. Il a su dépasser les clivages politiques, et je m’en félicite. Est-il parfait ? Certes, non ! Mais il a le mérite de substituer à un principe devenu obsolète un autre principe, plus équitable : qui décide paie !

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Je conclus en évoquant le décret en Conseil d’État qui doit venir préciser les modalités d’application du texte.

En tant qu’auteur de la proposition de loi, et étant particulièrement attachée au règlement du problème dont nous discutons, je vous demande d’indiquer ici, monsieur le secrétaire d’État, que les parlementaires seront étroitement associés à la rédaction du décret. Je compte sur vous, car, nous le savons, le diable peut se cacher dans les détails ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.

proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

Le chapitre III du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Rétablissement de voies de communication rendu nécessaire par la réalisation d’une infrastructure de transport

« Art. L. 2123-9. – I. – Le dossier d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique d’une nouvelle infrastructure de transport expose les principes relatifs aux modalités de rétablissement des voies interrompues ou affectées ainsi qu’aux obligations futures concernant les ouvrages d’art de rétablissement incombant à chaque partie.

« Les caractéristiques des ouvrages de rétablissement des voies tiennent compte, dans le respect des règles de l’art, des besoins du trafic supporté par la voie affectée, définis par les gestionnaires de ces voies, et des modalités de la gestion ultérieure.

« II. – Lorsque, du fait de la réalisation d’une nouvelle infrastructure de transport, la continuité d’une voie de communication existante est assurée par un ouvrage dénivelé, la superposition des ouvrages publics qui en résulte fait l’objet d’une convention entre le gestionnaire de l’infrastructure de transport nouvelle et le propriétaire de la voie existante.

« Cette convention prévoit les modalités de répartition des charges des opérations de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement de l’ouvrage, ainsi que les conditions de sa remise en pleine propriété à la collectivité territoriale et d’ouverture à la circulation.

« Pour la répartition des contributions respectives des parties à la convention, le principe de référence est la prise en charge par le gestionnaire de la nouvelle infrastructure de l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage d’art.

« Toutefois, les parties à la convention adaptent ce principe en fonction de leurs spécificités propres, notamment de leur capacité financière, de leur capacité technique ou encore de l’intérêt retiré par la réalisation de la nouvelle infrastructure de transport.

« 1° et 2° (Supprimés)

« III. – Les I et II s’appliquent aux infrastructures de transport nouvelles dont l’enquête publique est ouverte postérieurement au premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la loi n° … du … visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.

« IV. – (Supprimé)

« Art. L. 2123-10. – En cas d’échec de la négociation relative à la signature de la convention prévue au II de l’article L. 2123-9, la partie la plus diligente peut demander la médiation du représentant de l’État dans le département, qui consulte l’ensemble des parties et saisit pour avis la chambre régionale des comptes dans un délai d’un mois.

« Si cette médiation n’aboutit pas ou en l’absence de recours à une médiation, l’une ou l’autre des parties peut saisir le juge administratif.

« Art. L. 2123-11. – I. – Les dispositions des conventions conclues antérieurement à la promulgation de la loi n° … du … précitée prévoyant les modalités de gestion d’un ouvrage de rétablissement de voies continuent à s’appliquer.

« I bis. – Lorsque la surveillance, l’entretien, la réparation ou le renouvellement d’un ouvrage d’art de rétablissement de voies qui relève ou franchit les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de l’État et de ses établissements publics fait l’objet d’un recours formé avant le 1er juin 2014 par une collectivité territoriale devant la juridiction compétente, les parties établissent une convention nouvelle, conformément au II de l’article L. 2123-9 et à l’article 2123-10, sous réserve de désistement commun aux instances en cours.

« II. – Le ministre chargé des transports fait procéder, avant le 1er juin 2018, à un recensement des ouvrages d’art de rétablissement des voies qui relèvent ou franchissent les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux de l’État et de ses établissements publics et pour lesquels il n’existe aucune convention en vigueur.

« Le ministre chargé des transports identifie ceux des ouvrages dont les caractéristiques, notamment techniques et de sécurité, justifient l’établissement d’une convention nouvelle. Celle-ci est établie conformément au II de l’article L. 2123-9 et à l’article L. 2123-10.

« Art. L. 2123-12. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente section. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

(Suppression maintenue)

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Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble de la proposition de loi ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.

(La proposition de loi est définitivement adoptée.) – (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de l’adoption de cette proposition de loi.

Certes, compte tenu du climat qui a présidé aux débats parlementaires, nous avions pressenti que le vote final ne soulèverait pas d’énormes difficultés. Mais il fallait tout de même que le processus législatif – il fut long – aille à son terme.

Le dispositif adopté ménage la possibilité d’aborder rapidement les quelques problèmes – ils ne sont pas si nombreux -, qui demeurent en suspens, tout en sortant de l’insécurité financière et juridique à laquelle les maires et élus locaux sont confrontés, comme cela a été rappelé. En outre, le texte organise l’action publique dans le temps, ce qui permettra de programmer les investissements nécessaires.

Madame Didier, en vous écoutant, je songeais que, étant aussi élu local, j’allais pouvoir concilier deux principes. Vous le savez, les élus locaux, qui sont toujours très sourcilleux quant à leurs capacités de décider, notamment dans le cadre des financements croisés, invoquent souvent le principe : qui paie décide. Et voilà que, s’adressant à l’État, ils lui disent désormais : qui décide paie ! (Sourires.)

M. Yvon Collin. Cela marche dans les deux sens ! (Nouveaux sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État. En effet, monsieur le sénateur. Je pourrai donc toujours m’adapter selon la situation qui sera la mienne et profiter de l’une ou l’autre des deux formules ; c’est tout de même très confortable ! (Mêmes mouvements.)

Concernant le décret d’application, madame Didier, nous ferons en sorte, avant de saisir le Conseil d'État – je me tourne vers mes collaborateurs – de vous présenter le document dans les meilleurs délais. Cela nous permettra de ne pas prendre de retard et de faire entrer rapidement en vigueur un texte législatif qui sécurise les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies
 

7

 
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
Discussion générale (suite)

Politique de développement et de solidarité internationale

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (texte de la commission n° 585 rectifié, rapport n° 584).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur.

M. Jean-Claude Peyronnet, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen d’un projet de loi dont nous réclamions l’inscription à l’ordre du jour depuis plusieurs années.

Le conseil des ministres a adopté ce projet de loi le 11 décembre 2013, l’Assemblée nationale s’est prononcée le 10 février dernier en première lecture, puis le Sénat le 26 mai. Le Gouvernement a ensuite décidé de convoquer une commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 juin.

Dans un climat tout à fait consensuel, la commission mixte paritaire a abouti à un texte qui reprend de facto la rédaction du Sénat, puisque les dix modifications apportées sont, assez largement, d’ordre rédactionnel. Un seul sujet a véritablement fait l’objet de discussions - la politique d’évaluation - et, sur ce point également, c’est le texte du Sénat qui a prévalu.

La commission mixte paritaire a ainsi reconnu le très important travail que notre assemblée a collectivement réalisé sur ce texte. Je crois que nous pouvons nous en féliciter et ne pas bouder notre plaisir de voir le travail sénatorial ainsi reconnu.

C’est d’autant plus vrai que le Sénat avait sensiblement – pour ne pas dire profondément – modifié le texte tel qu’il nous avait été transmis par l’Assemblée nationale. En effet, 79 amendements avaient été adoptés en commission et 39 en séance publique. Ces chiffres illustrent notre volonté d’améliorer la qualité du texte, d’une part, en simplifiant et clarifiant sa rédaction, d’autre part, en l’enrichissant des dispositions normatives qui lui faisaient défaut.

Quelles sont les principales modifications adoptées par le Sénat et finalement approuvées par la commission mixte paritaire ?

Une première série de modifications visait à simplifier, clarifier ou conforter les dispositions du projet de loi.

Nous avons ainsi ajouté la composante culturelle du développement durable dans la mise en œuvre de la politique de développement.

Nous avons privilégié la notion de « responsabilité sociétale », pour élargir explicitement aux questions de droits de l’homme et de gouvernance la responsabilité sociale et environnementale.

Sur cette question, nous avons aussi clarifié les missions de l’Agence française de développement, l’AFD, en lui fixant des objectifs qu’elle est capable d’atteindre en toute légitimité vis-à-vis de nos partenaires étrangers.

Nous avons également demandé au Gouvernement de conduire une politique d’influence dans les enceintes internationales pour promouvoir le droit français en matière de transparence et de responsabilité.

Par ailleurs, nous avons souligné que l’action humanitaire était partie prenante de la politique de développement.

Nous avons tenté de mieux formaliser le pilotage de cette politique, notamment en ce qui concerne la nécessaire coordination entre les ministères et l’actualisation dans le temps de ses orientations.

Nous avons affirmé et reconnu le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs impliqués, notamment les collectivités territoriales, la société civile et les entreprises, et avons inscrit dans le texte l’existence du nouveau Conseil national du développement et de la solidarité internationale.

Nous avons estimé que le rapport rendu par le Gouvernement au Parlement tous les deux ans sur la politique de développement devait être enrichi, tout en fondant en un seul, par souci de simplification, les deux exercices initialement prévus.

Dans le rapport annexé au projet de loi, nous avons mis en avant, sur proposition des sénateurs écologistes, en particulier Leila Aïchi, la situation des pays en grande difficulté climatique.

Nous avons autorisé l’AFD à financer des projets de recherche dans le domaine des semences génétiquement modifiées.

Nous avons insisté sur la nécessité de mettre en place une approche globale et coordonnée pour les pays du Sahel.

Nous avons aussi affirmé le principe de la cohérence entre la politique de développement et la place des outre-mer dans leur environnement régional, ainsi que l’intérêt de s’appuyer sur les collectivités ultramarines pour bénéficier de leur expertise.

Toutefois, si l’idée générale est tout à fait intéressante, je souligne une difficulté, puisque cet alinéa du texte prévoit que les porteurs de projets devront informer la « collectivité ultramarine concernée », sans pour autant mentionner laquelle, ce qui peut poser des problèmes concrets de mise en œuvre du principe.

Enfin, nous avons affirmé la nécessité de réduire la fragmentation de l’aide internationale et de rationaliser le paysage multilatéral.

Avant de conclure, je tiens à rappeler que le projet de loi a été précédé d’une concertation exemplaire. Il permet ainsi de disposer d’un cadre législatif d’intervention de notre politique de développement. C’est pourquoi nous l’avions pleinement soutenu en première lecture, tant en commission qu’en séance publique.

Au terme de cette brève intervention, je laisse la parole à mon complice corapporteur, Christian Cambon, qui traitera du plus important, à savoir le renforcement du caractère normatif du texte, et ce notamment dans quatre domaines : la création d’un fonds multibailleurs, le transfert des fonds des diasporas, l’expertise internationale et l’évaluation. Il était, selon nous, nécessaire de rendre le texte véritablement efficace, alors qu’il se limitait à l’origine à un catalogue de bonnes intentions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.

M. Christian Cambon, corapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà du premier objectif de simplification et de clarification, dont Jean-Claude Peyronnet vient de décrire les principaux éléments, nous avons surtout voulu, en tant que corapporteurs, renforcer le caractère normatif du projet de loi.

Le Sénat a ainsi adopté quatre mesures particulièrement structurantes.

Tout d’abord, sur l’initiative du Gouvernement, nous avons autorisé l’AFD à gérer des fonds multibailleurs et à déléguer certains crédits à ce type de fonds, lorsque le besoin s’en fait sentir.

Ces fonds sont un outil essentiel pour concentrer l’aide internationale et mieux la coordonner. Ils sont particulièrement opportuns dans les pays en crise, comme le Mali ou la Centrafrique.

Monsieur le secrétaire d’État, l’AFD nous a indiqué que, seule la Centrafrique, avec le projet de « fonds Bêkou » était concernée pour le moment. Il nous semble que nous devons aller plus loin dans la réflexion avec les principaux financeurs internationaux pour mettre plus largement en œuvre l’outil de ces fonds multibailleurs.

Ensuite, nous avons souhaité faciliter le transfert de fonds des migrants, en autorisant les banques des pays en développement à commercialiser en France des produits permettant de financer des projets dans leur pays d’origine.

Par ailleurs, sur l’initiative de notre excellent collègue Jacques Berthou, qui a travaillé de longues années sur ce sujet, et avec notre entier soutien, nous avons adopté une réforme profonde et ambitieuse du dispositif français d’expertise technique.

Nous avons en effet prévu de fusionner six organismes, et ce dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large, au 1er janvier 2016. Depuis vingt ans en effet, tous les rapports font le constat d’un éclatement du dispositif français, qui n’est plus adapté pour répondre aux appels d’offres internationaux, car ceux-ci présentent de plus en plus des dimensions pluridisciplinaires. Or, si elle veut mettre en œuvre une diplomatie d’influence, la France doit absolument être présente, avec les meilleures chances de succès possible, pour répondre à la demande internationale d’expertise technique.

Pour autant, nous n’avons pas souhaité créer un organe bureaucratique et centralisé. La nouvelle agence doit être prise comme un holding faisant appel aux ressources humaines là où elles sont présentes, dans le public comme dans le privé. Elle doit représenter la France au niveau international, et non étouffer les métiers qui font justement la richesse et la valeur ajoutée de notre pays.

Comme je viens de l’indiquer, cette réforme est ambitieuse, en particulier en termes de calendrier, puisqu’une première fusion doit avoir lieu dans six mois et concerner six organismes... Dans ces conditions, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement quant à la mise en œuvre de la réforme. Quand désignerez-vous le délégué interministériel qui doit préfigurer la nouvelle agence, monsieur le secrétaire d’État ?

Concernant l’action extérieure des collectivités locales, nous avons adopté quatre mesures.

D’abord, nous avons voulu rendre facultatives les conventions avec les collectivités locales étrangères, pour ne pas entraver la coopération, notamment en matière humanitaire.

Ensuite, nous avons étendu la loi dite « Oudin - Santini » au secteur des déchets ménagers, qui constitue à la fois un domaine d’expertise de nos collectivités, mais aussi et surtout un enjeu essentiel pour la plupart des pays partenaires, qui font face à une prolifération dramatique de ces déchets.

Par ailleurs, nous avons inscrit une obligation de déclaration par les collectivités des actions qu’elles mènent à l’international. Il ne s’agit aucunement de limiter leur libre administration, mais plutôt de faire en sorte que chaque porteur de projet puisse disposer d’un état des lieux aussi exhaustif que possible, pour éviter les doublons et favoriser les coopérations entre acteurs français.

Enfin, nous avons demandé aux collectivités locales et au Gouvernement de mener des campagnes de sensibilisation dans les écoles, les collèges et les lycées, tant il nous semble important que, sur cette thématique de la coopération et du développement, l’opinion publique soit mieux informée des efforts que la France accomplit.

Tel est, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’essentiel des modifications apportées par le Sénat au projet de loi, puis finalement approuvées par la CMP.

Mais nous ne serions pas complets si nous n’évoquions pas la question de l’évaluation de la politique de développement, sujet qui a concentré – ô combien ! – l’essentiel des débats de la CMP.

Le Sénat a d’abord demandé que les évaluations prennent en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide. Nous avons aussi affirmé que l’évaluation pouvait s’appuyer sur des indicateurs de résultats, qui ont une vertu pédagogique, mais qu’elle devait avant tout se fonder sur des appréciations plus qualitatives.

Ces deux points n’ont du reste pas posé de difficulté durant la CMP, contrairement à la question de l’organisation et à celle du pilotage de l’évaluation.

Le projet de loi initial ne prévoyait quasiment aucune évolution sur ce sujet, alors que l’éclatement de notre dispositif entre l’AFD, le ministère de l’économie et le ministère des affaires étrangères est souvent critiqué, et non pas seulement par les rapporteurs qui se succèdent à cette tribune depuis de nombreuses années. Il fallait, à notre sens, avancer et proposer, comme pour l’expertise, une réforme ambitieuse. C’est pourquoi le Sénat a prévu de fusionner les trois services d’évaluation existant aujourd’hui au sein d’un observatoire unique et indépendant des services qui mettent effectivement en œuvre la politique de développement.

Nous avions donc deux objectifs complémentaires : d’une part, mutualiser les moyens et rationaliser le programme d’évaluation ; d’autre part, séparer, selon la traditionnelle règle des finances publiques, l’ordonnateur du comptable, pour reprendre une analogie financière.

Ces deux objectifs ont été pleinement validés par la CMP, qui a même enrichi les travaux du Sénat, en fixant précisément la composition du futur observatoire chargé d’évaluer la politique de développement. Il sera ainsi composé de onze membres indépendants, dont deux députés et deux sénateurs désignés de manière à assurer une représentation pluraliste, et il sera présidé alternativement par un député et par un sénateur.

L’affirmation de ce principe d’indépendance de l’évaluation ne doit pas rester lettre morte. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement sur le texte de la CMP, ce dont nous nous réjouissons, et, même si nous connaissons vos réticences sur cette question de l’évaluation, le projet de loi deviendra, dans les prochains jours, une loi de la République. Dans ces conditions, nous aimerions connaître le calendrier de mise en œuvre par le Gouvernement d’une réforme qui repose à la fois sur la création d’un observatoire indépendant et sur le regroupement des services concernés.

En conclusion, la commission mixte paritaire demande au Sénat de bien vouloir approuver le texte résultant de ses travaux, ce qui ne peut constituer qu’un exercice de cohérence avec le vote de première lecture, puisque les deux textes se ressemblent à s’y méprendre, comme l’indiquait à l’instant Jean-Claude Peyronnet, avec, et j’en suis particulièrement fier, la forte présence des améliorations que notre assemblée a apportées au texte. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me retrouver parmi vous pour la présentation du texte définitif du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Je vous prie d’excuser ma collègue Annick Girardin, secrétaire d’État au développement et à la francophonie, qui ne peut malheureusement être présente aujourd’hui.

C’est la première fois depuis le début de la Ve République qu’un projet de loi sur le développement est présenté au Parlement, un domaine resté jusqu’ici l’apanage de l’exécutif. Ce texte marque donc un progrès démocratique important.

Voulu par le Président de la République dès le printemps 2013, lors des Assises du développement, il a été élaboré par Pascal Canfin, puis porté par Annick Girardin, avec le soutien constant de Laurent Fabius.

Ce projet de loi constitue une première étape dans la rénovation d’une politique de développement fondée sur la cohérence, l’efficacité et la transparence.

Cette rénovation, que votre assemblée a, comme le Gouvernement, souhaitée, vise à la fois un rôle renforcé du Parlement et des acteurs du développement – ONG, collectivités, entreprises – ; des objectifs clairs de la politique de développement, en particulier la promotion des droits de l’homme, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique ; des cibles géographiques différenciées pour plus d’efficacité ; enfin, la création d’indicateurs de résultats annuels pour renforcer la visibilité des initiatives françaises et en mesurer l’efficacité et l’impact par l’évaluation.

Avec notre débat d’aujourd'hui, la procédure législative arrive donc à son terme.

Les 10 février et 26 mai derniers, l’Assemblée nationale et le Sénat ont respectivement adopté le projet de loi.

Après une réunion de la commission mixte paritaire le 4 juin, vous avez abouti à un accord.

Jeudi dernier, les députés ont adopté ce texte à une quasi-unanimité, avec une abstention.

Je tiens, au nom du Gouvernement, à saluer l’esprit constructif qui a présidé à ces débats. Avec Annick Girardin, je tiens tout particulièrement à remercier la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et plus particulièrement les deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, ainsi que le président Jean-Louis Carrère. Je remercie également la commission du développement durable, en particulier Ronan Dantec et Raymond Vall. Il est en effet essentiel que cette politique, au cœur de l’identité et du rayonnement de notre pays dans le monde, puisse bénéficier d’un large soutien politique et dépasser les clivages partisans.

Dans cet esprit, l’examen approfondi que vous avez mené a permis d’enrichir ce texte aussi bien sur le fond que dans la forme, et les rapporteurs du Sénat ne sont effectivement pas étrangers à ce résultat.

Au-delà, le texte proposé résulte également d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la solidarité internationale : les ONG, du Nord comme du Sud, les entreprises, les syndicats, les universitaires, de nombreux élus locaux. Le Gouvernement les remercie de leur implication.

Permettez-moi de revenir sur les grandes lignes de ce projet de loi, tout en soulignant les apports du Parlement, en particulier ceux du Sénat.

Avec cette loi, la France se dotera d’un cadre d’action rénové et moderne dans le domaine du développement, en apportant des réponses aux enjeux du XXIsiècle et en promouvant un développement durable et solidaire, notamment dans le cadre des négociations de l’agenda post–2015.

Ce projet de loi répond à la mobilisation d’un nombre croissant d’acteurs non étatiques. Vous avez d’ailleurs souhaité qu’un article spécifique leur soit consacré pour valoriser leur action. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale jouera un rôle majeur pour permettre une consultation régulière entre les divers acteurs du développement.

Ce projet de loi donne également plus de place aux collectivités territoriales en reconnaissant leurs « actions extérieures ». Le rôle de coordination de la Commission nationale de la coopération décentralisée sera renforcé et, sur l’initiative de MM. Peyronnet et Cambon, la loi Oudin-Santini sera étendue aux déchets. Ainsi, comme pour l’eau, les collectivités pourront, si elles le souhaitent, dédier 1 % du produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à leurs actions extérieures. C’est une mesure normative importante.

Votre Haute Assemblée a de même introduit une plus grande reconnaissance du rôle des collectivités d’outre-mer. Désormais, elles devront être informées des projets menés dans leur environnement régional. Notre politique de développement doit pouvoir en effet s’appuyer sur leur savoir-faire et sur leurs réseaux.

Ce projet de loi institue également plus de cohérence entre les politiques publiques qui ont des effets sur les pays en développement.

Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, qui rassemble tous les ministères concernés par la politique de développement, devra veiller à la cohérence de l’ensemble des politiques nationales. Pour renforcer cette cohérence, vous avez souhaité rationaliser l’expertise technique internationale, notamment grâce au regroupement des expertises aujourd’hui éparpillées dans plusieurs ministères.

Ce texte apporte aussi des réponses à la question de l’indispensable accroissement de la transparence.

C’est le cas au travers de son élaboration, réalisée dans la concertation, mais aussi par la mise en place d’une grille de trente indicateurs de résultats de l’action de la France, ainsi que par l’obligation de remettre au Parlement un rapport faisant la synthèse de la politique de développement tous les deux ans.

Le projet de loi prévoit également une évaluation indépendante de cette politique, vous y avez insisté. Sachez d’ailleurs que la présentation sur internet de tous les projets d’aide au développement de la France au Mali sera, d’ici à quelques mois, généralisée à l’ensemble des seize pays prioritaires.

Depuis de nombreuses années, vous interpelliez le Gouvernement sur le saupoudrage de l’aide. C’est pourquoi la France concentrera ses efforts en intervenant prioritairement dans seize pays et dans un nombre limité de secteurs définis conjointement avec le pays partenaire, en fonction de ses besoins.

Vous avez également souhaité préciser l’attention particulière portée par la France à la région du Sahel.

Le renforcement des partenariats différenciés permettra une meilleure prise en compte de la diversité des pays.

L’intervention dans les pays à revenu intermédiaire se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption, qui est un obstacle majeur au développement.

Pour les pays en crise, il est désormais précisé, à votre demande, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’action de la France se fasse selon une logique de continuum entre urgence, reconstruction et développement.

L’AFD pourra également porter des fonds multibailleurs, traduisant ainsi la mobilisation de la communauté internationale autour de thèmes prioritaires qui nous sont chers.

Ce dispositif est aussi une avancée normative portée par le Sénat.

Vous le savez, quatre domaines sont prioritaires dans la politique française de développement : premièrement, la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes ; deuxièmement, l’équité, la justice sociale et le développement humain ; troisièmement, le développement économique durable et riche en emplois ; quatrièmement, la préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux.

Nous avons aussi deux priorités transversales : le genre et le climat. Il semblait utile que, pour une première loi sur le développement, ces thèmes soient précisés et formulés avec rigueur.

Enfin, je voudrais évoquer le financement.

Certains ont pu regretter l’absence de programmation budgétaire. Je le rappelle, les lois de programmation ne doivent pas nécessairement comporter des éléments budgétaires. Dans le contexte actuel, il est apparu plus judicieux de s’appuyer sur les moyens inscrits dans les lois de finances, dans le cadre triennal, auxquels le texte soumis aujourd’hui à votre vote apporte un mode d’emploi.

Toutefois – c'est là une avancée notable –, sur l’initiative du Parlement, l’objectif international de 0,7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement a été repris. C'est absolument essentiel.

Comme l’a rappelé le Président de la République, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra.

Mais nous devons encourager d’autres sources de financement. La France joue un rôle leader dans le domaine des financements innovants et, depuis 2012, une partie de la taxe sur les transactions financières est affectée au développement.

Le financement du développement passe aussi par la mobilisation des ressources nationales.

Notre pays soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux. Les diasporas contribuent également au financement du développement et, encore une fois sur votre initiative, ces transferts d’argent seront facilités, pour éviter qu’une grande partie ne soit captée par des commissions bancaires exorbitantes. C’est un élément normatif qu’il ne faut pas négliger.

Enfin, il est crucial d’amener les entreprises à être plus responsables et à transformer le développement économique en progrès social. Ainsi, le texte rappelle que la France promeut le renforcement des critères de la responsabilité « sociétale » des entreprises, pour reprendre ce terme qui recouvre tout à la fois la responsabilité sociale et la responsabilité environnementale, auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds.

Il souligne la volonté de la France d’encourager les sociétés françaises à mettre en œuvre les principes directeurs de l’OCDE et ceux qui ont été adoptés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Les entreprises doivent donc mettre en place des procédures de gestion des risques pour identifier, prévenir, empêcher et atténuer les dommages sur l’environnement et les atteintes aux droits de l’homme.

Grâce au Sénat, la possibilité existe désormais de soutenir les initiatives des entreprises dans les pays en développement dont la mission explicite est d’avoir un impact social ou environnemental.

Les entreprises se mobilisent de plus en plus pour le développement : nous devons innover pour les encourager et les accompagner dans cette démarche.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à votre approbation permet, dans toutes ses dimensions, de rendre notre politique de développement plus efficace, plus cohérente et plus transparente.

Cependant, gardons-nous d’oublier l’essentiel : notre soutien aux populations qui en ont le plus besoin. Pour être la plus utile possible auprès des pays que nous aidons, la France se devait de mettre de l’ordre dans sa politique de développement, de réaffirmer ses objectifs, d’identifier des priorités et de rationaliser certains dispositifs.

C’est ce que prévoit ce projet de loi.

Le Parlement a joué tout son rôle et, au nom du gouvernement de Manuel Valls, je vous en suis particulièrement reconnaissant. Car, à l’heure où la tentation du repli sur soi ne cesse de monter et où les égoïsmes nationaux peuvent parfois s’exprimer, il est indispensable que la Haute Assemblée réaffirme le rôle international de la France et sa solidarité dans un monde bien troublé.

Cette solidarité a construit notre République et contribué au rayonnement de notre pays : elle fait sa grandeur et sa fierté. Cette solidarité peut recueillir un large consensus dans cet hémicycle, à droite comme à gauche, parce qu’elle est universelle et qu’elle contribue à bâtir un monde où il fait mieux vivre, un monde plus humain. Voilà le message que la France veut porter aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen d’un projet de loi fondateur pour l’aide publique au développement.

Ce texte, bien que faiblement normatif – cela a été dit et ce sera répété –, consacrera dans notre droit la politique de solidarité internationale de la France. Il permet également, et nous sommes nombreux à l’avoir souligné, d’associer le Parlement à la définition du cadre général de l’aide publique au développement.

C’est une première très opportune, car ce sont près de 7 milliards d’euros qui sont engagés chaque année par l’État à ce titre. Ce projet de loi répond donc ainsi, monsieur le secrétaire d’État, à une exigence démocratique, celle du contrôle des dépenses publiques. J’y suis naturellement sensible en tant que rapporteur spécial du budget de l’aide publique au développement.

Le texte contient, bien sûr, de nombreuses autres avancées. Au-delà des grands principes et des enjeux majeurs de l’aide publique au développement, rappelés à l’article 1er et au sein du rapport annexé à l’article 2, plusieurs dispositifs adoptés permettront de mieux garantir l’efficacité et la transparence de l’aide publique au développement.

Je pense, notamment, à la logique de partenariats différenciés, qui aboutira à la concentration géographique mais aussi sectorielle tant attendue, et si nécessaire pour répondre à la fragmentation de l’aide. C’était une recommandation forte de la Cour des comptes, et je me réjouis qu’elle ait été entendue.

Le système actuel d’évaluation des politiques d’aide au développement est également critiqué pour sa dispersion et son manque d’indépendance. La commission des affaires étrangères du Sénat a fait preuve d’audace, et nous l’avons majoritairement suivie, en proposant le détachement du nouveau service d’évaluation des trois donneurs d’ordre principaux. La commission mixte paritaire a beaucoup discuté des nouvelles dispositions introduites à l’article 4 bis et dans le rapport annexé, en particulier en raison du statut juridique de l’AFD, mais la rédaction commune finalement adoptée devrait répondre aux attentes.

Les députés se sont également rangés à la volonté du Sénat de regrouper les divers organismes chargés de l’expertise internationale pour répondre, là encore, au problème de l’éclatement, source de gaspillages et de doublons inutiles. Je rejoins complètement, pour ma part, ce projet de mutualisation, qui rapprochera d’ailleurs notre dispositif de celui que connaissent plusieurs pays européens.

Concernant les autres grandes mesures du texte, je me félicite de l’accord presque parfait trouvé par la commission mixte paritaire.

Le texte final conserve ainsi les apports nets du Sénat, ce dont nous nous réjouissons, s’agissant notamment de la possibilité donnée à l’AFD de gérer des fonds multibailleurs, l’encouragement au migrant banking ou encore l’extension au secteur des déchets de la loi dite « Oudin-Santini ».

La commission mixte paritaire a conservé la notion de « responsabilité sociétale », voulue par les sénateurs en remplacement de celle de « responsabilité sociale et environnementale », un dispositif essentiel que l’Assemblée nationale avait d’ailleurs largement complété. Tous bouleversés par le drame du Rana Plaza, au Bangladesh, nous sommes nombreux à avoir manifesté un grand intérêt pour ce principe, qui doit, en effet, être au cœur de la politique de développement.

Nos collègues députés ont insisté pour que soient visés les acteurs publics et privés. Je partage ce souci, car, si les entreprises ne contribuent pas suffisamment au progrès social, il n’empêche qu’elles sont devenues le premier moteur du développement.

À cet égard, je rappellerai que le rapport sur les perspectives économiques en Afrique commandé par la Banque africaine, l’OCDE et le PNUD, publié le mois dernier, indique que les investissements directs étrangers seraient de l’ordre de 80 milliards de dollars cette année. Ces IDE devanceraient désormais les transferts monétaires officiels des migrants, estimés à 67,1 milliards de dollars, et l’aide publique au développement, qui est actuellement de 55,2 milliards de dollars. La question de la RSE, la responsabilité sociétale des entreprises, est donc très prégnante.

Enfin, mes chers collègues, les membres du RDSE sont satisfaits du sort réservé à plusieurs de leurs amendements, ces dispositions ayant été maintenues dans le texte de la commission mixte paritaire. Je pense, par exemple, à celui qui vise à soutenir les organisations procédant à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement avec la mission explicite d’avoir un impact sociétal. Je rappellerai aussi ceux qui avaient reçu l’avis éclairé du Gouvernement sur la prise en compte, dans la définition des politiques de développement concernant les outre-mer, de leur environnement régional.

Mes chers collègues, le RDSE a apporté son soutien au projet de loi en première lecture, un soutien largement partagé sur l’ensemble des travées. C’est donc sans surprise, et sans états d’âme, que nous l’approuverons aussi dans sa rédaction issue de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous concluons aujourd’hui les débats sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour la première fois, les parlementaires ont pu débattre de questions essentielles concernant l’action de la France à l’étranger.

En effet, la mise en cohérence, l’encadrement et le contrôle des pratiques de la France dans ce domaine étaient un impératif auquel la France ne pouvait plus, en tant que puissance européenne et mondiale, se soustraire.

Il s’agissait là de tenter de tourner définitivement la page d’années de coopérations opaques, déséquilibrées et intéressées. Nous devons, en effet, nous adapter au contexte mondialisé d’aujourd’hui en tenant compte non seulement de la multiplicité des acteurs en présence, mais aussi de l’interdépendance entre les enjeux politiques, sociaux, environnementaux, financiers et économiques. C’est en ce sens que le présent projet de loi constitue une avancée.

Il était en effet nécessaire, face aux défis multidimensionnels d’aujourd’hui, de mettre en place des partenariats différenciés. Nous faisons face à des problématiques très différentes dans les pays pauvres « prioritaires », les pays en crise ou en sortie de crise et les « très grands émergents ».

Nous devons donc adapter notre action en fonction de chaque situation, et mettre en place des programmes ciblés et adaptés, ce d’autant plus que l’aide publique au développement française s’est réduite de près de 10 % en 2013.

La recherche de cohérence, mise en avant par le Gouvernement, se devait d’être le point central de ce projet de loi. Nos différentes politiques sectorielles doivent systématiquement prendre en compte leur impact sur le développement et le respect des droits de l’homme. Nous nous réjouissons donc que ce principe apparaisse dans le projet de loi, afin d’éviter que les valeurs que nous prônons ne soient déconstruites par des intérêts commerciaux et des comportements prédateurs.

Au-delà des principes, il aurait été essentiel de présenter une partie programmatique, afin de lier chaque programme à des moyens de financement précis. Plus encore, un texte programmatique aurait permis de concrétiser la marche vers l’objectif des Nations unies de 0,7 % du revenu national brut.

L’absence de volet budgétaire laisse planer le doute quant à l’exécution de la politique de développement dans les prochaines années.

Au sujet du pilotage de l’aide, alors que l’objectif de transparence était mis en avant, force est de constater que, tout au long des débats, l’Agence française de développement semble avoir bénéficié d’un passe-droit. Nous regrettons en effet que son fonctionnement n’ait pas été encadré strictement à l’occasion de ce projet de loi. Or, si nous voulons être crédibles auprès de la société civile et des ONG, nous devons exercer un contrôle beaucoup plus strict sur notre politique d’aide au développement. À terme, nous devrions imaginer une nouvelle organisation de notre aide.

En outre, nous devons impérativement imposer des mesures contraignantes à toutes les entreprises opérant dans les pays bénéficiaires. Il aurait été important de se montrer plus ambitieux et rigoureux en matière de responsabilité sociale et environnementale.

Trop souvent par le passé, et encore aujourd’hui, les convoitises commerciales et l’impératif de compétitivité des entreprises ont conduit à toutes sortes de dérives, notamment sociales, environnementales et sanitaires. La France doit bannir ce genre de comportements et permettre la mise en place de mécanismes juridiques contraignants pour les maisons mères comme pour leurs filiales. Or ces éléments, pourtant essentiels, n’ont pas recueilli de consensus au sein du Parlement.

Enfin, je reviendrai sur l’aspect environnemental. Je me réjouis, en effet, que le projet de loi mette en avant cette dimension du développement. Tout développement doit être durable. Nous ne le rappellerons jamais assez, mais la prégnance du changement climatique sur le développement est un fait avéré.

À ce titre, l’inscription des « pays en grande difficulté climatique » dans la politique de développement est une avancée notable, qui permet à la France de jouer un rôle pionnier à l’échelle internationale.

Je tiens une nouvelle fois à rappeler que les pays en grande difficulté climatique ne sont pas nécessairement les pays les plus pauvres et les plus fragiles : par exemple, les Philippines ou encore le Vietnam sont parmi les pays les plus exposés aux risques climatiques. Nous devons donc considérer les problèmes climatiques comme des risques de déstabilisation et de fragilisation majeurs, au même titre qu’une crise politique ou économique.

Bien évidemment, les pays les plus fragiles sont particulièrement vulnérables aux stress hydriques, nourriciers et énergétiques, dans la mesure où ils n’ont pas les moyens d’y faire face. C’est pourquoi il était important d’inscrire la problématique environnementale dans la liste des priorités sectorielles visées par notre politique de développement.

Cela dit, en tant qu’écologiste, je regrette l’absence d’engagements clairs et forts de la France en amont de la prochaine conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Nous ne devons pas céder à la facilité ou remettre à plus tard les engagements que nous pourrions et devrions prendre dès à présent. Il y va de la réussite de la COP-21 !

À cet égard, il aurait été important d’inscrire clairement dans la loi que la France avait pour objectif la réduction progressive de ses soutiens publics aux énergies fossiles de manière générale et de ne pas restreindre cet engagement à la seule politique de développement.

Monsieur le secrétaire d'État, les écologistes voteront, bien évidemment, en faveur de ce projet de loi, qui, nous le reconnaissons, constitue une avancée significative pour notre politique de développement. Toutefois, nous devons nous garder de tout sentiment d’accomplissement et bien plutôt considérer ce texte comme une première étape vers une définition plus ambitieuse, innovante et, surtout, exemplaire de notre politique de développement. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, en première lecture, le Sénat a sensiblement amélioré la rédaction du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour l’essentiel, cette amélioration a consisté en une restructuration du texte lui-même, en une clarification de sa rédaction et en un léger renforcement de son caractère normatif.

Parmi les apports majeurs de notre Haute Assemblée à ce texte, il faut sans doute compter l’efficacité accrue du pilotage et de l’évaluation de la politique d’aide au développement. Nous avions également adopté le principe d’une profonde réforme de l’expertise technique, en rassemblant les différents opérateurs dans une agence unique.

Comme l’ont exposé nos deux rapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon, nous avons également enrichi ce texte sur d’autres aspects, sur lesquels je ne reviendrai pas, puisqu’ils ont rencontré l’accord de nos collègues de l’Assemblée nationale. Quelques divergences secondaires ont également été aplanies.

En revanche, le sujet des modalités de l’évaluation des politiques menées par l’Agence française de développement, l’AFD, par un organisme indépendant regroupant des services existants et celui du renforcement du contrôle du Parlement sur cet organisme ont fait l’objet d’une discussion plus poussée, mais elle a débouché sur un accord.

En effet, nous nous sommes entendus sur le mode de gouvernance d’un observatoire qui ne soit pas, selon l’expression familière, une « usine à gaz » et qui puisse être efficace.

Ce sujet n’est pas mineur : je dirais même qu’il est l’un des piliers de ce texte, au-delà de l’objectif poursuivi. Dans cette affaire, il est important que le Parlement puisse y voir clair dans l’activité de l’AFD, car, ce qui est également en jeu, c’est l’amélioration d’une des principales fonctions du Parlement : le contrôle de l’utilisation de l’argent public. C’est d’autant plus important que le domaine de l’aide au développement est resté pendant longtemps d’une grande opacité.

D’une façon générale, la question du contrôle parlementaire sur les politiques d’aide au développement est fondamentale. Jusqu’à présent, le Parlement devait se contenter du seul vote du budget de la mission « Aide publique au développement » – lorsque le débat avait lieu… Or cette mission représente à peine un tiers de l’aide totale, qui s’élève à 9,3 milliards d’euros et prend aussi bien en compte des annulations de dette, l’accueil des étudiants étrangers ou bien encore le secteur humanitaire.

Nous savons tous combien il est difficile d’avoir une vue d’ensemble sur une politique éclatée, entre l’aide bilatérale, l’aide transitant par l’Union européenne et les programmes internationaux, surtout quand entrent en jeu de multiples opérateurs, publics et privés, précisément très peu contrôlés.

Après avoir mentionné les aspects positifs du texte, je relèverai quelques-unes de ses faiblesses, qui risquent d’en atténuer la portée.

Je pense, en particulier, à l’insuffisance des dispositions qui devraient être mises en œuvre pour lutter contre l’opacité des transactions financières dans ce secteur d’activité et contre l’évasion fiscale que pratiquent certaines entreprises. À cet égard, je regrette que les modalités d’utilisation par l’AFD des places financières dites « offshore » ne soient pas plus strictement encadrées.

Ces différents aspects posent concrètement la question d’un contrôle plus efficace des sociétés multinationales, a fortiori lorsque ces dernières sont soutenues par l’AFD, qui, soulignons-le, est en grande partie alimentée par de l’argent public.

Dans le même ordre d’idées, je regrette aussi que les références précises à la responsabilité fiscale, mais aussi sociale et environnementale des entreprises aient été diluées au sein de l’expression, beaucoup plus générale, de « responsabilité sociétale ».

Nous aurions également dû procéder à une véritable réorientation de la vocation de l’AFD, qui privilégie des prêts concessionnels et finance trop souvent des projets sur la base de la rentabilité qu’elle peut en attendre. Je souhaite que cette exigence trouve sa place dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens qui sera signé entre l’État et l’AFD.

Enfin, l’absence de toute programmation financière dans le projet de loi handicape lourdement la possibilité de mettre en œuvre concrètement une politique d’aide au développement véritablement différente. Il est évident que, sans moyens financiers pour les réaliser, les objectifs et le cadre de travail fixés par le présent texte risquent fort de demeurer des vœux pieux !

Certes, les efforts à produire en faveur de l’aide au développement ne sont pas tous d’ordre financier, mais ils se mesurent aussi en grande partie à l’aune d’engagements concrets. Or la réalité est que notre pays ne cesse de réduire les budgets qu’il consacre à ce secteur.

Ces dernières années, parmi les engagements de l’AFD, le montant des prêts bonifiés et des subventions accordés était en baisse et celui des dons aux pays les plus pauvres, africains pour la plupart, connaissait une diminution, ainsi que s’en était d’ailleurs inquiétée notre commission dans un rapport budgétaire.

Au final, s’il est pétri de bonnes intentions, le projet de loi laisse une impression d’occasions manquées : il ne procède pas à la profonde refonte de l’aide publique au développement que nous souhaitions tous à gauche. Cela dit, dans les limites que je viens d’indiquer, il présente des avancées que nous ne sous-estimons pas et que nous apprécions comme telles. Nous voterons donc le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dans la rédaction proposée par la commission mixte paritaire. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les corapporteurs, chers et chères collègues, alors que nous en sommes parvenus à l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, je veux dire que ce texte a au moins un mérite : celui d’exister. S’il n’en avait qu’un, ce serait celui-là !

En effet, pour la première fois, l’aide publique au développement aura sa loi de programmation. Le groupe UMP s’en félicite, car l’étape législative que constitue ce texte répond à une demande de tous les acteurs de l’aide publique au développement, qu’il s’agisse des ONG ou des parlementaires de toutes les sensibilités. Depuis très longtemps, nous attendions qu’un texte puisse définir clairement notre politique d’aide envers les pays les plus pauvres de la planète.

Mes chers collègues, objectivement, nous pouvons nous réjouir de la version du texte résultant des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Sans vouloir être désagréable à l’égard de nos amis députés, force est de constater qu’après son examen à l’Assemblée nationale le projet de loi ressemblait à un catalogue de bonnes intentions… À cet égard, les modifications que lui a apportées notre commission lui donnent une plus grande cohérence législative et marquent des avancées concrètes. C'est la raison pour laquelle je tiens, au nom du groupe UMP, à saluer le travail accompli par nos deux rapporteurs, Christian Cambon et… notre collègue qui siège à ses côtés au banc des commissions. (Sourires.) On peut affirmer que le texte a été largement « rebâti ». Cette nouvelle architecture législative lui a permis d’être plus lisible, plus pertinent et plus cohérent.

Mes chers collègues, il n’est pas question cet après-midi de refaire le débat que nous avons déjà eu le 26 mai dernier. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur les points qui nous paraissent importants.

Nous retiendrons que ce texte consacre pleinement le rôle des collectivités locales, ce qui tient particulièrement à cœur aux membres de cette assemblée ! Désormais, les démarches de coopération seront simplifiées pour les collectivités, et mieux articulées entre elles. En outre, elles ne seront plus systématiquement soumises à la signature d’une convention – pour l’heure, en cas de crise humanitaire ou de catastrophe, les collectivités françaises sont parfois dans l’incapacité de signer une convention avec un homologue officiel, du fait même de la situation de crise.

Par ailleurs, je tiens à saluer la disposition du texte qui prévoit la transmission d’un rapport des collectivités territoriales à la Commission nationale de la coopération décentralisée : ce rapport sera l’occasion de dresser un bilan exhaustif de l’action des collectivités, de mieux coordonner leurs projets et d’en assurer un meilleur suivi par les ambassades. Mes chers collègues, il s’agit là d’un gage d’efficacité important, quand on sait que le défi de l’aide publique au développement française réside aussi dans son évaluation a posteriori ! Cet état des lieux permettra également à l’exécutif de savoir qui fait quoi, et au profit de qui.

Enfin, sur ce même sujet, je me félicite que le projet de loi prévoie une extension de la loi dite « Oudin-Santini » au secteur des déchets – c’est ce que l’on appelle également le « 1 % déchets ». Jusqu’à présent, les collectivités pouvaient engager des actions de coopération dans les secteurs de l’eau, de l’assainissement et de l’énergie. Or, face aux dangers liés à la prolifération des déchets – organiques et chimiques –, à l’impact nocif de ces derniers sur l’environnement et aux lourdes conséquences sanitaires qui en découlent, il paraissait important de pouvoir ouvrir un nouveau champ d’intervention aux collectivités.

Cette nouvelle possibilité permettra aussi aux collectivités françaises d’apporter leur expertise dans un domaine où la France est en pointe. Mes chers collègues, l’aide publique au développement est aussi un domaine dans lequel la France doit faire face à la concurrence ! Dès lors, les enjeux relatifs à l’expertise internationale doivent également être pris en compte.

À cet égard, les avancées du texte sur la création de l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, nous semblent positives.

L’AFETI regroupera désormais les opérateurs publics de l’expertise et sera placée sous la double tutelle du Quai d’Orsay et de Bercy. Nous savons que, dans ce domaine, nous perdons des marchés en raison de structures trop mineures pour répondre à certains appels d’offres.

Désormais, l’AFETI sera conçue comme une holding et assurera les fonctions transversales des opérateurs, alors que des départements thématiques, dont les responsables seraient nommés sur proposition des ministres compétents, maintiendraient le lien avec le vivier des experts des opérateurs actuels.

Toutefois, si ce regroupement offre l’occasion d’une meilleure lisibilité de l’expertise française à l’international, comme le ferait un « label », il faudra rester vigilant quant au fonctionnement, afin d’éviter les situations de concurrence entre les anciens opérateurs et les administrations d’origine.

Mes chers collègues, l’élu des Français de l’étranger que je suis se réjouit tout particulièrement de l’article relatif au migrant banking. En effet, ce dispositif permettra de développer des produits d’épargne ou des opérations de crédit ayant pour objectif le financement d’investissements dans des pays en développement, ce que prônent beaucoup de mes collègues représentant les Français de l’étranger. Ce système existant d'ores et déjà chez certains États membres de l’Union européenne, il était temps que la France modifie le titre Ier du livre III de son code monétaire et financier, surtout quand on sait que le micro-crédit permet l’émergence de bon nombre de projets de développement.

Concernant le financement, je tiens à saluer la possibilité offerte à l’AFD de gérer des fonds de dotation ou des fonds dits « multibailleurs », lesquels permettent la mise en commun de financements divers, avec une gestion unique ou resserrée. Cette initiative repose sur des constats concrets : dans les pays en crise ou fragiles, les fonds de ce type, encore appelés « fonds Bêkou », sont particulièrement adaptés dans la mesure où peu d’acteurs ont les capacités humaines et techniques d’intervenir dans des circonstances d’urgence. En réalité, ces fonds permettent une concentration de l’aide et participent donc à son efficacité.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et au regard du formidable travail de fond réalisé par nos deux rapporteurs, le groupe UMP ne s’opposera pas à ce projet de loi. Néanmoins, il s’abstiendra, car il regrette que ce texte soit coupé de toute réalité financière. Il est dommageable, pour une loi de programmation, de ne comporter aucune trajectoire budgétaire ! Au reste, la position de notre groupe est cohérente, puisque nous nous étions déjà abstenus lors de l’examen du projet de loi en première lecture.

Toutefois, à titre personnel, avec mes collègues Christian Cambon et Jacques Gautier, me semble-t-il, je voterai ce texte, qui a le mérite d’exister. C’est le premier du genre ; il nous appartient de l’enrichir pour le crédibiliser financièrement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme du processus législatif devant conduire à l’adoption de ce projet de loi.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, qui s’est réunie le 4 juin dernier, a adopté un texte commun sans difficulté, avec, me semble-t-il, une grande volonté d’efficacité.

C’est l’occasion pour moi d’observer, avec d’autres, que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne diffère guère de celui qui avait été adopté par la Haute Assemblée le 26 mai dernier, ce dont je me réjouis. Cela prouve que les deux assemblées parlementaires peuvent travailler efficacement et en harmonie.

Ce constat me donne l’occasion de saluer de nouveau le travail de Pascal Canfin, naguère ministre délégué chargé du développement, et d’Annick Girardin, qui lui a succédé en tant que secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, ainsi que celui de nos deux corapporteurs.

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur l’évaluation, les députés et les sénateurs partageant une même volonté de disposer d’un système d’évaluation des politiques menées obéissant à deux critères : l’impartialité des évaluations et la garantie de leur indépendance. La création, par un amendement en commission mixte paritaire, d’un observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale, chargé de mutualiser et de rationaliser les évaluations des programmes menés par la France, répond à ce double objectif.

Concernant l’expertise, je me réjouis à mon tour que les députés n’aient pas souhaité revenir sur l’article 8 bis, dont notre collègue Jacques Berthou est à l’initiative. Le Sénat a adopté une profonde réforme de l’expertise technique, avec le regroupement de six organismes dès le 1er janvier 2015, avant une fusion plus large au 1er janvier 2016.

Depuis vingt ans, tous les rapports constataient l’éclatement du dispositif français, inadapté pour répondre aux appels d’offres internationaux, qui favorisent les structures importantes et pluridisciplinaires. Parfois, notre pays n’est pas assez compétitif, alors que l’expertise est un enjeu essentiel en termes d’influence. Aussi la France avait-elle besoin de se doter d’un opérateur public dominant susceptible de fédérer ses offres, afin de les rendre plus visibles et lisibles sur la scène internationale.

Je suis également satisfait que la commission mixte paritaire ait maintenu l’avancée que constitue l’extension de la loi Oudin-Santini aux déchets ménagers. Cette disposition, que le Sénat a fait adopter, permet de flécher un secteur d’intervention de la politique de développement dans lequel les collectivités disposent d’une expertise reconnue par tous.

Le groupe socialiste du Sénat a également fait voter un amendement obligeant les établissements scolaires à mener des campagnes de sensibilisation sur le thème de la coopération et du développement, encore trop mal connu de nos concitoyens.

Enfin, la commission mixte paritaire a fait le choix de conserver la rédaction du Sénat concernant la reconnaissance du concept de « pays en grande difficulté climatique » au sein des politiques de développement et de solidarité. Je m’en réjouis personnellement, car l’exposition des pays aux effets du dérèglement climatique est désormais un paramètre à prendre en compte. Aussi était-il important qu’il soit reconnu dans la loi.

La préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux est un sujet essentiel. Le dérèglement climatique est l’une des plus grandes menaces pour le développement des pays les plus vulnérables. Il est de notre responsabilité de nous assurer que ces pays ont la possibilité de choisir un mode de développement écologiquement soutenable et sont en mesure de s’adapter aux effets du changement climatique.

Pour toutes les raisons exposées, les membres du groupe socialiste se réjouissent de ce travail législatif exemplaire et de l’apport essentiel du Sénat. Nous voterons bien entendu les conclusions de la commission mixte paritaire, qui constituent l’aboutissement de ce processus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés.

Permettez-moi de répondre plus particulièrement à la question de M. le corapporteur Christian Cambon et d’autres intervenants sur la mise en œuvre de la réforme de l’expertise technique internationale et de la réforme de l’évaluation.

S’agissant du premier point, la réforme des opérateurs de l’expertise technique internationale était attendue, ainsi que plusieurs orateurs l’ont souligné. Elle est maintenant en marche grâce au travail de fond de la Haute Assemblée, qui a su proposer une démarche ambitieuse et opérationnelle.

À cet égard, je veux rendre hommage aux corapporteurs, à l’ensemble de la commission des affaires étrangères, présidée par Jean-Louis Carrère, qui nous ont permis d’avancer sur un facteur essentiel d’influence à l’international, ainsi que l’a rappelé M. Roger.

Cette réforme ambitieuse sera désormais inscrite dans la loi ; il convient maintenant de la traduire en actes. Je tiens à vous dire aujourd'hui que le Gouvernement est déterminé à avancer rapidement.

Dès la promulgation de la loi, un délégué interministériel à l’expertise internationale sera nommé, sur proposition des ministres des affaires étrangères et de l’économie. Le Gouvernement, en particulier Laurent Fabius et Annick Girardin, sera attentif à ce qu’il conduise ses travaux dans un esprit d’écoute et d’efficacité et avec une grande détermination.

Écoute, car toutes les parties prenantes devront être associées. Je pense aux ministères concernés, mais aussi aux personnels des opérateurs et aux partenaires sociaux, ainsi qu’au secteur privé.

Efficacité, car notre objectif est d’aboutir à un dispositif pertinent, praticable, agile, économe.

La mesure de la réussite en la matière sera simple, elle a d’ailleurs été évoquée : serons-nous capables de gagner des parts de marché dans les appels d’offres des grands bailleurs de fonds à l’issue de cette réforme ? Nous pensons que la France peut apporter une expertise de grande valeur…

M. Christian Cambon, corapporteur. Tout à fait !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … et qu’elle doit donc progresser en termes de parts de marché.

Détermination, aussi, car les enjeux sont importants et le calendrier est très resserré. Le Gouvernement veillera donc à tenir les assemblées parlementaires régulièrement informées de la mise en œuvre de cette réforme.

S’agissant maintenant du second point, la réforme du dispositif d’évaluation des politiques de développement constitue une autre avancée. Elle prend tout son sens dans le contexte de cette loi, centrée sur l’exigence de transparence et d’efficacité : une politique qui n’est pas évaluée convenablement ne peut pas être efficace.

Le Gouvernement est, là aussi, déterminé à avancer pour garantir le principe d’indépendance des évaluations, auquel vous avez montré, mesdames, messieurs les sénateurs, votre attachement, en mettant en place, dans les meilleurs délais, l’observatoire créé par la loi.

Le dispositif issu des travaux de la commission mixte paritaire nécessite toutefois un travail sur ces modalités de mise en œuvre, un travail qui est d’ores et déjà en cours au sein des services concernés. Sur ce sujet également, le Gouvernement tiendra le Parlement étroitement informé de l’avancée de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier nos deux corapporteurs, Jean-Claude Peyronnet et le collègue « qui siège à côté de lui »… (Sourires.) Je veux, bien entendu, parler de Christian Cambon, n’est-ce pas, cher Robert del Picchia ? (Nouveaux sourires.) C’est un peu comme si, lors de la récente commémoration officielle à Ouistreham, on s’était demandé qui était le grand Noir devant moi ! (Rires.) Comme quoi, il faut toujours connaître le nom de ceux qui nous entourent, sauf à avoir sous les yeux un paperot, comme on dit en bon gascon !

Tout cela pour souligner, mes chers collègues, qu’un binôme de rapporteurs appartenant à des familles politiques différentes, voire, parfois, quelque peu opposées, peut donc contribuer à améliorer un texte et, même, à le rendre recevable par l’ensemble d’entre nous.

Pour ma part, je tiens à rendre hommage à nos collègues de l’Assemblée nationale. Même si je partage votre avis quant à l’avancée que représente la version finale qui nous est proposée par rapport à la rédaction du texte qui nous a été soumise en première lecture, je tiens à souligner l’état d’esprit constructif de nos collègues députés lors de la commission mixte paritaire : ils ont accepté les propositions, certes argumentées, de nos deux corapporteurs. D’ailleurs, je vous ferai observer, non sans une pointe de malice, que je n’en doutais pas, puisque, outre l’intelligence de Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, Élisabeth Guigou, le rapporteur de ce texte, Jean-Pierre Dufau, a cette autre qualité d’être député des Landes… (Sourires.) Vous le voyez, quand on se mêle de politique dans mon département, les choses évoluent avec célérité ! (Nouveaux sourires.)

M. Yvon Collin. C’est le centre du monde ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Non, simplement celui de la corrida ! (Mêmes mouvements.)

Sans vouloir embarrasser nos amis de l’UMP – loin de moi cette idée, et je salue le vote de nos trois collègues ! –, je veux redire à leur endroit que, en plein débat politique, avant une élection présidentielle, ce budget avait été voté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Jacques Gautier. Nous votons le texte !

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Je le sais bien, mais, par votre intermédiaire, je m’adresse ici, en quelque sorte, à la hiérarchie du groupe UMP, qui s’abstient. Je regrette cette position.

Certes, les conclusions de la commission mixte paritaire vont être adoptées ici aussi à la quasi-unanimité, mais, si nous voulons donner de la force à l’action publique et à l’action politique, la meilleure façon de solidifier la République et d’empêcher les dérives extrêmes, c’est, me semble-t-il, de montrer à nos concitoyens que, sur des sujets importants, nous sommes capables de nous rassembler. Et je crois que nous avons tous cette volonté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du RDSE et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, corapporteur.

M. Christian Cambon, corapporteur. Au moment de conclure ce débat, je voudrais en premier lieu remercier le président Jean-Louis Carrère, qui nous a fait confiance, à Jean-Claude Peyronnet et à moi-même, selon une méthode désormais éprouvée au sein de cette commission.

Je voudrais aussi le rassurer sur l’UMP et lui conseiller, à titre amical, de faire comme moi et de ne pas tenter de comprendre toutes les subtilités internes de ce parti, qui parfois nous échappent aussi ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Je suis d’accord !

M. Christian Cambon, corapporteur. Je veux aussi vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, et remercier à travers vous Mme Girardin, ainsi que M. Canfin, qui a beaucoup œuvré pour ce texte.

Je remercie également notre équipe administrative qui nous a permis d’accomplir ce travail. J’ai bien entendu une pensée pour un ancien collaborateur de la commission, qui est ici présent, mais sur un autre banc, et qui a alimenté pendant de longues années notre maturation de ce projet. Il nous a sans doute permis d’être plus productifs dans ce débat. Je tiens aussi à remercier son successeur pour le travail extraordinaire qu’il a accompli. Bien qu’il ait en quelque sorte pris le débat en marche, son aide attentive, sous l’autorité du chef de service de la commission des affaires étrangères, nous aura été particulièrement précieuse. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)

Je remercie bien entendu nos collègues de la commission des affaires étrangères, qui nous ont toujours accompagnés, et toujours soutenus.

Enfin, je me tourne vers mon compère Jean-Claude Peyronnet, qui siège peut-être pour la dernière fois au banc des commissions, puisqu’il ne briguera pas de nouveau mandat.

Je me suis beaucoup appuyé sur son expérience personnelle, et je veux aujourd’hui lui témoigner mon admiration, et mon amitié, aussi, car j’ai eu beaucoup de plaisir à rédiger ce rapport avec le parlementaire plein de sagesse qu’il est.

Au-delà des divergences, souvent superficielles, que nous pouvons avoir, nous démontrons que des hommes de bonne volonté peuvent travailler ensemble sur de grands sujets.

J’espère que tu seras fier, cher Jean-Claude, de laisser une petite trace dans ce beau travail parlementaire auquel nous avons eu la chance d’apporter ensemble notre contribution ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale

TITRE IER

ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE DE LA FRANCE

Chapitre IER

Objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale

Discussion générale (suite)
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Article 2

Article 1er

La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses composantes économique, sociale, environnementale et culturelle.

Cette politique participe activement à l’effort international de lutte contre la pauvreté, la faim et l’insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales, en favorisant un développement économique équitable et riche en emplois, en consolidant l’agriculture vivrière et familiale, en préservant les biens publics mondiaux, en luttant contre le changement climatique, ses effets et l’érosion de la biodiversité et en promouvant la paix durable, la stabilité, les droits de l’homme et la diversité culturelle.

La politique de développement et de solidarité internationale respecte et défend les libertés fondamentales. Elle contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l’État de droit, l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la responsabilité sociétale, les socles de protection sociale et le travail décent. Elle contribue à lutter contre les discriminations. Elle œuvre pour développer et renforcer l’adhésion à ces valeurs dans les pays et régions partenaires par la voie du dialogue et de la coopération, en appuyant les mécanismes de bonne gouvernance, en particulier sur le plan local, et en favorisant notamment le renforcement des États et des capacités de la puissance publique. Elle veille à ce que les personnes en situation de pauvreté puissent être en capacité d’exercer leurs droits et participent activement aux programmes et projets de développement. Elle concourt à la politique étrangère de la France et à son rayonnement culturel, diplomatique et économique. Elle accorde une attention particulière à la francophonie et participe à la cohésion politique et économique de l’espace francophone.

Elle veille à assurer la continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement. L’action humanitaire, qui vise à secourir les populations vulnérables, s’inscrit pleinement dans la politique de développement et de solidarité internationale.

La politique de développement et de solidarité internationale respecte et promeut les principes et les normes internationaux, notamment en matière de droits de l’homme, de protection sociale, de développement et d’environnement. La France promeut en particulier les principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies.

Article 1er
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Article 3

Article 2

Le rapport fixant les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale, annexé à la présente loi, est approuvé. Le cas échéant, ces orientations sont actualisées dans les conditions fixées au rapport annexé, après consultation du Conseil national du développement et de la solidarité internationale et des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Chapitre II

Cohérence et complémentarité

Article 2
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Article 3 bis

Article 3

Une cohérence est recherchée entre les objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale et ceux des autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement, en particulier les politiques commerciale, agricole, fiscale, migratoire, sociale ou les politiques relatives aux droits des femmes, à la recherche et à l’enseignement supérieur, à l’éducation, à la culture, à la santé, à l’environnement, à l’énergie et à la lutte contre le changement climatique, à la paix et à la sécurité, à l’économie sociale et solidaire ou aux outre-mer.

Article 3
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Article 3 ter

Article 3 bis

La France reconnaît le rôle et la complémentarité de l’ensemble des acteurs impliqués dans la politique de développement et de solidarité internationale, notamment les collectivités territoriales, les organisations de la société civile et les entreprises.

Il est créé, auprès du ministre chargé du développement, un Conseil national du développement et de la solidarité internationale qui a pour fonction de permettre une concertation régulière entre les différents acteurs du développement et de la solidarité internationale sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique française de développement. Lors de sa première installation, sa composition comprend autant de femmes que d’hommes.

Les collectivités territoriales ont développé de nombreuses actions internationales, notamment fondées sur leur expertise dans la gestion des services publics locaux ou l’aménagement du territoire. Elles apportent une plus-value concrète en cohérence avec les priorités françaises.

Les organisations de la société civile, tant du Nord que du Sud, disposent également d’une expérience, d’une expertise et d’une implication fortes dans la politique de développement et de solidarité internationale.

Les entreprises participent à la politique de développement et de solidarité internationale à la fois par leur implantation dans les pays partenaires et par les actions spécifiques qu’elles mettent en place pour contribuer au développement de ces pays. Les entreprises françaises sont notamment présentes dans des secteurs prioritaires d’intervention comme la santé, l’agriculture, le développement des territoires, l’environnement et l’énergie ou l’eau et l’assainissement.

Article 3 bis
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Article 4

Article 3 ter

La France recherche la complémentarité entre les composantes bilatérale et multilatérale de sa politique de développement et de solidarité internationale.

Elle a pour objectif une meilleure harmonisation et coordination des actions de l’ensemble des bailleurs de fonds. Elle promeut notamment la programmation conjointe de l’aide apportée par l’Union européenne et ses États membres.

Dans les institutions multilatérales de développement dont elle est partie prenante, la France défend les priorités, les objectifs et les principes de sa politique de développement et de solidarité internationale énoncés dans la présente loi.

Chapitre III

Efficacité et principes

Article 3 ter
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Article 4 bis

Article 4

Afin d’assurer son efficacité, la politique de développement et de solidarité internationale repose sur la concentration géographique et sectorielle des aides et sur la prévisibilité des ressources publiques. Elle évite la dispersion de l’aide.

Elle est fondée sur une logique de partenariats différenciés présentés dans le rapport annexé à la présente loi. L’allocation des ressources et la détermination des instruments publics utilisés tiennent compte des besoins des pays partenaires, de leur évolution, de leurs capacités d’absorption et de l’impact attendu de l’aide.

Conformément aux engagements que la France a souscrits au niveau international, la politique de développement et de solidarité internationale met en œuvre les principes d’alignement sur les priorités politiques et les procédures des pays partenaires et de subsidiarité par rapport à la mobilisation de leurs ressources et capacités propres. Pour favoriser cette mobilisation, la France soutient la lutte contre la corruption, l’opacité financière et les flux illicites de capitaux.

Article 4
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Article 5

Article 4 bis

La politique de développement et de solidarité internationale de la France est fondée sur un principe de gestion transparente qui nécessite une évaluation indépendante continue.

Article 4 bis
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Article 5 bis

Article 5

La politique de développement et de solidarité internationale prend en compte l’exigence de la responsabilité sociétale des acteurs publics et privés. La France promeut cette exigence auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds.

Dans le cadre de cette exigence de responsabilité sociétale, les entreprises mettent en place des procédures de gestion des risques visant à identifier, à prévenir ou à atténuer les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme susceptibles de résulter de leurs activités dans les pays partenaires.

La France encourage les sociétés ayant leur siège sur son territoire et implantées à l’étranger à mettre en œuvre les principes directeurs énoncés par l’Organisation de coopération et de développement économiques à l’intention des entreprises multinationales et les principes directeurs sur les entreprises et les droits de l’homme adoptés par le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies.

Le groupe Agence française de développement intègre la responsabilité sociétale dans son système de gouvernance et dans ses actions. Il prend des mesures destinées à évaluer et maîtriser les risques environnementaux et sociaux des opérations qu’il finance et à promouvoir la transparence financière, pays par pays, des entreprises qui y participent. Son rapport annuel d’activité mentionne la manière dont il prend en compte l’exigence de responsabilité sociétale.

Article 5
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Article 5 ter

Article 5 bis

(Supprimé)

Article 5 bis
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Article 5 quater

Article 5 ter

La politique de développement et de solidarité internationale favorise le développement des échanges fondés sur le commerce équitable et contribue au soutien des initiatives d’économie sociale et solidaire et du micro-crédit dans les pays partenaires.

Article 5 ter
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Article 5 quinquies

Article 5 quater

L’Agence française de développement est autorisée à gérer, notamment sous la forme de fonds de dotation mentionnés à l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, de conventions particulières ou sous toute autre forme juridique ou contractuelle appropriée, des fonds publics et privés dans le cadre d’opérations financées par l’Union européenne, des institutions ou organismes internationaux, des collectivités publiques, des États étrangers, des établissements de crédit et banques de développement et des institutions publiques ou privées. Elle peut également confier la gestion de fonds aux mêmes entités que celles mentionnées à la première phrase dans le cadre de conventions particulières passées avec elles.

Article 5 quater
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Article 7

Article 5 quinquies

I. – Le titre Ier du livre III du code monétaire et financier est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« Offre d’opérations de banque à des personnes physiques résidant en France par des établissements de crédit ayant leur siège social dans un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement et qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen

« Art. L. 318-1. – Les établissements de crédit ayant leur siège social dans un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’aide publique au développement établie par le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques et qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen ne peuvent, sur autorisation préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, offrir à des personnes physiques résidant en France des opérations de banque que dans les conditions fixées au présent chapitre.

« Art. L. 318-2. – Pour délivrer l’autorisation prévue à l’article L. 318-1, dans des délais fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vérifie que les conditions suivantes sont remplies :

« 1° L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 est soumis dans l’État de son siège à des conditions de supervision équivalentes à celles qui existent en France ;

« 2° Une convention a été conclue entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’autorité compétente de l’État du siège, conformément aux dispositions de l’article L. 632-13 ;

« 3° Les opérations de banque proposées sont des opérations équivalentes à celles mentionnées à l’article L. 311-1 et que l’établissement mentionné à l’article L. 318-1 propose à sa clientèle dans l’État de son siège ;

« 4° L’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 a conclu une convention avec un établissement de crédit ou une société de financement agréé en France ou avec une succursale établie en France d’un établissement de crédit ayant son siège dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou encore avec une succursale établie en France d’un établissement de crédit ayant son siège dans un État qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen et qui a conclu avec la France une convention prévoyant un échange d’informations en matière fiscale, pour y commercialiser des opérations de banque qu’il réalise dans l’État de son siège. Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les stipulations devant figurer dans la convention conclue entre les établissements. Il précise notamment le type d’opérations de banque qui peuvent être offertes ;

« 5° Les opérations de banque sont intégralement exécutées dans l’État du siège de l’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1.

« Art. L. 318-3. – La commercialisation des opérations de banque par l’une des personnes mentionnées au 4° de l’article L. 318-2 est soumise aux dispositions du code de la consommation et du présent code en matière de publicité, de démarchage, d’information précontractuelle et aux dispositions des chapitres Ier et II du titre VI du livre V du présent code ainsi qu’aux dispositions européennes directement applicables en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

« Art. L. 318-4. – Les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 318-1 communiquent chaque année à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, un rapport sur les opérations effectuées dans le cadre du présent chapitre.

« Art. L. 318-5. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut retirer l’autorisation mentionnée à l’article L. 318-1 dans les cas suivants :

« 1° Si l’une ou plusieurs des conditions prévues à l’article L. 318-2 ne sont plus remplies ;

« 2° Si l’établissement de crédit mentionné à l’article L. 318-1 ou l’une des personnes mentionnées au 4° de l’article L. 318-2 a fait l’objet d’une condamnation pénale ou d’une sanction disciplinaire pour manquement aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ou aux dispositions de l’article L. 318-3. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 511-3 du même code, après la référence : « L. 511-2 », sont insérés les mots : « ou régies par le chapitre VIII du titre Ier du livre III ».

III. – Le C du II de l’article L. 612-20 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 318-1 acquittent, au moment du dépôt de leur demande d’autorisation, une contribution forfaitaire fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie, dans la limite de 10 000 €. »

IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

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Article 5 quinquies
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Article 8

Article 7

(Supprimé)

TITRE III

EXPERTISE INTERNATIONALE

Article 7
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Article 8 bis

Article 8

[Pour coordination]

Les opérateurs de l’expertise technique internationale contribuent, le cas échéant dans le cadre de conventions passées avec l’État, à la mise en œuvre des priorités, des objectifs et des principes de la politique de développement et de solidarité internationale de la France énoncés à la présente loi, dans le respect des mandats et objectifs spécifiques de ces institutions.

Article 8
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Article 9

Article 8 bis

Le chapitre IV du titre Ier de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Agence française d’expertise technique internationale

« Art. 12. – I. – Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé : “Agence française d’expertise technique internationale”, placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie et soumis au chapitre Ier du présent titre.

« II. – L’Agence française d’expertise technique internationale concourt à la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale publique françaises à l’étranger. Elle contribue notamment au développement de l’expertise technique internationale et à la maîtrise d’œuvre de projets de coopération sur financements bilatéraux et multilatéraux. Elle inscrit son action dans le cadre de la politique extérieure de coopération au développement, d’influence et de diplomatie économique de la France. Elle intervient dans le cadre des orientations stratégiques définies par l’État. Elle opère sans préjudice des missions des organismes privés compétents en matière d’expertise et de mobilité internationales. Elle intervient en concertation étroite avec tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou privés. Elle établit des conventions-cadres avec les ministères et les organismes concernés par la mise à disposition ou le détachement d’experts publics. Ses modalités d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État.

« III. – Il est créé un délégué interministériel à la coopération technique internationale, nommé par décret, pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie. Il est chargé de la mise en place effective au 1er janvier 2015 de l’Agence française d’expertise technique internationale par fusion de l’établissement public à caractère industriel et commercial “France expertise internationale”, du groupement d’intérêt public “Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières”, du groupement d’intérêt public “Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau”, du groupement d’intérêt public “International”, du groupement d’intérêt public “Santé protection sociale internationale” et de l’association “Agence pour le développement et la coordination des relations internationales”.

« IV. – L’Agence française d’expertise technique internationale se substitue à l’établissement public à caractère industriel et commercial, aux groupements d’intérêt public et au groupement d’intérêt économique mentionnés au III à la date d’effet de leur dissolution et, au plus tard, le 1er janvier 2015 dans tous les contrats et conventions que chacun d’entre eux a passés pour l’exécution de ses missions. À la date d’effet de leur dissolution, leurs biens, droits et obligations sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l’Agence française d’expertise technique internationale, sans perception d’impôts, de droits ou de taxes.

« V. – L’Agence française d’expertise technique internationale est substituée à l’établissement public à caractère industriel et commercial, aux groupements d’intérêt public et au groupement d’intérêt économique mentionnés au III à la date d’effet de leur dissolution et, au plus tard, le 1er janvier 2015 pour les personnels titulaires d’un contrat de droit public ou de droit privé conclu avec l’un de ces organismes en vigueur à cette date. Elle leur propose un contrat régi par le code du travail. Ce contrat reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents étaient titulaires antérieurement au transfert, en particulier celles qui concernent la rémunération.

« Les agents concernés disposent d’un délai de trois mois pour accepter les modifications de leur contrat qui leur sont proposées à la suite du transfert d’activité. En cas de refus de ces agents, l’Agence française d’expertise technique internationale procède à leur licenciement dans les conditions prévues par les textes qui leur sont applicables. Les salariés dont le contrat de travail est transféré demeurent à titre transitoire régis par la convention ou l’accord collectif qui leur est applicable. La convention nationale applicable à l’Agence française d’expertise technique internationale leur devient applicable dès que les adaptations nécessaires ont fait l’objet d’un accord ou, au plus tard, quinze mois après leur transfert.

« L’Agence française d’expertise technique internationale a vocation à rassembler au 1er janvier 2016 l’ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique, selon des modalités adaptées à leurs missions et statuts. Elle assure l’ensemble des fonctions transversales des opérateurs et comprend des départements thématiques. Elle dispose d’un fonds d’intervention pouvant prendre la forme d’un fonds de dotation.

« VI. – Le délégué interministériel à la coopération technique internationale préside le conseil d’administration de l’Agence française d’expertise technique internationale. Il siège au conseil d’administration des organismes rattachés à l’agence. Il est chargé de la coordination stratégique et opérationnelle des actions publiques de coopération technique.

« VII. – Le directeur général de l’agence assure la direction exécutive de l’agence. Il est nommé pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’économie. Les responsables des départements thématiques sont nommés par le directeur général sur proposition des ministères concernés.

« VIII. – Il est créé auprès de l’Agence française d’expertise technique internationale un comité d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée, comprenant notamment des représentants des ministères, des organismes, des entreprises intervenant dans le domaine de l’expertise technique internationale et des représentants des collectivités territoriales. Ce comité est présidé par le délégué interministériel à la coopération technique internationale. Il est organisé en sous-comités thématiques qui participent à la définition de la stratégie de chaque département thématique de l’agence en lien avec les ministères concernés. Les présidents des sous-comités sont nommés par le délégué interministériel à la coopération technique internationale sur proposition des ministères concernés. Sa composition et ses règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret. »

TITRE IV

ACTION EXTÉRIEURE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Article 8 bis
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Article 10

Article 9

I. – La première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° L’intitulé du chapitre V du titre unique du livre Ier est ainsi rédigé : « Action extérieure des collectivités territoriales » ;

2° L’article L. 1115-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-1. – Dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire.

« À cette fin, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, le cas échéant, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1, L. 2131-2, L. 3131-1, L. 3131-2, L. 4141-1 et L. 4141-2. Les articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 leur sont applicables. » ;

3° Après l’article L. 1115-1-1, il est inséré un article L. 1115-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-1-2. – Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes compétents en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages au sens de l’article L. 2224-13 ou percevant la taxe ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères peuvent mener, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services et dans le cadre de l’article L. 1115-1, des actions de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets des ménages. » ;

4° L’article L. 1115-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1115-6. – Il est créé une Commission nationale de la coopération décentralisée qui établit et tient à jour un état de l’action extérieure des collectivités territoriales. Elle favorise la coordination entre l’État et les collectivités territoriales et entre les collectivités territoriales et peut formuler toute proposition relative à l’action extérieure des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales et leurs groupements transmettent à la commission les informations nécessaires à l’accomplissement de ses missions. » ;

5° L’intitulé du chapitre II du titre II du livre VIII est ainsi rédigé : « Action extérieure des collectivités territoriales ».

II. – À la première phrase du II de l'article L. 1822-1 du même code, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « second ».

III. – Les actions d’aide au développement que mettent en œuvre les collectivités territoriales s’inscrivent dans le cadre de l’article 1er de la présente loi.

IV. – Des campagnes d’information sur la solidarité internationale des territoires sont mises en place conjointement par le ministère chargé de l’éducation nationale et les collectivités territoriales dans les écoles, les collèges et les lycées afin de sensibiliser dès le plus jeune âge l’ensemble de la population sur les actions extérieures des collectivités territoriales.

TITRE V

MISE EN ŒUVRE, ÉVALUATION ET RAPPORT

Article 9
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 10

I. – La politique de développement et de solidarité internationale fait l’objet d’évaluations régulières sur la base d’une programmation pluriannuelle qui est communiquée aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

II. – Le Gouvernement transmet tous les deux ans aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’au Conseil national du développement et de la solidarité internationale et à la Commission nationale de la coopération décentralisée un rapport faisant la synthèse de la politique de développement et de solidarité internationale conduite par la France dans les cadres bilatéral et multilatéral. Ce rapport présente en particulier la synthèse des évaluations réalisées en application du I, les modalités d’utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, l’équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts, ainsi que les activités de l’Agence française de développement et l’utilisation de son résultat. Il présente également l’activité de l’ensemble des organismes européens et multilatéraux œuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport est débattu publiquement à l’Assemblée nationale et au Sénat.

III. – Le III de l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998) est abrogé.

IV. – La présente loi fixe les objectifs et les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale pour une période de cinq ans, à l’issue de laquelle elle sera révisée. La présente loi s’applique jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de programmation.

RAPPORT FIXANT LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ET DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

(ANNEXE À L’ARTICLE 2)

TABLE DES MATIÈRES

Préambule

1. Objectifs et priorités de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

1.2. Priorités transversales

1.3. Secteurs d’intervention

1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés

1.5. Pilotage de la politique de développement et de solidarité internationale : le processus de révision des priorités sectorielles et géographiques

2. Cohérence, efficacité et transparence de la politique de développement

2.1. La cohérence des politiques sectorielles de la France s’inscrit dans un cadre européen

2.2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale

2.3. Transparence et redevabilité de la politique de développement et de solidarité internationale

3. Les leviers d’action de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

3.1. L’intervention de l’État

3.2. Les interactions avec les acteurs non étatiques

4. Le financement du développement

4.1. Instruments publics de financement du développement

4.2. Le renforcement des ressources domestiques

4.2 bis. Financements privés en faveur du développement

4.3. Les financements innovants

Annexe 1 : Liste des sigles et des abréviations

Annexe 2 : Matrice des indicateurs de résultats

Préambule

Un contexte mondial en profonde mutation qui impose un renouvellement des enjeux du développement

Ces deux dernières décennies ont été marquées par des progrès majeurs en matière de développement. Des centaines de millions de femmes et d’hommes ont ainsi pu sortir de la pauvreté en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Une partie du monde en développement est aujourd’hui en émergence ou au seuil de l’être. Pour autant, deux défis considérables se posent aujourd’hui. D’une part, d’importants progrès restent à faire dans de nombreux pays car ce mouvement positif est loin d’être homogène. La sécurité alimentaire et nutritionnelle d’un milliard d’êtres humains n’est toujours pas assurée. Les enfants en sont les premières victimes (165 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de retards de croissance). Certains États continuent de dépendre largement de l’aide internationale pour leur financement. Les inégalités entre pays et entre individus au sein de chaque pays se sont accrues. D’autre part, et dans le même temps, l’émergence de certains pays en développement bouleverse les équilibres économiques et politiques internationaux. Cette émergence représente un progrès, mais entraîne de fait une pression sur l’environnement, les ressources naturelles disponibles et le climat, chaque jour plus forte, qui nécessite de repenser collectivement les modes de vie et de consommation.

La politique de développement de la France a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, dans ses quatre composantes économique, sociale, environnementale et culturelle. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans la fusion des agendas du développement (Objectifs du millénaire pour le développement – OMD) et du développement durable (Objectifs du développement durable – ODD), dont les futurs objectifs seront définis en 2015 par les Nations unies. L’élimination de la pauvreté et la garantie à tous d’une vie décente ne pourront être atteintes sans un renforcement de la gouvernance mondiale, ainsi qu’une transition vers des modèles de développement, de consommation et de production plus durables. Dans un monde en forte croissance démographique, aux ressources naturelles limitées et engagé dans un effort pour maintenir le réchauffement climatique sous le seuil des 2 °C, il s’agit de favoriser l’épanouissement d’une société inclusive, fondée sur les droits humains, un cadre de vie décent et durable pour chacun. C’est ainsi que la mondialisation pourra contribuer au progrès de nos sociétés et à la sauvegarde d’un écosystème planétaire viable.

La politique de développement et de solidarité internationale de la France a pour ambition une mondialisation mieux maîtrisée et porteuse de valeurs humanistes. Sa vocation première, lutter contre la pauvreté et les inégalités pour aider le sixième de l’humanité, dont une majorité de femmes, qui vit encore dans l’extrême pauvreté, à en sortir et éviter que ceux qui en sont sortis y tombent à nouveau, est réaffirmée.

Les instruments

L’aide française est mise en œuvre à travers divers instruments (dons, prêts, annulations de dette…) qu’il faut tous mobiliser de façon adaptée aux besoins de nos partenaires. Tel est l’objectif des partenariats différenciés qui s’inscrivent dans la recherche de nouveaux équilibres géographiques et sectoriels.

Ainsi, dans les pays les plus pauvres, l’aide publique au développement (APD) doit contribuer au financement de politiques publiques essentielles, notamment dans les secteurs sociaux. Elle joue également un rôle de catalyseur des autres sources de financement, là où le potentiel de mobilisation des ressources fiscales et le recours aux marchés financiers demeurent encore limités et insuffisants, dans le financement des infrastructures et l’appui au développement du secteur privé notamment.

À l’inverse, dans les pays émergents, la dépendance à l’APD est faible. La valeur ajoutée de l’intervention de la France repose sur l’expertise, la capacité à agir en faveur de la préservation des biens publics mondiaux et la recherche de solutions partagées à des défis communs.

L’APD, qui représente 0,2 % du revenu mondial, ne peut à elle seule répondre aux défis du développement ; l’enjeu que représente la mobilisation d’autres ressources que l’aide est donc essentiel.

Dans cette perspective, la France souhaite continuer à favoriser l’accroissement des ressources fiscales des pays en développement, par le biais d’un soutien renforcé aux administrations fiscales, ainsi que l’investissement privé, local et international.

La France promeut également la mise en place de financements innovants en s’appuyant principalement sur des activités liées à la mondialisation, à l’instar de la taxe sur les transactions financières qu’elle a introduite à titre national et dont elle a affecté une partie des recettes au développement. Ces financements innovants ont un caractère additionnel aux ressources traditionnelles. La France plaide auprès des États membres de l’Union européenne pour qu’une part significative du produit de la future taxe européenne soit consacrée à la solidarité internationale.

L’interconnexion croissante des enjeux nationaux et internationaux conduit désormais à rechercher des réponses globales, en s’assurant qu’elles soient respectueuses du développement de tous les pays du monde. Dans une perspective universelle, la France entend favoriser l’émergence de politiques publiques globales, notamment par son action dans les enceintes internationales (organisations des Nations unies, institutions de Bretton Woods, G8 et G20) et par sa participation à de nombreux fonds verticaux. Sa politique de développement et de solidarité internationale s’inscrit aussi dans une dynamique européenne, nécessaire à la mise en cohérence de ses actions à titre national avec celles menées par l’Union européenne, premier pourvoyeur d’APD dans le monde.

La méthode

La politique française de développement implique tous les acteurs du développement dans leur diversité : administrations et opérateurs publics, fondations, collectivités territoriales, entreprises, y compris celles de l’économie sociale et solidaire, associations, syndicats, organisations non gouvernementales et établissements d’enseignement supérieur, de recherche et de formation. Le Gouvernement fait désormais du soutien, de la consultation et de la coordination avec ces acteurs issus de la société civile une priorité de sa politique de développement et de solidarité internationale. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), espace de dialogue politique et instance de mise en cohérence des actions de développement, a été créé à cette fin.

L’optimisation de l’impact des interventions de la politique de développement et la valorisation des ressources publiques utilisées sont essentielles, tant pour les pays bénéficiaires que pour les contribuables français. La politique de développement vise en conséquence à l’efficacité la plus grande, grâce à l’utilisation souple des instruments disponibles, à la prise en compte de la performance des projets soutenus et à l’évaluation indépendante de leurs résultats et de leur impact.

La France s’engage à faire de la transparence de son aide une priorité. Conformément aux conclusions du forum de haut niveau de Busan de 2011 sur l’efficacité de l’aide, qui visent à l’établissement d’un standard commun, elle améliore le nombre et la qualité des informations sur son aide publiées sur les sites gouvernementaux. Elle lance également des projets pilotes destinés à publier en temps réel les informations sur les projets qu’elle finance, à l’instar de celles qu’elle a commencé de publier sur ses activités au Mali.

La transparence de l’aide passe également par une meilleure redevabilité. Depuis 2013, la France produit annuellement des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale. Les documents qui permettent d’informer les parlementaires (en particulier le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement ») et la société civile sont revus dans le même esprit. Les résultats des évaluations menées par les principales structures pilotant l’aide au développement de la France, ainsi que la mise en œuvre de la stratégie présentée dans le présent rapport, sont également rendus plus accessibles et plus lisibles.

La transparence de l’aide passe également par une meilleure traçabilité et par la mise en place de dispositifs destinés à lutter contre la corruption. Ainsi, la France veille à ce que ces aides ne soient pas utilisées par les récipiendaires à des fins contraires aux objectifs de paix, de démocratie et de droits de l’homme. Elle s’efforce également de prévenir les risques de détournement, de corruption, de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

Les organismes et autorités en charge de l’aide au développement pourront suspendre sans délai tout programme et toute action en cas de violations manifestes des principes généraux énoncés dans la présente loi et dans ses annexes.

De nombreuses autres politiques publiques ont des effets importants sur les pays en développement. L’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale dépend donc fortement de l’articulation entre cette politique et l’ensemble des politiques nationales et européennes (commerce, agriculture, santé, migrations, fiscalité, recherche et enseignement supérieur, éducation, lutte contre le changement climatique, sécurité, outre-mer…). Cette cohérence doit donc être systématiquement recherchée.

Afin de donner toute l’efficacité à la politique de la France, il est important que la société française et les acteurs publics et privés du développement et de la solidarité internationale expriment et portent une vision globale et explicite de leurs interventions. De ce point de vue, il est nécessaire de formaliser une continuité entre les phases d’urgence, de reconstruction et de développement, basée sur des actions de réduction et de prévention des risques liés aux crises, sur des mesures de renforcement de la résilience des populations et des territoires, sur le dialogue entre l’ensemble des acteurs et sur la mise en place d’outils flexibles et adaptés.

1. Objectifs et priorités de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

1.1. Finalité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

La France met en œuvre une politique de développement et de solidarité internationale qui a pour objectif général de promouvoir un développement durable dans les pays en développement, tout en participant à l’effort international de lutte contre la pauvreté extrême et de réduction des inégalités.

Pour tenir compte du niveau de développement de chacun de ses partenaires et des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, la France fait le choix d’une politique de développement et de solidarité internationale reposant sur des partenariats différenciés.

Cette politique se décline dans quatre grands domaines simultanément :

– Promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l’homme et de l’égalité entre les femmes et les hommes : la liberté et la protection des individus comme le développement économique et social à long terme des pays partenaires ne peuvent être assurés que dans une démarche fondée sur la reconnaissance de droits et le renforcement de l’État de droit. La France y attache une importance particulière ;

– Équité, justice sociale et développement humain : les Objectifs du millénaire pour le développement ont contribué à mobiliser la communauté internationale en faveur d’un accès universel à un socle de services sociaux essentiels : alimentation, éducation, santé, eau potable, assainissement, habitat décent. Des progrès importants ont été réalisés, principalement alimentés par la croissance économique des pays eux-mêmes mais également grâce à l’appui de la communauté internationale. Mais il reste à trouver les voies et moyens de généraliser et de rendre pérennes ces acquis car les défis restent nombreux. La France rappelle l’importance de l’éducation et de la formation tout au long de la vie dans le processus de développement et l’aspect central du bien-être et des droits des individus ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant parmi les objectifs de développement ;

– Développement économique durable et riche en emplois : la France place le développement économique des pays partenaires au cœur de sa politique de développement et de solidarité internationale. Elle considère que l’amélioration des infrastructures dans les secteurs de l’eau, de l’énergie ou des transports notamment, le renforcement de l’intégration régionale et le développement du secteur privé, en particulier des petites et moyennes entreprises et petites et moyennes industries (PME-PMI) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), des entreprises de l’économie sociale et solidaire (associations et coopératives notamment), de l’économie circulaire, ainsi que d’un secteur financier performant et inclusif pour tous sont des outils essentiels. Une croissance verte et solidaire reste, particulièrement dans les pays en développement, un moteur essentiel du progrès social. L’enjeu est de promouvoir une croissance de qualité, créatrice d’emplois, fondée sur un juste équilibre entre capital physique, humain et naturel et qui ne se traduise pas par un dumping social ou écologique. La politique de développement doit ainsi favoriser une convergence des normes économiques, sociales et environnementales qui contribue à améliorer les conditions de vie des populations des pays en développement et qui préserve le tissu économique et social des pays bénéficiant déjà de normes sociales et environnementales de bon niveau ;

– Préservation de l’environnement et des biens publics mondiaux : limiter à 2 °C l’augmentation des températures mondiales afin d’éviter de graves dérèglements climatiques, lutter contre l’érosion de la biodiversité et la désertification, veiller à la protection des milieux naturels et des écosystèmes terrestres et marins, améliorer la protection contre les risques sanitaires et environnementaux, prévenir l’émergence et la propagation des maladies contagieuses et améliorer la stabilité financière mondiale constituent aujourd’hui des enjeux collectifs majeurs. Ces biens publics mondiaux ne sont aujourd’hui correctement pris en charge ni par les marchés, ni par les États parce que les investissements que nécessite leur préservation ne profitent pas exclusivement à ceux qui les ont consentis et ne génèrent pas nécessairement de bénéfice marchand. Ils appellent donc de la part de la communauté internationale des solutions de gouvernance et de financement innovantes.

1.2. Priorités transversales

La promotion de l’autonomisation des femmes et l’intégration systématique des problématiques de genre dans les actions menées par les acteurs de l’aide et les pays partenaires ainsi que la lutte contre le changement climatique sont des priorités transversales de la politique d’aide au développement de la France.

– Les femmes sont des actrices essentielles du développement. Les inégalités de genre et le non-respect du droit des femmes sont une composante structurante de la pauvreté. Les femmes font face à des difficultés spécifiques et à des discriminations de genre, dans tous les domaines.

Pour mettre les droits des femmes au cœur de la politique de développement, le Gouvernement a adopté, lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet 2013, une nouvelle stratégie « genre et développement » pour la période 2013-2017. Cette stratégie prévoit une prise en compte systématique d’un objectif transversal « genre » dans les procédures d’élaboration, de suivi et d’évaluation des projets : cette approche passera, en particulier dans les pays pauvres, par une révision de tous les instruments du développement ainsi que par le renforcement des capacités des agents et le soutien à la recherche. Cette stratégie prévoit que, d’ici à 2017, 50 % des projets de développement français aient comme objectif principal ou significatif l’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle sera mise en œuvre par l’ensemble des ministères traitant de politique de développement et tous les opérateurs, et évaluée annuellement par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans les enceintes européennes et internationales, la France s’efforce de promouvoir le droit des femmes, la lutte contre les violences qui leur sont faites, l’accès universel à la planification familiale et aux droits sexuels et reproductifs, l’autonomisation des femmes, l’égalité professionnelle, l’accès des femmes à l’éducation, à la formation ainsi qu’aux responsabilités économiques, politiques et sociales.

La politique de développement et de solidarité internationale prend en compte la situation particulière des jeunes filles et leur vulnérabilité, en intégrant dans la définition et la mise en œuvre des actions leurs besoins et leurs droits, notamment en matière d’éducation, de formation professionnelle, de lutte contre les violences et de santé, y compris sexuelle.

– La lutte contre le changement climatique et le développement économique et social sont intrinsèquement liés : l’accélération du changement climatique entravera durablement le développement. L’adoption par les pays en développement, notamment les pays émergents, de modes de développement sobres en énergie fossile est devenue un enjeu majeur à la fois pour la lutte contre le changement climatique au niveau mondial et pour le développement durable de chacun d’entre eux. La France prend en compte la situation particulière des « pays en grande difficulté climatique » dans sa politique de développement et de solidarité internationale. Il apparaît crucial d’accompagner les pays les plus pauvres et les plus fragiles pour qu’ils puissent adapter leurs modes de vie et leurs économies aux effets inéluctables et déjà présents de ce changement climatique. En effet, ce sont les populations les plus pauvres qui sont les plus directement dépendantes de l’exploitation des ressources naturelles et donc les plus exposées aux évolutions que le changement climatique induit sur ces ressources. Ainsi, à travers son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, l’Agence française de développement (AFD) vise à ce que, chaque année, 50 % de ses financements dans les pays tiers comportent des co-bénéfices « climat » dans l’ensemble des secteurs pertinents, y compris l’énergie. Enfin, la préparation de la conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 2015 sera une priorité pour la France.

1.3. Secteurs d’intervention

Prenant en considération, dans une perspective de durabilité et de développement mutuellement bénéfique, d’une part, les besoins de ses pays partenaires et, d’autre part, les objectifs de sa politique de développement, la France définit dix secteurs d’intervention. Ces derniers doivent prendre en compte, dans leurs objectifs, principes et indicateurs, les deux priorités transversales de l’APD de la France : les droits des femmes et les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que la lutte contre le changement climatique.

– Santé et protection sociale

La France réaffirme l’importance qu’elle accorde au droit fondamental à la santé. Elle consacre une part significative de son effort dans le domaine du développement et de la solidarité internationale à l’amélioration des conditions de santé et de protection sociale dans les pays en développement. Plusieurs facteurs justifient cet investissement : l’accélération de la mondialisation a renforcé les risques de diffusion des grandes pandémies ; la résilience des sociétés aux chocs sanitaires est une condition de leur capacité à se développer ; c’est un secteur dans lequel la France dispose de compétences reconnues. Cette coopération doit cependant s’adapter à la double transition démographique (vieillissement) et épidémiologique (progression des maladies non transmissibles) qui affecte les pays en développement. Par ailleurs, certaines maladies tropicales touchant les populations des pays les plus pauvres sont négligées dans l’effort de recherche et développement de l’industrie pharmaceutique du fait de l’absence de marchés solvables. La santé, en tant que bien public mondial, appelle dès lors une mobilisation mondiale et coordonnée de l’ensemble des acteurs du développement international.

La France réitère son engagement à combattre les trois grandes pandémies, notamment grâce au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à lutter contre les maladies négligées, à améliorer la santé des mères et des enfants et à promouvoir la couverture sanitaire universelle telle qu’elle a été définie par les Nations unies en décembre 2012.

L’accès de tous à la protection sociale commence par le soutien au développement des socles nationaux de protection sociale. À cet égard, le soutien et la promotion de la recommandation n° 202 du 14 juin 2012 de la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail (OIT) contribueront à concrétiser le caractère universel de la couverture sociale (santé, vieillesse, invalidité, prestations familiales...).

Dans les domaines du renforcement des systèmes de santé et de protection sociale, son action se concentrera sur les trois grands enjeux suivants :

– l’amélioration de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale et infantile, ainsi que les politiques de population dans les pays prioritaires d’Afrique subsaharienne ;

– l’adaptation des systèmes de santé et de protection sociale à l’accroissement des maladies chroniques et des problèmes de santé découlant de l’élévation des niveaux de vie et du vieillissement ;

– le renforcement de la surveillance épidémiologique et de la capacité des pays à agir sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé.

– Agriculture, sécurité alimentaire et nutritionnelle

La lutte contre la sous-nutrition est une des priorités de la politique de développement et de solidarité internationale. La France promeut une agriculture familiale, productrice de richesses et d’emplois, soutenant la production vivrière et respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité. Elle soutient des initiatives permettant à l’agriculture de jouer pleinement son rôle : adoption de politiques agricoles cohérentes, renforcement de l’intégration régionale, structuration des marchés agricoles, développement de filières, accès des petits producteurs aux certifications environnementales volontaires disponibles sur le marché international, appui aux organisations paysannes ainsi que le renforcement de l’autonomie des paysans, la recherche de l’accès équitable à l’eau, la transition des agricultures familiales vers une intensification agro-écologique, la sécurisation de l’accès au foncier, notamment pour les femmes et les petits producteurs, la lutte contre les accaparements de terres et de ressources et la lutte contre la dégradation et la pollution des terres. En matière de pêche, la France agit pour renforcer l’aide à la gestion durable des pêcheries des pays en développement et à la protection des milieux et ressources marines, notamment par la mise en place de réserves halieutiques et d’aires marines protégées. Elle cherche à développer une évaluation européenne systématique et publique de la mise en œuvre et des effets des volets sociaux et environnementaux des accords de pêche.

L’aide bilatérale a pour finalité d’améliorer durablement la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages ruraux et urbains, principalement en Afrique subsaharienne, par un soutien aux exploitations agricoles familiales, aux filières, en particulier vivrières et d’élevage, et aux politiques agricoles, alimentaires et nutritionnelles, en intégrant les enjeux de développement durable et de souveraineté alimentaire. À ce titre, les interventions contribueront :

à l’amélioration de la gouvernance sectorielle de la sécurité alimentaire, tant en ce qui concerne les politiques agricoles, rurales que nutritionnelles ;

au développement économique et social des territoires ruraux et à la conservation de leur capital naturel ;

à une croissance soutenue, riche en emplois, durable et inclusive des filières agricoles.

En cohérence avec ces orientations, l’AFD ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Elle ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de forêts primaires, l’accaparement des terres incompatible avec un développement local équitable ou la privation des ressources naturelles des populations autochtones.

– Éducation et formation

L’éducation, notamment des filles, est un droit humain fondamental au cœur des processus de développement. Une éducation et une formation de qualité sont des facteurs puissants de transformation sociale et contribuent à la réduction des inégalités sociales et territoriales, à un développement économique durable, à l’épanouissement des personnes, à l’exercice de la citoyenneté et à la promotion de la démocratie et de l’État de droit. L’éducation est aussi un outil de sensibilisation, de prévention et de formation aux droits humains, aux enjeux de développement durable et aux enjeux transversaux et sociétaux tels que la santé, l’environnement ou la lutte contre toutes les formes de discriminations.

Une des caractéristiques des pays bénéficiaires de la politique de développement est la jeunesse de leur population. Encore plus pour ces pays, les jeunes représentent l’avenir et doivent pouvoir bénéficier d’investissements forts à tous les niveaux pour permettre leur inclusion sociale, économique et politique. C’est pourquoi la France fait de l’éducation et de la formation accessibles à tous sans aucune discrimination une des priorités de sa politique de développement et de solidarité internationale. Dans ce cadre, un effort particulier dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue dans les pays concernés aura un effet de levier sur la création d’emplois, mais aussi sur la capacité de ces pays à s’adapter au contexte de mondialisation des échanges et de multiplication des crises économiques, sanitaires et climatiques.

La politique française d’aide au développement et de solidarité internationale doit aider à la mise en œuvre de politiques d’éducation et de formation efficaces, à même de garantir l’acquisition des connaissances et la maîtrise des compétences nécessaires au développement autonome des populations et à leur pleine insertion économique, sociale et citoyenne dans la société. À ce titre, l’accès et le maintien des filles à l’école représentent un facteur fondamental de développement. Cette politique doit aussi contribuer aux objectifs de l’Éducation pour tous, en priorisant le soutien à l’éducation de base incluant les premiers niveaux du secondaire, l’importance du continuum éducatif de la petite enfance à la formation tout au long de la vie, le rôle primordial des équipes pédagogiques dans la dispense d’une éducation de qualité, notamment pour les populations marginalisées ou vulnérables. La France contribue également à ces objectifs à travers sa politique d’accueil et de formation d’étudiants étrangers sur son territoire. La politique de promotion et de soutien de la langue française est également un vecteur de la politique de développement.

– Secteur privé et responsabilité sociétale

Le secteur privé contribue à la création de richesses, d’emplois, de revenus, de services et de biens. La politique de développement et de solidarité internationale encourage l’action des entreprises, en particulier les PME-PMI et les entreprises de taille intermédiaire. Le développement des PME, l’accroissement des flux d’investissement et le renforcement des cadres réglementaires nécessaires, tant pour encourager que pour encadrer le développement de l’entreprenariat privé, représentent autant d’enjeux majeurs. La politique de développement et de solidarité internationale favorise les conditions d’une croissance riche en emplois, inclusive et durable.

Le Point de contact national pour la mise en œuvre des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales (PCN) a élaboré des recommandations pour une conduite responsable dans la filière textile-habillement. Le PCN est chargé de la promotion de ces recommandations et pourra être saisi des conditions de mise en œuvre des principes directeurs dans tout autre secteur d’activité pertinent. Dimension transversale de l’action du Gouvernement, la responsabilité sociétale est pleinement intégrée dans la politique de développement et de solidarité internationale qui met en œuvre des actions permettant d’accompagner les pays partenaires et les acteurs publics et privés pour une meilleure prise en compte de cette exigence.

Le Gouvernement mandate la plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises pour mener la réflexion sur des mesures visant à une meilleure responsabilisation des entreprises multinationales et des donneurs d’ordre vis-à-vis de leur filiales, sous-traitants et fournisseurs situés dans les pays en développement.

Celle-ci étudiera également la possibilité de renforcer le devoir de vigilance incombant aux entreprises dans le cadre de leurs activités, de celles de leurs filiales et de leurs sous-traitants afin de prévenir les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux qui peuvent en résulter.

La France s’efforce également de promouvoir cette démarche auprès de l’ensemble des partenaires du développement dans les enceintes internationales ou européennes. Elle soutient le renforcement des exigences sociétales dans les processus de passation des marchés publics, dans le cadre des réformes en cours au sein des institutions financières multilatérales et dans un cadre bilatéral.

Pour répondre à l’objectif transversal d’égalité entre les femmes et les hommes de l’aide publique au développement, la France soutient l’entrepreneuriat féminin et l’accès des femmes aux responsabilités économiques et sociales.

La France soutient l’essor et la promotion des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), acteurs devenus incontournables de la politique de développement. Les coopératives, mutuelles, associations, fondations et entreprises sociales, qui sont les principaux acteurs de l’ESS, placent l’individu au cœur du développement et apportent, le plus souvent, des réponses au plus près des besoins locaux, appuyant l’émergence d’une solidarité citoyenne. Afin de prolonger cette dynamique, la France encouragera l’émergence d’entreprises coopératives transnationales. Ceci peut s’exprimer particulièrement dans un objectif de développement de filières communes entre les acteurs économiques du Nord et du Sud.

La France soutient également le développement de l’économie circulaire, s’inscrivant dans le cadre du développement durable, qui concrétise l’objectif de produire des biens et des services tout en limitant la consommation et le gaspillage des matières premières, de l’eau et des sources d’énergie afin de passer progressivement à un modèle de création de valeur, positive sur les plans social, économique et environnemental. L’économie circulaire privilégie un modèle centré sur l’utilisation locale des ressources disponibles et les circuits courts partout où cela est possible.

La France promeut également les libertés syndicales et l’amélioration du dialogue social. Elle reconnaît que les syndicats constituent des acteurs du développement. 

– Développement des territoires

Le développement urbain et le développement rural sont décisifs pour l’avenir de la planète. Ils ne peuvent être traités indépendamment l’un de l’autre compte tenu de leur interconnexion croissante. La France promeut ainsi une planification urbaine et territoriale qui intègre les interactions entre territoires urbains, périurbains et ruraux. Particulièrement engagée en faveur du développement des territoires, la France s’est notamment vue confier par le programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) un rôle de chef de file pour la mise en œuvre des « lignes directrices internationales sur la décentralisation et l’accès aux services de base pour tous » (eau, assainissement, traitement des déchets, énergie, transports, communications, école primaire, santé et sécurité publique) approuvées par le conseil d’administration d’ONU-Habitat en 2007 et en 2009. Elle est aussi chef de file européen pour l’élaboration de lignes directrices internationales sur la planification urbaine et territoriale.

Les villes sont aujourd’hui au cœur des enjeux du réchauffement climatique et de la surexploitation des ressources naturelles. Mais des solutions d’ordre institutionnel et technique peuvent aujourd’hui être apportées afin de faire face au défi environnemental. L’approche française du développement urbain durable privilégie ainsi quatre grands objectifs :

faire des collectivités locales le catalyseur de la démocratie de proximité et de la concertation entre tous les acteurs du développement local ;

participer au renforcement des capacités des collectivités territoriales ;

améliorer les conditions de vie et la productivité urbaine ;

contribuer à un aménagement des territoires urbains qui préserve l’environnement et les autres biens publics mondiaux, notamment par l’investissement dans des infrastructures urbaines durables qui intègrent les enjeux d’adaptation aux changements climatiques, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, des impacts environnementaux à long terme et une meilleure gestion des ressources.

En écho à la stratégie dans le domaine de la sécurité alimentaire, l’approche du développement rural favorisera les trois axes stratégiques suivants :

accompagner des politiques agricoles nationales et régionales concertées ;

investir pour une agriculture, moteur de croissance inclusive et durable ;

soutenir l’intégration des territoires ruraux dans les échanges économiques nationaux, régionaux et internationaux.

– Environnement et énergie

Une complète prise en compte des questions environnementales dans la politique de développement est une condition nécessaire à la pérennisation des projets de lutte contre la pauvreté. La France contribue activement aux négociations internationales dans le cadre de diverses conventions des Nations unies telles que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée à New York, le 9 mai 1992, la convention sur la diversité biologique, adoptée à Nairobi, le 22 mai 1992, la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, adoptée à Paris, le 17 juin 1994, ainsi qu’au sein des différents accords multilatéraux sur l’environnement. Elle concourt à leur mise en œuvre à travers, notamment, sa participation au Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et son outil de coopération bilatérale en matière d’environnement, le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). L’AFD contribue également au financement de la protection de l’environnement dans les pays tiers, conformément aux engagements pris dans ses documents stratégiques pertinents, en particulier dans son cadre d’intervention transversal Climat-Développement, son cadre d’intervention transversal Biodiversité et son cadre d’intervention sectoriel Sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne.

S’agissant de la lutte contre l’érosion de la biodiversité, deux axes prioritaires ont été définis pour la coopération bilatérale : accroître les surfaces et améliorer la gestion des territoires ayant statut d’aires protégées terrestres et marines et intégrer la protection et la restauration de la biodiversité dans l’ensemble des politiques sectorielles susceptibles d’avoir un impact sur son avenir.

La politique de développement et de solidarité internationale de la France dans le secteur de l’énergie s’inscrit dans le cadre de stratégies globales de lutte contre la pauvreté, de promotion de la croissance verte et de protection des biens publics mondiaux. Elle est étroitement liée à son action dans le domaine de la lutte contre le changement climatique et s’articule aujourd’hui autour de trois grands objectifs : améliorer l’accès à des services énergétiques performants ; développer les énergies renouvelables ; améliorer l’efficacité énergétique, conformément aux objectifs de l’initiative « Énergie durable pour tous » (SE4ALL) du Secrétaire général des Nations unies.

Trois axes prioritaires et un appui transversal aux politiques énergétiques durables et aux acteurs du secteur ont été définis :

prioriser les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ;

réduire la fracture énergétique et développer l’accès en zones rurales et suburbaines ;

sécuriser et renforcer les systèmes énergétiques ;

renforcer les politiques énergétiques durables et les capacités des acteurs.

La France a pour objectif de réduire progressivement les concours apportés dans le cadre de sa politique de développement et de solidarité internationale aux énergies fossiles et de porter cette position dans l’ensemble des banques multilatérales de développement. Plus généralement, en matière énergétique, la France poursuit le financement de projets, notamment de recherche, qui ont pour but l’amélioration des rendements et de l’efficacité énergétiques dans un souci de protection de l’environnement. Dans cette perspective, elle publiera d’ici deux ans une stratégie fondée sur une évaluation de l’impact environnemental et économique de ses soutiens financiers dans le domaine énergétique. D’ores et déjà, l’AFD ne finance pas de projets de centrales à charbon, à l’exception des centrales incluant un dispositif opérationnel de captage et de stockage de dioxyde de carbone.

– Eau et assainissement

L’accès à l’eau et à l’assainissement soulève des défis d’ordre sanitaire et environnemental, mais aussi en matière de réduction de la pauvreté ou d’égalité entre les femmes et les hommes. L’OMD visant à réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à l’eau potable devrait être atteint d’ici à 2015 mais environ 800 millions de personnes ne bénéficient toujours pas d’un accès à l’eau potable satisfaisant. Et la situation est encore plus préoccupante pour l’assainissement où cette composante de l’OMD ne sera certainement pas atteinte. De plus, les pressions quantitatives et qualitatives sur la ressource en eau augmentent avec la croissance démographique, l’évolution des régimes alimentaires et la croissance urbaine. Les changements climatiques devraient renforcer ces tensions en entraînant une répartition encore plus inégale de la ressource. Dans quinze ans, un tiers de la population mondiale pourrait vivre dans des régions en situation de stress hydrique.

Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, trois priorités sont retenues :

appuyer la définition de cadres sectoriels nationaux clairs et efficaces, comprenant des normes de qualité de l’eau ;

garantir l’exploitation et la gestion des ressources en eau de manière durable pour les utilisateurs ;

soutenir des services d’eau et d’assainissement performants et durables.

– Gouvernance et lutte contre la corruption

Les mouvements démocratiques au sud de la Méditerranée et les évolutions politiques en Afrique ont illustré récemment l’interdépendance entre gouvernance et développement. La France a mis l’accent sur ce lien, lors de sa présidence du G8 en 2011, en promouvant un pilier relatif à la gouvernance dans le partenariat de Deauville et en mentionnant les droits de l’homme et la gouvernance démocratique dans la déclaration conjointe G8/Afrique.

Par ailleurs, la transparence comptable, le respect des règles fiscales et la lutte contre l’évasion fiscale constituent des éléments indispensables pour promouvoir une contribution effective des entreprises et des États au développement des populations.

Pour avancer dans ce domaine, il est indispensable de renforcer les capacités administratives des partenaires et d’accorder l’attention nécessaire à l’accroissement de la qualité des ressources humaines des administrations nationales. C’est ainsi qu’il sera possible d’accompagner le développement des infrastructures et des cadres législatifs et réglementaires, ainsi que leur mise en œuvre, et de favoriser la présence des investisseurs.

S’agissant de la gouvernance financière, deux engagements ont été pris dans le cadre du G8 et du G20 :

la promotion de la transparence dans les industries extractives, illustrée notamment par l’adhésion de la France à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) ;

l’appui à la mobilisation des ressources domestiques pour le financement du développement, concrétisé par la poursuite de l’appui de la France au renforcement des capacités des administrations fiscales, grâce en particulier à l’initiative de l’OCDE « inspecteurs des impôts sans frontières » pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales internationales dans les pays en développement.

La lutte contre la corruption est également un élément essentiel à la mise en place d’États légitimes et efficaces pour assurer un développement durable. La France, signataire dans ce domaine de plusieurs conventions internationales, poursuit cet objectif.

La France s’engage à promouvoir la signature et la ratification des instruments juridiques internationaux de lutte contre la corruption auprès de ses partenaires.

– Mobilité, migration et développement

La politique de développement et la politique migratoire doivent être en cohérence. La France reconnaît le rôle des migrations dans le développement des pays partenaires, les migrants étant des acteurs à part entière du développement en y contribuant par leurs apports financiers, techniques et culturels.

L’articulation entre politique migratoire et politique de développement s’inscrit dans l’approche globale des migrations adoptée par le Conseil européen, en 2005, et mise en œuvre depuis lors par l’Union européenne, concernant, notamment, l’immigration légale, la lutte contre l’immigration irrégulière et la promotion de la contribution des migrants au développement de leur pays d’origine.

Sur ce dernier volet, la France appuie le renforcement du potentiel de solidarité et d’investissement des migrants ainsi que l’accroissement des capacités des pays partenaires à intégrer la migration dans leurs stratégies de développement. Cette approche a vocation à s’appliquer à tous les pays concernés.

– Commerce et intégration régionale

L’insertion progressive des pays en développement dans le commerce mondial constitue pour la France une priorité. Dans cette perspective, elle promeut la conclusion d’accords commerciaux bilatéraux fondés sur le juste échange et visant une meilleure insertion dans le commerce régional et international, des politiques d’aide au commerce et de facilitation des échanges, un soutien aux efforts de l’Union européenne en faveur du multilatéralisme via l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une meilleure prise en compte des spécificités des pays les moins avancés (PMA) et des efforts attendus de la part des grandes économies émergentes dans le cadre du cycle de Doha. Compte tenu de l’importance d’une différenciation entre pays en développement, la France œuvre au renforcement du système de préférences généralisées en ciblant les pays qui en ont le plus besoin.

En la matière, la France a pris plusieurs engagements internationaux :

– Au sommet du G20 de Séoul des 11 et 12 novembre 2010, il a été décidé de progresser vers l’accès au marché sans droits de douane ni quotas pour les PMA et de maintenir, au-delà de 2011, les niveaux d’aide au commerce qui tiennent compte de la moyenne des années 2006 à 2008 ;

– Respecter les engagements financiers dans le domaine de l’aide au commerce. Accords de partenariat économique (APE) : au-delà de l’accès au marché accordé aux pays en développement dans le cadre du système des préférences généralisées de l’Union européenne, la France reste attachée à faire des APE un instrument au service du développement. Elle favorise une meilleure prise en compte des préoccupations de ses partenaires africains dans la négociation des APE régionaux afin que ces accords portent leurs fruits en termes d’intégration régionale et de développement.

1.4. Priorités géographiques : des partenariats différenciés

Le monde en développement connaît des disparités croissantes avec l’émergence de nouvelles puissances économiques et politiques, le dynamisme d’un grand nombre de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine et la persistance d’États en situation de crise ou de vulnérabilité. Afin de faire le meilleur usage des ressources qu’elle consacre au développement et à la solidarité internationale, la France doit tirer les conséquences de cette hétérogénéité en adaptant ses objectifs et ses modalités d’intervention aux enjeux propres à chaque catégorie de pays. C’est pour répondre à cet objectif et tenir compte des priorités liées à sa géographie, son histoire, sa culture et sa langue, que la France met en œuvre des partenariats différenciés avec quatre catégories de pays. Dans ce cadre, la France définira, conjointement avec chacun de ses partenaires, trois secteurs de concentration prioritaire parmi les dix évoqués ci-dessus.

Les pays pauvres prioritaires

La France concentre son effort de solidarité en subventions et dons sur un nombre limité de pays pauvres prioritaires dont la liste a été établie par le CICID le 31 juillet 2013(1). Dans ces pays, la France mobilise ses instruments bilatéraux et multilatéraux au bénéfice de l’ensemble des objectifs de sa politique de développement, notamment : les OMD, le développement économique, la gouvernance démocratique, l’État de droit et la préservation du capital environnemental. La France consacre une attention particulière aux pays du Sahel qui nécessitent une approche globale et coordonnée de la part de l’ensemble des bailleurs de fonds. Pour atteindre ces objectifs, au moins la moitié des subventions de l’État seront concentrées dans les pays pauvres prioritaires. De son côté, l’AFD concentrera sur ces pays les deux tiers des subventions qu’elle verse.

L’Afrique et la Méditerranée

L’État concentrera au moins 85 % de son effort financier en faveur du développement en Afrique subsaharienne et dans les pays voisins du Sud et de l’Est de la Méditerranée.

– Les pays d’Afrique subsaharienne demeurent la priorité de la France. Cette région reste la dernière région du monde où la question du sous-développement se pose à l’échelle du continent. Elle rassemble la plupart des pays les plus mal classés au regard de l’indice du développement humain. Dans le même temps, l’économie de la plupart des pays du continent a fortement progressé. L’Afrique subsaharienne enregistre ainsi sur les dix dernières années un taux de croissance économique moyen largement supérieur à celui des pays de l’OCDE. L’analyse de moyen-long terme, au-delà des phénomènes conjoncturels, semble confirmer qu’un processus vertueux de croissance est enclenché dans un grand nombre de pays pauvres : accélération de la croissance économique, supérieure à la croissance démographique et autorisant une augmentation du revenu par habitant ; amélioration sensible de la stabilité macro-économique (baisse de l’endettement extérieur, décélération de l’inflation, réduction des déficits budgétaires et externes) ; forte réduction du taux de conflictualité et enracinement des processus démocratiques. Le partage de la langue française avec la majorité des pays d’Afrique subsaharienne est un atout que la France valorise dans le cadre de son action en faveur du développement de la région. La France interviendra dans tous les secteurs opportuns et mobilisera toute la gamme des instruments dont elle dispose – dons, aides budgétaires, prêts bonifiés ou non, souverains et non souverains, prises de participations, garanties et autres financements innovants – pour répondre de manière adaptée aux besoins de ces pays.

– Les pays du voisinage Sud et Est de la Méditerranée : cette région représente un enjeu essentiel, tant pour l’Europe que pour la France. Elle est confrontée à des défis sociaux et économiques importants : les Nations unies prévoient, d’ici vingt ans, 60 millions de jeunes supplémentaires à employer et donc à former, 75 millions de nouveaux urbains à accueillir, dans un environnement fragile et aux portes de l’Europe ; les bouleversements politiques en cours appellent un accompagnement et un effort accru en faveur du renforcement de la gouvernance ; la préservation de l’environnement, et en particulier de la mer Méditerranée, doit être assurée. La création d’un espace de stabilité politique et de prospérité économique, ainsi que la gestion concertée, entre les deux rives de la Méditerranée, de tous ces défis sont donc nécessaires. La politique de développement de la France visera à renforcer les tissus productifs locaux et le capital humain, à promouvoir la création d’emplois et l’aménagement du territoire, dans une perspective de durabilité, de développement mutuellement bénéfique et de co-localisation. La plupart de ces partenaires étant des pays à revenus intermédiaires, les concours financiers de l’État seront prioritairement des prêts, complétés par des actions en matière de formation comme de coopération culturelle, scientifique et technique. Conformément à la volonté marquée par le Président de la République de développer une « Méditerranée des projets », les interventions s’inscriront dans une logique euro-méditerranéenne, notamment en faveur de l’intégration régionale, et mobiliseront toutes les initiatives pertinentes : politique de voisinage de l’Union européenne, Union pour la Méditerranée, Assemblée parlementaire de la Méditerranée, dialogue 5+5 et partenariat de Deauville.

Les pays en crise et en sortie de crise ou en situation de fragilité

S’ils ne font pas partie des pays pauvres prioritaires, ces pays bénéficient d’une attention particulière. La prévention sera privilégiée à chaque fois que possible et, en cas de crise ouverte, une attention particulière sera apportée à la coordination de notre action : entre civils et militaires, entre acteurs publics et non gouvernementaux, entre la phase humanitaire et celle de retour au développement.

Les interventions de la France dans ce groupe de pays répondront prioritairement à leurs besoins en matière de développement humain, économique et d’approfondissement de l’État de droit et s’articuleront avec le rôle majeur de l’Union européenne dans la réponse aux crises et dans le soutien aux efforts des pays et des organisations régionales pour maintenir la paix. Des instruments souples, principalement des subventions, seront utilisés.

Le reste du monde

Dans le reste du monde, notamment l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes, qui comptent majoritairement des pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, il s’agira d’aller au-delà du concept de l’aide qui n’est plus adapté à leur situation : la France aura pour objectif de rechercher des solutions partagées à des défis communs et d’associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres. La France y interviendra pour promouvoir une « croissance verte et solidaire », en y favorisant notamment des partenariats économiques.

Le partenariat avec les « très grands émergents », qui mobilisera les acteurs français dans leur diversité, est essentiel pour renforcer le dialogue et préparer ensemble les négociations internationales sur les enjeux partagés. Il se fera sans coût financier pour l’État (hors expertise technique).

Les actions en matière de gouvernance démocratique, droits de l’homme, protection de l’enfance, égalité entre les femmes et les hommes et assistance technique seront, quant à elles, possibles dans l’ensemble des pays d’intervention.

Dans un monde en mouvement, où la situation de chaque pays évolue rapidement, le secrétariat du CICID réexaminera chaque année les partenariats différenciés.

1.5. Pilotage de la politique de développement et de solidarité internationale

En cohérence avec les principes généraux affirmés dans la présente loi, les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale peuvent être actualisées, en tant que de besoin et après consultation du CNDSI et des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, par le CICID qui rassemble, sous la présidence du Premier ministre, l’ensemble des ministres concernés. Dans les six mois suivant le Sommet de l’ONU prévu en septembre 2015, le CICID actualise ces orientations pour tenir compte des objectifs qui succèderont aux objectifs du millénaire pour le développement.

Le ministère des affaires étrangères, le ministère chargé de l’économie et des finances, l’AFD, ainsi que les autres ministères et opérateurs de l’État susceptibles de mettre en place des actions de développement et de solidarité internationale veillent constamment à ce que les actions qu’ils mènent dans leurs champs de compétences respectifs soient cohérentes avec les autres actions menées par l’État. Le CICID fixe le cadre général des interventions de l’État et l’articulation entre les différentes politiques et les différents acteurs. À cette fin, il se réunit annuellement.

L’affectation des moyens de l’aide est encadrée par les partenariats différenciés. Au sein de chaque catégorie de partenariats, la répartition des ressources et le choix des modalités d’intervention selon les pays sont effectués en prenant en compte les besoins mais également les capacités des pays. Le CICID a, par ailleurs, décidé de lancer une étude sur la faisabilité d’un dispositif d’allocation de l’aide qui permette de mieux tenir compte des efforts des pays partenaires en matière de performance économique et de gouvernance.

La mesure de la qualité des interventions et l’appréciation de leurs résultats est une exigence démocratique, tant en France, à l’égard du Parlement et de la société civile, que vis-à-vis des populations et des autorités des pays bénéficiaires. Cette analyse des résultats est également indispensable pour améliorer la pertinence et l’efficacité des opérations, responsabiliser les acteurs chargés de leur mise en œuvre et permettre d’apprendre des expériences passées.

Les services d’évaluation de l’aide aujourd’hui placés auprès de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères, de la direction générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances et de l’AFD seront regroupés dans un organisme unique, indépendant de ces acteurs et ayant accès à l’ensemble des informations lui permettant d’exercer sa mission. Cet observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale permettra à la fois une mutualisation et une rationalisation des moyens et une évaluation neutre des programmes menés par la France. Il comprend onze membres, désignés pour un mandat de trois ans, renouvelable. à l’exception du collège parlementaire qui désigne deux députés et deux sénateurs de manière à assurer une représentation pluraliste, les sept autres collèges du CNDSI délèguent chacun un membre pour siéger au sein de l’observatoire, qui est présidé alternativement par un député et un sénateur. Ses travaux doivent également, à terme, permettre de mieux définir ex ante la pertinence de ces programmes. Cet observatoire transmet son programme pluriannuel de travail aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le rapport mentionné à l’article 10 de la présente loi inclut une synthèse des évaluations qu’il réalise.

En outre, en conformité avec les engagements de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement du 2 mars 2005, la France a renforcé depuis 2008 les évaluations conjointes avec ses partenaires européens et internationaux.

Parmi les éléments contribuant aux évaluations menées aux niveaux national et international et dans un souci de transparence et de pédagogie, des indicateurs de résultats ex post de l’aide bilatérale et multilatérale, dont ceux présentés dans l’annexe 2 du présent rapport, permettent de mieux suivre les résultats obtenus. Les résultats de ces indicateurs sont complétés annuellement et publiés dans le rapport bisannuel transmis par le Gouvernement au Parlement. La pertinence des indicateurs est régulièrement évaluée par le CNDSI et la Commission nationale de la coopération décentralisée qui peuvent proposer de les modifier. Les indicateurs mentionnés dans la stratégie « genre et développement » contribuent également à l’évaluation de la politique de développement et de solidarité internationale.

Les évaluations de la politique de développement et de solidarité internationale veillent à prendre en compte les retours d’expérience des bénéficiaires de l’aide.

Les résultats des principales organisations multilatérales auxquelles la France contribue font également l’objet de rapports réguliers au regard de leur impact sur les secteurs jugés prioritaires par la France.

Le Gouvernement transmet tous les deux ans au Parlement un rapport sur la politique de développement et de solidarité internationale ; il est également transmis au CNDSI et à la Commission nationale de la coopération décentralisée. Il vise à apprécier de manière globale la politique menée par la France en la matière. Pour cela, il comprend en particulier : la synthèse des évaluations réalisées au cours des deux années précédentes ; les résultats des indicateurs mentionnés précédemment ; les modalités d’utilisation des différents instruments de la politique de développement et de solidarité internationale, notamment l’équilibre entre les subventions, les autres dons et les prêts ; les activités de l’Agence française de développement et l’utilisation de son résultat ; l’activité de l’ensemble des organismes européens et multilatéraux œuvrant en matière de développement et auxquels la France contribue ou dont elle est partie. Ce rapport évalue également la cohérence entre la politique de développement et de solidarité internationale et les autres politiques publiques susceptibles d’avoir un impact dans le domaine du développement.

Le CNDSI a vocation à devenir un espace de dialogue entre les représentants d’organisations non gouvernementales (ONG), du secteur privé, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organisations représentatives d’employeurs et de salariés, des collectivités territoriales et des parlementaires sur les objectifs et les grands enjeux relatifs à la cohérence des politiques publiques en matière de développement. En lien avec les différentes instances de concertation existantes, le CNDSI examinera les enjeux et les orientations de la politique française de développement et les questions relatives à sa mise en œuvre, s’agissant de la cohérence, de la transparence et de la redevabilité.

2. Cohérence, efficacité et transparence de la politique de développement

2.1. La cohérence des politiques sectorielles de la France s’inscrit dans un cadre européen

Le principe de cohérence doit sous-tendre la mise en œuvre de la politique de développement. L’ensemble des politiques publiques pouvant affecter les pays partenaires, leur élaboration et leur mise en œuvre tiennent compte de la politique de développement.

Au-delà de la politique de développement, de nombreuses autres politiques publiques ont un impact important sur les pays en développement. L’efficacité de la politique française de développement et de solidarité internationale dépend donc fortement de la cohérence de l’ensemble de ces politiques nationales. Ainsi, la recherche active de synergies, quelle qu’en soit la complexité, et la résolution des conflits d’objectifs sont promues.

La France veille également à cette cohérence des politiques publiques dans l’élaboration des politiques européennes auxquelles elle contribue.

Le « consensus européen pour le développement » identifie douze politiques sectorielles dont les États membres s’engagent à renforcer la cohérence avec les objectifs de développement et qui couvrent de facto les principaux enjeux de cohérence(2). En novembre 2009, le Conseil de l’Union européenne a choisi de se concentrer en priorité sur cinq de ces douze politiques : commerce et finance, changement climatique, sécurité alimentaire, migrations et sécurité. L’Union européenne a également mis en œuvre un nouvel outil : le Programme de travail pour la cohérence des politiques pour le développement 2010-2013. Adopté en 2010, il présente les initiatives stratégiques permettant d’améliorer la cohérence des politiques pour le développement.

La France a défini, en 2010, six priorités en matière de cohérence des politiques qui s’inscrivent dans le cadre du « consensus européen pour le développement » : commerce, immigration, investissements étrangers, sécurité alimentaire, protection sociale, changement climatique, qu’elle réaffirme en 2013. Cette recherche de cohérence porte aussi sur les autres politiques ayant un impact sur le développement : recherche et enseignement supérieur, éducation, santé, environnement, sécurité et outre-mer.

À titre d’exemple, dans le domaine du commerce, la France œuvre à la cohérence entre politiques commerciale et de développement à travers le renforcement du système de préférences généralisées (SPG) en faveur des pays qui en ont le plus besoin. La France promeut également la cohérence entre politique commerciale et politique de développement dans le cadre des accords bilatéraux européens que la Commission européenne négocie avec les pays tiers (accords de partenariat économique notamment).

Concernant la sécurité alimentaire, la France accorde la priorité à l’amélioration des capacités de production et du fonctionnement des marchés de matières premières agricoles. Elle s’efforce d’accroître la capacité des pays partenaires à satisfaire les normes sanitaires qui conditionnent l’accès aux marchés européens et internationaux de produits agricoles. La France choisit d’appuyer les politiques agricoles au Nord comme au Sud afin de fournir un cadre favorable permettant à l’agriculture de jouer pleinement ses fonctions économique, sociale et environnementale.

Dans le domaine des politiques sociales, la France continue à promouvoir les normes fondamentales du travail et du dialogue social ainsi que l’emploi décent et les socles de protection sociale. Elle lutte contre le travail illégal des enfants conformément à la convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants adoptée par l’Organisation internationale du travail le 17 juin 1999. Elle s’efforce également de promouvoir au niveau européen des standards élevés en matière de responsabilité sociétale des acteurs publics et privés.

En matière d’environnement et de changement climatique, la France s’attache à ce que les pays industrialisés, en particulier de l’Union européenne, respectent leurs engagements en termes de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Elle veille à ce que les politiques de développement intègrent pleinement le changement climatique, en favorisant les projets qui contribuent, au-delà de leur objectif principal, à la lutte contre le changement climatique tant en ce qui concerne l’atténuation que l’adaptation (notion de « co-bénéfices »).

La politique de développement doit être menée en cohérence avec la place des outre-mer dans leur environnement régional afin de renforcer leur insertion dans cet espace et de ne pas fragiliser leurs économies. L’AFD, qui intervient à la fois dans les collectivités ultramarines et les pays en développement de leurs voisinages respectifs, s’assure lors de l’instruction de projets dans les pays en développement voisins de ces collectivités que ces deux objectifs sont satisfaits.

La politique de développement et de solidarité internationale inclut également le renforcement des capacités dans le domaine de la sécurité, par exemple la lutte contre les trafics ou la réforme du secteur de la sécurité, tant un environnement instable ne permet pas à un État d’exercer ses missions. Les activités des réseaux terroristes et criminels – trafiquants de drogue, d’êtres humains, braconniers et trafiquants d’espèces menacées qui alimentent les circuits de corruption ainsi que les exploitants illégaux de ressources naturelles – constituent une menace pour la paix et la sécurité en Afrique et dans le monde. Elles sont un risque de premier plan pour la souveraineté et la stabilité politique, économique et sociale de nombreux pays partenaires. Il convient donc d’appuyer les pays partenaires dans les domaines concourant à l’établissement de conditions de sécurité favorables au plein exercice de l’État de droit. La France continuera donc à contribuer au maintien de la paix et à la prévention des conflits, comme elle le fait à titre bilatéral au Mali, mais aussi par les canaux européens et multilatéraux. Elle s’attache à favoriser la prise en compte des enjeux liés aux États fragiles et aux méthodes spécifiques qui s’y rattachent dans les enceintes internationales.

2.2. Efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale

Depuis la conférence de Monterrey sur le financement du développement en 2002, la France est activement engagée dans le renforcement de l’efficacité de l’aide. Elle a largement contribué à la définition de principes en la matière lors des forums de haut niveau sur l’efficacité de l’aide de Rome en 2003, Paris en 2005 et Accra en 2008 où elle a soutenu des engagements en faveur de la division du travail, du renforcement des politiques publiques et de la prise en compte de la diversité des situations des pays partenaires, notamment pour les États fragiles.

Dans le cadre de la préparation du quatrième forum de Busan en 2011, elle a plaidé en faveur de l’ouverture de ce processus aux nouveaux donateurs, du rôle de l’aide comme catalyseur du développement, de la prise en compte de son impact et de la réduction de la dispersion de l’aide.

La politique française de développement et de solidarité internationale met ainsi en application les principes suivants :

– l’alignement sur les priorités et procédures des pays partenaires, afin de maximiser l’appropriation des interventions par les bénéficiaires et la subsidiarité par rapport à la mobilisation des ressources et capacités propres des partenaires ;

– la coordination et la division du travail entre bailleurs de fonds, pouvant aller, au niveau européen, jusqu’à la programmation conjointe et la délégation réciproque du suivi de la mise en œuvre d’actions de développement ;

– une gestion axée sur l’impact sur le développement des pays partenaires reposant, notamment, sur l’utilisation d’indicateurs de résultats attendus, puis obtenus ;

– un effort accru sur la capacité à rendre compte, à l’ensemble des parties intéressées, des objectifs et des résultats des actions financées.

2.3. Transparence et redevabilité de la politique de développement et de solidarité internationale

La transparence de l’aide est aujourd’hui une priorité de la politique française de développement. Elle répond à un triple objectif :

– une aide transparente permet aux contribuables, aux parlementaires et plus largement à l’opinion publique d’apprécier la bonne utilisation de l’argent public ;

– elle permet aux pays bénéficiaires de planifier l’apport de ressources extérieures et de construire des budgets plus fiables et cohérents et est une condition essentielle de l’appropriation de l’aide par ces pays ;

– elle permet d’avoir une vision exhaustive des projets dans un pays et de favoriser la coordination et la division du travail entre bailleurs.

Dans les procédures de passation des marchés pour les projets qu’il finance, le groupe AFD inclut une clause prévoyant que les entreprises impliquées respectent les dispositions qui leur sont applicables en matière de publication d’informations favorisant la transparence.

La France conduit une politique d’influence au niveau international pour que soient promus les principes qu’elle a inscrits dans la loi pour les banques et les entreprises en termes de transparence financière et fiscale, notamment au III de l’article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, de façon à garantir la lutte contre les dérives financières, les paradis fiscaux et le blanchiment des capitaux.

La France a accompli des efforts importants en termes de transparence ces dernières années :

– au niveau international, la France participe activement à l’ensemble des exercices de redevabilité mutuelle : elle est notamment pleinement engagée dans les rapports sur la redevabilité du G8 et rappelle systématiquement l’intérêt des rapports du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) sur l’action des pays africains qui en constitue l’indispensable contrepartie. Lors de sa présidence du G8, la France a été la première à promouvoir un rapport sur la redevabilité conjoint entre les membres du G8 et les partenaires africains.

– par ailleurs, la France a accru et amélioré ses exercices de redevabilité. En 2012 a été publié le premier rapport bisannuel au Parlement sur la mise en œuvre du document cadre « coopération au développement : une vision française » (2010-2011) ; en outre, la programmation budgétaire pluriannuelle donne une plus grande prévisibilité de l’évolution des crédits d’APD à moyen terme.

En complément du rapport bisannuel, les documents budgétaires et en particulier le document de politique transversale seront améliorés afin de répondre aux attentes du Parlement.

En matière de transparence des données, le partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement prévoit la mise en œuvre d’un standard commun pour la publication d’informations détaillées et prévisionnelles sur les ressources apportées par la politique de développement. La France plaide à cet égard pour la convergence des normes du Comité d’aide au développement de l’OCDE et de l’initiative internationale pour la transparence de l’aide (IITA) et s’investit dans l’élaboration du standard commun qui en résultera. En outre, la politique « d’open data » de la France donne lieu à la mise en ligne d’informations statistiques sur l’aide au développement, renforcée par la création en juin 2013 d’un site pilote dédié à la transparence de l’aide au Mali. La France s’efforcera de publier les informations requises par le standard IITA dans les pays pauvres prioritaires dès 2014.

En matière de transparence dans le domaine des industries extractives, le Gouvernement a pris la décision en 2013 d’engager le processus formel d’adhésion à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), conformément à l’annonce du Président de la République lors du sommet du G8 de Lough Erne (Royaume-Uni). L’objectif est d’adhérer à l’occasion de la prochaine conférence internationale de l’ITIE et d’engager la transposition par la France des dispositions des directives comptables concernant certaines obligations pour les entreprises extractives européennes en matière de publication, pays par pays et projets par projets, des montants tirés de l’exploitation des ressources extractives et versés à des États. Dans le cadre de la transposition de ces directives, la France veille à ce que les informations publiées concernent l’ensemble des filiales, qu’elles soient situées ou non dans les pays d’exploitation des ressources, y compris celles localisées dans les paradis fiscaux. Dans le même esprit, le groupe AFD encourage les autorités nationales et les sociétés à rendre publics les marchés conclus dans les industries extractives et les infrastructures ainsi que tout avenant important auxdits marchés. La France soutient également activement les initiatives des banques multilatérales de développement en matière d’accompagnement juridique des pays africains dans la négociation des contrats.

Plus largement, la France soutient un reporting pays par pays de la part des grandes sociétés et groupes.

L’éducation au développement

L’éducation au développement et à la solidarité internationale constitue un volet important pour la France en termes de transparence et de cohérence des politiques. Elle vise à faire progresser le niveau de connaissance et d’appropriation par les citoyens des actions conduites, mais aussi à promouvoir la solidarité. En effet, la mobilisation de l’opinion publique est nécessaire pour produire de nouvelles dynamiques favorables au développement. Pour cela, il est essentiel que les citoyens puissent davantage s’informer sur les enjeux du développement ainsi que sur les choix stratégiques et les résultats de l’action publique en faveur du développement. Dans cette perspective, les actions de sensibilisation menées par le Gouvernement sont nombreuses, en particulier auprès de la jeunesse. Il diffuse à cet effet des documents d’information sur la politique de développement et de solidarité internationale. Les établissements scolaires mènent des projets d’éducation au développement et à la solidarité internationale visant à faire comprendre les grands déséquilibres mondiaux et à encourager la réflexion sur les moyens d’y remédier. L’éducation au développement et à la solidarité internationale peut s’effectuer dès le plus jeune âge et dans toutes les disciplines. Elle s’inscrit dans les dispositifs pédagogiques existants avec le concours des collectivités territoriales, d’intervenants extérieurs qualifiés, d’associations de solidarité internationale et d’acteurs de l’éducation populaire. Sa place doit être renforcée dans les programmes scolaires et dans la formation des maîtres. 

3. Les leviers d’action de la politique de développement et de solidarité internationale de la France

L’ampleur des enjeux du développement, la multiplicité des objectifs et des partenaires, mais aussi la contrainte qui pèse sur nos ressources, imposent une rigueur particulière dans la définition et l’utilisation des outils de la politique de développement et de solidarité internationale.

3.1. L’intervention de l’État

L’aide publique au développement nette de la France est majoritairement bilatérale (65 % en 2011).

L’AFD est le principal canal par lequel transite l’aide programmable bilatérale inscrite dans plusieurs programmes budgétaires. Elle finance ses actions aussi bien par des subventions (aide-projet, aide budgétaire, contrats de désendettement et de développement) que des prêts concessionnels ou non concessionnels, des prises de participations et des garanties. D’autres instruments bilatéraux ciblés existent, tels que le FFEM dédié au financement de projets innovants dans le domaine environnemental.

La France est engagée dans un important effort de désendettement, essentiellement en faveur des pays les moins avancés, par le biais de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Ces traitements de la dette sont négociés au sein du Club de Paris, groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement des États endettés. Ils contribuent à rétablir la soutenabilité de la dette des pays en développement ou à leur permettre de faire face à des crises de liquidité extérieure temporaires.

Le ministère des affaires étrangères gère en propre les crédits du fonds de solidarité prioritaire en matière de gouvernance et l’aide directe aux populations les plus fragiles, notamment l’aide alimentaire et le fonds d’urgence humanitaire. Il est responsable des interventions en faveur de la francophonie et de la politique d’influence de la France, notamment en matière culturelle. Dans ce domaine, la valorisation du patrimoine matériel et immatériel des pays en développement et la préservation de la diversité culturelle sont une priorité de la politique française, en lien avec les organisations internationales, les instances de la francophonie, les organismes culturels présents dans ces pays, les actions portées par les coopérations décentralisées et les acteurs de la société civile. Des ministères à compétences sectorielles (éducation nationale, intérieur, agriculture, écologie, santé, travail, etc…) gèrent certains programmes dans le domaine du développement.

La France propose aussi une aide en matière de coopération technique et d’expertise. En effet, les pays en développement, et en particulier nos partenaires émergents, sont fortement demandeurs d’une expertise technique de haut niveau. En ce qui concerne l’assistance technique, le Gouvernement a créé en 2013 un fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences (FEXTE), logé à l’AFD et dédié à la promotion des savoir-faire français chez nos partenaires. La France pourra ainsi promouvoir son expertise et son influence. Ce fonds a vocation, en application de l’article 8 bis de la présente loi, à rejoindre l’agence française d’expertise technique internationale, au plus tard le 1er janvier 2016.

L’enseignement supérieur et la recherche apportent une contribution éminente à notre dispositif d’aide au développement. Si la France dispose d’atouts indéniables dans le domaine de la recherche pour le développement, avec des institutions scientifiques dédiées, telles que l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ou moins spécifiques, telles que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou les universités, l’offre française de recherche au service du développement doit toutefois être rendue plus accessible pour les partenaires du Sud. Il convient d’en renforcer la visibilité et la cohérence entre les acteurs. Dans cette perspective, le CICID du 31 juillet 2013 a décidé d’élaborer, avec l’aide de l’ensemble des acteurs français de la recherche, une charte sur la recherche au service du développement qui débouchera sur des recommandations opérationnelles s’appuyant, notamment, sur le travail de coordination des alliances thématiques.

La contribution française à la politique européenne de développement

La France est le deuxième contributeur au Fonds européen de développement (FED) qui reste hors du budget européen. Elle participe par sa contribution au budget communautaire, au financement des autres instruments européens en faveur du développement, notamment l’instrument de financement de la coopération au développement (ICD), l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH) et l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).

La France recherche, par ailleurs, un effet de levier avec l’Union européenne. Dans le cadre du « programme pour le changement », elle favorise la convergence entre ses priorités géographiques et sectorielles et les orientations de la politique européenne de développement et des politiques nationales des autres États membres. Elle soutient la programmation conjointe entre l’Union européenne et les États membres et contribuera aux efforts accrus qui seront encore nécessaires pour synchroniser les cycles des différents bailleurs avec ceux des pays partenaires.

Une aide importante aux institutions multilatérales

Hors Union européenne, l’aide multilatérale représente près de 20 % de l’APD nette française en 2011. Elle est répartie entre quatre blocs d’organisations internationales de développement :

– Le groupe de la Banque mondiale, dont la part dans l’aide multilatérale a fluctué durant les dix dernières années (entre 11 % et 19 %). La grande majorité de nos financements directs concernent l’Association internationale de développement (AID).

– La France appuie également l’action des Nations unies en faveur du développement sous la forme de contributions à des fonds et programmes (autour de 5 %) dont les financements proviennent exclusivement de contributions volontaires. Un effort important de concentration de ces contributions volontaires a été accompli et sera poursuivi. La France privilégie les thématiques de l’aide humanitaire, de l’aide économique et sociale et de la gouvernance puisqu’elle contribue au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA).

En matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, la France soutient l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et son Comité de la sécurité alimentaire mondiale, le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM).

La France soutient également, sur une base volontaire (accords de coopération pluriannuels France-BIT associant le ministère chargé du travail et le ministère des affaires étrangères au Bureau international du travail), les programmes de coopération technique de l’OIT, notamment pour l’appui à la mise en œuvre du travail décent dans les pays en développement (soutien au respect et à la mise en œuvre des normes internationales du travail ainsi qu’aux administrations du travail chargées de leur mise en œuvre ; appui au développement de la protection sociale et à la mise en œuvre de socles nationaux de protection sociale ; appui au développement de programmes en faveur de l’emploi).

– Les banques régionales et fonds verticaux représentent 31 % de l’aide multilatérale, hors aide européenne. Cette catégorie comprend les fonds de développement de la Banque asiatique de développement et de la Banque africaine de développement mais aussi les fonds sectoriels correspondants à certaines priorités : Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, dont la France est le deuxième contributeur, mais aussi le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), le Fonds international de développement agricole (FIDA) ou protocole de Montréal ainsi que le Fonds vert pour le climat.

La France conduit une politique d’influence et de partenariat avec ces instances afin d’assurer une réelle complémentarité entre son action bilatérale et son action multilatérale. Elle agit dans son rôle d’actionnaire, de financeur et de partenaire dans la mise en œuvre de projets conjoints. Il s’agit à la fois de peser sur la définition des priorités et des stratégies des organisations concernées, d’accroître la visibilité et l’impact de notre aide bilatérale et de toucher des secteurs ou des pays difficilement accessibles dans le cadre d’une action isolée. En tant que gouverneur des banques multilatérales de développement, le ministre chargé de l’économie et des finances est particulièrement impliqué dans la mise en œuvre de cette complémentarité.

Afin de renforcer l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale, la France a pour objectifs une rationalisation du paysage multilatéral, qui est trop éparpillé aujourd’hui, et une meilleure articulation entre l’aide bilatérale et multilatérale. La France élaborera en 2014 une stratégie d’actions pour répondre à ces deux objectifs. Il s’agira de formaliser les enjeux de l’engagement multilatéral de la France en matière de développement : le rôle des organisations internationales partenaires, les attentes à l’égard de ces dernières comme le retour sur investissement attendu de nos échanges seront présentés par grande famille d’institutions (Union européenne, banques multilatérales de développement et institutions financières internationales, système des Nations unies et fonds verticaux). Cette stratégie aura aussi pour objet de renforcer l’effet de levier que peut constituer l’aide multilatérale pour l’aide bilatérale, pour l’expertise française et notre diplomatie économique. Enfin, sur la base d’un panorama exhaustif des institutions et fonds multilatéraux auxquels la France contribue financièrement, la stratégie proposera des objectifs et des modalités de réduction de la fragmentation de l’aide.

La France soutient le principe de la création de fonds de dotations ou de fonds fiduciaires multibailleurs lorsque la situation le justifie. Ces fonds permettent la mise en commun de plusieurs sources de financements et un pilotage resserré de l’aide internationale. Ils sont particulièrement importants et adaptés dans les pays en crise ainsi que dans les pays pauvres prioritaires, où la concentration de l’aide et l’amplification de l’effet de levier sont essentiels à l’efficacité de la politique de développement et de solidarité internationale. De tels fonds peuvent également être pertinents dans d’autres pays où la faiblesse du niveau de l’aide française nécessite qu’elle soit mutualisée avec celle d’autres bailleurs.

La France accordera par ailleurs une attention croissante à l’évaluation des performances des institutions qu’elle finance.

La France continuera à s’investir de manière active dans les enceintes internationales traitant notamment de développement, au premier rang desquelles le G8 et le G20. Ces enceintes à fort effet d’entraînement peuvent en effet permettre de réaliser des progrès que l’ensemble de la communauté internationale peut ensuite reprendre à son compte. Ainsi, au sommet du G8 de Lough Erne (Royaume-Uni) centré sur les « 3T » (Trade, Tax and Transparency), les membres du G8 ont mis l’accent sur la création des conditions du développement, tant en termes de gouvernance que de renforcement des ressources propres des pays, notamment dans le domaine fiscal.

3.2. Les interactions avec les acteurs non étatiques

La France promeut le développement des organisations de la société civile, du Nord comme du Sud, et leur coopération.

Les organisations de la société civile du Nord, fortes de leur expérience au plus près des sociétés des pays partenaires, disposent d’une expertise et d’une connaissance particulières des contextes d’intervention. Elles jouent un rôle essentiel en matière de renforcement des capacités et d’accompagnement des sociétés civiles du Sud en appui à leurs efforts pour se structurer. En particulier, les organisations paysannes du Sud doivent être encouragées pour leur rôle dans la professionnalisation des agriculteurs et dans la participation au débat démocratique.

Les organisations de solidarité́ internationale et les organisations issues des migrations sont reconnues par la présente loi comme des acteurs et des partenaires à part entière de la coopération solidaire. Les organisations de solidarité internationale se définissent comme des organismes à but non lucratif exerçant leur action dans le domaine de la coopération solidaire de société́ à société́, agissant pour la solidarité́ internationale. Les organisations de solidarité internationale favorisent non seulement des projets de coopération adaptés aux besoins des populations pauvres, mais participent aussi d’un échange solidaire aux bénéfices mutuels entre peuples du Nord et du Sud, privilégiant la mise en valeur des compétences locales.

L’État respecte leur indépendance et favorise la coordination de l’action des organisations de solidarité internationale avec sa propre action en matière de coopération bilatérale, communautaire et multilatérale et avec celle des collectivités territoriales. Les organisations de solidarité internationale sont associées à la définition et au suivi de la politique française de développement en lien avec leurs partenaires des États et des collectivités concernées.

La France a mis en place un groupe de travail interministériel, le groupe interministériel pour la sécurité alimentaire (GISA), chargé de proposer des mesures afin de répondre à la dégradation de la situation alimentaire et nutritionnelle des pays pauvres et à ses conséquences politiques, économiques et sociales. Le Comité de la sécurité alimentaire réformé est la plateforme internationale et intergouvernementale où toutes les parties prenantes œuvrent collectivement et de façon coordonnée à la sécurité alimentaire et à une meilleure nutrition pour tous.

Reconnaissant le rôle important joué par les ONG, le Gouvernement s’est engagé à doubler, d’ici la fin du quinquennat, la part de l’aide française transitant par les ONG. Depuis 2009, l’appui du ministère des affaires étrangères à l’action internationale des ONG françaises a été transféré, à l’exception de l’appui au volontariat, à l’AFD. L’AFD assure désormais l’instruction et le suivi des projets et programmes des ONG françaises en faveur du développement (actions de terrain, programmes pluriannuels, programmes multi-pays, conventions-programmes autour d’axes stratégiques, projets inter-associatifs, programmes concertés pluri-acteurs) et ceux des actions d’éducation au développement, de plaidoyer ou de structuration du milieu associatif, par le biais du soutien aux plateformes et collectifs d’ONG.

À ce dispositif s’ajoutent des appuis apportés par le ministère des affaires étrangères aux ONG par l’intermédiaire du centre de crise (fonds d’urgence humanitaire), les procédures d’aide alimentaire, les appuis à la gouvernance démocratique ou à des projets associatifs (par le Fonds social de développement). Le dispositif du ministère des affaires étrangères permet chaque année d’appuyer la mobilisation par les acteurs associatifs de près de 2 500 volontaires de solidarité internationale dans plus d’une centaine de pays sur des périodes de un à deux ans.

L’expertise et l’influence françaises sont aussi promues par les collectivités territoriales.

4 800 collectivités territoriales françaises mènent des actions de développement à l’étranger avec plus de 10 000 collectivités locales partenaires, totalisant près de 12 500 projets dans 141 pays. Le ministère des affaires étrangères appuie aujourd’hui cette politique par le biais d’appels à projets.

Les collectivités territoriales jouent en effet un rôle spécifique, désormais reconnu par la loi, dans le dispositif français d’aide au développement. Opératrices de projets de proximité, en appui des autorités locales partenaires, elles sont porteuses de valeur ajoutée par leur expérience concrète de gestion des services locaux et participent au renforcement des capacités techniques et institutionnelles grâce au partage de connaissances qu’elles opèrent au profit des collectivités territoriales du Sud. Les collectivités territoriales françaises valorisent ainsi une approche territoriale du développement établie en partenariat avec l’ensemble des acteurs qui les animent et au cœur des dynamiques locales, diffusant ainsi une expertise française en matière de gestion des territoires.

Les collectivités ultramarines jouent également, du fait de leur situation géographique et des relations notamment économiques, universitaires ou migratoires qu’elles entretiennent avec leur environnement, un rôle particulier dans la politique de développement et de solidarité internationale, rôle qui contribue à renforcer l’efficacité de cette politique ainsi que l’intégration régionale des collectivités concernées. Lorsqu’un programme d’aide ou un projet de développement est envisagé dans l’environnement régional d’une collectivité ultramarine, le Gouvernement ou les collectivités qui portent le projet informent la collectivité concernée pour bénéficier de son expertise.

Les collectivités territoriales et l’État partagent, en termes de politique de développement dans le domaine de la gouvernance locale, les mêmes priorités : appui au processus de décentralisation, renforcement des capacités, approche participative de la gouvernance locale. La reconnaissance du rôle clef des collectivités territoriales dans la gouvernance démocratique constitue ainsi l’un des axes forts de la stratégie française de développement. Le CICID du 31 juillet 2013 a appelé les collectivités territoriales à jouer un rôle croissant dans les dynamiques territoriales de développement, dans leur domaine d’expertise, et en tenant compte autant que possible des politiques d’appui à la décentralisation conduites par l’État français.

Le rapport sur l’action extérieure des collectivités territoriales françaises « Nouvelles approches… nouvelles ambitions… » que M. André Laignel a présenté au ministre des affaires étrangères en janvier 2013 présente les nouvelles ambitions et approches de l’action extérieure des collectivités territoriales françaises. Il montre la nécessité de faciliter et de valoriser leur action par un cadre législatif modernisé et des institutions plus efficaces. C’est à la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), créée par la loi d’orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République et qui rassemble à parité des représentants de l’État et des collectivités territoriales, qu’il reviendra de débattre de ces nouvelles missions. La CNCD a, en effet, vocation à devenir un organe plus souple, plus dynamique, dans un esprit de renforcement de l’action des collectivités territoriales et de leur rôle international.

Enfin, l’État suit avec attention le renforcement du rôle des réseaux régionaux multi-acteurs (RRMA) dont il reconnaît l’importance. Neuf d’entre eux existent déjà et sont très actifs.

Les entreprises sont des partenaires importants de la politique de développement et de solidarité internationale.

Comme tous les grands bailleurs internationaux, la France s’est engagée dans un processus de déliement de son aide dont les bénéfices sont clairement établis en termes d’impact pour les pays en développement : elle a entièrement délié son aide en faveur des pays les plus pauvres (2001) et des pays pauvres très endettés (2008). Le taux de liaison de l’aide française est aujourd’hui extrêmement bas (1 % en 2011 et 7 % en moyenne depuis 2008).

Pour autant, les entreprises françaises sont présentes par le biais de leurs filiales et de leurs partenaires économiques dans de nombreux pays en développement. L’internationalisation des entreprises françaises peut contribuer au développement économique de la France comme des pays dans lesquels elles sont implantées.

Les entreprises françaises sont en effet porteuses d’un savoir-faire qui garantit aux bénéficiaires un niveau élevé de qualité dans la réalisation des projets, y compris en termes d’impact environnemental et social. Dans l’esprit des décisions du CICID du 31 juillet 2013 relatives aux partenariats avec les « très grands émergents », qui devront mobiliser les acteurs français sans coût financier pour l’État, il s’agira de rechercher un bénéfice mutuel pour les pays concernés comme pour nos entreprises.

Les syndicats contribuent pleinement au développement social des pays en développement.

La liberté syndicale, le respect des conventions de l’OIT et l’amélioration des conditions sociales des travailleurs font partie des objectifs de la politique de développement de la France.

La France reconnaît le rôle majeur joué par les syndicats de travailleurs en la matière. À ce titre, elle promeut le renforcement des capacités des syndicats de travailleurs dans les pays du Sud et encourage les partenariats internationaux entre organisations syndicales.

4. Le financement du développement

En matière de financement du développement, la France s’appuie sur le consensus de Monterrey, adopté par les Nations unies en 2002, qui fixe l’objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement et d’affecter une part de 0,20 % du RNB en faveur des pays les moins avancés (PMA) et qui prend acte de la diversité et de la complémentarité des sources concourant au développement, tout en apportant une attention accrue à la cohérence des politiques de développement et des autres politiques publiques. Elle part du constat que l’intensification des flux financiers à destination des pays en développement et la nouvelle répartition de la richesse mondiale impliquent de repenser les instruments et les moyens de financement du développement.

Dans le cadre de la définition des nouveaux objectifs du développement durable, la France est engagée dans la réflexion au sein du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE sur la modernisation de la notion d’aide publique au développement.

4.1. Instruments publics de financement du développement

La France considère que le soutien et l’apport de financements publics aux pays en développement demeurent nécessaires et justifiés, notamment lorsque des défaillances de marchés (marchés financiers, marchés du crédit et de l’assurance) et des défaillances des États (incapacité à fournir des services de base, à assurer un environnement politique et économique stable et sain) ne permettent pas de répondre aux défis du développement. Les financements publics visent à mettre en place les conditions d’un développement durable et à stimuler la croissance dans les pays bénéficiaires. C’est la raison pour laquelle la France reprendra une trajectoire ascendante vers les objectifs internationaux qu’elle s’est fixés dès lors qu’elle renouera avec la croissance. À terme, l’objectif est que les pays bénéficiaires dégagent leurs propres ressources (qu’elles soient publiques ou privées, domestiques ou internationales) et ne soient plus dépendants des financements publics extérieurs.

Les financements publics français sont octroyés sur la base d’analyses approfondies, en cohérence avec l’action de l’ensemble des acteurs du développement et en concertation avec les pays récipiendaires, en tenant compte de leurs besoins et de leur capacité d’absorption. Ces analyses appréhendent de manière globale les enjeux politiques, économiques, sociaux et environnementaux, et incluent des études d’impact. Les financements sont mobilisés de façon différenciée (cf. 1.4 pour une présentation des partenariats différenciés) et stratégique, en prenant en considération leur valeur ajoutée selon les contextes et les secteurs afin de maximiser leur impact.

La France apporte un appui financier à ses partenaires en ayant recours à différents instruments de manière prévisible. Le financement direct par don/subvention demeure l’instrument privilégié dans les pays les plus pauvres. L’aide de la France s’appuie également sur des prêts, essentiellement octroyés par l’AFD, dont le degré de concessionnalité et les conditions diffèrent selon les objectifs poursuivis, les secteurs financés, le niveau de développement et l’analyse de soutenabilité de la dette des pays débiteurs. La France s’est, par ailleurs, engagée à promouvoir au sein du G20 la thématique du « prêt soutenable » qui consiste précisément à tenir compte de la capacité des pays en développement à s’endetter dans la définition des concours financiers qui leur sont octroyés. Ces prêts permettent d’assurer un suivi dans la durée des actions menées en faveur du développement, de mobiliser des montants plus importants, notamment en cofinancement, et de créer des incitations positives pour la sélection de bons projets.

La France octroie également des allègements de dette qui contribuent à libérer des ressources budgétaires additionnelles pour les pays bénéficiaires et représentent un vecteur de développement important. Dans le cadre multilatéral du Club de Paris, la France accorde des allègements de dette au bénéfice des pays éligibles à l’initiative en faveur des PPTE afin de ramener la dette de ces pays à des niveaux soutenables. Par ailleurs, les efforts consentis par la France dans le cadre de l’initiative en faveur des PPTE sont complétés par des annulations bilatérales allant au-delà de l’effort multilatéral. La France s’est, en effet, engagée à annuler, d’une part, l’intégralité de la dette commerciale éligible des pays concernés par l’initiative et, d’autre part, la totalité de ses créances d’aide publique au développement subsistant après l’atteinte du point d’achèvement, sous la forme de contrats de désendettement et de développement (C2D).

La France a également diversifié ses contreparties, en intervenant de plus en plus auprès d’acteurs non souverains dont les collectivités territoriales, les entreprises publiques ou privées et les ONG. Ces financements non souverains prennent la forme de dons, de prêts mais aussi de garanties et de prises de participations. La société de promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO) et le Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises d’Afrique (FISEA), filiales de l’AFD, sont spécialement dédiées au soutien du secteur privé, respectivement dans l’ensemble des pays éligibles à l’aide au sens du Comité d’aide au développement de l’OCDE et en Afrique subsaharienne. La capacité de prêt direct de l’AFD à des collectivités territoriales du Sud, notamment aux villes, permet d’accompagner de manière privilégiée le développement durable dans les pays en développement et peut s’appuyer sur la capacité d’expertise forte des collectivités territoriales et des entreprises françaises en la matière.

4.2. Le renforcement des ressources domestiques

La France aide les pays en développement à mobiliser davantage leurs ressources domestiques en œuvrant à renforcer leur fiscalité et à lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et la corruption. La France soutient la lutte contre l’opacité financière, les flux illicites de capitaux et le détournement des ressources tirées de l’exploitation des ressources extractives.

Dans le domaine fiscal, la France soutient les travaux du forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. La France soutient pleinement le plan d’action sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Elle appuiera les pays en développement pour leur permettre de participer à ces travaux sur un pied d’égalité avec les autres pays. Plus spécifiquement, la France appuie la mise en place de l’échange automatique d’informations en matière fiscale dans le cadre d’un standard international qui vient d’être adopté par le Comité des affaires fiscales de l’OCDE et sera proposé au G20 de Sydney. Elle contribuera à accompagner les pays en développement pour la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations. La France coopère pleinement avec les administrations fiscales des pays en développement qui se sont engagés à mettre en œuvre les conventions fiscales de l’OCDE relatives à l’échange de renseignements et échange avec ces administrations les renseignements nécessaires pour l’application des législations fiscales nationales de ces États, y compris en l’absence d’une demande préalable sous la forme d’échange spontané.

Afin de garantir la cohérence de son action, l’AFD est dotée d’une politique rigoureuse et spécifique à l’égard des juridictions non coopératives en matière fiscale (JNC). Le groupe AFD ne peut faire usage de contreparties ou de véhicules financiers immatriculés dans ces territoires dans le cadre des activités de gestion de trésorerie. Le groupe AFD s’interdit de financer des véhicules d’investissements immatriculés dans une JNC n’y ayant aucune activité réelle. Il s’interdit de financer des contreparties immatriculées dans une JNC, à l’exception du financement d’un projet dont la réalisation s’effectue dans cette JNC. Il s’interdit également de financer des projets mettant en jeu des montages artificiels, comprenant notamment des contreparties dont l’actionnariat est contrôlé par une société immatriculée dans une JNC sauf si cette immatriculation est justifiée par un intérêt économique réel.

Une concertation régulière avec la société civile est organisée sur ces questions.

4.2 bis. Financements privés en faveur du développement

Au-delà de ces instruments de financement publics, notre politique d’aide au développement a pris acte des bouleversements intervenus ces dernières années dans le financement du développement et s’adapte en conséquence.

Les financements privés (notamment internationaux) ont considérablement dépassé, en termes de volume, le montant des financements publics. Comme d’autres grands bailleurs internationaux, la France entend jouer un rôle moteur pour aider à renforcer et à canaliser ces flux financiers pour un impact maximal en termes de développement inclusif et durable. Cette action passe, en particulier, par l’aide à la mise en place des incitations économiques, politiques et réglementaires qui permettront de canaliser ces flux en accord avec cet objectif. La France attache une grande importance au rôle de catalyseur des financements publics qu’elle octroie qui permet aux pays bénéficiaires de mobiliser des ressources privées additionnelles, qu’elles soient domestiques ou internationales.

La France soutient également les organisations qui procèdent à des investissements dans des entreprises ou des projets de pays en développement, avec la mission explicite de générer un impact sociétal tout en assurant leur pérennité économique. Ces investissements ciblent des organisations de toute nature avec un objectif d’intérêt général auquel est subordonné l’objectif financier, des initiatives d’économie inclusive, des initiatives d’entrepreneuriat social ainsi que des entreprises solidaires de développement.

Au-delà de la mobilisation des ressources domestiques publiques, la France promeut l’inclusion financière, le développement des marchés financiers locaux et leur insertion responsable dans les marchés internationaux comme moyens de financer les économies en développement.

Concernant les flux financiers privés, les transferts d’argent des migrants constituent l’une des ressources financières extérieures majeures des pays en développement, d’un niveau souvent supérieur à l’aide publique au développement. Ces flux permettent également de réduire la pauvreté et d’accroître l’inclusion financière des populations (pour la part formelle des envois d’argent). Ils présentent aussi l’avantage d’être globalement stables et pérennes en cas de crise financière ou de catastrophe naturelle. Les coûts de ces envois d’argent demeurent toutefois élevés, en particulier vers l’Afrique subsaharienne, et leur utilisation accrue à des fins d’investissement est un enjeu essentiel. Dans ce contexte, la France s’est engagée, avec ses partenaires du G8 et du G20, à œuvrer à la facilitation de ces transferts et en particulier à la baisse de leurs coûts, ainsi qu’au développement de nouveaux produits financiers, adaptés aux besoins de migrants et permettant une meilleure allocation de leurs envois d’argent vers des dépenses d’investissement dans leurs pays d’origine.

Les investissements directs étrangers (IDE) sont également devenus une source importante de financement extérieur privé pour les pays en développement. Ils peuvent jouer un rôle majeur pour accélérer leur croissance et leur transformation économique. Depuis quelques années, les pays en développement ont entrepris de créer un cadre réglementaire plus propice aux IDE, d’améliorer le traitement accordé aux entreprises étrangères et de fluidifier le fonctionnement des marchés bancaires, financiers, de biens et de services. En plaidant pour l’amélioration du climat d’investissement et pour un meilleur respect des normes sociales et environnementales, ainsi que des meilleures pratiques en matière de lutte contre la corruption ou en finançant des infrastructures, la France soutient l’effort des pays en matière d’attraction des IDE.

Outre la recherche d’un effet catalyseur des financements publics au développement, la France recherche également à maximiser les financements privés à destination des pays en développement en utilisant des mécanismes à effet de levier financier. En effet, une partie des ressources allouées au financement du développement prend la forme d’apports initiaux ou d’instruments financiers (dons, prêts, garanties, fonds propres, financements mixtes, cofinancements, etc…). Ces instruments permettent de lancer un projet, d’en réduire les risques, réels ou perçus, et/ou de le rendre économiquement viable, permettant ainsi de mobiliser des flux privés additionnels. S’appuyer sur des effets de levier financier est particulièrement adapté pour financer des projets de taille conséquente censés générer un retour financier, comme les infrastructures.

Enfin, la France met en œuvre une politique d’appui à la philanthropie privée et d’incitation au don de nature individuelle, entrepreneuriale ou associative. En particulier, le Gouvernement a décidé de renforcer la sécurité juridique du régime d’incitation fiscale permettant la déductibilité des dons aux associations qui concourent au développement, à la protection de l’environnement et à la solidarité internationale et s’efforcera de mieux rendre compte de l’effort budgétaire associé, dans le cadre de sa déclaration sur l’aide publique au développement au CAD de l’OCDE.

4.3. Les financements innovants

Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, la France contribue à la recherche de nouvelles ressources pour le développement, comme certaines taxes affectées ou les dons des particuliers. Elle promeut surtout les utilisations innovantes des sources de financement pour trouver des réponses à des problèmes de développement. La France suivra avec attention et accompagnera le développement de nouveaux financements liés aux négociations climatiques dans une optique de développement durable des territoires.

Dans le domaine de la santé, la taxe de solidarité sur les billets d’avion, initiée en 2005 par la France, permet à la Facilité internationale d’achat de médicaments (UNITAID) d’influencer les marchés des médicaments contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (baisses de prix, qualification de traitements plus adaptés, etc…). Depuis 2006, les engagements français dans le cadre de la Facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm) permettent de financer des programmes de vaccination des enfants et de renforcement des systèmes de santé menés par l’Alliance pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Cette démarche n’est pas propre au secteur de la santé et la France soutient la recherche d’autres mécanismes dans d’autres domaines comme le changement climatique, l’agriculture, la sécurité alimentaire ou l’éducation. Ainsi, depuis 2012, la France met en œuvre une taxe sur les transactions financières à titre national, dont une part significative est allouée à des actions de développement, consacrées aux grandes pandémies et à la santé, mais aussi à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique.

() Bénin, Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Comores, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

(2) Le commerce, l’environnement, le changement climatique, la sécurité, l’agriculture, les accords de pêche bilatéraux, les politiques sociales, la migration, la recherche/l’innovation, les technologies de l’information, le transport et l’énergie.

Annexe 1

Liste des sigles et des abréviations

 

ADECRI

Agence pour le développement et la coordination des relations internationales

ADETEF

Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières

AFD

Agence française de développement

AFETI

Agence française d’expertise technique internationale

AID

Association internationale de développement

APD

Aide publique au développement

APE

Accord de partenariat économique

BIT

Bureau international du travail

CAD

Comité d’aide au développement de l’OCDE

C2D

Contrat de désendettement et de développement

CBD

Conventions des Nations unies sur la diversité biologique

CCNUCC

Conventions des Nations unies sur les changements climatiques

CE

Commission européenne

CICID

Comité interministériel de la coopération internationale et du développement

CIEP

Centre international d’études pédagogiques

CIV

Délégation pour les relations avec la société civile et les partenariats

CIRAD

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

CNCD

Commission nationale de la coopération décentralisée

CNDSI

Conseil national du développement et de la solidarité internationale

CNRS

Centre national de la recherche scientifique

CNULCD

Conventions des Nations unies pour la lutte contre la désertification

COM

Contrat d’objectifs et de moyens

CONFEJES

Conférence des ministres francophones de la jeunesse et des sports

CONFEMEN

Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français en partage

COS

Conseil d’orientation stratégique de l’AFD

CPD

Cohérence des politiques pour le développement

DAECT

Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales

DGM

Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats

DG Trésor

Direction générale du Trésor

ESS

Économie sociale et solidaire

ETI

Entreprises de taille intermédiaire

FAO (OAA)

Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

FED

Fonds européen de développement

FEI

France expertise internationale

FEM

Fonds pour l’environnement mondial

FEXTE

Fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences

FFEM

Fonds français pour l’environnement mondial

FHF

Fédération hospitalière de France

FIDA

Fonds international de développement agricole

FISEA

Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique

ESTHER

Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau

GAVI

Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation

GIP

Groupement d’intérêt public

GISA

Groupe interministériel français sur la sécurité alimentaire

GRECO

Conventions civile et pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption

HCR

Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés

HQE

Haute qualité environnementale

IITA

Initiative internationale pour la transparence de l’aide

IDE

Investissement direct à l’étranger

IEDDH

Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme

IEVP

Instrument européen de voisinage et de partenariat

IFFIm

Facilité internationale pour la vaccination

INTER

Intérêt public international

IRD

Institut de recherche pour le développement

ITIE

Initiative pour la transparence dans les industries extractives

LADOM

Agence de l’Outre-mer pour la mobilité

MAAF

Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

MAE

Ministère des affaires étrangères

MEFI

Ministère de l’économie et des finances

MEN

Ministère de l’éducation nationale

NEPAD

Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique

OCDE

Organisation pour la coopération et le développement économique

ODD

Objectifs de développement durable

OIF

Organisation internationale de la francophonie

OIT

Organisation internationale du travail

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMD

Objectifs du millénaire pour le développement

ONG

Organisation non gouvernementale

ONU

Organisation des Nations unies

PAM

Programme alimentaire mondial

PED

Pays en développement

PMA

Pays les moins avancés

PNUD

Programme des Nations unies pour le développement

PNUE

Programme des Nations unies pour l’environnement

PPP

Pays pauvres prioritaires

PPTE

Pays pauvres très endettés

PROPARCO

Société de promotion et de participation pour la coopération économique

RRMA

Réseaux régionaux multi-acteurs

SMA

Service militaire adapté

SPG

Système de préférences généralisées

SPSI

Santé protection sociale internationale

TTF

Taxe sur les transactions financières

UE

Union européenne

UNESCO

Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture

UNICEF

Fonds des Nations unies pour l’enfance

UNITAID

Facilité internationale d’achat de médicaments

UNRWA

Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

VSI

Volontaire de solidarité internationale

 

Annexe 2

Matrice des indicateurs de résultats

Pour répondre à l’objectif transversal d’égalité entre les femmes et les hommes de l’aide publique au développement, les indicateurs énoncés ci-dessous seront présentés de manière sexuée, dans la mesure où l’indicateur le permet.

 

Indicateur de l’aide bilatérale

Domaine

1.

Nombre d’exploitations agricoles familiales soutenues par les programmes financés par l’AFD

Agriculture, sécurité alimentaire

2.

Superficies bénéficiant de programme de conservation, restauration ou gestion durable de la biodiversité

Biodiversité

3.

Nombre de passagers empruntant les transports en commun sur les tronçons financés

Transports

4.

Nombre de personnes raccordées au réseau de distribution d’électricité, ou gagnant accès à l’électrification

Énergie durable

5.

a. Nombre d’enfants scolarisés au primaire et au collège

a bis. Nombre d’enfants ayant achevé le cycle scolaire primaire

b. Nombre de jeunes accueillis dans les dispositifs de formation professionnelle initiale soutenus par l’AFD

Éducation et formation

6.

Nombre d’habitants des quartiers défavorisés dont l’habitat est amélioré ou sécurisé

Collectivités territoriales et développement urbain

7.

Investissements accompagnés dans le secteur privé

Institutions financières et appui au secteur privé

8.

Nombre d’entreprises (PME) bénéficiaires d’appuis ou de financements de l’AFD

Institutions financières et appui au secteur privé

9.

Nouvelles capacités d’énergies renouvelables installées

Énergie durable

10.

Nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d’eau potable améliorée

Eau et assainissement

11.

Nombre de personnes gagnant accès à un système d’assainissement amélioré

Eau et assainissement

12.

Nombre de consultations externes de professionnels de santé par habitant et par an

Santé

12 bis.

Nombre de projets ayant un objectif nutritionnel

Transversal

13.

Réduction des émissions de gaz à effet de serre (CO2) – indicateur ex post à prévoir mais non envisageable fin 2013.

Transversal (climat)

14.

Nombre d’institutions bénéficiaires d’action de renforcement de capacité

Culture, enseignement supérieur et francophonie

15.

Nombre d’institutions bénéficiaires d’action de renforcement de capacité

Gouvernance démocratique

16.

Nombre de projets financés au bénéfice des sociétés civiles du Sud

Société civile du Sud

 

Indicateur de l’aide multilatérale

Domaine

1

Nombre de personnes ayant accès à un ensemble de services de santé de base (BM)

Santé

2

Nombre d’enfants immunisés grâce à notre contribution au GAVI Alliance

Santé

3

Nombre de moustiquaires imprégnées distribuées grâce à notre contribution au Fonds mondial

Santé

4

Nombre de personnes sous traitement antirétroviral grâce à notre contribution au Fonds mondial

Santé

5

Nombre d’enseignants recrutés et/ou formés (BM)

Éducation

6

Nombre de manuels et matériels didactiques fournis (BAfD)

Éducation

7

Superficie de zones bénéficiant de services d’irrigation (en ha) (BM)

Agriculture

8

Nombre de personnes formées/recrutées/ utilisant une technologie moderne (BAfD)

Agriculture

9

Nombre de personnes bénéficiaires de services fournis par des projets soutenus par le FIDA

Agriculture

10

Nombre de personnes ayant gagné accès à des sources d’eau améliorées (BM)

Développement durable (eau)

11

Kilomètres de conduites d’eau installées ou améliorées (BAsD)

Développement durable (eau)

12

Nombre de routes construites ou réhabilitées (BM)

Infrastructures (transport)

13

Nombre de PME aidées (SFI)

Secteur privé

14

Nombre de clients de la microfinance formés en gestion des entreprises (BAfD)

Secteur privé

Vote sur l’ensemble

Article 10
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. En réalité, ayant déjà eu l’occasion d’expliquer mon vote, je tenais plutôt à m’excuser auprès de Jean-Claude Peyronnet, que je n’ai pas cité lors de mon intervention à la tribune : c’est que, l’espace d’un instant, j’avais oublié son prénom ! Mais il ne fait guère de doute que ce texte et donc le prénom de notre collègue resteront dans l’histoire ! (Sourires.) J’en profite pour le remercier à mon tour de l’ensemble du travail qu’il a accompli au Sénat. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je voudrais à mon tour remercier Jean-Claude Peyronnet, Christian Cambon et l’ensemble des sénatrices et des sénateurs. Ce texte restera effectivement dans l’histoire, car c’est la première fois qu’un projet de loi sur la politique de développement de la France est ainsi soumis au Parlement.

Je m’associe bien entendu à l’hommage que vient de rendre Christian Cambon à Jean-Claude Peyronnet, mais je voudrais aussi remercier l’ensemble des groupes.

En effet, sur un sujet comme celui-ci, qui concerne la voix de la France dans le monde et les objectifs de notre politique en direction des pays en développement, il est important que les groupes puissent se rassembler, par-delà les clivages partisans habituels, même s’il subsiste quelques points de débat.

Au nom d’Annick Girardin, de Laurent Fabius et du gouvernement de Manuel Valls tout entier, je renouvelle nos remerciements à la Haute Assemblée, pour avoir contribué à l’élaboration d’un texte qui rendra notre politique de développement plus efficace, plus cohérente, mieux évaluée et plus conforme aux valeurs que nous défendons dans le monde. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente, pour le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
 

8

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 juin 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le dernier alinéa du II de l’article 1647 B sexies du code général des impôts (plafonnement de la contribution économique territoriale) (2014-413 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

9

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir au sein de la Haute Assemblée pour ce débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin prochains, afin d’évoquer les priorités que le Président de la République défendra au nom de la France à cette occasion.

Cette réunion des chefs d’État et de gouvernement revêt une importance exceptionnelle. Au lendemain des élections européennes, et alors que vont être installées de nouvelles institutions européennes, l’Europe a en effet besoin pour les cinq prochaines années d’une feuille de route claire, qui lui permette de renouer durablement avec la croissance, de réaliser de grands projets communs dans des domaines d’avenir et de retrouver la confiance des citoyens partout sur le continent.

Pour cela, l’Union européenne doit fonctionner de façon plus simple, moins opaque, en se concentrant sur quelques grandes priorités, avec des objectifs d’efficacité et de résultats. Tel est le mandat qui doit être donné au prochain président de la Commission européenne, lequel sera désigné à l’occasion de ce Conseil européen.

Dans cet état d’esprit, la France défendra principalement quatre grandes priorités, qui devront être au cœur de la feuille de route de la prochaine Commission européenne et que nous mettrons évidemment au centre des débats du Conseil européen.

La première des priorités, c’est le soutien à la croissance, à l’emploi et au financement de l’économie réelle.

Beaucoup a été fait depuis la crise de 2008, et en particulier depuis deux ans, pour assurer l’intégrité de la zone euro, enrayer la spéculation, sortir l’Europe de la récession. Les deux premiers piliers de l’union bancaire – la supervision et la résolution – ont été adoptés et doivent encore être complétés par une garantie commune des dépôts.

L’Union européenne est désormais sortie de la récession, mais les conséquences sociales de la crise, d’abord en termes d’emploi, frappent encore durement nos concitoyens. Il nous faut donc aujourd’hui aller plus loin.

La Banque centrale européenne a abaissé ses taux à plusieurs reprises et mis en œuvre des mesures non conventionnelles pour accroître le financement de l’économie. Il nous faut donc consolider la reprise, développer le potentiel de croissance de l’Europe, renforcer sa base industrielle et d’innovation, accroître le financement de l’économie réelle, qu’il s’agisse des grands projets structurants ou du tissu de nos petites et moyennes entreprises.

La mise en œuvre de cette priorité implique de passer à une nouvelle étape du pacte de croissance défendu par le Président de la République en juin 2012. Cela suppose d’abord une coordination des politiques économiques au sein de la zone euro. Ces politiques doivent désormais être tournées principalement vers la croissance, qui est la première priorité. Cela suppose aussi que l’on utilise toutes les flexibilités du pacte de stabilité et de croissance, en tenant compte des réformes engagées et de la nécessité de conforter la reprise. C’est encore la meilleure garantie d’atteindre les objectifs de réduction de la dette, laquelle est évidemment un impératif que nous devons tous nous assigner.

Nous devons également avoir une véritable stratégie d’investissement. Il nous faut pour cela mobiliser immédiatement les instruments existants et accélérer la mise en œuvre des programmes engagés au titre du budget européen, qu’il s’agisse des fonds structurels, du mécanisme pour l’interconnexion en Europe ou du programme Horizon 2020.

Nous proposons en outre de renforcer l’utilisation des capacités de la Banque européenne d’investissement, en l’incitant à financer des projets d’une façon plus audacieuse, plus difficile peut-être, plus risquée, et en augmentant les moyens de sa filiale, le Fonds européen d’investissement, destiné aux petites et moyennes entreprises.

La phase pilote des project bonds, qui a été engagée par la Banque européenne d’investissement, doit elle aussi déboucher sur un recours beaucoup plus large à ces mécanismes d’emprunt et de financement qui permettent tant de développer des réseaux numériques que de financer des infrastructures, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays de l’Union européenne.

Nous pensons également qu’il est utile de réfléchir à la mise en place d’un instrument permettant d’orienter davantage les flux de l’épargne privée, abondante en Europe, vers le financement des entreprises. Il faut aussi engager une révision des règles prudentielles et comptables, aujourd'hui inadaptées, et faire en sorte qu’un nouvel instrument d’investissement européen puisse voir le jour.

Par ailleurs, l’Europe doit se doter d’une véritable politique industrielle, à laquelle les politiques de concurrence, fiscales et commerciales doivent concourir afin de permettre l’émergence de champions européens. Cette politique industrielle doit aujourd'hui pouvoir se développer dans le secteur du numérique, dans le cadre de l’Agenda numérique pour l’Europe, ainsi que dans celui de l’énergie. J’y reviendrai.

Sur tous ces sujets, nous savons pouvoir compter sur une très grande convergence de vues avec l’Italie, qui prendra la présidence du conseil de l’Union européenne à compter du 1er juillet prochain. La présidence italienne entend faire du Conseil européen d’octobre celui de l’économie réelle.

Nous devons aussi simplifier les procédures et la gouvernance de l’Union européenne.

Tout d’abord, nous proposons que, au sein de la zone euro, il y ait désormais un président stable de l’Eurogroupe. Le Président de la République l’a dit, l’Europe doit être plus claire et plus lisible, pour être plus efficace et plus accessible. Parmi les règles existantes, celles qui font peser des charges disproportionnées sur les entreprises et sur les citoyens européens doivent être identifiées et réduites, en portant une attention toute particulière aux PME. Ce Conseil européen doit également permettre de franchir un pas dans la voie de la simplification à l’échelle européenne.

La deuxième grande priorité, c’est l’affirmation d’une ambition sociale, en particulier en direction de la jeunesse.

La politique de l’emploi doit donner résolument la priorité à la jeunesse en Europe. Nous ne pouvons pas accepter que, dans plusieurs pays de l’Union européenne, le taux de chômage des jeunes reste supérieur à 25 %.

La prochaine conférence pour l’emploi des jeunes, qui se tiendra sous présidence italienne, sera bien sûr un rendez-vous important. Elle sera l’occasion de faire le bilan des actions qui ont été menées jusqu’ici. Nous devons faire en sorte que la « garantie jeunesse » soit effective partout en Europe et qu’elle soit prolongée au-delà de 2015, avec les moyens financiers adéquats. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, un fonds de 6 milliards d’euros a été attribué à cette politique pour les années 2014-2015. Nous souhaitons que la « garantie jeunesse » soit pérennisée et amplifiée.

Pour assurer la plus grande efficacité possible, de nouveaux champs d’action doivent être définis : je pense notamment à tout ce qui concerne l’apprentissage, la formation tout au long de la vie, l’alternance, mais aussi l’accompagnement des jeunes qui créent et qui innovent. En effet, quand un jeune crée son emploi ou une entreprise, c’est évidemment aussi une chance pour l’économie européenne.

Nous devons par ailleurs contribuer à la mobilité des jeunes à l’échelle du continent, en particulier faire travailler en réseau les agences européennes pour l’emploi et jouer la carte du transfrontalier, comme nous l’avons déjà fait avec l’Allemagne par le biais de l’agence de Kehl.

L’ambition sociale, c’est aussi la dimension sociale de l’union économique et monétaire. Nous proposons la création d’un Eurogroupe social, des avancées nécessaires vers la convergence fiscale et sociale au sein de la zone euro, le renforcement de la lutte contre le dumping social, auquel votre assemblée a déjà contribué en adoptant notamment une législation renforcée sur le détachement des travailleurs, et la perspective d’un salaire minimum dans tous les pays de l’Union européenne, et d’abord dans ceux de la zone euro.

La troisième priorité, c’est la définition d’une véritable politique énergétique et climatique européenne.

L’objectif est clair : nous devons parvenir en octobre prochain à un accord sur le cadre européen 2020-2030. Les positions des États membres étant encore divergentes à ce stade, il nous faut étudier l’ensemble des moyens qui permettront de prendre en compte les spécificités nationales tout en visant l’objectif commun de réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de porter à 27 % au minimum la part des énergies renouvelables.

Dans cette perspective, nous souhaitons que, dès le Conseil européen de cette semaine, le débat puisse s’engager sur la base des propositions de la Commission européenne. C’est absolument indispensable si nous voulons que l’Union européenne présente un front uni lors de la COP 21, la conférence Paris Climat, qui se tiendra à Paris à la fin de l’année 2015 et à laquelle toutes les grandes puissances dans le monde se préparent, la Chine et les États-Unis ayant déjà indiqué leur intention d’y formuler des propositions nouvelles.

Les deux dimensions du débat – politique énergétique et lutte contre le changement climatique – sont donc pour nous indissociables.

La première concerne les moyens de réduire la dépendance énergétique européenne, notamment à la lumière des événements d’Ukraine. La stratégie de réduction de la dépendance énergétique présentée par la Commission le 28 mai dernier s’inspire très largement des propositions du Premier ministre polonais, Donald Tusk, et du Président de la République.

Cette stratégie comporte des solutions de très court terme pour l’hiver 2014-2015, telles que l’évaluation des risques de rupture de l’approvisionnement en gaz et l’établissement, en conséquence, de plans d’urgence, voire de mécanismes de secours, mais aussi de moyen et long terme, telles que la diversification des sources d’approvisionnement en énergie, la modernisation des infrastructures énergétiques, l’achèvement du marché intérieur de l’énergie, la mise en œuvre de politiques d’efficacité énergétique pour réaliser des économies d’énergie.

Les conclusions du Conseil européen devraient prévoir le renforcement à court terme des mécanismes de solidarité et d’urgence à partir d’une évaluation des risques et une analyse des mesures de moyen et long terme, sur la base des propositions de la Commission.

Toutes ces mesures visent à rendre l’Europe plus efficace en matière énergétique afin de réduire sa dépendance. Elles renforcent la validité des propositions faites dans le cadre du paquet énergie-climat pour 2030. C’est la deuxième dimension des discussions qui auront lieu.

À cet égard, le Conseil européen de juin devrait tendre à définir avec soin le cadre de négociation en vue d’une décision finale sur les objectifs retenus par l’Union à l’horizon 2030 lors du Conseil européen d’octobre 2014.

Rappelons que cela est indispensable à la fois au plan interne, afin de créer un cadre stable et prévisible pour nos entreprises et de les amener ainsi à investir dans les technologies à faible émission de carbone, et au plan international, pour envoyer un signal positif et créer une dynamique vertueuse de prise d’engagements en vue de la COP 21, que j’évoquais à l’instant.

Le quatrième objectif est de renforcer l’espace de liberté, de sécurité, de justice et de bâtir une véritable politique d’immigration commune. Le Conseil européen de juin fixera les orientations du programme post-Stockholm, c’est-à-dire les priorités des cinq prochaines années dans ce domaine.

Nous souhaitons, à cet égard, que plusieurs objectifs puissent être réaffirmés : la garantie des droits à l’intérieur de nos frontières, la protection à nos frontières extérieures et la régulation des flux migratoires.

La liberté de circulation est un acquis, une liberté fondamentale qui touche à l’esprit même de la construction européenne. Elle ne saurait être remise en cause, mais, pour la préserver, il nous faut lutter avec détermination contre les abus et les fraudes dont elle peut faire l’objet. Nous devons aussi mieux faire fonctionner les outils, notamment ceux de l’espace Schengen, qui constituent des contreparties à la suppression des contrôles aux frontières intérieures. Une protection efficace de nos frontières extérieures communes est à cet égard une priorité absolue.

La lutte contre l’immigration irrégulière est essentielle, et le Conseil européen devra délivrer un message fort concernant la situation en Méditerranée. Dans cette perspective, nous devons mener, en relation avec les autorités des États tiers, un combat plus déterminé contre la traite des êtres humains et les activités des passeurs, et donner plus de crédibilité à la politique des retours, dans le respect de la dignité des personnes, en nous assurant notamment de la bonne mise en œuvre des accords de réadmission.

Pour la mise en œuvre de la surveillance des frontières, nous réaffirmerons l’équilibre entre responsabilité et solidarité : la responsabilité des États membres qui assurent en premier lieu le contrôle et la surveillance des frontières extérieures communes, en se dotant de moyens de contrôle efficaces ; la solidarité que nous devons aux États qui sont en première ligne, en particulier l’Italie. Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, est l’un des outils majeurs de cette politique et doit progressivement prendre le relais de l’opération Mare Nostrum. Frontex doit renforcer ses activités opérationnelles, mieux échanger les informations avec Europol, améliorer sa réactivité. Il nous faut donc travailler à la mise en place d’un système européen de gardes-frontières.

Enfin, nous devons également mieux réguler l’immigration régulière, qui joue un rôle important, y compris en termes de rayonnement économique, commercial et culturel de l’Europe. Nous souhaitons insister sur le lien entre politique des visas et attractivité de nos territoires, comme l’a d’ailleurs fait Laurent Fabius dans son discours aux assises du tourisme, jeudi dernier.

C’est aussi en favorisant les mobilités, comme celles des étudiants, que l’Union œuvrera à normaliser les flux migratoires et à développer des échanges qui, en contribuant au développement des pays d’origine, favoriseront la stabilisation des populations.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à ces quatre priorités s’ajoute celle que constitue l’affirmation du rôle international de l’Europe en tant qu’acteur global de la mondialisation, c'est-à-dire de son action extérieure, de sa politique de sécurité et de défense commune, des valeurs et des principes qu’elle entend défendre dans ses relations commerciales internationales.

À cet égard, je voudrais évoquer la situation en Ukraine, sujet qui sera évidemment abordé lors du Conseil européen.

Le plus urgent est d’obtenir un cessez-le-feu et une amélioration de la situation sur le terrain. Cependant, une telle désescalade ne pourra intervenir qu’à condition que tous les acteurs s’engagent pleinement dans la négociation : c’est le sens des contacts de haut niveau que le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel ont eus avec MM. Poutine et Porochenko, une première rencontre entre les Présidents russe et ukrainien s’étant tenue lors des cérémonies du soixante-dixième anniversaire du Débarquement.

L’appel à la cessation des hostilités et à la négociation a encore été au cœur de l’entretien conjoint qu’ont eu cette semaine le Président de la République, la Chancelière allemande et le Président russe. Le plan en quatorze points annoncé par le Président ukrainien le 20 juin, assorti d’un cessez-le-feu unilatéral d’une semaine, constitue une chance pour mettre fin aux tensions. La Russie doit désormais impérativement démobiliser ses troupes à la frontière et user de son influence auprès des séparatistes pour qu’ils déposent les armes.

L’Union européenne est pleinement mobilisée pour apporter son soutien à l’Ukraine et fournira une aide de 11,175 milliards d’euros sur la période 2014-2020. Par ailleurs, le volet commercial de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine sera signé le 27 juin, en marge de ce Conseil européen.

Le conseil Affaires étrangères qui se tient aujourd'hui à Luxembourg a été largement consacré à la situation en Ukraine. Une première phase des discussions, en présence du ministre ukrainien des affaires étrangères, M. Klimkine, a permis de montrer notre soutien unanime au plan de paix proposé par M. Porochenko.

La seconde phase des discussions a permis de dresser les premiers contours de la mission de politique de sécurité et de défense commune civile qui pourrait être lancée pour aider l’Ukraine à réformer son secteur de la sécurité civile. Elle a également reflété notre volonté commune de rester fidèles à la position que nous avons adoptée depuis le début de la crise : nous avons su faire preuve de fermeté lorsque c’était nécessaire en adoptant, au niveau européen, un certain nombre de sanctions qui ont eu une efficacité incontestable, mais nous avons toujours estimé que la priorité devait être donnée au dialogue, à la recherche d’une solution politique, aussi bien entre l’Ukraine et la Russie qu’entre les différentes composantes de la société ukrainienne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les questions que je voulais évoquer en ouverture de ce débat préalable au prochain Conseil européen. L’enjeu est de sauver le projet européen, plus indispensable que jamais, de lui redonner sa force, sa cohérence et sa capacité d’entraînement, de le réconcilier avec les citoyens européens : voilà l’ambition qui guidera la France et ses partenaires lors du Conseil européen des 26 et 27 juin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de huit minutes aux porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

La commission des finances et la commission des affaires européennes interviendront ensuite durant huit minutes chacune.

Le Gouvernement répondra aux orateurs et aux commissions, puis nous aurons une série de questions, avec réponse immédiate du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que le programme du prochain Conseil européen sera, une fois de plus, très chargé ! L’ordre du jour officiel comporte plusieurs dossiers lourds, auxquels il convient d’ajouter d’autres questions non moins sensibles, même si elles ne sont pas inscrites au programme.

Cette réunion sera, rappelons-le, la première rencontre officielle des chefs d’État et de gouvernement depuis les élections du 25 mai dernier. C’est donc en réalité de la stratégie et des politiques des institutions européennes dans leur ensemble et pour les cinq années à venir qu’il s’agira.

Une double question se pose : d’une part, celle du choix des personnes qui seront amenées à – espérons-le – incarner l’Europe ; d’autre part, celle de l’organisation, de la répartition des tâches et des responsabilités, et donc des priorités dont cette nouvelle répartition sera la traduction concrète.

On aurait tort de sous-estimer ce dernier aspect, qui touche à ce qui a finalement été l’une des plus grandes faiblesses de la Commission sortante. Faute de volonté politique et d’ambition réelle, celle-ci s’est très tôt enfermée dans des dossiers extrêmement techniques, souvent particulièrement sectoriels et précis, dont le traitement parfois assez catastrophique a eu des conséquences désastreuses sur l’appréhension par l’opinion de l’ensemble des dossiers européens.

En l’absence d’orientations fortes, de commissaires et de représentants un tant soit peu charismatiques et dotés d’une véritable vision, c’est à travers un effet d’entropie propre à la Commission européenne depuis maintenant une vingtaine d’années que nous avons vu la très organisée direction générale de la concurrence prendre la main sur un grand nombre de questions stratégiques durant la présidence de M. Barroso. Si cette promotion acharnée de la concurrence a parfois sa logique, elle traduit aussi un incroyable dogmatisme, et il est à l’évidence aujourd’hui dangereux de soumettre l’avenir de l’Europe à la mise en œuvre de cette politique. Cela ne peut continuer ainsi !

Si nous voulons que la Commission européenne mette en place des politiques audacieuses, nous devons la doter de structures qui soient à la hauteur de la tâche et propres à mieux donner la priorité à ce qui fera le futur de nos concitoyens.

C’est particulièrement vrai en matière industrielle. Certes, le portefeuille de l’industrie existe déjà au sein de la Commission ; il est même détenu par l’un de ses vice-présidents, mais le poids relatif du commissaire à l’industrie par rapport à d’autres membres du collège est sans commune mesure avec l’importance de ce secteur ! Qu’attendons-nous alors pour renfoncer ses services et ses attributions, pour les mettre davantage en lien avec des compétences déjà attribuées qui rejoignent les siennes, telles que l’énergie, le climat, la recherche et l’innovation ? Qu’attendons-nous pour nous doter d’une Commission stratège, comme nous voudrions avoir un État stratège au niveau national ?

Des personnalités aussi diverses que Michel Barnier ou Pierre Moscovici ne disent pas autre chose. Dès lors que le constat est aussi largement partagé, il serait difficilement compréhensible que la France ne pousse pas en faveur de l’adoption de semblables solutions.

Revenons-en au détail de l’ordre du jour de ce Conseil européen. Je laisserai de côté les questions purement économiques, que d’autres évoqueront sans doute. Parlons un instant des affaires intérieures : justice, liberté, sécurité.

Il s’agit d’un chapitre essentiel, ne serait-ce qu’en raison de la volonté affichée du nouveau gouvernement italien, lequel prendra très prochainement la présidence du Conseil de l’Union européenne, d’avancer dans ce domaine.

Il est cependant à craindre que la question ne soit abordée, une fois de plus, que sous l’angle de la lutte contre le terrorisme, de l’immigration irrégulière, de la situation en Méditerranée, qui ne constituent pourtant qu’une partie du problème.

La question de l’espace de liberté, de justice et de sécurité en Europe renvoie aussi à celle, pour le moins centrale, de la citoyenneté européenne. Comme vous le savez, est citoyen européen toute personne disposant de la citoyenneté d’un des vingt-huit pays membres de l’Union. Même si les critères d’acquisition de la nationalité varient encore étrangement d’un État à un autre, ce principe ouvre à chacun de nombreux droits.

Or, depuis quelques années, ces droits sont tout simplement à vendre… Poussés par la crise et un sens parfois absurde des priorités, plusieurs États ont cherché à mettre en place ou ont effectivement lancé des programmes visant à attirer de riches investisseurs, souvent sans être trop regardants sur l’origine de leur richesse, en leur octroyant un permis de séjour, voire la nationalité du pays – et donc une citoyenneté qui, de fait, vaut pour l’Union tout entière –, en échange de quelques faveurs financières.

Vous vous souvenez sans doute du cas de Malte, qui, récemment, voulait vendre la nationalité maltaise contre 650 000 euros. Cet État a ensuite ajouté une condition supplémentaire : il faut désormais avoir résidé au préalable un an sur son territoire. Cependant, ce cas n’est pas unique, puisque le Portugal, l’Espagne, la Grèce ont également mis en place des programmes de ce genre. Ces pays ne proposent certes pas d’acquérir la nationalité, mais ils n’en vendent pas moins chèrement un droit de séjour sur le sol de l’Union, sans que nous trouvions à y redire. L’Irlande, la Lettonie se trouvent également dans cette situation et, dernièrement, les Pays-Bas étudiaient cette possibilité, chaque pays fixant un tarif plus ou moins élevé, compris entre 72 000 euros et plus de 1 million d’euros ! Si l’on comprend bien quel intérêt peuvent y trouver de riches Chinois ou Russes – ce sont, comme par hasard, les deux nationalités les plus représentées parmi les postulants –, on voit mal, en revanche, ce que l’Union pourrait tirer d’un tel marché de dupes…

Si nous prenons au sérieux la question de la citoyenneté européenne, nous devons d’urgence mettre fin à ces dérives, dont les conséquences sont bien plus qu’anecdotiques. Pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, si le Président de la République envisage d’aborder ce problème lors du prochain Conseil ?

Je conclurai mon intervention en évoquant les questions climatiques et énergétiques, autre point important de l’ordre du jour de ce Conseil. Parce qu’il y a urgence, parce que les politiques des États membres en la matière divergent, parce que les ressources naturelles ou les inquiétudes des uns les poussent à privilégier des sources d’énergie comme les gaz de schiste, par exemple, que les autres rejettent en raison de leur dangerosité pour l’environnement et le climat, il s’agit d’un dossier éminemment sensible, sur lequel nous peinons à avancer ces derniers mois.

Précisément parce que c’est un dossier sensible, il est difficile de se mettre d’accord. Peut-on pour autant accepter que l’Union, tout en feignant de laisser aux États le choix de développer ou non ces énergies, se mette déjà à les financer via le programme Horizon 2020 ?

Auteur d’un rapport sur ce programme pour notre assemblée, j’avais notamment pointé les difficultés relatives au fléchage des fonds : trop précis, celui-ci risque de vite devenir obsolète et d’attiser les désaccords entre États ; trop flou, il risque de donner lieu à certaines dérives. Ces dérives, nous les voyons désormais, puisque, selon plusieurs articles de presse récents, l’Union finance discrètement l’exploitation des gaz de schiste – jusqu’à 133 millions d’euros ! – dans le cadre d’un programme destiné en principe à promouvoir l’innovation et la protection de l’environnement. Entre nous, il ne s’agit plus là de politique, mais véritablement d’alchimie, une alchimie douteuse qui transforme des crédits verts en carbone. Manifestement, quand la porte est fermée, certains trouvent toujours une fenêtre ouverte…

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer quelle sera la position de la France sur ce sujet, et plus largement sur les ambitions européennes en matière de climat ? La tenue de la COP 21, dont vous avez déjà amplement parlé, est un enjeu majeur pour notre pays, pour l’Europe, pour notre planète. Comme vous l’avez vous-même souligné, il est absolument essentiel de ne pas découpler enjeux énergétiques et enjeux climatiques. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe UMP.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen verra certainement la poursuite de la négociation pour le choix du nouveau président de la Commission européenne. Permettez-moi de souligner combien cette étape est importante : pour la première fois, le choix du président de la Commission devra respecter strictement les résultats des élections au Parlement européen. C’est un gage de démocratie, alors que l’on reproche souvent à la construction européenne de se faire loin des peuples.

En conséquence, nous demandons au Gouvernement de négocier dans le respect du résultat du scrutin. Agir autrement serait nourrir les partis extrémistes, populistes et anti-européens. Or, monsieur le secrétaire d'État, c’est bien la droite et le centre droit européens du Parti populaire européen, le PPE, et eux seuls, qui ont remporté les élections européennes, et notre candidat est Jean-Claude Juncker. Dès lors, nous demandons que ce choix des électeurs soit respecté dans les négociations intergouvernementales.

Cela signifie aussi qu’il faut maintenir le cap choisi, notamment en matière économique et financière, ce qui nous amène à l’un des points importants de l’ordre du jour du prochain Conseil européen : le semestre européen.

Ce processus de réglage coordonné des politiques macroéconomiques des États membres commence à être rodé, au moins en ce qui concerne son calendrier et son interconnexion avec les budgets nationaux. Cependant, il semble qu’il faille maintenant se l’approprier pleinement ; c’est le cas en particulier pour le Gouvernement français, qui paraît un peu rétif à écouter les avis divergents sur sa politique économique.

Au préalable, permettez-moi de souligner que, depuis un an, la zone euro dans son ensemble est en voie de stabilisation. L’Irlande et l’Espagne sont sorties des programmes de soutien ; le Portugal est en train d’en sortir ; Chypre a réalisé de bons progrès, ainsi que la Grèce, même si sa situation demeure encore bien fragile. Les risques sur les dettes souveraines sont donc moins pressants et, globalement, le redémarrage de la croissance est là, même s’il reste modeste. Réjouissons-nous : c’est le résultat de la politique menée jusqu’à présent.

Nous le constatons, les efforts consentis, collectivement et par certains pays – je pense notamment à l’Espagne –, commencent à porter leurs fruits. Ce début de consolidation européenne sera renforcé avec la mise en place de l’union bancaire dans les tout prochains mois.

Néanmoins, nous devons rester prudents. Le chômage continue d’être élevé, de même que les déficits publics et l’endettement, qui se situent à des niveaux historiquement hauts dans certains pays, dont la France. Ce n’est donc vraiment pas le moment de relâcher nos efforts, ce n’est pas le moment de contester le pacte de stabilité et de croissance. À cet égard, je tiens à saluer les propos de M. Benoît Cœuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, qui a affirmé très clairement, il y a quarante-huit heures, que modifier le pacte de stabilité et de croissance porterait atteinte à sa crédibilité et qu’il fallait se garder de renouveler les erreurs de 2003.

Nous ne comprenons donc pas bien ce qu’a voulu dire le Président de la République lorsque, sous le choc des résultats des dernières élections européennes, il a parlé de « réorienter l’Europe ». Avant de demander aux autres de changer, ne devons-nous pas commencer par nous adapter et prendre notre part du fardeau ? En effet, dans un contexte européen de convalescence, la France fait malheureusement de plus en plus figure de mauvais élève. Elle est placée sous surveillance, et la solidité de l’assainissement de ses finances suscite des interrogations de toutes parts.

Monsieur le secrétaire d'État, il est peut-être temps de se rendre à l’évidence. Ce n’est pas un modeste sénateur de l’opposition qui vous le dit. La Commission européenne, le Fonds monétaire international, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Haut Conseil des finances publiques, la Cour des comptes : désormais, les analyses de toutes les institutions, nationales et internationales, convergent…

En résumé, toutes ces institutions estiment que les hypothèses macroéconomiques que vous retenez sont optimistes, que ce soit en matière de croissance ou d’inflation. Toutes estiment que la baisse des dépenses publiques que vous annoncez est mal documentée et sera vraisemblablement insuffisante pour redresser nos comptes et financer les nouvelles dépenses que vous envisagez. Au-delà d’une formulation très diplomatique, toutes donnent à penser que si, sur le papier, votre présentation des comptes publics paraît cohérente, la réalisation ne suit pas.

Nous pensons aussi que le premier carburant de la croissance, ce sont des finances publiques stables. C’est être de mauvaise foi que de dire que cela signifie l’austérité. Il s’agit au contraire de transformer notre modèle économique et d’ajuster nos dépenses à notre richesse. Je le dis souvent sous forme de boutade : chaque époque a sa vérité, et les richesses d’aujourd'hui ne permettent plus d’engager les dépenses d’hier ; vous l’aurez deviné, je pense essentiellement aux dépenses sociales.

Dans cette perspective, il faut s’engager dans la voie des réformes structurelles : celle de la fiscalité, celle du marché du travail, celle de l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique. Comme la France a obtenu un délai de deux ans pour revenir à l’équilibre des comptes publics, il serait judicieux d’utiliser pleinement ce délai et de profiter de la période actuelle de taux d’intérêts bas, car elle est susceptible de ne pas durer. Je rappelle que le service des seuls intérêts de notre dette publique nous coûte 45 milliards d'euros chaque année. Je vous laisse imaginer ce qu’il adviendrait si par malheur les taux d’intérêts devaient remonter…

Il est temps de passer aux travaux pratiques, avec courage et détermination. Il est temps d’agir vite, et je le dis sans acrimonie, tant notre pays est historiquement plus prompt à la révolution et à la contestation qu’à la réforme ; en conséquence, la tâche est difficile.

Monsieur le secrétaire d'État, il nous paraît impératif de respecter scrupuleusement nos engagements à l’égard de nos partenaires européens. Ce doit être notre objectif primordial. Il y va de notre crédibilité à leurs yeux, ainsi qu’à ceux des marchés financiers. Il y va également de la cohésion même de l’Union européenne, parce que la France est la deuxième économie de la zone euro.

Le prochain débat sur le projet de loi de finances rectificative nous permettra de savoir comment vous comptez compenser le dérapage de nos finances publiques en 2014. Sachez que nous serons vigilants. D'ores et déjà, toutes nos inquiétudes portent sur l’échéance de 2015 et sur le respect d’une trajectoire de redressement qui semble de jour en jour plus compromise. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour le groupe UDI-UC.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « coordonner pour concrétiser », c’est le sens du semestre européen. Les injonctions de la Commission européenne sont claires ; où en est-on de leur mise en application ? Placée sous mécanisme d’alerte, la France fait l’objet d’un bilan approfondi et d’une surveillance particulière en raison de ses déséquilibres macroéconomiques chroniques. Si les mesures prévues par le Gouvernement sont globalement conformes aux recommandations pour 2013, leur mise en œuvre est dramatiquement insuffisante.

La Commission européenne doute, comme la Cour des comptes, de notre capacité à atteindre l’objectif de ramener notre déficit public à 3 % du PIB à l’horizon 2015. Elle met en cause la politique que nous menons et souligne notre déficit de croissance. À ses yeux, la pression fiscale demeure beaucoup trop élevée, le ratio impôt/PIB étant de 45,9 %. C’est pourquoi elle insiste sur la nécessité de baisser les taux nominaux de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés, préconise le renforcement de l’efficacité de la TVA et s’inquiète du maintien en 2015 de la surtaxe sur les grandes entreprises au niveau extravagant de 38,1 %.

Le coût du travail en France reste l’un des plus élevés de l’Union, et l’importance des charges fiscales sur le travail réduit la rentabilité des entreprises. Les PME peinent à atteindre la taille adéquate pour pouvoir exporter et innover. Des enquêtes internationales alertent sur la détérioration de l’environnement des entreprises en France, et le choc de simplification apparaît notoirement insuffisant. Quelles suites sont données au rapport dont l’auteur est devenu secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification ?

La Commission européenne pointe des distorsions dans la structure des salaires et l’absence de flexibilité de ces derniers, dans un marché du travail beaucoup trop segmenté et en voie de détérioration. Elle estime que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ne profite pas aux entreprises qui exportent et manque par conséquent un objectif essentiel.

Dans quelle mesure les conclusions des assises de la fiscalité, saluées par le Conseil, sont-elles mises en œuvre par le Gouvernement ? Le rapport de la mission commune d’information sénatoriale sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises sera remis sous peu : quel accueil le Gouvernement lui réservera-t-il ?

Lors de sa déclaration de politique générale devant le Parlement, le Premier ministre a pris de très importants engagements au travers du pacte de responsabilité. Or, dans son architecture actuelle, ce pacte ne permet pas de réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros. En réalité, il tend à fiscaliser une large part de la protection sociale, à hauteur de 30 milliards d’euros, en finançant à recettes constantes les baisses de charges annoncées. Il ne propose donc que 20 milliards d’économies nettes en trois ans, c’est-à-dire moins de 7 milliards d’euros de réduction du déficit public chaque année : c’est très nettement insuffisant ! De plus, les collectivités territoriales et les administrations de la sécurité sociale seront également mises à contribution. Dès lors, l’économie nette de 20 milliards d’euros sur trois ans pour le budget de l’État devient très difficile à retracer.

La Commission européenne attend de notre pays une véritable réforme administrative visant à simplifier les échelons et à éliminer les chevauchements de compétences. Dans son récent rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes doute de la faisabilité du pacte s’il ne s’accompagne pas d’une importante baisse des effectifs des collectivités territoriales et des administrations de la sécurité sociale. Elle fixe un objectif de 30 000 postes en moins par an. Allez-vous mettre en œuvre ces préconisations, comme cela est nécessaire pour faire baisser une dépense publique dramatiquement élevée ?

Le projet de loi de finances rectificative sera discuté au Sénat le 7 juillet prochain. Vous devez mettre en place des instruments budgétaires en phase avec nos engagements européens : un service public rénové, un marché du travail fluidifié et des retraites alignées sur la moyenne européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, votre poste, extrêmement important au regard de ce que devrait être la place de la France dans l’Union européenne, va être très difficile à tenir si vous maintenez les positions que vous défendiez en tant que premier secrétaire du parti socialiste, lorsque vous exigiez le maintien de la retraite à 60 ans et l’embauche de 60 000 enseignants, fût-ce à effectif de la fonction publique globalement constant : c’est là l’exact contre-pied des recommandations de la Commission européenne.

Ce qui me rend perplexe, c’est la schizophrénie française : vous savez que si vous persistez dans cette quasi-inertie au regard des engagements pris par la France, notre pays risque, ultime humiliation, d’être placé sous protocole !

Les engagements pris à l’égard de l’Union ne sont pas le seul motif devant nous pousser à entreprendre des réformes structurelles vitales pour la France : c’est dans notre propre intérêt !

Depuis mai 2012, notre endettement est passé de 1 700 milliards à 1 890 milliards d’euros et nous comptons 370 000 chômeurs de plus ; en outre, seulement 320 000 logements neufs ont été construits, au lieu des 500 000 annoncés.

L’économie est étouffée par l’impôt. Vous expliquez avoir augmenté les impôts de 30 milliards d’euros comme le gouvernement Fillon. Je vais tenter, en recourant à une allégorie que vous trouverez peut-être audacieuse, de vous faire comprendre comment les Français ressentent la situation. Imaginez une voiture avec deux chauffeurs qui se relaient ; vous êtes le second. Des gendarmes vous arrêtent pour avoir roulé à 150 kilomètres à l’heure sur une route où la vitesse est limitée à 90 kilomètres à l’heure. Votre prédécesseur admet avoir roulé, pour sa part, à 120 kilomètres à l’heure : on va lui retirer six points, mais vous, vous allez perdre votre permis de conduire. La situation est analogue en matière de fiscalité et de charges pénalisant notre économie.

Le Premier ministre a raison de baisser les charges et les impôts, mais pourquoi étaler ces mesures dans le temps ? Coupez tout de suite dans les dépenses ! Mettez en œuvre le programme présenté par M. Valls lorsqu’il était candidat à la primaire socialiste : il allait jusqu’à demander la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et des 35 heures.

Il me semble enfin difficile de ne pas vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur le contentieux entre BNP Paribas et les États-Unis. Je rappelle que le règlement européen 2271/96 interdit aux entreprises et aux personnes physiques de faire droit aux injonctions américaines contraires au droit international en matière d’extraterritorialité. Allez-vous faire appliquer le droit européen, afin que l’Europe se fasse respecter en tant que puissance internationale ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour le groupe CRC.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les 26 et 27 juin se tiendra donc le premier Conseil européen depuis les élections européennes du 25 mai, dont les résultats ont été marqués par une très forte abstention – même si celle-ci fut moins importante que ne l’annonçaient les sondages, elle témoigne d’un grand désintérêt et d’un fatalisme certain des citoyens à l’égard de l’Europe – et par la percée des partis populistes europhobes, qui reflète le malaise sociétal dans lequel l’Europe s’est enlisée ces dernières années.

Avec un taux de participation à peine supérieur à 43 %, les deux grands partis que sont le PPE et le PSE obtiennent respectivement 29,43 % et 25,43 % des voix. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, car ils devront s’accommoder de la nouvelle donne tenant au fait que les partis populistes et d’extrême droite rassemblent environ 20 % des voix.

Il faut tout de même noter une nette progression du groupe de la gauche unitaire européenne, qui passe de trente-deux à cinquante-deux membres, issus de quatorze pays différents, la parité y étant exactement respectée, comme au sein du groupe CRC du Sénat. C’est encore trop peu, mais cela permettra sans doute de faire mieux entendre, au Parlement européen, l’aspiration à une Europe fondée sur la solidarité et la coopération.

Au contraire, les populistes d’extrême droite promeuvent des remèdes simplistes pour des problèmes complexes, et leurs thèses s’imposent avec une telle agressivité qu’elles vont marquer la vie politique pour les années à venir.

Le verdict des urnes laisse encore subsister quelques inconnues, et le futur président de la Commission devra trouver des alliés ou des partenaires pour gouverner.

Comme l’écrivait une journaliste d’El Pais, « Il y a de l’écho dans l’histoire. […] Comme l’a montré le XXe siècle européen, les grandes crises, quand elles sont combattues au moyen de certaines recettes économiques, poussent la démocratie à se retourner contre la démocratie. »

La crise du capitalisme, l’austérité imposée aux plus faibles sont bien à l’origine de ces deux phénomènes que sont l’abstention massive et le vote en faveur de l’extrême droite. Car la crise, on le sait bien, ce n’est pas pour tout le monde : ainsi, même avec des profits en baisse de 8 % en 2013, les entreprises du CAC 40 ont augmenté de 8 % les dividendes distribués ! Alors que nos grandes entreprises accumulent des retards d’investissements considérables, 85 % des profits partent en dividendes…

Nous retrouvons cette même façon de penser au sein de l’Union. S’il fallait encore un exemple de cette déconnexion des instances européennes des préoccupations des citoyens, il suffirait de regarder l’ordre du jour du prochain Conseil européen, notamment les conclusions du semestre européen : rien ne change ! Comment est-il possible de préconiser, encore et toujours, plus d’austérité, quand les peuples souffrent ?

Ainsi, la lecture des recommandations de la Commission concernant le programme national de réforme pour la France de 2014 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2014 ne peut que laisser pantois. Comment l’Europe peut-elle espérer relancer l’économie du continent en renforçant encore l’austérité ? Ces recommandations, qui s’apparentent en fait à des consignes à appliquer, nous enseignent quelles seront les orientations pour le prochain budget, et même pour le collectif budgétaire à venir. Il est ainsi clairement signifié à notre pays que des efforts additionnels devront être inscrits dans la prochaine loi de finances rectificative pour 2014.

Je dois avouer que je m’interroge de plus en plus sur le rôle que nous jouons dans cet hémicycle, d’ailleurs toujours plus désert lorsque le débat porte sur l’Union européenne… Le Conseil européen définit les objectifs pour notre pays, le Gouvernement les applique avec le zèle que nous lui connaissons, et pour notre part nous nous contentons de les commenter.

C’est pourtant le candidat Hollande qui tenait les propos suivants : « Je veux réorienter la construction européenne. Je défendrai une association pleine et entière des parlements nationaux et européen à ces décisions. » Mais, dans la réalité, le Conseil européen assène qu’« il est donc nécessaire de préciser encore la stratégie de réduction des dépenses en intensifiant l'examen des dépenses qui est en cours et en redéfinissant, le cas échéant, la portée de l'action des pouvoirs publics ». Le Conseil européen insiste également fortement sur l’importance du projet de loi relatif à l’organisation territoriale de notre pays. Selon lui, ce texte devrait permettre « de simplifier les divers échelons administratifs, de créer de nouvelles synergies, d’obtenir de nouveaux gains d’efficacité et de réaliser des économies supplémentaires en fusionnant ou en supprimant des échelons ».

Si certains d’entre nous avaient encore quelques doutes sur les raisons du revirement présidentiel et gouvernemental concernant la suppression des départements et la diminution considérable du nombre d’élus régionaux, le Conseil européen nous rappelle fort à propos ce qui l’inspire…

La réforme des collectivités territoriales ne répond en effet qu’à une application aveugle des recommandations du Conseil. Ainsi, le Gouvernement français va intensifier le contrôle des dépenses des collectivités territoriales, plafonner l’augmentation annuelle de leurs recettes fiscales, tout en mettant en œuvre de façon rigoureuse la réduction des dotations, comme on le lui demande. Voilà le programme dicté par l’Europe pour nos collectivités ! Est-ce de cette Europe-là que les citoyens veulent ? Je ne le crois pas.

De plus, comment peut-on imaginer un seul instant qu’il sera possible de réaliser des économies en supprimant les assemblées départementales et une région sur deux ? Même l’agence de notation Moody’s annonce que cette réforme sera sans effet sur la dépense publique. Certes, il est nécessaire d’adapter nos services publics aux nouveaux besoins des administrés, mais cela ne veut pas dire les éloigner toujours plus des populations. Devant cette recentralisation, devant l’affirmation de métropoles hyperintégrées, il nous faut exiger que ces choix, qui engagent l’avenir des conseils départementaux, des conseils régionaux, des communes et des intercommunalités, soient non pas imposés par une recommandation du Conseil européen, mais débattus et tranchés souverainement par le vote des citoyens concernés. Ce dont la France et l’Europe ont besoin, c’est avant tout d’un renouveau démocratique !

D’autres recommandations sont tout aussi inquiétantes pour le devenir de notre système social. En effet, le Conseil européen préconise de prendre de nouvelles mesures pour « réduire de façon sensible l’augmentation des dépenses en matière de sécurité sociale, en fixant des objectifs plus ambitieux pour les dépenses annuelles dans le domaine des soins de santé ».

Nous connaissons pourtant les grandes difficultés que rencontrent nombre de nos concitoyens pour accéder aux soins. Est-il opportun de continuer à limiter et à diminuer le remboursement des médicaments, de poursuivre le démantèlement du système public de soins hospitaliers ?

Comme si tout cela n’était pas encore suffisant, on invoque la nécessité d’une nouvelle réforme des retraites, concernant notamment les régimes spéciaux. Les allocations familiales, l’aide au logement, les indemnités chômage seront-elles aussi revues à la baisse, afin de paupériser davantage encore les populations fragiles ? Non, la solidarité n’est vraiment pas un des axes de développement de l’Europe, et c’est tout à fait regrettable.

Ainsi, le Conseil européen estime que le SMIC français permet « un pouvoir d’achat parmi les plus élevés au sein de l’Union » : sous-entend-il qu’il est bien trop élevé, sachant qu’il invite à le faire évoluer de façon à renforcer la compétitivité et la création d’emplois, ou encore à étendre les dérogations au salaire minimum ?

Le Conseil européen continue de considérer le travail comme un coût à réduire, mais ne s’intéresse guère à l’augmentation du coût du capital, qui gangrène l’économie européenne. Là se trouve pourtant le nœud du problème. Le Conseil demande que soient encore accrues les exonérations de cotisations sociales patronales, alors que nous avons déjà observé que ces exonérations n’avaient aucun effet sur l’emploi. Depuis des décennies, la même politique est appliquée, mais pour quel résultat, hormis une diminution sans fin des ressources de l’État, qui contribue à l’aggravation du déficit de nos comptes publics ?

En revanche, on sent le Conseil bien moins motivé pour négocier un accord sur la taxation des transactions financières, dont la conclusion se fait attendre. On estime que les recettes annuelles seraient de l’ordre de 30 milliards à 35 milliards d’euros, soit entre 0,4 % et 0,5 % du PIB des États membres concernés : cela ne représente donc pas un niveau de taxation insupportable, tandis que cette taxe constituerait un outil intéressant de lutte contre la spéculation et un moyen de faire contribuer le secteur financier à la reconstruction des économies et au renflouement des finances publiques des États la mettant en place. Mais les opposants sont nombreux et les États très divisés.

Afin d’éviter une fragmentation du marché intérieur des services financiers, ainsi que des phénomènes de double imposition ou de double non-imposition, il nous apparaît urgent d’avancer concrètement sur ce dossier.

Cependant, l’accord intervenu le 5 mai dernier entre dix ministres des finances de l’Union européenne est très inquiétant, dans la mesure où il réduit considérablement le périmètre d’application de la taxe. Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous préciser quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Les citoyens européens rejettent cette Europe qui laisse un grand nombre d’entre eux sur le bord de la route. Pour relancer la dynamique européenne, il est impératif de répondre clairement aux inquiétudes exprimées récemment. Les résultats des dernières élections sont un signal d’alarme fort, et l’Europe devrait tout mettre en œuvre pour en tenir compte, mais je constate amèrement que telle n’est pas l’orientation retenue pour la prochaine réunion du Conseil européen. Sans doute estime-t-on que l’Europe a maintenant cinq ans devant elle jusqu’aux prochaines échéances électorales…

Imposer toujours plus d’austérité aux populations européennes ne mènera nulle part. Il y a urgence à agir avec les forces politiques, syndicales, citoyennes, pour bâtir un projet progressiste porteur d’avenir, d’espoir, entièrement fondé sur le respect de l’humain ! (M. Jean-Pierre Chevènement applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour le groupe socialiste.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 25 mai dernier, les citoyens de l’Union européenne étaient appelés aux urnes pour élire un nouveau Parlement européen. Finalement, peu d’entre eux se sont déplacés, notamment en France, et les partis europhobes ont réalisé une percée importante en Pologne, au Danemark, en Autriche, en Hongrie, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.

Les Français, pour leur part, ont placé en tête la liste du Front national. C’est symboliquement contrariant que la liste qui préconise la destruction de l’Europe en tant qu’institution soit en tête, mais, politiquement, il n’est pas encore écrit que les listes europhobes parviennent à modifier sensiblement l’équilibre du Parlement européen.

Cela étant, ce vote ne traduit pas une volonté des Français de sortir de l’Europe. Pour reprendre une formulation un peu galvaudée, nous devons « tirer les leçons de ce scrutin ». Force est de constater que les fameuses « leçons à tirer » ne sont pas les mêmes pour tous.

La crise économique, la précarité et l’inquiétude socioéconomiques de nos concitoyens favorisent à la fois l’abstention et un vote contestataire. En outre, l’insécurité économique engendre une crispation identitaire, habilement orchestrée par ces mouvements extrêmes. Dès lors, aux yeux des pourfendeurs de l’Europe, la réponse aux difficultés sociales et économiques résiderait dans la sortie de l’euro et la déconstruction européenne, avec le rétablissement des frontières nationales.

Le groupe socialiste du Sénat conteste vigoureusement l’idée qu’il faille revenir sur les grandes réalisations européennes telles que la libre circulation ou la monnaie unique, mais il continue à demander une réorientation de l’Europe, ainsi qu’une modification de sa gouvernance.

Pour que cette demande de réorientation soit crédible, nous devons prendre nos responsabilités. Trop souvent, depuis trop longtemps, nous n’avons pas su ni voulu parler d’Europe, et cette responsabilité est aussi celle de nos grands médias. Parfois, certaines mesures, impopulaires, ont été mises, à tort, sur le dos de l’Europe. A contrario, quand il s’agissait d’initiatives européennes, nous avons choisi de les mettre à notre seul crédit politique.

Le mot « Europe », récemment encore porteur de rêve, synonyme de progrès et de liberté, est désormais entaché de suspicion. L’urgence exige de redonner en priorité du sens, de la lisibilité et de la hauteur de vue à l’action européenne. Dans cette perspective, trois dossiers seraient de nature à « raccrocher les wagons ».

Le premier nécessite de régler, dans des délais acceptables, les questions liées au dumping fiscal.

Le deuxième dossier concerne l’âme de l’Europe, en résistant, pour reprendre les propos du pape François, « à la mondialisation de l’indifférence ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Belle référence !

Mme Bariza Khiari. Absolument !

Le troisième dossier, le plus important, est relatif à l’abandon des politiques de rigueur et à la relance de la croissance et de l’emploi.

Notre crédibilité est en jeu et notre responsabilité immense.

Le premier dossier porte donc sur l’harmonisation fiscale, du moins l’imposition des profits là où ils sont réalisés. Nous devons être à l’offensive face à cette exigence. Il est absolument impossible de justifier notre fiscalité, tant sur les ménages que sur les entreprises, si nous ne combattons pas parallèlement les stratégies d’évitement élaborées notamment par les nouveaux géants du numérique, dont les plus connus sont Amazon, Google, Facebook.

Le consentement à l’impôt est une nécessité démocratique. Or l’optimisation fiscale pratiquée par ces groupes contribue à l’érosion de ce consentement, d’une part, et à la destruction d’emplois, d’autre part. Il s’agit d’une problématique sensible autant en France et au Royaume-Uni qu’en Allemagne. Nous savons que, le 11 juin dernier, la Commission a ouvert une enquête sur les pratiques fiscales de l’Irlande, du Luxembourg et des Pays-Bas. Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les avancées de l’Union européenne sur cette question et quel rôle entend jouer notre pays pour accélérer le processus ?

La commission des finances du Sénat a été très active sur la question de l’équité fiscale numérique. Si je souhaite y revenir aujourd’hui, c’est parce que, depuis six mois, le Parlement travaille sur une proposition de loi visant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres, dont je suis rapporteur. Le dispositif que nous avons élaboré vise à rétablir des conditions de concurrence plus équitables entre les librairies indépendantes et le géant de la vente à distance. Cette proposition de loi, qui devrait normalement être adoptée jeudi matin, est soutenue à l’unanimité par tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat. Or la Commission européenne, sur un aspect au moins du dispositif voté, a émis un avis que nous contestons. La commission des affaires culturelles du Sénat, forte de cette double unanimité, a décidé de passer outre, et nous espérons que la Commission européenne sera sensible à nos arguments.

Le deuxième dossier sur lequel nous devons parler haut et clair concerne l’exigence d’une nouvelle approche de la politique européenne de l’asile qui soit en conformité avec les droits de l’homme et l’ensemble des valeurs et des principes des démocraties occidentales.

Je rappelle que nous avions déposé, en 2010, une proposition de résolution visant le déclenchement de l’octroi de la protection temporaire en faveur des réfugiés afghans. Quels sont les engagements que peut d’ores et déjà prendre l’Union européenne en termes de déclenchement de la protection temporaire, monsieur le secrétaire d’État ?

Le traitement en urgence des réfugiés, la mise en place â contretemps des mesures nécessaires ne sont pas compatibles avec l’esprit de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Il nous faut anticiper, dès maintenant, un afflux éventuel de réfugiés irakiens.

Outre la protection temporaire souvent engagée tardivement, l’Union européenne pèche aussi en matière de réinstallation, une autre solution pour les réfugiés. En 2013, l’Union européenne, avec vingt États, n’a réinstallé que 5 500 réfugiés, quand les États-Unis en réinstallaient 50 000, l’Australie 6 000 et le Canada 7 000. Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous proposer pour améliorer cette situation ?

Ne cédons pas au cynisme, à l’indifférence, à l’impuissance mise en scène et rappelons à nos concitoyens – j’emprunte ces mots à la maire de Lampedusa – qu’« aucun d’entre nous n’aurait le courage de monter à bord de ces bateaux, en laissant tout derrière soi » et que cette folle odyssée, en mer ou en camion, a sans doute des raisons impérieuses.

L’Europe est une oasis de paix, mais, à nos portes, des pays s’enfoncent dans des guerres civiles aux atrocités sans nom. Notre politique de l’asile doit s’adapter et ne pas se laisser instrumentaliser, amoindrir ou dénaturer par les crispations identitaires honteusement orchestrées par des partis qui se nourrissent de la détresse pour distiller la haine et la défiance.

Ce n’est pas être une « âme sensible » que de veiller à ce que la lutte contre l’immigration irrégulière n’entame pas le droit d’asile. Je suis persuadée que nos concitoyens attendent de l’Europe qu’elle les rende fiers, qu’elle soit porteuse, dans ses actes, de valeurs.

L’opération Mare nostrum, lancée par l’Italie et en partie financée par l’Europe, a permis de sauver des milliers de vies. Monsieur le secrétaire d’État, que compte faire l’Europe aujourd’hui pour que ce programme conjugue sauvetage en mer et respect du droit d’asile ?

Le troisième dossier que nous devons reprendre concerne les règles de calcul du déficit public et la règle des 3 % fixée par le traité de Maastricht. Beaucoup de voix, et pas seulement en France, s’élèvent pour demander une révision de la procédure budgétaire européenne. Ce qui fait figure d’exception aujourd’hui doit devenir la règle demain, pour un rééquilibrage entre lutte contre les déficits publics et promotion de la croissance. À cette fin, il nous paraît fondamental d’exclure les dépenses d’investissement d’avenir et les contributions au budget européen du calcul du déficit. Nous devons également réfléchir à en exclure le coût des réformes structurelles, notamment celles qui sont recommandées par la Commission européenne elle-même. Le ministre allemand de l’économie vient de s’y déclarer favorable, et la future présidence italienne du Conseil de l’Union européenne devrait prendre une initiative en ce sens. Même le FMI appelle à un assouplissement de ces critères.

Nous avons besoin de retrouver le chemin de la croissance. Le gouvernement français, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le pacte de responsabilité effectif à partir de 2015, a mis en place des dispositifs de soutien au pouvoir d’achat, à la compétitivité, et à la croissance. Les dernières décisions de la Banque centrale européenne s’inscrivent également dans cette perspective. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, l’état de la réflexion sur la règle de calcul ?

Après avoir exposé trois défis qui doivent trouver des réponses précises et rapides si l’on veut enrayer la désaffection européenne, je veux maintenant saluer la mise en place de la garantie jeunesse, qui a constitué une priorité dans l’agenda du Gouvernement. Je me félicite également de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, qui lui permettra de jouer son rôle de levier économique : elle a surtout le mérite d’avoir tenu bon, depuis deux ans, dans les échanges avec les autres États européens, sur la nécessité de doter l’Europe d’un volet social.

J’aimerais conclure sur la garantie jeunesse. Il s’agit du premier programme opérationnel dans le cadre de l’emploi des jeunes. La France recevra une enveloppe importante, destinée aux régions où le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %. La jeunesse française est fortement touchée par le chômage et l’Europe ne la fait plus rêver, à la différence de la génération précédente. La prise en compte de cette population et de ses difficultés économiques est essentielle pour rebâtir un lien de confiance. Le 11 juillet se tiendra le sommet européen pour l’emploi des jeunes. Pouvez-vous d’ores et déjà nous éclairer sur les propositions que la France y défendra ?

Règles budgétaires rénovées, justice fiscale et sociale, humanisme de la politique d’asile constituent donc pour le groupe socialiste du Sénat les trois piliers d’une nouvelle gouvernance de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour le groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. André Gattolin. Attendez ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen des 26 et 27 juin va se voir soumettre, en vertu du traité sur la stabilité, la cohérence et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, dit TSCG, et dans le cadre procédural du semestre européen, une série de recommandations par pays visant à guider les États membres dans leurs politiques budgétaires et de réformes dites « structurelles ».

J’ai lu soigneusement les recommandations concernant non seulement la France, mais aussi l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. C’est un programme d’assainissement à perte de vue, engagé simultanément dans tous les pays européens. Il s’agit en effet de ramener non seulement le déficit budgétaire « structurel », objectif de moyen terme, à 0,5 % du PIB, mais aussi le niveau d’endettement à 60 % du PIB.

Dans ce cadre contraint, l’Allemagne ne peut absolument pas jouer son rôle de locomotive de la croissance européenne. Si les recommandations qui lui sont adressées mentionnent « l’amélioration des conditions propices à une hausse de la demande interne », leur portée est immédiatement circonscrite « à la réduction des taux élevés d’imposition et de cotisation de sécurité sociale, en particulier pour les bas salaires ». Cette suggestion est franchement dérisoire, quand on lit dans le paragraphe précédent que l’Allemagne doit préserver une position budgétaire saine, afin que le taux d’endettement de l’État, actuellement de 85 % du PIB, reste sur une trajectoire descendante durable, jusqu’à 60 % du PIB. Ce n’est pas avec ce genre de recommandation qu’on fera repartir la croissance européenne !

Pour la France, c’est une mise à la diète généralisée : efforts d’économies budgétaires accrus, plafonnement des retraites, rationalisation des allocations familiales, réduction des aides au logement et, curieusement, réforme territoriale, comme si celle-ci pouvait permettre de dégager des économies propres à réduire le déficit budgétaire à 3 % du PIB en 2015 ! Cet objectif est évidemment hors d’atteinte, quand on sait que le déficit sera de 4,1 % du PIB en 2014, du fait d’un tassement des rentrées fiscales de 14 milliards d’euros par rapport aux prévisions.

Viennent ensuite, parmi les recommandations, la réduction du coût du travail, la remise en cause du crédit d’impôt recherche que j’avais créé jadis, la déréglementation des professions dites réglementées, l’ouverture des services à la concurrence, la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité, la réduction des niches fiscales et l’élimination des seuils, la suppression des subventions au diesel, la réforme du système d’indemnisation du chômage, j’en passe et des meilleures. Ultime et cocasse recommandation : faire en sorte que le gestionnaire unique des infrastructures des chemins de fer soit bel et bien indépendant par rapport à la SNCF.

On croit rêver, monsieur le secrétaire d’État ! Sur quelle planète vivent donc les technocrates de la Commission européenne ? Celle-ci n’hésite même pas à outrepasser ses compétences en préconisant la réforme du système d’éducation, compétence nationale s’il en est. Bonjour la subsidiarité !

Nous assistons à la mise en tutelle généralisée de la démocratie républicaine. La Commission préconise ainsi les fusions des collectivités locales, éclairant d’un jour inédit les motivations d’une réforme territoriale dont nous avions jusqu’ici quelque peine à percevoir la logique.

La Commission européenne, dans sa proposition au Conseil européen, va même jusqu’à critiquer les règles européennes en dénonçant, à la page 5 du document concernant la France, l’absence de ciblage du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sur les entreprises exportatrices, seules en mesure d’aider la France à retrouver sa compétitivité. Or on sait que ce sont les institutions européennes elles-mêmes qui, au nom de la concurrence, imposent une règle de non-discrimination entre les entreprises, handicapant ainsi toute politique industrielle.

Ce qui frappe dans la lecture de ces considérants, c’est le resserrement du « cadenassage » de nos choix politiques. Le 5 mars 2014 intervenait, en vertu du TSCG de 2012, la présentation par la Commission du bilan concernant la France ; le 7 mai, la France présentait son programme national de réformes ; le 2 juin était publié le projet de recommandation de la Commission au Conseil du 26 et 27 juin 2014 concernant la France.

Vous entendez, mes chers collègues, ce « cliquetis de chaînes » que j’avais annoncé lors de la ratification du TSCG le 20 octobre 2012. Que restera-t-il, après la réunion du Conseil des 26 et 27 juin, de la liberté de vote du budget par le Parlement ? Et que reste-t-il déjà de la liberté de la France de s’organiser comme bon lui semble en tous domaines, y compris l’éducation ou l’administration des collectivités locales ? Où est passé l’article III de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui rappelle que « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation » ? Que fait-on de l’article 3 de notre Constitution, qui rappelle que c’est au peuple qu’appartient la souveraineté ? Chacun d’entre nous peut ressentir que notre République n’est plus vraiment libre de ses décisions.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ressentons aussi le poids de la doxa économique qui sous-tend la logique de ces recommandations. Tandis que les États-Unis revoient à la baisse leurs prévisions de croissance de 2,8 % à 2 % pour 2014, dans la zone euro, la faiblesse des crédits bancaires et des taux d’inflation – 0,5 % en rythme annuel, en mai – fait peser, je cite Mme Lagarde, directrice du FMI, dans une interview du 16 juin au Handelsblatt, « de graves menaces pour la reprise européenne ».

L’évolution de la situation en Ukraine et en Irak comporte des risques de récession accrus, notamment à travers les prix du gaz et du pétrole. L’euro a retrouvé un cours de 1,36 dollar, supérieur de près de 20 % à son cours de lancement. Bonjour la compétitivité !

Si Mme Yelleen, présidente du Federal Reserve Board, promet, quant à elle, une politique monétaire accommodante, que fait de son côté la BCE ? Mme Lagarde n’a pas hésité à braver le conformisme ambiant en déclarant : « Si l’inflation devait rester obstinément faible, alors nous espérerions certainement que la BCE prenne des mesures d’assouplissement quantitatif par le biais d’achat d’obligations souveraines. » Quelle audace !

Nous attendons, monsieur le secrétaire d’État, que le Conseil européen, détenteur de la légitimité démocratique, se saisisse pleinement de la gravité de la situation économique. Le vice-chancelier allemand, M. Sigmar Gabriel, s’est prononcé récemment pour « davantage de souplesse budgétaire à l’égard des pays qui paient le coût des réformes imposées ».

Il est temps d’engager une autre politique sur le plan européen, en commençant par faire baisser la parité de l’euro et en allongeant d’un ou deux ans les objectifs de retour aux critères du pacte de stabilité. Les sociaux-démocrates sont au pouvoir en Allemagne. Ils doivent aussi prendre leurs responsabilités pour mettre la monnaie au service de l’économie et desserrer le carcan des disciplines que l’ordolibéralisme allemand veut imposer au reste de l’Europe au mépris d’une situation sociale qui n’a jamais été aussi dégradée : 23 millions de chômeurs dans les pays de la seule zone euro ! Un peu d’inflation supplémentaire est parfaitement tolérable. La BCE doit cesser de combattre, tel Don Quichotte, les dangers imaginaires que ses statuts lui commandent de terrasser. Il y a longtemps que c’est chose faite. Il est temps d’affronter les problèmes réels !

Avant de conclure, j’aimerais dire quelques mots de l’Ukraine, car la situation qui y prévaut amènera sans doute le Conseil à se saisir de la question.

M. Porochenko propose la paix mais il fait la guerre ! À ce jour, il n’a pas ouvert le processus de négociations auquel il s’était engagé. Or il faut bien négocier avec ceux contre lesquels on se bat. Il est facile d’excommunier l’adversaire en lançant contre lui une opération dite « antiterroriste ».

La Russie a facilité la tenue de l’élection présidentielle ukrainienne du 25 mai, je ne vous l’apprends pas !

M. Jean-Pierre Chevènement. Le Président de la République française et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne ont appelé, le 10 mai, au « lancement d’un processus de réforme constitutionnel aussitôt après les élections du 25 mai, comprenant un calendrier court, un processus de consultation inclusif impliquant toutes les parties tenantes concernées et les principaux domaines couverts par le processus », notamment la compétence des autorités régionales.

La France a toujours déclaré ne pas vouloir placer l’Ukraine devant un choix impossible entre l’Europe et la Russie. Or un accord d’association doit être signé entre l’Union européenne et l’Ukraine le 27 juin. La France n’a pas à distinguer entre les bons Ukrainiens et les mauvais, entre ceux qui seraient à l’Est ou à l’Ouest, entre les uniates de Lviv et les russophones de Donetsk ! Elle ne connaît que les Ukrainiens ! Est-il toutefois concevable de signer un accord d’association avec un pays dont le Président persisterait à refuser d’ouvrir le dialogue avec les régions russophones de l’Est ?

M. Jean-Yves Leconte. Il a été élu au premier tour !

M. Jean-Pierre Chevènement. Certes ! Mais par des gens qui voulaient la paix, y compris à l’Est !

La semaine dernière, l’opération dite « antiterroriste » s’est soldée par 200 morts. Le commissaire bruxellois chargé du dossier aurait déclaré que les mesures prises par le Président Porochenko constituaient une « violence proportionnée » et, par conséquent, acceptable. Or je constate qu’il y a déjà eu trois fois plus de morts du côté des militants russophones dits « séparatistes » qu’il n’y en avait eus du côté des militants de Maïdan.

M. Jean-Yves Leconte. Ce ne sont pas des militants !

M. Jean-Pierre Chevènement. Le Président Porochenko a été élu pour faire la paix. Tant qu’une négociation n’aura pas été engagée, il me paraîtrait normal de suspendre la conclusion de l’accord d’association, d’autant que 11 milliards d’euros ont déjà été promis à l’Ukraine par l’Union européenne.

Selon le commissaire Oettinger, la Grèce ne serait à côté de l’Ukraine qu’une « bagatelle ». Toutefois, l’accord d’association ne peut en aucune manière valoir promesse d’adhésion à l’Union européenne, comme je l’entends dire par M. Olli Rehn, par exemple. Celle-ci ferait mieux de se préoccuper des problèmes qui se posent au Sud, en Méditerranée et en Afrique plutôt que de vouloir toujours reculer sa frontière orientale. Le Conseil européen doit reprendre le contrôle de la politique européenne de voisinage, qui a été laissé dès le départ à des incapables négociant séparément avec la Russie et avec l’Ukraine. Une certaine russophobie est de mise dans certains cercles, comme si l’on voulait construire l’Europe contre la Russie, au nom de je ne sais quelle idéologie.

La Russie fait partie de l’Europe ! En l’oubliant, l’Union européenne se mettrait définitivement à la remorque d’intérêts qui ne sont pas les siens. Non, une nouvelle guerre froide n’est ni de l’intérêt de la France ni de l’intérêt bien compris de l’Europe et encore moins de l’Ukraine ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’orateur précédent, je voudrais rappeler que le tout prochain Conseil européen marquera la conclusion du semestre européen et verra l’adoption par les États de recommandations par pays, sur la base des propositions de la Commission européenne publiées le 2 juin dernier. Que faut-il retenir de cette « recommandation de recommandation », pour reprendre le jargon bruxellois, concernant le programme national de réforme et le programme de stabilité de la France pour 2014 ?

Il est important de savoir comment le Gouvernement réagit aux observations de la Commission européenne. Il est également important de savoir s’il envisage d’en contester certains aspects et si les vingt-sept autres États suivront la Commission ou préféreront un assouplissement de la discipline commune, comme nous le laissent entendre les sociaux-démocrates. Nous allons bien voir s’il ne s’agit là que de paroles…

Tout d’abord, je note que la Commission européenne retient une prévision de déficit de la France de 3,4 % du produit intérieur brut en 2015, alors que l’objectif retenu dans le programme de stabilité est de 3 % du PIB.

Ensuite, je relève que la Commission pointe du doigt le niveau de détail insuffisant des mesures d’ajustement, ce qui ne permet pas de « garantir de façon crédible la correction du déficit excessif pour 2015 ». Ainsi, l’horrible austérité dont parlent quelques-uns ne ferait pas l’objet de mesures suffisamment étayées et documentées !

Pour ma part, je crains qu’une fois de plus nous n’ayons affaire au phénomène d’opacité – que nous connaissons bien – de la politique budgétaire de ce gouvernement. Par exemple, pour la Commission européenne, comme pour l’ensemble des observateurs de notre vie politique nationale, les mesures d’économie annoncées par le Gouvernement, qui font tant réagir ici ou là, notamment dans une certaine partie de nos hémicycles, ne sont pas suffisamment précisées et détaillées pour être crédibles. Cette opacité, mes chers collègues, me semble aggravée par l’utilisation de la notion de « solde structurel ». Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur cette notion, qui n’est, à mon sens, qu’un nouveau et moderne rideau de fumée.

Bien entendu, il n’est pas illégitime de raisonner en termes de solde structurel. Nous sommes d’ailleurs tenus de le faire puisque nous avons transposé en droit interne le TSCG. Toutefois, s’il fallait désormais résumer le débat sur le redressement de nos finances publiques à l’énoncé de variables macroéconomiques abstraites et au développement de raisonnements complexes en termes de croissance potentielle et d’économies par rapport à une tendance – laquelle n’est d’ailleurs même pas explicitée par le Gouvernement –, il est tout à fait clair que nous ne serions compris de personne et que nous nous rendrions complices d’un vrai recul démocratique. Or, aujourd’hui – je l’observe avec peine –, le Gouvernement se dispense de plus en plus de nous dire sur quelles hypothèses, sur quelles mesures il se fonde pour justifier la trajectoire qu’il nous propose. Il se contente de nous demander de lui faire confiance, appliquant le principe qui eut au demeurant souvent cours en matière européenne : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

M. Aymeri de Montesquiou. Dormez, bonnes gens…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous le dis, mes chers collègues, les comptes publics et leur redressement demandent évidemment bien plus qu’un acte de foi.

D’autres sujets continuent de prêter à interrogation : quelles sont les marges de manœuvre réelles du Gouvernement pour rétablir les comptes publics à court terme ? Comme le souligne la Commission européenne, « les réformes structurelles définies dans le programme de stabilité ne prendront effet qu’à moyen terme », notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales. Or le Président de la République et son gouvernement nous promettent un miracle de cette réforme territoriale. Il serait donc essentiel que ce gouvernement dévoile enfin une stratégie crédible et détaillée pour 2015, date à laquelle le retour sous le seuil des 3 % est espéré, et pour 2016-2017, période prévue pour atteindre l’objectif à moyen terme.

Plus généralement, faute de réformes ambitieuses et structurantes autrement qu’en paroles, la Commission européenne estime que « la viabilité à long terme des finances publiques est également préoccupante ». Que cela veut-il dire en termes concrets ? Tout simplement que nos financements sur les marchés ne seront pas toujours obtenus à des conditions aussi favorables qu’aujourd’hui. La dette continuera par exemple d’augmenter en dépit de la progression de l’objectif à moyen terme. Cela me conduit à une autre question, monsieur le secrétaire d’État : quels sont, en matière de viabilité à long terme des finances publiques, les projets du Gouvernement ? En effet, même en écoutant attentivement vos collègues, le secrétaire d’État au budget, Christian Eckert, et le ministre des finances, Michel Sapin, lors des auditions répétées et copieuses que la commission des finances a tenues, je n’ai pas le sentiment que nous ayons entendu des réponses crédibles.

Selon la Commission européenne, même les axes forts de la politique économique gouvernementale sont lacunaires. Par exemple, s’agissant de la réduction du coût du travail, la Commission indique que cette dernière, qui devrait s’élever à 30 milliards d’euros – 20 milliards d’euros pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, 10 milliards d’euros pour le pacte de responsabilité –, « ne comblerait qu’à moitié le fossé entre la France et la moyenne de la zone euro en termes de cotisations sociales patronales ».

Je rappelle que, dans le cadre du bilan approfondi des déséquilibres macroéconomiques, la Commission européenne a pointé du doigt la détérioration de notre balance commerciale et la compétitivité insuffisante de l’économie, en soulignant notre manque de compétitivité-coût et de compétitivité hors prix.

Alors que la Commission européenne nous avait habitués à une expression plutôt modérée, elle fait preuve, en 2014, selon ma lecture, d’une sévérité accrue à l’égard de la France, ce qui ne peut que susciter de sérieux doutes et des inquiétudes légitimes quant à la viabilité de la trajectoire budgétaire et économique que le Gouvernement propose.

Après ces différentes interrogations, je voudrais conclure mon propos par plusieurs questions : quelle est la position du Gouvernement dans le débat sur l’assouplissement des règles de stabilité budgétaire en Europe ? Monsieur le secrétaire d'État, s’agit-il de simples déclarations dominicales de sa part ou bien pense-t-il que la France peut vraiment desserrer la contrainte ? Si elle le fait, à quel prix ? Qui faut-il croire : ceux qui nous disent rechercher 50 milliards d'euros d’économie ou ceux qui laissent entendre que ces 50 milliards d’euros sont destinés à rassurer les comptables de Bruxelles, mais qu’il ne faut certainement pas réaliser un tel effort car cela pénaliserait excessivement la croissance ?

À dire une chose et à ne pas la faire, à dire une chose et son contraire, on prend des risques croissants, qui sont tout simplement, en la matière, des risques pour la crédibilité de notre pays, déjà, hélas, bien critiqué et affaibli, au point que beaucoup le considèrent aujourd'hui comme l’homme malade de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Jean Bizet. Absolument !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes tous très attachés à la tenue de ce débat préalable, qui est l’occasion d’avoir un échange avec le Gouvernement à la veille d’une échéance européenne importante. C’est également un rendez-vous qui nous permet de débattre de l’ensemble des questions relatives à la construction européenne. Au mois de mars dernier, en raison de la suspension de nos travaux, nous avions été obligés d’avoir ce débat en commission. Nous nous retrouvons aujourd’hui en séance publique, ce dont je me félicite ; je remercie la conférence des présidents de cette décision ainsi que M. le secrétaire d’État de sa disponibilité. Dans le passé, en effet, il avait été question de nous reléguer dans le « petit hémicycle ». J’espère que ce temps est révolu.

Nous débattons au lendemain d’élections européennes qui ont montré la défiance croissante de nos concitoyens à l’égard de la construction européenne. Ce constat peut malheureusement être fait dans beaucoup d’États membres. Il est donc urgent d’agir pour répondre aux attentes des peuples, combattre les populismes et rétablir un climat de confiance.

Le Conseil européen a la responsabilité de proposer un candidat à la fonction de président de la Commission européenne. Celui-ci sera ensuite élu par le Parlement européen. C’est une grande innovation du traité de Lisbonne que je veux saluer. Le Conseil européen doit respecter la volonté des citoyens qui s’est exprimée dans les urnes. C’est une exigence démocratique. Au-delà, il faudra bien entendu discuter de l’orientation des politiques européennes. Quelle Europe voulons-nous ? Quel projet devra porter la prochaine Commission ? Voilà les questions essentielles sur lesquelles je reviendrai.

Malheureusement, la situation en Ukraine continue de nous préoccuper. Notre collègue Chevènement y a fait allusion, et je partage son opinion sur plusieurs points qu’il a évoqués. C’est bien la stabilité et la sécurité de notre continent qui est en cause. Les élections du 25 mai marquent un tournant important. Les nouvelles autorités ukrainiennes ont désormais la légitimité pour agir. Quel est l’enjeu ? Il faut non seulement préserver l’unité de l’Ukraine, mais aussi respecter sa diversité. Pour cela, il faut aller vers une plus grande décentralisation – j’utilise ce terme pour ne pas en employer un autre…

MM. Robert del Picchia et Aymeri de Montesquiou. Fédéralisme !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Il faut travailler à réunir les conditions d’un dialogue apaisé avec la Russie. Ce dialogue est indispensable. Les tensions demeurent mais des signaux positifs ont été donnés. Un tournant s’est produit le 6 juin lors des cérémonies de commémoration du débarquement. Sous l’égide du Président Hollande, une amorce de dialogue a eu lieu entre le Président Poutine et le Président Porochenko. Le Président Poutine a également établi un contact avec le Président Obama. Il faut poursuivre dans la voie du dialogue, car la confrontation ne peut mener qu’à une impasse.

Ce Conseil européen conclura le semestre européen 2014, que la plupart des orateurs ont évoqué, en adoptant les recommandations par pays. Il est important de rappeler que si la Commission a formulé des propositions, c’est le Conseil qui adoptera les recommandations. La Commission européenne a estimé que le programme de stabilité transmis par la France était conforme à la recommandation qu’elle avait formulée. La politique de notre gouvernement va donc dans le bon sens. Il s’agit bien de réussir l’indispensable assainissement budgétaire tout en favorisant les conditions d’un retour de la croissance.

Certains collègues ont fait du « France bashing », notamment M. le président de la commission des finances, en indiquant que nous serions le malade de l’Europe.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Je le conteste ! Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas à parler de notre pays de cette manière.

On le voit bien, l’austérité ne peut tenir lieu de politique. Le chômage, tout particulièrement celui des jeunes, atteint aujourd’hui des niveaux insupportables dans beaucoup trop d’États membres. Il faut donc mener des politiques ambitieuses sur le plan européen en faveur de la croissance et de l’emploi. La France, je le souligne, porte ce message depuis juin 2012.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En paroles !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. De plus en plus d’États membres partagent son point de vue, mon cher collègue. La France et l’Italie ont des analyses convergentes sur cette question.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas la France et l’Allemagne !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. La présidence italienne qui va débuter est donc une opportunité forte de réorienter les politiques européennes.

Par ailleurs, le Conseil européen se prononcera sur les perspectives des politiques européennes en matière de liberté, de sécurité et de justice. Nous avons examiné cette question, au sein de la commission des affaires européennes, sur le rapport de notre collègue Sophie Joissains. Il y a encore beaucoup à faire pour construire un véritable espace européen. Les drames survenus en Méditerranée, Bariza Khiari y a fait allusion, sont là pour nous rappeler l’urgence de mettre en place une politique européenne d’immigration. Une solidarité concrète entre les États membres doit s’exprimer, et la préconisation du Sénat de créer un corps de gardes-frontières européen demeure plus que jamais d’actualité. Une approche globale doit permettre d’offrir un cadre pour la migration légale et renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit. Il faut aussi réduire les grandes disparités en Europe en matière d’asile. De même, la mise en place de bureaux européens des visas serait source d’efficacité et de simplification.

La coopération policière doit par ailleurs être renforcée pour mieux lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme. Une délégation de notre commission a visité Europol, dont le siège est à La Haye et qui vient tout juste d’être réformée. Elle a apprécié le travail effectué. Le rôle de cette agence doit être approfondi.

Nous avons soutenu la création d’un parquet européen, mais nous nous sommes opposés au texte de la Commission qui prévoyait une formule très centralisée et, en fait, totalement irréaliste. Les parlements nationaux ont adressé un « carton jaune » à la Commission au titre de la subsidiarité, et cela n’a pas été sans résultat. La négociation au Conseil évolue dans le sens que nous souhaitions, à savoir un parquet européen, certes, mais collégial et décentralisé.

Je veux en outre insister sur la protection des données. Nous avons adopté des résolutions européennes sur la réforme de Mme Reding ; j’en étais le rapporteur. Le marché mondial des données personnelles représente sans doute des trilliards d’euros. Notre collègue Catherine Morin-Desailly nous a alertés sur le risque que l’Union européenne ne devienne une « colonie du monde numérique » ; l’expression me semble excellente. La protection des droits des personnes doit aussi constituer une priorité. L’affaire Snowden nous le rappelle, et avec quelle force ! Pourtant, on voit bien que les blocages persistent sur le texte de la Commission. Monsieur le secrétaire d’État, nous demandons au Gouvernement de défendre les positions que le Sénat a exprimées dans cette négociation

Enfin, le Conseil européen doit débattre du climat et de l’énergie. Une décision finale devrait être prise en octobre sur le cadre à retenir dans ces deux domaines à l’horizon de 2030. Le sommet des Nations unies sur le climat se tiendra en septembre ; c’est une échéance extrêmement importante.

La crise ukrainienne, que nous avons déjà évoquée, interpelle l’Union européenne sur le défi de la sécurité énergétique. Nous devons rassembler nos forces. L’Union européenne doit réduire sa dépendance à l’égard des importations d’énergie. Elle doit aussi renforcer les mécanismes d’urgence et de solidarité existants. Les risques de rupture de l’approvisionnement en gaz naturel doivent être réduits. Au-delà, chacun peut constater la nécessité d’avancer vers une intégration accrue. À la recherche de nouveaux moteurs pour sa croissance, l’Europe doit développer une politique énergétique ambitieuse. La fiscalité peut, à cet égard, jouer un rôle important. Notre collègue Bernadette Bourzai a travaillé sur cette question au sein de notre commission et nous fera des propositions mercredi prochain.

Je ne puis terminer mon intervention sans adresser quelques mots à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, dont c’est le premier débat préalable au Conseil européen dans notre hémicycle, ainsi qu’à l’ensemble de nos collègues, puisque ce débat est le dernier de la mandature, des élections sénatoriales ayant lieu au mois de septembre et le prochain Conseil européen au mois d’octobre. En tant que président, je tiens à remercier les membres de la commission des affaires européennes et, au-delà, tous les sénateurs qui, en s’intéressant à l’Europe et en débattant avec le Gouvernement, la font avancer. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je veux avant toute chose remercier M. Sutour, président de la commission des affaires européennes, d’avoir permis que ce débat puisse se tenir en séance publique, à un moment si important pour la vie du Sénat, comme il vient de le rappeler.

M. Gattolin a insisté sur l’importance toute particulière de cette réunion du Conseil européen et a mentionné de nombreux points, dont celui de la citoyenneté européenne. Il faut effectivement réconcilier les citoyens avec le projet européen. Je ne crois pas que le résultat des élections européennes mette en cause l’adhésion à l’idée européenne, à l’idée de coopération entre les nations, au projet de paix, de démocratie, de solidarité entre nos nations. Ce résultat, en revanche, en raison de l’abstention, du vote extrémiste et anti-européen dans plusieurs pays, comme l’a également souligné Mme Bariza Khiari, met certainement en cause le fonctionnement de l’Union européenne et les effets de notre action commune, en particulier face à la crise.

Nous avons tous conscience de la nécessité des changements qui doivent être apportés par les chefs d’État et de gouvernement, qui se réuniront pour désigner le prochain président de la Commission européenne et fixer la feuille de route des cinq années à venir.

M. Gattolin a notamment souligné combien il était nécessaire que la prochaine Commission européenne, qui devrait se structurer en pôles, comme nous le proposons, indique clairement que priorité est donnée à la mise en place d’une véritable politique industrielle à travers des règles de concurrence, de commerce et de fiscalité de nature à permettre l’émergence de véritables projets industriels et de véritables champions européens.

M. Gattolin a également souhaité m’interroger sur la politique européenne en matière de gaz de schiste. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, en France, deux raisons majeures nous ont incités à interdire non pas l’exploitation, mais la technique de fracturation hydraulique, jusqu’à présent la seule connue pour exploiter ces gaz.

Tout d’abord, les impacts environnementaux de cette technique ne font aucun doute, qu’il s’agisse des volumes d’eau nécessaires, de l’injection de produits chimiques dans les nappes phréatiques, des risques de fuite de méthane dans ces mêmes nappes ou dans l’atmosphère. C’est la raison pour laquelle la France a interdit par la loi l’utilisation de cette technique sur l’ensemble de son territoire.

Ensuite, sur le plan économique, aucune étude n’a pu démontrer que l’exploitation des gaz de schiste serait rentable pour l’Europe dans son ensemble. Au contraire, il est aujourd’hui avéré que la situation américaine ne peut en aucun cas être reproduite en Europe, en raison non seulement d’un nombre moindre de gisements, mais aussi de conditions géologiques et de densité de population différentes.

Même si, comme vous le savez, nous n’avons pas la possibilité, au niveau communautaire, de remettre en cause la souveraineté de chaque État dans le choix de son bouquet énergétique – principe auquel nous sommes nous-mêmes attachés –, nous veillons à ce que la politique énergétique de l’Union européenne repose sur une diversification, sur une économie moins carbonée, sur l’efficacité énergétique et sur la montée en puissance des énergies renouvelables. Nous considérons également que le nucléaire est l’un des atouts de ce bouquet énergétique. C’est la raison pour laquelle le projet de loi sur la transition énergétique, qui vient d’être présenté en conseil des ministres, lui réserve une part importante à l’avenir. J’examinerai toutefois avec beaucoup d’attention la question de l’utilisation du programme Horizon 2020, dont l’objectif essentiel en matière énergétique est bien de contribuer à l’innovation, à la moindre émission de gaz à effet de serre et donc aux technologies durables.

M. Bizet a insisté, comme d’autres orateurs, sur la nécessité de respecter la logique du résultat de l’élection européenne. La France partage cette position : c’est à la formation politique européenne arrivée en tête, à savoir le parti populaire européen, qu’il revient de proposer son candidat à la présidence de la Commission, comme l’a souligné le Président de la République. Toutefois, monsieur le sénateur, vous conviendrez qu’il faut aussi tenir compte de l’équilibre qui s’est manifesté à l’occasion de cette élection européenne : aucune formation politique ne détient la majorité absolue à elle seule. Il faut donc aujourd’hui rassembler les Européens, en tenant compte de l’ensemble des opinions qui se sont exprimées, et faire en sorte que le nouveau président de la Commission européenne puisse lui-même rassembler une majorité au sein du Parlement européen pour que la feuille de route sur laquelle il sera investi lui permette de relever les défis communs, c’est-à-dire ceux de la croissance, de l’emploi, du dynamisme nécessaire de l’économie européenne et de sa cohésion sociale.

Le Président de la République a donc réuni samedi dernier à l’Élysée neuf chefs d’État et de gouvernement, qui sont convenus à la fois de soutenir la candidature de M. Juncker et de mandater le futur président de la Commission européenne afin de fixer une nouvelle orientation politique à l’Europe, celle de la croissance et non de l’austérité, qui ne fait qu’aggraver les risques de récession. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)

Plusieurs orateurs – M. Bizet, ainsi que MM. de Montesquiou, Chevènement et Marini – ont souhaité revenir sur les recommandations par pays de la Commission européenne dans le cadre de l’examen du semestre européen, en particulier concernant le projet de recommandation adressé par la Commission à la France après examen du programme de stabilité et du programme national de réformes.

Ce projet de recommandation, nous l’avons dit, nous paraît équilibré. La Commission valide d’ailleurs la stratégie économique du Gouvernement, puisqu’elle considère que notre programme de stabilité va dans la bonne direction et qu’il « répond globalement » à sa recommandation du 5 mars dernier.

De même, notre programme national de réformes permettra, selon la Commission, de résorber nos déséquilibres macroéconomiques. Nos stratégies économiques, détaillées dans le pacte de responsabilité et de solidarité, visent à trouver le meilleur équilibre entre la réduction des déficits – par la maîtrise de la dépense –, l’accompagnement du retour de la croissance – par une diminution des prélèvements obligatoires – et les réformes de fond qui permettront d’améliorer la compétitivité, la croissance de long terme et l’emploi.

La Commission ne remet donc pas en cause notre capacité à tenir nos objectifs de réduction des déficits publics. Elle souligne au contraire le caractère adapté et ambitieux du plan d’économies du Gouvernement. Les précisions qu’elle demande pour 2014 et pour 2015 figurent dans le projet de loi de finances rectificative et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui ont été présentés en conseil des ministres les 11 et 18 juin dernier et qui seront examinés par le Parlement à partir de cette semaine. Ces deux textes détaillent les mesures nouvelles d’économies permettant de sécuriser notre objectif de finances publiques pour 2014, avec notamment plus de 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires par rapport aux prévisions de l’automne dernier.

La Commission tient également compte de l’agenda de réformes structurelles engagées : allégement du coût du travail pour faciliter à la fois l’embauche et l’investissement, réforme du marché du travail pour améliorer le dialogue social, lutte contre les rentes abusives dans certains secteurs, choc de simplification, réforme de notre organisation territoriale,… Si M. Chevènement a rappelé à juste titre que cette dernière ne produirait d’effets qu’à moyen et long terme, elle n’en est pas moins absolument nécessaire pour des raisons d’efficacité de l’organisation de la puissance publique, y compris vis-à-vis des acteurs économiques.

L’enjeu réside désormais dans la bonne mise en œuvre de ces recommandations autour des trois piliers de notre stratégie économique : réduction de notre déficit structurel pour atteindre les 3 % de déficit total en 2015 et baisse de notre ratio de dette, car nous ne souhaitons pas que soit mise en cause notre souveraineté financière – si les taux d’intérêt sont bas, comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs, c’est en raison de la solidité et du sérieux de la gestion de nos finances publiques –, baisse du chômage, en particulier celui des jeunes et des seniors, et amélioration de la compétitivité des entreprises avec le plan de 30 milliards d’euros d’allégement de charges au profit des entreprises, lequel s’élève à 40 milliards d’euros si l’on y ajoute l’ensemble des mesures fiscales.

M. de Montesquiou a profité de ce débat pour faire un certain nombre de remarques sur le pacte de responsabilité et de solidarité, ce qui n’entre pas, à proprement parler, dans le champ de la discussion du Conseil européen. Toutefois, je peux en convenir, tout est lié.

Au final, je retiendrai de votre intervention, monsieur le sénateur, que vous souhaitez que le pacte de responsabilité aille à la fois plus loin et plus vite. Vous en reconnaissez la bonne orientation (M. Aymeri de Montesquiou opine) en direction des entreprises, c’est-à-dire de l’emploi, par la baisse du coût du travail, la réduction des impôts des entreprises et la simplification des procédures administratives. Mais il s’agit aussi d’un pacte pour les salariés et les ménages à travers la baisse des cotisations au niveau du SMIC et la réduction des impôts des ménages modestes.

Plutôt que de nous mettre en cause mutuellement pour des dépassements de vitesse quelque peu excessifs en termes de prélèvements, reconnaissons qu’aucun gouvernement n’avait adopté de mesures aussi fortes…

M. Aymeri de Montesquiou. Après avoir fait tout le contraire !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … en matière de baisse de fiscalité des entreprises, de soutien aux ménages modestes et d’encouragement à des réformes structurelles, qui vont permettre d’accroître la compétitivité de notre économie.

Vous le savez, nous avons eu à faire face à une situation extrêmement difficile au lendemain de la crise de 2008.

En 2011, le déficit annuel atteignait 5,2 % du PIB. Ramené à 4,8 % en 2012, il aura été de 4,3 % en 2013. Notre objectif est de le porter à 3,8 % en 2014. Un effort considérable a été demandé à nos concitoyens depuis que nous sommes aux responsabilités. Or si nous partageons l’objectif de réussite de ce pacte de responsabilité et de solidarité, nous devons ensemble dire à nos partenaires européens que la France est en train de se réformer, de se donner les moyens d’être un des acteurs du retour de la croissance en Europe et qu’elle le fait non seulement pour elle-même, pour nos concitoyens et pour nos entreprises, mais aussi pour contribuer à sortir l’Europe de la crise.

Monsieur de Montesquiou, vous m’avez également interrogé sur la situation de BNP Paribas, au regard du risque de sanction de la part des États-Unis. Le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, s’est exprimé avec la plus grande clarté sur ce point. S’il y a eu faute ou infraction, il est tout à fait normal qu’une entreprise s’expose à des sanctions. Encore faut-il que celles-ci soient proportionnées et raisonnables. Or, de toute évidence, les chiffres évoqués il y a quelques semaines ne l’étaient pas. C’est la raison pour laquelle nous avons indiqué, avec la plus grande clarté, qu’au moment où nous discutons d’un partenariat commercial transatlantique, qui ne peut être fondé que sur la réciprocité, il ne peut être question d’accepter que l’avenir de l’une des plus grandes entreprises de notre pays, de l’une des plus grandes banques européennes puisse être mis en danger dans son rôle même, celui du financement de l’économie.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Nous avons fait savoir à notre partenaire, les États-Unis, que nous ferons preuve de la plus grande vigilance dans nos relations.

M. Billout est lui aussi intervenu sur les recommandations par pays pour déclarer qu’il n’accepterait pas que soient imposées à travers ces dernières des politiques de restriction sociale, de remise en cause des droits à l’assurance maladie ou des droits à la retraite. Sachez, monsieur le sénateur, qu’il n’en est pas question ! La Commission européenne n’a d’ailleurs pas le pouvoir d’imposer de telles restrictions à un pays comme la France.

Je l’ai dit, nous considérons que ces recommandations ne mettent pas en cause la politique qui est la nôtre. Nous soutenons, à la fois au plan national et au plan européen, que l’on ne sortira pas de la crise par des politiques d’austérité, par des politiques restrictives. Sur ce point, nous nous rejoignons. Il nous faut à la fois régler nos problèmes d’endettement – comme je l’ai indiqué, il y va de notre souveraineté – et soutenir l’activité.

Vous m’avez également interrogé sur la taxe sur les transactions financières.

Une étape décisive dans la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières vient d’être franchie lors du Conseil Ecofin du 6 mai dernier. L’accord, passé à dix États membres, est ambitieux. Nous parlions de cette taxe depuis une dizaine d’années, sinon plus ; elle devient désormais une réalité.

Tout d’abord, un calendrier a été fixé : un texte sera adopté avant la fin de l’année, en vue d’une mise en œuvre de la taxe avant le 1er janvier 2016.

Ensuite, le champ d’application de la taxe concernera non pas seulement les actions, ce qui ne posait pas de problèmes, mais aussi un certain nombre de produits dérivés. L’assiette a donc été élargie. Si l’on en juge par les réactions très négatives que cette décision du Conseil Ecofin a suscitées chez les États membres qui ne veulent pas prendre part à cette coopération renforcée – je pense en particulier au pays abritant la plus grande place financière de l’Union européenne –, il me semble que l’on a la confirmation qu’il s’agit bien là d’une percée.

Cette taxation sur les transactions financières internationales, dont la mise en œuvre vient de connaître une première étape, sera donc un outil de régulation et de redistribution, qui permettra de financer des politiques aussi bien européennes que de solidarité internationale.

Mme Khiari a insisté à son tour sur la nécessité d’abandonner les politiques d’austérité et de donner la priorité à la croissance et à l’emploi. Elle a également appelé à une nécessaire harmonisation fiscale à l’échelle européenne et mentionné en particulier les règles qui devaient s’appliquer aux grandes entreprises multinationales, dans le domaine du numérique par exemple.

Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement agit de manière très déterminée sur le plan européen pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. C’est dans cet esprit que la France, aux côtés du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie, a demandé au printemps 2013 la mise en place d’un projet multilatéral d’échanges de renseignements, de type FATCA, ou Foreign Account Tax Compliance Act, qui puisse s’étendre ensuite aux autres États membres.

Depuis lors, de nettes avancées ont été obtenues. Le Conseil européen du 22 mai 2013 a endossé le mandat de négociation pour réviser les accords sur la fiscalité conclus entre l’Union européenne et cinq pays tiers : la Suisse, Saint-Marin, l’Andorre, Monaco et le Liechtenstein. Le Conseil européen de mars 2014 a appelé à la conclusion de ces négociations avant la fin de l’année. Des progrès ont d’ailleurs été enregistrés récemment, puisque ces pays semblent désormais prêts à accepter non seulement les amendements à la directive sur l’épargne, mais également l’échange automatique de données fiscales.

Nous avons également obtenu, grâce à une pression assez insistante, que l’Autriche et le Luxembourg lèvent leur réticence et n’usent pas de leur droit de veto pour la réforme de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Ce faisant, ils permettent la coopération administrative, qui était jusqu’à présent bloquée. Ce texte a donc été adopté lors du Conseil européen du 24 mars, après six ans de négociations.

En outre, les ministres européens des finances ont adopté, lors du Conseil Ecofin qui s’est tenu vendredi dernier, une disposition renforçant la législation européenne de lutte contre l’optimisation fiscale pratiquée par certaines entreprises pour échapper à l’impôt, en France en particulier et en Europe en général. La directive européenne dite « mère-filiale » sera modifiée en conséquence et transposée dans les législations nationales d’ici au 31 décembre 2015.

Forte de ces avancées, l’Union européenne sera d’autant plus fondée à promouvoir, dans les instances internationales, la généralisation de l’échange automatique d’informations.

Vous avez également insisté, madame la sénatrice, sur la garantie jeunesse. Je tiens à vous informer que mon homologue italien m’a fait savoir cette semaine que la conférence sur l’emploi des jeunes, qui devait se tenir à Turin le 11 juillet prochain, serait non pas annulée mais reportée, pour pouvoir se tenir en présence des instances européennes nouvellement désignées. La conférence pourrait s’en trouver plus opérationnelle et donner lieu à un prolongement des réflexions, au-delà du seul bilan de la mise en œuvre de la garantie jeunesse, sur l’apprentissage, la formation en alternance, le soutien aux jeunes créateurs et à la mobilité des jeunes. La lutte contre le chômage des jeunes est plus que jamais une priorité absolue.

Enfin, plusieurs orateurs – M. Chevènement et M. le président de la commission des affaires européennes, notamment – ont souhaité revenir sur la situation en Ukraine.

Cette situation a commencé à évoluer avec la rencontre entre le Président Poutine et le Président Porochenko, qui a eu lieu le 6 juin dernier en Normandie, sur l’initiative de la France. Une dynamique positive de négociation a alors été enclenchée. La situation demeure néanmoins très préoccupante et instable dans l’est de l’Ukraine, en particulier dans le Donbass.

Nous attendons donc de la Russie qu’elle use de son influence auprès des séparatistes et nous appelons Kiev à faire usage de la force de manière proportionnée. La priorité, c’est la mise en place effective du cessez-le-feu, auquel a appelé le Président ukrainien, qui implique l’octroi de gages par chacune des parties : pour Kiev, l’appel au cessez-le-feu ; pour Moscou, de manière concomitante, l’appel à l’arrêt des attaques des séparatistes. Les deux parties doivent également s’engager à renforcer le contrôle des frontières, et la Russie doit retirer sa décision d’autoriser le recours à la force en Ukraine.

M. Chevènement l’a rappelé, le règlement durable de la crise passera non seulement par le dialogue entre la Russie et l’Ukraine, mais aussi par un dialogue interne à l’Ukraine, indispensable pour permettre d’engager un processus de réconciliation nationale. Ce processus a débuté le 14 mai dernier, avec la tenue de tables rondes inclusives. Malheureusement, il a été arrêté, c’est un fait, après l’élection de M. Porochenko, le 25 mai dernier.

Notre position est claire : ce processus de dialogue national doit reprendre et viser à une réforme institutionnelle, laquelle sera l’un des éléments de la stabilité du pays et devra se faire dans le respect de toutes les composantes de la population ukrainienne.

La France, vous le savez, est convaincue que son rôle, qui est aussi celui de l’Union européenne, est d’aider à l’émergence de relations de bon voisinage entre l’Union européenne et la Russie, ainsi qu’entre la Russie et l’Ukraine.

Je vois, monsieur le président, que vous m’invitez à conclure (Sourires.) ; je veux donc remercier, encore une fois, les orateurs pour leurs interventions et leur indiquer que je me tiens à leur disposition pour la phase de débat à laquelle il est de coutume que le secrétaire d’État chargé des affaires européennes soit invité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre.

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte pour aborder la question de la crise ukrainienne et de la relation entre l’Union européenne et la Russie. Ce sujet a déjà été évoqué, mais je souhaiterais qu’il puisse être approfondi.

Cette relation doit être, me semble-t-il, dépassionnée et objective.

Pour comprendre la position russe, il importe de se remémorer le discours du Président Poutine, tenu en 2007, dans lequel il déclarait que « la Russie a été et restera une grande puissance ». Depuis lors, il n’a cessé de créer les conditions lui permettant d’afficher aux yeux du monde une Russie indépendante et indispensable au règlement des crises internationales.

Jusqu’à la crise ukrainienne, nous pouvions penser que les relations entre l’Union européenne et la Russie reposaient sur le consensus, sachant que, parallèlement, la Russie continue de souhaiter bâtir son projet d’union douanière avec la Biélorussie, le Kazakhstan et à terme, peut-être, l’Arménie. Cependant, la géopolitique nous rappelle que l’Ukraine est, pour la Russie, un enjeu politique majeur. C’est une fenêtre non seulement sur l’Europe, mais aussi sur la mer Noire ; c’est une zone tampon de l’influence russe en Europe, à proximité des « conflits gelés », comme en Transnistrie, en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Enfin, l’Ukraine est un pays de transit pour 60 % du gaz russe acheminé en Europe.

Dès lors, la vision occidentale des événements et la gestion de ces derniers par les responsables européens peuvent nous laisser dubitatifs. L’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne fut, dans un premier temps, la partie émergée de l’iceberg. En toile de fond, une crise politique intérieure a provoqué des manifestations, de la violence et un état de quasi-guerre civile.

Aujourd’hui, force est de constater que la Russie a annexé la Crimée.

Cette crise doit nous conduire à nous interroger sur la capacité de l’Union européenne à être une puissance diplomatique et militaire à même d’aider à résoudre les difficultés financières, énergétiques et économiques de l’Ukraine, sans parler de celles liées au maintien de son intégrité territoriale.

Dans ce dossier, nos amis allemands ont semblé prendre le leadership européen. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, ma question est triple : où en est le dialogue entre l’Union européenne et la Russie ? Dans quelle mesure la France entend-elle y participer ? Enfin, comment la France peut-elle affirmer son amitié à l’Ukraine sans altérer ses relations avec la Russie ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question très importante, qui a trait à la situation en Ukraine.

Je l’ai indiqué il y a un instant, depuis le début de cette crise, la France déploie tous ses efforts – vous n’êtes d’ailleurs pas sans savoir que le Président de la République française et la Chancelière allemande ont eu des contacts avec le Président Poutine et le Président Porochenko pas plus tard qu’à la fin de la semaine dernière – pour que l’intégrité et la souveraineté de l’Ukraine soient respectées. La France ne reconnaît d’ailleurs pas l’annexion de la Crimée.

Nous avons également fait en sorte que l’Union européenne reste unie – même si, au départ, les positions des différents États membres n’étaient pas spontanément les mêmes – et adopte une ligne de fermeté, laquelle est allée jusqu’à l’adoption de sanctions visant un certain nombre de personnalités et d’entités. En parallèle, nous avons toujours affirmé que l’objectif était de parvenir à une solution diplomatique, politique et négociée.

L’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, lequel résulte de la volonté de l’Ukraine de nouer un partenariat avec l’Union et de l’envie de l’Union de contribuer, au titre du partenariat oriental, dans le cadre de sa politique de voisinage, à la stabilité, au développement et à la démocratisation de l’Ukraine, ne doit pas être un élément de confrontation avec la Russie.

Nous ne demandons pas à l’Ukraine de choisir entre son voisin européen et son voisin russe. L’Ukraine doit pouvoir vivre en paix à l’avenir et entretenir de bonnes relations, aussi bien politiques qu’économiques, avec l’Union européenne et la Russie. C’est pourquoi nous avons demandé que soient examinées les conséquences de l’accord d’association, dans son volet commercial, sur l’économie ukrainienne comme sur l’économie russe.

Nous enjoignons – c’est tout le sens des efforts déployés par le Président de la République et ses partenaires européens – l’Ukraine et la Russie à rétablir, par la voie du dialogue politique, des relations pacifiques, y compris dans le domaine économique, notamment sur la question de l’approvisionnement gazier, qui soient de nature à profiter aux deux pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. La Banque centrale européenne a récemment annoncé un relâchement très significatif de sa politique monétaire. Le Japon et les États-Unis avaient fait de même auparavant, avec des résultats peu opérants, qui ont eu pour effet de fragiliser le bilan des banques centrales tout en permettant, en réalité, aux opérateurs financiers de disposer de moyens pour se livrer à plus de spéculation financière et de financer les pays émergents. D’ailleurs, lorsque la Réserve fédérale américaine a annoncé un petit changement de sa politique, les effets sur ces pays ont été immédiatement visibles.

Avoir une politique moins laxiste permettrait de voir l’euro devenir, petit à petit, une monnaie de référence mondiale, ce qui éviterait des désagréments tels que ceux que rencontre aujourd’hui la BNP.

Le changement de politique de la BCE impose plus de détermination et de cohérence dans notre politique de redressement de l’économie et de l’industrie. Il faut absolument renforcer l’intérêt de l’investissement en France, dès lors que des moyens financiers nouveaux existent.

En outre, à l’heure des échanges automatiques d’informations, peut-on accepter une Union européenne à vingt-huit membres où la mobilité pour les personnes physiques et les entreprises est gérée par vingt-sept conventions fiscales ? Cette situation n’est favorable ni à la mobilité ni à l’efficacité des échanges automatiques d’informations.

Enfin, à la veille de la désignation de la nouvelle Commission européenne, la mise en place, dans la zone euro, d’un projet de grands travaux profitant des taux actuels de la BCE est absolument indispensable. Ce projet doit être engagé par la zone euro dans son ensemble, pour répondre aux enjeux ayant trait à l’avenir de l’Union européenne. En effet, des investissements en matière d’énergie, de transports ou de logements sont indispensables pour assurer la compétitivité future de la zone euro.

Une telle politique de grands travaux au niveau européen doit être le pendant des politiques d’ajustement budgétaire des États membres. Elle est indispensable non seulement pour soutenir la croissance, mais également pour permettre à la puissance publique européenne de prendre toute sa place alors que les États membres n’ont plus suffisamment de forces pour y parvenir seuls.

Comment s’assurer que la nouvelle Commission européenne mette cette politique de grands travaux en œuvre au moment où la BCE lui en donne les moyens ? Si nous ne le faisons pas, l’argent aujourd'hui mis à disposition de la BCE quittera l’Europe, ce qui nous affaiblira encore plus.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez souligné à juste titre l’importance des décisions que la Banque centrale européenne a annoncées le 5 juin dernier. Mario Draghi a en effet rendu public un paquet de mesures d’assouplissement monétaire d’une ampleur sans précédent. Il s’agit de dispositions à la fois conventionnelles, comme la baisse de plusieurs taux directeurs, et non conventionnelles, comme l’octroi de liquidités aux banques conditionné au financement de l’économie.

Nous avons salué une telle politique monétaire, qui répond à la fois au risque de déflation pointé par M. Chevènement – sans doute la Banque centrale européenne, qui avait fixé un objectif d’inflation de 2 %, constate-t-elle que l’inflation est aujourd'hui beaucoup plus basse dans la zone euro – et à un problème de liquidités des banques ou, plus exactement, de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle, dans une phase où la croissance en zone euro a besoin d’être consolidée.

C’est donc une politique qui apporte un soutien bienvenu à la croissance en Europe et en France, d’autant que le niveau de l’euro, à nos yeux trop élevé, a un peu baissé après les annonces de la BCE. Cette politique favorisera également notre compétitivité et notre commerce extérieur.

L’action de la Banque centrale européenne sert ainsi les efforts de réorientation des politiques européennes vers plus de croissance et d’emploi. Cependant, elle doit s’accompagner d’autres dispositions. À cet égard, vous avez raison de souligner que nous devons avoir des mesures de soutien à l’investissement dans des grands projets communs ; je l’ai moi-même indiqué.

Dans les domaines de l’énergie, avec le financement des interconnexions, du numérique, en particulier avec l’équipement en fibre optique, ou des économies vertes, nous voulons davantage utiliser les instruments du cadre financier pluriannuel de la Banque européenne d’investissements. Je pense notamment à la mobilisation de l’épargne, comme je le soulignais précédemment.

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Ce débat préalable à la réunion du Conseil européen intervient à un moment opportun, puisque l’actualité nous rappelle régulièrement les limites actuelles de la politique européenne de sécurité et de justice. Bien évidemment, je n’oublie pas la liberté, notamment la liberté de circulation, qui est aussi un acquis essentiel de l’Europe, mais prenons les choses comme elles sont et reconnaissons que, ce qui nous préoccupe aujourd’hui, ce sont davantage les conséquences que le principe en lui-même.

Je mentionnerai deux conséquences qui, bien qu’indiscutablement distinctes, trouvent leurs causes dans ce qui peut être considéré aujourd’hui comme une défaillance de l’Europe à contrôler efficacement à la fois ses frontières extérieures et la circulation sur son territoire.

La première est l’incapacité à gérer les flux migratoires, notamment lorsqu’ils sont exceptionnels, comme c’est encore le cas dans certaines zones méditerranéennes depuis l’éclatement des « printemps arabes ».

La seconde conséquence est l’incapacité à gérer la circulation d’individus dits « à risque », se déplaçant de manière préoccupante dans l’espace européen ; nous l’avons constaté encore récemment. Des ressortissants européens partent combattre à l’étranger, par exemple en Syrie ou au Mali, ou rejoignent des camps d’entraînement pour perpétrer un certain nombre d’actes à leur retour sur le sol européen.

Nous sommes aujourd’hui dans une phase décisive. Je dis cela parce que le programme de Stockholm est en voie d’achèvement, mais également parce que les événements que j’ai évoqués démontrent malheureusement que beaucoup d’actions restent encore à mener pour renforcer notre sécurité au niveau européen.

Les solutions, nous les connaissons, et elles font consensus : d’abord, une simplification, une consolidation et une application effective des textes existants ; ensuite, une augmentation du budget consacré par l’Union à la sécurité de ses frontières, qui représente actuellement seulement 0,4 % du budget que les États-Unis dédient au même objectif ; enfin, un renforcement des échanges d’informations au niveau du recueil des données personnelles des passagers aériens, du système d’information Schengen et de l’agence Europol.

La question du devoir de réciprocité lorsqu’un des pays membres est défaillant se pose également, à la condition, désormais admise, d’être solidaires des pays les plus exposés. Je pense notamment à l’Italie, qui, du fait de sa situation géographique, supporte des flux migratoires récurrents à Lampedusa.

Les pistes, nous les connaissons ; pour la plupart, nous les approuvons. Mais, aujourd’hui, et en vue de la réunion du Conseil européen, il est indispensable que le Gouvernement puisse nous éclairer sur les positions et les propositions qu’il entend défendre dans l’intérêt de la France sur tous ces sujets.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous soulignez à juste titre l’importance qu’auront les débats du Conseil européen sur l’espace de sécurité, de liberté et de justice, ainsi que sur l’adoption du programme post-Stockholm, en particulier s’agissant de la politique de migration et de la lutte contre le terrorisme, même s’il n’y a pas forcément de lien direct entre les deux sujets.

En matière de migration, vous avez raison, on ne peut pas laisser l’Italie ou d’autres pays de la rive nord de la Méditerranée, nos voisins du sud, seuls face aux drames qui se jouent dans cette zone. La Méditerranée ne devant pas être un cimetière à ciel ouvert, l’Italie et d’autres pays ont donc pris des mesures – je pense notamment à l’opération Mare nostrum – pour venir au secours des personnes qui se retrouvent sur des bateaux.

Nous devons à la fois assurer la sécurité de nos frontières extérieures et éviter de créer un appel d’air. C’est pourquoi la réponse doit être européenne. En particulier, la montée en puissance de l’agence Frontex doit permettre, en lien avec une politique de stabilité vis-à-vis des pays de la rive sud de la Méditerranée, une mise en œuvre réelle des dispositions de retour, la conclusion d’accords avec les pays de provenance et une intensification de la lutte contre les filières et les réseaux de trafic d’êtres humains. C’est cette approche d’ensemble qui doit nous permettre de consolider l’espace Schengen, à la fois un espace de liberté de circulation et un acquis pour les citoyens, tout en assurant mieux ensemble la protection des frontières extérieures de l’Europe.

L’autre volet de la problématique migratoire, ce sont les migrations régulières, qui doivent également être bien organisées.

J’en viens à la lutte contre le terrorisme. Je vous rejoins totalement : nous devons adopter des mesures de contrôle renforcé, en particulier un PNR européen, ou Passenger name record, un système de contrôle des voyageurs du transport aérien, et rendre les échanges d’informations des fichiers des différents services beaucoup plus opérationnels qu’aujourd'hui.

La situation internationale – je pense notamment à la Syrie ou à l’Irak – ne peut que nous renforcer dans cette détermination. Vous le savez, les ministres de l’intérieur, sur l’initiative notamment de Bernard Cazeneuve, ont pris des décisions en la matière ; elles seront confirmées lors du Conseil européen.

L’Europe doit s’organiser de manière beaucoup plus opérationnelle et ferme dans la lutte coordonnée contre le terrorisme.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez bien fait d’évoquer l’Ukraine, qui est une question essentielle. En cette matière, il me semble nécessaire de faire preuve de bon sens et de réalisme.

D’un côté, on considère que la doctrine Monroe est tout à fait normale aux Amériques ; de l’autre, on ne s’émeut guère de l’installation en Tchéquie de fusées dirigées vers nul autre pays que la Russie… On ne proteste pas non plus contre la volonté de faire entrer la Moldavie et la Géorgie dans l’OTAN. J’ai l’impression que nous sous-traitons la politique étrangère européenne aux États-Unis. Nous nous laissons totalement guider par les Américains quant à nos positions en Ukraine.

Lorsque Mme Victoria Nuland dit « Fuck Europe »,…

M. Jean Bizet. C’est choquant !

M. Aymeri de Montesquiou. … est-ce que Mme Ashton proteste ? Lorsqu’il y a une conversation entre le ministre des affaires étrangères Paet et Mme Ashton avec quelques interrogations sur ce qui se passe en réalité sur la place Maïdan de Kiev, on n’en fait pas état !

J’ai vraiment l’impression que nous sommes aux ordres des Américains. Je ne fais pas preuve d’un anti-américanisme de principe, mais je veux souligner que, vis-à-vis de l’Ukraine, nous avons une position qui n’est pas européenne.

Nous sommes incapables de nous substituer aux Russes, parce que l’économie ukrainienne est totalement imbriquée avec celle de la Russie. Je comprends parfaitement les aspirations d’indépendance de l’Ukraine vis-à-vis de la Russie, mais il y a une réalité des faits. Et ce ne sont pas les 2 milliards que l’Union européenne donnera tous les ans à l’Ukraine qui résoudront le problème ! Comment réglera-t-on la question du gaz ? Prendra-t-on en compte à un moment quelconque l’hétérogénéité dans ce pays, où tout le monde ou presque parle russe et ukrainien ?

J’ai l’impression que nous subissons totalement le diktat américain s’agissant d’une sphère qui devrait être uniquement européenne. M. Snowden nous a d’ailleurs révélé des faits démontrant que le comportement des Américains vis-à-vis des divers pays européens était inacceptable. Pourtant, nous avons murmuré quelques protestations au lieu d’affirmer avec force que de telles pratiques n’étaient pas acceptables !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je le répète, tous les efforts qui ont été déployés par la diplomatie française depuis le début de la crise ukrainienne visent à faire émerger une position commune des Européens et à aboutir à une résolution politique du conflit entre l’Ukraine et la Russie.

L’Ukraine est un pays indépendant. Elle a fait le choix de la démocratisation, d’un accord d’association avec l’Union européenne. Dans le même temps, elle doit avoir des relations de bon voisinage avec la Russie, y compris sur le plan économique.

Vous m’interrogez sur les rapports entre l’Ukraine et la Russie au sujet du gaz. Vous le savez, l’Ukraine a accumulé une dette considérable vis-à-vis de Gazprom ; elle devra l’honorer progressivement.

Il est dans l’intérêt de la Russie, de l’Ukraine et de l’Union européenne qu’un accord équitable soit trouvé. C’est ce à quoi œuvre, de manière totalement indépendante de quelque autre partie, la Commission européenne dans ses discussions avec la Russie et l’Ukraine ; nous ne sommes sous la tutelle ni des États-Unis ni de qui que ce soit d’autre !

En outre, et je l’ai déjà indiqué, nous sommes également favorables à des consultations trilatérales entre l’Union européenne, l’Ukraine et la Russie sur les implications de l’accord d’association vis-à-vis de l’économie russe. Nous ne souhaitons pas opposer les bonnes relations que l’Ukraine souhaite établir avec l’Union européenne à celles qu’il nous faut évidemment maintenir, ne serait-ce qu’au nom de la stabilité internationale et de la paix, avec la Russie, un grand voisin, de surcroît membre du Conseil de sécurité de l’ONU. Aussi, tous nos efforts concernent, je l’ai évoqué, les relations entre la Russie et l’Ukraine.

Nous sommes également très attentifs à ce que toutes les composantes de la population à l’intérieur de l’Ukraine, y compris les populations russophones de l’Est, soient prises en compte. Mais cela suppose tout de même que nous rappelions un certain nombre de principes : le respect de la souveraineté et de l’intégrité de l’Ukraine, l’arrêt et la condamnation des actes violents des séparatistes et la mise en œuvre effective du cessez-le-feu. C’est le sens de tous les efforts déployés par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Le paquet climat-énergie 2020 fera l’objet d’une discussion importante lors du Conseil européen des 26 et 27 juin. À cette occasion, le président Herman Van Rompuy présentera un état des lieux global reprenant les analyses de chaque État membre.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai deux séries de questions à vous poser.

La première est la suivante : quelle feuille de route la France a-t-elle adressée à la Commission européenne ? Quels efforts cette dernière compte-t-elle réaliser ? Quel en sera le coût ? Quelle répartition sera choisie pour atteindre l’objectif de réduction des gaz à effet de serre ?

Par ailleurs, vous avez évoqué la pertinence du choix effectué voilà quelques décennies en faveur de l’énergie nucléaire. Devons-nous aller plus loin dans les énergies décarbonnées ? Si oui, comment cela est-ce possible sans nuire à la compétitivité de nos entreprises ? En effet, les choix qui seront faits en la matière seront lourds de conséquences, qu’il s’agisse des coûts ou des infrastructures de réseaux, en France et même en Europe, comme on l’a vu au travers d’un rapport que j’ai eu l’occasion de rendre au nom de la commission des affaires européennes sur la coopération énergétique franco-allemande. Réduire trop vite et trop fort la part du nucléaire dans notre mix énergétique présente un double risque : une flambée des prix et une hausse des émissions polluantes. En ce domaine, précisément, l’exemple de l’Allemagne n’est pas à suivre.

Ma seconde série de questions est donc très claire : comment assurerez-vous l’harmonisation de notre bouquet énergétique national avec les orientations de la Commission européenne et les choix de nos partenaires ? Quels seront votre calendrier, votre méthode et vos objectifs ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous le savez, nous attachons la plus grande importance à ce que le Conseil européen de juin approuve les objectifs proposés par la Commission européenne pour le paquet énergie-climat, de telle sorte qu’une décision puisse être prise lors du Conseil européen d’octobre.

Nous faisons nôtres les propositions de la Commission : réduire de 40 % les gaz à effet de serre à l’horizon de 2030 et porter à 27 % la part des énergies renouvelables dans l’Union européenne. Dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique, qui a été présenté en conseil des ministres et sera bientôt débattu au Parlement, nous allons même au-delà pour ce qui concerne les énergies renouvelables.

Si nous pouvons nous fixer de tels objectifs, c’est parce que nous disposons d’un bouquet énergétique adossé sur une forte composante d’énergie nucléaire pour ce qui concerne l’électricité. De notre point de vue, cette composante doit maintenant être plafonnée. Cependant, la filière nucléaire continuera à jouer un rôle absolument majeur, puisqu’elle représentera à l’avenir 50 % de notre bouquet énergétique pour la production d’électricité.

Une telle situation nous permet, peut-être plus que d’autres, de développer les énergies renouvelables, qui sont toujours soumises au problème de l’intermittence. Je pense au solaire, à l’éolien et aux énergies hydroliennes, qui sont très prometteuses, et pour lesquelles la DCNS déploie des technologies de pointe.

Nous estimons donc que notre projet de loi de programmation sur la transition énergétique est totalement en cohérence avec les objectifs de l’Union européenne. Il nous permettra de réussir cette transition, qui doit se traduire par une montée en puissance des énergies renouvelables, une baisse des émissions de CO2, sans que les coûts des entreprises et des ménages augmentent. À cet égard, l’efficacité énergétique constitue, vous le savez, la meilleure des réponses. Elle passe par un renforcement de nos actions pour ce qui concerne le bâti, les procédés industriels et les transports.

Nous voulons que, grâce aux indications qui devront être fixées très tôt par la Commission, le Conseil européen et chacun des États membres, l’ensemble des acteurs économiques puissent se préparer à la transition énergétique.

Nous consommerons moins d’énergie ; nous consommerons une énergie plus renouvelable ; et nous développerons des technologies créatrices d’emplois, qui feront de l’Europe un continent pionnier en ce domaine, au moment où tous les pays, y compris les pays émergents, sur tous les continents, s’efforcent d’effectuer une telle transition.

Telle est la ligne de notre politique en la matière.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014.

10

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé de compléter l’ordre du jour du jeudi 26 juin matin par l’inscription de la suite de l’examen de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.

En conséquence, l’ordre du jour du jeudi 26 juin s’établit comme suit :

À 9 heures 30 :

- Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d’édition ;

- Suite de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.

De 15 heures à 15 heures 45 :

- Questions cribles thématiques sur la pollution de l’air.

À 16 heures et le soir :

- Suite du projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales.

Acte est donné de cette communication.

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 24 juin 2014 :

À 14 heures 30 :

1. Projet de loi autorisant l’adhésion de la France à l’accord portant création de la Facilité africaine de soutien juridique (n° 403, 2013–2014) ;

Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 629, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 630, 2013-2014).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur l’application de l’accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (n° 702, 2012-2013) ;

Rapport de MM. René Beaumont et Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 624, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 626, 2013-2014).

3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (n° 701, 2012-2013) ;

Rapport de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 627, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 628, 2013-2014).

4. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier et de son protocole d’application (n° 699, 2012-2013) ;

Rapport de MM. René Beaumont et Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 624, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 625, 2013-2014).

5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées ;

Rapport de Mme Claire-Lise Campion, rapporteur pour le Sénat (n° 631, 2013-2014) ;

Texte de la commission mixte paritaire (n° 632, 2013-2014).

Le soir :

6. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales (n° 596, 2013-2014) ;

Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 641, tomes I et II, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 642, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 24 juin 2014, à zéro heure cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART