Sommaire

Présidence de Mme Christiane Demontès

Secrétaires :

MM. Alain Dufaut, Hubert Falco.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

financements apportés par l'état à la maison départementale des personnes handicapées de la gironde

Question n° 727 de M. Philippe Madrelle. – Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie ; M. Philippe Madrelle.

situation de la clinique mutualiste de l'estuaire et du centre hospitalier de saint-nazaire

Question n° 737 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie ; M. Yannick Vaugrenard.

discrimination des personnes séropositives jusque dans la mort

Question n° 723 de Mme Aline Archimbaud. – Mmes Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie ; Aline Archimbaud.

traitement de la cataracte

Question n° 717 de M. Ronan Kerdraon. – Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie ; M. Jean-Marc Todeschini, en remplacement de M. Ronan Kerdraon.

sécurisation des quittances d'électricité utilisées comme justificatifs de domicile

Question n° 741 de Mme Catherine Procaccia. – M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; Mme Catherine Procaccia.

situation des mineurs étrangers accédant à la majorité

Question n° 689 de Mme Maryvonne Blondin. – M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; Mme Maryvonne Blondin.

liaison ferroviaire lyon-turin

Question n° 731 de M. Jean-Pierre Vial. – MM. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; Jean-Pierre Vial.

Suspension et reprise de la séance

avenir de la filière bois en lorraine

Question n° 715 de M. Jean-Marc Todeschini. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Jean-Marc Todeschini.

recherche sur les maladies du bois de la vigne

Question n° 735 de M. Marcel Rainaud. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Marcel Rainaud.

inadaptation de la réglementation actuelle relative au loup

Question n° 700 de Mme Hélène Masson-Maret. – M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Mme Hélène Masson-Maret.

suppression de la cour d'appel de nîmes

Question n° 677 de M. Simon Sutour. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; Simon Sutour.

Suspension et reprise de la séance

dotation horaire globale du collège de bessan

Question n° 726 de M. Robert Tropeano. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique ; M. Robert Tropeano.

fonds marins de la zone économique exclusive de wallis-et-futuna

Question n° 720 de M. Robert Laufoaulu. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique ; M. Robert Laufoaulu.

avenir du site d’emboutissage industriel de la souterraine (creuse)

Question n° 725 de M. Jean-Jacques Lozach. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique ; M. Jean-Jacques Lozach.

difficultés rencontrées par les copropriétaires en résidence de tourisme

Question n° 729 de M. Georges Labazée. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique ; M. Georges Labazée.

contrôle de la vente d’or en ligne

Question n° 693 de M. Alain Gournac. – Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique ; M. Alain Gournac.

baisse du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Question n° 736 de M. Jacques Mézard. – MM. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget ; Jacques Mézard.

logo « triman » et décret d'application

Question n° 738 de M. Yves Détraigne. – MM. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget ; Jean-Claude Merceron, en remplacement de M. Yves Détraigne.

géothermie de minime importance

Question n° 719 de M. Daniel Laurent. – MM. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget ; Daniel Laurent.

trains express régionaux et désenclavement du haut jura

Question n° 713 de M. Gérard Bailly. – MM. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget ; Gérard Bailly.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

3. Rappels au règlement

Mme Laurence Cohen, M. le président.

MM. Éric Doligé, le président.

4. Lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale. – Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale : M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social ; Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales.

MM. Jean Desessard, Jean Bizet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Éric Bocquet, Mmes Françoise Laborde, Catherine Génisson, MM. Claude Jeannerot, Roland Ries.

M. François Rebsamen, ministre.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

MM. André Reichardt, Roland Courteau.

Amendement n° 1 de M. Jean Bizet. – M. André Reichardt, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Amendement n° 7 de M. Dominique Watrin. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Amendement n° 20 de M. Dominique Watrin. – M. Éric Bocquet, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement n° 19 de M. Dominique Watrin. – M. Éric Bocquet, Mme la rapporteur, MM. François Rebsamen, ministre ; Jean Desessard, Jean-Marie Vanlerenberghe. – Rejet par scrutin public.

Article 1er bis. – Adoption

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

Articles additionnels après l’article 1er bis

Amendement n° 8 de M. Dominique Watrin. – M. Éric Bocquet, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Amendement n° 10 de M. Dominique Watrin. – M. Éric Bocquet, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Amendement n° 9 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Amendement n° 11 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin, Mme la rapporteur, MM. François Rebsamen, ministre ; Jean Desessard, Jean-Marie Vanlerenberghe. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 1er ter

Amendement n° 2 de M. Jean Bizet. – Retrait.

Amendement n° 12 de M. Dominique Watrin. – Mmes Isabelle Pasquet, la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Retrait.

MM. René-Paul Savary, Jean Desessard, Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.

Adoption de l'article.

Article 2

Amendement n° 23 de la commission. – Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l’article 2

Amendement n° 3 de M. Jean Bizet. – Retrait.

Articles 3 et 4. – Adoption

Article 5 (suppression maintenue)

Amendement n° 13 de M. Dominique Watrin. – M. Éric Bocquet, Mme la rapporteur, MM. François Rebsamen, ministre. – Retrait.

L’article demeure supprimé.

Article 6

Amendement n° 22 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre ; Mme Françoise Laborde, MM. Jean Desessard, Jean-Marie Vanlerenberghe, Dominique Watrin. – Adoption par scrutin public.

Amendement n° 14 de M. Dominique Watrin. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 6 bis

Amendement n° 24 de la commission. – Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Adoption.

Amendement n° 15 de M. Dominique Watrin. – M. Éric Bocquet, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 6 ter. – Adoption

Article additionnel après l'article 6 ter

Amendement n° 16 de M. Dominique Watrin. – M. Dominique Watrin, Mme la rapporteur, M. François Rebsamen, ministre. – Rejet.

Article 7

Amendement n° 5 de M. Jean Bizet. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article 7 bis

Amendement n° 4 de M. Jean Bizet. – Retrait.

Amendement n° 17 de M. Dominique Watrin. – M. Éric Bocquet, Mme la rapporteur, MM. François Rebsamen, ministre ; René-Paul Savary, Mme Catherine Génisson. – Rejet de la première partie de l’amendement ; adoption de la seconde partie de l’amendement et de l’ensemble de l’amendement modifié.

Adoption de l'article modifié.

Articles 7 ter et 8 à 10. – Adoption

Vote sur l’ensemble

MM. Dominique Watrin, René-Paul Savary, Jean-Marie Vanlerenberghe, Jean Desessard, Jean-Claude Lenoir, Mme Catherine Génisson.

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

5. Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

6. Statut des stagiaires. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : Mme Dominique Gillot, M. Raymond Couderc.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social ; Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mmes Françoise Férat, Laurence Cohen, MM. Jean-Claude Lenoir, François Rebsamen, ministre.

Amendement n° 59 rectifié bis de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État ; M. Jean-Claude Lenoir, Mme Catherine Procaccia. – Rejet par scrutin public.

7. Saisine du Conseil constitutionnel

8. Candidature à une commission

Suspension et reprise de la séance

9. Nomination d’un membre d’une commission

10. Candidatures à deux commissions et à une délégation

11. Statut des stagiaires. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Article 1er (suite)

Amendement n° 12 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen, M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. – Rejet.

Amendement n° 88 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, M. le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 126 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, M. le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Adoption.

Amendement n° 124 rectifié de M. Jean-Léonce Dupont. – Mme Françoise Férat, M. le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Retrait.

Amendement n° 92 de Mme Catherine Procaccia. – MM. René-Paul Savary, le rapporteur, Mmes Geneviève Fioraso, secrétaire d'État ; Catherine Procaccia, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Laurence Cohen, MM. Charles Revet, Alain Néri, Jean Desessard, Mme Dominique Gillot, MM. Gilbert Barbier, Yves Krattinger, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

M. le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 92.

Amendement n° 139 du Gouvernement. – Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État ; M. le rapporteur. – Adoption.

Amendement n° 13 de Mme Laurence Cohen. – Mme Isabelle Pasquet.

Amendement n° 70 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia.

Amendement n° 140 du Gouvernement. – Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.

Amendement n° 5 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.

M. le rapporteur, Mmes Geneviève Fioraso, secrétaire d'État ; Laurence Cohen. – Retrait de l’amendement n° 13 ; adoption de l’amendement n° 70.

M. Daniel Raoul, Mmes Catherine Procaccia, Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 140.

M. Jean Desessard. – Retrait de l’amendement n° 5.

Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Muguette Dini. – Mme Françoise Férat.

Amendement n° 71 de Mme Catherine Procaccia. – M. René-Paul Savary.

Amendement n° 72 de Mme Catherine Procaccia. – M. René-Paul Savary.

M. le rapporteur, Mmes Geneviève Fioraso, secrétaire d'État ; Françoise Férat. – Retrait des amendements nos 1 rectifié bis, 71 et 72.

Amendement n° 8 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Retrait.

Amendement n° 108 rectifié bis de M. René-Paul Savary. – MM. René-Paul Savary, le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 73 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia.

Amendement n° 43 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.

Amendement n° 39 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.

Amendement n° 144 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 38 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.

Amendement n° 127 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – M. René-Paul Savary.

Amendement n° 33 rectifié de Mme Laurence Cohen. – M. Michel Le Scouarnec.

Amendement n° 75 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Amendement n° 40 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.

Amendement n° 6 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 74 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia.

M. le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 73, 43 rectifié et 39 rectifié ; adoption de l’amendement n° 144, les amendements nos 38 rectifié et 127 rectifié devenant sans objet.

Mme Catherine Procaccia. – Rejet des amendements nos 33 rectifié, 75 rectifié et 40 rectifié ; retrait de l’amendement n° 6 ; rejet de l’amendement n° 74.

Amendement n° 61 rectifié bis de M. Charles Revet. – M. Charles Revet.

Amendement n° 14 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.

Amendement n° 15 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 145 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 44 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.

Amendement n° 11 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 116 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Gilbert Barbier.

Amendement n° 146 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 57 rectifié bis de M. Charles Revet. – M. Charles Revet.

Amendement n° 16 de Mme Laurence Cohen.

Amendement n° 82 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia.

Amendement n° 96 de Mme Catherine Procaccia. – M. René-Paul Savary.

Amendement n° 17 de Mme Laurence Cohen. – M. Michel Le Scouarnec.

Amendements identiques nos 50 de Mme Françoise Férat et 62 rectifié ter de M. Charles Revet. – Mme Françoise Férat, M. Charles Revet.

Amendement n° 95 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Amendement n° 150 du Gouvernement. – Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.

M. le rapporteur, Mmes Geneviève Fioraso, secrétaire d'État ; Françoise Férat, MM. Charles Revet, Jean-Claude Lenoir, Gilbert Barbier, Mme Catherine Génisson, M. Yves Krattinger.

MM. le rapporteur, Jean Desessard. – Rejet de l’amendement n° 61 rectifié bis et, par scrutin public, de l’amendement n° 14.

Mme Laurence Cohen, M. le rapporteur. – Adoption de l’amendement n° 145, l'amendement n° 44 rectifié devenant sans objet ; retrait de l’amendement n° 11.

MM. Gérard Bailly, le rapporteur, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement n° 116 rectifié.

Mme Catherine Procaccia. – Adoption de l’amendement n° 146, l'amendement n° 16 devenant sans objet ; rejet de l’amendement n° 57 rectifié bis ; adoption de l’amendement n° 82 ; rejet de l’amendement n° 96 ; retrait de l’amendement n° 17 ; rejet des amendements nos 50, 62 rectifié ter et 95.

M. Charles Revet, Mmes Annie David, présidente de la commission des affaires sociales ; Catherine Procaccia, M. Gilbert Barbier, Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement n° 150.

Renvoi de la suite de la discussion.

12. Nomination de membres de deux commissions et d’une délégation

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Christiane Demontès

vice-présidente

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Hubert Falco.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

financements apportés par l'état à la maison départementale des personnes handicapées de la gironde

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 727, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

M. Philippe Madrelle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez, depuis le 1er janvier 2006, en application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le président du conseil général est responsable de la mise en œuvre de la politique départementale de solidarité en faveur des personnes handicapées.

Dans le contexte de grave crise économique que nous connaissons depuis de longues années, auquel vient s’ajouter la préoccupante augmentation des situations de précarité, les conseils généraux, avec la montée en charge de la prestation de compensation du handicap, sont de plus en plus durement confrontés à des problèmes de financement et de fonctionnement des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées. D’ailleurs – mais c’est une autre question –, je ne vois pas comment on pourrait les remplacer s’ils venaient à disparaître, sachant qu’ils sont les derniers remparts contre la précarité et la pauvreté dans les territoires.

C’est ainsi qu’en Gironde, l’État, malgré un apurement en 2011 de la majorité de sa dette à l’égard de la maison départementale des personnes handicapées, n’a pas versé depuis cette date les crédits dus à la MDPH, pourtant inscrits pour les exercices 2011, 2012 et 2013 au budget prévisionnel. Depuis 2011, soit sur trois ans, la dette de l’État s’est donc reconstituée à hauteur de 666 465 euros. Elle provient de l’écart constaté chaque année entre, d’une part, les crédits inscrits au budget primitif pour répondre aux besoins et, d’autre part, les crédits réellement versés par l’État au GIP, le groupement d’intérêt public. L’État ne se conformerait plus à la convention constitutive du 30 décembre 2005, qui est le fondement du GIP MDPH et dont les annexes prévoient de façon détaillée la constitution de chaque membre.

L’État s’appuierait, selon les informations fournies en COMEX, ou commission exécutive, du 12 décembre 2013 par le représentant de la direction départementale de la cohésion sociale, la DDCS, sur une instruction du 8 avril 2011 du gouvernement Fillon relative aux MDPH et portant délégation de crédits. Cette instruction prévoit dans son annexe 1 une valorisation différente des postes transférés ou vacants. Hormis les postes vacants relevant de la fongibilité, tous les autres postes vacants, y compris les postes de médecin, seraient valorisés sur une base de 30 000 euros.

Une telle instruction ne peut avoir une valeur juridique supérieure à celle de la convention constitutive, et ce différend mérite d’être porté devant le tribunal administratif après avis de la COMEX.

Madame la secrétaire d’État, je rappelle que les contributions de l’État pour le fonctionnement des MDPH n’ont pas été revalorisées depuis 2005 – rien n’a donc été fait sous le précédent quinquennat –, alors que l’activité de ces maisons ne cesse de croître depuis leur création.

À titre d’exemple, en Gironde, au 31 octobre 2013, la dette de l’État atteignait la somme de 472 663 euros, alors que les demandes de prestations ont augmenté de plus de 20 % en 2010 pour dépasser 12 % en 2012.

Face à cette situation de dangereux déséquilibre, il paraît urgent, vous en conviendrez, que l’État tienne ses engagements. Madame la secrétaire d’État, êtes-vous en mesure de m’informer des délais dans lesquels l’État compte effectuer le remboursement de sa dette, afin que les services de la MDPH de Gironde puissent assurer correctement leur mission de service public et de solidarité ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la présidente, j’ai grand plaisir à vous saluer ce matin.

Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, qui est actuellement retenue à l’Assemblée nationale pour le même exercice que celui auquel nous nous livrons ici.

Vous l’avez rappelé, les maisons départementales des personnes handicapées sont constituées sous la forme de groupements d’intérêt public, dont le département, l’État et les organismes locaux d’assurance maladie et d’allocations familiales sont membres de droit.

L’essentiel des moyens des MDPH est fourni par les départements et l’État, lequel, conformément aux conventions constitutives des GIP MDPH, participe aux frais de fonctionnement des groupements.

Les moyens apportés par l’État correspondent à ceux qui étaient mobilisés antérieurement en faveur du handicap. Je pense notamment à la mise à disposition des agents anciennement affectés aux CDES, les commissions départementales de l’éducation spéciale, et aux COTOREP, les commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel.

Le calcul des montants dus au titre de la compensation des postes non mis à disposition par l’État est déterminé sur la base de la situation des effectifs.

En l’espèce, l’État respecte ses engagements contractuels, conformément aux annexes de la convention constitutive du GIP MDPH de la Gironde signée le 30 décembre 2005. Ainsi, il met à disposition ou compense financièrement, d’une part, pour le ministère des affaires sociales et de la santé, 18,5 équivalents temps plein, ou ETP, de personnels administratifs titulaires et 4,73 ETP de contractuels médicaux et administratifs, d’autre part, pour le ministère du travail, 13,7 ETP de personnels administratifs titulaires et 1,98 ETP de personnels médicaux. Il assure également le financement des frais de fonctionnement du GIP, d’une part, pour le ministère des affaires sociales et de la santé, à hauteur de 268 828 euros et, d’autre part, pour le ministère du travail, à hauteur de 108 247 euros.

Par ailleurs, les MDPH ont été jusqu’à présent exonérées de l’effort demandé aux ministères sociaux au titre du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux au sein des services de l’État, ainsi que de celui qui est imposé aux dépenses de fonctionnement courant, ce qui constitue pour l’État un effort important, monsieur le sénateur.

S’agissant des cartes de stationnement pour personnes handicapées, la loi du 11 février 2005 a entendu faire des MDPH le lieu unifié d’accès aux droits et aux prestations pour les personnes handicapées. Cette logique de « guichet unique » portée par la loi a rendu légitimes les MDPH à assumer cette mission.

De surcroît, les MDPH, lors de leur mise en place, ont repris les missions assurées précédemment par les COTOREP et CDES et ont reçu l’intégralité des moyens qui étaient antérieurement alloués à ces dernières.

Toutefois, le Gouvernement est conscient de la charge de travail des MDPH. C’est pourquoi il s’est engagé, dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, dans une action de simplification de la fabrication des cartes de stationnement, d’amélioration des processus de décision au sein des MDPH et de déploiement d’un système d’informations interconnectées.

Vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, l’État accompagne les MDPH grâce à de multiples dispositifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des éclaircissements que vous venez de me donner. Je ne doute pas de vos efforts pour examiner très attentivement tous ces problèmes, souvent liés à des détresses humaines. Il est certain que la participation financière de l’État au fonctionnement des MDPH est à revoir d’urgence.

situation de la clinique mutualiste de l'estuaire et du centre hospitalier de saint-nazaire

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 737, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Yannick Vaugrenard. Ma question s’adressait à Mme Marisol Touraine, mais je suis ravi que Mme Laurence Rossignol puisse me répondre.

Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation de la clinique mutualiste de l’Estuaire et du centre hospitalier de Saint-Nazaire. En effet, à la suite de l’établissement d’un plan de performance, on a constaté un taux de fuite important des patients de ces deux établissements de santé vers ceux de l’agglomération nantaise. Cela concerne en particulier la chirurgie, et tout spécialement les activités gérées par le centre hospitalier.

Les objectifs que se sont donnés les deux établissements s’agissant de la réduction de ces fuites sont modestes et raisonnables. Pour la clinique de l’Estuaire, ils traduisent les orientations du projet médical, déjà concrétisé par le recrutement de praticiens supplémentaires en urologie et en chirurgie plastique ou en passe de l’être, notamment pour ce qui concerne la chirurgie vasculaire.

Dans ce plan de performance, des mesures permettant aux établissements d’atteindre en 2016 un taux de marge cible de 8 % ont été proposées. Ce taux est actuellement de 9,1 % pour le centre hospitalier et de 9,2 % pour la clinique. Cependant, ces mesures ne permettront à aucun des deux établissements d’équilibrer son compte de résultat en 2016 : le centre hospitalier de Saint-Nazaire sera en déficit de 2,2 millions d’euros et la clinique mutualiste de 0,98 million d’euros.

De plus, cette situation n’est pas dissociable de la question de la répartition, entre les partenaires, d’une part, des coûts du bail emphytéotique hospitalier et de sa maintenance, dont la clinique assure 30 %, et, d’autre part, de l’aide allouée par les pouvoirs publics pour couvrir les charges. Ce bail a en effet été passé avec le groupe Eiffage dans le cadre d’un partenariat public-privé, ce qui constitue le point le plus grave et le plus important.

Vous le savez, madame la secrétaire d’État, la Cour des comptes a récemment critiqué les partenariats public-privé, qui fleurissent dans le domaine hospitalier – on en compte déjà une cinquantaine sur l’ensemble du territoire national. Ainsi le centre hospitalier sud-francilien a-t-il mis un terme voilà quelques mois au bail qui le liait à la société Eiffage, ce qui lui a permis d’économiser entre 600 et 700 millions d’euros.

La situation à Saint-Nazaire est également une malheureuse illustration des difficultés que ce type de partenariat peut poser à nos hôpitaux publics. Selon moi, il est essentiel de mettre un terme au bail emphytéotique hospitalier de trente-cinq ans passé avec Eiffage et, en conséquence, de procéder de toute urgence à une indispensable renégociation.

Par ailleurs, l’agence régionale de santé, ou ARS, des Pays de la Loire avait formulé une proposition destinée à résoudre les difficultés de ces deux établissements hospitaliers : il s’agissait d’augmenter le taux d’aide perçue par la clinique mutualiste, afin de le rapprocher du coût du loyer et de la maintenance du centre hospitalier de Saint-Nazaire. Toutefois, cette proposition n’a pas fait l’objet d’un arbitrage favorable de la part des pouvoirs publics. Je demande donc au Gouvernement de repenser sa position sur ce point. Cela permettrait de dégager le temps nécessaire pour engager avec Eiffage une renégociation, qui me paraît aujourd'hui absolument indispensable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur Vaugrenard, Mme Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, vous prie de bien vouloir excuser son absence au Sénat ce matin.

La situation des établissements de la cité sanitaire de Saint-Nazaire – centre hospitalier et clinique de l’Estuaire – est bien identifiée par Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Cette situation a d’ailleurs été analysée lors de la séance du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers, le COPERMO, du 28 janvier 2014.

Le déficit structurel pour 2013 représente 5,8 % des produits pour le centre hospitalier et 6,5 % pour la clinique. La marge brute d’exploitation, calculée hors loyer et aides financières, s’établit à 2,3 % pour le centre hospitalier et à 1,9 % pour la clinique, bien en deçà des recommandations.

Ce retraitement montre que le paiement du loyer ne constitue pas la seule cause de la dégradation de la situation des établissements.

L’agence régionale de santé a donc mis en place un dispositif de suivi visant à sécuriser davantage la trajectoire de redressement des établissements. Les programmes de repositionnement des activités sont en cours de déploiement pour réduire les taux de fuite et assurer, en proximité, une réponse de qualité aux besoins. Ainsi, sur le premier trimestre 2014, les dynamiques sont encourageantes : par rapport à la même période de 2013, on constate une augmentation des hospitalisations ambulatoires de 21 % à la clinique de l’Estuaire et de 8,2 % au centre hospitalier.

L’ensemble des mesures d’économies attendues et les objectifs de développement d’activité font l’objet d’un engagement contractuel des établissements actuellement en finalisation auprès de l’ARS. Des mesures correctives complémentaires sont étudiées, notamment le renforcement des mutualisations entre les deux établissements et l’incitation à solder des situations qui grèvent significativement les comptes des acteurs comme la vente du terrain de l’ancien hôpital.

Parallèlement, l’ARS poursuit l’accompagnement des établissements dans leurs analyses et évaluations – l’impact du bail emphytéotique et les coûts de maintenance, notamment – avec le soutien de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP. L’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, procédera quant à elle à une mission sur site.

Monsieur le sénateur, le processus suit son cours. L’ARS disposera en octobre 2014 des éléments qui permettront de définir, lors d’une deuxième séance du COPERMO, la stratégie pluriannuelle de retour à l’équilibre de ces deux établissements.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais cette dernière ne me satisfait pas complètement.

Des efforts ont certes été accomplis qui commencent en partie à porter leurs fruits. Néanmoins, nous ne sortirons pas de cette situation particulièrement difficile à Saint-Nazaire comme dans d’autres centres hospitaliers dès lors qu’il existe un partenariat public-privé, car le coût des loyers est exorbitant par rapport à la réalité du fonctionnement de ces établissements.

De la même manière que cela a pu se faire dans le centre hospitalier sud-francilien – et l’ensemble des syndicats, ainsi que la fédération hospitalière de France s’en sont félicités –, nous ne pourrons à mon avis pas échapper à une renégociation générale de ces partenariats public-privé ; sinon, nous courrons, sur le plan de la santé, à la catastrophe.

La situation de Saint-Nazaire est particulièrement préoccupante. Je vous informe que, par ailleurs, des congés de maternité ne sont pas remplacés, que la suppression de cinquante emplois est envisagée et que de nombreux cas de burn out sont aujourd'hui signalés.

Je tenais à attirer l’attention du Gouvernement sur cette situation qui est particulièrement grave. Il faut continuer, malgré les difficultés financières – et je les mesure bien en responsabilité –, de parler de « communauté hospitalière » plutôt que d’« hôpital-entreprise », et surtout de « patients » plutôt que de « clients ».

Collectivement, des efforts ont été accomplis, comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d'État, et j’en remercie le Gouvernement. Ils doivent perdurer pour le confort public de notre santé et non pas uniquement pour les actionnaires d’Eiffage.

Il me paraît donc important que nous engagions une réflexion collective sur cette question de santé publique. Je souhaite que cette réflexion se poursuive au niveau du Gouvernement de manière que nous soit transmise, dans les semaines ou les mois qui viennent, une réponse plus précise quant à la renégociation indispensable à opérer avec Eiffage.

discrimination des personnes séropositives jusque dans la mort

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, auteur de la question n° 723, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Aline Archimbaud. Madame la secrétaire d'État, ma question s’adressait en effet à Mme Marisol Touraine, mais je suis moi aussi tout à fait ravie de vous la poser.

L’article 2 de l’arrêté du 20 juillet 1998 interdit de pratiquer des soins funéraires sur des personnes séropositives, alors qu’il n’y a aucun risque si ces soins s’exercent en respectant les précautions universelles préconisées par l’Organisation mondiale de la santé. Pourtant, la pratique des autopsies à visée scientifique est autorisée sur ces personnes à condition de respecter ces précautions afin d’éviter toute contamination du personnel ou de l’environnement.

Madame la secrétaire d’État, si l’on peut faire une autopsie sur un séropositif en toute sécurité, pourquoi cela ne serait-il pas le cas pour des soins funéraires ?

Une pétition, à ce sujet, de l’association des élus locaux contre le sida a déjà recueilli plus de 93 000 signatures, et, dans un courrier adressé le 24 mars 2014 au Défenseur des droits, la ministre des affaires sociales et de la santé a réaffirmé sa volonté de faire évoluer la législation sur ce point, ce dont nous nous en réjouissons. Son ministère a confirmé, le 11 avril dernier, que sa volonté de lever cette interdiction était désormais un principe acquis et que la discrimination subie par les familles de malades devrait enfin cesser.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser le calendrier qui est envisagé afin que nous soyons fixés sur la date à laquelle interviendra la fin de cette discrimination ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Madame Archimbaud, je vous prie d’accepter les excuses de Mme Touraine pour son absence et vous remercie de votre question.

Effectivement, les soins de conservation sont actuellement interdits chez les personnes atteintes d’infection à VIH, le virus de l’immunodéficience humaine, ou d’hépatite virale.

Après avoir été alerté sur les difficultés rencontrées par les familles lors du décès de personnes infectées par le VIH, le Conseil national du sida a publié, en 2009, un avis sur les opérations funéraires et demandé l’annulation de l’interdiction de réaliser des soins de conservation sur le corps de personnes atteintes par le VIH et les hépatites.

En 2011, le Conseil national du sida a confirmé sa position et le Défenseur des droits a demandé à son tour la levée de l’interdiction. Le Haut Conseil de la santé publique, saisi en 2012, a conclu que la levée ne pouvait se faire sans une réorganisation profonde de la thanatopraxie afin de garantir la sécurité des professionnels face aux risques infectieux et chimiques.

Dans un rapport commandé en 2013 à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale de l’administration ont été examinées en détail les conditions de réorganisation de cette activité.

À partir des conclusions de ce rapport, qui a d'ailleurs été rendu public, la ministre des affaires sociales et de la santé a décidé de mettre un terme à l’interdiction des soins de conservation effectués sur les corps des personnes décédées porteuses du VIH ou d’hépatite virale.

Ces soins seront réalisés dans des lieux réservés et le certificat de décès sera adapté. Il convient en effet d’assurer à toutes les familles frappées par un deuil et aux professionnels concernés une organisation fonctionnelle permettant de travailler sur l’ensemble du territoire dans de bonnes conditions d’accessibilité, de qualité des prestations et de sécurité.

Cette réforme est dépendante de nombreuses concertations et nécessite des dispositions législatives. Les ministères impliqués se sont engagés – c’est la réponse à votre demande de calendrier – à faire aboutir cette réforme pour le 1er janvier 2016.

Madame la sénatrice, vous comparez autopsie et thanatopraxie en relevant que des autopsies scientifiques sont réalisées sur des défunts séropositifs. Il convient toutefois d’observer que l’autopsie est réalisée par un médecin dans les lieux dédiés et adaptés que constituent les chambres mortuaires, et qu’elle n’est jamais effectuée à domicile, contrairement à la thanatopraxie telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.

Étant, comme l’ensemble du Gouvernement, déterminée à lutter contre toutes les discriminations, en particulier contre celles qui frappent les personnes atteintes du VIH ou de l’hépatite virale, la ministre des affaires sociales et de la santé, par sa décision, a souhaité répondre à la douleur des familles concernées et permettre aux proches des défunts de disposer enfin d’obsèques dans la dignité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, notamment des principes de solidarité et de justice que vous avez réaffirmés avec force.

J’ai noté la date du 1er janvier 2016 comme un engagement à partir duquel les dispositions en question entreraient dans les faits. Mais j’entends aussi avec une certaine inquiétude que des mesures législatives seront nécessaires, ce qui implique un examen par le Parlement dans des délais assez brefs.

Par cette question, je veux aussi me faire le relais d’un grand nombre de citoyens qui s’émeuvent des rumeurs, des peurs, des fantasmes qui sont propagés de façon récurrente à propos des malades séropositifs, contribuant ainsi à leur stigmatisation. Seuls les pouvoirs publics ont le pouvoir et aussi la responsabilité de prendre, sur ce sujet, des décisions claires par rapport aux propos démagogiques et discriminants qu’on entend parfois.

Je comprends parfaitement qu’il faille mettre en place un certain nombre de dispositions. Les personnels doivent sans doute être rassurés et formés ; mais mettre un terme à cette discrimination m’apparaît comme une mesure de justice importante – vous l’avez rappelé – à l’égard des familles qui sont déjà douloureusement et lourdement affectées.

Je retiens la date du 1er janvier 2016, mais aussi pour nous, parlementaires, l’exigence législative. Il faut donc aller vite maintenant.

traitement de la cataracte

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, en remplacement de M. Ronan Kerdraon, auteur de la question n° 717, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, c’est avec un réel plaisir que je vous salue toutes deux dans vos nouvelles fonctions.

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de répondre ce matin à cette question qui s’adressait en effet à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Mon collègue Ronan Kerdraon, auteur de la question, m’a demandé de bien vouloir l’excuser auprès de vous pour son absence ce matin, indépendante de sa volonté.

Le traitement de la cataracte est l’opération la plus pratiquée en Europe et en France, la plupart du temps proposée en chirurgie ambulatoire.

Elle consiste en l’ablation du cristallin défectueux et en son remplacement par un implant dit « monofocal ». La technologie médicale avancée dans le secteur ophtalmologique permet aujourd’hui de traiter, au cours de la même opération, non seulement les troubles de la vision – cataracte –, mais également ceux de la réfraction. Ainsi, les chirurgiens répondent au mieux aux besoins spécifiques des patients.

Si le traitement de la cataracte est remboursé en intégralité, le traitement des troubles réfractifs, quant à lui, demeure à la charge du patient.

Dans un souci de clarté, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, avait acté en 2010 la possibilité d’un remboursement des frais liés à l’opération de la cataracte et d’un surcoût pour le patient dans le cadre du traitement des troubles de la réfraction au cours de la même opération.

Pour cela, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés appuyait son avis sur l’article R. 162-32-2 du code de la sécurité sociale qui définit les catégories de prestations pour exigences particulières du patient qui donnent lieu à facturation sans prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.

Cette interprétation n’ayant pas été intégrée dans le code de la sécurité sociale, il existe aujourd’hui un flou juridique qui empêche l’application uniforme de ce principe sur le territoire. Ce flou affecte les informations transmises, les traitements proposés et les prises en charge qui diffèrent ainsi selon les départements.

Dans certains cas, le patient n’est pas informé de la possibilité qu’il a d’être traité conjointement de la cataracte et de ses troubles réfractifs. Depuis 2006, la prise en charge financière des implants multifocaux s’est faite avec l’accord des caisses primaires d’assurance maladie, les CPAM, ou des caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM, puis de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, par un mécanisme de copaiement.

La solution du copaiement permet aux patients d’accéder à une innovation médicale ayant un impact non seulement sur l’amélioration durable de leurs fonctions visuelles, mais aussi sur leur qualité de vie.

La Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, dans un souci de clarté, souligne aujourd’hui une absence d’évaluation de ces implants par la Haute Autorité de santé, la HAS, mais s’engage, dans l’attente de la publication de cet avis, à ne pas s’opposer à la facturation au patient d’un surcoût en rapport avec l’implant, à condition que les industriels concernés promettent de déposer des dossiers de demande d’évaluation auprès de la Haute Autorité de santé.

Les industriels de l’ophtalmologie médicale et chirurgicale ont sollicité un rendez-vous avec la direction de la sécurité sociale afin de convenir de la procédure d’évaluation la plus appropriée et de préciser le calendrier d’évaluation de leurs dossiers par la Haute Autorité de santé.

Sans un arrêt de la part de la direction de la sécurité sociale, la Haute Autorité de santé ne peut pas évaluer les dossiers concernant les implants multifocaux.

Aussi, madame la secrétaire d’État, le risque est aujourd’hui que les professionnels et les patients soient à nouveau privés des dispositifs multifocaux et toriques faute d’une entente institutionnelle sur les modalités d’évaluation des dossiers déposés par les industriels.

Face à cette problématique majeure de santé publique, je vous remercie de bien vouloir nous préciser les mesures qui sont envisageables et les actions que vous comptez mettre en œuvre pour rétablir la situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, je renouvelle auprès de vous les excuses de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne peut être présente ce matin, en vous priant de les transmettre à votre collègue M. Kerdraon.

Vous avez attiré l’attention de Mme Touraine sur la problématique des implants intraoculaires multifocaux, un dispositif qui permet de traiter au cours d’une même opération les troubles non seulement de la vision, mais également de la réfraction.

Plus largement, la question que vous avez soulevée est celle de l’accès à l’innovation, de l’évaluation et de la prise en charge de l’innovation, un sujet auquel la ministre est particulièrement attachée.

L’accès à l’innovation renvoie très concrètement à la question des modalités d’évaluation des produits afin d’assurer la sécurité des patients et à celle des modalités de la prise en charge de ces produits par les régimes de base d’assurance maladie.

Les implants multifocaux illustrent bien cette problématique. Ils sont aujourd’hui pris en charge selon une procédure dérogatoire qui n’a pas vocation à perdurer.

Les procédures dérogatoires doivent favoriser l’accès à l’innovation, mais, en régime de croisière, l’innovation doit être évaluée et prise en charge selon des modalités de droit commun.

Pour les implants multifocaux, tous les acteurs sont d’accord sur la nécessité de procéder à cette évaluation. Ils ne divergent que sur la procédure à suivre pour la mener à bien. L’assurance maladie a exprimé une préférence pour une simple évaluation médico-technique du service attendu par la Haute Autorité de santé.

Il s’agit d’une nouvelle procédure d’évaluation qui découle de la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Cette procédure ne peut être utilisée que pour une liste limitative de produits, fixée par arrêté. Les implants multifocaux n’en font pas partie et n’ont jamais été évoqués en tant que « candidats » à cette procédure avant la publication en novembre dernier de l’arrêté qui a défini le programme de travail pluriannuel de la Haute Autorité de santé en la matière. La publication de l’arrêté auquel vous faites référence dans votre question, monsieur le sénateur, ouvrirait donc la voie à cette procédure.

Mais il existe une autre procédure plus complète, notamment du point de vue médico-économique : la demande d’inscription sur la liste des produits et prestations, la LPP. Cette modalité d’évaluation doit également être prise en considération, car une évaluation favorable de la Haute Autorité de santé dans ce cadre ouvrirait le droit à une meilleure prise en charge pour les patients.

Mme Marisol Touraine a donné les instructions nécessaires pour que l’évaluation de ces produits soit menée dans les délais les plus brefs et selon les modalités les plus appropriées pour l’intérêt des patients. Bien entendu, elle maintiendra la tolérance de la facturation au patient jusqu’à la clôture du dossier d’évaluation et ne manquera pas de vous communiquer le moment venu les résultats obtenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Autant j’ai été long dans la présentation de ma question, autant je serai bref pour la réplique ! (Sourires.) Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse qui va dans l’intérêt des patients.

sécurisation des quittances d'électricité utilisées comme justificatifs de domicile

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 741, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, je salue votre désignation à la fonction de vice-présidente du Sénat, qui débute aujourd'hui par cette séance de questions orales.

Monsieur le ministre, ma question porte sur les quittances d’électricité utilisées comme justificatifs de domicile.

Malgré son obtention en un simple coup de fil, la quittance d’électricité demeure l’une des pièces acceptées comme justificatifs de domicile. Cette procédure simplifie sans conteste les démarches liées aux déménagements et aux installations dans un logement. Toutefois, l’absence totale de contrôle favorise, dans certains cas, l’occupation illégale de domicile.

Ce procédé est fréquemment utilisé dans les situations de squat et figure parmi les méthodes recommandées sur internet pour « squatter en toute tranquillité ». Monsieur le ministre, vous avez certainement eu connaissance, comme moi, de ces sites sur lesquels figurent de telles « recommandations ». La personne qui s’est introduite illégalement dans un logement n’a qu’à fournir le numéro du compteur et le relevé de l’index par téléphone au fournisseur d’électricité pour que celui-ci lui adresse un justificatif. Et ce justificatif d’abonnement servira à prouver l’authenticité de l’adresse du domicile pour de nombreux actes de la vie courante, notamment, dans les collectivités, pour bénéficier de certaines aides ou pour obtenir des documents connexes et papiers d’identité.

Sans vouloir freiner la dématérialisation ou l’exécution de démarches rapides, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous m’indiquiez les moyens permettant de lutter contre ce type de fraude et de sécuriser ces justificatifs de domicile.

Le Gouvernement compte-t-il demander aux fournisseurs d’électricité de ne délivrer, par exemple, qu’une attestation provisoire, en attendant qu’une vérification soit faite auprès du précédent titulaire du contrat ? Ce contrôle a posteriori n’empêcherait pas l’exécution du nouveau contrat, mais éviterait que l’éventuelle fraude ne puisse perdurer dans le temps.

Ne pourrait-on pas mettre en place un justificatif unique et sécurisé prouvant le domicile ? Non seulement il limiterait les fraudes, mais il permettrait aussi d’harmoniser les exigences diverses des organismes et administrations qui réclament des justificatifs. Il soulagerait aussi les démarches quotidiennes des Français.

Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d’être venu en personne répondre à cette question qui concerne la sécurité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la fiabilité des quittances d’électricité comme justificatifs de domicile.

La sécurisation des justificatifs de domicile est une préoccupation très importante du ministère de l’intérieur. En effet, ce dernier est compétent pour la délivrance des titres d’identité dont le dossier de demande comporte, dans la plupart des cas, une facture d’électricité valant justificatif de domicile.

À ce titre, le ministère de l’intérieur conduit, s’agissant de la délivrance de passeports biométriques, une expérimentation de sécurisation des justificatifs de domicile par apposition d’un code-barres 2D sur chaque facture, code reprenant les nom, prénom et adresse du titulaire du contrat. Le simple contrôle de cohérence entre les informations délivrées par le code et celles qui figurent sur la facture papier permet de lutter efficacement contre la falsification des pièces.

Un opérateur de téléphonie mobile sécurise ses factures par ce système depuis le mois d’octobre 2013. Un deuxième opérateur de téléphonie mobile entre dans le dispositif à la fin du mois de juin prochain.

EDF a également prévu de sécuriser par code-barres 2D une attestation de contrat valant justificatif de domicile pour la fin de l’année 2014. Le système retenu est très performant dans le cadre de la lutte de la fraude documentaire, car toute corruption d’un justificatif papier est immédiatement et automatiquement détectée.

Ce système ne couvre cependant pas – madame la sénatrice, je vous le concède – tous les cas de fraude : les usurpations de contrat auxquelles vous avez fait référence ne sont ainsi pas détectées.

Dans ce cas, la responsabilité revient à l’opérateur de vérifier que, initialement, c'est bien au bon destinataire et pour son compte qu’est émise l’attestation de contrat ou la facture. La chaîne de sécurisation de l’identité nécessite une implication de tous les acteurs, dont les opérateurs fournisseurs d’énergie, à leur place et dans leur rôle respectifs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, le code-barres 2D empêchera effectivement les falsifications, qui sont aujourd'hui relativement faciles avec internet et les logiciels de traitement de texte.

Comme vous le releviez, ce procédé ne permet pas de couvrir les cas d’usurpation de contrat. Je constate qu’il suffit d’appeler son fournisseur d’énergie en indiquant le numéro de compteur pour obtenir une quittance. On peut même, en toute bonne foi, résilier l’abonnement de son voisin si l’on fait une erreur de numéro !

Cela prouve bien que la question n’est pas réglée. Vous renvoyez le problème aux opérateurs pour les responsabiliser. Ces derniers ont grandement facilité les modalités de transfert d’un contrat, ce qui est une bonne chose pour la très grande majorité de leurs clients, qui sont de bonne foi. Mais je ne crois pas que les opérateurs aient reçu des directives pour mener des vérifications, notamment pour vérifier que l’ancien titulaire a bien cédé ou quitté son logement. Il faudrait maintenant leur demander de vérifier, soit par téléphone soit par courrier, que le nouveau titulaire est bien le bon et qu’il n’abuse pas de cette adresse.

Monsieur le ministre, je vous remercie en tout cas des premiers éléments de réponse que vous m’avez apportés.

situation des mineurs étrangers accédant à la majorité

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 689, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, c'est avec beaucoup de plaisir que je salue votre désignation à la fonction de vice-présidente.

Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation des mineurs étrangers isolés accédant à la majorité et sur les difficultés rencontrées à cette période où ces jeunes basculent, pour nombre d’entre eux, dans une « zone grise ».

Le cadre juridique actuel distingue deux situations lors de l’accession à la majorité, selon que le mineur ait été confié à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, du département où il se trouve avant ou après son seizième anniversaire. C'est dans cette dernière situation qu’on retrouve le plus de difficultés.

Si le jeune avait moins de seize ans lorsqu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance, sa situation est simple : elle est régie par l’article L. 313-11, alinéa 2 bis, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA. Le titre est alors automatiquement remis, sous réserve du respect de certaines conditions.

À l’inverse, lorsque le mineur a été confié à l’ASE après son seizième anniversaire, l’article L. 313-15 du CESEDA s’applique et prévoit la délivrance à titre exceptionnel, et non de façon automatique, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » au jeune majeur étranger, qui doit justifier « suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ».

Cette disposition est également mise en œuvre « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation » suivie par le jeune, « de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française ». La régularisation est laissée à l’appréciation souveraine du préfet.

Il convient dès lors de pointer, dans ce cas, le manque de continuité juridique entre les deux logiques différentes – ASE puis ministère de l’intérieur –, qui a pu être relevé par notre ancienne collègue Hélène Lipietz, lors de l’examen de la mission « Immigration, intégration et nationalité » du projet de loi de finances pour 2014.

Outre la nature des liens avec la famille dans le pays d’origine, l’article L. 313-15 du CESEDA dispose que le jeune doit justifier suivre une formation dont le caractère est réel et sérieux. Il est ajouté que le jeune doit suivre cette formation depuis au moins six mois.

Combien de jeunes étrangers, monsieur le ministre, pris en charge à seize ans ou dix-sept ans, pourront, à dix-huit ans, se prévaloir d’au moins « six mois [de] formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle », sachant qu’ils sont, pour la plupart, soit non francophones, soit peu ou non scolarisés avant leur arrivée en France ?

Enfin, l’entrée en formation professionnelle nécessite une autorisation de travail qu’ils n’ont pas, et qui est obligatoire pour signer un contrat d’apprentissage ou une formation en alternance.

Je souhaiterais savoir si une réflexion approfondie est engagée sur le sujet de l’accession à la majorité des mineurs isolés étrangers confiés à l’aide sociale à l’enfance alors qu’ils étaient âgés de plus de seize ans : une transition et une sécurité juridique sont en effet nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la situation des mineurs étrangers isolés accédant à la majorité. Ces mineurs se voient délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » s’ils ont été confiés au préalable à l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans.

Pour les mineurs étrangers isolés confiés à l’aide sociale à l’enfance après cet âge, la loi prévoit que le préfet peut les régulariser en tenant compte du sérieux de la formation suivie à la date de leurs dix-huit ans, mais aussi de leurs perspectives d’insertion.

Comme vous le savez, ce dernier dispositif d’admission au séjour a été précisé par la circulaire du 28 novembre 2012, laquelle invite les préfets à faire « un usage bienveillant » de leur pouvoir de régularisation pour les mineurs étrangers isolés en France âgés de plus de seize ans, en délivrant soit un titre de séjour « salarié », si les conditions de suivi d’une formation professionnelle sont remplies, soit un titre de séjour « étudiant » si le jeune est engagé dans une formation généraliste.

Cette circulaire clarifie également la notion de « liens avec le pays d’origine », qui constitue souvent le frein le plus important aux régularisations.

Ces dispositions ont permis d’assouplir autant que faire se peut les conditions d’admission au séjour de ces mineurs étrangers isolés accédant à la majorité. Elles constituent un progrès, qui doit pouvoir être encore conforté à l’occasion de l’examen par la Haute Assemblée des textes à venir sur l’immigration et l’asile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

En guise d’illustration de mon propos, sachez que, sur les cinquante-neuf mineurs isolés accueillis dans mon département, trente étaient âgés de plus de seize ans ! Le problème de leur sortie du territoire se pose donc avec acuité.

Je veux également vous rappeler que la question des mineurs isolés qui accèdent à la majorité a été évoquée au niveau du Conseil de l’Europe. Ainsi, une résolution intitulée Enfants migrants non accompagnés : quels droits à dix-huit ans ? a été adoptée par la commission des migrations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ou APCE.

Cette résolution vise à mettre en place un statut de transition pour les personnes migrantes devenant majeures, tout en continuant à leur accorder les droits les plus élémentaires aussi longtemps que nécessaire. Elle s’adresse à tous les États-parties du Conseil de l’Europe. Il serait bon de s’en inspirer ! D'ailleurs, le rapport ayant servi de support à son élaboration sera débattu lors de la réunion de la commission permanente de l’APCE à Bakou, le 23 mai prochain.

liaison ferroviaire lyon-turin

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 731, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Jean-Pierre Vial. Madame la présidente, je vous remercie de me donner la parole, pour une question que vous auriez d’ailleurs pu poser vous-même !

Monsieur le ministre, ne voyez pas dans cette question une quelconque obstination à obtenir une réponse à la demande que j’ai formulée lors du débat sur l’avenir des infrastructures de transport, qui s’est tenu ici même le 6 février dernier ; il s’agit de rassurer ceux qui s’interrogent et, surtout, de donner les gages attendus par Bruxelles sur ce grand projet européen qu’est le Lyon-Turin.

Je le répète, nous ne pouvons qu’être satisfaits de la nouvelle étape engagée par le sommet bilatéral du 20 novembre 2013, lequel a fait suite à la ratification par le Sénat, le 18 novembre dernier, de l’accord de Rome du 30 janvier 2012 et à l’adoption par le Parlement européen, le 19 novembre, des financements des grandes infrastructures pour la période 2014-2020, avec un budget de 26 milliards d’euros, niveau sans équivalent. D’ailleurs, ce même 6 février, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ou AFITF, présentant ses engagements financiers, évoquait le Lyon-Turin.

Le 15 mars, le Président de la République et le nouveau Président du Conseil italien réaffirmaient l’importance de ce projet, dont la convention de 2012 était définitivement ratifiée par le Parlement italien le 9 avril dernier.

Dès lors, si le « nœud lyonnais » mérite des précisions, si une partie des accès requiert de toute évidence une remise à plat, dans le prolongement du rapport Duron, si la plateforme de ferroutage de Grenay nécessite un engagement de Bruxelles pour assurer le basculement du transport de marchandises de la route vers le rail, avec le succès de l’autoroute ferroviaire alpine, ou AFA, que l’on constate depuis bientôt deux ans, l’important, c’est l’engagement de la réalisation du tunnel international, dit « tunnel de base ».

Certes, le début des travaux de Saint-Martin-La-Porte est attendu, mais l’octroi des financements européens disponibles relève directement de l’appel à projets qui sera lancé dans les prochains mois.

Pour bénéficier de ces financements, la France et l’Italie devront impérativement satisfaire à deux exigences : la première, déjà ancienne, porte sur la mise en place d’ici à l’été 2014 d’un promoteur public en charge de la réalisation du chantier ; la seconde, qui est de même niveau, concerne le montage financier de l’opération et la certification des coûts du projet conjoints avec nos partenaires italiens, dont l’ingénierie et le plan financier devront être finalisés d’ici à l’automne 2014.

Monsieur le ministre, la réponse à l’appel d’offres, la mise en place d’un opérateur, l’adoption du montage financier de l’opération sont les conditions auxquelles les États français et italien doivent impérativement satisfaire pour répondre aux exigences de l’Europe. Vous le savez, et je vous remercie de nous confirmer que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour s’y soumettre !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui est retenu ce matin par le vingtième anniversaire de l’inauguration du tunnel sous la Manche.

Comme vous l’avez rappelé dans votre propos, la nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin est un projet stratégique pour la France et l’Italie, qui sont engagées sur ce dossier par des accords internationaux, dont le dernier, en date du 30 janvier 2012, a été ratifié à la fin de l’année 2013 par la France et vient de l’être par l’Italie – en avril dernier. Le sommet franco-italien qui s’est tenu à Rome le 20 novembre 2013 a été l’occasion de rappeler l’importance accordée à la mise en œuvre du projet par les deux États.

En raison de son coût, le projet Lyon-Turin doit être conduit dans un esprit de responsabilité, en tenant compte, d’une part, de sa dimension européenne, et, d’autre part – vous en conviendrez ! –, de la situation des finances publiques.

En conséquence, une participation communautaire au niveau le plus élevé possible, correspondant à 40 % du coût des travaux et à 50 % du coût des études, est un élément décisif de la réalisation de ce grand projet d’infrastructure. La Commission européenne semble se montrer rassurante quant à l’obtention de ces taux, mais elle devra bien entendu confirmer cette intention. Aussi, les deux États sont mobilisés pour présenter, en 2014, une demande de financement conjointe, dans le cadre de l’appel à projets qui sera lancé par la Commission européenne.

S’agissant de la mise en place du promoteur public, opérateur chargé de conduire les travaux définitifs de la liaison, la France et l’Italie sont parvenues à un accord sur les statuts de cette société, amenée à succéder à la société actuelle, Lyon Turin Ferroviaire, ou LTF. Cette nouvelle entité, qui pourra être mise en place après la réalisation des formalités afférentes de transformation de LTF, permettra aux deux États de renforcer le pilotage de cette opération.

Enfin, pour ce qui concerne le montage financier du projet, les gouvernements ont, au cours du sommet de Rome, chargé la commission intergouvernementale d’approfondir les travaux.

Dans ce cadre, je peux vous assurer de la mobilisation des services du secrétaire d’État chargé des transports, aux côtés de ceux du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d’État chargé du budget, pour que ce projet poursuive son développement dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, à la précision de laquelle je suis sensible.

Lors du débat sur l’avenir des infrastructures de transport, je m’étais quelque peu étonné que M. le ministre chargé des transports ne nous ait pas fourni ces éléments d’information. Je suis désormais convaincu qu’il avait voulu attendre l’anniversaire du tunnel sous la Manche, que nous célébrons aujourd'hui, les deux infrastructures présentant un lien évident.

Je vous remercie des réponses que vous nous avez apportées, à la fois sur l’opérateur, point essentiel mis en avant par l’Europe, et, bien évidemment, sur les conditions de financement.

Je considère donc que nous sommes aujourd'hui en bonne voie au regard des conditions posées par l’Europe, qui, comme vous le savez, s’est engagée sur une participation exceptionnelle, correspondant à 40 % du coût des travaux.

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant d’aborder la question orale suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

avenir de la filière bois en lorraine

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 715, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation préoccupante de la filière bois en Lorraine. Du reste, je sais que c'est un sujet que vous connaissez, pour vous être déjà rendu sur place.

Il s’agit d’une filière historique et stratégique, d’un véritable moteur de l’économie régionale, qui couvre 37 % du territoire lorrain et représente 23 500 emplois, dans 5 078 entreprises.

Or cette filière rencontre aujourd’hui des difficultés majeures, auxquelles les entreprises seules ne pourront pas faire face. L’export de grumes de feuillus réduit l’approvisionnement des entreprises lorraines, et les outils de production dans la région ne fonctionnent qu’à 50 % de leurs capacités, ce qui pénalise la compétitivité des entreprises et leur positionnement sur le marché local, national et international. Certaines sociétés se voient dans l’obligation de refuser des commandes, et les prix de revient ne cessent d’augmenter.

Il s'agit d’une véritable fragilisation de l’économie régionale. La situation est paradoxale, alors que le pacte lorrain, signé par le Premier ministre et le président de la région Lorraine, accorde une place prioritaire à la filière bois en l’insérant dans la vallée européenne des matériaux et des procédés.

Afin d’éviter à court terme une catastrophe irréversible, il est essentiel de sécuriser les approvisionnements des entreprises. Ces derniers sont mis en danger par un marché de ressources de bois quasi monopolistique sous l’égide de l’Office national des forêts, par une contractualisation qui s’apparente davantage à une vente de gré à gré et par un développement de l’export de grumes non transformées.

En janvier 2014, pour faire face à cette situation de crise, l’interprofession du bois s’est fédérée en une Union régionale des scieurs de feuillus de Lorraine, appelant ses entreprises à adopter des mesures opérationnelles d’urgence contre la confiscation de la matière première.

Lors d’une visite ministérielle dans les Vosges, en février dernier, M. Arnaud Montebourg a réaffirmé la place fondamentale de la filière au sein de l’économie lorraine. En mars 2014, vous-même, monsieur le ministre, installiez conjointement un comité stratégique de la filière bois, visant à dynamiser la filière et à développer une offre plus compétitive.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte adopter pour assurer les approvisionnements des scieries et garantir l’avenir de la filière bois en Lorraine.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, je me suis déplacé il y a quelque temps en Lorraine, et il faudra d'ailleurs que j’y retourne pour cette question forestière. J’y ai visité un certain nombre de forêts et rencontré les forestiers de l’ONF, l’Office national des forêts.

Vous avez posé la question du marché du bois à l’exportation. Certains propriétaires, privés ou publics, trouvent là un débouché pour des grumes, qu’elles soient de résineux ou de feuillus. Toutefois, le prix du bois pose problème pour l’approvisionnement des scieries, c'est-à-dire des outils industriels de la transformation du bois en France.

Un hiver extrêmement pluvieux a rendu la question encore plus aiguë : les difficultés pour chercher le bois en forêt se sont accrues, et la ressource s'est encore un peu plus raréfiée.

Tout cela explique les difficultés rencontrées au niveau des scieries et de la transformation, que vous avez parfaitement décrites, d'ailleurs, monsieur le sénateur. Le préjudice pour notre économie est d’autant plus grand que couper et scier du bois permet aussi d’obtenir des coproduits valorisés en France. Lorsque les grumes sont exportées, ces coproduits sont perdus, tout comme la valeur ajoutée.

Une réorganisation s'impose donc. Vous le savez, un engagement a été pris, avec le ministre du redressement productif, sur des objectifs en termes forestiers, sur une mobilisation dans le cadre de la loi de finances et sur une organisation de la forêt dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, avec la création d’un fonds stratégique et la mise en place de moyens nouveaux.

Je suis parfaitement conscient de la question posée : comment, pour satisfaire le besoin d’approvisionnement des industriels, mieux contractualiser l’approvisionnement des scieries avec les producteurs et fournisseurs de bois ? C'est sur ce point que je souhaite poursuivre le travail engagé.

Bien des choses ont été faites, mais nous devons aller plus loin. Lors d’une visite en Lorraine, un transformateur, fabricant de planchers en chêne exportés dans le monde entier, m’avait très bien expliqué le problème : on passe plus de temps à chercher du bois qu’à chercher à en vendre.

Il s'agit donc d’une vraie question. Je l’ai dit, si elle est déjà anticipée dans le cadre de la loi, des débats et de l’organisation mise en place, nous devons aller plus loin sur la contractualisation. C'est en tout cas le souhait que j'ai déjà formulé auprès de l’ONF, de sorte que l’on s'engage réellement, d’une manière plus structurante, à organiser l’approvisionnement en bois des scieries.

Vous avez également abordé la question du prix du marché. S’il est lié à des facteurs conjoncturels, son niveau structurel doit néanmoins permettre de produire du bois.

En tout état de cause, il importe vraiment que, dans le cadre de la contractualisation, on assure aux scieries un approvisionnement régulier et une visibilité à moyen terme pour que la transformation du bois, l’emploi et la valeur ajoutée restent en France. C'est tout l’enjeu des semaines qui viennent, et j’entends m'impliquer pour faire en sorte que cette contractualisation soit effective.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse et de celle que vous m'avez déjà apportée par écrit. Ce sujet nous préoccupe tous deux.

Vous parlez de mesures qui seront prises dans quelques semaines. Je crois que la profession a pris bonne note des annonces qui ont été faites, mais elle s'impatiente, car elle craint que, si l’on n’avance pas assez vite, certaines entreprises ne finissent par connaître des situations dramatiques.

Il y a urgence, des mesures doivent être prises sans attendre, surtout pour ce qui concerne la procédure administrative de l’export.

Je vous citerai quelques pistes, que vous connaissez mieux que moi, monsieur le ministre : imposer une déclaration préalable de tout produit destiné à l’export, faire passer obligatoirement les grumes par une « plateforme de traitement » – cela avait été évoqué par votre collègue au Gouvernement –, rendre obligatoires et systématiques les contrôles de tous les conteneurs et, surtout, porter le coût de délivrance des certificats phytosanitaires à un niveau réellement dissuasif. Seules des mesures comme celles-là permettront de faire en sorte que les grumes restent en Lorraine et que nos scieries puissent être alimentées.

recherche sur les maladies du bois de la vigne

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rainaud, auteur de la question n° 735, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, jusqu’en 2001, l’arsénite de sodium, appelé communément pyralium, était le seul fongicide capable d’enrayer les maladies du bois de la vigne : l’eutypiose, l’esca et le BDA, ou black dead arm. Ce produit phytosanitaire cancérigène pour les vignerons et toxique pour l’environnement a été heureusement interdit ; depuis lors, aucun traitement curatif n’a été capable de lutter contre ces champignons.

En effet, si le mildiou peut faire des ravages, le traitement à la bouillie bordelaise, par exemple, est permis ; efficace, il préserve la récolte. Toutefois, l’eutypiose, l’esca et le BDA demeurent, et ils déciment les parcelles. Le taux de ceps contaminés ne cesse de progresser et, à partir de 20 %, c'est toute la parcelle qu’il faut arracher.

Ces champignons constituent, avec la flavescence dorée, les dangers phytosanitaires les plus préoccupants pour le vignoble. Des facteurs environnementaux étant très propices aux vecteurs, l’absence de moyens de lutte directs fait de ces champignons le rocher de Sisyphe des viticulteurs.

Aussi, désemparés, les viticulteurs n’ont pour eux que des mesures prophylactiques. Dans mon département, l’atelier bois et plants de vigne de la chambre d’agriculture de Palaja, – vous l’aviez visité et inauguré, monsieur le ministre, en 2012 – a mené des recherches fructueuses sur le traitement à l’eau chaude, portée à cinquante degrés, qui est le seul moyen préventif et biologique pour traiter les plants touchés par la flavescence dorée.

Concernant l’esca, les viticulteurs agissent également en limitant les plaies de taille, en arrachant et en brûlant les souches malades, ainsi qu’en désinfectant leurs outils.

Je cite les spécialistes : « L’esca, c’est le phylloxéra du XXIe siècle. Si on laisse faire, dans vingt ans, il n’y a plus de parcelles plantées en vigne ».

En conséquence, l’urgence est aujourd’hui de trouver des solutions durables pour maîtriser les maladies du bois de la vigne qui affectent lourdement le secteur viticole. Les viticulteurs français ont besoin d’avancées de la recherche, pour que celle-ci puisse proposer des outils fiables, rapides, non dangereux pour l’homme et l’environnement, économiques, rentables et simples d’utilisation.

La mise en commun des connaissances des chercheurs européens est par conséquent nécessaire.

Aussi, je souhaiterais, monsieur le ministre, avoir un état des lieux des projets de recherche en cours et vous demander si nous ne pourrions pas lancer, au niveau français et européen, avec l’INRA et l’Institut français de la vigne et du vin, un grand projet de recherche publique fondamentale.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je m’intéresse à ce sujet depuis que j’ai pris mes fonctions de ministre de l’agriculture ; vous l’avez rappelé, l'arsénite de sodium, qui était l’un des produits utilisés pour lutter contre ces maladies du bois, a été interdit, à juste titre, car il était cancérigène et causait des problèmes environnementaux.

À partir de là se présente une difficulté majeure : trouver des solutions de rechange. Notez que cette démarche vaut aussi bien dans le domaine de la vigne et de la maladie du bois que dans d’autres domaines, compte tenu des questions posées par les produits phytosanitaires et leurs solutions de substitution potentielles, en particulier celles qui sont liées à ce que l’on appelle aujourd'hui le biocontrôle, que je cherche à développer.

Vous l'avez très bien dit : il est nécessaire de chercher ces solutions de rechange. Le ministre que je suis, les sénateurs que vous êtes, vos collègues qui sont ici, tous, nous aimerions que l’on aille beaucoup plus vite et que l’on trouve des solutions… Néanmoins, il reste clair que, depuis mon arrivée, nous avons lancé ces recherches, ces appels à des partenariats publics et privés, à l’échelle européenne.

Le soutien à la recherche à travers le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » a été prolongé, notamment via un nouvel appel à projets doté d’un million d’euros. Cet appel a ainsi permis de retenir trois projets en 2013.

Le premier consiste à étudier l’agressivité des champignons impliqués dans les maladies du bois de la vigne et à comprendre le mode d’action de l’arsénite de sodium, afin de proposer de nouveaux moyens de lutte efficace.

Le deuxième projet porte sur les microflores pathogènes et protectrices du bois de la vigne, les réponses adaptatives de la plante et le développement de marqueurs de tolérance et de diagnostic.

Le troisième projet consiste à évaluer l’impact de techniques agricoles et des facteurs environnementaux pour prévoir les maladies du bois de la vigne et lutter contre elles.

Ces trois projets, portés par des partenariats publics-privés associant, pour chacun d’eux, l’Institut français de la vigne, seront conduits jusqu’en 2016.

Au sein de mon cabinet, comme dans mon administration, toutes ces recherches font l’objet d’un suivi. Nous œuvrons au maximum à la découverte de solutions de rechange, car, comme vous l'avez dit, ce sont aujourd'hui 5 % à 10 % du bois et des ceps de vigne qui sont touchés par ces maladies, mettant en cause nos capacités de production et la faculté des exploitants à dégager un revenu.

Nous faisons donc face à une urgence. La recherche des solutions adaptées dépend justement des moyens que nous mobilisons, ainsi que de la dynamique que nous sommes capables de créer. Monsieur le sénateur, sachez que je suis, comme vous, extrêmement attentif à trouver des solutions de rechange.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rainaud.

M. Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je disais que l'esca était le rocher de Sisyphe des viticulteurs. Je vois que vous en avez conscience, et les crédits que vous avez ouverts prouvent votre volontarisme. Souhaitons que ces recherches aboutissent et que le secteur viticole ne soit plus menacé.

inadaptation de la réglementation actuelle relative au loup

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret, auteur de la question n° 700, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le ministre, le problème de la cohabitation entre le loup et l’agropastoralisme a fait l’objet, vous avez pu le constater il y a quelques semaines, de nombreux débats au Sénat lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture. Trois amendements, dont les dispositions vont permettre une gestion responsable de la population lupine, ont été adoptés.

J’espère donc que les mesures qui, d’une part, définissent des zones de pâturages préservées de prédateurs et, d'autre part, autorisent l’abattage de loups dans des zones de protection renforcée, indépendamment du prélèvement défini au niveau national, ne seront pas supprimées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que cela ne soit pas le cas, car ces mesures correspondent à une réelle avancée.

Je tiens à rappeler que, aujourd’hui, le loup n’est plus une espèce menacée, car la population lupine est d’environ quatre cents bêtes et augmente de 20 % par an, envahissant des territoires de plus en plus larges.

Dans mon département des Alpes-Maritimes, le plus touché par le nombre d’attaques et de victimes, la prédation a augmenté de plus de 60 % entre 2011 et 2012. Mon département, à lui seul, recense 50 % des attaques avec seulement 6 % de la population ovine nationale, et il a subi près d’un millier d’attaques en 2012, avec près de 2500 bêtes tuées.

L’objet de ma question est le suivant, monsieur le ministre : comment éviter que ces nouvelles dispositions prises dans le cadre d’une loi nationale ne se heurtent, dans leur application, au droit international et européen ?

Je m’explique. La France a adhéré à la convention de Berne, qui date de 1979. En la signant, elle a classé le loup dans la catégorie des espèces strictement protégées. Il est donc nécessaire de reconnaître que nous sommes dans une impasse, monsieur le ministre.

D’un côté, des dispositions adoptées par le Sénat tentent d’apporter – bien que je les considère comme insuffisantes, mais c’est un autre problème – une réponse équilibrée aux attaques de loups.

D’un autre côté, ces dispositions sont confrontées au droit international invoqué par des associations de défense du loup. Les recours de ces dernières devant les tribunaux administratifs se réfèrent à la convention de Berne et conduisent à la suspension des arrêtés préfectoraux, la décision restant finalement à l’appréciation du juge.

C’est ainsi que des arrêtés préfectoraux ont été suspendus par le tribunal administratif, en septembre 2013, dans mon département, après que deux loups avaient été tués en vingt-quatre heures. Le quota national de vingt-quatre loups prévu par le plan loup n’a même pas pu être atteint.

Ma question est donc double, monsieur le ministre : le Gouvernement va-t-il enfin se décider à demander le déclassement du loup dans la convention de Berne, d’« espèce strictement protégée » à « espèce protégée simple », seule solution incontestable et solide à long terme ? Dans l’attente, comment sécuriser juridiquement les arrêtés préfectoraux face aux recours qui invoquent régulièrement ces textes européens ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, vous avez évoqué la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, pendant laquelle nous avons essayé, ensemble, de trouver des solutions face à la détresse des éleveurs dont les troupeaux sont victimes des attaques de loups.

Vous le savez également, nous avons, avec Delphine Batho, négocié un plan loup avec l’ensemble des ONG environnementales et des représentants professionnels pour la production ovine et agricole de manière plus générale.

La capacité de prélèvements a été portée de onze à vingt-quatre loups. Des procédures de tirs plus adaptées, en particulier au niveau local, ont été mises en place, afin de permettre aux chasseurs de tirer et aux éleveurs de se protéger.

Des amendements adoptés par le Sénat lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture visent à renforcer cette dimension : je pense aux dispositions autorisant les éleveurs à des tirs de prélèvements pendant six mois après des attaques, ou encore à celles qui permettent l’abattage des loups dans certaines zones de protection renforcée en fixant des sous-quotas de prélèvements.

Vous avez évoqué, madame la sénatrice, la difficulté devant laquelle nous nous trouvons. La convention de Berne a été signée en 1979, à une époque où le loup était une espèce en voie de disparition. Elle a conduit l’Europe à adopter la directive « habitats », qui considère le loup comme une espèce protégée puisqu’en voie de disparition. Or la population de loups, qui est comprise aujourd'hui entre trois et quatre cents bêtes, continue visiblement à s’accroître.

Comment pouvons-nous mettre en adéquation la législation que nous souhaitons instaurer et le cadre législatif de la convention de Berne et de la directive « habitats » au sein de l’Union européenne ?

Pour faire évoluer la législation, nous devons chercher à renégocier en trouvant des appuis chez nos partenaires concernés. Aujourd’hui, comme je l’ai indiqué lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, nos partenaires italiens et espagnols ne souhaitent pas s’engager dans une renégociation de la directive « habitats ».

Par conséquent, nous avons essayé d’améliorer nos dispositifs législatifs nationaux. Pour qu’ils soient applicables et ne soient pas remis en cause par les tribunaux administratifs, nous devons également essayer de modifier les législations à l’échelle européenne.

Toutefois, pour modifier le droit existant à l’échelle européenne, il faut trouver une majorité ; c’est le temps de la négociation, de la conviction, pour faire en sorte de protéger les élevages.

Vous le savez, sur ces questions, j’ai toujours pris en compte la détresse des éleveurs et œuvré au maximum pour obtenir des réponses. Nous devons continuer à le faire, en particulier afin d’améliorer les prélèvements. Seuls sept loups sur vingt-quatre ont été tués, nous sommes donc loin du compte. Notre politique doit être plus efficace sur ce point, comme je l’ai dit devant le Sénat.

Nous sommes en train d’étudier, avec le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, le moyen de rendre encore plus opérationnel le plan loup. Bien que ce plan comporte des avancées, je sais qu’il faudrait aller plus loin, en modifiant le cadre général du droit actuel pour répondre à la détresse des éleveurs. C’est malheureusement un travail de longue haleine, qui ne peut être réalisé en quelques semaines ou en quelques mois.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le ministre, je connais votre volontarisme concernant ce problème, mais votre réponse n’est pas tout à fait satisfaisante.

Pour vous donner un exemple, le préfet a pris ces jours-ci un arrêté dans mon département : que va-t-il se produire en cas de recours devant le tribunal administratif, puisque, comme je l’ai rappelé dans ma question, c’est le juge qui va décider de la validité de l’arrêté au regard des lois internationales ? Il conviendrait donc de prendre des mesures bien plus draconiennes que celles que vous proposez.

Je vous rappelle qu’un loup a été identifié dans la Meuse voilà quelques jours, à 250 kilomètres de Paris. Alors, à quand un loup dans les bois d’Île-de-France ?

Ce qu’il faut aujourd'hui, monsieur le ministre, c’est du courage politique. La Suisse a demandé la renégociation de la convention de Berne. Le rejet de cette demande ne doit pas nous empêcher de tenter, nous aussi, de chercher des alliés parmi nos partenaires signataires de cette convention.

Je voudrais surtout m’insurger contre toute tentative de dire que la France ne sait pas gérer son problème de loups, car comparer les difficultés créées par le loup en France et dans les autres pays est une erreur fondamentale à mes yeux. En effet, il est indispensable de prendre en compte nos spécificités par rapport à celles de nos voisins et des quarante-sept États cosignataires de la convention. Nous avons une spécificité de climat, de géographie et de faune.

Nous ne pouvons donc pas continuer à nous laisser influencer par les dérives de certains mouvements écologistes, qui prônent sans discernement le retour au sauvage et au naturel. L’écologie, ce n’est pas de l’idéologie !

Enfin, monsieur le ministre, il est indispensable que tous ces questionnements soient pris en compte lors de la prochaine réunion du comité permanent de la convention de Berne. Sans vouloir faire preuve d’emphase, le rôle régalien de l’État, c’est d’assurer la protection des biens et des personnes !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, je trouve assez décevante la manière dont vous avez conclu cet échange.

Je connais vos préoccupations, vous connaissez les miennes. Vous ne pouvez pas dire que rien n’est fait. Si la Suisse a quelque peu évolué sur la question, ce n’est que très récemment. Comme je vous l’ai indiqué, nous avons pris des contacts. Toutefois, je le répète, il n’y a ni en Italie ni en Espagne de volonté de renégocier la directive « habitats », même si nous continuons à y travailler.

Pour ma part, je ne fais pas d’idéologie, madame la sénatrice. C’est d'ailleurs moi qui ai introduit la possibilité pour les chasseurs de tirer sur le loup dans la négociation du plan loup.

suppression de la cour d'appel de nîmes

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 677, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, je regrette que l’emploi du temps de Mme Taubira, garde des sceaux, ne lui ait pas permis d’être présente ce matin pour répondre à cette importante question relative à l’avenir de la cour d’appel de Nîmes, mais je suis particulièrement heureux que le porte-parole du Gouvernement me réponde.

Je souhaite attirer l’attention de Mme la garde des sceaux au sujet d’un rapport qui lui a été remis le 16 décembre dernier par M. Didier Marshall, premier président de la cour d’appel de Montpellier, qui préconise, entre autres, une régionalisation des cours d’appel calquée sur les régions administratives – les régions administratives actuelles…

Ce rapport, commandé par la Chancellerie, est censé proposer différentes pistes sur l’avenir des juridictions au XXIe siècle.

L’application stricto sensu des critères de régionalisation tels qu’ils sont proposés, à savoir un rattachement des vingt-huit départements qui dépendent d’une cour d’appel située hors de leur région administrative à celle de leur région, conduira inévitablement à la suppression de plusieurs cours d’appel dont le ressort ne correspond pas à celui d’une région et, par voie de conséquence, à la disparition de la cour d’appel de Nîmes.

La cour d’appel de Nîmes figure pourtant dans le premier tiers des trente-deux cours du territoire : elle est onzième sur trente-deux en termes d’activité et d’efficacité, puisqu’elle ne traite annuellement pas moins de 6 185 affaires nouvelles en matière civile et 2 128 en matière pénale, et ce, dans des délais parmi les plus brefs.

La disparition de la cour d’appel de Nîmes, comme son démembrement, aurait des conséquences dramatiques, et pas seulement pour les professions judiciaires, l’université et les professions juridiques proches comme les notaires, les experts, les huissiers ou les commissaires aux comptes, dont les instances administratives sont calquées sur le ressort de la cour.

Cette disparition aurait aussi, et surtout, des conséquences dramatiques pour les justiciables, qui, compte tenu de l’éloignement, verraient le coût du procès se renchérir, notamment pour les plus démunis bénéficiant de l’aide juridictionnelle avec la désignation d’un avocat distant. Ce serait un très mauvais signal, alors même qu’il nous faut agir pour un rapprochement de la justice et de nos concitoyens.

Il ne faut pas négliger non plus les conséquences en termes économiques, puisque des centaines d’emplois publics, privés et libéraux seraient ainsi délocalisées ou supprimées.

C’est pourquoi, face à l’énorme émotion, bien légitime, suscitée par ce rapport dans le département du Gard et dans le ressort de la cour d’appel de Nîmes, je souhaiterais que vous puissiez nous rassurer, monsieur le ministre, et vous engager sur la pérennisation de cette juridiction.

Je rappelle que j’ai abordé cette question, à la fin du mois de février dernier, lors d’un débat sur l’organisation juridictionnelle, et que Mme Taubira m’a répondu d’une formule un peu vague : « La cour d’appel de Nîmes vivra ». Cette réponse n’a pas satisfait les membres des professions juridiques, ainsi que les populations de mon département et des départements concernés par la cour d’appel de Nîmes, à savoir la Lozère, l’Ardèche, le Vaucluse.

Une grande manifestation s’est ainsi tenue à Nîmes, le mardi 18 mars dernier. Le quotidien Midi Libre a alors titré : « Tous unis pour sauver la cour d’appel de Nîmes ». Je suis fière, madame la présidente, monsieur le ministre, de porter le badge qui était arboré par tous les manifestants ce jour-là (M. Simon Sutour montre un badge accroché au revers de sa veste.), sur lequel il est écrit : « Sauvons la cour d’appel de Nîmes ».

À la suite de cette manifestation, Mme la garde des sceaux m’a adressé un courrier comportant des précisions et qui semblait pérenniser cette juridiction. Toutefois, les professions juridiques, les avocats notamment, craignent que l’on ne maintienne la cour d’appel en la vidant de sa substance à travers ce que l’on appelle la « spécialisation », autrement dit qu’on la maintienne, mais sans chef de cour.

Quand il a reçu une délégation de parlementaires gardois, parmi lesquels figurait le président du conseil général, le directeur adjoint de cabinet de Mme la ministre nous a dit qu’il était tout à fait possible d’avoir une cour d’appel sans chef de cour. Toutefois, sans chef de cour, il n’y a plus de cour d’appel ! C’est ce risque que nous craignons, et c’est la raison pour laquelle j’insiste : je demande au Gouvernement une réponse claire, nette, précise et définitive.

À défaut, le combat continuera, car nous n’admettrons pas la suppression de la cour d’appel de Nîmes.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Cher Simon Sutour, votre question porte sur l’organisation de la justice. Je vous prie de bien vouloir excuser Mme la garde des sceaux, qui ne peut être présente aujourd’hui. Son cabinet et elle-même m’ont fourni des éléments de réponse.

J’ai bien compris les inquiétudes que vous avez exprimées très clairement. Vous l’avez rappelé, le 25 février dernier, à l’occasion d’un débat sur la justice de première instance, Mme Taubira vous avait donné une première réponse : la cour d’appel de Nîmes vivra.

Depuis son arrivée aux responsabilités, contrairement à ce qui s’était passé précédemment, la ministre de la justice a rouvert des juridictions : les tribunaux de grande instance de Tulle, Saint-Gaudens et Saumur seront rétablis en septembre prochain. Elle a également ouvert des chambres détachées là où le besoin s’en faisait sentir. Sa démarche s’inscrit donc dans une dynamique inverse de celle qui était mise en œuvre par le précédent gouvernement, dont nous nous souvenons tous qu’il avait décidé la fermeture de plusieurs juridictions.

C’est dans cette perspective qu’une réflexion sur l’organisation judiciaire de première instance a été engagée. Elle s’est poursuivie dans les juridictions après la tenue d’un débat national, les 10 et 11 janvier dernier, à la maison de l’UNESCO, à Paris.

Le ministère de la justice est dans l’attente de l’analyse de ces contributions. Toutes les juridictions ont répondu. Toutes les professions du droit ont été consultées et ont adressé de nombreuses contributions. Vous le voyez, il s’agit d’une consultation de très grande ampleur, réalisée sur l’ensemble du territoire national.

Mme Taubira donne donc rendez-vous très bientôt à la représentation nationale pour annoncer, comme elle s’y est engagée en janvier dernier, les premières mesures de la réforme judiciaire.

Je peux d’ores et déjà vous confirmer – c’est le message que l’on m’a chargé de vous transmettre – qu’aucun tribunal de grande instance, de même qu’aucune cour d’appel, ne sera supprimé.

La réforme judiciaire permettra à la justice d’être au plus près des besoins de droit, et je sais combien ils sont importants dans votre département.

Je mesure tout l’attachement que vous et vos concitoyens portez à la cour d’appel de Nîmes. En témoigne la création d’une association pour son maintien, dont vous portez aujourd’hui le badge, comme vous l’avez rappelé. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de l’attention portée par le Gouvernement à la situation de la région Languedoc-Roussillon et, plus particulièrement, à celle de ce beau département du Gard.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, porte-parole du Gouvernement, je vous remercie de votre réponse.

On ne supprimera pas de cour d’appel, j’en prends acte. Toutefois, ce que nous demandons – c’est sur ce point que nous attendons des engagements, et peut-être le texte annoncé par Mme la garde des sceaux nous donnera-t-il satisfaction –, c’est que l’on ne vide pas les cours d’appel de leur substance par le truchement de la spécialisation. C’est cela que j’évoquais dans ma question.

J’y insiste : c’est sur ce point que nous voulons des éléments de réponse concrets. J’espère que nous les aurons très prochainement. Cela dit, je vous remercie encore, monsieur le ministre, de votre réponse.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures cinq.)

dotation horaire globale du collège de bessan

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 726, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Robert Tropeano. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur les fortes menaces de baisse de la dotation globale horaire, ou DGH, du collège de Bessan, dans l’Hérault, pour la prochaine rentrée scolaire.

L’ensemble des membres de la communauté éducative, ainsi que les parents d’élèves, m’ont alerté, dès le mois de janvier dernier, sur cette question. À mon tour, j’avais aussitôt alerté le ministère de cette inquiétante situation.

En effet, la baisse envisagée serait de quarante-deux heures, notamment du fait de la suppression d’une classe de sixième. Or comment peut-on raisonnablement accueillir en classe de sixième tous les élèves du CM2 dans de bonnes conditions si le nombre d’élèves par classe excède trente enfants ?

Par ailleurs, je tiens à porter à votre connaissance que, dans ce collège, le nombre d’élèves en retard à l’entrée en sixième est globalement plus élevé que dans le reste du département. Ainsi, sur les cinq dernières années, ce taux était supérieur de 4 % à la moyenne départementale.

Si une telle décision devait être maintenue, cela aurait de très graves répercussions sur le fonctionnement et la qualité de l’enseignement dispensé dans ce collège.

Des heures en demi-groupes seraient supprimées, ce qui serait synonyme de pratiques pédagogiques moins diversifiées, alors que la population accueillie dans cet établissement se caractérise par une précarité avérée. Le taux de représentation des professions et catégories socioprofessionnelles – les PCS – défavorisées de ce collège est en effet supérieur de 7,4 % à celui du département, tandis que le taux de représentation des catégories socioprofessionnelles favorisées y est inférieur de 8,2 %.

Aussi, madame la secrétaire d’État, je souhaite que cette décision de baisse de dotation globale horaire soit annulée, afin que tous les élèves accueillis en classe de sixième dès la prochaine rentrée puissent bénéficier des meilleures conditions possible, leur garantissant ainsi de plus grandes chances de réussite scolaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger M. Benoit Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui vous en remercie et qui m’a demandé de vous transmettre ses excuses, puisqu’il ne peut être présent parmi nous ce matin.

Vous le savez, monsieur le sénateur, en supprimant 80 000 postes entre 2007 et 2012, l’ancienne majorité a affaibli notre école.

Pour rompre avec cette approche comptable et négative, nous avons engagé un vaste et ambitieux chantier, celui de la refondation de l’école de la République, lequel s’attache à promouvoir l’égalité des chances de tous les élèves sur l’ensemble du territoire.

Afin de mettre en œuvre cette politique, des moyens considérables seront mobilisés sur cinq ans, avec la création de 60 000 postes d’enseignants et de personnels éducatifs, médico-sociaux, administratifs et techniques, indispensables à la bonne marche de nos établissements. Après la création de 1 000 postes d’enseignants dans le cadre du plan d’urgence dès 2012 et de 6 770 emplois en 2013, cet effort va se poursuivre sur le reste du quinquennat.

S’agissant de l’académie de Montpellier, monsieur le sénateur, je souhaite vous apporter des éléments plus précis.

Pour la rentrée de 2014, dans le second degré, cette académie bénéficie de la création de 110 équivalents temps plein d’enseignants, afin de prendre en compte l’évolution des effectifs dans les collèges et lycées et d’accompagner les établissements qui cumulent le plus de difficultés sociales et scolaires.

Concernant le département de l’Hérault, 161 élèves supplémentaires sont attendus pour la rentrée prochaine, et le ministre de l’éducation nationale a souhaité que dix-huit emplois y soient attribués, afin d’améliorer le taux d’encadrement dans les classes. Je puis vous assurer que la méthode de répartition des postes nouveaux s’appuie sur une démarche transparente et juste, reposant sur des critères objectifs.

S’agissant plus particulièrement du collège de Bessan, dont vous vous préoccupez de manière légitime, les effectifs des classes de CM2 étant moindres cette année, ce collège devrait en conséquence perdre une classe de sixième à la prochaine rentrée, le nombre d’enfants inscrits étant en diminution.

Malgré cette suppression, le collège de Bessan devrait compter, l’année prochaine, une moyenne de vingt-cinq à vingt-six élèves par classe, ce qui permettra de préserver la qualité de l’enseignement. De plus, la proportion des élèves entrant en sixième issus de PCS défavorisées sera de 33,7 % à la prochaine rentrée.

Naturellement, ces éléments ont été expliqués aux membres de la délégation du collège Victor Hugo reçue le 25 février dernier à la direction académique des services de l’éducation nationale de l’Hérault.

Au-delà, sachez que les services académiques de Montpellier restent très attentifs à l’évolution des effectifs du collège Victor Hugo, comme de tous les collèges. En ce sens, en juin prochain, une analyse des affectations et des inscriptions dans les différents établissements du département sera effectuée pour apporter les ajustements qui seraient nécessaires.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, un effort particulier est fait pour votre département, dont le maillage scolaire reste important. Cet effort sera renforcé par la création d’un nouveau collège à Roujan, ce qui portera le nombre total de ces établissements à soixante-dix-sept.

La politique entreprise par le Gouvernement est de donner à la communauté éducative les justes moyens dont elle a besoin pour rétablir la promesse du pacte républicain : l’égalité des chances pour tous les élèves de France.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Vous avez souligné la forte évolution du nombre d’élèves dans le département de l’Hérault, où environ 1 500 nouveaux habitants viennent s’installer chaque mois. Cet accroissement de population peut poser problème, notamment dans les écoles, qui comptent toujours davantage d’élèves.

Il est vrai que le Gouvernement accomplit un effort important pour augmenter le nombre de professeurs et d’enseignants dans ce département, qui comptera, m’avez-vous dit, 161 élèves supplémentaires à la prochaine rentrée. Je souligne également l’annonce de la création d’un collège supplémentaire.

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie et ne manquerai pas de faire part de votre réponse aux parents d’élèves du collège de Bessan, ainsi qu’au principal et au maire de la commune concernée.

fonds marins de la zone économique exclusive de wallis-et-futuna

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 720, adressée à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

M. Robert Laufoaulu. Ma question porte sur l’exploration et l’exploitation future des fonds marins situés dans la zone économique exclusive de Wallis et Futuna.

Il y a trois mois, M. Arnaud Montebourg a annoncé la création d’une Compagnie nationale des mines de France. J’espère de tout cœur que cette idée inaboutie depuis vingt ans verra enfin le jour grâce au volontarisme que chacun reconnaît à votre ministre de tutelle, madame la secrétaire d'État.

Cette compagnie nationale permettrait en effet à la France de sécuriser ses approvisionnements en matières premières, notamment pour ce qui est des métaux rares et terres rares.

Comme l’a souligné l’ancien député de Saint-Pierre-et-Miquelon, Gérard Grignon, dans son rapport, l’accès à des richesses potentielles comme des hydrocarbures, des encroûtements cobaltifères, des nodules polymétalliques et des terres rares, matériaux indispensables aux industries de pointe, constitue un atout considérable pour notre pays s’il contribue à un nouveau modèle de développement durable, en particulier au profit des collectivités d’outre-mer.

À Wallis et Futuna, des campagnes d’exploration ont été menées depuis 2010 par l’Ifremer, le BRGM, Technip et Eramet. Il semble que ce qu’ils ont trouvé soit très prometteur.

Cependant, nous ne savons pas grand-chose, en particulier sur la suite. Par exemple, y aura-t-il une nouvelle campagne d’exploration ? Ce qui est passé sous silence ou peu transparent suscite toujours les craintes. Aujourd’hui, la population de Wallis-et-Futuna, ses élus et ses chefs coutumiers s’interrogent et s’inquiètent.

C’est pourquoi nous souhaitons être informés sur la nature des permis, sur l’identité des demandeurs, bref, sur ce qui se prépare et se fait.

Nous voulons être associés à la réflexion du Gouvernement. Nous voulons que notre environnement soit respecté, car nous sommes un peuple de l’océan, qui veut continuer à vivre en harmonie avec la nature. Néanmoins, cela ne veut nullement dire que nous refusons le développement technologique ; nous voulons également, en effet, être pleinement bénéficiaires des retombées économiques d’une future exploitation de nos eaux territoriales.

Une telle exploitation devra rapporter de l’argent au territoire, et non pas seulement à l’État. Dans la mesure où le Gouvernement nous demande de créer et développer nos ressources propres, cela me semble logique.

Cette exploitation à venir devra aussi créer des emplois locaux. Il serait inacceptable que des entreprises viennent se servir dans nos eaux territoriales sans créer des emplois pour nos populations.

C’est pourquoi j’espère que nous serons bien plus associés à l’avenir aux négociations menées par l’État, ainsi qu’à la rédaction du volet outre-mer du code minier. Je vous remercie par avance de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Arnaud Montebourg, qui m’a demandé de vous transmettre sa réponse aujourd’hui.

Le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique a plusieurs fois appelé de ses vœux, vous l’avez évoqué, un renouveau minier sur le territoire national. Il attache à ce titre une grande importance à la valorisation des ressources minières de nos fonds marins, notamment ceux de la zone économique exclusive de Wallis-et-Futuna.

Dans ce cadre, le respect de l’environnement et de la biodiversité, le respect des territoires et de leurs habitants, le sujet des retombées financières locales, ainsi que la création d’emplois locaux constituent évidemment des sujets de préoccupation majeurs.

Les campagnes d’exploration sur la mise en valeur des ressources naturelles des fonds marins que vous évoquez, qui ont été menées depuis 2010 dans la zone économique exclusive de Wallis-et-Futuna, avaient dans leurs objectifs l’étude et la prise en compte de l’environnement et de la biodiversité.

Afin d’évaluer plus précisément les impacts environnementaux des activités sous-marines d’exploration et d’exploitation, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a confié en 2012 à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, et au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, une expertise scientifique collégiale sur les impacts environnementaux de l’exploitation des ressources minérales non énergétiques marines profondes.

Son objet est de faire établir un état des lieux rigoureux et exhaustif des savoirs scientifiques sur le sujet, afin d’éclairer les politiques publiques et les acteurs concernés. L’expertise scientifique collective fera le point des connaissances scientifiques sur les écosystèmes concernés, les impacts potentiels de l’exploitation et les mesures de suivi de ces environnements et des impacts. Ses résultats sont attendus très bientôt, en l’occurrence pour la fin du premier semestre 2014.

Vous avez également évoqué la réforme en cours de notre code minier. L’objectif affirmé de cette réforme, qui sera portée par Arnaud Montebourg, est triple. Il s’agit tout d’abord de prévoir que la totalité des décisions minières ayant un impact sur l’environnement soient prises à l’issue d’une procédure d’évaluation environnementale et de participation du public. Il s’agit, ensuite, d’améliorer la prise en compte des spécificités ultra-marines. Enfin, cette réforme a aussi pour objectif de rénover la fiscalité minière.

Le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique maintiendra une vigilance particulière sur la prise en compte et le respect de ces objectifs dans le cadre de travaux d’exploration, et, je l’espère vivement, de futurs travaux d’exploitation des fonds marins de la zone économique exclusive de la France au large du territoire de Wallis-et-Futuna.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse sur deux aspects du problème : la sauvegarde de l’environnement et le code minier.

Je suis néanmoins insatisfait en ce qui concerne la question de la participation de la collectivité territoriale aux négociations, en cours ou futures, portant sur le développement des travaux d’exploration de la zone économique exclusive.

Je reste donc quelque peu sur ma faim sur ce point, mais j’espère que nous pourrons approfondir ce sujet dans les semaines à venir.

avenir du site d’emboutissage industriel de la souterraine (creuse)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 725, adressée à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Jean-Jacques Lozach. Ma question s’adressait initialement à M. Montebourg. Elle concerne très précisément l’avenir du site d’emboutissage d’industriel de La Souterraine, dans le département de la Creuse.

Je dois indiquer que, entre le moment où j’ai rédigé ma question et celui où je la pose, aujourd’hui donc, la situation de cette société a changé de manière considérable, dans un sens très préoccupant.

En effet, cette entreprise est entrée dans une phase de mise en redressement judiciaire, après avoir été reprise par un pseudo-fonds d’investissement, Transatlantic Industries, ou TAI. Cette situation suscite une très grande inquiétude sur la pérennité de ce site, partagée non seulement par les salariés concernés, mais aussi par les élus locaux et la population de tout un territoire, à cheval sur les départements de la Creuse et de la Haute-Vienne.

Néanmoins, la question que je poserai ce matin reprendra les mêmes termes que ceux qui ont été utilisés lors de son dépôt. Elle concerne l’avenir de l’entreprise Altia, située à La Souterraine. C’est une usine clef de la filière automobile française, engagée depuis un an dans un processus de vente. Les 331 salariés et les élus locaux étaient déjà, quand j’ai rédigé cette question, légitimement inquiets.

Deuxième employeur privé du département de la Creuse, ce site de production est de première importance non seulement pour son bassin de vie en particulier, mais pour le Limousin en général. Les salariés ont reçu l’assurance que l’État suit le dossier de reprise avec une particulière attention et avec la ferme volonté de l’inclure dans une stratégie industrielle offensive et déterminée, celle du redressement productif national.

Il y a un an, il était confirmé que le marché européen de l’automobile subissait une crise profonde, que la part des constructeurs, en particulier Renault et PSA, se réduisait brutalement, et que cette contraction du marché européen et des positions des constructeurs nationaux affectait l’ensemble de la filière automobile, notamment les équipementiers de rang 2.

Le Gouvernement s’était déjà mobilisé au travers du plan d’action pour l’automobile annoncé le 25 juillet 2012. Dans le prolongement de ce plan, le ministre avait souhaité que la filière se rassemble autour d’un « contrat de filière », reposant sur la responsabilisation de ses acteurs, afin de garantir la pérennité et la croissance de l’industrie et des services automobiles en France.

Il s’agissait également de définir une vision commune de son avenir, partagée avec les partenaires sociaux au sein du comité stratégique de filière. Face à l’accélération de la dégradation de la conjoncture et de la situation des entreprises, il était demandé que des mesures nouvelles soient préparées, notamment par un renforcement du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, le FMEA, en veillant à ce qu’il soit répondu aux besoins de liquidités et d’investissements des acteurs de ce secteur.

En Limousin, l’entreprise Altia est directement concernée par les enjeux de cette politique industrielle, son site de La Souterraine représentant des savoir-faire innovants et des emplois qualifiés de première importance.

Alors que nous sommes récemment entrés dans la phase de son redressement judiciaire, je vous demande, madame la secrétaire d’État, de faire le point sur le dossier de reprise, ainsi que sur les soutiens publics mobilisés, afin d’assurer la pérennité et le développement du site de La Souterraine et, donc, des emplois correspondants. Je vous demande également de faire un bilan de la mise en œuvre des engagements pris par les constructeurs et l’État, afin de soutenir l’activité et le développement du site concerné.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord d’excuser l’absence d’Arnaud Montebourg, qui est retenu ce matin. Il m’a chargée de répondre à vos interrogations sur la situation du groupe Altia, notamment en ce qui concerne le site de La Souterraine.

Faisant face à la situation particulièrement dégradée de sa branche Altia Stamping, le groupe Altia, sous-traitant automobile français, a cédé le 11 avril dernier plusieurs de ses sites industriels – Bessines, La Souterraine, Beaucourt, Pirey et Meaux – au fonds américain Transatlantic Industries, ou TAI.

Vous avez exprimé votre inquiétude et avez relayé celle des acteurs locaux. Le manque de clarté concernant, d’une part, le souhait du repreneur d’apporter les moyens nécessaires au fonctionnement de ces sites, et, d’autre part, le projet industriel qu’il envisageait d’y développer, a conduit à une forte inquiétude des salariés, mais aussi des clients, parmi lesquels les constructeurs automobiles français. Après plusieurs rencontres avec ces derniers et l’État, TAI a finalement demandé au tribunal de commerce de Paris la désignation, pour les sites de Bessines, La Souterraine et Beaucourt, d’un administrateur provisoire, qui envisagera probablement de déposer leurs bilans en vue de l’ouverture d’un redressement judiciaire.

Une telle décision place ces trois filiales sous la protection de la justice commerciale et permettra la prise en charge dans les meilleurs délais des salaires par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, c’est-à-dire par le régime de garantie des salaires. Ce dernier point répond à une demande forte exprimée par les salariés, dont il faut saluer le comportement extrêmement responsable.

Les deux autres sites repris, Meaux et Pirey, seront quant à eux suivis avec la plus grande attention par les services de l’État. Leur placement sous la protection du tribunal de commerce paraît la piste à privilégier à court terme. Les services d’Arnaud Montebourg appuieront pendant cette période les mandataires de justice désignés et apporteront, aux côtés des constructeurs automobiles, tout leur soutien à la recherche de solutions pérennes pour ces sites.

Les mandataires judiciaires, les organisations syndicales de chacun des cinq sites et les constructeurs Renault et PSA ont été reçus à Bercy le 29 avril dernier.

Ce dossier, d’une importance vitale pour votre territoire comme pour l’ensemble de la filière, est suivi avec la plus grande attention par les services du ministère de l’économie, du redressement productif et du numérique. Ses équipes vous tiendront évidemment informé des évolutions dans les prochaines semaines.

Monsieur le sénateur, vous évoquez des pistes pour réfléchir ensemble à l’avenir de cette filière. Vous le savez, le redressement productif est une priorité d’Arnaud Montebourg. Naturellement, il vous associera à ses réflexions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je vous sais gré notamment d’avoir salué le comportement responsable des salariés concernés.

Néanmoins, les difficultés demeurent. Cette entreprise devait être un bel exemple de consolidation de la sous-traitance automobile en France. Or elle risque de devenir une illustration malheureuse de la désindustrialisation dans les espaces ruraux de notre pays, en particulier dans la Creuse.

Je souhaite donc une mobilisation très forte de tous les acteurs concernés – l’État et ses organismes, ses bras armés Bpifrance ou le FMEA, les constructeurs, les investisseurs, les fournisseurs –, qui devront être aux côtés des salariés, afin que cette reprise se fasse dans les meilleures conditions .possible.

Je l’ai déjà indiqué, il s’agit d’une entreprise hautement symbolique pour la Creuse. Les salariés en ont assez d’être ballotés depuis plusieurs années, les promesses des uns, qui n’ont jamais été respectées, n’engendrant que la résignation des autres.

difficultés rencontrées par les copropriétaires en résidence de tourisme

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, auteur de la question n° 729, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

M. Georges Labazée. Ma question porte sur les difficultés rencontrées par de nombreux particuliers ayant fait l’acquisition d’un appartement au sein d’une résidence de tourisme. Depuis cinq ans, en effet, des faillites en cascade de résidences de tourisme ont asphyxié des milliers de petits épargnants copropriétaires.

Ces propriétaires ont souscrit un investissement locatif d’un produit dit « béton », présenté par de nombreux experts comme une valeur sûre, mais qui, dans bien des cas, se révèle un piège redoutable.

En achetant dans une résidence de tourisme classée, ou « RC », ils bénéficient d’une déduction de TVA sur le prix d’achat, voire d’une réduction d’impôt de 25 % supplémentaire si la résidence se trouve en zone de réhabilitation rurale.

Ensuite, en théorie, il n’y a plus rien à faire. Une société d’exploitation spécialisée se charge de commercialiser l’appartement. Elle leur verse un loyer fixe garanti par un bail commercial irrévocable de neuf ans au minimum. La rentabilité promise est attrayante : environ 4 % à 5 % par an. Les propriétaires ont en plus la possibilité d’occuper leur logement plusieurs semaines par an.

Toutefois, le rêve tourne bien souvent au cauchemar. Engagés dans un dispositif qui leur impose, sous peine de perdre leur avantage fiscal, la mise en gestion de leur appartement, les propriétaires n’ont souvent d’autre choix que de se plier aux desiderata de leur gestionnaire : loyers réduits, montants bien inférieurs à la valeur du marché ou jamais revalorisés, malgré l’augmentation des prix des loyers du secteur.

En plus de cette relation très déséquilibrée imposée par ces baux commerciaux, les gestionnaires sont très souvent les seuls bénéficiaires du système. Et beaucoup d’entre eux, peu scrupuleux, n’assurent pas la bonne gestion des locations, si bien que l’exploitation de nombreuses résidences de tourisme se trouve déficitaire.

Depuis 2007, de nombreuses sociétés d’exploitation ont ainsi été placées sous administration judiciaire, mettant généralement les propriétaires au pied du mur.

Aussi, soit les propriétaires acceptent de revoir les loyers à la baisse, soit le bail est rompu, avec, dans ce cas, le risque pour le propriétaire de perdre tous ses revenus et de devoir rembourser au fisc les 20 % de TVA sur le prix d’achat du bien. C’est une situation dramatique, d’autant que les personnes concernées ne disposent d’aucune possibilité de se retirer et revendre leur bien.

Madame la secrétaire d'État, vous connaissez sans doute l’origine de cette déroute. La crise du tourisme ne suffit pas à expliquer ces faillites en cascade. Il s’agit principalement d’un problème de surexploitation. La faute incombe partiellement aux promoteurs qui ont construit en dépit du bon sens, encouragés par des fiscalités avantageuses, et qui se livrent ainsi à une concurrence véritablement mortifère.

Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement entend prendre des dispositions afin d’assurer une protection réelle et efficace des bailleurs et mettre fin à ce déséquilibre engendré par des baux commerciaux mal adaptés, ainsi qu’aux pratiques abusives de certains gestionnaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Valérie Fourneyron, qui m’a demandé de vous transmettre sa réponse aujourd’hui et qui vous remercie de votre question, car vous soulevez un problème réel.

Les résidences de tourisme sont un des modes d’hébergement touristique plébiscité par les Français, notamment par les familles, qui représentent 50 % de leur clientèle.

Il existe en France plus de 2 200 résidences de ce type, qui, pour la grande majorité d’entre elles, fonctionnent correctement, à la plus grande satisfaction tant des particuliers ayant investi que des territoires ayant favorisé leur implantation et des gestionnaires assurant leur exploitation.

La défiscalisation, destinée à l’origine à encourager l’implantation de ces résidences dans des territoires qui présentaient un fort potentiel touristique, a cependant également facilité un certain nombre de projets sans lien avec les réalités économiques du secteur.

Conscient de cette situation, grâce en particulier à votre mobilisation, monsieur le sénateur, le Gouvernement a débuté à la fin de 2013 des travaux, afin d’identifier les améliorations à apporter à ce dispositif, notamment pour sécuriser les investisseurs particuliers.

Une réunion de travail organisée au cabinet de la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme le 27 mars dernier a permis d’identifier un ensemble d’informations qui, en complément de celles qui sont déjà rendues obligatoires par l’arrêté du 23 décembre 2009 fixant les critères relatifs aux documents de commercialisation, ont vocation à améliorer la capacité de l’investisseur particulier à évaluer l’offre qui lui est faite, notamment la soutenabilité des engagements de loyer de la part des gestionnaires.

Le Gouvernement souhaite également que soit réétudié le contexte du financement de l’investissement par emprunt, qui doit à tout le moins s’inscrire dans un cadre rendant plus visible pour le particulier les conséquences d’un défaut de loyer, trop souvent présenté comme garanti.

Le Gouvernement ne s’interdit pas non plus de renforcer les sanctions envers les promoteurs et les gestionnaires qui ne respecteraient pas leurs obligations d’information à l’égard des particuliers.

Enfin, dans le cadre de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, le Gouvernement a soutenu un amendement d’initiative parlementaire tendant à garantir aux copropriétaires la propriété des locaux dédiés aux services collectifs et à faciliter ainsi le changement de gestionnaire.

Le Gouvernement travaille en étroite relation avec tant le syndicat représentatif des gestionnaires que les associations représentant les copropriétaires, afin que ce dispositif, qui contribue à l’économie touristique française, puisse également être sécurisé.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Notre souhait est d’identifier clairement les sites concernés par de telles pratiques, disons, peu bienveillantes… D’ailleurs, cela pose problème, car il s’agit fréquemment de lieux touristiques, par exemple en montagne, et les établissements concernés sont pratiquement les seuls à accueillir des familles, souvent désemparées d’avoir investi dans des zones de faible niveau touristique.

Il est absolument indispensable de protéger ces bailleurs. Peut-être faudrait-il d’ailleurs reprendre le texte sur la consommation que Benoît Hamon a défendu devant le Parlement ; il y a là, me semble-t-il, des pistes pour rétablir les gens dans leur droit.

contrôle de la vente d’or en ligne

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 693, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Alain Gournac. Madame la secrétaire d'État, j’ai la preuve formelle que des ventes d’or s’effectuent dans notre pays sans contrôle de l’identité des vendeurs ou de la provenance du métal. Récemment, une amie qui s’était rendue dans une boutique des Yvelines pour faire réparer sa montre a vu des jeunes âgés de dix-neuf ans ou vingt ans arriver avec des chaînes en or manifestement arrachées – elles étaient cassées – et les faire peser dans la balance. Sur la devanture de la boutique, il était écrit « Achat d’or à très bon prix »…

J’en viens à ma question, qui concerne la vente d’or en ligne. Quand un particulier indique vouloir vendre, on lui adresse une enveloppe dans laquelle il met l’or. Puis il la renvoie, frais de poste payés, et le métal est pesé et vendu sur place. Où est le contrôle ? Comment savoir si la vente concerne les « bijoux de famille », ce qui est légal, ou des biens acquis de manière répréhensible ?

J’aimerais donc connaître le nombre de contrôles qui ont été effectués sur les ventes en ligne dans de telles échoppes – je n’appelle pas ça des « boutiques » –, le nombre d’acheteurs ayant subi un contrôle et le nombre d’infractions relevées dans ce cadre. Je voudrais aussi savoir si l’on a pu empêcher des réseaux de se mettre en place à la suite de ces contrôles. La vigilance est, me semble-t-il, de mise.

Aujourd'hui, il n’est plus possible de se promener dans la rue sans voir un panneau « Achat d’or » ! C’est un appel aux pratiques douteuses. Ainsi, une femme bien connue au Sénat a récemment été bousculée à la station Saint-Michel, près d’ici ; elle est tombée, et on lui a arraché son collier et son bracelet.

À mon sens, il faut prendre le sujet très au sérieux. J’écouterai donc la réponse du Gouvernement avec intérêt.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Alain Gournac, dans un contexte économique difficile, le volume des transactions portant sur le rachat par des professionnels d’objets en or détenus par des particuliers, et réalisées notamment sur internet, a connu une très forte augmentation ces dernières années.

Cette activité, dite « de rachat d’or », fait l’objet d’une attention toute particulière des pouvoirs publics, en termes tant de sécurité publique que de protection des intérêts économiques des consommateurs. Le problème que vous soulevez est bien réel.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, réalise des contrôles réguliers dans le secteur, en s’appuyant sur certaines dispositions du droit de la consommation qui sont applicables de manière générale à toute offre commerciale. L’arsenal juridique existe.

Ainsi, toute publicité relative à une offre de rachat d’or diffusée sur internet doit respecter les dispositions du code de la consommation prohibant les pratiques commerciales trompeuses.

Par exemple, le professionnel doit informer correctement le consommateur du prix de rachat pratiqué pour l’or, faute de quoi il pourra être rendu responsable d’une omission trompeuse. Les dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, notamment celles qui imposent à l’e-commerçant de fournir un certain nombre d’informations précontractuelles, sont opposables au professionnel réalisant des opérations de rachat d’or sur internet.

Vous avez demandé des chiffres. En 2012, une enquête nationale, réalisée en coopération avec d’autres services de l’État, tout particulièrement ceux des douanes, a permis de contrôler 463 établissements, dont nombre de sites en ligne. Le taux d’anomalie constaté est élevé : il s’établissait à 54,21 %, justifiant la délivrance de plus de 200 avertissements ou mesures d’injonction de mise en conformité et la transmission aux parquets compétents de près d’une quarantaine de procédures contentieuses.

Plusieurs publicités trompeuses diffusées sur des sites internet ont été constatées et poursuivies, les plus fréquentes consistant à proposer un rachat d’or ou de bijoux « en toute discrétion », ou cash, alors que ces modes de vente sont, pour les métaux précieux, interdits respectivement par le code général des impôts et par le code monétaire et financier. Ces contrôles se poursuivent aujourd’hui au niveau local à travers l’action de nombreux services déconcentrés de la DGCCRF.

Enfin, autre volet du dispositif légal, l’article 24 de la toute récente loi du 17 mars 2014 relative à la consommation renforce la protection des consommateurs en introduisant dans le code de la consommation des dispositions encadrant les conditions de formation et d’exécution des contrats de rachat d’or, quel que soit le mode de commercialisation utilisé, y compris le rachat en ligne, prévoyant un droit de rétractation et précisant les moyens de paiement autorisés dans le cadre du rachat d’or. Les sanctions pénales encourues en cas d’infraction à ces dispositions sont fixées à deux ans de prison et 150 000 euros d’amende.

« Le receleur vaut le voleur », dit le proverbe. C’est pourquoi le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faire valoir la loi, rien que la loi. Je rappelle d'ailleurs que l’article 321-1 du code pénal punit le recel de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Madame la secrétaire d'État, je suis satisfait que vous m’ayez communiqué ces chiffres – 463 établissements contrôlés, un taux d’anomalie constaté de 54,21 % et une quarantaine de procédures contentieuses engagées –, dont je n’avais pas connaissance.

Ceux qui veulent vendre de l’or, cela les regarde ; il n’est pas dans mon intention de demander leur surveillance. Pour ma part, je vise non pas les bijoutiers, mais les boutiques dont la seule activité consiste en l’achat d’or « en toute discrétion », comme c’est inscrit à leur fronton. Il faut absolument veiller à prévenir tout trafic, lequel se développe d’autant plus s’il est facile de revendre l’or. Dans le département des Yvelines, le nombre des cambriolages a augmenté de 23 % ! Et sachez que ce sont non pas les télévisions qui sont volées, mais les bijoux, et si possible les bijoux de valeur ou en or.

À moins qu’elle ne soit écoulée à l’étranger, il est rassurant de savoir que cette marchandise pourra être bloquée, comme vous nous l’avez expliqué, madame la secrétaire d'État.

Quand vous rentrez chez vous et constatez que tout est sens dessus dessous, quand vous vous retrouvez par terre, blessé après une agression, comme cette femme à la station de RER que j’ai évoquée à l’instant, cela fait des dégâts.

Cela dit, je le répète, je suis satisfait de la réponse que vous m’avez apportée, madame la secrétaire d'État.

baisse du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 736, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

M. Jacques Mézard. Ma question concerne les difficultés rencontrées par nombre d’intercommunalités face à la volatilité et à la baisse brutale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.

En 2010, la taxe professionnelle a été supprimée et remplacée par sept nouvelles ressources fiscales, au lieu d’une seule. On nous avait alors vanté les mérites de la CVAE, nous garantissant que nos ressources augmenteraient annuellement de près de 4 %.

La CVAE est due par les entreprises ou les personnes exerçant une activité professionnelle non salariée qui réalisent plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires. Elle revêt une importance considérable pour nos intercommunalités, car elle représente en moyenne 20 % de leurs recettes fiscales.

Selon les premières tendances pour 2014 fournies par la direction générale des finances publiques, la DGFiP, le produit de la CVAE subirait une baisse moyenne significative de 4,5 % par rapport à 2013. Selon les derniers chiffres communiqués, il apparaît que cette baisse se situerait entre 2,5 % et 3 %. Plus de la moitié des intercommunalités sont concernées par cette baisse et, pour près de 500 d’entre elles, celle-ci est supérieure à 10 %.

Au regard des fluctuations du produit de la CVAE, il nous paraît nécessaire d’améliorer les capacités d’anticipation, ainsi que les relations avec l’administration, qui oppose régulièrement à nos intercommunalités le secret fiscal.

En effet, la volatilité de la CVAE doit être rendue compatible avec la rigidité des charges imposées aux collectivités locales. Cela passe notamment par une meilleure mise à disposition des informations fournies aux collectivités – et cela ne vaut pas seulement pour la CVAE, monsieur le secrétaire d'État. Ces dernières sont actuellement maintenues dans l’ignorance de l’évolution de la situation de la CVAE au sein de leur territoire et, d’une manière générale, dans l’incapacité de vérifier la réalité et la loyauté de certaines déclarations fiscales économiques.

Aussi, la forte disparité existant entre les intercommunalités les expose à des situations inéquitables. Il n’existe pas de dispositif de compensation des pertes de la CVAE en tant que tel.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais obtenir des précisions sur ce que le Gouvernement envisage de faire pour permettre aux intercommunalités, qui connaissent déjà un contexte financier dégradé et contraint, d’avoir une réelle visibilité sur leurs recettes fiscales, ainsi que sur les moyens qu’entend utiliser le Gouvernement pour remédier aux effets pervers du système déclaratif de plusieurs de ces recettes fiscales qui leur sont affectées et sur lesquelles elles n’ont aucune lisibilité et n’exercent aucun contrôle.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur Mézard, afin d’apporter aux collectivités locales un élément d’information d’importance dans le cadre de la préparation de leur budget, les services de la DGFiP ont en effet communiqué, de façon anticipée, à partir de la fin du mois de novembre 2013, les montants estimatifs du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises appelé à être perçu en 2014.

Vous l’avez dit, les premières tendances laissaient apparaître une baisse de l’ordre de 4,5 % du produit attendu par les collectivités locales.

Comme vous le savez aussi, dans le cadre de l’opération de notification des bases prévisionnelles, les services de la DGFiP viennent de communiquer les montants définitifs du produit de la CVAE qui sera perçue en 2014 par les collectivités locales.

Au niveau national, grâce aux mesures de relance des entreprises et aux encaissements qui ont eu lieu entre le 30 septembre et la fin du mois de décembre 2013, le produit perçu globalement par les collectivités locales connaîtra finalement une diminution de 2,5 % entre 2013 et 2014. Toutefois, je me dois de vous le rappeler, ce produit avait progressé de 7,5 % entre 2012 et 2013.

Cette légère baisse du produit reversé aux collectivités locales est liée à plusieurs effets cumulés : tout d’abord, la faible progression de la valeur ajoutée imposable entre 2011 et 2012 ; ensuite, les modalités de recouvrement de la CVAE, qui reposent sur un dispositif d’acomptes et de solde ; enfin, les modalités de reversement du produit aux collectivités locales.

Sur une moyenne période, la CVAE demeure cependant une ressource dynamique en tendance : le produit qui sera perçu par les collectivités locales en 2014, et qui s’élève à 15,9 milliards d’euros, a ainsi progressé de 1,2 milliard d’euros entre 2011 et 2014, un rythme nettement supérieur à celui de l’inflation.

Les situations rencontrées par les collectivités locales sont, il est vrai, plus contrastées en raison des modalités de territorialisation de la CVAE et de l’hétérogénéité de l’évolution de la valeur ajoutée imposable d’un secteur d’activité économique à l’autre.

À cet égard, dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités locales, la question de la territorialisation de la CVAE fait actuellement l’objet d’une analyse approfondie par une mission conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’administration. Cette mission sera amenée à formuler des propositions d’ajustement appelées, le cas échéant, à être instruites dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2015.

Enfin, l’administration fiscale travaille en concertation avec les associations d’élus locaux, afin d’anticiper encore davantage la communication des informations aux collectivités locales et examiner dans quels cadres juridique et technique le champ des informations fiscales communicables pourrait encore être étendu.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre volonté de lever les soupçons qui seraient liés à des systèmes déclaratifs et entend bien mettre en œuvre l’ensemble des mesures de contrôle liées à la bonne déclaration et au paiement correct d’un impôt dont ce gouvernement ne peut être tenu pour responsable. En effet, il a été mis en place, vous l’avez pertinemment rappelé, lors d’une réforme que certains, dont je suis, considèrent comme ayant été quelque peu précipitée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, et surtout de votre conclusion. Nous sommes face à une réelle urgence. Les deux points sur lesquels vous avez insisté sont ceux qui nécessitent des réponses rapides.

D’une part, la territorialisation de la CVAE est une question extrêmement importante. Les ruptures, les inégalités entre les territoires sont aujourd’hui considérables. Face à cela, nos collectivités ne disposent d’aucun moyen d’action et de pratiquement aucune information. Certes, je sais bien que, quel que soit le gouvernement en place, la DGFiP a toujours raison, mais le résultat, aujourd’hui, ce sont ces inégalités considérables entre les territoires.

D’autre part, le problème de lisibilité est devenu extrêmement préoccupant pour nos collectivités. Ne pas savoir à quelle sauce elles seront mangées s’agissant de leurs recettes fiscales annuelles est d’autant plus difficile à accepter pour les collectivités que le gouvernement précédent et le gouvernement actuel ont réduit les dotations. Quand cette baisse se cumule, comme c’est le cas en 2014, avec une diminution des ressources fiscales, cela devient extrêmement difficile à gérer.

La réduction de 9 % de la dotation globale de fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale couplée à la diminution du produit de la CVAE donne lieu à des situations très difficiles.

Monsieur le secrétaire d'État, je n’ai rien contre les systèmes déclaratifs, à partir du moment où l’on dispose de moyens pour exercer des contrôles et à la condition que l’administration ne nous oppose pas le secret fiscal.

On voit bien là encore l’intérêt que les sénateurs soient en même temps des élus locaux : cela leur permet de porter ce type de problème devant la Haute Assemblée. (Sourires.)

logo « triman » et décret d'application

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Merceron, en remplacement de M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 738, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Jean-Claude Merceron. Je reprends bien volontiers la question que mon collègue Yves Détraigne, retenu chez lui dans la Marne, souhaitait poser à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Ancien président du syndicat départemental du traitement des déchets de la Vendée, cette question que je fais mienne concerne l’article 19 de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.

En effet, cet article a reporté au 1er janvier 2015 la mise en œuvre de la signalétique commune applicable aux produits recyclables soumis à un dispositif de responsabilité élargie des producteurs, à savoir l’apposition d’un logo de tri appelé « Triman », alors que ce processus aurait dû être mis en place dès 2012.

Après débats et suppression en commission des lois, les sénateurs ont, par la suite, adopté à l’unanimité un amendement tendant à rétablir l’obligation de ce dispositif à compter de 2015, tout en excluant les emballages ménagers en verre. Il semblerait que, aujourd’hui, le Gouvernement peine à publier le décret d’application de l’article 19.

Pourtant, lors des débats au Sénat, le Gouvernement, par la voix du ministre chargé des relations avec le Parlement, a bien soutenu ce dispositif. Il a ainsi indiqué que « Triman » correspondait à la nécessité de faire du recyclage une priorité et que ce dernier était, outre ses bénéfices environnementaux, créateur d’emplois pérennes et non délocalisables. Il a également précisé que les expérimentations en cours montraient qu’un tel affichage n’entraîne pas de surcoût, et correspond bien à la demande des consommateurs.

Le logo « Triman » doit permettre de simplifier le geste de tri et ainsi soutenir le développement des filières de l’économie circulaire.

Considérant qu’il est désormais impératif que le Gouvernement, en parfaite cohérence avec la position prise devant les sénateurs, aille au bout de cette démarche trop longtemps repoussée, je demande donc dans quels délais doit être attendue la publication du décret d’application.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. N’ayant pu se libérer ce matin, elle m’a chargé de vous transmettre sa réponse.

Le code de l’environnement prévoit que « tout produit recyclable soumis à un dispositif de responsabilité élargie des producteurs mis sur le marché à compter du 1er janvier 2015 fait l’objet d’une signalétique commune informant le consommateur que ce produit relève d’une consigne de tri ». Il s’agit, en clair, d’aboutir à l’apposition d’un pictogramme harmonisé, appelé le « Triman », sur tous les produits que les consommateurs sont invités à trier.

Comme vous l’indiquez, ce dispositif a été confirmé par la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Cette loi a par ailleurs exclu du dispositif les emballages ménagers en verre et précisé que la signalétique devait être déployée au 1er janvier 2015.

La mise en place de cette signalétique est une mesure structurante pour assurer notre transition vers l’économie circulaire, suivant les orientations de la Conférence environnementale de septembre 2013.

En effet, la France doit encore progresser pour atteindre les objectifs de recyclage des déchets : par exemple, sur les bouteilles et les flacons en plastique, le taux de recyclage n’était que de 46 % environ en 2011. Or le recyclage permet de réduire les quantités de déchets mis en décharge ou incinérés et de mettre en place des filières industrielles solides permettant de développer un tissu d’emplois pérennes et non délocalisables.

Concrètement, pour améliorer les performances en matière de recyclage, il est essentiel de simplifier le geste de tri pour tous les citoyens, en les renseignant sur les déchets qui ne doivent pas être jetés dans la poubelle des ordures ménagères.

En effet, les consommateurs qui veulent participer à l’effort collectif de tri – rappelons que le tri des déchets constitue le « geste environnemental préféré des Français » – sont souvent démunis pour savoir si tels ou tels déchets doivent être triés ou non. Une information claire et simple constitue une forte demande des consommateurs.

La signalétique commune de tri suscite des interrogations de la part des entreprises. Le Conseil de la simplification a proposé « d’établir des obligations de signalétique […] moins contraignantes ». Le Gouvernement continue donc son travail sur le projet de décret mettant en place les modalités pratiques de la signalétique commune, pour aboutir dans les meilleurs délais à une application simple et efficace de cette mesure, qui prenne en compte les contraintes des entreprises et ne remette aucunement en cause la compétitivité de ces dernières.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.

La simplification des procédures invite à prendre une décision claire, mais surtout rapide. J’insiste sur ce second aspect, car il faut évidemment éviter que chaque filière de produits recyclables ait son propre logo – c’est indispensable pour la bonne compréhension du grand public – et assurer ainsi une pleine réussite du dispositif.

De plus, ces mesures favoriseraient la création d’emplois pérennes, ce qui n’est pas négligeable actuellement.

Je souhaite insister sur le fait que le recyclage doit être pris en considération comme une priorité. C’est une demande des consommateurs, d’autant plus que les expérimentations ont confirmé l’absence de surcoût.

géothermie de minime importance

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 719, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Daniel Laurent. Ma question porte sur la multiplication des petits forages géothermiques et les contaminations potentielles des ressources en eau locales à partir de la surface, voire des possibles interconnexions de nappes de caractéristiques et de qualités différentes.

La géothermie est une filière d’avenir qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de la transition énergétique et de la création d’emplois. Il n’en demeure pas moins qu’il convient d’être vigilant quant aux incidences d’un développement incontrôlé de micro-projets de forages.

Les services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie travaillent actuellement à une simplification de la réglementation applicable à la géothermie de minime importance. Or il semblerait que les nouveaux textes ne tiennent pas suffisamment compte de l’impact sur les milieux aquatiques, en particulier les eaux souterraines.

Les mesures de simplification porteraient sur les forages de géothermie de 200 mètres de profondeur au maximum, permettant l’installation de pompes à chaleur en circuit ouvert, dans la limite de 500 kilowattheures, ou de sondes géothermiques en circuit fermé, dans la limite de 250 kilowattheures, chez les particuliers, pour les petits locaux professionnels, mais également dans les secteurs tertiaire ou résidentiel collectif.

Ces projets sont parfois portés par les aménageurs et remis aux propriétaires ou bailleurs, qui méconnaissent souvent les enjeux liés à de telles installations.

Les collectivités responsables de la production d’eau potable sont également concernées, car les nouveaux projets de textes en cours de discussion ne prévoient aucune possibilité de réglementer les forages de géothermie dans les périmètres éloignés de protection des captages, qui ne sont classés ni en « zone rouge » – zone où une autorisation est nécessaire – ni en « zone orange » – zone où il faut un avis d’expert.

De plus, la faisabilité de projets géothermiques doit être prise en compte bien au-delà de la présence de périmètres de protection rapprochée et éloignée. En effet, les forages profonds d’eau potable en nappe captive bénéficient d’une protection naturelle efficace et leur protection est très souvent résumée, comme la réglementation le prévoit, à des périmètres de protection immédiate et rapprochée confondus.

On peut légitimement craindre la réalisation de forages géothermiques privés mal isolés recoupant ces multicouches, définis comme stratégiques dans les schémas départementaux d’alimentation en eau potable. Il existe alors un fort potentiel de contamination de la nappe profonde de bonne qualité par une nappe superficielle de qualité médiocre.

De même, il existe un risque de multiplication de ce type de forages dans les périmètres de protection, sans possibilité de contrôle, de sérieux problèmes causés par des forages réalisés sans précaution ayant déjà été constatés.

Aussi, afin de répondre aux enjeux environnementaux et de protection des ressources en eau, ne serait-il pas envisageable de compléter les textes sur les points suivants, monsieur le secrétaire d’État ?

Concernant la cartographie nationale des zonages réglementaires relatifs à la géothermie de minime importante dont les principes sont définis par l’article 22-7 du projet de décret, les « zones rouges » devraient inclure l’ensemble des périmètres de protection des captages d’eau destinés à la production d’eau potable – périmètres immédiats, rapprochés et éloignés – et les zones identifiées dans le règlement d’un schéma d'aménagement et de gestion des eaux, un SAGE, comme étant soumises à des règles particulières d’utilisation de la géothermie.

Les « zones orange » devraient inclure les zones où il apparaît nécessaire d’assurer la protection quantitative et qualitative des aires d’alimentation des captages d’eau potable d’une importance particulière pour l’approvisionnement actuel ou futur.

Concernant les travaux de réalisation des forages géothermiques de minime importance, il s’agirait de compléter les prescriptions générales figurant dans l’annexe de l’arrêté, à savoir l’isolement obligatoire des masses d’eau traversées, la vérification obligatoire, pour tout type d’ouvrage de géothermie – circuits ouverts ou fermés –, en fin de travaux de forage, de l’étanchéité entre les différents aquifères traversés, par une diagraphie ou une autre technique équivalente, dont les conclusions seraient jointes au rapport de fin de travaux – le paragraphe 5-1-3 relatif au rapport de fin de travaux. À défaut de vérification ou lorsque l’étanchéité n’est pas démontrée, l’ouvrage ne pourrait être réceptionné.

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les réponses que vous êtes en mesure d’apporter à la présente question, qui est un peu longue, je le concède ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, la longueur de la question n’est pas un obstacle à sa pertinence ! Permettez-moi de vous transmettre la réponse de ma collègue Ségolène Royal, empêchée ce matin.

La géothermie de minime importance représente, dans le contexte prioritaire de la transition énergétique, un véritable potentiel de développement de source d’énergie et d’emplois. Énergie renouvelable et sans aucune émission de gaz à effet de serre, elle peut être mise en œuvre sur tout le territoire français et elle est économiquement accessible à tous – particuliers, entreprises, collectivités territoriales –, afin de chauffer des maisons individuelles, des lotissements ou des bâtiments collectifs.

Le projet de décret élaboré par le Gouvernement auquel vous faites référence vise à simplifier les procédures réglementaires applicables à la géothermie de minime importance dans des conditions pleinement compatibles avec la préservation de l’environnement, particulièrement celle de la ressource en eau.

Pour ce faire, toutes les entreprises de forage qui seront amenées à intervenir devront être qualifiées et mettre en œuvre des prescriptions techniques générales visant à imposer les règles de l’art lors de la réalisation des ouvrages géothermiques. En particulier, comme vous l’avez évoqué, monsieur le sénateur, la cimentation des ouvrages géothermiques qui permet d’assurer une isolation des nappes d’eau sera rendue obligatoire dans tous les cas.

L’implantation des ouvrages géothermiques sera limitée dans les périmètres de protection immédiats et rapprochés des captages d’eau potable et, en cas de défaut d’instauration de périmètres de protection – c’est malheureusement encore trop souvent le cas –, une distance minimale avec le captage devra être respectée.

Ce dispositif ne s’oppose pas aux contraintes posées par les SAGE et les schémas directeurs d’aménagement et de gestion de l’eau, les SDAGE, ni aux prescriptions applicables dans les périmètres de protection des captages d’alimentation en eau potable. Il vient au contraire les compléter.

Enfin, sur certaines zones plus sensibles, un avis sur le projet envisagé sera remis au maître d’ouvrage préalablement aux travaux par un organisme d’expertise qui dispose des compétences nécessaires en hydrogéologie. C’était également, me semble-t-il, l’un de vos souhaits, monsieur le sénateur.

Les mesures prévues promeuvent, dans le cadre du développement attendu de la filière, un renforcement des exigences techniques lors de la réalisation et de l’entretien des ouvrages géothermiques, ainsi qu’une montée en compétence des professionnels.

Le dispositif réglementaire envisagé a été largement concerté, aussi bien avec les professionnels qu’avec les ONG, notamment au sein du Comité national de la géothermie ou du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Ce dernier a donné un avis favorable au projet de décret, qui sera prochainement soumis à l’avis du Conseil d’État, en vue d’une prochaine adoption.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait pleinement. Vous l’avez dit, la géothermie de minime importance possède un vrai potentiel de développement. Il serait dommage de ne pas l’employer correctement.

Je vous sais gré du renforcement de ces exigences thermiques, dû à une réelle prise de conscience et à une collaboration étroite avec tous les intervenants.

trains express régionaux et désenclavement du haut jura

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 713, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Gérard Bailly. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les menaces pesant sur la ligne de train express régional du haut Jura, une infrastructure indispensable à la desserte et au désenclavement de ce territoire de montagne.

Cette ligne, créée il y a un siècle grâce à d’importants efforts – elle compte de nombreux tunnels et viaducs de grande qualité architecturale et patrimoniale – relie les gares de Champagnole, Saint-Laurent, Morez, Saint-Claude et Oyonnax, d’une part, aux autres villes du massif du Jura, vers La Cluse et Bourg-en-Bresse, et, de l’autre, à Paris, via Besançon et Dôle.

La fréquentation de cette ligne est certes faible : moins de dix trains y circulent chaque jour. Qui plus est, d’importants travaux sont nécessaires, comme le révèle une étude menée par Réseau ferré de France, RFF, en 2013.

Toutefois, les propositions actuelles de transfert sur route par autocar posent des problèmes de coûts économiques, environnementaux et même humains. Cette partie du massif du Jura est très enneigée en hiver : n’oublions pas que, par la route, il faut franchir le col de la Savine, qui culmine à 998 mètres et qui, bien souvent, est difficilement praticable.

Des travaux de sécurisation ont déjà été financés par le département dans le cadre d’un contrat de projet État-région, ou CPER, que j’ai moi-même cosigné en l’an 2000 en tant que président du conseil général.

Le comité de défense de cette ligne ferroviaire, qui s’est constitué, a interpellé tous les maires des villes et des villages répartis le long de cette dernière. Ses membres demandent à RFF de s’engager à fournir des investissements à même d’assurer le bon fonctionnement de la ligne.

Ils souhaitent voir mobiliser des dotations de l’État et de la région à la hauteur des besoins des populations, afin de prévenir toute rupture d’égalité.

Ils demandent au surplus à la SNCF de maintenir des personnels dans les gares. Outre la vente des billets, ces agents assument des missions de renseignements. Ils indiquent par exemple les horaires des trains. Qui plus est, ils assurent la sécurité, voire le déneigement des quais. Je le répète, les hivers sont rudes dans le haut Jura !

Enfin, le comité de défense rappelle la nécessité de maintenir vers Dôle, Dijon et Besançon des TER directs, adaptés aux horaires cadencés des correspondances existant à Mouchard, par exemple pour rallier Paris par le TGV.

Monsieur le secrétaire d’État, le département du Jura a déjà été mis à l’écart de la nouvelle ligne TGV Rhin-Rhône, qui relie Mulhouse à Dijon. L’ancienne ligne, qui passait par Dôle, a été fermée. Nous avons également eu la déception de voir le projet de branche sud du TGV Rhin-Rhône effacé du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT au printemps 2013.

Nous ne saurions donc voir à présent disparaître la ligne du haut Jura. J’ajoute que cette voie ferrée est très utilisée par les collégiens et étudiants pour rejoindre les facultés de Besançon, de Dijon ou de Lyon, ainsi que par les touristes qui rejoignent notre territoire.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut prendre en compte les difficultés propres aux territoires de montagne. Je me permets d’insister : envisage-t-on de mobiliser les crédits nécessaires aux travaux que je viens d’évoquer, au titre du prochain CPER ? Il ne faudrait pas enclaver davantage encore le haut Jura, qui est déjà particulièrement isolé !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Frédéric Cuvillier, qui assiste ce matin aux célébrations organisées pour les vingt ans du tunnel sous la Manche.

Le Gouvernement entend les préoccupations que vous exprimez quant à la pérennité de la ligne ferroviaire entre Andelot-en-Montagne et La Cluse.

Le degré général de vieillissement des infrastructures, qu’il s’agisse des voies ou des ouvrages d’art, nécessiterait des travaux de renouvellement pour que l’exploitation soit pérennisée sur l’ensemble de cette section de chemin de fer.

Vous le savez, l’infrastructure ferroviaire nationale a souffert, depuis de nombreuses années, de sous-investissements chroniques. À cet égard, Frédéric Cuvillier a lancé deux chantiers.

Tout d’abord, il a engagé un grand plan de modernisation du réseau, le GPMR, qui doit être décliné territorialement en partenariat avec les collectivités territoriales. Il s’agit de poursuivre l’indispensable effort de renouvellement et de modernisation du réseau ferroviaire à l’aide d’une enveloppe d’au moins 2,5 milliards d’euros chaque année. Compte tenu des besoins existants, cette action devra être concentrée sur les lignes les plus fréquentées et les nœuds ferroviaires les plus empruntés.

Ensuite, M. Cuvillier a entrepris d’agir au titre du volet « mobilité multimodale » des prochains contrats de projet État-région qui, vous l’avez rappelé, sont actuellement en cours d’élaboration. Ce travail doit être mené de concert avec les collectivités, pour définir les opérations de modernisation prioritaires. C’est dans ce cadre que doit être envisagée la remise à niveau de la ligne Andelot-La Cluse. Le gestionnaire et l’État ne seront pas en capacité d’investir seuls. Une participation importante est donc attendue de la part des collectivités territoriales.

Réseau ferré de France assure d’ores et déjà l’entretien de la ligne. Il consacre en moyenne 2,5 millions d’euros par an à la portion franc-comtoise de celle-ci. Des travaux plus importants y sont, de surcroît, réalisés à l’occasion de coupures triennales. La prochaine phase de ce programme est fixée à l’été 2015. Elle permettra de mener pour 1,5 million d’euros de travaux au titre de la voie et des ouvrages d’art.

Quant aux conditions d’exploitation des services ferroviaires, notamment la mise en circulation de TER directs vers Dôle, Dijon et Besançon, elles relèvent de la compétence de la région, dans le cadre des conventions TER conclues avec la SNCF. L’État ne peut pas influer sur les choix des autorités organisatrices régionales. Cependant, il fait pleinement confiance à ces dernières pour prendre les décisions répondant au mieux aux besoins de mobilité des habitants. M. Cuvillier sait qu’elles sont soucieuses d’articuler au mieux, avec la SNCF, les services TER et TGV.

Il en va de même de la question des personnels des gares. Il convient à ce propos de remarquer que les modes d’achat auxquels les voyageurs ont recours ont évolué sous l’effet des nouvelles technologies. Il est normal que l’organisation du service soit adaptée, en lien avec les régions, afin d’offrir une réponse efficace et adaptée aux besoins des usagers.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui porte sur les transports ferroviaires dans leur ensemble et, plus précisément, sur la ligne du Jura qui nous préoccupe.

Le bassin du haut Jura est un secteur très industriel. La jeunesse y est bien présente ; les entreprises, sur place, ont besoin de jeunes qualifiés. Or les formations nécessaires ne sont proposées que dans les grandes villes que je viens de citer. À l’heure où l’on parle de développement durable, il est capital que nos jeunes ne soient pas contraints d’utiliser leur seule voiture, quand seulement ils en possèdent une, pour aller étudier.

Eu égard à l’expérience des précédents CPER, je souhaite que l’État se montre attentif à la demande qui doit être formulée par le conseil régional, avec l’appui du conseil général du Jura, en vue de fédérer tous les efforts : cette ligne doit perdurer ! Elle est indispensable à notre territoire, qui s’étend de Besançon à Oyonnax, ville du département de l’Ain, dans la région Rhône-Alpes, et comprend l’ensemble du Jura.

En posant cette question orale, je tenais à alerter à la fois l’État, la SNCF et RFF sur cet enjeu. Cette belle ligne est baptisée « la ligne des hirondelles ». Or, si l’on en croit les titres des journaux (M. Gérard Bailly brandit un article de presse.), « la ligne des hirondelles a du plomb dans l’aile » ! Voilà pourquoi je lance cet appel au secours.

Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.

Je veux faire état ici d’un événement extrêmement grave survenu voilà quelques jours au Nigéria : l’enlèvement de plus de 200 jeunes filles de quinze à dix-huit ans. Le groupe terroriste qui a revendiqué ce kidnapping a déclaré que les jeunes filles n’avaient pas le droit d’étudier et annoncé qu’il allait vendre celles qu’il retenait au marché aux esclaves !

Il se trouve que, hier soir, le Sénat a ratifié à l’unanimité la convention d’Istanbul, laquelle a pour objet de donner un cadre européen à la lutte contre ce fléau que constituent les violences faites aux femmes.

Face à une telle horreur, nous ne pouvons qu’être sidérés et révoltés. Comment réagir autrement lorsque, en 2014, on apprend de pareilles nouvelles ?

M. Charles Revet. C’est vrai, il y a vraiment de quoi être scandalisé !

Mme Laurence Cohen. Serions-nous revenus à des temps qu’on croyait révolus, ceux de la barbarie ?

J’invite le Sénat tout entier à se mobiliser. En effet, et je pense que nous serons unanimes sur ce point, nous devons tous, hommes et femmes, en tant que parlementaires, réagir et former une chaîne humaine de solidarité pour exprimer notre indignation.

J’en appelle à M. le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, pour que, sur son initiative, une délégation se rende à l’ambassade du Nigéria afin de condamner ces actes avec la plus grande fermeté. La Haute Assemblée doit, à cet égard, donner l’exemple, afin que la France réagisse à son tour et que tous les moyens soient mis en œuvre, tant au niveau national que sur le plan international, pour que ces jeunes filles recouvrent la liberté et retrouvent le chemin de leur foyer.

Une telle réaction sera à l’honneur des parlementaires que nous sommes. (Applaudissements.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue. M. le président du Sénat en sera évidemment informé.

La parole est à M. Éric Doligé, pour un rappel au règlement.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, je m’associe bien entendu totalement au rappel au règlement de Mme Cohen. Je pense que tous nos collègues ici présents se joignent à elle pour appuyer sa demande.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Éric Doligé. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article de notre règlement relatif à l’organisation de nos travaux et fait suite à l’intervention du Président de la République, ce matin, sur une station de radio.

Au cours cette intervention, le Président de la République a évoqué la date des prochaines élections régionales et cantonales. Le Sénat étant l’assemblée qui représente les collectivités, cette nouvelle ne peut pas être ici passée sous silence.

Qui plus est, sur ce sujet, nous voyons défiler un certain nombre de textes qui se contredisent les uns les autres – pas moins de quatre en deux ans ! –, ce qui n’est pas sans poser problème. M. le ministre du travail, qui a siégé dans cette assemblée et y a exercé certaines responsabilités, s’interroge sans doute, lui aussi, sur l’impact que peuvent avoir des changements incessants quant aux dates de ces élections.

Je rappelle que le Président de la République a déclaré ce matin souhaiter « que nous puissions, pour les élections régionales et cantonales à venir, avoir un nouveau découpage pour les régions », ajoutant, en ce qui concerne la date des élections : « Si c’est en 2016, cela permettrait d’avoir le temps. »

M. Jean Desessard. Et c’est vrai !

M. Éric Doligé. Il évoque « douze ou onze régions » et indique : « Pour les départements, je pense que les conseils généraux ont vécu. » Sous-entendu : il est probable que la suppression des conseils généraux interviendra en 2016, soit encore plus tôt que prévu...

Mais je rappelle aussi que, voilà tout juste huit jours, le 29 avril, ici même, le Premier ministre affirmait avec beaucoup de conviction que les élections régionales et cantonales auraient bien lieu au mois de mars 2015.

M. Charles Revet. Oui, c’est contradictoire !

M. Éric Doligé. Le Premier ministre nous disait en substance : ne vous inquiétez pas, on maintiendra la date des élections, on ne la changera pas…

Du reste, le 8 avril, dans son discours de politique générale, lorsqu’il a annoncé la suppression des conseils généraux à l’horizon de 2021, le Premier ministre n’avait pas dit autre chose.

Je pourrais faire de nombreux rappels de cette sorte, mais la journée n’y suffirait pas ! Je veux toutefois encore mentionner les déclarations importantes du Président de la République, lors de sa conférence de presse du 14 janvier dernier, et celles de Mme Lebranchu à Tulle, lors de ses vœux aux collectivités. Tous deux ont redit que les départements constituaient un élément essentiel du fonctionnement de nos institutions et qu’ils étaient incontournables.

Ce matin, selon le Bulletin quotidien, « le Président de la République, M. François Hollande, serait très réservé sur un tel report » à 2016, que réclament Alain Rousset et Didier Guillaume.

Toutes ces déclarations ne sont pas sans soulever un certain nombre de questions, d’autant que, dans quelques jours, le projet de loi sur l’organisation des territoires doit être présenté en conseil des ministres, avant d’être examiné en commission par le Sénat et inscrit à l’ordre du jour de nos travaux.

Avec ce texte est annoncée la disparition de la compétence générale, alors même qu’elle venait juste d’être instituée à nouveau ! Or il apparaît que, finalement, tout le monde la conservera ! Ainsi, les départements vont être invités à confier à la région le transport scolaire, mais, quelques lignes plus loin, il est prévu que la région pourra déléguer cette compétence aux départements !

On le voit, rien ne bouge en ce bas monde, en tout cas pour ce qui est de la clause de compétence générale !

Monsieur le président, je vous remercie de transmettre à M. le président du Sénat notre souhait de voir le Premier ministre venir à nouveau devant nous pour prononcer un discours de politique d’organisation territoriale, de manière que nous puissions essayer de comprendre ce qui va se passer. Peut-on véritablement croire que, dans les semaines qui viennent, c'est-à-dire dans un délai extrêmement court, nous serons en mesure de répondre à toutes les questions qui nous seront posées ? Je pense à ce nouveau projet de loi, aux nouvelles compétences qui seront dévolues aux collectivités – communautés de communes, départements, régions –, avec tous les problèmes que cela entraînera nécessairement.

Il relève de la responsabilité du Premier ministre de nous expliquer comment il pense organiser les collectivités territoriales. C’est d’autant plus important que, même si nous n’avons jamais parlé de cet aspect du problème, les départements délèguent des grands électeurs pour les élections sénatoriales.

M. Éric Doligé. Il serait tout de même intéressant de savoir si l’on supprime le Sénat… (Exclamations amusées.) Pardonnez-moi ce lapsus ! Mais après tout, c’est peut-être la prochaine étape, mes chers collègues… (Sourires.)

Je reprends : il serait intéressant de savoir si l’on supprime les départements avant 2016, car cela aura une incidence sur les élections sénatoriales de 2017. Comment fera-t-on alors ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, monsieur Doligé.

M. Charles Revet. Peut-être le ministre veut-il répondre…

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Je vais m’en tenir à mon département ministériel, si vous le permettez ! (Sourires.)

M. Charles Revet. C’est plus prudent ! (Nouveaux sourires.)

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Discussion générale (suite)

Lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale (proposition n° 397, texte de la commission n° 488, rapport n° 487).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes aujourd’hui appelés à examiner une très intéressante proposition de loi, déposée par le député Gilles Savary : elle vise à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance internationale.

Il s’agit là d’un sujet qui revient souvent, car nous partageons tous un même but : lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.

Le détachement de travailleurs étrangers n’est pas un fait nouveau, mais il se développe. En 2012, 170 000 salariés étrangers ont été détachés en France et, même si nous ne disposons pas encore des chiffres définitifs, on peut estimer que leur nombre aura été de 220 000 en 2013, soit une hausse importante, de l’ordre de 10 %. Bien entendu, il faut le souligner, un grand nombre de nos compatriotes bénéficient eux-mêmes d’un détachement : 140 000 Français sont détachés à l’étranger par des entreprises françaises. La France occupe ainsi le troisième rang en Europe quant à la mise en œuvre de cette possibilité.

Il convient de le souligner, le principe du détachement des travailleurs n’est pas en cause. Ce qui l’est, ce sont les montages frauduleux et les abus qui peuvent l’entourer et qui, malheureusement, sont de plus en plus fréquents.

La directive européenne Détachement de 1996 avait posé un cadre pertinent : aucun employeur établi hors d’un territoire ne peut détacher un salarié sans être soumis au respect des règles sociales de l’État d’accueil. Toutefois, force est de constater que cette directive est désormais contournée, sans possibilité réelle de sanction.

Ces situations ne sont l’apanage ni des villes ni des campagnes, pas plus que des chantiers de BTP ou des exploitations agricoles ; c’est un sujet qui concerne toute la société française, et même toute l’Europe.

Pour le Gouvernement, comme pour le Sénat, j’en suis sûr, le choix est clair : construire l’Europe, ce n’est pas laisser faire. Nous nous devons donc de refuser la concurrence par le moins-disant social.

C’est tout l’intérêt de cette proposition de loi. Elle protège les entreprises qui payent leurs cotisations sociales en France et respectent le droit. Elle protège les travailleurs installés en France d’une concurrence aussi inégale qu’injuste. Elle protège aussi les travailleurs détachés qui, loin d’être coupables, sont les victimes de certaines pratiques inacceptables.

C’est l’honneur de notre pays que de protéger et de respecter ceux qui travaillent sur notre sol. La loi française doit s’appliquer de la même manière à tous les travailleurs, détachés ou non. Or il est illégal, en France, par exemple, de faire travailler des salariés 45 heures par semaine pour 3 euros de l’heure, ou moins, de faire dormir des gens dans des hangars, de les priver d’accès aux soins.

Ces dénis ou, à tout le moins, ces contournements de notre droit provoquent la concurrence déloyale que dénoncent d’une même voix organisations syndicales et patronales et qui engendre, ici ou là, il faut bien le reconnaître, racisme et xénophobie.

En 2012, la Commission européenne a proposé un texte que je qualifierai de faible, car il ne permet pas de demander au donneur d’ordre, le vrai responsable, de rendre des comptes. La France l’a refusé le 25 octobre dernier, faisant ainsi échouer un mauvais compromis – comme quoi, c’est possible ! – et se donnant deux mois pour convaincre ses partenaires européens. C’est tout à l’honneur de notre pays.

Avec l’Allemagne, mais aussi la Roumanie et la Bulgarie, deux pays qui savent fort bien ce que signifie l’exploitation de leurs travailleurs, nous sommes parvenus, le 9 décembre 2013, à arracher, cette fois, un compromis que l’on peut considérer comme bon.

Il comporte en effet, incontestablement, deux avancées majeures.

Il prévoit, premièrement, que la liste des documents exigibles auprès des entreprises en cas de contrôle doit être une liste ouverte. La France fixera la liste des documents exigibles pour tous les travailleurs détachés dans notre pays. La directive imposera aussi des règles dans les pays qui en sont aujourd’hui dépourvus.

Il prévoit, deuxièmement, que les entreprises donneuses d’ordres du secteur du bâtiment et des travaux publics doivent impérativement être responsabilisées vis-à-vis de leurs sous-traitants, et cela dans tous les États, sous la forme d’une responsabilité solidaire ou d’un mécanisme de sanctions équivalentes. Les responsables des fédérations du BTP, que j’ai rencontrés, souhaitaient une telle évolution.

En clair, cela signifie qu’il sera désormais possible d’établir une chaîne de responsabilités pour lutter contre les montages frauduleux, dont le seul but est de contourner les textes. La page de la directive Bolkestein, qui aura fait beaucoup jaser, est donc bel et bien tournée. Il n’y aura plus ni dumping ni exploitation !

Au moment où les élections européennes approchent, je tiens à souligner que le Parlement européen a, le 16 avril dernier, voté la nouvelle directive ; on en entend dire tellement de mal qu’il est bon aussi de rappeler les choses positives qu’il accomplit, même si cela s’est fait, en l’occurrence, sous la pression de notre pays.

La proposition de loi de Gilles Savary anticipe la mise en œuvre de cette nouvelle de cette nouvelle directive et en renforce même le dispositif. Elle ne limite pas son champ d’action au seul secteur du bâtiment. Elle élargit la chaîne de responsabilités à l’ensemble des donneurs d’ordre, des maîtres d’ouvrage, mais aussi des entreprises de travail temporaire ou des entreprises qui sous-traitent, et garantit ainsi aux salariés détachés la possibilité de faire valoir leurs droits. Elle confère en outre aux organisations syndicales la possibilité d’agir au nom d’un salarié lorsque celui-ci, par exemple, n’est plus présent sur le territoire, ce qui est bien souvent le cas.

La commission que vous présidez, madame David, a accompli, sous l’égide de Mme Emery-Dumas, un important travail de simplification de la proposition de loi, travail je voudrais ici remercier tous les membres de la commission des affaires sociales. Il est important d’aller vers des textes simples, efficaces, précis, qui puissent réellement s’appliquer.

M. Charles Revet. Il y a du travail à faire !

M. François Rebsamen, ministre. Les propositions de la commission permettent de renforcer la portée du texte, en articulant les mesures qu’il contient autour de deux axes.

C’est, premièrement, la création d’une sanction administrative pour non-respect de l’obligation de déclaration de l’entreprise, mais aussi l’indispensable obligation de vigilance du donneur d’ordre, qui doit être lui-même responsabilisé et vérifier que l’entreprise à laquelle il fait appel est en règle.

C’est, deuxièmement, le recentrage de la solidarité financière en cas de non-respect de son obligation de diligence pour non-paiement des salariés par leur employeur, ou pour hébergement dans des conditions particulièrement indignes, ce qui arrive malheureusement encore trop souvent.

Les donneurs d’ordre qui, en France, ne se seront pas assurés du respect de ces obligations par leur prestataire seront également passibles de sanctions.

Parallèlement, la responsabilité solidaire du donneur d’ordre a été recentrée sur le paiement par l’entreprise de salaires inférieurs aux minima conventionnels ou légaux et/ou sur la prise en charge du relogement collectif des salariés. J’ai vu toutefois que des amendements avaient été déposés sur ce thème.

L’action, mesdames, messieurs les sénateurs, ne s’arrête pas là. Le plan national de lutte contre le travail illégal apporte des outils supplémentaires, comme la réforme de l’inspection du travail, qui crée des unités pluridisciplinaires et spécialisées, lesquelles sont indispensables. Les URSSAF, les forces de l’ordre et/ou les services fiscaux, de même que les services douaniers le cas échéant, sont également impliqués dans cette lutte, avec la volonté d’une plus grande cohérence de l’action collective.

Telles sont les orientations que nous avons retenues en France. Dans d’autres pays, la police effectue un contrôle systématique dès l’ouverture d’un chantier, pour vérifier la réalité des entreprises concernées et s’assurer de la légalité des conditions d’emploi des salariés. Nous n’en sommes pas là, mais nous mettons en place des dispositifs efficaces de vérification.

Sans harmonisation des conditions sociales en Europe, la liberté de circulation des hommes et des femmes comme des marchandises et des services finira, rongée par le dumping, par devenir caduque !

Le Gouvernement apporte donc son soutien plein et entier à cette proposition de loi, afin de mieux combattre les abus, en dissuadant de les commettre et, éventuellement, en les sanctionnant.

À la veille des élections européennes, ce texte montre quelle Europe nous voulons, nous, la gauche. Nous voulons une Europe solidaire, une Europe des échanges, du partage, de la libre circulation, mais aussi, comme je l’ai indiqué hier à mon homologue britannique, une Europe respectueuse des règles, faute de quoi le vivre ensemble des nations au sein du concert européen deviendra impossible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été adoptée le 25 février dernier par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée. Rebaptisée la semaine dernière en commission, elle vise désormais à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.

Ce sujet n’est pas inconnu de notre assemblée puisque, le 16 octobre dernier, celle-ci a adopté en séance publique – et à l’unanimité des présents – à l’issue d’un débat de qualité, une résolution sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs.

Cette résolution apportait le soutien du Sénat au gouvernement français, engagé alors dans une négociation difficile avec nos partenaires européens au sujet de la directive d’exécution de la directive 96/71 concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services.

Je voudrais, à cette occasion, saluer le travail remarquable de la commission des affaires européennes du Sénat, et plus particulièrement de son rapporteur Éric Bocquet, dont le rapport d’information du 18 avril 2013 a permis de poser les jalons de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Ce travail précurseur a ensuite été repris et approfondi par nos collègues députés, à travers le rapport d’information du 29 mai 2013 de Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron, également assorti d’une proposition de résolution européenne, qui a été adoptée définitivement le 11 juillet dernier.

Compte tenu de l’ampleur du travail parlementaire sur cette question et des rappels auxquels vient de se livrer M. le ministre, je me contenterai, mes chers collègues, d’évoquer rapidement les enjeux économiques, sociaux et humains que représentent les abus et les fraudes au détachement.

Lié à la libre prestation de services, inscrite au cœur de la construction européenne, le détachement de travailleurs connaît une progression exponentielle. Selon la direction générale du travail –DGT –, 210 000 salariés ont été détachés en 2013 en France, ce qui représente, compte tenu d’une durée moyenne de prestation de 44 jours, 33 000 équivalents temps plein sur l’année. Le nombre de salariés détachés a ainsi été multiplié par 28 en treize ans.

En plus de ces travailleurs déclarés auprès de l’inspection du travail, il faut compter tous ceux qui ne le sont pas. Même si la DGT a, depuis, abandonné son estimation, elle a considéré en 2009 et en 2010 qu’un salarié détaché sur deux à un salarié sur trois n’était pas déclaré.

On distingue schématiquement deux catégories de fraudes et d’abus.

La première catégorie regroupe les fraudes et abus spécifiques à la réglementation du détachement. Comme vous le savez, les règles du détachement s’appliquent aux personnes qui exécutent leur travail, pendant une période limitée, sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel elles travaillent habituellement. Or le prestataire étranger n’est parfois qu’une coquille vide, sans activité stable, continue et permanente dans l’État d’origine, ce qui constitue un contournement du détachement. Par ailleurs, les salariés sont parfois recrutés exclusivement pour la durée du détachement. Surtout, les droits garantis par ce qu’on appelle le « noyau dur » ne sont pas toujours respectés, par exemple en matière de paiement du salaire minimum en vigueur dans le pays d’accueil, de conditions d’hygiène et de sécurité, de repos et de congés.

Même s’il faut éviter tout amalgame entre détachement de travailleurs et travail illégal, force est de constater que l’absence de déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail s’accompagne souvent d’un délit de travail dissimulé.

Les délits de marchandage et de prêt de main-d’œuvre illicites sont, quant à eux, moins fréquents, mais non moins graves. Cette seconde catégorie de fraudes est difficile à déceler, car les montages juridiques sont souvent complexes et concernent plusieurs pays, dont parfois des pays tiers.

Il y a donc urgence à agir, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour protéger les droits des travailleurs détachés tout d’abord, qui sont souvent démunis, en position de faiblesse et, disons le mot, « exploités », mais aussi pour mettre fin au développement d’une concurrence déloyale à l’égard des entreprises françaises qui respectent la loi. Il s’agit aussi, plus globalement, de préserver notre modèle social, mis à mal par les entreprises qui ne paient pas leurs cotisations.

Tel est le sens de cette proposition de loi, qui a été considérablement enrichie lors de son examen en commission et en séance à l’Assemblée nationale, le plus souvent à l’instigation de son rapporteur, Gilles Savary, dont la compétence, l’engagement et le sens de l’écoute ne sont plus à démontrer.

Le texte ne se limite pas à transposer les articles 9 et 12 de la directive d’exécution adoptée le 16 avril dernier par le Parlement européen, qui portent respectivement sur les mesures de contrôle du détachement que peut instituer un État membre et sur la solidarité financière du donneur d’ordre à l’égard du salaire minimum des salariés détachés d’un sous-traitant. Il met également en œuvre certaines préconisations de la résolution européenne de l’Assemblée nationale du 11 juillet dernier, comme la création d’une liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats, ou la possibilité pour les syndicats d’ester en justice pour défendre les droits d’un salarié détaché.

Par ailleurs, le texte renforce notre arsenal juridique de lutte contre le travail illégal, en conférant par exemple de nouvelles prérogatives aux agents de contrôle, aux juges et aux autorités administratives.

Enfin, il prévoit diverses mesures pour mieux encadrer le cabotage routier de marchandises.

J’en viens aux modifications apportées au texte par la commission des affaires sociales du Sénat.

Nous ne pouvons, bien entendu, que partager la philosophie des auteurs de la proposition de loi. Mais, à la lumière de la vingtaine d’auditions que j’ai effectuées le mois dernier, j’ai acquis la conviction qu’il fallait simplifier les règles si l’on voulait atteindre l’objectif de réduire les fraudes et les abus, éviter les stratégies de contournement de la part des entreprises et faciliter le travail des agents de contrôle. Je me félicite de constater que la commission a bien voulu adopter les amendements que je lui ai proposés en ce sens.

En premier lieu, la commission a souhaité traiter à part entière la question de la déclaration préalable de détachement, qui est au cœur du débat, sans la lier à celle de la solidarité financière en cas de non-paiement des salariés détachés, comme le prévoyait l’article 1er de la proposition de loi tel qu’il résultait des travaux de l’Assemblée nationale.

Nous avons tout d’abord élevé au niveau législatif l’obligation pour le prestataire étranger d’effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail.

En plus de cette déclaration, l’employeur devra indiquer les coordonnées de son représentant en France, conformément à l’article 9 de la directive d’exécution, qui autorise un État membre à imposer la désignation d’une personne « chargée d’assurer la liaison avec les autorités compétentes dans l’État membre d’accueil dans lequel les services sont fournis ».

Nous avons ensuite fait obligation au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage qui recourt à un prestataire étranger de vérifier que celui-ci s’est bien acquitté de son obligation de déclaration, quel que soit le montant de la prestation. Les particuliers sont toutefois dispensés de cette obligation de vigilance, à l’instar de ce qui était prévu dans la proposition de loi initiale.

Surtout, la commission a franchi un pas décisif en prévoyant que tout manquement à ces règles, de la part du prestataire étranger, mais aussi du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage français dans sa relation avec un cocontractant étranger, sera passible d’une sanction administrative.

La situation actuelle n’est pas satisfaisante, chacun en conviendra : l’amende contraventionnelle de quatrième classe, d’un montant de 750 euros, est peu dissuasive. En outre, elle est rarement appliquée. C’est pourquoi nous proposons de créer une sanction administrative, prononcée par le directeur de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, en nous inspirant largement de celle qui est prévue à l’article 1er de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, dont le Sénat poursuivra tout à l’heure l’examen.

Le montant de l’amende sera au plus de 2 000 euros par salarié détaché et au plus de 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende, le tout étant plafonné à 10 000 euros. Pour fixer son montant, l’autorité administrative devra prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, ainsi que ses ressources et ses charges, ce qui autorisera une certaine souplesse.

En outre, la commission a supprimé la création d’une déclaration spécifique en cas de sous-traitance imposée aux maîtres d’ouvrage ou donneur d’ordre, car celle-ci devenait superfétatoire du fait de l’obligation générale de vérification imposée au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage « dès le premier euro ».

En deuxième lieu, la commission a retenu un dispositif unique de solidarité financière, applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non. Le dispositif prévu à l’article 1er, qui ne concernait que les salariés détachés, a donc été supprimé dans un souci de simplicité.

La commission a par ailleurs élargi le champ d’application de la solidarité financière prévue à l’article 2 : les personnes qui recourent aux services d’une entreprise de travail temporaire pourront désormais être mises à contribution, tandis que la protection de la solidarité financière s’étendra aussi aux salariés du cocontractant d’un sous-traitant.

En troisième lieu, la commission a procédé à divers aménagements pour renforcer la cohérence du texte.

Elle a tout d’abord sécurisé juridiquement les dispositions relatives à l’action en justice d’un syndicat pour défendre les droits d’un salarié détaché, sans mandat de sa part.

La commission a aligné les dispositions d’expression de l’opposition du salarié sur celles qui existent déjà dans le code du travail en matière notamment de marchandage, de discrimination ou de harcèlement.

Elle a ensuite prévu une amende de 3 750 euros et un emprisonnement de deux mois lorsqu’une personne qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour travail illégal ne respecte pas une décision administrative de remboursement d’aide publique.

Enfin, la commission a étendu la possibilité donnée au juge de prononcer, à titre de peine complémentaire, lorsqu’une personne est condamnée pour travail illégal, l’interdiction de recevoir une aide publique aux aides financières versées par une personne privée chargée d’une mission de service public. Il s’agissait, pour la commission, d’un amendement de cohérence juridique.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous constaterez comme moi que la commission a amélioré le texte sur des points décisifs : ses propositions devraient recueillir une large approbation sur ces travées.

Au final, le texte nous semble être conforme aux dispositions de la directive d’exécution et aux principes constitutionnels, tout en apportant des réponses pratiques aux attentes des entreprises, des salariés et des agents de contrôle.

Avant de conclure, je voudrais présenter les conditions nécessaires pour que les objectifs de cette proposition de loi puissent être atteints, tant à l’échelon européen qu’à l’échelon national.

Sur la scène européenne, notre pays doit tout d’abord œuvrer en faveur d’une harmonisation sociale par le haut. Le débat que nous avons eu la semaine dernière en commission en témoigne, la concurrence restera déloyale tant que les niveaux de cotisations sociales entre États membres resteront aussi hétérogènes. Compte tenu du différentiel de cotisations sociales et de l’obligation pour un salarié détaché pendant moins de deux ans de continuer de payer ses cotisations à la sécurité sociale de son pays d’origine, le coût horaire net d’un ouvrier polonais, par exemple, est de 20 % à 30 % plus bas que celui de son homologue français.

La convergence économique entre États membres et entre régimes de sécurité sociale est inéluctable, nous disent les plus optimistes. Certes, mais à quelle échéance ? Il n’empêche que notre gouvernement doit être une force motrice en Europe pour faire bouger les lignes.

En attendant, et dans le respect de la réglementation européenne qui s’impose à nous, il nous faut renchérir le coût des détachements, car ce différentiel de 20 % à 30 % sera sensiblement amoindri si le prestataire étranger doit supporter l’intégralité des frais de transport et d’hébergement de ses salariés détachés.

Il faudra également aller vers une carte d’affiliation à la sécurité sociale au niveau européen, ainsi que vers une déclaration européenne de détachement, afin de faciliter les contrôles et de lutter contre les fraudes transnationales.

Par ailleurs, la commission des affaires européennes du Sénat et son rapporteur, Éric Bocquet, ont rendu le 10 avril dernier un rapport d’information très complet et documenté sur les conditions de travail dans les transports européens, assorti d’une proposition de résolution contenant des pistes de réflexion qui méritent d’être approfondies.

Ainsi, dans le transport routier de marchandises, la commission préconise la mise en place rapide du chronotachygraphe intelligent dès 2018 dans tous les véhicules de transport par route et sa diffusion rapide dans les corps de contrôle, ainsi que l’introduction d’un carnet européen de cabotage pour chaque véhicule de transport.

À l’échelon français, la coopération entre les différents agents de contrôle doit être renforcée et facilitée. À défaut, les dispositions de la loi resteront lettre morte. Il ne s’agit pas de se donner bonne conscience en instaurant des normes ambitieuses que, dans la réalité, nous ne pourrons mettre en œuvre sur le terrain et qui, en fin de compte, susciteraient la frustration et la déception. De ce point de vue, le travail des corps de contrôle sera grandement facilité par la mise en œuvre de l’application SIPSI – système d’information-prestations de services internationales –, qui centralisera toutes les déclarations de détachement et pourra être consultée, notamment par les contrôleurs de l’URSSAF.

Le Gouvernement doit également poursuivre la réforme en cours de l’inspection du travail, qui est en première ligne pour détecter les abus et les fraudes au détachement et lutter contre le travail illégal. Les inspecteurs et les contrôleurs du travail ne peuvent pas se désintéresser de cette lutte, car les délits du droit du travail sapent les fondements mêmes du droit du travail. Qui peut accepter sur le territoire de la République des conditions de travail et d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ? Encore faut-il que leurs effectifs, leurs missions et leurs formations soient à la hauteur de nos ambitions. C’est pourquoi j’apporte tout mon soutien au plan national de lutte contre le travail illégal, ainsi qu’à la réforme qui vise à faire du ministère du travail un « ministère fort », réforme que votre prédécesseur, monsieur le ministre, a engagée dès son arrivée aux responsabilités et que vous allez, je n’en doute pas, poursuivre.

En aval des contrôles, la réponse pénale doit être améliorée et complétée par le développement des sanctions administratives que j’appelle de mes vœux. Il faut en effet sanctionner rapidement les infractions non délictuelles et désengorger les tribunaux, tout en respectant le principe du contradictoire et les droits des employeurs. Telle est précisément le but de la sanction administrative que nous avons créée pour renforcer l’effectivité des déclarations préalables de détachement.

Enfin, les décisions administratives prises à l’encontre des personnes verbalisées pour travail illégal doivent être encouragées, car elles constituent un instrument riche de promesses au sein de notre arsenal juridique. Malheureusement, selon les indications provisoires fournies par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, seules trois décisions de refus d’aides publiques et une décision d’exclusion temporaire des marchés publics ont été formulées l’an dernier. Il convient par conséquent d’identifier rapidement les obstacles qui freinent le développement de ces décisions et de les lever.

En conclusion, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à adopter cette proposition de loi, fruit d’un travail approfondi du Parlement. Je souhaite qu’elle recueille l’assentiment le plus large possible sur nos travées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit un certain nombre de mesures pour lutter plus efficacement contre les abus dans le domaine du détachement des travailleurs.

Monsieur le ministre, je répéterai beaucoup de choses que vous avez vous-même déjà dites.

M. François Rebsamen, ministre. Tant mieux ! (Sourires.)

M. Claude Jeannerot. C’est bon signe !

M. Jean Desessard. C’est donc qu’il y a une convergence entre nous, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

La France est un pays qui accueille de plus en plus de salariés détachés : ils étaient 38 000 en 2006, 106 000 en 2009, 210 000 en 2013. Les travailleurs détachés présents en France sont principalement originaires de la Pologne, du Portugal et de la Roumanie.

La durée de détachement totale a progressé d’un tiers entre 2012 et 2013, passant de 5,7 millions à 7,6 millions de jours en détachement. La durée moyenne du détachement est de 45 jours et les secteurs les plus concernés sont le BTP et les agences de travail temporaire.

Les travailleurs français sont également nombreux à être détachés. Ils étaient plus de 169 000 en 2011. Mon chiffre diffère du vôtre, monsieur le ministre, mais je suppose qu’il ne porte pas sur la même année ; vous disposez certainement de données plus récentes que moi. Les principaux pays d’accueil des salariés français détachés sont la Belgique, l’Allemagne et l’Italie.

Comme vous, monsieur le ministre, je considère que ce n’est pas le détachement en lui-même qui pose problème. Dans une Europe ouverte, les personnes doivent pouvoir circuler librement. Ce qui pose problème, ce sont les conditions dans lesquelles ces travailleurs sont accueillis et, à cet égard, les fraudes et les abus sont loin d’être négligeables.

En France, le taux de déclaration de détachement est compris entre 33 % et 50 % : c’est peu ! On estime que le nombre de détachements non déclarés, donc en situation irrégulière, oscille entre 200 000 et 300 000. Les conditions d’accueil et d’hébergement sont parfois indignes. Et je ne parlerai pas des rythmes de travail que certains employeurs infligent à ces travailleurs…

Ainsi, c’est de respect de la dignité humaine qu’il est question aujourd'hui. Le législateur doit mettre un terme aux conditions d’exploitation d’un autre âge auxquelles sont soumis certains travailleurs étrangers.

La présente proposition de loi définit dans cette optique une série de règles et de procédures visant à responsabiliser les entreprises ayant recours à des travailleurs détachés.

Je vais maintenant reprendre certaines de vos analyses, madame la rapporteur, mais c’est qu’elles portent sur des points importants. Ce faisant, je vais appliquer la « méthode du marteau », celle qui consiste à répéter pour bien enfoncer le clou ! (Rires.)

Le cœur du dispositif est la responsabilité solidaire du donneur d’ordre. Celle-ci est étendue aux salaires, aux conditions de vie des travailleurs, aux libertés fondamentales et à tous les aspects du droit du travail. Les donneurs d’ordre devront également vérifier que leur prestataire a bien effectué les démarches de déclaration préalable de détachement.

C’est important, car il arrive qu’une petite société qui emploie des gens dans des conditions indignes n’ait plus d’existence au moment où on lui demande des comptes. Les donneurs d’ordre, en revanche, sont souvent de grandes sociétés ayant pignon sur rue ; ils peuvent donc rendre des comptes. C'est pourquoi cette disposition est fondamentale. Désormais, les entreprises qui auront recours à des travailleurs étrangers ne pourront plus dire qu’elles ne savaient pas. Elles seront tenues pour responsables et devront donc assurer des conditions d’accueil et de travail décentes à tous ceux qui, en fin de compte, œuvrent pour elles.

La liste noire prévue par la proposition de loi constitue également une avancée notable. Y seront inscrits les noms et coordonnées des prestataires de services condamnés pour des infractions constitutives de travail illégal.

Le rôle de la société civile est également accru puisque les syndicats pourront désormais attaquer des employeurs en justice, même, il faut le souligner, sans mandat du travailleur concerné. Il s’agit, là aussi, d’une avancée notable. En effet, lorsque des conditions de travail déplorables attirent l’attention des médias, des syndicats ou de l’administration, les travailleurs concernés sont souvent soumis à des pressions, voire à des menaces qui visent à leur faire garder le silence. Grâce à la mesure prévue par la proposition de loi, les principaux intéressés n’auront pas à se mettre en danger pour que leurs droits soient respectés.

Garantie des périodes de repos pour les conducteurs routiers, suspension des aides publiques en cas de condamnation, inscription des déclarations de recours aux travailleurs détachés dans le registre unique du personnel : toutes ces mesures vont dans le bon sens.

Je me permets maintenant d’élargir le débat. Si cette proposition de loi permet de lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs, qu’en est-il de la lutte contre la concurrence déloyale et le dumping social ? Nous nous efforçons de limiter les effets négatifs sans ouvrir le débat sur les causes. Or ce qui pousse aujourd’hui les employeurs à recourir à une main-d’œuvre bon marché – low cost, diront les anglicistes –, c’est la dérégulation forcenée du monde du travail qui touche actuellement tous les pays d’Europe, et en particulier les plus fragiles.

Une des raisons du recours massif au détachement réside dans les écarts importants qui subsistent entre les systèmes sociaux des différents pays européens. À titre d’exemple, pour les ouvriers peu qualifiés du BTP, les cotisations patronales s’élèvent à plus de 50 % en France, contre seulement 20 % en Pologne. Ces écarts très importants sont une source d’économies pour les employeurs, car les salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale de leur pays d’origine. Certains pays deviennent ainsi de véritables aubaines pour les employeurs soucieux de réduire les coûts de personnel.

Le seul moyen d’enrayer ce phénomène est de procéder sans plus tarder à une coordination ou plutôt à une harmonisation des systèmes sociaux en Europe, afin de favoriser ou de sauvegarder la protection sociale sur notre continent. L’harmonisation doit s’accompagner de l’émergence d’une organisation européenne du travail et d’une coopération syndicale européenne, pour garantir efficacement la défense des travailleurs quel que soit leur pays d’origine.

Dans l’attente de ce débat, plus que jamais nécessaire à la veille des élections européennes, et considérant les avancées concrètes que contient la présente proposition de loi, les écologistes la voteront. Nous savons que l’Europe est notre horizon politique ; à nous de construire cette Europe sociale, cette Europe solidaire qui garantira la dignité de tous les travailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, au risque de créer la surprise, je vais entamer mon intervention par un compliment.

M. Alain Néri. Ça, c’est bien !

M. Jean Bizet. Mais cela ne va pas durer ! (Sourires.)

M. Alain Néri. C’est dommage !

M. François Rebsamen, ministre. J’attendais la suite ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Bizet. Je pense – savourez tout de même ce compliment – que cette proposition de loi est plutôt bienvenue.

M. Alain Néri. Très bien !

M. Jean Bizet. Bien que les différents pays de l’Union européenne aient été tantôt bénéficiaires et tantôt victimes du dumping social et de la concurrence déloyale, ils sont aujourd’hui majoritairement favorables à une meilleure régulation du marché du travail européen. Le droit de prester librement des services, qui a été consacré par l’article 49 du traité de Rome, donne en effet lieu à des abus manifestes.

Par prudence, je n’entrerai pas dans le débat que semble esquisser l’exposé des motifs de la présente proposition de loi. Les auteurs du texte estiment que c’est la conjonction de la directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Bolkestein », et de la directive relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, dite « directive Détachement », qui a laissé la porte ouverte à des fraudes et à des détournements massifs. Une démonstration contraire serait hasardeuse, et je souscris donc à ce postulat de départ. J’ajouterai simplement que la mauvaise application de ces directives ne doit pas servir à alimenter l’hostilité grandissante à l’égard du droit de prester librement des services. Nous devons au contraire, sur toutes les travées, dénoncer cette hostilité.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean Bizet. Je le dis sans crainte : il existe aujourd’hui un phénomène de détournement, de contournement – j’allais parler de « retournement », mais, là, le mot n’est vraiment pas approprié ! (Sourires.) – des directives. Il serait toutefois malhonnête d’affirmer que le phénomène des salariés low cost commence et s’arrête avec les initiatives communautaires. Comme le rappelle très justement l’exposé des motifs de cette proposition de loi, il existe un phénomène de fraude massif qui se développe en dehors de tout cadre légal, et donc – soulignons-le – en dehors des directives Bolkestein et Détachement.

En d’autres termes, ne dénigrons pas les outils, même insuffisants, qui ont été mis en place, car ce sont ces outils qui nous permettront de résoudre pour une large part le problème des salariés low cost.

On l’oublie trop souvent, les travailleurs détachés ne sont que la partie émergée de l’iceberg. On en compte 210 000 en France, plus de 300 000 en Allemagne et près de 150 000 en Belgique. Mais quid de ceux qui ne sont pas inscrits ? Les estimations ne nous permettent pas d’appréhender le phénomène avec précision.

Une chose est sûre : après avoir plus ou moins fermé les yeux, les pays européens sont en train de prendre la mesure du problème. Certaines économies se sont longtemps satisfaites de cet afflux de main-d’œuvre bon marché pour exécuter des tâches à faible valeur ajoutée. Cependant, ceux qui croyaient que l’utilisation de travailleurs détachés pouvait améliorer la compétitivité de leur économie se sont trompés : d’abord parce que, à l’exception des transports, les secteurs concernés ne sont pas délocalisables ; ensuite parce que – le cas allemand le montre –les excédents commerciaux sont d’abord le fruit d’une meilleure compétitivité hors prix.

Aujourd’hui, la prise de conscience est générale. La Commission européenne n’y échappe pas puisqu’elle a présenté le 21 mars 2012 une proposition de directive relative à l’exécution de la directive Détachement.

Rappelons également que l’utilisation du système d’information du marché intérieur, l’IMI, pour la coopération administrative entre États membres est prévue par le règlement du 25 octobre 2012.

Le Parlement européen a poursuivi dans cette voie : le 20 juin 2013, sa commission de l’emploi et des affaires sociales a décidé d’entamer des négociations avec le Conseil. Enfin, le 9 décembre 2013, un accord sur une orientation générale a été conclu lors de la réunion du Conseil « Emploi et affaires sociales ».

Le groupe UMP n’est pas hostile par principe à une proposition de loi qui cherche à accélérer un processus déjà bien avancé, mais qui ne devrait s’achever qu’à compter de 2016.

C’est quant à son caractère opérationnel que cette proposition de loi soulève toutefois des difficultés.

L’article 2 prévoit la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires des travailleurs détachés par un sous-traitant direct ou indirect. Nous vous rejoignons sur ce point, mais pourquoi étendre le dispositif de responsabilité solidaire à l’ensemble du noyau d’obligations de l’employeur qui détache des travailleurs ? Cette disposition va consacrer une forme d’ingérence du donneur d’ordre à l’égard de ses sous-traitants. Par principe, nous ne pouvons souscrire à une telle extension de la responsabilité solidaire.

En outre, comment les donneurs d’ordre pourront-ils, concrètement, procéder aux vérifications qui leur incombent ? Cette difficulté est d’autant plus regrettable que la rédaction de l’article 2 a été considérablement améliorée à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Nous nous interrogeons par ailleurs sur l’efficacité de la mise en place d’une liste noire d’entreprises indélicates en matière de travailleurs détachés. En effet, le caractère coercitif de cette mesure nous échappe, puisqu’il nous semble qu’elle sera sans conséquence pour les entreprises concernées, notamment en termes d’accès aux marchés publics ; nous craignons qu’il ne s’agisse que d’un affichage. Plus surprenant encore : les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage pourront continuer à conclure des contrats avec les entreprises inscrites sur la liste noire.

De même, l’article 7 donne aux syndicats la possibilité de se constituer partie civile, y compris sans l’accord du salarié lésé, et l’article 6 bis permet aux organisations syndicales représentatives d’ester en justice devant le conseil de prud’hommes en faveur du salarié détaché ou en cas de travail dissimulé sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé, à condition toutefois que ce dernier ne s’y soit pas opposé. Ces dispositions me paraissent justifiées sur le plan éthique, mais très approximatives sur le plan constitutionnel ; monsieur le ministre, je pense que, dans votre for intérieur, vous en êtes conscient. Le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur », qui est une sous-catégorie du principe de sécurité juridique, ne me semble pas respecté par les articles 6 bis et 7. Nous invitons donc la majorité et le Gouvernement à affiner leur dispositif.

Autre exemple de disposition justifiée sur le plan éthique : l’article 7 bis instaure une nouvelle peine pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé, à savoir l’exclusion de toute aide publique pendant cinq ans. Nous comprenons le caractère symbolique de la mesure, mais nous craignons qu’elle ne mette en danger les salariés de l’entreprise, et, en cas de reprise, les futurs repreneurs, qui devront payer pour autrui. Là encore, ce sont les salariés qui subiront les conséquences, et je doute que ce soit là votre volonté fondamentale.

Notre dernière interrogation porte sur la forme : votre nouvel article 9, qui prévoit l’obligation pour les employeurs de veiller à ce que le repos hebdomadaire des conducteurs routiers soit pris dans les conditions énoncées par les règles européennes, ne constitue-t-il pas un cavalier ?

La somme de ces imprécisions nous conduit à juger cette proposition de loi avec la plus grande circonspection, alors même que de nombreuses dispositions rencontrent un écho favorable au sein de notre groupe. Nous sommes par exemple en accord avec l’article 1er, selon lequel toute entreprise bénéficiaire d’une prestation internationale doit vérifier que l’entreprise prestataire établie hors de France avec laquelle elle conclut un contrat dépose bien une déclaration de détachement auprès des services de l’inspection du travail. Nous sommes également favorables à l’article 4 sur l’habilitation de l’inspection du travail à exiger la production immédiate de documents relatifs au détachement des travailleurs. Nous nous réjouissons enfin de la suppression de l’article 5, qui portait sur les sanctions en cas de poursuite d’activité avec un partenaire en situation irrégulière.

Nous sommes donc quelque peu déçus par les approximations que contient cette proposition de loi, car, comme je l’ai dit en préambule, celle-ci est bienvenue. Nous souscrivons à son esprit et à nombre des mesures qu’elle comporte. Malheureusement, l’applicabilité de l’extension de la responsabilité solidaire, la liste noire des entreprises condamnées pour travail illégal et l’extension du droit d’agir en justice pour les syndicats ne nous permettront pas de la voter.

J’achèverai mon intervention en revenant sur deux points.

Je tiens en premier lieu à souligner la pertinence des directives Bolkestein et Détachement.

M. Jean Desessard. Soyez logique, alors !

M. Jean Bizet. Je suis très logique, monsieur Desessard ! Vous ne m’avez pas suffisamment écouté, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, d'ailleurs…

Ces deux directives sont particulièrement pertinentes, mais elles ont été contournées. La présente proposition de loi vise à corriger cette situation. Je ne me suis jamais privé de dire que l’accord du 9 décembre 2013 était un bon accord. Nous ne sommes pas assez nombreux, sur toutes les travées de cet hémicycle, à dénoncer la démagogie et le populisme qui s’expriment au sujet des directives Bolkestein et Détachement, dont l’objectif est de créer ce marché unique qui est, avec le développement du numérique dans les entreprises, la clé et le cœur de la croissance de l’Union européenne.

En second lieu, monsieur le ministre, je dois vous avouer ma déception : hier, nous avons débattu de la proposition de loi de Bruno Le Roux sur les OGM, laquelle a été votée par une majorité de notre assemblée alors qu’elle est totalement inconstitutionnelle ; …

M. Charles Revet. Eh oui ! C’est pour le moins surprenant de la part du Gouvernement d’avoir laissé faire cela !

M. Jean Bizet. … aujourd’hui, vous nous présentez un texte comportant pour partie des dispositions que nous considérons comme inconstitutionnelles, à savoir les articles 6 bis et 7.

À ce sujet, monsieur le ministre, je veux vous rendre justice : je ne pense pas qu’une telle erreur résulte d’une mauvaise analyse de vos services, car elle est plutôt le fruit d’une posture politique. Seulement, à mon sens, ce n’est pas digne du Sénat que d’être ainsi instrumentalisé.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Jean Bizet. C’est la raison pour laquelle, non sans regrets, le groupe UMP s’oriente vers l’abstention. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit, le présent texte est, certes, extrêmement technique, mais il touche aussi au cœur d’une des questions les plus cruciales posées par la construction européenne : comment articuler le marché unique avec l’extraordinaire disparité des législations sociales en vigueur dans les pays membres ?

La libre circulation des travailleurs est en effet inhérente au marché unique, avec la libre circulation des biens, des services et des capitaux.

Il est donc essentiel de réaffirmer, comme l’a très bien fait notre rapporteur, que le détachement des travailleurs n’est pas synonyme de travail illégal. En revanche, en l’absence d’un cadre législatif européen et national à la fois adapté, cohérent et ferme, cette pratique devient effectivement source d’illégalités, et elle le restera tant que les législations sociales ne seront pas harmonisées.

Aujourd’hui, ce cadre est, à l’évidence, insuffisant. Aussi difficiles à établir et approximatifs soient-ils, les chiffres demeurent éloquents : Jean Desessard l’a rappelé, entre 200 000 et 300 000 salariés détachés non déclarés se trouvaient sur le territoire français en 2009 et en 2010, ce qui n’est, bien sûr, pas acceptable.

Pour faire face à cette situation, la législation européenne se durcit, mais la nôtre aussi. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et le fait que les deux évoluent de conserve est aussi fort appréciable, tout comme il est fort appréciable que, pour une fois, monsieur le ministre, nous ne soyons pas en retard pour transcrire une directive. (M. le ministre opine.) C’est un point sur lequel le Sénat a souvent appelé l’attention du Gouvernement.

Je me réjouis aussi de constater que, contre tous les stéréotypes, dans une matière par nature communautaire, la France conserve tout de même une marge de manœuvre juridique, certes étroite et soumise au contrôle de la Commission, mais néanmoins réelle.

Ce constat m’amène à parler du fond, en commençant par la fin, c'est-à-dire les dispositions relatives au cabotage, qui vont dans le bon sens.

L’article 10, qui tend à supprimer l’obligation faite aux transporteurs de marchandises par route d’avoir une licence communautaire pour faire du cabotage, était attendu des transporteurs routiers français, qui subissaient une concurrence déloyale des véhicules commerciaux de moins de 3,5 tonnes étrangers.

De même, on ne peut que soutenir l’article 9, qui a pour objet d’apporter des garanties élémentaires en matière de repos hebdomadaire et de pratiques de rémunération sources de danger.

Le texte renforce par ailleurs le droit français contre le travail illégal. Nous ne pouvons que soutenir les dispositions qui obligent maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre à vérifier que tous les sous-traitants respectent les droits du « noyau dur » garantis par la législation européenne aux travailleurs détachés. Ce texte les contraint aussi à prendre en charge l’hébergement collectif des salariés en cas d’hébergement indigne.

Voilà d’excellentes mesures !

Quant à l’extension de la solidarité financière à tous les cocontractants du maître d’ouvrage et du donneur d’ordre, elle est de nature à dissuader un peu plus le travail dissimulé.

Mais le cœur du texte est constitué des articles 1er et 2, lesquels transposent les articles 9 et 12 de la directive d’exécution.

Sur ces articles, je tiens à saluer le travail de simplification effectué par notre rapporteur, qui a très opportunément découplé la déclaration préalable de détachement et la question de la solidarité financière.

En vertu de cette nouvelle rédaction, l’article 1er tend à obliger le prestataire à déclarer préalablement le détachement auprès de l’inspection du travail et le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage, à vérifier que la déclaration a bien été faite. Le non-respect de ces obligations expose à des sanctions administratives.

De surcroît, dorénavant, la solidarité financière en cas de non-paiement des salariés, renvoyée à l’article 2, ne distingue plus s’ils sont détachés ou non.

Ce dispositif, qui nous apparaît clair, appelle donc l’approbation pleine et entière du groupe UDI-UC.

Toutefois, monsieur le ministre, une fois ces règles établies, le problème du détachement est-il réellement traité à sa racine ? Certainement pas, car il trouve sa source dans le fait que le travailleur détaché reste affilié au régime de sécurité sociale de son pays d’origine si le détachement dure moins de deux ans. C’est bien cela qui explique l’explosion du nombre de travailleurs détachés dans notre pays. Les chiffres donnés par notre rapporteur l’attestent : il y avait 22 fois plus de salariés détachés en France en 2012 qu’en 2000 ; c’était l’équivalent de 25 000 équivalents temps plein sur une année.

À l’heure où l’objectif du Gouvernement est d’inverser la courbe du chômage, il faut se poser la question suivante : qu’est-ce qui peut bien motiver ces détachements si ce n’est principalement un différentiel de charges sociales, susceptible de faire économiser 20 % à 30 % du montant consacré au versement des salaires ?

Compte tenu de cette distorsion, les entreprises françaises sont bien sûr incitées financièrement à sous-traiter un certain nombre de tâches à des travailleurs étrangers détachés. Or le problème n’est absolument pas abordé par ce texte ni par la directive, ce qui nuit à leur efficacité : un peu comme s’ils ne s’attaquaient qu’aux symptômes pour combattre la maladie.

À terme, monsieur le ministre, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, il faudra bien harmoniser les droits sociaux des pays membres de l’Union, en particulier les droits liés à la sécurité sociale. C’est d’ailleurs le pari fait par les vrais Européens : enclencher un cercle vertueux qui, via le marché unique, conduira au rattrapage des pays les moins développés, puis à une égalisation par le haut des niveaux de vie et de protection sociale.

Ce pari est jugé impossible par certains. Pourtant, il a déjà été gagné avec les pays du sud de l’Europe qui nous ont rejoints dans les années quatre-vingt. Le processus de rattrapage est aujourd’hui à l’œuvre dans presque tous les pays, dirons-nous, de l’est de l’Europe, même si, nous le savons, il sera encore long.

Alors, en attendant, une solution de transition est envisageable, et elle figure d’ailleurs dans le programme de l’UDI et du Modem pour les élections européennes. Il s’agit tout simplement de soumettre les travailleurs détachés aux cotisations sociales du pays d’accueil et d’organiser les transferts de droits afférents dans les pays d’origine.

Monsieur le ministre, cette solution est-elle à l’étude à l’échelon européen ? La France ne peut-elle pas peser de tout son poids au sein de l’Union pour aboutir le plus rapidement possible à sa mise en œuvre ? Telles sont les deux questions clefs sur lesquelles le groupe UDI-UC attend des réponses.

Pour conclure, il ne me reste plus qu’à féliciter Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur, de l’excellence de son travail, et en particulier de son effort de pédagogie sur un texte particulièrement ardu techniquement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, alors que, le 16 avril dernier, le Parlement européen adoptait la directive d’exécution sur le détachement des travailleurs, l’Assemblée nationale adoptait de son côté la proposition qui nous est soumise aujourd’hui et qui a en quelque sorte vocation à anticiper sur cette directive.

La volonté du Gouvernement de ne pas attendre l’adoption d’un projet de directive ayant fait l’objet, une première fois, d’un carton jaune par les députés du Parlement européen, est légitime. Elle est même compréhensible, tant la question du détachement des travailleurs européens et le dumping social qu’il entraîne inquiète nos concitoyens.

Pour autant, anticiper n’est pas nécessairement innover ; d’aucuns considèrent déjà, et nous en sommes, tout comme le juriste Hervé Guichaoua, que cette proposition de loi ainsi que la directive d’exécution ne vont pas suffisamment loin pour être réellement efficaces, car elles ne constituent en rien une remise en cause de la directive de 1996, la finalité de cette dernière, à savoir organiser la concurrence des travailleurs européens entre eux, n’étant nullement abandonnée.

Ainsi, comme vient de le rappeler M. Vanlerenberghe, chaque année, entre 200 000 et 300 000 salariés d’autres pays membres de l’Union européenne viennent travailler en France pour des salaires inférieurs à ceux que perçoivent les salariés nationaux et auxquels s’appliquent des cotisations sociales nettement inférieures. La différence est importante puisqu’elle peut atteindre, voire dépasser 30 %.

C’est donc un véritable dumping social que l’Europe organise, que la directive d’exécution et cette proposition de loi encadrent, sans pour autant jamais le remettre en cause.

On pourrait même dire qu’il s’agit d’une directive perdants-perdants si elle ne faisait pas quelques gagnants : certains employeurs, peu scrupuleux, à savoir les mêmes qui, aujourd’hui, exigent du Gouvernement encore plus de cadeaux, encore moins d’impôts, encore moins de cotisations sociales.

La question que nous sommes amenés à nous poser aujourd’hui en examinant cette proposition de loi est simple : sera-t-elle de nature à remédier à cette situation ? La réponse ne peut que nous laisser perplexes dans la mesure où la directive de 1996 demeure en l’état.

Pourtant, voilà quelques années, sur l’initiative de notre collègue Catherine Tasca, la Haute Assemblée avait adopté une position beaucoup plus audacieuse en débattant d’une proposition de résolution qui demandait au Gouvernement la révision de la directive de 1996 et la modification des traités.

Certes, la présente proposition de loi tend à responsabiliser le donneur d’ordre dans le cas où l’employeur du salarié appliquerait à ce dernier une rémunération inférieure à celle prévue par la loi. Bien sûr, cette mesure est positive, mais pour autant que l’on accepte, ce qui n’est pas notre cas, que la concurrence entre travailleurs européens puisse continuer à s’organiser autour d’un différentiel des cotisations sociales.

Toutefois, ce n’est pas notre seule critique qu’appelle de notre part cette proposition de loi, puisque celle-ci se contente de rappeler que le travailleur détaché doit être rémunéré au SMIC. Or certaines entreprises ayant recours ponctuellement à des travailleurs détachés ou certaines conventions de branche prévoient pour les salariés nationaux des rémunérations minimales supérieures au SMIC. Sur ce point, la proposition de loi est silencieuse, de sorte que la concurrence entre salariés français et salariés détachés pourra jouer à la fois sur les cotisations et sur la rémunération versée aux salariés.

Le texte demeure également silencieux sur une autre fraude, massivement pratiquée, qui consiste pour certains employeurs à déduire du salaire qu’ils versent des sommes exorbitantes au titre des frais de logement, de transport ou d’alimentation dont ils assument théoriquement la charge. Naturellement, en la matière, les contrôles de l’administration du travail seront indispensables. Mais sans doute aurait-il fallu explicitement viser ces cas pour renforcer les sanctions.

Sans doute faudrait-il aussi, monsieur le ministre, conforter réellement l’inspection du travail tant en accroissant ses effectifs, reconnus comme trop faibles par nombre de commentateurs, qu’en renforçant leur indépendance, à l’inverse des mesures réglementaires prises par le Gouvernement.

Par ailleurs, les auteurs de la proposition de loi entendent lutter contre ce que l’on appelle les « entreprises boîtes aux lettres », qui constituent un véritable fléau. Mes collègues du groupe CRC et moi-même souscrivons pleinement à cet objectif, même s’il nous semble qu’il aurait été possible d’être beaucoup plus ambitieux en la matière. Nous défendrons d’ailleurs un amendement tendant à préciser qu’un salarié ne peut jamais être placé en situation de détachement dans son pays d’origine. Cette précision nous semble être de nature à éviter certains abus, les entreprises parvenant à concilier hauts niveaux de formation, de compétence, de qualification et très faibles rémunérations.

Nous aurions également souhaité que cette proposition de loi renforce nettement les sanctions à l’encontre des employeurs qui ne respecteraient pas des règles sociales déjà très légères. Je vise explicitement le non-paiement des cotisations sociales à l’URSSAF et à Pôle emploi. Dans de tels cas, il nous est apparu souhaitable que la loi prévoie un mécanisme d’information à destination du donneur d’ordre, à charge pour lui d’obtenir et de transmettre la preuve que son sous-traitant a effectivement régularisé sa situation. Dans le cas contraire, l’entreprise donneuse d’ordre aurait dû être tenue responsable solidairement de cette fraude.

Vous le voyez mes chers collègues, nos réserves sur cette proposition de loi sont assez importantes. Elles le sont d’autant plus que nous sommes opposés, depuis l’origine, à la directive de 1996.

Pour autant, le groupe communiste républicain et citoyen agira, comme toujours, de manière responsable au moment de se prononcer sur cette proposition de loi. Bien que nous puissions considérer qu’elle manque parfois de vigueur et qu’elle ne constitue pas réellement la remise en cause que nous espérions du dumping social européen organisé par la directive de 1996, nous ne nierons pas les progrès qu’elle comporte.

Dans un autre domaine, s’inspirant de ce qui existe dans le secteur du transport aérien, une « liste noire » des personnes morales ou physiques condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal à 15 000 euros d’amende au moins serait élaborée et publiée sur internet. Là encore, la mesure est positive, bien qu’elle n’ait en réalité qu’une portée assez limitée. Sans doute aurait-il été plus efficace de prévoir qu’une entreprise inscrite sur cette liste noire ou les dirigeants d’une telle entreprise ne soient plus autorisés à détacher des travailleurs en France. Pour le moins, ces entreprises devraient être automatiquement privées de la possibilité de répondre à des marchés publics.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont, en substance, les critiques que nous pouvons formuler sur les insuffisances de cette proposition de loi. Celle-ci apporte toutefois des garanties nouvelles, modestes mais réelles, pour les salariés. C’est pourquoi le groupe CRC votera en faveur de cette dernière, désireux qu’il est de protéger les salariés, même partiellement. Dans notre esprit, c’est une forme d’encouragement à aller beaucoup plus loin, en France comme à Bruxelles, pour ouvrir enfin le chantier de l’harmonisation sociale au sein de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Rome de 1957, qui visait à poser « les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens », a consacré la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux.

Cela signifiait notamment qu’un prestataire de services établi dans un pays de l’Union européenne avait le droit de détacher temporairement des travailleurs dans un autre pays membre pour y accomplir une mission complexe. Si ce droit offrait un plus grand choix de prestataires et pouvait répondre à une éventuelle pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs bien précis, il n’en reste pas moins qu’il a aussi ouvert la voie à l’optimisation sociale, au dumping social.

Le 17 février 1894, devant la Chambre des députés, Jean Jaurès déclarait : « Ce que nous ne voulons pas, c’est que le capitalisme international aille chercher la main-d’œuvre sur les marchés où elle est le plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas. » Ce que Jean Jaurès redoutait il y a cent vingt ans s’est malheureusement produit ! Nos salariés ont été confrontés à la concurrence déloyale de prestataires issus de pays dans lesquels les règles de protection des travailleurs sont beaucoup moins exigeantes, et certains employeurs y ont vu l’occasion de disposer d’une main-d’œuvre à bon marché !

Avec la crise économique, le mouvement s’est amplifié. Selon l’excellent rapport de notre collègue Éric Bocquet intitulé « Le travailleur détaché, un salarié low cost ? », le nombre de travailleurs détachés a augmenté de 45 % depuis 2004.

Pour mettre un terme aux dérives et au dumping social, la directive européenne de 1996 relative au détachement de travailleurs, devait « concilier l’exercice de la liberté de fournir des services transfrontaliers et la protection appropriée des droits des travailleurs détachés temporairement à l’étranger à cet effet ». Elle établissait ainsi un socle de conditions de travail et d’emploi, imposé au prestataire de services dans le pays d’accueil pour garantir une protection minimale des travailleurs.

La Cour de justice de l’Union européenne a toutefois quelque peu ébranlé cet édifice protecteur. Selon la jurisprudence qui ressort de quatre arrêts rendus par la Cour entre 2007 et 2008, les droits fondamentaux sont susceptibles de subir des restrictions et des limitations. La Cour a ainsi privilégié les libertés économiques garanties par les traités et privé la directive Détachement des moyens d’atteindre son objectif de protection des salariés détachés.

Le constat est sans appel : les principes édictés par la directive de 1996 sont quotidiennement bafoués par des entreprises sans scrupules, au point que certains ont parlé de l’émergence d’un « nouvel esclave moderne » !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Françoise Laborde. Les travailleurs parlent rarement la langue du pays dans lequel ils sont détachés, ignorent leurs droits et sont parfois contraints de dormir dans des hangars et sur une simple paillasse. Certaines entreprises n’hésitent pas à facturer à leurs salariés les frais d’hébergement et de nourriture pour compenser les salaires versés en France !

M. Alain Néri. Très juste !

Mme Françoise Laborde. Plusieurs bilans effectués par la Commission européenne et les services de contrôle nationaux ont régulièrement dénoncé les détournements de la directive et les très nombreux cas de fraude. En 2012, on estimait ainsi à 300 000 ou 350 000 le nombre de travailleurs détachés en France, alors que 170 000 d’entre eux étaient officiellement déclarés. S’ils représentent moins de 2 % de la population active, force est de constater que leur forte concentration, en particulier dans les métiers du bâtiment, de l’agriculture et des transports, met en péril nos entreprises, notamment les plus petites, déjà fortement affectées par la crise économique.

La législation européenne en la matière est devenue insuffisante, voire inefficace. Pis, elle est devenue un véritable outil de concurrence déloyale qui déstabilise des pans entiers de l’économie française. L’absence de dispositions concrètes en matière de contrôle participe pleinement à l’explosion de la fraude au détachement.

Ces abus ont conduit la Commission européenne à présenter, en mars 2012, une proposition de directive d’exécution. Je tiens, à ce titre, à saluer l’engagement du gouvernement français, qui a enfin permis de trouver un compromis lors de la réunion du Conseil des ministres « emploi, politique sociale, santé et consommateurs » du 9 décembre 2013. Le texte initial n’était en effet pas acceptable et constituait véritablement une régression pour notre pays. La détermination dont a fait preuve Michel Sapin a permis aux États membres de s’entendre sur un accord globalement satisfaisant pour la France.

Aujourd’hui, il nous est proposé de transposer cette directive d’exécution, adoptée le 16 avril dernier par le Parlement européen. Il s’agit de mettre en place les outils nécessaires pour prévenir et sanctionner le dumping social, notamment en impliquant la responsabilité du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage. Nous ne pouvons que saluer l’initiative de nos collègues socialistes de l’Assemblée nationale.

Cette proposition de loi devrait en effet permettre d’endiguer les fraudes, de donner aux corps de contrôle un ensemble de règles visant à la fois à améliorer leur information quant aux situations observables sur le terrain et à orienter leurs contrôles, et de renforcer le caractère dissuasif des sanctions encourues par les contrevenants. Je pense notamment à la possibilité de poursuivre un donneur d’ordre pour les fraudes relevant d’un de ses sous-traitants, au renforcement des pénalités pour les infractions de travail illégal commises en bande organisée, ou encore à la mise en place d’une liste noire sur internet, où figureront les entreprises qui auront été condamnées à une amende de plus de 15 000 euros pour travail illégal. Sur ce point, nous vous proposerons d’ailleurs que l’inscription sur cette liste noire se fasse quel que soit le montant de l’amende.

Les modifications apportées tant par l’Assemblée nationale que par notre commission des affaires sociales vont dans le bon sens et nous y souscrivons pleinement.

Pour autant, comme l’a rappelé la rapporteur, dont je salue l’excellent travail, cette proposition de loi ne suffira pas, à elle seule, à lutter contre les abus liés au détachement des travailleurs. Il faudra envisager l’instauration d’une véritable harmonisation sociale et mettre fin à la dichotomie qui existe entre les règles relatives à la sécurité sociale et celles qui portent sur le droit du travail en cas de détachement. En France, nous devrons également renforcer la coopération entre les différents agents de contrôle, améliorer la réponse pénale et utiliser davantage les sanctions administratives.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du RDSE apporteront leur soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi « visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale ». Je retiens là le titre que vous avez fort pertinemment, madame la rapporteur, fait adopter par la commission des affaires sociales, car il réaffirme l’essence même de ce texte au moment où l’emploi est la première des préoccupations de nos concitoyens.

Permettez-moi, d’ailleurs, de saluer la qualité du travail que vous avez réalisé sur ce texte, dont les dispositions peuvent paraître très techniques alors qu’elles sont éminemment politiques.

Permettez-moi aussi de remercier chaleureusement notre collègue Éric Bocquet, auteur d’un rapport d’information sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs et d’une proposition de résolution adoptée par le Sénat le 16 octobre 2013. Ses travaux permettent de nous éclairer sur la situation exacte des travailleurs détachés et sur les décisions qu’il convient de prendre pour que soit respectée la dignité de leurs conditions de travail.

Nous refusons « l’Europe de la compétition des travailleurs, de la guerre civile des droits sociaux, l’Europe où la pauvreté des uns fait le malheur des autres, [une Europe qui] serait inéluctablement vouée à s’abîmer dans le rejet de nos peuples et dans les pires errements populistes ». Ainsi s’exprimait Gilles Savary, rapporteur de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, le 18 février 2014, lors de son examen en séance publique.

Ces propos sont essentiels quand il s’agit de transposer la directive n° 96/71/CE, dont l’application a été largement contournée depuis, les orateurs précédents l’ont tous dit. C’est ce qui a conduit la Commission européenne à proposer une directive d’exécution de la directive de 1996, pour en préciser les modalités d’application. Cette directive a été adoptée par le Parlement européen le 16 avril dernier, après des discussions animées et malgré de fortes oppositions de la part de certains États membres. Ces discussions se sont conclues par un accord politique obtenu au Conseil des ministres le 9 décembre 2013, grâce, en particulier, à la détermination du gouvernement français, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

Quelle est en effet la situation actuelle, à laquelle il convient de remédier ? Les travailleurs détachés, salariés ou non, exécutent leur travail pendant une période limitée sur le territoire d’un État membre autre que celui de leur lieu de travail habituel. Les règles du droit du travail sont celles du pays d’accueil : elles sont regroupées au sein de ce que l’on dénomme le « noyau dur », dont il a déjà été suffisamment question cet après-midi pour que je n’aie pas à y revenir.

J’aimerais mettre l’accent sur une disposition qui, bien que légale, est source de distorsions : le travailleur détaché reste affilié au régime de sécurité sociale de son pays d’origine si le détachement dure moins de deux ans. Ainsi, pour une entreprise, à salaire équivalent, le coût d’un travailleur détaché dans notre pays peut être inférieur d’au moins 30% à celui d’un travailleur exerçant normalement en France.

Force est de constater que le texte que nous examinons aujourd’hui n’apporte pas de solution à ce problème fondamental.

Nous devons prendre acte du fait que le nombre de travailleurs détachés a considérablement augmenté ces dernières années : officiellement, en France, il est passé de 38 000 et 170 000 entre 2006 et 2012. Mais il semble que ce nombre se situe en réalité à ce jour entre 220 000 et 300 000, l’importance de la fourchette faisant clairement apparaître la difficulté qu’ont les pouvoirs publics à appréhender le véritable chiffre.

Cette explosion quantitative du nombre de détachements s’est accompagnée d’une hausse importante des abus et fraudes, comme vous l’avez vous-même relevé, madame la rapporteur, ainsi que beaucoup d’autres intervenants. Parmi les infractions les plus fréquentes, on peut citer : un taux de déclaration moyen très modeste, compris entre 33 % et 50% ; des entreprises prestataires qui ne sont que des coquilles vides ; le non-respect du salaire minimum du pays d’accueil, infraction parfois doublée d’un délit au regard du droit de travail. Ces infractions reposent généralement sur des montages juridiques très complexes, qui rendent la réalisation des contrôles particulièrement difficile.

Il n’est pas question de stigmatiser le principe du détachement, d’autant que, rappelons-le, environ 300 000 Français travaillent à l’étranger et que la France est, derrière l’Allemagne et la Pologne, le troisième pays de l’Union pour l’envoi de travailleurs détachés.

Néanmoins, pour les entreprises et les travailleurs détachés, nous nous devons de proposer des mesures efficaces. Du reste, cette exigence est exprimée unanimement par les organisations syndicales, les organisations patronales, les organisations professionnelles et les inspecteurs du travail.

Les dispositions prévues par cette proposition de loi s’inscrivent dans un triptyque simple : dissuasion en amont, contrôle et vigilance lors de la prestation, sanction en aval.

Le teste qui nous est soumis comporte quatre grands types de mesures.

La mesure phare est l’institution de la responsabilisation solidaire du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.

S’y ajoute un alourdissement des sanctions.

Vient ensuite la possibilité pour les organisations syndicales d’ester en justice afin de permettre la poursuite d’infractions constatées sans que cela relève d’un souhait des intéressés. Certains s’interrogent sur la validité et l’applicabilité d’une telle mesure. Or de semblables dispositions existent déjà dans le code du travail, en particulier lorsqu’il est question de discrimination ou de harcèlement au travail. Quoi qu'il en soit, cette disposition est importante parce que de nombreux travailleurs hésitent à porter plainte personnellement.

Enfin, figurent des dispositions catégorielles, concernant notamment le BTP et le cabotage routier des marchandises ; notre collège Éric Bocquet a beaucoup travaillé sur ces questions.

Le débat fort intéressant que nous avons eu en commission des affaires sociales a permis de mettre au jour une volonté partagée de lutter contre les abus et les fraudes concernant les travailleurs détachés.

Vous avez beaucoup insisté, madame la rapporteur, sur la nécessité de simplifier les règles en matière de déclaration, de détachement et de solidarité financière, arguant que la simplicité prête nettement moins prise aux détournements. Vous avez d’ailleurs proposé à la commission une réécriture de l’article 1er qui va, me semble-t-il, dans le sens d’une telle simplification.

Vous avez aussi souligné que cette proposition de loi, si importante soit-elle, ne suffirait pas à lutter contre les abus liés au détachement de travailleurs. Nous partageons tous cette analyse, conscients que nous sommes de la nécessité absolue de faire avancer l’harmonisation sociale au niveau européen et de mettre ainsi fin à la dichotomie entre les règles relatives aux différences en matière de protection sociale et celles qui portent sur le droit du travail en cas de détachement. On a évoqué, par exemple, la différence de charges patronales entre la France et la Pologne dans le BTP.

Ce sujet est absolument central et doit donner lieu à des débats dans le cadre de la campagne électorale des élections européennes.

Monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je veux souligner la qualité de nos échanges sur cette proposition de loi. Certes, le sujet est loin d’être clos, mais cela n’empêchera pas le groupe socialiste de voter sans hésitation en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’emploi reste à l’évidence, et sans doute encore pour longtemps, la première préoccupation des Français.

Or l’Europe, il faut le reconnaître, n’est pas toujours perçue par nos concitoyens comme une alliée sur le front de l’emploi. J’avais d’ailleurs, le 13 janvier 2013, interrogé votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur la problématique des travailleurs détachés et, plus largement, sur l’avenir d’une Europe sociale, source de progrès, de développement et d’emploi pour tous.

On l’a rappelé, la directive du 16 décembre 1996, au départ conçue comme protectrice des différents marchés du travail européens, est devenue un outil d’optimisation du profit et de dumping social au détriment de la protection des travailleurs. Ce constat se retrouve d’ailleurs dans deux résolutions européennes, l’une adoptée par l’Assemblée nationale le 11 juillet 2013, l’autre par notre assemblée le 16 octobre dernier.

Ces deux textes invitaient également le Gouvernement à faire preuve de fermeté lors des négociations à Bruxelles, notamment en ce qui concerne le renforcement de la marge de manœuvre des États membres dans les procédures de contrôle. Il faut le dire, Michel Sapin et Thierry Repentin ont défendu avec pugnacité cette position devant les États membres, ce qui a conduit à un accord le 9 décembre 2013.

Le Parlement européen, à la suite de cet accord, a voté le projet de directive d’exécution sur les travailleurs détachés, afin que soient renforcés les contrôles et la responsabilisation des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants. L’accord doit maintenant être formellement approuvé par le Conseil des ministres.

Il s’agit, mes chers collègues, d’un signal fort : L’Europe n’accepte pas la fraude ou l’abus des règles applicables au détriment des travailleurs détachés !

Par conséquent, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui est le fruit d’une volonté politique portée jusqu’à Bruxelles : celle de renforcer la protection juridique des travailleurs détachés, qui sont de plus en plus fréquemment les victimes de dévoiements de la procédure de détachement des travailleurs.

Je le disais, la directive du 16 décembre 1996 avait pour objet d’encadrer le détachement de travailleurs dans le cadre de prestations de services. Elle dispose notamment qu’une entreprise peut détacher provisoirement ses salariés dans un autre État membre de l’Union européenne, que l’employeur doit alors se conformer aux conditions de travail de l’État membre, tels le respect du temps de travail ou encore le salaire minimum, mais que, en revanche, les cotisations sociales sont versées dans le pays d’origine et calculées selon les règles nationales.

Cette réglementation a, en pratique, été largement détournée, créant des situations inacceptables de dumping social. Notre excellent collègue Éric Bocquet avait d’ailleurs mis en exergue l’« émergence d’un salarié low cost, à bas coût, risquant de créer des tensions sur le marché du travail ». En effet, pourquoi recruter un salarié français quand on peut disposer d’un salarié venant d’un autre État membre et ainsi économiser 30 % sur la masse salariale ?

De nombreuses sociétés d’intérim ont d’ailleurs choisi de s’implanter dans les pays où les cotisations sociales sont faibles ou qui n’appliquent aucun salaire minimum.

Les entreprises qui sous-traitent ont aussi leur part de responsabilité ; elles ne peuvent ignorer totalement la situation des travailleurs détachés au sein de leur entreprise. On sait également que certains secteurs sont plus touchés que d’autres, comme ceux du bâtiment ou des transports.

En France comme partout en Europe, le nombre de travailleurs détachés ne cesse d’augmenter. L’insuffisance des dispositions de la directive de 1996 explique cette explosion de pratiques pernicieuses, consistant à contourner sciemment la législation à des fins d’optimisation des bénéfices. Notre collègue Anne Emery-Dumas, rapporteur, a parfaitement mis en relief la complexité des situations frauduleuses pouvant être liées aux règles de détachement ou constitutives de travail illégal, les deux types d’infraction pouvant d’ailleurs coexister.

Cette proposition de loi a donc pour objet, selon l’exposé des motifs, de lutter contre « les fraudes et détournements massifs qui consistent à utiliser le négoce de main-d’œuvre bon marché comme argument de concurrence », en vue de mettre fin à l’émergence de cet esclavage moderne.

Elle prévoit la responsabilisation de manière solidaire du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage, mesure centrale qui a. pour corollaires un renforcement des contrôles et une accentuation des sanctions financières.

Il faut souligner que, dans un souci de simplification, la commission des affaires sociales du Sénat a retenu un dispositif unique de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non. Son champ d’application a été logiquement étendu aux entreprises de travail temporaire.

Ce texte prévoit également la possibilité d’ester en justice pour les syndicats de salariés, afin de pouvoir faire constater les infractions sans que les intéressés, pour des raisons que l’on devine, aient l’obligation de leur donner un mandat ad hoc.

Enfin, des dispositions spécifiques pour les secteurs les plus touchés, tels que le bâtiment et les transports, sont prévues.

En résumé, cette proposition de loi est, comme le faisait justement remarquer Anne Emery-Dumas, la traduction de la volonté conjointe du Gouvernement et du Parlement de « construire une Europe sociale à la hauteur des attentes de nos concitoyens, dans laquelle le primat accordé à la concurrence ne doit plus se faire au détriment de la protection des droits des travailleurs ».

C’est pourquoi, mes chers collègues, cette proposition de loi, bien qu’importante, ne constitue à ce stade qu’une étape sur le chemin ambitieux que nous entendons suivre pour construire une Europe sociale forte et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par les députés socialistes et qui vise à « lutter contre le dumping et la concurrence déloyale » est, selon moi, une formidable invitation à nous emparer d’un sujet d’une actualité brûlante, à savoir le détachement des travailleurs au sein de l’Union européenne, qui s’est développé de façon exponentielle.

Ce sujet est aussi délicat que brûlant dans la mesure où cette possibilité, aujourd’hui transformée en une véritable mise en concurrence généralisée des travailleurs et des différents modèles sociaux, nourrit d’une certaine manière la méfiance, voire le rejet qu’inspire l’Union européenne à une frange croissante de la population. Le détachement illustre également, hélas, les impasses de l’Union en dévoyant un principe noble, celui de la libre circulation des personnes, nécessaire à l’émergence d’une véritable conscience européenne.

L’actualité du sujet se mesure au fait que, loin d’être une abstraction pour nos concitoyens, le principe du détachement dans un pays tiers de travailleurs qui continuent à être affiliés au régime de protection sociale de leur pays d’origine fait chaque jour sentir ses effets.

Cette disposition européenne s’applique avec une intensité particulière dans les zones frontalières, telle ma région, l’Alsace.

C’est précisément pour faire état des inquiétudes de nos concitoyens à cet égard que, le 18 décembre 2012, dans cet hémicycle, j’avais interpellé le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, sur le contexte de distorsions de concurrence avec leurs voisins européens dont souffrent les producteurs de fruits et légumes français, et plus particulièrement les producteurs frontaliers.

Parmi les éléments de réponse du ministre figurait déjà en bonne place la question de la directive européenne de 1996 relative au détachement des travailleurs et de son processus de révision, ou plutôt d’application. Il m’avait en effet indiqué que la France soutenait la refonte de cette directive afin de remettre un peu d’ordre dans le marché unique européen.

Un an plus tard, le 9 décembre 2013, lors de négociations au Conseil de l’Union européenne sur la proposition de directive d’application de ce texte, Michel Sapin, alors ministre du travail, a obtenu des avancées importantes. Ces dernières visaient à faire en sorte que les États membres restent libres de déterminer les documents pouvant être exigés auprès des entreprises dans le cadre des contrôles sur la liste des mesures de contrôle nationales et que, dans le secteur de la construction, la responsabilité des contractants soit conjointe, solidaire et obligatoire.

Depuis, la proposition de directive d’application a été adoptée en session plénière, le 16 avril dernier, par le Parlement européen de Strasbourg. Je crois pouvoir dire que ce vote a constitué une première victoire politique contre le dumping social. Nous sortons en effet du seul principe d’« espace de concurrence libre et non faussée » pour entrer dans le domaine de la protection des acquis sociaux des travailleurs. Ce vote était donc porteur d’une autre vision de l’Europe, une Europe du progrès social, avec la perspective d’une révision complète du texte de 1996, au lieu d’une simple directive d’application de ce texte, telle qu’elle est proposée aujourd’hui.

Cet accord obtenu par Michel Sapin à la fin de l’année 2013, puis confirmé par le Parlement européen, représente un premier pas important. Il témoigne, à mon sens, de la détermination du gouvernement français à mener la lutte contre le dumping social, qui passe notamment, nous le savons, par une plus grande harmonisation sociale et fiscale de nos modèles nationaux, que nous appelons depuis longtemps – trop longtemps, dirai-je ! – de nos vœux.

Il importe, en effet, de mettre un terme à ce mouvement mortifère de divergence sociale et fiscale entre les États membres de l’Union européenne. Cette réalité d’aujourd’hui mine la croyance en l’Europe elle-même. J’ai, pour ma part, toujours milité en faveur d’une Europe des peuples, une Europe pensée comme un espace de coopération, plutôt que de concurrence débridée dans une zone de libre-échange généralisé où le marché est le seul régulateur.

Comme l’ensemble des sociaux-démocrates du continent européen, je pense que le marché est évidemment un moteur de développement, mais qu’il est aveugle et qu’il doit impérativement être régulé par les lois nationales et les directives européennes. C’est le fond même de la pensée économique des socialistes et des sociaux-démocrates.

Je salue d’ailleurs l’inscription à l’ordre du jour de la séance du 20 mai prochain, à la demande de la commission des affaires européennes du Sénat, d’un débat sur les perspectives de la construction européenne : il nous offrira une nouvelle occasion de préciser notre vision d’une Europe progressiste.

Pour l’heure, il nous appartient de nous prononcer sur la présente proposition de loi. Comme le résume très bien Mme Emery-Dumas dans son rapport, ce texte poursuit quatre objectifs majeurs : assurer une transposition extrêmement rapide de certaines dispositions de la directive tout juste adoptée ; mettre en œuvre certaines préconisations de la résolution européenne de l’Assemblée nationale, telle que la liste noire des personnes condamnées pour travail illégal à une amende supérieure à 15 000 euros, seuil sur lequel on peut d’ailleurs s’interroger ; renforcer l’arsenal juridique pour lutter contre le travail illégal ; répondre aux enjeux liés au cabotage routier. Sur ce dernier point, par exemple, les véhicules de moins de 3,5 tonnes seront soumis aux mêmes règles de cabotage que les poids lourds, afin de mettre un terme à une concurrence déloyale qui porte atteinte aux entreprises françaises de transport.

L’adoption de cette proposition de loi sera donc un nouveau signe fort de l’action collective que nous pouvons mener ensemble contre le dumping social. C’est en effet une action coordonnée des parlementaires au niveau national et au niveau européen, avec l’appui ferme du Gouvernement au Conseil de l’Union européenne, qui doit nous permettre aujourd’hui de muscler notre arsenal législatif et, par là même, de protéger notre modèle social national.

Selon le fabuliste Ésope, la langue est à la fois la meilleure et la pire des choses. Je dirai qu’il en va de même pour la concurrence : elle est la meilleure des choses si elle permet la croissance et le développement, mais la pire des choses si elle aboutit à la surexploitation des travailleurs pour emporter des marchés. C’est ce dumping social qu’il nous faut combattre.

Nous soutenons ce texte qui va dans le bon sens, même s’il reste encore bien du chemin à parcourir pour parvenir à l’harmonisation fiscale et sociale et protéger ainsi efficacement et durablement les salariés de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Je souhaite remercier les différents intervenants et souligner encore une fois la qualité du travail réalisé par la commission, en particulier par Mme la rapporteur.

La simplification recherchée, nous la trouvons dans ce texte.

M. Bizet, intervenant au nom du groupe UMP, a fait un certain nombre de remarques.

M. Charles Revet. Une excellente intervention !

M. François Rebsamen, ministre. Nous ne désespérons pas de parvenir à le convaincre qu’aucun risque d’inconstitutionnalité ne pèse sur les articles 6 bis et 7.

Nous partageons un même objectif, qui a été fort bien résumé par Roland Ries : la lutte contre le dumping social. À cet égard, la rapidité de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour des assemblées ainsi que le travail qui a été mené sur ce sujet tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat honorent le Parlement, et je souscris aux propos qu’a tenus M. Vanlerenberghe à ce sujet.

Des cotisations sociales identiques dans tous les pays, c’est un beau rêve, une belle ambition. Cela ne pourra se faire que par le haut, et non par le bas, car il est important que les nombreux travailleurs français détachés puissent bénéficier de la protection sociale de leur pays d’origine.

Vous avez réalisé, monsieur Bocquet, un travail considérable sur cette question, et vous avez bien voulu saluer l’avancée que représente cette proposition de loi. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait ! Le SMIC n’est pas forcément une obligation ; on peut trouver une autre solution, et même la souhaiter.

Je veux remercier Catherine Génisson et Claude Jeannerot de leurs interventions sur l’Europe sociale et saluer, à cette occasion, comme l’a fait notamment Mme Laborde, le travail effectué par Michel Sapin pour résister au niveau européen. Cela montre qu’il est possible d’obtenir des avancées, puis de les transposer dans le droit français.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale

Chapitre Ier

Dispositions générales modifiant le code du travail

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1262-2, il est inséré un article L. 1262-2-1 ainsi rédigé:

« Art. L. 1262-2-1. – I. – L’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues à l’article L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse préalablement au détachement à l’inspection du travail du lieu où s’effectue la prestation, ou du premier lieu de l’activité si elle doit se poursuivre dans d’autres lieux, une déclaration.

« II. – L’employeur mentionné au I désigne un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents mentionnés à l’article L.8271-1-2 pendant la durée de la prestation. » ;

2° Après l’article L. 1262-4, sont insérés des articles L. 1262-4-1 et L. 1262-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1262-4-1. – Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 vérifie auprès de ce dernier avant le début du détachement qu’il s’est acquitté des obligations mentionnées aux I et II de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1262-4-2. – L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas au particulier qui contracte avec un prestataire de services établi hors de France, pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. » ;

3° L’article L. 1262-5 est complété par des 4°, 5° et 6° ainsi rédigés :

« 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l’article L. 1262-2-1 ;

« 5° Les modalités selon lesquelles sont effectuées les vérifications prévues à l’article L. 1262-4-1 ;

« 6° Les modalités de mise en œuvre des dispositions de l’article L. 1264-3. » ;

4° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie du code du code du travail est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Amendes administratives

« Art. L. 1264-1. – La méconnaissance par l’employeur qui détache un ou plusieurs salariés d’une des obligations mentionnées à l’article L. 1262-2-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3.

« Art. L. 1264-2. – La méconnaissance par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre d’une des obligations de vérification mentionnées à l’article L. 1262-4-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3, lorsque son cocontractant n’a pas rempli au moins l’une des obligations lui incombant en application des dispositions de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1264-3. – L’amende administrative mentionnée aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2 est prononcée par l’autorité administrative compétente, après constatation par un des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par salarié détaché et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende. Il ne peut être supérieur à 10 000 euros.

« Pour fixer le montant de l’amende, l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été largement souligné, un grand nombre de nos entreprises souffrent de concurrence déloyale du fait du détachement des travailleurs dans l’Union européenne.

Ces difficultés concernent, certes, l’ensemble de notre pays, mais elles sont particulièrement ressenties dans les zones frontalières. En tant qu’Alsacien, à l’instar de Roland Ries, je suis bien placé pour en parler. Ainsi, depuis de nombreuses années, les entreprises de la bande rhénane alsacienne sont régulièrement confrontées à la concurrence d’entreprises allemandes qui utilisent des travailleurs détachés, la plupart du temps en provenance des pays de l’Est, à des conditions tarifaires dérisoires, et je pèse mes mots !

En effet, du seul fait de l’affiliation au système de sécurité sociale du pays d’origine, l’économie réalisée par le recours à ces travailleurs peut représenter jusqu’à 30 % du coût salarial.

À cela s’ajoutent des salaires souvent considérablement plus bas que chez nous. En effet, comme vous le savez, il n’existe pas de SMIC en Allemagne, et la Cour de justice de l’Union européenne a estimé impossible d’exiger des entreprises de détachement une adhésion à des conventions collectives qui ne sont pas d’application générale.

De nombreux secteurs sont concernés, en particulier le bâtiment. Dans l’agriculture, il est affligeant de voir à quel point les distorsions de concurrence sont fortes entre les planteurs d’asperges alsaciens et ceux d’outre-Rhin, qui sont installés à seulement un kilomètre de chez nous. Le coût du travail est bien différent de part et d’autre de la frontière, et il ne reste à nos exploitants récoltants que leurs yeux pour pleurer... Mais je pourrais citer bien d’autres domaines d’activité.

Je ne reviendrai pas sur le diagnostic, me contentant de souligner que la proposition de loi qui nous est soumise tend à apporter une réponse intelligente au détournement des deux directives concernées, la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs et la directive Bolkestein.

Je suis satisfait, à titre personnel, que ce texte reprenne des mesures issues de l’accord des ministres européens du 9 décembre dernier, telle la responsabilité solidaire. Il est en effet nécessaire d’instaurer une obligation pour le donneur d’ordre de s’assurer de la régularité de l’entreprise prestataire, sous peine de responsabilité solidaire pour le paiement des salaires.

Il me semble, aussi, extrêmement important d’engager la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés, et non plus seulement en cas de défaut de paiement des salaires. Tel est l’objet de cet article 1er, dont je me félicite.

J’ajouterai un mot sur la mise en place d’une liste noire d’entreprises indélicates.

Je suis de ceux qui considèrent qu’il faut revenir sur le montant minimal de 15 000 euros. Pourquoi ce seuil et pas un autre ? Dès lors que le délit est consommé, il me paraît normal que l’entreprise qui a pris le risque figure sur cette liste noire ! J’y reviendrai.

Pour autant, monsieur le ministre, permettez-moi de dire, à mon tour, mon regret que ne puisse être imposée à l’avenir l’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’accueil pour les travailleurs détachés, sauf si le droit du pays d’envoi est plus favorable. C’est en effet de cette question que sont nées l’absence de transparence, puis la montée de la fraude, inacceptable, pratiquée par certaines entreprises étrangères qui se contentent de présenter aux contrôleurs et aux inspecteurs du travail une attestation sur l’honneur selon laquelle elles ont payé des cotisations sociales à l’étranger.

L’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’envoi est à l’origine de tous ces abus.

En conclusion, mes chers collègues, je soutiens la volonté de prendre de l’avance sur la future réglementation européenne. Je suis tout à fait favorable au fait de border le dispositif de responsabilité solidaire. En Alsace, nous sommes particulièrement attentifs à cette difficulté.

Il est toutefois à craindre que, malgré ce dispositif, le dumping social ne continue, tout simplement parce que le coût du travail est trop élevé dans notre pays. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur ce problème majeur, qui est à l’origine du dumping social. C’est cela qui conduit nos entreprises à mettre en œuvre toutes les démarches possibles pour remédier à l’importance de ce coût.

Sur ce point, monsieur le ministre, les mesures prises par le Gouvernement ne sont toujours pas à la hauteur des exigences de la conjoncture actuelle. Je suis convaincu qu’il doit agir le plus tôt possible et plus fortement en matière de compétitivité-coûts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Voilà quelques semaines, j’étais intervenu dans cette enceinte même pour faire part de mon inquiétude relative au problème croissant des travailleurs détachés en France, notamment en Languedoc-Roussillon : sous couvert de libre circulation, on voit se développer travail illégal, abus et fraudes.

Force est de le constater, la directive concernant le détachement de travailleurs était aisément contournée par les entreprises à bas coûts ou low cost, les sociétés boîtes aux lettres, les entreprises d’intérim situées à l’étranger, qui mettent à profit les fossés sociaux et fiscaux existant entre les États membres.

Ainsi, les régimes de détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services étaient détournés pour conduire à de véritables filières de mise à disposition de personnel, sans respect des règles du droit du travail et sans que soient assumées les charges pesant sur les entreprises françaises.

De nouveaux garde-fous étaient donc absolument nécessaires. Il était également indispensable que soient établies toutes les responsabilités dès lors que l’on constatait des agissements frauduleux.

C’est pourquoi je suis satisfait que la présente proposition de loi nous soit présentée aujourd’hui, car elle vise à répondre aux abus et aux fraudes observés lors des détachements de travailleurs, et, plus globalement, au fléau du travail illégal, qui porte préjudice aux salariés, souvent aux plus faibles et aux plus démunis d’entre eux, ainsi qu’aux entreprises qui respectent la légalité et, plus généralement, à notre modèle social, comme l’a rappelé Mme la rapporteur.

J’irai plus loin : si cette proposition de loi symbolise l’investissement de la majorité du Sénat et du Gouvernement pour défendre l’emploi, elle témoigne aussi de notre volonté sans faille de construire une Europe sociale à la hauteur des attentes de nos concitoyens, une Europe dans laquelle la primauté accordée à la concurrence ne se fera plus, au moins sur ce point, au détriment de la protection des droits des travailleurs, grâce à la transposition dès aujourd'hui en droit français de l’accord européen conclu le 9 décembre dernier à Bruxelles.

L’article 1er de cette proposition de loi tend à élever au niveau législatif l’obligation d’effectuer une déclaration préalable de détachement, par l’introduction d’un nouvel article dans le code du travail.

Une telle déclaration permettra de localiser les entreprises qui emploient des travailleurs détachés. Les inspecteurs du travail pourront ainsi croiser plus facilement les données pour faciliter leurs contrôles.

J’apprécie non seulement que la déclaration s’effectue selon des modalités simples, avec un formulaire type pour ne pas alourdir les démarches, mais aussi que son défaut soit sanctionné.

J’apprécie aussi que, en vertu d’un amendement adopté par la commission, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui recourt à un prestataire étranger soit obligé de vérifier que celui-ci s’est bien acquitté de son obligation de déclaration, et ce quel que soit le montant de la prestation.

Par ailleurs, tout manquement à ces règles de la part du prestataire étranger, du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage français pourra donner lieu à une sanction administrative bien plus dissuasive.

En conclusion, je me félicite que nous mettions en place, par le biais de cet article, des règles simples, lesquelles, j’en suis sûr, démontreront rapidement leur efficacité, en faisant reculer le travail illégal, les abus et les fraudes à l’origine de nombreuses pertes d’emplois, notamment dans le secteur du bâtiment.

Je considère qu’il s’agit d’un texte de grande qualité, qui répond à nos attentes. C’est la raison pour laquelle je voterai cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Ces dispositions ne sont pas applicables aux prestations de transport international, ni aux prestations de cabotage exercées dans les conditions prévues par l’article L. 3421-4 du code des transports. »

II. – En conséquence, alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas aux prestations de transport international, ni aux prestations de cabotage exercées dans les conditions prévues par l’article L. 3421-4 du code des transports.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Parmi les prestations de services, le cas du transport, notamment du transport routier, doit être traité de manière spécifique.

En effet, il n’est pas envisageable de demander à toute entreprise établie hors de France réalisant du transport international et dont les salariés effectuent une partie du trajet sur le territoire français d’appliquer les règles du détachement et de faire une déclaration préalable de détachement pour des salariés qui ne resteraient sur le sol français que pendant une très courte période.

De même, la durée maximale de cabotage routier telle que prévue par l’article L. 3421-4 du code des transports n’est que de sept jours. Or le cabotage peut ne durer qu’une journée. Il ne paraît pas pertinent d’appliquer les obligations déclaratives liées au détachement pour une durée aussi courte. Qui plus est, les contrôles sont difficiles à mettre en œuvre s’agissant de passages aussi brefs sur le territoire français.

En conséquence, il est nécessaire de préciser que l’obligation de vérification par le donneur d’ordre que le sous-traitant établi hors de France a effectué la déclaration préalable de détachement ne s’applique pas en cas de transport international et de cabotage routier réalisé conformément à la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Je rappelle que les entreprises de transport international de marchandises sont actuellement soumises à l’obligation d’effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail dès lors que les opérations se poursuivent dans un État membre au-delà des huit jours prévus pour le cabotage.

Ces règles, qui constituent déjà un assouplissement en faveur des transporteurs routiers, découlent directement de l’article 8 du règlement européen du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route, transposé en droit interne par le décret n° 2010-389.

Les auteurs de l’amendement n° 1 souhaitent revenir sur le droit en vigueur, en supprimant purement et simplement l’obligation de déclaration préalable.

Je ne suis pas favorable à une telle approche, qui aurait pour effet d’ouvrir la boîte de Pandore des exceptions et dérogations, et susciterait une forte hostilité de la part des organisations professionnelles des transporteurs français, que j’ai eu l’occasion d’auditionner à l’occasion de l’examen de ce texte. Tous nos interlocuteurs nous ont expliqué qu’ils souffraient déjà de la concurrence déloyale résultant d’opérations illégales de cabotage.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je profite de cette prise de parole pour répondre à M. Reichardt. Monsieur le sénateur, j’ai entendu votre vibrant plaidoyer en faveur des asperges alsaciennes ! J’imagine que vous vous réjouissez de l’introduction d’un salaire minimum en Allemagne.

Par ailleurs, il n’est effectivement jamais trop tard pour prendre conscience de la perte de compétitivité de nos entreprises. Il vous a simplement fallu dix ans pour vous en apercevoir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

obligations mentionnées

insérer les mots :

aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 et

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’article 1er de la présente proposition de loi vise à organiser l’extension de l’obligation de vigilance de toute entreprise bénéficiaire d’une prestation de services. Il s’agit notamment de s’assurer que les déclarations de détachement ont bien été effectuées auprès de l’inspection du travail.

Néanmoins, nous pensons que cette mesure n’est pas suffisante. Quand elle a recours aux services d’un ou plusieurs sous-traitants, comme c’est souvent le cas, l’entreprise bénéficiaire de la prestation de services devrait faire preuve d’une vigilance accrue, particulièrement en matière de législation du travail, conformément à l’article L. 1262-4 du code du travail, auquel fait référence la proposition de loi.

Nous souhaiterions que, outre toutes ces déclarations préalables, l’entreprise donneuse d’ordre s’acquitte des formalités liées à la prévention du travail dissimulé, en vérifiant que l’immatriculation auprès du répertoire des métiers a été réalisée, ainsi que la déclaration auprès des organismes de protection sociale et de l’administration fiscale.

Par ailleurs, l’entreprise donneuse d’ordre a aussi un devoir de vigilance quant à la délivrance du bulletin de paie, à la vérification des heures travaillées et de leur paiement dû. Ces dispositions sont mentionnées aux articles L. 8221-3 et L.8221-5 du code du travail.

En somme, une entreprise donneuse d’ordre doit être non seulement vigilante quant aux formalités devant être réalisées auprès des différents organismes publics à la suite de l’accueil de travailleurs détachés, mais aussi attentive à ce que son sous-traitant ou sa chaîne de sous-traitance respecte au plus près la législation nationale.

Eu égard à l’ampleur actuelle des montages frauduleux et des pratiques de travail dissimulé, nous réaffirmons, par le biais du présent amendement, la responsabilité pénale des donneurs d’ordre à l’égard des agissements de tous leurs prestataires de services employant des travailleurs détachés. Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à l’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 7 souhaitent que le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage non seulement effectuent la déclaration préalable de détachement, mais aussi vérifient que le prestataire est en règle dans son pays d’origine.

Une telle disposition paraît inutile, car l’interdiction de recourir aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé est d’application générale. Elle s’impose à toutes les entreprises, quelle que soit leur nationalité.

En outre, la sanction administrative que nous avons prévue la semaine dernière en commission a vocation à s’appliquer seulement en cas de défaut de vigilance concernant la déclaration préalable et la désignation d’un correspondant national.

Selon moi, il faut conserver des systèmes simples et rapides de contrôle. J’ajoute que le déploiement de l’application SIPSI, système d’information-prestations de services internationales, d’ici à la fin de cette année pourra constituer un instrument utile en la matière.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

Même si je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, la responsabilité des donneurs d’ordre en matière d’infractions aux interdictions de travail dissimulé commises par un sous-traitant fait déjà l’objet de dispositions du code du travail, qui sont justement renforcées par la présente proposition de loi.

Comme vient de le dire Mme la rapporteur, l’objet de l’article 1er est différent : il s’agit de sanctionner de manière rapide, efficace et simple les entreprises qui ne respectent pas les obligations déclaratives en matière de détachement.

J’estime donc que l’adoption de cet amendement serait contreproductive, puisqu’elle engendrerait une certaine confusion concernant les obligations des donneurs d’ordre et les sanctions encourues dans chaque situation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En cas de manquement à ces obligations, les contrats concernés par ces manquements seront réputés avoir été conclus directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage ne peuvent pas rester indifférents au sort réservé aux salariés des entreprises sous-traitant une partie de leur activité, nous en sommes toutes et tous convaincus. C’est la raison pour laquelle les députés et, plus encore, les sénatrices et sénateurs membres de la commission des affaires sociales ont renforcé les obligations pesant sur eux.

Si, à gauche, notre conviction en la matière est forte, c’est que nous mesurons à quel point le recours à la sous-traitance peut obéir à une logique financière. En effet, plus le degré de sous-traitance est important, plus les coûts sont réduits et, mécaniquement, plus les marges sont grandes. Les donneurs d’ordre le savent. De la même manière que les consommateurs doivent être sensibilisés aux risques qu’ils encourent en consommant des biens à prix trop bas, les donneurs d’ordres doivent savoir que la recherche coûte que coûte des prix de production les plus bas ne peut les laisser indifférents.

Certes, la proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, constitue un certain progrès. Mais celui-ci demeure trop timide à nos yeux. En effet, lorsque le recours à la sous-traitance est abusif, il semble opportun de prévoir une sanction plus lourde et, donc, plus dissuasive.

C’est ce que nous proposons au travers de cet amendement, en prévoyant que, en cas de manquement à ses obligations, l’employeur risque de voir les contrats concernés requalifiés, de telle sorte qu’ils soient réputés avoir été conclus directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Même si nous comprenons la volonté des auteurs de cet amendement, une telle mesure paraît difficilement justifiable et risque, à l’aune de la Commission européenne, d’être qualifiée de disproportionnée, car elle bloquerait les flux de détachement en France.

Elle serait également source d’imbroglios juridiques. À mes yeux, la sanction administrative que nous avons introduite à l’article 1er la semaine dernière lors des travaux de la commission constitue une avancée décisive pour lutter contre les abus. Nous prévoyons en effet que le directeur de la DIRECCTE aura toute liberté pour fixer son montant.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je partage l’avis de la commission.

Une raison supplémentaire d’être défavorable à cet amendement, c’est que la seule absence de dépôt d’une déclaration de détachement – c’est un élément important – ne fait pas des salariés détachés des salariés de l’entreprise donneuse d’ordre. En ce cas, on serait confronté à un important problème juridique.

L’objet de l’article 1er, cela vient d’être dit, est de sanctionner de manière rapide, efficace et simple les entreprises qui ne respectent pas la législation ou ne s’assurent pas du respect de l’obligation déclarative.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 1er bis

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1261-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, n’est pas reconnue travailleur détaché la personne de nationalité française salariée d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement pragmatique vise à rendre impossible dans notre pays une pratique scandaleuse et abusive qui consiste ni plus ni moins à faire travailler en France des travailleurs détachés de nationalité française.

Cette pratique est légale, car elle n’est interdite ni par la loi ni même par les directives. Pourtant, il s’agit là d’un dévoiement réel de la directive européenne relative au détachement des travailleurs, dévoiement qui ne repose que sur une seule logique : l’optimisation sociale et fiscale, la réduction artificielle d’un coût du travail prétendument trop élevé en France, ainsi qu’on nous en rebat les oreilles.

Cette fraude légale n’est pas minime puisque, comme le révélait récemment une chaîne d’information continue, la deuxième communauté de travailleurs détachés en France est de nationalité française ! Ces salariés empruntent les mêmes chemins que ceux de l’évasion fiscale.

Direction, donc, le Luxembourg, où les agences d’intérim ont flairé l’opportunité. Un travailleur français s’inscrit dans une agence de travail temporaire luxembourgeoise. L’agence en question le place sur un chantier en France, par exemple dans l’Est, près de la frontière, puisque c’est souvent dans les régions frontalières que cette pratique a lieu.

Comme le soulignent à raison les journalistes de la chaîne d’information susvisée, « au final, l’agence d’intérim et l’entreprise utilisatrice sont gagnantes. Contrairement à l’employé, qui pendant ce temps-là, ne cotise pas en France, ni pour sa retraite, ni pour son assurance maladie, ni pour le chômage. » Au rang des grands perdants de cette situation ubuesque, il convient d’ajouter l’État et la sécurité sociale pour lesquels ces non-cotisations représentent des pertes non négligeables.

Afin d’éviter cet abus manifeste, il convient donc de limiter le statut des travailleurs détachés aux seuls salariés recrutés dans un autre pays membre et non titulaires de la nationalité française, de telle sorte que nos concitoyens ne soient pas pris en otage par la forme d’organisation du travail que les employeurs tentent en l’occurrence de leur imposer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission partage bien entendu le souci des auteurs du présent amendement. Elle craint toutefois que la disposition proposée ne constitue pas la bonne réponse au problème que M. Bocquet vient de soulever dans la mesure où l’adoption de cet amendement exclurait de tout détachement en France les travailleurs français. Ainsi, un salarié qui, pour des raisons professionnelles personnelles, aurait décidé depuis vingt ans de travailler en Allemagne dans une grande entreprise n’aurait pas la possibilité d’effectuer une mission de détachement de quinze jours en France. Une telle situation serait complètement en contradiction avec le système du détachement.

Cela étant, il faut toutefois trouver un moyen de mettre fin aux abus qui sont effectivement constatés, notamment dans le cadre des entreprises de travail temporaire et à l’égard des transfrontaliers.

Pour cette raison, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement comprend également les motivations qui sous-tendent cet amendement. Mais même au nom de la prévention des abus, on ne peut pas empêcher un salarié de nationalité française – et l’exemple qu’a donné Mme la rapporteur à cet égard est juste – d’être détaché par son entreprise en France ou ailleurs. Une telle interdiction irait à l’encontre de la loi, puisqu’elle limiterait le droit à circuler et à travailler des salariés, et constituerait une atteinte au principe de libre circulation des travailleurs.

Les dispositions actuelles du code du travail en matière de lutte contre le travail illégal, renforcées par la proposition de loi dont nous discutons, permettent de poursuivre les entreprises qui, de mauvaise foi bien sûr, utilisent le détachement aux fins de s’exonérer de leurs obligations fiscales et légales.

C’est pourquoi, tout en comprenant tout à fait la finalité visée au travers de cet amendement, nous ne pouvons pas y donner un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Avant de me prononcer sur cet amendement, je voudrais obtenir quelques précisions.

Si le travailleur détaché est français, il relève du régime de sécurité sociale français. Il ne subit donc aucune perte. J’ai du mal à comprendre.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Non, il est affilié au régime de sécurité sociale du pays où est installée la société qui le détache !

M. Éric Bocquet. C’est un faux détachement !

M. Jean Desessard. Je comprends mieux.

Pour ma part, j’aurais tendance à souscrire à cet amendement, qui me paraît très pertinent, car il existe effectivement un risque de dumping social : un grand nombre de sociétés vont s’établir au Luxembourg et embauchent des travailleurs français qu’elles détachent dans l’est de la France d’abord, ensuite dans le centre, dans le sud et le sud-ouest en faisant valoir qu’elles sont moins chères que les autres. Leurs travailleurs n’ont pas de problème de logement puisqu’ils habitent sur place. Il existe donc là un dévoiement possible.

Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, c’est l’harmonisation sociale par le bas. Si on ne réalise pas demain l’harmonisation sociale, elle se fera dans le sens qu’a illustré par son exemple M. Bocquet. Les dispositions seront détournées, les entreprises embaucheront des travailleurs français sous un régime social le plus bas possible pour les faire travailler en France, à côté de chez eux, et à la place des travailleurs employés en France qui, eux, relèvent du système français de sécurité sociale.

Madame la rapporteur, puisque cet amendement est selon vous une mauvaise réponse à la judicieuse question soulevée, pouvez-vous nous indiquer quelle est la bonne réponse ? Cela me permettrait de me prononcer.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Il s’agit d’un contournement du détachement et il faut prouver que l’entreprise en question ne répond pas aux règles du détachement.

Je vous renvoie à la page 32 de mon rapport où sont énumérés les critères permettant d’apprécier la réalité d’un détachement de salarié. Il s’agit notamment de « la durée limitée du détachement dans un autre État membre, la reprise par le salarié de son activité normale à l’issue du détachement, la nature des activités du salarié, la prise en charge par l’employeur du voyage, de la nourriture et de l’hébergement », etc. Un faisceau d’indices est donc nécessaire pour apporter la preuve que la société en question contourne le détachement et est passible des sanctions prévues par la présente proposition de loi. Mais il n’est pas nécessaire d’interdire de façon générale à tout salarié français d’être détaché en France.

Dans l’amendement, il est précisé que c’est la nationalité du salarié qui est prise en compte. Or vous pouvez être français et travailler aux États-Unis ou en Afrique. Dans ce cas, on ne peut pas vous interdire d’être détaché en France par votre entreprise dans le cadre normal du détachement. En revanche, par le système de sanctions qui est mis en place, il doit être possible de sanctionner une société qui contourne le détachement et se livre à du travail illégal.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je remercie Éric Bocquet d’avoir soulevé ce problème, parce que c’est justement ce type de détournement de la loi qui alimente l’esprit anti-européen, même s’il peut sembler paradoxal que ce soit lui qui l’ait posé! (Sourires.)

Madame la rapporteur, je vois bien l’obstacle juridique, je comprends parfaitement votre réponse, mais elle est complexe. Or ce qui alimente l’anti-européanisme, c’est justement la complexité.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce sont les méandres juridiques qui rendent les détournements possibles. La solution, monsieur le ministre, et j’en reviens à la proposition que j’ai formulée tout à l’heure, serait d’obliger les travailleurs détachés à acquitter les cotisations sociales dans le pays d’accueil, sous réserve évidemment que ce régime leur soit plus favorable.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Vous l’avez souligné tout à l’heure, j’avais alors oublié de le préciser, mais je le fais maintenant. Si le droit européen n’évolue pas en ce sens, on ne notera pas de véritable avancée dans le domaine de l’illégalité du travail détaché.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Et en attendant, que fait-on ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Bocquet, vous envisagez un détournement du détachement, un détournement du droit.

Vous avez évoqué l’exemple d’une entreprise luxembourgeoise de travail temporaire qui embauche un salarié français et le met à disposition d’une entreprise française. Elle acquitte les cotisations sociales non pas en France, mais au Luxembourg. Et ce n’est donc pas la nationalité du salarié qui compte.

Or il serait particulièrement injuste, vous en conviendrez avec moi, de pénaliser le salarié lui-même, qui a le droit, s’il le souhaite, d’être employé au Luxembourg et de revenir travailler en France, si les règles en vigueur sont respectées. L’adoption de votre amendement aboutirait à une limitation du droit de circuler, de travailler du salarié, ce qui serait contraire au droit.

Bien sûr, dans le monde idéal que vous dépeignez – j’aimerais bien y évoluer ! –, le problème serait résolu. Pour autant, j’en suis bien convaincu, il ne faut pas cesser de se battre en vue d’une harmonisation sociale européenne, et donc pour tirer vers le haut le système de protection sociale.

En l’espèce, il s’agit d’un détournement…

MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Jean Desessard. Eh oui !

M. François Rebsamen, ministre. Mais vous ne pouvez pas sanctionner ce détournement en pénalisant le salarié, en l’empêchant de circuler et de travailler. Il y a là une contradiction juridique. Cependant, je le répète, j’ai tout à fait compris l’esprit qui sous-tend cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 171 :

Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 176
Pour l’adoption 30
Contre 146

Le Sénat n'a pas adopté.

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Articles additionnels après l’article 1er bis

Article 1er bis

La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1221-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1221-15-1. – Il est annexé au registre unique du personnel la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1. » – (Adopté.)

(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 1er ter

Articles additionnels après l’article 1er bis

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1111-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 4° Pendant la durée de leur détachement, les travailleurs titulaires d’un contrat de détachement employés par une entreprise, y compris dans le cadre d’une sous-traitance par une autre entreprise, sont pris intégralement en compte dans l’effectif de l’entreprise. 

« 5° Une même entreprise ne peut pas faire appel, directement, à des prestataires de services, si le nombre de salariés ainsi détachés excède le nombre de salariés employés par le donneur d’ordre dans des proportions définies par décret. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. L’article 1er de la présente proposition de loi étend l’obligation de vigilance de l’entreprise bénéficiaire d’une prestation de service internationale à la vérification du dépôt de la déclaration de détachement auprès de l’inspection du travail. L’article 1er bis, quant à lui, impose que soit annexée au registre du personnel toute formalité déclarative exigée des prestataires étrangers, qu’ils en soient dispensés ou non.

Rappelons que le registre du personnel est un outil mis à la disposition des salariés et des représentants du personnel pour leur permettre de vérifier que les décisions et actions de l’entreprise sont bien conformes aux dispositions des codes du travail et de la sécurité sociale. Il paraît donc normal que toute procédure engagée par l’entreprise et ayant un rapport avec l’emploi de travailleurs étrangers figure dans ce même registre.

Le phénomène croissant de détachement de travailleurs, dans des conditions qui peuvent être totalement licites au regard du droit européen, mais qui violent totalement le droit social de notre pays, repose sur le manque de transparence et l’impunité dont jouissent parfois les entreprises, par manque de contrôle, mais aussi faute de possibilité de prouver les infractions face à des montages frauduleux complexes.

C’est pourquoi nous souhaitons que soient comptabilisés dans l’effectif et inscrits dans le registre unique du personnel les travailleurs en situation de détachement, même dans le cadre d’une sous-traitance. Cela permettrait de responsabiliser les entreprises donneuses d’ordre, renforcerait la transparence des emplois au sein de l’entreprise, et faciliterait les contrôles et la punition des infractions.

En parallèle, nous défendons la mise en place d’un pourcentage maximal autorisé de travailleurs détachés au sein des entreprises, selon un taux correspondant à la taille de l’entreprise et à ses besoins. Les PME et TPE sont les structures qui subissent le plus fortement les conséquences de ce phénomène croissant de détachement, lequel introduit une concurrence déloyale à l’égard de laquelle elles se sentent souvent désemparées. Les plus grosses entreprises, qui recourent massivement à ce genre de méthode, seront tenues de respecter un quota fixé dans la loi, et non par décret.

Le présent amendement vise donc à encadrer et limiter l’usage du détachement de travailleurs dans les entreprises, ainsi que les abus fréquents qui conduisent à une situation de pressurisation sociale insupportable pour les travailleurs comme pour les petits entrepreneurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. L’objet de cet amendement est double.

D’une part, il vise à ce que les salariés détachés soient pris en compte dans les effectifs de l’entreprise d’accueil. Cette proposition soulève un problème, car, si elle était adoptée, elle effacerait totalement la distinction entre les effectifs du prestataire étranger et ceux de l’entreprise d’accueil. Elle aurait, en outre, une incidence majeure sur les règles d’assujettissement applicables en matière d’institutions représentatives du personnel – la constitution d’un comité d’entreprise, par exemple –, ce qui impliquerait une concertation préalable à l’échelon national entre partenaires sociaux. L’annexion de la déclaration de détachement au registre unique du personnel de l’entreprise d’accueil, prévue à l’article 1er bis, me semble plus acceptable.

D’autre part, l’amendement prévoit qu’un décret fixera le nombre maximal de détachements autorisés par entreprise en fonction de ses effectifs. L’idée peut paraître séduisante, mais elle irait à l’encontre de la libre prestation de services qui découle des traités européens et du principe constitutionnel de liberté d’entreprendre.

Par conséquent, la commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Je partage le sentiment de Mme la rapporteur.

Monsieur le sénateur, je comprends votre souci d’encadrer le détachement de salariés et de lutter contre les abus et les fraudes en la matière, mais je souhaiterais vous apporter deux arguments qui expliquent les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Vous le savez, et Mme la rapporteur l’a rappelé, les salariés détachés ne sont pas des salariés de l’entreprise donneuse d’ordre et ne relèvent pas de son collectif de travail. Ils ne peuvent donc pas être intégrés dans ses effectifs. C'est seulement en cas de fraude impliquant du travail dissimulé, et s’il s’avère que le donneur d’ordre emploie des salariés détachés comme ses propres salariés, qu’il devient employeur de fait.

Par ailleurs, limiter le recours à des prestataires de services étrangers en fonction du nombre de salariés détachés par rapport au nombre de salariés employés par le donneur d’ordre constitue une mesure discriminatoire, portant atteinte de manière disproportionnée au principe de la libre prestation de services. Elle pourrait surtout – je crois, monsieur le sénateur, que vous serez sensible à ma remarque – aboutir en pratique à l’effet inverse de celui recherché, en incitant en quelque sorte à une sous-déclaration : il n’y a pas de limite quand on essaye de contourner la loi !

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 8 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 1262-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° La seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot « , ».

2° Sont ajoutés les mots : « et que la rémunération prévue pour les travailleurs en situation de détachement corresponde à la grille des salaires et des qualifications pratiqués au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. L’article 1er bis, adopté par l’Assemblée nationale en séance publique, rend obligatoire l’annexion des déclarations relatives au détachement des travailleurs dans le registre unique du personnel de l’entreprise d’accueil. À nos yeux, c’est une mesure nécessaire, qui permet d’inscrire le salarié dans la réalité administrative de l’entreprise, mais qui est loin d’être suffisante.

En effet, les protections offertes aux salariés détachés en matière de rémunération sont particulièrement limitées : la seule vraie contrainte est que le travailleur soit rémunéré comme la loi nationale l’impose, c’est-à-dire au moins au SMIC. Or il est courant que certaines entreprises rémunèrent leurs salariés au-delà du SMIC, puisqu’il est logique que corresponde à des compétences et à un poste précis un salaire adéquat.

Pourtant, les travailleurs détachés employés par des donneurs d’ordre en France et qui accomplissent des missions qui requièrent des compétences spécifiques peuvent être contraints de percevoir un salaire bien inférieur à leur compétence réelle, bien que correspondant au minimum légal.

Pour ainsi dire, la concurrence et le dumping jouent autant sur les cotisations sociales que sur les salaires, puisqu’il est possible d’employer un travailleur très compétent dans son domaine tout en le rémunérant, en toute légalité, au SMIC.

Les travailleurs détachés échappent donc aux protections et aux avantages dont disposent les salariés de l’entreprise, notamment les acquis des conventions collectives, qui parfois ont participé de la négociation des grilles de salaires. Bien qu’ils soient détachés pour une période limitée, il n’est pas normal qu’ils échappent aux acquis sociaux résultant de la négociation au sein de l’entreprise. Parce que la loi impose le minimum légal, il faudrait s’y conformer : la loi impose en effet un minimum, mais ce n’est pas pour autant qu’il existe un plafond. La grille des salaires de l’entreprise doit être un outil de référence pour rémunérer le travailleur, détaché ou non, selon ses compétences et diplômes.

Afin de remédier à cette situation et d’éviter réellement le dumping social, notre amendement vise à préciser que les salariés détachés ont droit à une rémunération égale à celle que pratique l’entreprise dans laquelle ils sont détachés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Cet amendement tend à fixer le niveau du salaire qui doit être versé aux salariés détachés. Il revient donc sur la liberté contractuelle qui existe entre l’entreprise d’accueil et le prestataire étranger.

La proposition de loi que nous examinons impose déjà l’obligation de verser un salaire minimum légal ou conventionnel, qui peut donc, dans certaines branches, être plus élevé que le SMIC – l’inverse peut aussi exister. Ce salaire minimum n’est malheureusement pas toujours respecté, comme chacun le sait. Nous avons d’ailleurs prévu un dispositif de sanction dans ce texte.

La mesure proposée risquerait d’être considérée comme une entrave à la libre prestation par la Commission européenne.

Cela dit, cet amendement soulève une question judicieuse. La commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jean Desessard. Une réponse judicieuse, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. François Rebsamen, ministre. Madame la rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Monsieur le sénateur, la question que vous soulevez est intéressante, mais votre amendement n’y apporte pas de réponse satisfaisante.

Il faut bien sûr empêcher les fraudes et les abus en la matière, mais le code du travail prévoit déjà des dispositions spécifiques, comme vient de le rappeler Mme la rapporteur. L’employeur prestataire de services étranger doit respecter le SMIC légal et, quand il est plus favorable – cela peut arriver ! –, le salaire minimum conventionnel.

Par ailleurs, les travailleurs détachés, je l’ai déjà indiqué, ne sont pas salariés du maître d’ouvrage ou de l’entreprise donneuse d’ordre. Ils doivent donc être rémunérés sur la base non pas des salaires pratiqués en son sein, mais de ceux de la branche d’activité dont ils relèvent.

D’autres dispositions de cette proposition de loi également évoquées par Mme la rapporteur, notamment l’obligation de vigilance des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage en cas de non-paiement du salaire minimum légal ou conventionnel – c'est l’objet de l’article 2 –, permettent de répondre aux enjeux que vous soulevez.

Vous êtes revenu à plusieurs reprises, et à juste titre, sur la chasse aux fraudeurs et sur la nécessité de soutenir les salariés. Mais si les propositions figurant dans vos amendements nos 8 et 10 étaient appliquées, elles pourraient, à terme, se retourner contre les salariés.

Monsieur le sénateur, je souhaite que vous retiriez votre amendement ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 1262-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun autre contrat de détachement ne peut être conclu entre un donneur d’ordre ou un maître d’ouvrage et l’employeur mentionné à l’article L. 1262-1, s’il n’est observé une période de carence d’un mois entre la fin du précédent contrat et le détachement d’un nouveau salarié. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. En l’état actuel du droit, un employeur peu scrupuleux peut avoir recours à ce que l’on peut appeler le « détachement à la chaîne ». Ainsi, les travailleurs étrangers étant détachés pour accomplir des missions souvent courtes, il existe, notamment sur les chantiers du BTP, un turn over assez important de personnel détaché. De ce fait, il est plus difficile de faire respecter le droit du travail par le biais du contrôle, la courte durée du détachement ne correspondant pas à celle, plus longue, du travail de l’inspection du travail ou du traitement administratif.

Cette situation s’explique tout simplement par l’absence de disposition légale réglementant la durée entre deux détachements.

Par ailleurs, une entreprise peut détacher un travailleur sur le sol français alors même que les formalités ne sont pas officiellement finalisées : les entreprises n’hésitent pas à envoyer le travailleur réaliser sa mission dans un pays étranger sans que le formulaire de détachement ait été retourné. Le travailleur commence alors sa mission sans être entièrement ni officiellement protégé par le droit du travail français.

C’est pourquoi nous souhaitons, à l’article 1er bis, introduire dans le code du travail une disposition tendant à ce qu’un délai d’un mois soit imposé à toute entreprise entre deux détachements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Cet amendement pose une interdiction générale et absolue : celle de bénéficier de deux détachements en moins d’un mois.

N’étant pas prévue par la directive d’exécution adoptée le 16 avril dernier par le Parlement européen, une telle mesure serait contraire au principe de libre prestation de service consacré par les textes européens.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l’article L. 2323-70 du code du travail, après les mots : « les relations professionnelles », sont insérés les mots : « le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis ».

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’article 1er bis introduit l’obligation de faire apparaître dans le registre unique du personnel les formalités déclaratives relatives au détachement de personnel.

Nous pensons que, pour être efficace dans la lutte contre les fraudes et les abus liés au détachement de salariés ou à l’accueil de personnel détaché, ce dispositif doit s’accompagner de mesures volontaristes de transparence.

Le bilan social, réalisé obligatoirement par l’entreprise employant plus de trois cents salariés, est un document de grande valeur informative pour les salariés et les représentants du personnel : il récapitule les principales données chiffrées qui permettent d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social ; il compile des informations concernant l’emploi, les conditions de travail, de santé et de sécurité, la formation, les relations professionnelles, etc.

Il peut aussi être un outil supplémentaire d’encadrement des détachements.

En effet, sur le fond, ces travailleurs étrangers ne doivent surtout pas être considérés comme des « salariés fantômes » au sein de l’entreprise donneur d’ordre ou sous-traitante, car, on le sait, la pratique du détachement couplée à cette situation de clandestinité incite en elle-même les entreprises à la fraude et à la dissimulation, en contradiction avec la législation sociale nationale et aux dépens des travailleurs détachés, qui, faut-il le souligner ?, ne disposent que de peu de possibilités de recours, ne parlant pas toujours la langue du pays d’accueil.

Par ailleurs, les salariés « permanents » de l’entreprise donneuse d’ordre, qui prennent part à la vie de l’entreprise et à sa gestion via les représentants du personnel, doivent, selon nous, pouvoir être informés de l’emploi de travailleurs détachés par leur entreprise et pouvoir le contrôler.

Aussi, de manière à donner aux inspecteurs du travail les moyens et les outils nécessaires pour lutter efficacement contre la fraude et le dumping social, nous souhaitons que, à des fins de transparence, l’accueil comme l’envoi de travailleurs détachés soient mentionnés dans le bilan social de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a considéré que cet amendement était tout à fait conciliable avec la directive applicable en la matière.

Étant favorable à une meilleure information du comité d’entreprise dans le domaine du détachement, elle a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Permettez-moi toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, de formuler quelques remarques.

Il est vrai qu’informer les représentants du personnel de la présence de salariés détachés permet d’assurer une certaine transparence sur les pratiques de l’entreprise. Cela dit, toutes les informations nécessaires relatives à la sous-traitance figurent normalement dans le bilan social. Au reste, ce n’est pas contradictoire…

Cependant, le bilan social étant annuel, prévoir des informations complémentaires sur le détachement de salariés peut être efficace pour prévenir les éventuelles fraudes.

Par ailleurs, l’objectif d’information est en grande partie atteint par l’inscription des déclarations de détachement dans le registre unique de l’entreprise, auquel ont déjà accès les représentants du personnel.

Dans ces conditions, je pose la question : faut-il vraiment créer une nouvelle obligation en la matière ? Je laisse à la Haute Assemblée le soin d’y répondre !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur Watrin, si j’ai bien compris votre amendement, auquel je suis favorable, vous souhaitez qu’apparaisse, dans le bilan social de l’entreprise donneur d’ordre, le fait qu’elle recourt soit à des sous-traitants, soit à des travailleurs détachés.

Consacrer la responsabilité du donneur d’ordre sur ce plan est tout à fait dans l’esprit du texte !

Une telle disposition me paraît intéressante, normale et même très logique quand on sait que les entreprises font appel à la sous-traitance ou à des travailleurs détachés pour contourner l’existence d’une grille de salaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Avouons-le, il n’est pas très compliqué, pour une entreprise, d’ajouter une ligne ou un chiffre dans son bilan social !

La mention du nombre de salariés détachés et du nombre de salariés détachés accueillis ne représente aucune surcharge de travail. Ces données sont connues, à moins qu’elles ne soient cachées, et donc révélatrices de pratiques illégales. (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste ainsi qu’au banc des commissions.)

Je pense par conséquent que l’amendement vaut la peine d’être adopté. En tout cas, nous y sommes favorables !

Mme Catherine Génisson. Nous allons le voter !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er bis.

Articles additionnels après l’article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 2

Article 1er ter

Le livre II de la huitième partie du code du travail est complété par un titre VIII ainsi rédigé :

« Titre VIII

« VIGILANCE DU DONNEUR D’ORDRE EN MATIÈRE D’APPLICATION DE LA LÉGISLATION DU TRAVAIL

« Chapitre unique

« Obligation de vigilance et responsabilité du donneur d’ordre

« Art. L. 8281-1. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 d’une infraction aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables au salarié d’un sous-traitant direct ou indirect en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes :

« 1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;

« 2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

« 3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ;

« 4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

« 5° Exercice du droit de grève ;

« 6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

« 7° Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;

« 8° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;

« 9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants,

« enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.

« Le sous-traitant mentionné au premier alinéa informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.

« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre informe aussitôt l’agent de contrôle.

« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées au présent article, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est passible d’une sanction prévue par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 8281-2. – Tout maître d’ouvrage ou tout donneur d’ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-1-2 du présent code, du fait que des salariés de son cocontractant ou d’une entreprise sous-traitante directe ou indirecte sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, mentionnées à l’article 225-14 du code pénal, lui enjoint aussitôt, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation.

« À défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés, dans des conditions respectant les normes prises en application de l’article L. 4111-6 du présent code.

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin ou de ses ascendants ou descendants. »

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 12, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

en matière de législation du travail,

insérer les mots :

et ce, pour tous les secteurs d’activité,

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. La directive européenne 96/71/CE prévoit que l’obligation de vigilance du donneur d’ordre en matière d’application de la législation du travail ne s’applique qu’au secteur du bâtiment. Or, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle, les travailleurs détachés n’exercent pas leur activité dans ce seul secteur. Bien au contraire, on constate que l’ensemble des secteurs d’activité sont touchés par ce phénomène : agriculture, transports, métiers de l’événementiel, de la sécurité…

Même s’il est prévu à l’article 1er ter que le code du travail mentionne « en matière de législation du travail », pour éviter tout détournement, il nous semble incontournable de préciser que cette obligation s’applique à l’ensemble des secteurs d’activité. En effet, compte tenu de l’ingéniosité dont les entreprises sont capables quant aux montages qu’elles effectuent afin d’optimiser leurs pratiques de dumping social, il est indispensable de ne leur laisser aucune ouverture.

En Europe, la France est pionnière dans la lutte contre les pratiques illégales liées au détachement de salariés. Il est important qu’elle le reste, en œuvrant toujours plus dans le domaine de la protection des travailleurs détachés car, malheureusement, l’accord européen sur ce sujet est vraiment a minima et ne va pas assez loin.

Le présent amendement tend à apporter une simple précision, sans changer le sens du texte original. C’est pourquoi nous vous proposons de l’adopter, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Je veux d’abord faire observer que le champ de la proposition de loi s’étend à tous les secteurs d’activité, contrairement à la directive en cause, qui, elle, ne concerne que le secteur du BTP.

Il ne me paraît donc pas nécessaire de préciser que les obligations posées à l’article L. 8281-1 du code du travail s’appliquent à tous les secteurs d’activité. Sinon, il faudrait réaliser le même ajout partout dans ce même code ! Cela reviendrait non seulement à alourdir le texte, mais aussi à créer des risques d’a contrario : l’oubli de cette précision à un article du code ferait naître un doute.

De surcroît, les craintes des auteurs du présent amendement sont fondées sur une lecture inexacte de la directive d’exécution. S’il est vrai que l’article 12 de cette dernière prévoit que le mécanisme de solidarité financière en cas de non-paiement du salaire minimal aux salariés détachés n’est obligatoire que dans le secteur de la construction, l’article 2 de la proposition de loi que nous examinons reprend ce dispositif et l’étend à tous les secteurs.

Considérant que votre amendement est satisfait, madame Pasquet, la commission vous demande de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Madame la sénatrice, votre amendement peut poser problème.

Le code du travail est, par principe, d’application générale ! Dès lors, toute exception sectorielle doit être explicitement mentionnée. Par conséquent, si l’on précise que les dispositions de l’article 1er ter s’appliquent à tous les secteurs, on ne fait que répéter ce qui est écrit par ailleurs dans le code du travail. Surtout, on laisse planer un doute sur l’ensemble des autres dispositions du code précité qui ne comportent pas une telle précision !

C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. Claude Jeannerot. Convaincant !

M. le président. Madame Pasquet, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?

Mme Isabelle Pasquet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'article.

M. René-Paul Savary. Nous avions déposé l’amendement n° 2 tendant à la suppression de l’article 1er ter, car nous pensons que cet article, ajouté par l’Assemblée nationale, va particulièrement loin. En tout état de cause, il va vraiment plus loin que le texte initial.

On ne peut qu’être favorable à la chasse aux entreprises qui fraudent. En revanche, prenons garde à ne pas nous immiscer dans les dispositifs de sous-traitance ! Les donneurs d’ordre ne peuvent pas toujours bien connaître l’ensemble des entreprises amenées à travailler sur de gros chantiers. J’attire votre attention sur ce point. Il ne faudrait pas pénaliser les sociétés qui ne fraudent pas ! Sinon, nous allons encore mettre un frein à l’entreprise, à l’initiative, et donc à l’économie et à l’emploi.

Dans la logique qui nous avait amenés à déposer l’amendement n° 2, que nous avons toutefois retiré, nous voterons contre cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Bien entendu, je voterai en faveur du présent article.

Cependant, je suis étonné de l’argument dont vous usez, monsieur Savary, et j’ai du mal à le comprendre : selon vous, les contrôles affaibliraient les entreprises honnêtes.

Au contraire, j’ai l’impression qu’une entreprise qui joue le jeu subit la concurrence déloyale liée au travail clandestin et aux non-déclarations ! Dès lors, plus les contrôles sont nombreux, plus les entreprises honnêtes sont rassurées.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je vais abonder dans le sens de M. Desessard.

Monsieur Savary, je veux vous rassurer : les collectivités qui continueront à jouer le jeu ne seront pas pénalisées !

En effet, c’est l’inspection du travail qui signalera les abus, et dès lors que les collectivités territoriales seront informées de fraudes, elles devront demander aux entreprises qu’elles emploient de respecter la loi. Mais l’on ne demandera pas aux collectivités territoriales de contrôler elles-mêmes les entreprises qu’elles emploient.

Je voulais préciser ce point, car nous avons eu ce débat ce matin en commission ; il semble d’ailleurs qu’il ait lieu au sein de tous les groupes. Des élus locaux, notamment des maires, s'inquiétaient de savoir comment ils pouvaient vérifier, sur tous les chantiers, que les entreprises se conforment bien à la loi. Je le répète, ce n’est que lorsqu’un élu saura que l’une des entreprises employées fraude qu’il devra lui demander d’appliquer la loi, sans quoi il sera pénalisé – mais alors, il ne s'agira plus d’un élu qui joue le jeu...

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter.

(L'article 1er ter est adopté.)

Article 1er ter
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Article additionnel après l’article 2

Article 2

Après le chapitre V titre IV du livre II de la troisième partie du même code, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :

« Chapitre V bis

« Obligations et responsabilité financière du donneur d’ordre

« Art. L. 3245-2. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié de son cocontractant, d’un sous-traitant direct ou indirect ou d’un cocontractant d’un sous-traitant, enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant ou à ce cocontractant de faire cesser sans délai cette situation.

« Le sous-traitant ou le cocontractant mentionné au premier alinéa du présent article informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.

« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre en informe aussitôt l’agent de contrôle.

« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées aux premier et troisième alinéas, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu solidairement avec l’employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme Emery-Dumas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

du sous-traitant

insérer les mots :

ou du cocontractant

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Il s'agit d’un amendement de coordination juridique : la commission avait oublié de mentionner le cocontractant à l’alinéa 6.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3

Article additionnel après l’article 2

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II du livre II de la huitième partie du même code est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Dispositions particulières aux professions du bâtiment et des travaux publics

« Art. L. 8225-1. – Dans les entreprises visées aux articles D. 3141-12 et D. 3141-14, une carte d’identification nominative est établie par la caisse et adressée à l’entreprise pour tout salarié déclaré ou détaché temporairement par une entreprise non établie en France.

« Cette carte est remise par l’entreprise à chaque salarié concerné, qui doit la présenter, sur demande, aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2. »

Cet amendement a été retiré.

Article additionnel après l’article 2
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Article 4

Article 3

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 8222-5 du même code, après le mot : « intervention », sont insérés les mots : « du cocontractant, ». – (Adopté.)

Article 3
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Article 5 (Suppression maintenue)

Article 4

(Non modifié)

L’article L. 8271-6-2 du même code est complété par les mots : « et du chapitre II du titre VI du livre II de la première partie ». – (Adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

(Suppression maintenue)

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 8224-6 du code du travail, il est inséré un article L. 8224-… ainsi rédigé :

« Art. L. 8224-... – Tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre qui, après avoir été informé par écrit dans les conditions prévues par l’article L. 8225-5, poursuit l’exécution du contrat avec l’entreprise dont la situation irrégulière n’a pas cessé, est passible des sanctions prévues à l’article L. 8224-1. Une fois l’infraction constatée, ces sanctions seront susceptibles d’être effectives. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. L’Assemblée nationale, lorsqu’elle a examiné la présente proposition de loi, a supprimé l’article 5. Celui-ci disposait que, si l’entreprise donneuse d’ordre poursuivait l’exécution du contrat passé avec une entreprise sous-traitante qui s’était avérée en infraction, elle était passible d’une sanction de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, prévue par l’article L. 8224-1 du code du travail.

Néanmoins, et c’était la faiblesse de cet article, l’entreprise donneuse d’ordre avait alors un mois pour inciter son sous-traitant à se mettre en règle avant que la sanction pénale ne soit effective. Si, au terme de ce délai, l’entreprise sous-traitante, bien qu’initialement en infraction, obéissait aux règles du droit, aucune sanction pénale n’était alors infligée.

Évidemment, si nous nous prononçons pour un renforcement de la responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre et de son sous-traitant, nous ne pouvons accepter que ce dernier dont l’infraction est avérée bénéficie d’une immunité pénale. En effet, nul n’est censé ignorer la loi. Au nom de quoi une entreprise incriminée pourrait-elle se soustraire à la sanction qu’elle a, somme toute, méritée ? Cela constituerait une forme de laxisme manifeste, qui n’irait pas dans le sens du renforcement du dispositif législatif pour dissuader davantage les donneurs d’ordre fraudeurs.

C’est pourquoi nous demandons la réintégration dans la proposition de loi de l’article 5, modifié de façon que le sous-traitant ne puisse plus se soustraire à ses obligations légales, notamment en matière de travail dissimulé et de prêt illicite de main-d’œuvre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Dans la proposition de loi initiale, une période de tolérance d’un mois bénéficiait au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre pour mettre un terme au comportement d’un cocontractant ayant commis une infraction de travail dissimulé.

À l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales a supprimé ce délai d’un mois, puis l’article 5 lui-même a été supprimé en séance publique.

Il ne me semble pas utile de le rétablir presque à l’identique au Sénat, car nous disposons déjà d’un outil très efficace de solidarité financière en cas de travail dissimulé visé à l’article L. 8222-5 du code du travail.

En outre, les pénalités prévues à l’article L. 8224-1 du même code – trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – s’appliquent aujourd’hui dans de très nombreux cas de figure, dont la liste est mentionnée à l’article L. 8221-1 dudit code, notamment « le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé. »

En conclusion, le droit en vigueur paraît satisfaire les préoccupations des auteurs de l’amendement, dont la commission souhaite donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le recours intentionnel par un donneur d’ordre à du travail illégal est déjà puni par l’article L. 8224-1 du code du travail, sans délai de régularisation. C'est d'ailleurs pour cette raison, me semble-t-il, que la disposition en question avait été supprimée par l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 13 est-il maintenu ?

M. Dominique Watrin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.

En conséquence, l’article 5 demeure supprimé.

Article 5 (Suppression maintenue)
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Article 6 bis

Article 6

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le 4° des articles L. 8224-3 et L. 8256-3 est ainsi rédigé :

« 4° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; »

2° Les articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que la diffusion prévue au 9° de l’article 131-39 soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

3° Le dernier alinéa de l’article L. 8234-1 est ainsi rédigé :

« La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

4° Le dernier alinéa de l’article L. 8243-1 est ainsi rédigé :

« Dans tous les cas, la juridiction peut ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Reichardt.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Marseille.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer les mots :

au moins égale à 15 000 €

par les mots :

, quel qu’en soit le montant,

Les amendements nos 6 et 21 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l'amendement n° 22 rectifié.

M. Jacques Mézard. L'article 6 autorise le juge à prononcer, à titre de peine complémentaire, l'inscription sur une liste noire des personnes condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal.

Dans la proposition de loi initiale, cette possibilité était ouverte au juge dès lors que l’amende était au moins égale à 45 000 euros, ce qui correspond à la peine maximale encourue par les personnes physiques pour les pratiques de travail illégal.

Lors des travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, les députés, estimant ce seuil beaucoup trop élevé, l’ont abaissé à 15 000 euros, c'est-à-dire trois fois moins.

Pour notre part, nous considérons que conditionner l’inscription sur la liste noire au franchissement du seuil de 15 000 euros risquerait de réduire la portée de cette mesure.

Aussi, notre amendement vise à supprimer toute référence à une peine d’amende minimale. Il s'agit de laisser à la libre appréciation du juge le fait d’inscrire ou non une entreprise sur la liste noire, quel que soit le montant de l’amende prononcée par ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission a déjà eu ce débat la semaine dernière.

La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, ou CAPEB, qui soutient cet amendement, souhaite un abaissement du seuil au premier euro d’amende, tandis que le MEDEF réclame la suppression complète de la liste noire.

Le seuil de 15 000 euros retenu par l’Assemblée nationale lui semblant constituer un juste équilibre, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. La liste noire doit avoir un caractère exemplaire. Y faire figurer toutes les entreprises condamnées pour travail illégal placerait sur le même plan les petits fraudeurs et les entreprises qui mettent en place de vrais systèmes de fraude organisée, ce qui conduirait, en pratique, à en amoindrir la portée. Le seuil de 15 000 euros semblait équilibré. Mais eu égard à la complexité du débat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. L’argument juridique avancé de l’équilibre entre la CAPEB et le MEDEF est assez original… (Sourires.)

Notre amendement est logique, de sagesse. On fait confiance au tribunal qui prononce une condamnation. C'est lui qui alimente la liste noire.

Mais l’argumentation de haut vol selon laquelle, pour établir un équilibre entre les souhaits de la CAPEB et du MEDEF, qui voulait faire passer le seuil initialement prévu de 45 000 euros à zéro, on retient celui de 15 000 euros, ne me convainc pas. D'ailleurs, j’ai le sentiment que M. le ministre n’est pas lui-même totalement convaincu…

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Il faut sans doute fixer un seuil en se référant aux fraudes organisées évoquées précédemment. Mais, pour les entreprises qui récidivent, qui sont condamnées à des amendes successives de 3 000 euros, peut-être revient-il au juge de dire que, indépendamment de toute fraude organisée, il s'agit néanmoins de fraudeurs. Laissons-lui la possibilité d’inscrire ou non ces entreprises sur la liste noire. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous incite à adopter notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suivrai madame la rapporteur, et m'opposerai donc au présent amendement. Une entreprise peut commettre une erreur, établir une mauvaise déclaration impliquant une condamnation minime. L’inscrire sur la liste noire reviendrait à placer tout le monde dans le même panier. Je suis sensible à l’argument selon lequel il s’agit de pointer les pratiques systématiques de certaines entreprises et les graves manquements aux règles en vigueur.

Le seuil retenu – on peut toujours en discuter – tend à distinguer ce qui relève de la négligence de pratiques systématiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je comprends parfaitement les arguments avancés, mais le choix est assez cornélien. Une condamnation à verser un euro symbolique de dommages et intérêts n’a pas la même portée qu’une sanction plus grave. Faut-il, dans tous les cas, faire figurer l’entreprise en cause sur une liste noire ? Je crois que l’inscription sur cette liste est limitée dans le temps…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. La durée maximale d’inscription est de deux ans.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dont acte ! Puisque M. le ministre s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, je m'en remets pour ma part à celle de M. Mézard ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Pour aider la sagesse à mieux s'exprimer, je donnerai un petit éclairage. Les services concernés ont étudié le montant des amendes prononcées ces derniers temps. En 2010 et 2011, alors que respectivement douze et sept amendes étaient supérieures au seuil de 15 000 euros, cent soixante et une et cent quatorze étaient inférieures. Ces chiffres, qui ne sont pas exhaustifs, sont cependant parlants.

Si l’amendement n° 22 rectifié est adopté, ce sera non plus une liste noire, mais un registre de toutes les entreprises condamnées…

M. Jean Desessard. Ce sera un récapitulatif des condamnés !

M. François Rebsamen, ministre. L’inscription sur une telle liste constitue une peine complémentaire. Le président Mézard le sait par cœur, il faudrait que le juge puisse expressément décider de la non-inscription sur la liste…

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. L’amendement n° 14 du groupe CRC, qui doit être examiné juste après celui qui est en discussion, tend à allonger la durée d’inscription sur la liste noire. Je vous indique d’ores et déjà, monsieur le président, que nous le retirons au profit de l'amendement n° 22 rectifié, qui vise, en supprimant le seuil, à laisser la liberté au juge de décider de l’inscription sur la liste noire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 172 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 329

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° 14, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase, alinéa 5, alinéa 7, seconde phrase, et alinéa 9, seconde phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

cinq

Cet amendement a été retiré.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 6 ter

Article 6 bis

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Actions en justice 

« Art. L. 1264-1. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »

2° Le chapitre III du titre II du livre II de la huitième partie est ainsi modifié :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Droits des salariés et actions en justice » ;

b) Est insérée une section 1 intitulée : « Droits des salariés » et comprenant les articles L. 8223-1 à L. 8223-3 ;

c) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Actions en justice

« Art. L. 8223-4. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme Emery-Dumas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le titre VI du livre II de la première partie est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

II. – Alinéa 3

Remplacer la référence :

IV

par la référence :

V

III. – Alinéa 5

Remplacer la référence :

L. 1264-1

par la référence :

L. 1265-1

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. Il convient de modifier l'insertion dans le code du travail des dispositions prévues à l'article 6 bis à la suite de la nouvelle rédaction de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Après les mots :

voie réglementaire

supprimer la fin de cet alinéa.

II. – Alinéa 7

Supprimer les mots :

et y mettre un terme à tout moment

III. – Alinéa 15

Après les mots :

voie réglementaire

supprimer la fin de cet alinéa.

IV. – Alinéa 16

Supprimer les mots :

et y mettre un terme à tout moment

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Dans la grande majorité des cas, les conditions de travail des travailleurs détachés sont assez dramatiques. Malheureusement, le plus souvent, les syndicats n’ont même pas accès au lieu de travail, ne serait-ce que pour constater l’état de la situation.

Or, chacun le sait, l’un des rôles majeurs des syndicats est de défendre les libertés et les droits au sein de l’entreprise et, plus largement, de la société. Il convient de permettre pleinement l’exercice de ce droit. Il est donc important que les organisations syndicales représentatives puissent exercer en justice toutes les actions en faveur d’un salarié sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

Pour autant, afin de ne pas fragiliser les travailleurs détachés, qui sont souvent dans des situations de très grande précarité, il nous semble souhaitable qu’aucune pression ne puisse être exercée sur eux si une action syndicale venait à être entreprise pour défendre leurs droits.

C’est pourquoi nous vous proposons un amendement allant dans ce sens, tendant à permettre aux syndicats de mener une action en justice en avertissant le salarié. Toutefois, une fois l’action engagée, il ne serait plus possible à celui-ci d’y mettre un terme. Les organisations syndicales pourraient ainsi défendre les salariés « contre leur gré », surtout lorsque ceux-ci peuvent faire l’objet de pressions ou d’intimidations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Comme nous l’avons évoqué la semaine dernière en commission, les modalités d’opposition du salarié sont calquées sur celles qui existent déjà dans le droit du travail en matière de délit de marchandage, de prêt de main-d’œuvre illicite, d’emploi d’étrangers sans titre de travail, de discriminations, ou encore de harcèlement.

Le Conseil constitutionnel autorise les syndicats à agir en justice pour défendre les droits d’un salarié même sans mandat de sa part, mais celui-ci doit toujours pouvoir s’y opposer et intervenir à l’instance s’il le souhaite.

En conséquence, la commission a souhaité le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Il faut laisser au salarié la possibilité de s’opposer à l’intervention d’un syndicat en son nom s’il ne la souhaite pas.

La liberté de saisir le juge offerte à chacun ne peut pas se transformer, comme vous le proposez, monsieur Bocquet, en obligation. Le dispositif prévu par le texte s’inspire d'ailleurs de ce qui existe déjà dans le code du travail. Il permet au salarié de donner son accord tacite à une action syndicale en lui offrant la possibilité de s’y opposer expressément dans les quinze jours. Cela me paraît constituer un bon équilibre.

M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.

(L'article 6 bis est adopté.)

Article 6 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article additionnel après l'article 6 ter

Article 6 ter

Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa des articles L. 8272-2 et L. 8272-4, après les mots : « elle peut, », sont insérés les mots : « si la proportion de salariés concernés le justifie », la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou », et les mots : « et à la proportion de salariés concernés » sont supprimés ;

2° (Supprimé)

3° Après l’article L. 8272-4, il est ajouté un article L. 8272-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 8272-5. – Le fait de ne pas respecter les décisions administratives mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 8272-1, ainsi qu’aux articles L. 8272-2 et L. 8272-4 est puni d’une amende de 3 750 € et d’un emprisonnement de deux mois. » – (Adopté.)

Article 6 ter
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Article 7 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l'article 6 ter

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur peut se fonder, outre les critères mentionnés à l’article 53 du code des marchés public, sur la limitation à trois du nombre de niveau de sous-traitance.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. À l’occasion de la rédaction de son rapport d’information sur les travailleurs détachés, notre collègue Éric Bocquet a formulé une proposition mise en œuvre en Allemagne, à savoir la limitation à trois du nombre de niveaux de sous-traitance.

En effet, la chaîne de sous-traitance peut parfois être complexe et atteindre huit ou neuf échelons. Dans ce cas, on comprend bien que l’obligation de vigilance à l’égard des sous-traitants, bien que légitime dans son principe, soit difficile à mettre en œuvre. Comment engager la responsabilité ou prouver la responsabilité d’un donneur d’ordre pour le comportement fautif d’un sous-traitant au quatrième, au cinquième, au sixième degré, voire plus ?

De surcroît, tous les observateurs s’accordent à dire que chaque degré de sous-traitance supplémentaire s’accompagne d’une dégradation des conditions de vie, de rémunération et de travail des salariés.

Pourtant, dans son témoignage devant la cour d’appel de Toulouse lors du procès pénal AZF, Annie Thébaud-Mony soulignait le caractère pathogène et accidentogène de la sous-traitance. On apprenait que le travail est divisé de telle sorte que les salariés des entreprises sous-traitantes disposent des droits les plus réduits, peuvent le moins s’organiser et se syndiquer, supportent les tâches les plus déqualifiées, pénibles et dangereuses.

Dans le même temps, les transformations de l’organisation du travail par le recours à la sous-traitance font souvent obstacle à la mise en œuvre de dispositifs réglementaires et législatifs de prévention et de réparation des atteintes à la santé liées au travail.

Dans ce contexte et conformément à l’esprit de la recommandation contenue dans le rapport d’Éric Bocquet adopté par la Haute Assemblée, nous proposons, dans une logique de responsabilité sociale et environnementale, que les donneurs d’ordre publics puissent préciser dans leurs appels d’offres, sur la base du volontariat, que la personne ou l’entreprise qui remporte le marché public ne délègue pas à plus de trois niveaux ses missions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission partage la philosophie des auteurs de cet amendement très intéressant, mais qui semble satisfait par le droit en vigueur. Rien n’interdit en effet à un candidat de s’autolimiter et d’imposer trois niveaux au maximum dans la chaîne de sous-traitance.

En outre, cet amendement tend à modifier le code des marchés publics, dont les dispositions sont d’ordre réglementaire.

Par ailleurs, il nous semblerait plus judicieux de parler simplement de limitation du niveau de sous-traitance, sans fixer un chiffre particulier. Selon les cas, deux ou quatre échelons peuvent être préférables. Nous laisserions ainsi à l’adjudicateur le choix du nombre d’échelons qu’il préconise.

Compte tenu des nombreuses interrogations que suscite le présent amendement, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement est très technique. Le Gouvernement y est défavorable, et je m’en explique.

Comme l’a indiqué Mme la rapporteur, les règles régissant les marchés publics, qui figurent dans le code des marchés publics, sont de nature réglementaire.

Pour ce qui est de la limitation du nombre de niveaux de sous-traitance, elle est contraire à la liberté de sous-traiter reconnue par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, réaffirmée par une directive du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Un critère d’attribution qui limiterait le nombre de sous-traitants est contraire au principe de libre accès à la commande publique.

Toutefois, le niveau ou le nombre de sous-traitants ne constitue pas un motif d’exclusion lié à l’une des interdictions de soumissionner qui est fixée par l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005 ou par l’article 57 de la directive précitée.

L’effet utile de la mesure est tout de même très relatif puisque le titulaire peut décider de sous-traiter une partie du marché public à n’importe quel moment de son exécution.

La limitation du nombre de niveaux de sous-traitance constitue, je le rappelle, une restriction à l’accès à la commande publique des PME et des TPE, qui interviennent le plus souvent en tant que sous-traitants.

Je comprends l’esprit de cette proposition. Cependant, comme j’ai pu l’expérimenter lors d’appels à sous-traitance dans le cadre de la construction d’un tramway, il est préférable de ne pas limiter le nombre de sous-traitants si l’on veut permettre l’intervention de PME et de TPE.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre II

Autres dispositions

Article additionnel après l'article 6 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 7 bis

Article 7

(Non modifié)

Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-21-1 ainsi rédigé :

« Art. 2-21-1. – Toute association, tout syndicat professionnel ou tout syndicat de salariés de la branche concerné régulièrement déclaré depuis au moins deux ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts collectifs des entreprises et des salariés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions définies au livre II de la huitième partie du code du travail même si l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée. »

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

pourvu que celle-ci ait été avertie par écrit et n’ait pas déclaré s’y opposer

Cet amendement a été retiré.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 (Texte non modifié par la commission)
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Article 7 ter

Article 7 bis

I. – Après le 11° de l’article 131-39 du code pénal, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. »

II. – (Non modifié) Au 2° des articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 du code du travail, la référence : « et 9° » est remplacée par les références : « , 9° et 12° ».

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

de cinq ans

par les mots :

d'un an

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 17, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après les mots :

cinq ans au plus,

insérez les mots :

de bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales en application de l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale et

II. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 13° L’obligation, pour une durée maximale de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques durant la période du contrat incriminé. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Les différentes formes de fraude au droit du travail et au financement de la protection sociale auxquelles ont recours les employeurs peu scrupuleux sont incontestablement des comportements antisociaux, qui portent atteinte à notre pacte social et à la confiance que nous accordons, en tant qu’élus, aux employeurs, ainsi qu’à celle que nos concitoyens accordent à leur direction.

Voilà peu, l’ancienne présidente du MEDEF déclarait ne pas comprendre la méfiance de certains parlementaires à l’encontre de certains patrons, au seul prétexte que ces parlementaires, dont nous sommes, exigent de ces patrons des contreparties précises et chiffrées en échange des milliards d’euros de cadeaux qui leur sont octroyés.

Or si nous sommes vigilants, c’est que nous ne connaissons que trop la situation. Nous savons, par exemple, qu’un rapport de la Cour des comptes a mis en lumière le fait que la fraude aux prestations sociales était très inférieure à la fraude aux cotisations sociales – notamment due au recours au travail dissimulé –, qui représente, au bas mot, 50 milliards d’euros !

C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il faut aller plus loin que ne le permet la présente proposition de loi, dont les dispositions prévoient que les entreprises qui ne seraient pas en règle ne peuvent prétendre au versement d’une aide publique. Or cette rédaction n’exclut pas le bénéfice des aides sociales prenant la forme d’exonérations de cotisations sociales, lesquelles, de fait, ne sont pas des aides publiques !

Par ailleurs, au-delà de la question de la non-attribution de ces aides, il nous semble fondamental que ces comportements délicieux soient sanctionnés. La meilleure des sanctions nous semble être le remboursement de ces aides, non seulement parce que le fait d’en bénéficier à la faveur d’une obligation non respectée constitue une forme d’enrichissement sans cause, inadmissible dans le contexte actuel de raréfaction des fonds publics, mais aussi parce qu’elles font cruellement défaut pour financer des projets réellement porteurs, réellement créateurs de richesses ou réellement protecteurs pour les salariés.

Aussi, compte tenu de tous ces éléments, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement, afin de sanctionner tout abus de la confiance dont le Gouvernement témoigne envers les employeurs à travers cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. La commission comprend les préoccupations des auteurs de cet amendement qui poursuivent un double objectif.

La première partie de cet amendement vise à donner au juge la faculté d’interdire le bénéfice d’une exonération de cotisations sociales pendant au maximum cinq ans. Cette mesure paraît à la commission difficilement justifiable, car sans lien direct avec l’infraction de travail illégal, et assez difficile à mettre en œuvre dans le cadre de cette proposition de loi. S’il faut punir sévèrement le délit de travail illégal, il faut aussi conserver une certaine proportionnalité des sanctions. La commission émet donc un avis défavorable sur cette première partie.

La seconde partie tend à accorder au juge la possibilité de prononcer à titre de peine complémentaire, en cas de condamnation pour travail illégal, le remboursement des aides publiques versées depuis cinq ans.

Nous considérons que cette proposition est déjà largement satisfaite par l’article L. 8272-1 du code du travail, qui autorise les personnes publiques à demander le remboursement des aides perçues les douze mois précédant une verbalisation pour travail illégal.

Toutefois, compte tenu de son intérêt, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette seconde partie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Il s’agit d’une bonne idée, dont je comprends l’esprit, mais qui ne semble pas du tout opérationnelle. Cet amendement vise, je le rappelle, à instaurer deux nouvelles peines pénales complémentaires prononcées par un juge.

Si ces mesures semblent intéressantes, il y aura néanmoins un delta très grand entre leur adoption et leur mise en application effective ! En effet, il n’existe pas de circuit d’information adapté entre les organismes de recouvrement des cotisations sociales – je parle bien des cotisations et non du remboursement des aides –, les services gestionnaires des aides financières et les tribunaux correctionnels.

De plus, le code du travail et le code de la sécurité sociale comportent un certain nombre de dispositifs administratifs d’annulation des exonérations de cotisations, de refus du bénéfice des aides financières publiques et de remboursement de ces prestations. Si elles sont encore peu utilisées, ces dispositions existent bel et bien.

Je voudrais donc mettre en garde le Sénat : personne ne conteste l’intérêt ni les bonnes intentions de certaines mesures, mais leur non-application ne fera que compliquer, voire perturber, la loi existante qu’il est déjà parfois difficile de mettre en œuvre.

Le Gouvernement est donc défavorable aux deux parties de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. L’article 7 bis instaure une peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge à l’encontre des entreprises condamnées pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage, et consistant en l’interdiction de percevoir toute aide publique pendant une durée maximale de cinq ans. Nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par cette durée qui pénaliserait les entreprises et pourrait aller à l’encontre du bien-être des salariés, en tout cas de leur emploi.

Se pose alors le problème de la reprise. On peut comprendre la logique visant à empêcher que l’argent public puisse soutenir des entreprises qui ne respectent ni leurs salariés ni leurs concurrents, mais la durée maximale de la peine – cinq ans – est particulièrement longue, au risque d’être contre-productive. En effet, faute d’être dissuasive, elle risque surtout de pousser les entreprises concernées à mettre la clé sous la porte et donc à procéder à des licenciements.

Il s’agit de nouveau d’une mesure initialement pleine de bonnes intentions mais qui risque de devenir préjudiciable aux salariés et de décourager les repreneurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à l’article 7 bis.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je comprends parfaitement l’argumentation développée conjointement par Mme la rapporteur et M. le ministre sur la première partie de cet amendement.

En revanche, l’obligation de reverser aux organismes concernés, pour une durée maximale de cinq ans, l’intégralité des sommes perçues au titre des aides publiques me semble être une bonne mesure.

Ces fraudes sont perçues comme une très grande injustice sociale. Voir des entreprises transgresser la loi en totale impunité est très mal vécu par nos concitoyens comme par les salariés de ces entreprises. Il s’agit d’une mesure intéressante, qui doit être défendue.

M. le président. Compte tenu de la position de la commission, nous allons procéder à un vote par division sur l’amendement n° 17.

Je mets aux voix le I de l’amendement n° 17.

(Le I de l'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le II de l'amendement n° 17.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le II de l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'amendement n° 17, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7 bis, modifié.

(L'article 7 bis est adopté.)

Article 7 bis
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Article 8

Article 7 ter

(Non modifié)

I. – Le livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 8224-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de méconnaître les interdictions définies aux 1° et 3° du même article L. 8221-1 en commettant les faits en bande organisée est puni de dix ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. » ;

2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. » 

II. – Le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le 19° de l’article 706-73, il est inséré un 20° ainsi rédigé :

« 20° Délits de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre, d’emploi d’étrangers sans titre de travail prévus aux 1° et 3° de l’article L. 8221-1 et aux articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8243-2, L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail. » ;

2° L’article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux délits mentionnés au 20° de l’article 706-73. » 

III. – Au VII de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

IV. – Au second alinéa de l’article 323-5 du code des douanes, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ».

V. – Au second alinéa de l’article 193-5 du code des douanes de Mayotte, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ». – (Adopté.)

Article 7 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Article 9

Article 8

(Non modifié)

Le deuxième alinéa de l’article L. 241-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Tout candidat à l’obtention d’un marché public doit être en mesure de justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance le couvrant pour cette responsabilité. » – (Adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

(Non modifié)

Le titre unique du livre III de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° Le chapitre III est complété par un article L. 3313-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 3313-3. – Il est interdit à tout conducteur routier de prendre à bord d’un véhicule le repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil. 

« Tout employeur veille à ce que l’organisation du travail des conducteurs routiers soit conforme aux dispositions relatives au droit au repos hebdomadaire normal. » ;

2° Après l’article L. 3315-4, il est inséré un article L. 3315-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3315-4-1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

« a) Le fait d’organiser le travail des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition sans veiller à ce que ceux-ci prennent en dehors de leur véhicule leur temps de repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil ;

« b) Le fait de rémunérer, à quel titre et sous quelle forme que ce soit, des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition, en fonction de la distance parcourue ou du volume des marchandises transportées, dès lors que ce mode de rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions au règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, précité. » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 3315-6, après la référence : « L. 3315-4 », est insérée la référence : « , L. 3315-4-1 ». – (Adopté.)

Article 9
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 10

(Non modifié)

À la seconde phrase de l’article L. 3421-3 du code des transports, les mots : « et titulaire d’une licence communautaire » sont supprimés – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. La présente proposition de loi va bien évidemment dans le bon sens – je souscris pleinement à l’intervention de mon collègue Éric Bocquet – et comporte des avancées positives : encadrement du recours à la sous-traitance et aux travailleurs détachés, responsabilisation des donneurs d’ordre à l’égard du comportement des entreprises auxquelles ils délèguent une partie de leur activité… Elle marque incontestablement un progrès.

Il s’agit toutefois d’un progrès limité, tant le retard que nous avons malheureusement accumulé depuis des années est grand et tant le recours aux travailleurs détachés est devenu récurrent. On parle, cela a déjà été dit, de 200 000 à 300 000 travailleurs détachés en France, sans compter ceux qui ne sont pas déclarés.

Or cette pratique, autorisée par la directive européenne de 1996, répond dans la plupart des cas à une logique, à un fondement économique et politique que nous contestons et selon lequel il faudrait, au nom d’une certaine conception, laisser les intérêts financiers et marchands dicter leurs règles.

En réalité, cette logique libérale – nous en subissons malheureusement les effets – met en concurrence les peuples et les pays européens.

Soyons clairs : nous ne nous retrouvons nullement dans cette construction européenne-là, qui autorise le dumping social et la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Cela a déjà été indiqué par d’autres intervenants : cette conception va à l’encontre de l’idéal européen.

À la différence d’autres groupes politiques, nous n’hésitons pas à affirmer de manière constante et régulière notre opposition non seulement à ce gâchis économique et social, mais aussi à cette dérive ultralibérale européenne qui conduit à des replis dangereux.

C’est pourquoi, au-delà de la conjoncture électorale actuelle, nous revendiquons de manière constante des mesures beaucoup plus fortes pour combattre toutes les formes de dumping social.

Sur le fond, nous pensons qu’il faut être beaucoup plus ferme pour protéger les salariés et les petites et moyennes entreprises victimes de cette concurrence déloyale. Nous le montrons d’ailleurs de manière constante : seuls les élus du groupe Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique, dont font partie les élus communistes et ceux du Front de gauche, se sont opposés à l’adoption de la directive d’exécution, laquelle, nous le savons tous dans cette enceinte, ne constitue en rien un changement fondamental par rapport au texte initial.

Monsieur le ministre, vous avez opté pour un discours volontariste et optimiste en disant que faire l’Europe, ce n’est pas laisser faire et qu’il n’y aura plus ni dumping ni exploitation. Mais vous savez tout aussi bien que nous que la directive européenne permet intrinsèquement ce dumping social, le différentiel de cotisations patronales suivant les pays pouvant impliquer un différentiel de coût de l’ordre de 30 à 40 %.

Beaucoup de chemin reste encore à parcourir. La vraie question, selon nous, est celle de l’harmonisation sociale européenne. Il s’agit de la seule voie efficace pour combattre à la racine et dans la durée le dumping social que chacun, semble-t-il, condamne dans cet hémicycle.

La présente proposition de loi constitue un petit pas ; elle apporte des garanties nouvelles, même modestes, pour protéger les salariés et nos entreprises. Nous resterons bien évidemment vigilants, mais aussi ambitieux pour faire avancer les choses encore plus. Nous voterons ce texte qui marque une étape intéressante. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Au moment de conclure ce débat, je souhaiterais revenir sur deux points particuliers.

Tout d’abord, face au dumping social et à l’explosion du nombre de travailleurs détachés au cours des cinq dernières années – nous avons noté les chiffres –, le législateur n’avait d’autre choix que de se saisir du problème sans attendre que la Commission européenne reprenne ses travaux, au risque d’accuser un certain retard.

La majorité, à travers ce gouvernement, a donc pris ses responsabilités en soumettant à notre examen cette proposition de loi.

Ensuite, le présent texte contient, parmi les dispositions euro-compatibles, les mesures les plus à même de limiter les abus et contournements des directives dites « Bolkestein » et « de détachement des travailleurs ».

Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, d’exprimer quelques réserves, d’ordre chronologique notamment. Légiférer sur ce sujet avant que la future Commission européenne ne soit formée ne me semble pas être un signe de défiance à son endroit. Les discussions, qu’elles aient lieu dans un cadre intergouvernemental ou communautaire, ont avancé depuis que la Commission européenne a présenté, le 21 mars 2012, une proposition de directive d’exécution de la directive. Nous sommes donc d’accord avec vous, monsieur le ministre, sur la question de l’opportunité de la présente proposition de loi.

Sur le fond, je rejoins la position exprimée par Jean Bizet lors de la discussion générale. Malgré les modifications souvent nécessaires que le Sénat a pu apporter, l’opérationnalité de certaines dispositions est, dans le meilleur des cas, contestable. Nous sommes toujours favorables au principe de responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires ; cela est d’une redoutable évidence.

Cependant, et toujours sans la moindre ambiguïté, nous sommes opposés, je le répète, à l’article 1er ter, qui engage la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés. M. le ministre l’a rappelé, l’inspection du travail n’est pas la seule habilitée à contrôler le respect des règles, mais les sous-traitants peuvent intervenir à tout moment sur un chantier. On voit donc bien la difficulté.

Nous sommes également perplexes quant aux conséquences de l’adoption de l’article 7 bis, je l’ai signalé lors de mon explication de vote sur cet article, qui instaure deux nouvelles peines pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé : l’exclusion de toute aide publique pendant une durée de cinq ans, et l’exclusion de toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. Songeons, mes chers collègues, aux entreprises qui feront l’objet d’une reprise, et qui seront ainsi pénalisées.

Enfin – et cette interrogation trouve un écho particulier avec l’adoption, hier, de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié –, nous doutons du respect du principe constitutionnel selon lequel nul ne plaide par procureur, que semblent ignorer les articles 6 bis et 7, malgré les améliorations que le Sénat a apportées sur ce point.

Dès lors, parce que ce texte répond à une urgence sociale, les membres du groupe UMP ne s’y opposeront pas. Mais parce qu’il reste approximatif sur le plan constitutionnel et imprécis quand il aborde les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, les sénateurs UMP s’abstiendront.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai évidemment pas sur l’analyse de ce texte, que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter lors de la discussion générale, pas plus que sur les motivations qui entraînent le groupe UDI-UC à voter en sa faveur.

Je profite de cette intervention pour remercier Mme la rapporteur et les fonctionnaires de la commission des affaires sociales, dont le travail a permis de clarifier le texte. C’est une question urgente, en effet ; le dumping social et la concurrence déloyale que représentent les travailleurs détachés nourrissent, il faut bien l’avouer, l’europhobie, à l’heure même où nous sommes en campagne pour les élections européennes.

Cet après-midi, c’est sans ambiguïté que nous allons voter une proposition de loi très importante. Je regrette seulement, je le signale une nouvelle fois, monsieur le ministre, que la directive et le présent texte ne puissent pas aller plus loin. La concurrence déloyale est aussi alimentée par les distorsions existant entre les niveaux de cotisations sociales. Une mesure de transition, simple, serait de faire payer les cotisations dans le pays d’accueil, sous réserve, bien sûr, qu’elle soit plus favorable pour le travailleur détaché. J’espère que vous pourrez défendre cette position à Bruxelles, monsieur le ministre, auprès de vos collègues européens, au cours des prochains mois.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Pour ce qui concerne la position du groupe écologiste, il n’y a aucun suspense : nous avions déjà annoncé que nous voterions en faveur de la présente proposition de loi, même si nous avions regretté, lors des travaux de la commission, que les textes de transposition des directives soient sous-traités aux parlementaires socialistes. (Sourires.) Néanmoins, cela nous permet d’aller vite, ce dont nous nous réjouissons. Cette proposition de loi, dès lors, nous satisfait malgré tout.

Une question se pose néanmoins. Lors de nos discussions, nous avons souligné qu’il fallait lutter contre les abus, promouvoir une harmonisation sociale – nous ne parlons pas, même si le point mériterait d’être soulevé, d’harmonisation fiscale – par le haut. Tout le monde partage ces bonnes intentions.

Dès lors, comment ne pas être étonné que nous nous engagions concomitamment dans la signature du traité transatlantique ? Les ambiguïtés, les contradictions vont se voir renforcées : d’un côté l’harmonisation sociale par le haut, voulue par M. le ministre et au moins la moitié des membres de cet hémicycle, de l’autre un traité signé avec les États-Unis visant à supprimer les barrières, aussi bien douanières – et donc financières – que non douanières. La concurrence devra être totale, et les garde-fous politiques et sociaux devront disparaître !

Nous nous trouverons donc en pleine contradiction : grâce aux efforts de MM. Sapin et Repentin, l’Europe sociale se construit petit à petit, même si c’est difficile, et à peine obtenues quelques avancées à l’échelle communautaire, on signe un traité qui remet tout à plat !

Je sais que, dans ce traité, dont nous ne sommes pas censés connaître les dispositions puisqu’il est normalement secret (Sourires.), il est affirmé qu’il faut défendre certaines valeurs. Mais, en réalité, nous n’aurons pas le droit d’interdire la libre concurrence avec les États-Unis.

Le débat de ce jour était donc souhaitable, et le groupe écologiste, je le répète, votera la présente proposition de loi avec détermination et enthousiasme. Mais cette dernière sera difficile à mettre en œuvre, d’une part, cela a été souligné par tout le monde, parce qu’elle est incomplète, et, d’autre part, parce qu’elle se heurte aux dispositions d’un traité qui laisse le champ libre à la concurrence, sans aucune garantie pour les droits sociaux.

Cette explication de vote sur l’ensemble me permet d’affirmer une nouvelle fois que les écologistes sont opposés à la signature du traité transatlantique. (M. Éric Bocquet applaudit.)

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris tout à fait aux arguments développés par René-Paul Savary, qui vous a expliqué que le groupe UMP allait s’abstenir sur ce texte.

À titre personnel, mon abstention doit être considérée comme positive. Il me semble, en effet, que l’on prend vraiment le problème à bras-le-corps. Le dumping social est la plaie de nos PME. Nous en entendons régulièrement parler, et il était temps que nous intervenions. Certes, M. Savary l’a souligné, la proposition de loi présente une fragilité, liée à des aspects constitutionnels et à des questions d’applicabilité. Nous verrons ce qu’il en est.

Je considère néanmoins que ce texte, sur un plan général, constitue un signal fort.

Je voulais également dire quelques mots sur un point plus particulier. Les articles 9 et 10, relatifs au transport routier, se sont greffés sur un texte avec lequel ils ont un lien presque évident.

Nos entreprises de transport routier constituent le trait d’union entre les PME et les clients, les fournisseurs. Nous savons le rôle qu’elles jouent dans nos territoires, et le nombre d’emplois important qui sont concernés.

Les dispositions qui figurent à l’article 9, en particulier, sont tout à fait opportunes. Il est temps de mettre de l’ordre dans la façon dont certains transporteurs étrangers se comportent avec leurs salariés.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pas seulement étrangers !

M. Jean-Claude Lenoir. Je pense notamment aux conditions dans lesquelles les salariés prennent leur repos hebdomadaire et à la façon dont certains sont rémunérés : en fonction du rendement. Pour ces derniers, le salaire dépend du nombre de kilomètres parcourus, du temps mis pour les couvrir, ainsi que du tonnage des marchandises transportées.

Il arrive régulièrement, lorsque l’on se promène le week-end, de voir sur les aires de repos des autoroutes ou des stations-service des quantités impressionnantes de camions étrangers. En réalité, c’est là que les chauffeurs prennent leur repos hebdomadaire.

Au-delà du texte qui nous est soumis aujourd’hui, je pose donc la question, monsieur le ministre, des moyens que vous allez pouvoir mettre à la disposition des autorités départementales, représentant les services de l’État, pour veiller à l’application des règles applicables, soutenues par les professionnels,…

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. … notamment par les transporteurs routiers de mon département, qui m’ont interpellé à ce sujet, et dont je me fais ici le porte-parole.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Nous l’avons indiqué au cours de la discussion générale, le groupe socialiste, bien évidemment, votera en faveur de cette proposition de loi.

Grâce au travail fourni en commission, enrichi des éclairages de Mme la rapporteur et de M. le ministre lors de l’examen des amendements présentés, nous avons pu améliorer le texte, afin de faire de l’Europe un espace de coopération plutôt que de concurrence déloyale.

Nous l’avons dit de façon unanime : il s’agit d’un premier pas, certes fondamental mais encore insuffisant. On ne pourra pas supprimer le dumping social tant qu’on ne traitera pas le sujet de l’harmonisation sociale.

M. le ministre nous a montré la détermination du Gouvernement en la matière, pour lequel ce sujet est parfaitement d’actualité. Il l’est d’autant plus que l’échéance des élections européennes approche. À charge pour nous, dès lors, de poursuivre le débat.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale
 

5

Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 30 avril dernier prennent effet.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Organisation de la discussion (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Discussion générale (suite)

Statut des stagiaires

Suite de la discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Article 1er (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (proposition n° 396, texte de la commission n° 459, rapport n° 458).

Je vous rappelle que nous avions commencé l’examen de cette proposition de loi lors de notre séance du mardi 29 avril dernier.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après cette longue interruption de la discussion du texte, je vais synthétiser l’intervention que devait faire notre collègue Ronan Kerdraon et la mienne.

L’examen, aujourd’hui, de cette proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires participe de la réflexion, déterminante, à conduire pour l’avenir de notre jeunesse, sa place dans notre société, la reconnaissance de ses aptitudes et la considération de son statut, fondamentale pour impliquer la responsabilité de l’ensemble des organismes chargés d’organiser et d’accueillir les stages.

L’urgence d’agir pour l’insertion professionnelle des jeunes n’est plus à démontrer. Depuis le début de cette crise, qui modifie durablement nos perspectives, le chômage des jeunes a augmenté de 50 % dans l’Union européenne. La situation dans notre pays est peut-être moins alarmante, mais la projection de ces jeunes dans une situation instable ne fait qu’accroître leur inquiétude face à leur devenir.

Les conséquences de l’exclusion de la jeunesse sont dramatiques aujourd’hui, mais aussi pour demain. Elles cristallisent l’échec du relais aux générations nouvelles, l’échec de l’intégration transgénérationnelle et l’incapacité de notre société à ouvrir les portes d’un avenir confiant.

Pourtant, c’est en la jeunesse que nous devons trouver une source de richesse, de qualification, de croissance à même de restaurer la confiance. La discussion d’aujourd’hui porte non pas directement sur l’emploi, mais sur une des plus importantes passerelles entre le monde des études et le monde du travail : le stage.

Un meilleur encadrement des stages est l’objectif à mettre en œuvre pour réaffirmer le partenariat respectueux entre les deux secteurs concernés : le secteur éducatif et le secteur économique.

Le Président de la République avait fait de l’encadrement des stages l’engagement n° 39 de sa campagne. Ronan Kerdraon et moi-même nous félicitons, comme beaucoup de présents ici, de voir que la promesse est tenue. Car l’emploi des jeunes est un enjeu prioritaire !

Dans son rapport du mois de septembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages en milieu professionnel à environ 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006.

S’il faut bien évidemment développer les stages, qui offrent de réelles opportunités, il est important de souligner les difficultés spécifiques rencontrées par les jeunes en formation ou même déjà diplômés, qui expliquent en partie cette situation.

Que les jeunes s’y préparent ou disposent de brevets de technicien supérieur, ou BTS, de diplômes universitaires de technologie, ou DUT, de diplômes de grandes écoles ou de diplômes universitaires, nous nous devons de n’oublier personne.

En France, la part de jeunes âgés de vingt-cinq à trente-quatre ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur avoisine 40 %, plaçant notre pays parmi les plus avancés de l’Europe ou de l’OCDE. C’est une bonne chose, mais il faut souligner les fortes disparités qui existent entre nos territoires.

Certaines régions se détachent à la fois par leur proportion élevée de jeunes diplômés et par leur progression. C’est le cas de l’Île-de-France, mais aussi de la Bretagne et des régions Midi-Pyrénées ou bien encore Rhône-Alpes.

Cependant, selon l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, l’AFIJ, près d’un tiers des jeunes diplômés de l’année 2011 n’ont encore occupé aucun poste depuis la fin de leurs études. C’est évidemment inadmissible, surtout quand le nombre de stagiaires augmente !

On observe une corrélation entre l’augmentation du nombre de stagiaires en France et la hausse du chômage des jeunes. Le chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans est passé de 17,3 % au mois de janvier 2008 à 24,6 % au deuxième trimestre 2013. Cette situation et ces chiffres doivent nous interpeller ! Ils parlent d’eux-mêmes quand 47 % des jeunes non diplômés occupent toujours un contrat à durée déterminée quatre ans après leur sortie de formation, contre 26 % des jeunes diplômés du supérieur.

Même s’il est en baisse ces derniers mois, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans est encore trop élevé et la demande de diplômes supérieurs est toujours en augmentation.

Pire, le nombre de stages comptabilisés correspondant en réalité à des emplois réels est évalué à 100 000 ! C’est une dérive inacceptable : l’emploi durable doit être une de nos priorités pour les jeunes.

N’oublions pas que 17 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-neuf ans vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 13 % pour l’ensemble de la population. En 2008, plus d’un pauvre sur deux avait donc moins de trente-cinq ans !

Le comité interministériel de la jeunesse du 21 février 2013 avait fixé une feuille de route claire sur le sujet, et le Gouvernement, en accord avec les partenaires sociaux, avait souhaité, lors de la grande conférence sociale du mois de juin 2013, qu’une initiative législative voie rapidement le jour. Certes, des initiatives ont été prises ces dernières années. De nombreux textes ont été votés pour protéger les stagiaires des abus dont ils sont victimes, avec un encadrement législatif et réglementaire progressif des stages. Le premier texte sur le sujet a été élaboré par le groupe socialiste du Sénat en 2006, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la présente proposition de loi.

Quelques mois après la création du collectif Génération précaire a été votée la loi sur l’égalité des chances. Elle a instauré l’obligation d’une convention de stage et prévu une franchise des cotisations patronales censée permettre aux entreprises de mieux indemniser les stagiaires. Ainsi, dans les entreprises privées, les stages de plus de trois mois doivent obligatoirement être rémunérés, mais le montant minimal n’a pas été fixé.

Il y a eu une nouvelle avancée avec la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui a instauré une « gratification » d’au moins 436,12 euros mensuels, à partir de deux mois de stage, contre trois mois auparavant. Votée en 2011, la loi Cherpion sur l’apprentissage a obligé les entreprises à respecter un délai de carence entre l’accueil de deux stagiaires sur un même poste, égal au tiers de la durée du stage précédent. L’objectif, clairement affiché au fil des textes, est donc bien d’« éviter les emplois déguisés ».

La loi précise d’ailleurs que les stages « ne peuvent pas avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise ». C’est notamment pour permettre des contrôles de l’inspection du travail que la loi Cherpion de 2011 imposait aux entreprises de tenir à jour un registre de leurs stagiaires. Malheureusement, le décret n’a toujours pas vu le jour.

La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, ou loi ESR, a, elle aussi, marqué une avancée sur le sujet en fixant la durée maximale de stage à six mois et en rendant obligatoire une gratification d’au moins 436,12 euros mensuels à partir de deux mois de stage, et ce dès le commencement du stage.

La présente proposition de loi vise à rassembler toutes les dispositions en un seul et même texte pour plus de lisibilité, dans le même code de l’éducation, et aussi à aller plus loin, en dotant les stagiaires de droits effectifs au regard de la place qu’ils occupent de manière temporaire et contractuelle dans les entreprises, l’exercice de ces droits étant, de mon point de vue, une bonne manière de préparer la responsabilité et l’insertion professionnelle des bénéficiaires.

Ainsi, mieux considérés dans la communauté instituée de l’entreprise, les stagiaires percevront mieux la qualité du rapport employeur-employé, sans se confondre avec les salariés, et pourront mieux penser l’évolution de leur ambition de carrière.

Les stages et périodes de formation en milieu professionnel donnent également aux entreprises l’opportunité de bénéficier de compétences nouvelles, de se constituer un vivier de recrutement potentiel, tout en leur permettant éventuellement d’éprouver leurs procédures pour assurer les meilleures conditions d’une réelle transmission de savoir-faire.

Avec environ 1,6 million de stages effectués par an, et des entreprises qui ont de plus en plus recours aux stagiaires, dans des proportions parfois déraisonnables, la force vive, l’utilité, la capacité de stimulation de nos jeunes ne sont pas à démontrer.

Il convient toutefois de souligner que, de façon paradoxale, de nombreux jeunes éprouvent des difficultés à trouver des stages. Les causes sont multiples, nous les connaissons : absence d’un réseau personnel et/ou familial, méconnaissance du monde du travail ou discriminations similaires à celles qui sont mises en cause pour l’accès à l’emploi.

N’oublions pas, mes chers collègues, que le stage est défini comme un outil de formation intégré dans un parcours de formation défini. Ainsi, l'article 7 de l’arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence définit bien le cadre : « Chaque parcours prévoit la possibilité d’un stage obligatoire ou facultatif intégré au cursus et faisant l’objet d’une évaluation concourant à la délivrance du diplôme. »

Les liens entre université et entreprise, tout comme l’insertion professionnelle, ne doivent pas se traduire par des accueils bâclés, des stages mal ou pas encadrés, des stages qui ne nourrissent pas les formations dans lesquelles les étudiants sont engagés, pis des stages qui se substituent à l’emploi de personnes peu ou pas qualifiées, des stages qui utilisent la disponibilité, les aptitudes, les aspirations des jeunes, plus qu’ils ne transmettent des compétences, des savoir-faire ou des savoir-être.

Le stage comporte bien une finalité de professionnalisation, mais il n’est juridiquement pas un emploi et ne doit pas l’être. La relation entre le stagiaire et l’organisme d’accueil n’est pas fondée sur un contrat de travail.

Levons les ambiguïtés, génératrices de trop nombreuses difficultés auxquelles nous devons répondre. Ainsi, 63 % des stages durent deux mois ou plus, et seulement 50 % des stagiaires perçoivent une « gratification ». En outre, dans 60 % des stages offrant une gratification, le montant de celle-ci est compris entre 436 euros et 600 euros.

Le montant de gratification est supérieur à la règle pour seulement 20 % des stages. Trop nombreux sont ceux qui définissent la gratification du stagiaire comme une rémunération, mais non ! Car une rémunération est liée à un contrat de travail, ce qui n’est pas le cas pour un stage.

Cependant, cette question de la gratification n’est pas neutre.

La réussite des étudiants tout au long de leur parcours dépend aussi et en grande partie de leurs conditions de vie. Or, trop souvent, celles-ci sont difficiles, notamment en matière de ressources, et, généralement, même ceux qui n’ont pas l’absolue nécessité de travailler pendant l’année universitaire profitent de l’été pour provisionner l’année suivante.

Or, dans certains cursus, le développement des périodes de stages obligatoires pendant les vacances perturbe ce schéma et n’est pas assez encadré par les universités.

La gratification des stages, que notre rapporteur propose de porter à 15 % du plafond sécurité sociale, en plus de rétribuer un service effectué, permettra à de nombreux stagiaires de contribuer à leur équilibre d’autonomie financière, de participer aux moyens de leur subsistance et de poursuivre leur parcours.

C’est aussi une forme de justice et de reconnaissance d’un engagement respecté, la valorisation d’une contribution à un projet d’équipe, voire la réalisation d’un réel projet personnel utile à la marche de l’entreprise. La réalité est que certaines entreprises ont tendance à abuser des stages – qui coûtent moins cher : gratification inférieure à un salaire minimum et absence de cotisations sociales – pour placer des stagiaires sur des postes de travail permanents au lieu de recruter des salariés.

La hantise du chômage pèse tout au long du parcours sur la construction de soi et c’est aussi une cause de la multiplication des stages.

Pour éviter des périodes d’inactivité trop longues, les jeunes multiplient les stages en acceptant parfois des conditions dépassant le cadre légal d’un stage, tout cela dans l’espoir de décrocher un CDD et, enfin, un CDI.

Ainsi, les périodes de stage deviennent fréquemment un véritable sas d’entrée dans la vie active, mais conduisent encore trop souvent à la fragilisation des jeunes qui s’y soumettent sans voir aboutir leur demande d’embauche.

Le stage est bien un outil de formation pédagogique, une expérience pratique qui s’inscrit dans un cycle d’enseignement. Il doit être appréhendé comme une manière de confronter la connaissance théorique à la pratique, de les concilier, pour en tirer des observations, des questionnements utiles à la maturation du projet professionnel.

En aucun cas, il ne peut s’agir pour les entreprises d’un biais pour obtenir de la main-d’œuvre bon marché, mal considérée, corvéable, dans une situation précaire stérile et profondément pesante pour toutes les parties.

Plus encore, la jeunesse ne doit pas être amenée à tout accepter, parce que le chômage rôde et qu’il faudrait nourrir un CV par la multiplication de ces périodes pas toujours propices à la fructification des acquis.

Mes chers collègues, trop de jeunes aujourd’hui oscillent entre périodes d’activité – stages, intérim, CDD... – et périodes de chômage. Pour eux, ce sont des expériences professionnelles. Pour moi, c’est de la précarisation ! Il faut cesser ces pratiques pour apporter une insertion stable, durable des jeunes dans la vie professionnelle !

Je suis persuadée que l’État doit intervenir. Les premiers efforts sont là. Il faut renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, les régions, élaborer des stratégies de confiance pour redonner à la jeunesse une vision positive et moins sombre de l’avenir, de son avenir.

Nous connaissons la détermination du Gouvernement en la matière. Il faut le soutenir.

Aussi, cette proposition de loi apporte des éléments de régulation. Nous encourageons les entreprises offrant par le stage un investissement d’avenir et nous condamnons la concurrence déloyale de celles qui ont des pratiques douteuses.

Cependant, les entreprises ne sont pas seules en cause, ce que souligne d’ailleurs le mouvement Génération précaire : « On sous-estime beaucoup la responsabilité des établissements qui, aujourd’hui, professionnalisent leur formation non pas par les cours dispensés par les enseignants, mais par le recours à des stages à outrance. » La formation est externalisée au maximum dans les entreprises. Dans certaines écoles de commerce, 70 % de la formation se fait en dehors des murs de l’établissement !

Bien souvent, certaines écoles privées, à but lucratif, qui fournissent un grand nombre de stagiaires aux entreprises, notamment de nombreuses écoles de commerce, de communication, de marketing, ou encore de journalisme, n’assurent aucun suivi !

Des universités restent discrètes sur le sujet, refusant parfois de communiquer sur ce sujet, voire, dans certains cas, de transmettre leurs statistiques au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pourtant, elles disposent d’un service dédié à l’orientation, à l’information et à l’insertion professionnelle – la dénomination du service varie en fonction des universités –, mais les moyens restent insuffisants pour offrir aux étudiants le suivi nécessaire au bon déroulement d’un stage.

L’article 1er de la proposition de loi fixe les missions de l’établissement d’enseignement. Ce dernier doit encadrer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de stage, définir au mieux le parcours pédagogique, en précisant les compétences à acquérir ou à développer, enfin désigner un enseignant référent chargé du suivi et du bon déroulement du stage de l’étudiant, voire chargé de recueillir son avis sur cette période. Il prévoit également de limiter la durée du stage à six mois et de mettre fin aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur, à l’issue d’une période de transition de deux ans. Ce sont là des outils pour lutter efficacement contre le recours abusif aux stages.

Il est également nécessaire de plafonner le nombre des stagiaires dans les effectifs des entreprises, mais il faut le faire avec souplesse pour s’adapter à la réalité des entreprises et ne pas entraver les possibilités d’accueil. Voilà pourquoi est posé le principe de la limitation, par voie réglementaire, du nombre de stagiaires rapportés à l’effectif global de l’organisme d’accueil.

Nous souhaiterions que le décret tienne compte de la diversité des situations, notamment pour les TPE, les PME ou les start-up, pour qui les stagiaires sont souvent de réels « investissements d’avenir », dont elles testent l’adhésion à leur projet et que, la plupart du temps, elles gardent pour assurer leur développement.

Les maisons familiales rurales et les instituts de recherche doivent aussi bénéficier de cette adaptation.

À la lecture de cette proposition de loi, des questions essentielles se sont posées concernant l’alternance. Le Gouvernement les a entendues et tient à répondre à ces inquiétudes.

La question relative à l’alternance est aussi fortement évoquée dans le domaine social.

Aussi Ronan Kerdraon a-t-il déposé un amendement proposé par l’Assemblée des départements de France afin de mettre en place une enveloppe d’intérêt général pour les établissements médico-sociaux destinée à financer le surcoût des stages des élèves ou étudiants en travail social.

L’encadrement doit lui aussi être réglementé. Aussi, un même tuteur ne peut encadrer qu’un nombre limité de stagiaires pour garantir la qualité de cet encadrement et faciliter sa tâche.

Par ailleurs, le texte prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires.

L’article 2 met en place une partie spécifique dans le registre unique du personnel où, comme pour les salariés, les nom et prénoms des stagiaires seront inscrits de façon indélébile.

Voilà pourquoi est renforcée l’interdiction de substituer un stage à un emploi permanent. Ne faisons pas de notre jeunesse une main-d’œuvre bradée.

Grâce à ce texte, le stagiaire bénéficiera des mêmes droits et de la même protection que les salariés dans l’entreprise. Il jouira ainsi de congés, d’autorisations d’absence par exemple, d’avantages sociaux pour la restauration, les déplacements. Il s’agit là de belles avancées.

Des dispositions permettront également de valider des stages écourtés pour des raisons médicales ou autres recevables.

Cette loi permettra aussi, en cas d’embauche, la prise en compte de la période de stage dans la période d’essai.

Léo Lagrange disait : « Aux jeunes, ne traçons pas un seul chemin ; ouvrons-leur toutes les routes ». Mes chers collègues, c’est à cela que nous invite ce texte et c’est pourquoi le groupe socialiste le soutient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.

M. Raymond Couderc. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la semaine dernière, Catherine Procaccia et Jean-Léonce Dupont ont repris tous deux la phrase de Montesquieu : « Le mieux est l’ennemi du bien ! »

M. Raymond Couderc. Cette affirmation s’applique parfaitement à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Je crois que, dans cet hémicycle, tout le monde sera d’accord pour dire qu’il faut mettre les barrières nécessaires pour empêcher certains employeurs indélicats d’utiliser les stagiaires comme de la simple main-d’œuvre bon marché ou pour assurer des tâches subalternes.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Raymond Couderc. La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances y a mis bon ordre, d’autant que de plus en plus de lycéens et d’étudiants ont des stages obligatoires en entreprises inclus dans leur cursus de formation. Sans ces stages, leurs diplômes ne peuvent pas être validés. Je parle en connaissance de cause pour avoir dirigé en tant qu’universitaire des formations de DESS et de master. Cette loi précise aussi que « tout stage a pour objet d’assurer à l’étudiant une formation pratique en rapport avec l’enseignement suivi à l’université ».

Il faut donc veiller à la bonne application de la loi, d’autant plus que les stages ouvrent souvent la porte à l’emploi. Une publication du mois de mars dernier du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, indique que 35 % des jeunes diplômés trouvent leur premier emploi dans l’entreprise où ils ont effectué un stage ou assuré un emploi saisonnier.

Cependant, renforcer les mesures coercitives pour les entreprises, les services publics ou les associations, en limitant le nombre de stagiaires, en prévoyant des formalités lourdes, dont l’inscription des stagiaires dans un registre séparé de celui des salariés, en limitant les périodes de stage à six mois maximum, voilà qui risque de rétrécir singulièrement l’offre de stages.

En effet, il ne faut pas oublier que les entreprises, en accueillant des stagiaires, acceptent de consacrer du temps et des moyens pour former ces derniers à la pratique de leurs métiers. Il s’agit d’un réel investissement.

Or, en renforçant les contraintes, on risque de décourager les chefs d’entreprise – en particulier ceux des petites entreprises – d’accueillir des stagiaires.

En outre, les auteurs de ce texte prétendent aller vers plus de justice. Pourtant, c’est à l’effet inverse que l’on peut s’attendre. L’offre de stages se rétrécissant face à une demande croissante, seuls les étudiants disposant de relations ou de réseaux trouveront à se caser. (M. Charles Revet opine.) Les autres vont « galérer », comme disent les jeunes, pour réussir à trouver des entreprises d’accueil.

Mes chers collègues, l’entrée dans le monde du travail est aujourd’hui devenue un exercice extrêmement difficile pour les jeunes, même s’ils ont obtenu un diplôme. La tâche du législateur est de rendre les choses plus simples et plus faciles et non pas de tout compliquer et de multiplier les contraintes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

MM. Bruno Sido et Charles Revet. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Je voudrais tout d’abord vous dire combien j’ai plaisir à être parmi vous au moment de la clôture de cette discussion générale.

Je voudrais aussi saluer et remercier Geneviève Fioraso, qui va animer ces débats, de même que M. le rapporteur de cette proposition de loi qui tend au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, autant d’objectifs qui me semblent à l’exact opposé des propos que je viens d’entendre.

En effet, le débat important qui s’est engagé avec ce texte est nécessaire pour la protection des stagiaires, mais aussi pour l’amélioration de leur statut.

Dans le prolongement de l’intervention de Mme Gillot, on pourrait résumer en disant que cette proposition de loi est intelligente, car elle met le stage à sa juste place. En effet, la gratification n’est pas un salaire, et la convention de stage n’est pas un contrat de travail. Encore faut-il le rappeler ! Le stage est un temps de formation, très important pour les jeunes aujourd’hui, qui leur permet de s’insérer sur le marché du travail. De fait, on constate aujourd’hui une augmentation exponentielle du nombre de stagiaires, leur nombre ayant doublé depuis 2006, passant de 600 000 à 1,2 million environ par an.

Un tiers des jeunes stagiaires trouvent du travail ou ont une proposition de travail dans la structure au sein de laquelle ils ont effectué leur stage, 50 % d’entre eux étant même embauchés en CDI. On mesure donc avec ces chiffres l’importance des stages.

Pour autant, ce texte ne mérite pas les qualificatifs que je viens d’entendre, car il contient finalement des mesures de normalité, de bon sens. Il s’agit de lutter contre les abus. Fort heureusement, ils n’ont pas lieu d’être dans la majorité des cas. Mais ce texte a le mérite de créer un droit opposable et protecteur pour ceux qui subiraient ces abus.

Je rencontre nombre de chefs d’entreprise très heureux de prendre des stagiaires, mais eux-mêmes dénoncent ceux qui en profitent, et qui, de fait, nuisent aux stages de manière générale.

Il ne s’agit pas, en luttant contre les abus, de jeter l’opprobre sur tous les chefs d’entreprise, qui sont aujourd’hui nombreux à employer des stagiaires pour leur permettre de découvrir le monde du travail et de s’y insérer.

Avec cette proposition de loi, les vides juridiques, au sein desquels les abus peuvent précisément se loger, seront comblés.

Une chose est claire : le Gouvernement refuse de considérer que la jeunesse peut s’accommoder de la précarité.

Les dispositifs qui ont été mis en place ont permis, pour la première fois depuis fort longtemps, de faire reculer le chômage des jeunes. C’est un engagement qui avait été pris, et le pari a été tenu. En effet, de mars 2013 à mars 2014, le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a reculé de 2,6 %. C’est sans doute encore insuffisant, mais cela mérite d’être signalé.

Nous refusons tous la précarité et notre société, comme le Président de la République l’a encore rappelé ce matin, doit faire confiance à la jeunesse et lui donner toute sa place.

D’ailleurs, je ne doute pas que ce sera, ce soir ou très prochainement, également un engagement de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je serai très brève, car j’ai déjà eu l’occasion, en introduction de cette discussion générale, d’exposer les motivations qui ont conduit à la rédaction de cette proposition de loi, laquelle, en réalité, comme vient de le rappeler mon collègue François Rebsamen, est un texte de simplification. (Mme Catherine Procaccia est dubitative.)

Quelle est la réalité législative aujourd’hui ? Les stages sont régis par quatre lois et plus de six décrets, dont certains sont contradictoires entre eux, et d’autres contredisent l’esprit de la loi à laquelle ils sont rattachés. De surcroît, cette réglementation est contenue dans deux codes différents, le code du travail et le code de l’éducation.

Il s’agit donc d’abord de simplifier, au moyen d’un texte qui rassemble tous les dispositifs qui ont été adoptés par le passé, en leur donnant une vraie cohérence. Il s’agit de faire en sorte que les décrets ne dépendent plus que d’une seule loi, et qu’il n’y ait plus qu’un seul code de référence, le code de l’éducation, afin d’affirmer clairement ce qui devrait faire consensus entre nous, à savoir que le stage est avant tout un dispositif de formation. En effet, en aucun cas le stage ne doit se substituer à un CDD ou à un congé maternité, et il ne doit pas non plus remplacer une période d’essai avant une embauche.

Le stage est bien un outil de formation, qui doit s’intégrer dans une maquette de formation.

M. Charles Revet. Nous sommes d’accord.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Il me semble que nous pouvons tous nous entendre sur ces éléments fondamentaux et nous aurons l’occasion, au cours du débat sur les amendements, de discuter de telle ou telle procédure qui pourrait poser problème. Nous l’avons déjà fait lors du débat à l’Assemblée nationale pour le secteur social ; nous avons su alors trouver ensemble une solution, et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à débattre dans cet état d’esprit positif de ce texte qui concerne notre jeunesse, donc notre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le titre II du livre Ier de la première partie est complété par un chapitre IV intitulé : « Stages et périodes de formation en milieu professionnel » et comprenant les articles L. 124-1 à L. 124-20 ;

2° Au même chapitre IV, sont insérés des articles L. 124-1 à L. 124-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-1. – Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. Les périodes de formation en milieu professionnel sont obligatoires dans les conditions prévues à l’article L. 331-4.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant ni du 2° de l’article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil.

« Art. L. 124-2. – L’établissement d’enseignement est chargé :

« 1° D’appuyer et d’accompagner les élèves ou les étudiants dans leur recherche de périodes de formation en milieu professionnel ou de stages correspondant à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès des élèves et des étudiants, respectivement, aux périodes de formation en milieu professionnel et aux stages ;

« 2° De définir dans la convention, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et la manière dont celui-ci s’inscrit dans le cursus de formation ;

« 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes pédagogiques de l’établissement, qui s’assure du bon déroulé de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et du respect des stipulations de la convention mentionnées à l’article L. 124-1. Le nombre de stagiaires suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi régulier sont définis par le conseil d’administration de l’établissement, dans des conditions fixées par décret ;

« 4° D’encourager la mobilité internationale des stagiaires, notamment dans le cadre des programmes de l’Union européenne.

« Art. L. 124-3. – Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages sont intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation en établissement, ainsi que les modalités d’encadrement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage par l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage. » ;

3° L’article L. 612-14 devient l’article L. 124-4 et, à la première phrase, après le mot : « achevé », sont insérés les mots : « sa période de formation en milieu professionnel ou » ;

4° L’article L. 612-9 devient l’article L. 124-5 et est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou périodes de formation en milieu professionnel » et les mots : « une même entreprise » sont remplacés par les mots : « un même organisme d’accueil » ;

b) (Supprimé)

5° L’article L. 612-11 devient l’article L. 124-6 et est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– les mots : « de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre » sont remplacés par les mots : « du stage ou de la période de formation en milieu professionnel au sein d’un même » ;

– après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou la ou les périodes de formation en milieu professionnel » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La gratification mentionnée au premier alinéa est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel. » ;

6° Après l’article L. 124-6, dans sa rédaction résultant du 5° du présent article, sont insérés des articles L. 124-7 à L. 124-10 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-7. – Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

« Art. L. 124-8. – Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. Pour l’application de cette limite, il n’est pas tenu compte des périodes de prolongation prévues à l’article L. 124-15.

« Art. L. 124-9. – L’organisme d’accueil désigne un tuteur chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Le tuteur est garant du respect des stipulations pédagogiques de la convention prévues au 2° de l’article L. 124-2.

« Un accord d’entreprise peut préciser les tâches confiées au tuteur, ainsi que les conditions de l’éventuelle valorisation de cette fonction.

« Art. L. 124-10. – Un tuteur de stage ne peut pas être désigné si, à la date de la conclusion de la convention, il est par ailleurs désigné en cette qualité dans un nombre de conventions prenant fin au-delà de la semaine civile en cours supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. » ;

7° L’article L. 612-10 devient l’article L. 124-11 ;

8° Après l’article L. 124-11, dans sa rédaction résultant du 7° du présent article, sont insérés des articles L. 124-12 à L. 124-15 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-12. – Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés.

« Art. L. 124-13. – En cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, le stagiaire bénéficie de congés et d’autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés aux articles L. 1225-16 à L. 1225-28, L. 1225-35, L. 1225-37 et L. 1225-46 du code du travail.

« Pour les stages dont la durée est supérieure à deux mois et dans la limite de la durée maximale prévue à l’article L. 124-5, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au bénéfice du stagiaire au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage.

« Pour les stages ou les périodes de formation en milieu professionnel d’une durée supérieure à celle mentionnée à l’article L. 124-6 du présent code, le stagiaire a accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant prévus à l’article L. 3262-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés de l’organisme d’accueil. Il bénéficie également de la prise en charge des frais de transport prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

« Art. L. 124-14. – La présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait :

« 1° (Suppression maintenue)

« 2° À la présence de nuit ;

« 3° Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

« Pour l’application du présent article, l’organisme d’accueil établit, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.

« Le temps de présence du stagiaire fixé par la convention de stage ne peut excéder la durée légale hebdomadaire de travail fixée par l’article L. 3121–10 du code du travail.

« Il est interdit de confier au stagiaire des tâches dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

« Art. L. 124–15. – Lorsque le stagiaire interrompt sa période de formation en milieu professionnel ou son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l’adoption ou, en accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques de la convention ou en cas de rupture de la convention à l’initiative de l’organisme d’accueil, le rectorat ou l’établissement d’enseignement supérieur peut choisir de valider la période de formation en milieu professionnel ou le stage, même s’il n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus. En cas d’accord des parties à la convention, un report de la fin de la période de formation en milieu professionnel ou du stage, en tout ou partie, est également possible. » ;

9° L’article L. 612-12 devient l’article L. 124-16 ;

10° Après l’article L. 124-16, dans sa rédaction résultant du 9° du présent article, sont insérés des articles L. 124-17 à L. 124-20 ainsi rédigés :

« Art. L. 124-17. – La méconnaissance des articles L. 124-8, L. 124-9 et L. 124-14 est constatée par les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5 du code du travail.

« Les manquements sont passibles d’une amende administrative prononcée par l’autorité administrative.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par stagiaire concerné par le manquement et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. L. 124-18. – La durée du ou des stages et de la ou des périodes de formation en milieu professionnel prévue aux articles L. 124-5 et L. 124-6 est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil, sous réserve de l’application de l’article L. 124-13.

« Art. L. 124-19. – Pour favoriser la mobilité internationale, les stages ou les périodes de formation en milieu professionnel peuvent être effectués à l’étranger. Les dispositions relatives au déroulement et à l’encadrement du stage ou de la période de formation en milieu professionnel à l’étranger font l’objet d’un échange préalable entre l’établissement d’enseignement, le stagiaire et l’organisme d’accueil, sur la base de la convention définie au deuxième alinéa de l’article L. 124-1.

« Art. L. 124-20. – Pour chaque stage ou période de formation en milieu professionnel à l’étranger, est annexée à la convention de stage une fiche d’information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d’accueil, dans des conditions fixées par décret. » ;

11° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 611-5 est ainsi rédigée :

« Ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article L. 124-2. » ;

12° Les articles L. 612-8 et L. 612-13 sont abrogés ;

13° La division et l’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI sont supprimés.

II. – Au premier alinéa de l’article L. 351-17 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 612-8 » est remplacée par la référence : « L. 124-1 » et la référence : « L. 612-11 » est remplacée par la référence : « L. 124-6 ».

III. – Le chapitre IV du titre V du livre IV de la première partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage

« Art. L. 1454–5. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage mentionnés à l’article L. 124–1 du code de l’éducation, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

IV (nouveau). – Un décret fixe les formations pour lesquelles il peut être dérogé à la durée de stage prévue à l’article L. 124–5 du code de l’éducation pour une période de transition de deux ans à compter de la publication de la loi n° … du … tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

V (nouveau). – Au 3° de l’article L. 6241–8–1 du code du travail, la référence : « L. 612–8 » est remplacée par la référence : « L. 124–1 ».

VI (nouveau). – À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 4381–1 du code de la santé publique, les mots : « l’article 9 de la loi n° 2006–396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances » sont remplacés par les mots : « l’article L. 124–6 du code de l’éducation ».

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les indiscutables excès relatifs aux stages non rémunérés, parfois de longue durée, réalisés dans le cadre d’études supérieures, voire même en dehors de tout cursus de formation, ont été justement dénoncés.

Ils ont déjà été corrigés par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, elle-même complétée à trois reprises, en 2009, 2011 et 2013.

La proposition de loi dont nous débattons ce soir étend à tous les stages de l’enseignement professionnel le champ des dispositions législatives envisagées, y compris le cas particulier de l’enseignement agricole.

Ce sont près de 150 000 jeunes, en formation de CAP ou de bac professionnel, qui seront impactés dans l’enseignement agricole. Ces formations nécessitent l’accomplissement de stages en milieu professionnel, indispensables à leur parcours pédagogique.

On ne peut raisonnablement mettre sur un même plan des jeunes titulaires d’un bac au moins et âgés de dix-huit ans et plus, et des jeunes qui ont, par exemple, quinze ans.

Tout d’abord, il s’agit d’élèves souvent mineurs, qui n’ont pas la maturité des étudiants. Ils ne sont pas davantage liés par un contrat de travail – d’apprentissage – qui, par nature, crée une exigence employeur-salarié.

Cette proposition de loi souhaite soumettre aux mêmes caractéristiques des publics différents. L’état d’adolescence, voire de préadolescence, devrait permettre d’opérer un distinguo entre les types de stages.

L’accueil d’un jeune stagiaire nécessite un fort investissement du maître de stage : il faut préparer sa venue, lui présenter et expliquer la structure, lui faire rencontrer le personnel, quand il y en a, préparer ce qu’il aura à faire, l’accompagner, corriger, expliquer, réexpliquer…

Le jeune stagiaire est avant tout en situation de formation, et non de production.

Ensuite, les entreprises ou structures relevant des formations de l’enseignement agricole sont assaillies de demandes de stages, car ceux-ci sont obligatoires dans le cadre de la formation.

Mais comme rien n’oblige à prendre un jeune, la vérité est que jeunes et familles rencontrent des difficultés croissantes à trouver des stages.

M. Charles Revet. Exactement !

Mme Françoise Férat. Les propositions faites dans ce texte – formalités administratives, gratification du stagiaire dès le premier jour si le stage est d’une durée supérieure à deux mois, risques de contentieux, sanctions pécuniaires, etc. – seront contre-productives et freineront le développement des stages.

N’oublions pas qu’il existe d’ores et déjà des dispositions protectrices pour les jeunes stagiaires.

En effet, les articles D. 331–3 du code de l’éducation et R. 715–1 du code rural prévoient l’obligation d’une convention de stage entre l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil. Celle-ci rappelle l’obligation de désigner un tuteur, l’obligation de définir une annexe pédagogique précisant les activités de l’élève dans l’organisme, en relation avec le diplôme préparé, la durée de présence hebdomadaire, qui ne peut dépasser 35 heures hebdomadaires – 32 heures pour les élèves de moins de seize ans –, l’interdiction du travail de nuit, les exigences en matière de repos hebdomadaire, qui doit être de deux jours consécutifs dont le dimanche – sauf exception.

Les mesures nouvelles risquent de décourager les entreprises familiales ou individuelles de former des jeunes stagiaires. Et, en milieu rural, il est encore moins commode de trouver des structures.

Je défendrai deux amendements visant à restreindre l’application de cette proposition de loi, et aussi à en exclure les stages réalisés dans le cadre des enseignements dispensés selon les modalités définies dans le code rural.

Par ailleurs, madame, monsieur les ministres, je crois qu’il sera indispensable de prévoir, dans un an, un bilan de cette réforme. (M. le ministre opine.) Je ne vous propose pas un nouveau document, que notre assemblée aurait des difficultés à produire, mais un vrai bilan objectif, qui devrait permettre de vérifier si ces mesures n’ont pas été néfastes pour les jeunes de l’enseignement professionnel, en particulier ceux de l’agriculture et des services à la personne.

Il serait pertinent de s’assurer que les élèves trouvent encore des stages pour parfaire leur formation et que les structures accueillantes n’ont pas été découragées pour former nos jeunes. (Mmes Muguette Dini et Esther Sittler ainsi que MM. Gérard Bailly et François Trucy applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’article 1er de cette proposition de loi a le mérite de prévoir un début d’encadrement des stages, censés compléter l’apprentissage académique par la pratique, qui sont initialement pensés pour mettre en œuvre l’idée selon laquelle une formation qui dispense essentiellement des savoirs peut utilement être accompagnée par la confrontation à un milieu professionnel, lequel permet de passer du savoir au savoir-faire.

Pour autant, les stages ont été détournés de leur vocation première, et servent dans une grande majorité des cas aux entreprises, qui les utilisent comme moyen de substitution à de véritables emplois.

Les stagiaires présentent en effet l’avantage pour les entreprises d’être une main-d’œuvre extrêmement économique, à peine plus de 450 euros par mois, tout en étant quasiment dépourvue de droits.

Si nous continuons de penser que les stages peuvent avoir une utilité, dans leur dimension éducative, il est indispensable et urgent d’enrayer les dérives qui les entourent.

Pour cela, il faut les encadrer et les définir plus strictement dans la loi. Tel est l’objectif de la présente proposition de loi.

Faute de quoi, la progression du chômage aidant, les propositions du MEDEF d’un SMIC inférieur pour les jeunes n’auront plus besoin de nouvelles lois, mais viendront trouver leurs applications de manière détournée dans les stages.

L’article 1er de cette proposition de loi répond à un certain nombre des questions que nous pouvons nous poser.

Il prévoit, par exemple, de limiter la durée des stages à six mois, ainsi d’ailleurs que le nombre de stagiaires par entreprise. C’est indispensable si l’on veut que les stages ne soient pas un mode de fonctionnement pérenne de l’entreprise, substitutif à l’emploi.

Dans la même optique, cette proposition de loi prévoit l’interdiction de conclure une convention de stage sur des missions correspondant à un poste de travail permanent, ou pour remplacer un salarié absent ou malade.

L’article 1er inscrit également dans la loi l’obligation pour l’établissement universitaire délivrant des conventions de stages de dispenser un volume minimal de formation au sein de l’établissement.

Ce point permettra de lutter contre les établissements qui créent des formations, essentiellement des DU, ou diplômes universitaires, qui ne sont pas diplômantes, ne comportent aucun cours, mais sont uniquement destinées à délivrer des conventions de stages, en général à des jeunes ayant fini leurs études, mais qui, ne trouvant pas d’emplois et faute de mieux, préfèrent acquérir une expérience « professionnelle » supplémentaire en effectuant un stage.

Cet article 1er prévoit aussi un meilleur encadrement, avec la désignation d’un tuteur qui doit accompagner le stagiaire au sein de l’entreprise, et une amélioration des droits du stagiaire, notamment en termes de congés.

Ces dispositions sont des avancées positives, mais qu’il faut à notre sens compléter. C’est dans cet esprit que nous allons présenter un certain nombre d’amendements.

Je ne ferai que les énumérer ici, puisque nous allons vous les présenter plus en détail lors de l’examen de l’article.

Nous proposerons notamment une revalorisation de la gratification des stagiaires, pour la porter, au minimum, à 50 % du SMIC. Les jeunes stagiaires se retrouvent en effet dans une situation de précarité inadmissible, et ils doivent pouvoir disposer de plus d’argent afin de pouvoir subvenir à leurs besoins.

Et encore, quand ils sont rémunérés, car, actuellement, les stages effectués au sein d’administrations publiques et les stages de moins de deux mois ne font pas l’objet de rémunérations obligatoires. Cela nous semble un point important, sur lequel il nous faudra revenir.

Pour lutter efficacement contre l’utilisation des stages en lieu et place d’emplois pérennes, nous proposons également d’introduire un délai de carence d’une durée équivalant à la période de stage, pour éviter que les stagiaires ne se succèdent sur des postes qui, finalement, sont permanents.

Enfin, nous proposerons de supprimer la période d’essai pour les jeunes qui seraient embauchés à l’issue de leur stage par l’entreprise au sein de laquelle ils l’ont effectué.

Toutes nos propositions, comme vous avez pu le constater si vous avez été attentifs à mon propos,…

M. Jean Desessard. Nous l’avons été !

Mme Laurence Cohen. … s’inscrivent dans la même optique que cet article 1er, et viennent utilement le compléter pour lutter efficacement contre le recours abusif aux stages et assurer la protection des stagiaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne doute pas que je bénéficierai de la même attention de la part de mes collègues que Mme Cohen à l’instant. Elle et moi sommes solidaires dans cette supplique !

Avant d’entamer la discussion de l’article 1er, monsieur le ministre, je tenais à dire combien, dans le monde rural, les responsables des maisons familiales rurales sont préoccupés par les conséquences attendues de cette proposition de loi. Son principe n’est pas contesté. Qu’il y ait eu des abus dans un certain nombre de secteurs, notamment dans l’enseignement supérieur, personne ne peut le contester. En revanche, vouloir étendre à plus de 1 million de stagiaires les dispositions inscrites dans ce texte va en fait tarir la source.

Aujourd'hui, pour chaque stage, il faut un maître de stage. Or qui sont les maîtres de stage ? Ce sont de petites entreprises, pas seulement agricoles. Les maisons familiales rurales forment aujourd'hui à des métiers qui intéressent un certain nombre de secteurs d’activité. Je pense au bois, bien sûr, à l’agriculture, mais également à d’autres domaines. Or les maîtres d’apprentissage ont peu à peu renoncé à accueillir des stagiaires. On le voit bien, monsieur le ministre, un stagiaire est accueilli parce que quelqu’un accepte de rendre service. C’est déjà très difficile.

Nous-mêmes, en tant qu’élus, nous sommes sollicités par des jeunes qui rencontrent de graves difficultés alors qu’il leur faut impérativement trouver un stage. Demain, les maîtres de stage renonceront, compte tenu de la difficulté. (Mme Françoise Férat opine.)

Une confusion va s’installer concernant le statut des jeunes qui sont concernés. Un apprenti relève du code du travail. C’est un salarié. Il est soumis aux règles. Bien sûr, je ne le conteste pas. Mais ces jeunes ne sont pas des apprentis, ce sont des stagiaires. Or les stagiaires vont être également concernés par un certain nombre de dispositions particulièrement lourdes. Je les cite rapidement : tenir un registre du personnel, la gratification si le stage est supérieur à deux mois – par voie de conséquence, refus de tout stage dépassant cette durée –, décompte le temps de travail, risques juridiques liés notamment à la requalification éventuelle du stage en contrat de travail, sans parler des contrôles de l’inspection du travail.

D’une façon générale, on le sent bien, l’alternance suscite des inquiétudes, qui sont légitimes. Les maisons familiales rurales – je suis, comme d’autres ici le seront tout à l’heure en présentant des amendements, l’un de leurs porte-parole – estiment que la volonté affichée par le Gouvernement de soutenir la formation en alternance ne se traduit pas dans les faits en leur faveur. Ainsi, elles assistent à la suppression des différentes formes de préapprentissage ; elles rencontrent des difficultés avec les procédures de dérogation pour l’utilisation des machines dites « dangereuses » ; elles doivent faire face à des incertitudes sur la taxe d’apprentissage ; elles subissent les coups de rabot sur les aides accordées aux employeurs d’apprentis et la réduction du crédit d’impôt d’apprentissage ; elles sont confrontées au blocage du financement attribué aux maisons familiales rurales jusqu’en 2017.

Bref, je le répète, ce sont des inquiétudes légitimes. Monsieur le ministre, nous sommes tout à fait favorables à ce que des dispositions soient adoptées pour mettre fin aux excès que tout le monde connaît, mais la généralisation à tous les stagiaires du dispositif proposé entraînera de graves difficultés, dont les jeunes seront malheureusement les victimes. (M. Gérard Bailly applaudit.)

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Lenoir (M. Jean-Claude Lenoir s’entretient avec plusieurs collègues du groupe UMP.),…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’écoute pas !

M. François Rebsamen, ministre. Il a demandé qu’on l’écoute, je l’ai écouté, il va donc m’écouter, bien sûr ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Pardonnez-moi, monsieur le ministre !

M. François Rebsamen, ministre. Je pense, monsieur le sénateur, que vous avez un peu mélangé les choses et que vous n’avez pas bien écouté ce que j’ai dit. Le stage, ce n’est pas l’alternance, ce n’est pas l’apprentissage. Dans votre intervention, vous avez confondu les maîtres de stage des apprentis et les stagiaires. Or ce n’est pas du tout la même chose. Je tenais à l’indiquer.

Puisque vous avez évoqué l’apprentissage – c’est ce qui m’a fait réagir –, permettez-moi de vous donner quelques chiffres. En 2006, il y avait environ 370 000 jeunes en apprentissage. En 2007-2008, on a atteint le nombre de 400 000, lequel s’est ensuite stabilisé jusqu’à la fin de l’année 2012, où il est monté à 435 000. Puis il y a eu un petit problème, et on est redescendu à 400 000. Il n’y a donc pas là de quoi faire la leçon à d’autres, au contraire. L’apprentissage, je le répète, n’a rien à voir avec les stages.

Les stagiaires, eux, on l’a dit, sont au nombre de 1,1 million ou 1,2 million par an. Il y en avait 600 000 en 2006. Cela n’a donc rien à voir. Le public concerné n’est pas du tout le même.

Le stage offre la possibilité à un jeune de découvrir le monde du travail, de s’y insérer et, souvent – une fois sur trois –, de se voir proposer, on l’a dit, une embauche à la sortie.

L’apprentissage, c’est un cursus professionnel qui débouche souvent directement sur un emploi. C’est un parcours avec des formations qualifiantes. Il n’a rien à voir avec les stages.

Le Président de la République a fixé un objectif de 500 000 apprentis. Nous devons donc encore, tous ensemble, faire des efforts. Parler de l’apprentissage, c’est bien, mais faire augmenter le nombre d’apprentis, c’est mieux !

M. le président. L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par MM. Revet, Magras et J. Boyer, Mme Sittler, M. D. Laurent, Mme Bruguière et M. Portelli, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 612–8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 612–8. - Les enseignements supérieurs peuvent comporter des stages.

« Les stages ne relevant pas de la formation professionnelle tout au long de la vie définie à la sixième partie du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

« Les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil.

2° Après l’article L. 612–8, sont insérés trois articles L. 612–8–1 à L. 612–8–3 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–8–1. – L’établissement d’enseignement est chargé :

« 1° D’appuyer et d’accompagner les étudiants dans leur recherche de stage correspondant à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès des étudiants aux stages ;

« 2° De définir dans la convention, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer au cours du stage et la manière dont celui-ci s’inscrit dans le cursus de formation ;

« 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes pédagogiques de l’établissement, qui s’assure du bon déroulé du stage et du respect des stipulations de la convention mentionnées à l’article L. 612–8. Le nombre de stagiaires suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi régulier sont définis par le conseil d’administration de l’établissement, dans des conditions fixées par décret ;

« 4° D’encourager la mobilité internationale des stagiaires, notamment dans le cadre des programmes de l’Union européenne.

« Art. L. 612–8–2. – Les stages sont intégrés à un cursus pédagogique universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation en établissement, ainsi que les modalités d’encadrement du stage par l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage. » ;

3° L’article L. 612-14 devient l’article L. 612–8–3 et, à la première phrase, les mots : « élève ou » sont supprimés ;

4° À la première phrase de l’article L. 612–9, les mots : « une même entreprise » sont remplacés par les mots : « un même organisme d’accueil » ;

5° L’article L. 612-11 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– les mots : « de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre » sont remplacés par les mots : « du stage au sein d’un même » ;

– les mots : « au cours d’une même année scolaire ou universitaire » sont remplacés par les mots : « au cours d’une même année d’enseignement » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La gratification mentionnée au premier alinéa est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage. » ;

6° Après l’article L. 612–11, sont insérés des articles L. 612–11–1 à L. 612–11–4 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–11–1. – Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

« Art. L. 612–11–2. – Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. Pour l’application de cette limite, il n’est pas tenu compte des périodes de prolongation prévues à l’article L. 612–11–9.

« Art. L. 612–11–3. – L’organisme d’accueil désigne un tuteur chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Le tuteur est garant du respect des stipulations pédagogiques de la convention prévues au 2° de l’article L. 612–8–1.

« Un accord d’entreprise peut préciser les tâches confiées au tuteur, ainsi que les conditions de l’éventuelle valorisation de cette fonction.

« Art. L. 612–11–4. – Un tuteur de stage ne peut pas être désigné si, à la date de la conclusion de la convention, il est par ailleurs désigné en cette qualité dans un nombre de conventions prenant fin au-delà de la semaine civile en cours supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. » ;

7° L’article L. 612-10 devient l’article L. 612–11–5 ;

8° Après l’article L. 612–11–5, dans sa rédaction résultant du 7° du présent article, sont insérés des articles L. 612–11–6 à L. 612–11–9 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–11–6. – Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés.

« Art. L. 612–11–7. – En cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, le stagiaire bénéficie de congés et d’autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés aux articles L. 1225-16 à L. 1225-28, L. 1225-35, L. 1225-37 et L. 1225-46 du code du travail.

« Pour les stages dont la durée est supérieure à deux mois et dans la limite de la durée maximale prévue à l’article L. 612–9, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au bénéfice du stagiaire au cours du stage.

« Pour les stages d’une durée supérieure à celle mentionnée à l’article L. 612–11 du présent code, le stagiaire a accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant prévus à l’article L. 3262-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés de l’organisme d’accueil. Il bénéficie également de la prise en charge des frais de transport prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

« Art. L. 612–11–8. – La présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait :

« 1° À la présence de nuit ;

« 2° Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

« Pour l’application du présent article, l’organisme d’accueil établit, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.

« Le temps de présence du stagiaire fixé par la convention de stage ne peut excéder la durée légale hebdomadaire de travail fixée par l’article L. 3121–10 du code du travail.

« Il est interdit de confier au stagiaire des tâches dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

« Art. L. 612–11–9. – Lorsque le stagiaire interrompt son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l’adoption ou, en accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques de la convention ou en cas de rupture de la convention à l’initiative de l’organisme d’accueil, le rectorat ou l’établissement d’enseignement supérieur peut choisir de valider le stage, même s’il n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus. En cas d’accord des parties à la convention, un report de la fin du stage, en tout ou partie, est également possible. » ;

9° Après l’article L. 612–12 sont insérés des articles L. 612–12–1 à L. 612–12–4 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–12–1. – La méconnaissance des articles L. 612–11–2, L. 612–11–3 et L. 612–11–8 est constatée par les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5 du code du travail.

« Les manquements sont passibles d’une amende administrative prononcée par l’autorité administrative.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par stagiaire concerné par le manquement et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. L. 612–12–2. – La durée du ou des stages prévue aux articles L. 612–9 et L. 612–11 est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil, sous réserve de l’application de l’article L. 612–11–7.

« Art. L. 612–12–3. – Pour favoriser la mobilité internationale, les stages peuvent être effectués à l’étranger. Les dispositions relatives au déroulement et à l’encadrement du stage à l’étranger font l’objet d’un échange préalable entre l’établissement d’enseignement, le stagiaire et l’organisme d’accueil, sur la base de la convention définie au deuxième alinéa de l’article L. 612–8.

« Art. L. 612–12–4. – Pour chaque stage à l’étranger, est annexée à la convention de stage une fiche d’information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d’accueil, dans des conditions fixées par décret. » ;

10° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 611-5 est ainsi rédigée :

« Ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article L. 612–8–1. » ;

11° L’article L. 612–13 est abrogé.

II. – Le chapitre IV du titre V du livre IV de la première partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage

« Art. L. 1454–5. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage mentionnés à l’article L. 612–8 du code de l’éducation, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

III. – Un décret fixe les formations pour lesquelles il peut être dérogé à la durée de stage prévue à l’article L. 612–9 du code de l’éducation pour une période de transition de deux ans à compter de la publication de la loi n° … du … tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

IV. – À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 4381–1 du code de la santé publique, les mots : « l’article 9 de la loi n° 2006–396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances » sont remplacés par les mots : « l’article L. 612–11 du code de l’éducation ».

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Les interventions que nous venons d’écouter auraient pu suffire pour présenter cet amendement.

Que ce soit Raymond Couderc – le mieux est l’ennemi du bien –, Mme Férat ou Jean-Claude Lenoir à l’instant, chacun a fait part des inquiétudes suscitées par le dispositif qui nous est proposé et souhaité, madame, monsieur les ministres, que tous les aspects ayant été mis en avant soient pris en compte. Les stages, les systèmes de formation en alternance sont différents, et il faut tenir compte de ces différences.

Nous sommes tous d’accord, monsieur le ministre, pour reconnaître qu’il y a des abus et pour qu’ils soient réprimés, car ils sont scandaleux. Toutefois, dans la majorité des cas, les stages effectués s’inscrivent bien dans le cadre de la formation. Ils font partie de la formation et sont obligatoires.

Comme nous, monsieur le ministre, vous avez tenu – vous en tenez peut-être encore – des permanences et vous avez vu des jeunes qui ne parvenaient pas à trouver un stage, lequel est pourtant indispensable à l’obtention du diplôme.

Il faut prendre en compte la diversité des situations. Nous avons beaucoup parlé des maisons familiales rurales, qui effectuent, vous le savez, un travail extraordinaire. Dans mon département, les jeunes, qui ont pratiquement tous leur CAP, ont presque tous une possibilité de placement à l’issue de leur formation. Il faut en tenir compte.

Ce qui est vrai, c’est que de nombreux jeunes ont des difficultés pour trouver un stage, parce qu’il y a trop de contraintes, trop de difficultés. Dans ce cas, c’est le diplôme qui est en cause. Je me souviens ainsi d’un jeune qui est venu me voir il y a quelques semaines et qui m’a dit que s’il ne trouvait pas un stage dans les huit jours, il n’obtiendrait pas son diplôme. J’ai réussi à l’aider. On peut essayer de le faire de temps à autre, autant que possible. Mais les entreprises elles aussi ont leurs contraintes. Il faut avoir cela à l’esprit, monsieur le ministre.

Je pense aux maisons familiales rurales parce que c’est vrai qu’il y en a partout. Au demeurant, monsieur le ministre, si le même type de structures pouvait être mis en œuvre dans certaines zones urbaines, cela faciliterait peut-être beaucoup les choses et l’intégration des jeunes.

Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à réécrire l’article 1er. C’est dans cet esprit que mes collègues et moi-même l’avons déposé. Nous présenterons ultérieurement d’autres amendements, qui iront dans le même sens.

Mme Françoise Férat et M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales. Votre amendement, monsieur Revet, vise à exclure l’ensemble des périodes de formation en milieu professionnel de l’enseignement secondaire du champ de la proposition de loi. Comme vous l’avez dit vous-même, il s’agit de réécrire l’article 1er, et donc, d’une certaine façon, de clore le débat maintenant ! (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme Françoise Férat. Pourquoi pas ?

Mme Muguette Dini. Cela irait plus vite !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement est bien sûr en contradiction avec l’esprit du texte,…

M. Charles Revet. Mais non !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. … qui institue un cadre unique pour tous les cursus comportant des périodes de mise en situation professionnelle, qu’ils soient dans le supérieur ou le secondaire. Pour ces derniers, cela revient en fait à inscrire dans la loi des règles jusqu’à présent fixée à un niveau inférieur,…

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. … pour les clarifier et, surtout, leur donner leur pleine portée.

Mon cher collègue, ce n’est pas parce qu’un jeune de seize ou dix-sept ans ne passe qu’un mois en entreprise qu’il ne doit pas avoir des droits ou qu’il ne faudrait pas signer une convention.

Aussi, la commission vous prie de bien vouloir retirer votre amendement afin que nous puissions débattre valablement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. J’entends bien vos inquiétudes, mesdames, messieurs les sénateurs, aussi permettez-moi de les reprendre une par une, même si nous y reviendrons au cours du débat, et d’apporter quelques précisions.

La première concerne la spécificité des maisons familiales rurales. Nous vous proposerons dans le cours de la discussion, au moment opportun, un amendement tendant à préserver les stages dans les maisons familiales rurales, qui sont spécifiques. La formation y est tellement professionnalisante qu’elle se fait principalement in situ, dans des fermes, dans des exploitations, ou dans des établissements souvent petits.

M. Charles Revet. Il n’y a pas que cela !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Je le sais bien.

La formation comprend quarante semaines de stage en deux ans.

Effectivement, si on prenait la proposition de loi qui vous est aujourd'hui proposée stricto sensu, cela pénaliserait les maisons familiales rurales.

Comme nous l’avons fait pour le secteur social lors du débat à l’Assemblée nationale, nous vous proposerons par amendement des mesures spécifiques qui permettront de ne pas pénaliser ces formations, qui sont bien, mais qui ne représentent pas l’ensemble des formations.

Cet amendement vous sera donc proposé.

M. Jean-Claude Lenoir. Quel numéro porte-t-il ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Nous aurons cet amendement dans l’heure, car il nécessite une petite négociation avec le ministère de l’agriculture, qui, au dernier moment, a souhaité ajouter une disposition.

J’en viens à l’argument selon lequel cette proposition de loi ne devrait pas s’appliquer au secondaire, donc aux lycées professionnels. Je tiens à préciser, ce qui vous a peut-être échappé d’ailleurs, que depuis le début de la législation sur les stages, c'est-à-dire 2006, l’enseignement professionnel a toujours été concerné, dans les quatre dispositifs législatifs successifs, même si cela a été appliqué de façon plus ou moins heureuse.

Nous vous proposerons, là encore, parce qu’il existe des spécificités, un amendement – l’amendement n° 141 – tendant à protéger la formation dans les lycées professionnels.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tenu compte des spécificités.

Nous avons voulu un dispositif législatif simplifié, pragmatique, qui prenne en compte la réalité et qui soit bénéfique à la fois pour les jeunes et pour les entreprises. Peu d’entreprises, c’est vrai – elles constituent une minorité –, ne sont pas vertueuses, mais le fait est qu’elles jettent le discrédit sur l’ensemble des autres entreprises. Or le stage est la première vision que les jeunes ont du monde du travail. Il est donc essentiel que cette vision soit la plus positive possible, surtout dans les secteurs industriels et de l’agriculture, secteurs vers lesquels les jeunes ne choisissent pas de s’orienter et où il y a des métiers en tension.

Nous aurons l’occasion de voir, au fur et à mesure de la discussion, que toutes ces spécificités ont bien été prises en compte.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cet amendement.

M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 59 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Madame, monsieur les ministres, l’enjeu est trop important. Pour ma part, je considère que la rédaction actuelle présente trop de risques pour les jeunes. Or c’est à eux que nous devons penser, à leur formation, à la possibilité qu’ils auront ensuite de trouver un emploi.

J’entends bien ce que vous dites. Nous verrons tout à l’heure ce qu’il adviendra, car d’autres amendements seront présentés. Pour l’heure, je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je vous ferai d'abord une petite remarque, monsieur le ministre. Non, il n’y avait pas de confusion dans mes propos. J’ai simplement, dans un souci de concision, pour être compendieux, rassemblé plusieurs éléments d’information que je voulais porter à votre connaissance. Je fais bien la distinction entre les stages et l’apprentissage ; la lecture du compte rendu des débats au Journal Officiel permettra d’en avoir confirmation.

Madame la ministre, vous nous avez apporté un élément important, mais nous travaillons tout de même dans des conditions assez étonnantes.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous discutons d’un amendement important, puisqu’il tend à réécrire l’article 1er. Nous posons des questions que vous estimez légitimes ; je prends acte de vos propos. Cependant, vous nous annoncez, pour nous rassurer, que le Gouvernement présentera un amendement tout à l'heure, alors que nous aurions besoin de connaître dès à présent cet amendement pour pouvoir décider du sort qu’il faut réserver à l’excellent amendement de Charles Revet, qui constitue un rempart face à un certain nombre de problèmes.

Je me tourne à la fois vers le Gouvernement et vers la présidente de la commission. La commission a-t-elle examiné l’amendement du Gouvernement ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Non, pas encore.

M. Jean-Claude Lenoir. Je ne voudrais pas perturber le déroulement de nos travaux, mais n’y a-t-il pas un moyen pour que nous soyons éclairés au sujet de cet amendement ? Il me semble que ce serait une meilleure façon de travailler.

Mme Françoise Férat. C’est une très bonne idée !

M. Jean Desessard. Suspension de séance ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Les maisons familiales rurales ne nous ont signalé qu’aujourd'hui l’inconvénient dont j’ai parlé. Nous avons mené la négociation dans les meilleurs délais. L’amendement vous parviendra d’ici à dix minutes. Or il nous reste une vingtaine d’amendements à examiner avant d’atteindre les amendements relatifs aux maisons familiales rurales. Nous avons donc un peu de temps devant nous. En tout état de cause, il me semble inopportun de mettre en péril le dispositif législatif dès le premier amendement. Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un bon dispositif, favorable aux jeunes.

Tout à l'heure, vous avez dit que les jeunes venaient nous voir dans nos permanences – cela m’est arrivé il n’y a pas si longtemps – pour nous dire que la réussite de leur formation était compromise s’ils ne trouvaient pas de stage. Ces jeunes viennent en réalité pour nous dire qu’on ne les accepte pas dans les formations en alternance s’ils n’ont pas trouvé d’entreprise pour les accueillir.

M. Charles Revet. Pas seulement !

M. Jean-Claude Lenoir. Ils viennent aussi pour les stages !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Ce ne sont pas les stages qui sont en cause. Dans l’enseignement secondaire, les lycées professionnels se chargent de trouver les stages ; dans l’enseignement supérieur, les bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants ont été chargés de cette mission par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les stages sont tellement intégrés à la formation qu’ils sont complètement en phase avec les demandes du milieu socio-économique ; dans ce cadre, aucun jeune ne reste sur le carreau.

Les jeunes qui restent sur le carreau, ce sont ceux qui ne peuvent pas s’engager dans une formation en alternance. C’est vrai que nous en voyons beaucoup, et que les jeunes issus des milieux les plus défavorisés sont pénalisés par leur manque de réseau. Ce n’est pas acceptable, bien entendu, mais c’est un autre débat.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je suis enchantée d’entendre Mme la ministre dire que les préoccupations des maisons familiales rurales seront prises en compte. En effet, nous avons tous été sollicités, non pas aujourd'hui, mais il y a déjà longtemps.

Mme Françoise Férat. Depuis des semaines !

Mme Catherine Procaccia. Je m’étonne d'ailleurs que les maisons familiales rurales n’aient pas contacté le Gouvernement avant de contacter les parlementaires.

Vous savez bien que la législation sur les stages pose des problèmes dans certaines filières, comme l’action sociale, qui incluent des stages rémunérés obligatoires dans la formation. Si le Sénat a voté une proposition de loi, c’était pour éviter que certaines filières sanitaires et sociales ne disparaissent.

J’en viens à l’amendement de Charles Revet. Je suis gênée. J’estime tout d'abord que l’enseignement agricole ne devrait pas être le seul concerné.

M. Charles Revet. Ce n’est qu’un exemple que j’ai pris !

Mme Catherine Procaccia. L’amendement me semble donc incomplet. En outre, il me pose problème en raison des incidences que son adoption aurait sur le reste du texte de la commission, à l’élaboration duquel nous avons travaillé. C'est pourquoi je ne prendrai pas part au vote sur cet amendement, à moins qu’il ne soit possible d’étendre ses dispositions à d’autres secteurs que le secteur agricole.

M. Charles Revet. Bien entendu ! Cela va de soi !

Mme Catherine Procaccia. Mais il n’est pas rédigé ainsi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59 rectifié bis.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 173 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 166
Contre 175

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 1er (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Discussion générale

7

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mai 2014, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

8

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des finances, à la place laissée vacante par M. François Rebsamen, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

9

Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des finances.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Nicole Bricq membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. François Rebsamen, dont le mandat de sénateur a cessé.

10

Candidatures à deux commissions et à une délégation

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à la place laissée vacante par M. Stéphane Mazars, dont le mandat de sénateur a cessé.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

11

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Article 1er (début)

Statut des stagiaires

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 124-1. – Les étudiants dont l’enseignement scolaire ou universitaire se conclut par un diplôme ou une certification reconnu au plan national, peuvent réaliser respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel, ou des stages. Les périodes de formation en milieu professionnel sont obligatoires dans les conditions prévues à l’article L. 331-4.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. De nombreux jeunes, faute de trouver un emploi, sont contraints, après avoir terminé leur cursus universitaire, de se tourner vers des stages. Ces derniers leur permettent de mettre un pied dans le monde professionnel, même si le nombre de contrats à durée indéterminée ou même déterminée proposés à ces jeunes, à l’issue de ces stages, est pour le moins modeste.

Qu’il y ait abus ou non, que les employeurs méconnaissent les droits des stagiaires ou non, que les missions accomplies par les stagiaires correspondent ou non à leur formation, dans tous les cas, force est de constater que, trop souvent, ces stages constituent une voie alternative à l’accès à l’emploi.

Or si cette situation perdure, c’est bien que des employeurs peu scrupuleux peuvent compter sur une législation trop permissive en la matière.

Cette proposition de loi vise à poser les jalons d’un droit enfin plus protecteur. Pour autant, on voit bien que des abus demeureront possibles. En 2010, un décret a bien interdit les stages «hors cursus », mais cela n’a en rien empêché le phénomène des «étudiants fantômes », car les universités elles-mêmes y ont un intérêt financier. En effet, elles vivent des frais de scolarité liés à l’inscription de ces étudiants qui coûtent peu en dépenses matérielles et pédagogiques, mais rapportent beaucoup. Cet intérêt a par ailleurs été accru par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, la loi LRU qui, sous prétexte de rendre financièrement indépendantes les universités, les a surtout contraintes à rechercher de nouvelles recettes, et les étudiants en sont les premières victimes.

Pour contourner ce décret, les universités ont donc fait le choix d’investir dans des formations « maison », qui ne sont pas nécessairement reconnues au niveau national et qui, généralement, prennent la forme d’un diplôme universitaire, un DU. Les deux seules conditions requises pour s’y inscrire sont généralement d’être un ancien de l’université et de s’acquitter de droits d’inscription qui peuvent atteindre entre 1 000 et 3 000 euros.

Aussi, afin d’éviter ces abus manifestes, nous proposons d’exclure les DU de la liste des formations pouvant donner lieu à la réalisation d’un stage, en précisant que seuls les enseignements scolaires ou universitaires se concluant par un diplôme reconnu au plan national sont pris en compte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales. L’objet de cet amendement est d’interdire la possibilité de réaliser des stages dans le cadre de diplômes universitaires, qui, souvent, ne sont pas reconnus nationalement. C’est effectivement une inquiétude à laquelle nous pouvons souscrire.

Il est vrai que certains diplômes universitaires ne sont qu’un prétexte pour délivrer une convention de stage à un étudiant connaissant des difficultés d’insertion professionnelle en échange du versement de frais de scolarité. Il ne faut toutefois pas généraliser : la très grande majorité des diplômes universitaires ont un apport pédagogique réel et permettent un approfondissement des connaissances dans leur domaine. Dans ce cadre, il peut donc être tout à fait justifié de réaliser un stage.

Par ailleurs, je pense que le phénomène auquel font référence les auteurs de cet amendement devrait être endigué par l’instauration du volume pédagogique minimal de formation en établissement rendu obligatoire en complément de tout stage.

Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement émet le même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. Madame Cohen, retirez-vous votre amendement ?

Mme Laurence Cohen. Non, monsieur le président, je ne le retire pas. Cela ne vous aura pas échappé, il tend en effet à répondre à une revendication très forte, notamment du collectif Génération précaire. Il s’agit d’une disposition importante, parce qu’elle s’appuie sur l’observation d’une situation réelle à laquelle, me semble-t-il, nous devons mettre un terme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les stages de découverte professionnelle peuvent correspondre à une période d’activité salariée de l’étudiant ou de l’élève.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. De nombreux étudiants travaillent pendant leurs études dans des emplois variés, que ce soit le week-end ou en permanence. Ils sont donc en contact direct avec le monde professionnel. Or, dans un certain nombre d’écoles ou d’universités, les stages demandés sont des stages de découverte professionnelle, parfois appelés aussi stages ouvriers, sans formation ni spécification particulière, leur but étant d’obliger ces étudiants à voir la réalité du travail. Ils peuvent être bagagistes dans un aéroport, équipier chez McDonald’s ou autres jobs du même style.

L’objet de cet amendement est donc de préciser que les étudiants qui travaillent déjà en parallèle à leur cursus peuvent être considérés comme remplissant l’obligation d’accomplir un stage de découverte professionnelle parfois imposé dans certaines formations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte l’activité salariée des étudiants – jobs étudiants – au titre des stages de découverte professionnelle qu’ils peuvent être amenés à réaliser durant le premier cycle de l’enseignement supérieur.

À mon sens, ce n’est pas à la loi de fixer une règle absolue en la matière. Ces stages de découverte n’étant pas obligatoires dans tous les cursus, il est difficile de généraliser. C’est plutôt au cas par cas que la situation de l’étudiant doit être examinée, avec l’équipe pédagogique, pour déterminer si un tel stage serait redondant avec l’emploi qu’occupe l’étudiant. Il faut rappeler que de nombreux étudiants font, par exemple, du soutien scolaire, ce qui ne correspond pas tout à fait au monde de l’entreprise.

Néanmoins, contre l’avis de son rapporteur, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Il me semble que, au travers de cet amendement, on introduirait un élément de complexité…

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. … dans un texte censé simplifier les procédures.

M. Jean Desessard. Tout à fait !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. La reconnaissance des activités salariées en dehors de la formation est déjà permise par certaines universités. En fait, elle est laissée à l’autonomie des universités.

Par ailleurs, la notion de stage de découverte apporte encore un nouvel élément, ce qui ne me paraît pas pertinent dans ce cadre puisque, je le répète, ce texte a pour but de rendre les choses plus simples et plus lisibles, à la fois pour les enseignants, les jeunes et les organismes ou les établissements d’accueil.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je suis un peu surprise d’entendre parler de l’autonomie des universités, car les représentants de la Conférence des présidents d’université nous ont confié qu’ils voulaient pouvoir déterminer le nombre de stagiaires qui étaient encadrés par chacun de leurs enseignants, ce que la loi ne permet pas actuellement.

Vous affirmez qu’il revient à l’équipe pédagogique de déterminer la situation. Pourquoi lui appartiendrait-il de se prononcer dans certains cas, lorsque vous êtes en présence d’un amendement émanant de l’opposition, mais pas dans d’autres cas ?

Enfin, M. le rapporteur a évoqué le fait que ces stages de découverte n’étaient pas obligatoires dans tous les cursus. Dans ce cas, pourquoi faire une loi, puisque, aux termes de la législation sur les stages, les stages ne sont pas obligatoires non plus dans tous les cursus ?

Cet amendement vise une catégorie particulière constituée par les stages de découverte professionnelle ou stages ouvriers. À mon sens, un certain nombre d’étudiants pourraient être dispensés de passer leurs deux mois d’été à faire un stage, alors qu’ils savent déjà ce qu’est la vie professionnelle. Je regrette donc la position du Gouvernement, mais pas celle de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 98 est présenté par M. Marseille.

L'amendement n° 126 rectifié est présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary et Mme Des Esgaulx.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’enseignant référent prévu à l’article L. 124–2 est tenu de s’assurer auprès du tuteur prévu à l’article L. 124–9, à plusieurs reprises durant le stage ou la période de formation en milieu professionnel, de son bon déroulement et de proposer à l’organisme d’accueil, le cas échéant, une redéfinition d’une ou des missions pouvant être accomplies.

L’amendement n° 98 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l’amendement n° 126 rectifié.

Mme Catherine Procaccia. La proposition de loi cite les missions de l’établissement de formation en matière d’encadrement des stages. Or, comme nous l’avons dit et répété, un stage repose bien sur une convention entre l’établissement, le stagiaire et l’entreprise, qui sont trois parties prenantes au même niveau.

On estime que les établissements d’enseignement ont un rôle primordial à jouer dans la réussite du stage. Pour ma part, travaillant depuis de nombreuses sur les stages, j’aurais tendance à dire que, si les établissements d’enseignement supérieur et professionnel suivaient mieux les stagiaires, on n’aurait peut-être pas besoin de faire une loi aussi précise, contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre, sur l’encadrement général.

À mon sens, le rôle de l’enseignement et des enseignants est essentiel. C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à renforcer le rôle de l’enseignant référent dans le suivi du stage.

Lors des auditions que nous avons menées, les représentants des établissements d’enseignement supérieur ont exprimé la volonté que les enseignants suivent de plus près les étudiants en stage et de ne pas se contenter de grandes indications.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer la coopération entre l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil du stagiaire, ce sur quoi on ne peut qu’être d’accord, madame Procaccia.

Ses auteurs souhaitent également mettre en place une obligation de conseil de l’établissement d’enseignement envers l’organisme d’accueil.

Une telle obligation est déjà prévue par la proposition de loi, qui définit pour la première fois les missions des établissements d’enseignement dans le domaine des stages. C’est au travers de l’élaboration de la convention de stage qu’un dialogue s’instaure entre l’établissement et l’entreprise pour définir précisément les missions du stagiaire et les compétences qu’il doit acquérir, comme le prévoit l’alinéa 9 de l’article 1er, à savoir le 2° de l’article L. 124–2 du code de l’éducation.

Ensuite, la désignation d’un enseignant référent et d’un tuteur va inévitablement renforcer le suivi et les échanges sur le parcours du stagiaire, et permettre de surmonter les éventuelles difficultés d’intégration du stagiaire.

Je ne crois donc pas qu’il faille préciser en plus que c’est « à plusieurs reprises » qu’ils doivent se rencontrer et que les missions peuvent être redéfinies : c’est bien sûr au cas par cas, si un problème est constaté.

Aussi, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’en veut pas à Mme Procaccia. À preuve, bien que je partage totalement les arguments de M. le rapporteur, à savoir que toutes les modalités d’un meilleur suivi des stagiaires sont intégrées dans la loi, il me semble difficile de m’opposer à votre amendement, madame la sénatrice.

J’avais d’abord prévu de m’en remettre à la sagesse du Sénat, mais je vais aller jusqu’à donner un avis favorable,…

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. … même si votre amendement est assez redondant avec les termes de la proposition de la loi. Néanmoins, comme vous avez précisé « le cas échéant », son adoption n’engendrerait pas d’alourdissement ni de complexification.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Je me range à l’avis du Gouvernement, madame Procaccia.

M. Jean Desessard. Le cas échéant ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Oui, c’est le cas échéant qui a emporté la décision. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 124 rectifié, présenté par M. J.L. Dupont et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les stages ne peuvent être réalisés post-formation.

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Au travers de cet amendement, nous souhaitons inscrire clairement dans la loi l’interdiction des stages post-formation effectués à l’issue du cursus universitaire. Nous le savons, c’est en principe interdit, puisqu’une convention de stage est toujours exigée, mais certains diplômes d’université proposent de tels stages, type stages d’insertion professionnelle.

Il s’agit ainsi de lutter contre la pratique des étudiants fantômes et les réinscriptions fictives, contre-productives pour les étudiants eux-mêmes.

Il s’agit, en outre, de lutter contre les pratiques lucratives de certaines universités et écoles. Le prix pour obtenir une convention de stage post-diplôme représente un investissement pour l’étudiant, rarement compensé par la gratification obtenue en stage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. L’objet de cet amendement est d’interdire des stages réalisés après une formation. Tout le monde ne peut qu’être d’accord. Cependant, cet amendement est satisfait par le droit actuel, et plus encore par cette proposition de loi qui rappelle qu’on ne peut réaliser un stage qu’en vue de l’obtention d’un diplôme. Dans tout autre contexte, proposer un stage est contraire à la législation, ce que Mme la ministre pourra confirmer.

Pour cette raison, je sollicite le retrait de cet amendement.

M. Daniel Raoul. Chat échaudé craint l’eau froide ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je partage tout à fait vos arguments, mais c’est précisément pour toutes ces raisons que cette proposition de loi a été mise en discussion.

Je ne peux donc que me rallier à l’avis de M. le rapporteur, puisque toutes vos préoccupations sont déjà satisfaites par le présent texte.

M. le président. Madame Férat, l’amendement n° 124 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, étant pleinement rassurée, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 124 rectifié est retiré.

L'amendement n° 92, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Lorsque l’obtention d’un diplôme est conditionnée à la réalisation d’un stage obligatoire que le stagiaire n’a pu trouver dans les délais, l’établissement d’enseignement est tenu de le mettre en contact avec un organisme d’accueil proposant un stage. L’étudiant ne pourra alors refuser ce stage, sauf conditions fixées par décret.

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Cet amendement a pour objet d’éviter les discriminations dans le cadre des recherches de stage. Nous savons tous qu’il y a une inégalité de traitement selon les établissements, puisque certains s’occupent tout particulièrement de rechercher des stages pour les étudiants concernés, tandis que d’autres ne font pas l’effort nécessaire.

Aussi, pour corriger ces situations discriminantes, nous proposons que l’établissement d’enseignement, qui est censé, aux termes de l’article 1er de la proposition de loi, aider l’étudiant dans ses recherches, soit tenu de mettre celui-ci en relation avec un organisme pouvant l’accueillir, afin de lui permettre de valider son année.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement a pour objet, en cas d’échec de la recherche d’un stage par un étudiant, d’imposer à l’établissement d’enseignement de lui trouver un organisme d’accueil pour un stage que l’étudiant ne pourra pas refuser s’il souhaite valider son année.

Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, mais est-ce vraiment parce qu’on inscrit dans la loi que l’établissement d’enseignement est tenu de fournir un stage à ses étudiants qu’il y parviendra ? (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) Ensuite, contraindre ces derniers à accepter le stage proposé semble quelque peu directif.

Des difficultés existent dans certains cursus et il est malheureusement indéniable que des discriminations dans l’accès aux stages perdurent. Les universités font des efforts importants en la matière et les bureaux d’aide à l’insertion professionnelle, les BAIP, se développent. Les nouvelles missions qui leur sont confiées par cette proposition de loi vont accélérer ce mouvement, comme Mme la ministre pourra nous le confirmer.

Néanmoins, la commission a souhaité s’en remettre à la sagesse de notre assemblée. (Sourires sur plusieurs travées.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Je comprends parfaitement les préoccupations qui se sont exprimées. Cela étant, comme je l’ai dit tout à l’heure, les difficultés à trouver une entreprise d’accueil concernent surtout les formations en alternance et l’apprentissage, où l’inscription de certains jeunes est refusée par les centres de formation parce qu’ils n’ont pas trouvé d’entreprise d’accueil. Tout le monde sait que ces difficultés concernent essentiellement les jeunes issus de milieux défavorisés qui ne disposent pas d’un réseau relationnel ni d’un environnement favorable.

Dans le cas précis des stages, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a fortement responsabilisé les BAIP dans les universités. De nouvelles missions et responsabilités ont été confiées aux responsables pédagogiques des stagiaires. L’adoption de cet amendement risquerait d’alourdir encore une fois ces responsabilités, pour des raisons qui ne me semblent pas avérées.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je suis tout à fait d’accord sur les difficultés rencontrées dans les formations en alternance, mais, dans le cas présent, il s’agit bien de stages.

Un certain nombre d’écoles imposent l’obligation d’effectuer un stage et laissent leurs étudiants se débrouiller : s’ils ne se débrouillent pas, ils ne valident pas leur année. (M. Michel Savin opine.) Il n’est pas absurde de responsabiliser l’étudiant, parce qu’il devient un adulte et qu’il doit apprendre à s’en sortir par lui-même, mais nous savons bien que les stages sont très difficiles à obtenir sans relations familiales ou amicales susceptibles d’aider à trouver une entreprise. À cela s’ajoute que certains enseignants demandent à leurs étudiants d’effectuer des stages très particuliers. (M. Jean-Claude Lenoir opine.) Enfin, tout dépend aussi de la région où l’on se trouve et des aptitudes acquises dans le cadre des études. (M. Jean-Claude Lenoir opine de nouveau.)

Responsabiliser les étudiants, c’est bien, mais responsabiliser les enseignants n’est pas mauvais non plus.

M. Jean-Claude Lenoir. Tout à fait !

Mme Catherine Procaccia. L’étudiant qui ne trouve pas de stage – s’il prouve qu’il s’est vraiment livré à une recherche – doit alors accepter le stage qui lui est proposé, sinon il prend le risque de ne pas valider son année.

Monsieur le président de la commission des affaires économiques, je vous rappelle que les stages peuvent être obligatoires dans le cursus de certaines grandes écoles.

M. Daniel Raoul. Je le sais d’autant plus que je l’ai imposé dans mon école !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, je n’avais pas vraiment demandé la parole, mais je ne peux résister à votre invitation ! (Sourires.)

L’argumentation développée par Catherine Procaccia est tout à fait pertinente. Madame la ministre, vous avez donné l’impression, tout à l’heure, que la question ne se posait que pour les personnes en apprentissage ou formées en alternance. Non ! Nous rencontrons quantité de jeunes dans nos permanences qui nous disent qu’ils ne parviennent pas à décrocher un stage et que leur cursus ne sera pas validé s’ils ne trouvent pas de stage. Responsabiliser l’établissement me paraît donc un minimum, sinon on laisse des jeunes en déshérence, livrés à eux-mêmes. Soyons francs : s’ils ne disposent pas d’un réseau qui leur permet de frapper à la bonne porte, ils n’ont pas la possibilité d’effectuer un stage.

Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole.

M. le président. C’est moi qui vous remercie, mon cher collègue.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. À mon tour de dire que je trouve l’argumentation des auteurs de l’amendement tout à fait convaincante.

Il me paraît intéressant de responsabiliser les établissements d’enseignement. En effet, comme cela vient d’être rappelé, cet amendement s’applique à la situation de jeunes qui ont cherché un stage, mais n’en ont pas trouvé. Il faut donc les aider. Peut-être faudrait-il préciser que le stage proposé est en relation avec la formation ou le cursus en cours ? Quoi qu’il en soit, il me semble intéressant, dans la mesure où il s’agit de jeunes « en galère » qui ne trouvent pas de stage, de responsabiliser les établissements afin d’éviter à ces étudiants de perdre leur année.

Je soutiens donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je ne comprends pas pourquoi vous n’acceptez pas cet amendement, car il répond à tous les critères.

Tout d’abord, le jeune cherche un stage. S’il n’en trouve pas, son professeur doit lui en proposer un. Il me semble que cette mesure est plutôt en faveur du jeune ! Ensuite, l’étudiant ne pourra refuser le stage que dans des conditions fixées par décret. Tous les critères sont donc réunis !

Je ne comprends donc pas que vous puissiez refuser un tel amendement, alors qu’il va dans l’intérêt du jeune.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, je souhaite exprimer mon inquiétude face à cette proposition de loi, parce que, si je comprends bien, nous sommes en train de durcir les conditions dans lesquelles les stages vont s’effectuer : à l’avenir, il faudra un référent, un volume pédagogique bien défini, un nombre maximal de stagiaires par entreprise, un tuteur dans l’entreprise. En outre, un certain nombre de droits légitimes sont ouverts aux stagiaires, comme le droit aux congés. Enfin, l’inspection du travail se voit confier certains pouvoirs de contrôle et des amendes administratives sont prévues si les règles ne sont pas respectées.

Nous durcissons les conditions, alors que les différentes interventions montrent qu’il est déjà difficile de trouver des stages. Si nous n’y prenons pas garde, cela sera bientôt encore plus difficile.

M. René-Paul Savary. La loi est protectrice pour les stagiaires, certes, mais si nous n’adoptons pas cet amendement judicieux proposé par Catherine Procaccia, ceux-ci rencontreront encore plus de difficultés pour effectuer un stage obligatoire dans le cadre de leur cursus de formation. L’adoption de cet amendement permettra de mobiliser les forces vives, à savoir les enseignants qui imposent les stages, et il est parfaitement légitime de préciser que l’étudiant ne peut pas refuser ce stage, sauf dans des conditions fixées par décret, car il est nécessaire de prévenir d’éventuelles dérives.

Cet amendement va dans le sens de cette proposition de loi : il faut conforter les stages, ce qui nécessite un certain nombre de précautions du type de celles qu’il introduit.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. La question posée est beaucoup plus large. Nous faisons face à un changement total dans l’éducation, l’apprentissage et la prise de contact avec la réalité des métiers.

Je m’étonne de la virulence avec laquelle vous défendez cet amendement, mes chers collègues, alors que je ne vous ai jamais entendus vous inquiéter de la difficulté que rencontre un jeune pour obtenir une véritable formation en alternance. Pourtant, vous défendez ce type de formation.

Vous êtes les défenseurs de l’alternance et moi aussi, parce qu’il me semble bon que les jeunes puissent prendre contact avec la réalité et que l’éducation nationale travaille en relation avec les métiers. Or, mes chers collègues, il ne se passe pas de semaine sans que je reçoive dans ma permanence – à moins que je ne sois un cas particulier ! – des jeunes qui ont trouvé un centre de formation en alternance prêt à les admettre, moyennant finances et pour des frais de scolarité assez considérables, et qui me demandent de les aider à trouver une entreprise prête à les accueillir.

M. René-Paul Savary. C’est ce que nous disons !

M. Alain Néri. Face à ce type de difficulté, nous sommes totalement démunis…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est pour cela qu’il faut voter notre amendement !

M. Alain Néri. La difficulté pour trouver un stage dans le cadre d’une formation est la même que celle que l’on rencontre dans la formation en alternance.

M. Alain Néri. Je crois qu’il faut aussi se tourner vers le monde de l’entreprise et le placer face à ses responsabilités. Puisque les entreprises nous disent que rien ne vaut une formation dans l’entreprise, il faut qu’elles fassent un effort pour accueillir ces jeunes.

Mme Françoise Férat. Elles ne sont pas obligées de le faire !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut responsabiliser les organismes !

M. Alain Néri. Mes chers collègues, nous souhaitons tous des stages de qualité et une formation en alternance de qualité. Il est important que tous ceux qui se font les chantres de la formation en alternance, en particulier les entreprises, mettent les mains dans le cambouis pour accueillir ces jeunes. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)

M. Jean-Claude Lenoir. Là, on parle des stages !

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. On ne parle pas de la formation en alternance !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suis perplexe, monsieur le président, parce que je me trouve cerné entre, si vous me permettez l’expression, ma gauche…

M. Jean-Claude Lenoir. Qui est en fait la droite !

M. Jean Desessard. … et mes collègues communistes qui trouvent intéressant cet amendement que je n’arrive pas à comprendre.

M. Charles Revet. Pourtant, il est simple !

M. Jean Desessard. Je vous ai bien écouté, monsieur Revet. Vous nous dites, premièrement, que cet amendement est bon pour les jeunes qui cherchent un stage. Deuxièmement, ils ne trouvent pas de stage, ce qui n’est pas bon pour eux – vous ne l’avez pas dit, mais j’ajoute cette étape pour la clarté du raisonnement. Troisièmement, l’établissement est obligé de chercher un stage pour les jeunes et vous estimez que c’est également positif. Mais vous ne dites rien sur l’obligation d’accepter le stage…

Mme Catherine Procaccia. Sinon, le jeune n’aura pas son diplôme !

M. Jean Desessard. Mais ce jeune est capable de savoir de lui-même qu’il n’aura pas son diplôme ! Il n’est pas nécessaire de l’obliger à accepter le stage, s’il n’a pas envie de travailler dans l’entreprise qui lui est proposée. Ce point me pose problème…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est le décret qui définira les conditions dans lesquels il pourra refuser !

M. Jean Desessard. Mais oui ! Le décret va régler tous les problèmes ! On va demander à Mme la ministre de changer le décret lorsqu’un jeune un peu dur ne voudra pas aller dans l’entreprise qui lui est proposée. Vous voyez bien l’absurdité d’obliger un jeune à accepter un stage !

Ensuite, les auteurs de l’amendement veulent inscrire dans la loi que l’établissement « est tenu » de mettre le jeune en contact avec une entreprise, mais si l’établissement ne respecte pas cette obligation, que se passe-t-il ? Il est hors la loi ?

Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Françoise Férat. Le jeune n’obtient pas son diplôme !

M. Jean Desessard. Aujourd’hui, l’établissement cherche avec le jeune…

Mme Catherine Procaccia et M. Jean-Claude Lenoir. Pas toujours !

Mme Françoise Férat. Il faut sortir un peu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On se demande dans quel monde vous vivez !

M. Jean Desessard. Le même que le vôtre !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vais vous faire venir à Gujan-Mestras, vous verrez !

M. Jean Desessard. Si vous voulez critiquer les enseignants,…

M. Jean-Claude Lenoir. Elle n’a pas dit ça !

M. Jean Desessard. … vous allez trouver un partenaire ! Je suis prêt à le faire. Sur le fait qu’on s’ennuie à l’école, parfois pour rien, sur l’échec scolaire, je peux parler pendant des heures,…

M. Jean Desessard. … mais je ne dispose plus que de deux minutes et quarante-huit secondes !

Quelle est la sanction si l’établissement ne cherche pas de stage ? Et s’il n’en trouve pas ? Comme le disait mon collègue Alain Néri, cela dépend beaucoup des entreprises.

Si l’établissement ne trouve pas de stage, sa sanction consistera-t-elle à avoir moins d’élèves diplômés l’année suivante ? Lui imposera-t-on un quota ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) C’est une vraie question !

M. Gilbert Barbier. Vous pouvez sous-amender !

M. Jean Desessard. Quoi qu’il en soit, je voterai contre cet amendement, parce qu’il me semble que l’on va trop loin en imposant à un jeune un lieu de stage, alors qu’il subira déjà une sanction en ne validant pas son année de formation s’il ne fait pas de stage. À titre personnel, je suivrai donc l’avis de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. J’ai lu attentivement l’amendement et entendu tous les arguments, de bonne volonté et de bonne foi, qui ont été présentés. J’observe cependant que, tandis que nous sommes dans une démarche d’appel à la responsabilité des établissements et d’autonomisation des étudiants, en vue de développer une politique contractuelle de formation, les auteurs de l’amendement introduisent deux éléments d’extrême contrainte. Ils écrivent en effet, d’une part, que « l’établissement d’enseignement est tenu » de mettre le jeune « en contact avec un organisme d’accueil proposant un stage », et, d’autre part, que « l’étudiant ne pourra alors refuser ce stage ».

Dans la proposition de loi, les termes employés sont « l’établissement d’enseignement est chargé ».

Mme Dominique Gillot. Quelle est la différence entre « chargé » et « tenu » ? Nous avons quelques heures de débat devant nous pour en discuter...

L’alinéa 8, je le rappelle, dispose que l’établissement d’enseignement est chargé « d’appuyer et d’accompagner les élèves ou les étudiants […] et de favoriser un égal accès des élèves et des étudiants, respectivement, aux périodes de formation en milieu professionnel et aux stages ». 

Je crains que le présent amendement, s’il était adopté, n’alourdisse le texte et qu’il n’introduise des éléments de confusion et de contentieux qui ne favoriseront pas la démarche contractuelle de responsabilité réciproque, et d’accompagnement par les établissements des élèves et des étudiants vers une émancipation et une responsabilisation au sein de leur parcours.

Je ne voterai donc pas cet amendement, nonobstant les arguments de bonne foi qui ont été développés.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Dans ce débat, on oublie une chose. Nous constatons, lorsque nous les accueillons dans nos permanences, que les jeunes en recherche de stage sont ceux qui sont issus des familles les plus défavorisées, ceux qui ne peuvent compter ni sur leurs parents pour les aider à contacter des employeurs…

M. Gilbert Barbier. … ni sur le soutien d’amis et de connaissances pour trouver un stage.

M. Gilbert Barbier. Ces jeunes qui s’engagent dans des études supérieures et qui n’ont parfois personne chez eux pour les soutenir risquent d’abandonner si l’établissement d’enseignement ne parvient pas à leur trouver des stages.

Je ne comprends pas la position qui vient d’être défendue. Entre les mots « tenu » et « chargé », madame Gillot, il n’y a pas une grande différence de niveau. Simplement, il faut aider les plus défavorisés à s’élever dans la société. Je crois, pour ma part, que la rédaction de cet amendement traduit un grand sens des responsabilités. Aussi, nous le voterons.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.

M. Yves Krattinger. Je voterai également cet amendement.

Il se trouve que j’ai été responsable de la recherche de stages pour des jeunes en post-bac. Les uns n’étaient pas apprentis, et il fallait tout de même leur trouver un stage de quatorze semaines, ce qui, croyez-moi, est un vrai travail. Les autres étaient apprentis et il fallait leur trouver un contrat d’apprentissage.

Un jeune qui est implanté de longue date dans une région et dont les parents connaissent beaucoup de monde finit toujours par trouver un stage, surtout s’il n’est pas timide.

En revanche, pour un jeune un peu plus timide, scolarisé à 250 kilomètres de chez lui et qui n’a pas de réseau de relations, ou pour celui qui vient de déménager et dont les parents ne connaissent personne, ce n’est pas si simple.

J’ajoute, par ailleurs, qu’il est d’un très grand intérêt que l’équipe pédagogique s’investisse dans la recherche des stages. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ce que dit le texte !

M. Yves Krattinger. Je le dis, car je l’ai vécu ! Dans une équipe pédagogique, il y a les enseignants qui le font, et ceux qui s’y investissent moins, car ils ne sont pas très à l’aise, n’ayant pas été en contact avec ce type de milieu professionnel.

La seule chose qui me gêne dans cet amendement, c’est l’emploi des termes « l’établissement d’enseignement ». Je préférerais qu’on les remplace par « l’équipe pédagogique de l’établissement d’enseignement », car c’est elle qui doit trouver des stages pour le groupe d’élèves dont elle est en charge. Mais ce n’est guère important.

Cet amendement me paraît de bon sens. Aussi, je le répète, je le voterai.

Mme Catherine Procaccia. Merci, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je défendrai le même point de vue que M. Krattinger.

J’ai vu des jeunes d’origine extrêmement modeste sortir de leur quartier afin de chercher un stage et rencontrer des obstacles majeurs pour en trouver. Or leur établissement d’enseignement n’était pas toujours hyper motivé…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … pour aller jusqu’au bout du stage.

Certes, il est peut-être excessif d’imposer au jeune de suivre un stage. Il n’en demeure pas moins que, si le jeune ne fait pas de stage, il n’obtiendra pas son diplôme.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si le jeune ne veut pas obtenir son diplôme, c’est un autre problème, c’est son choix... Mais il me paraît essentiel de lui permettre véritablement d’obtenir un stage.

Nous sommes de nombreux élus à chercher nous-mêmes des stages lorsque les établissements scolaires ne font pas toutes les démarches nécessaires. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Certes, il y a aussi de très bons établissements, qui, à l’inverse, nous font part des stages qu’ils ont pu trouver l’année précédente...

Les termes « tenu de » signifient que les établissements sont placés en situation de responsabilité…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … pour réussir à trouver des stages.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’approuve donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Nous avions émis un avis de sagesse sur cet amendement, car le sujet est complexe.

J’ai, pour ma part, quelques inquiétudes, même si j’entends les arguments de mes collègues. Que l’établissement soit tenu de trouver un stage, cela peut se comprendre. Ce qui m’inquiète, en revanche, c’est que l’on crée, en inscrivant dans la loi que l’établissement est « tenu de » mettre un élève en contact avec un organisme d’accueil, une sorte de droit opposable au stage,...

Mme Catherine Procaccia. C’est un stage obligatoire !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. ... une obligation. Ce qui m’inquiète également, c’est que l’étudiant soit obligé d’accepter le stage. J’entends les propos de M. Barbier. Mais je me demande si, dans ce cas de figure, ce ne seront pas les jeunes les plus défavorisés qui hériteront des stages « pourris ». (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Évidemment ! C’est ce qui va se passer !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Je le dis comme je le pense ! Ce sont ces jeunes qui devront suivre des stages loin de chez eux, car ils n’ont pas les réseaux pour en trouver à proximité. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) Je vous en prie, madame Des Esgaulx, je n’ai interrompu personne, et j’ai parfaitement le droit d’avoir un avis !

J’ai fait part de cette crainte en commission, et je l’exprime de nouveau ici, cet amendement risque de se retourner contre les stagiaires issus des milieux les plus défavorisés.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Interrogez les jeunes et vous verrez, vous aurez la réponse !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Je vis dans le même monde que vous, madame.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. J’ai des enfants et des petits-enfants, et je connais les difficultés aussi bien que vous !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je le répète : interrogez les jeunes et vous verrez, vous aurez la réponse !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cessez de crier ! On n’est pas là pour aboyer !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Je vais essayer d’être plus explicite que lors de ma précédente intervention.

Nous nous sommes beaucoup interrogés sur cet article, dans lequel nous avons inscrit le plus de dispositions possible, mais sans aller jusqu’à susciter de droit opposable – je vous dirai pourquoi. Nous avons mesuré les risques, les inconvénients et les avantages.

Nous ne devons pas nous faire de procès les uns les autres. Nous avons tous reçu dans nos permanences des jeunes qui rencontraient des difficultés pour trouver des stages. Nous en voyons cependant moins que des jeunes qui connaissent des difficultés pour trouver un lieu d’apprentissage et qui, n’en trouvant pas, se privent de formation ; là, c’est beaucoup plus compliqué.

En l’occurrence, il s’agit d’autre chose : on est dans le cadre non pas de l’apprentissage, mais de stages intégrés dans un cursus de formation. Ce que nous avons voulu faire, c’est responsabiliser l’équipe pédagogique. C’est bien ce que dit le texte : « L’établissement d’enseignement est chargé d’appuyer, d’accompagner les élèves ou les étudiants [...] ». Les étudiants ou les élèves ne sont donc jamais seuls au cours de la recherche de stages.

Si l’on remplace le mot « chargé » par « tenu », on introduit une obligation,…

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. … donc une possibilité de contentieux. Et je ne parle pas de l’obligation qui serait faite aux jeunes d’accepter un stage quel qu’il soit, lequel risque de ne pas être le plus intéressant possible, dans le plus favorable des environnements de formation.

Quel serait l’impact de l’introduction d’une possibilité de contentieux ? Certaines filières fermeront les robinets, introduiront une sélection ou limiteront les stages !

On risque donc, avec les meilleures intentions du monde – car je ne doute que nous soyons tous animés, au moins en ce moment, du désir de faire le mieux possible pour les jeunes, y compris, et surtout, pour ceux qui ne disposent pas d’un réseau relationnel –, de créer l’effet pervers suivant : une diminution du nombre de formations incluant le suivi de stages dans les filières où il est plus difficile d’en trouver, et l’introduction au sein de ces filières d’une sélection dont nous ne voulons pas.

Cet effet pervers risque d’être plus important que l’effet bénéfique attendu de cette mesure, que l’on ne serait d’ailleurs pas assuré d’obtenir.

Nous avons considéré qu’il valait mieux faire un autre pari, c’est-à-dire faire confiance à l’équipe pédagogique, plutôt que d’introduire une obligation qui ouvre la possibilité de contentieux et qui aura in fine un impact extrêmement négatif pour les jeunes. En effet, ce que nous voulons, en définitive, c’est tout de même que ceux-ci puissent obtenir des stages. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.)

Après avoir longuement débattu sur ce point, et pris des conseils, nous avons conclu que l’impact d’une telle mesure, en dépit de la bonne intention des auteurs de l’amendement, serait défavorable et préjudiciable aux jeunes.

Encore une fois, je souhaite que chacun réfléchisse à la globalité du problème, sans faire de procès d’intention. Nous avons tous envie que les jeunes qui appartiennent aux milieux défavorisés disposent des mêmes chances que ceux qui bénéficient d’un environnement plus favorable. Nous avons aussi la conviction que l’équipe enseignante doit être le réseau des jeunes ceux qui n’en ont pas.

Tels sont les arguments qui ont prévalu lors de la rédaction finale de cet article. Encore une fois, nous avons pesé le pour et le contre, et avons considéré que l’impact de la disposition que vous proposez serait plutôt négatif.

Je me suis exprimée un peu longuement, mais je tenais à expliquer le raisonnement que nous avions suivi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92.

M. Jean Desessard. On est pris en sandwich entre la droite et la gauche ! (Sourires.)

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 139, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

celui-ci

par les mots :

ce temps

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

La formulation « ce temps », issue de l’Assemblée nationale, renvoie à la fois aux stages et aux périodes de formation en milieu professionnel, alors que l’expression « celui-ci » ne fait référence qu’aux seuls stages. Il s’agit de rétablir la formulation qui convient.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L’amendement n° 13, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 10, seconde phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

Un enseignant référent ne peut suivre simultanément plus de quinze étudiants. Les modalités de ce suivi régulier sont définies par le conseil d’administration de l’établissement, dans des conditions fixées par décret.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Cette proposition de loi n’a pas pour vocation d’interdire les stages. Ces derniers peuvent naturellement être utiles pour les jeunes, et, d’ailleurs, ils le sont dès lors qu’ils sont suffisamment encadrés et qu’ils répondent à des exigences de qualité quant aux compétences que les stagiaires pourront y acquérir.

Il convient également que les universités jouent pleinement le jeu. Nous en sommes toutes et tous conscients, comme l’atteste la disposition de la proposition de loi prévoyant qu’un décret devra limiter le nombre de stagiaires encadrés par l’enseignant référent.

Si nous sommes en accord avec le rapporteur sur l’idée que les conseils d’administration doivent avoir un droit de regard et décider du nombre de stagiaires par enseignant, en fonction des enseignements et des niveaux d’études, nous ne pouvons admettre l’idée selon laquelle le nombre maximal de stagiaires suivis par un même référent doit être fixé en tenant compte des moyens inégaux des universités. Si tel était le cas, en effet, les étudiants inscrits dans les lieux d’enseignement les moins riches pourraient être moins bien suivis que ceux qui fréquentent des universités de renom et aux moyens financiers plus importants.

Si les établissements manquent de moyens, c’est que l’État ne leur accorde pas les ressources nécessaires, et les étudiants ne doivent pas en pâtir.

On peut légitimement admettre que plus le nombre d’étudiants suivis par un même enseignant référent est élevé, moins l’encadrement est de qualité.

C’est pourquoi, plutôt que de renvoyer au décret la fixation du nombre maximal d’étudiants suivis par un même enseignant, nous proposons, en lien avec les organisations étudiantes, de préciser dans la loi qu’un enseignant référent ne peut pas encadrer plus de quinze étudiants.

Tel est l’objet de cet amendement, que nous vous invitons à adopter, mes chers collègues.

M. le président. L’amendement n° 70, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Alinéa 10, seconde phrase

Remplacer les mots :

de ce suivi régulier

par les mots :

de ce suivi pédagogique et administratif constant

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je remercie M. le rapporteur de m’avoir permis d’assister à un certain nombre des auditions qu’il a menées. Cet amendement est directement issu de l’audition des représentants de la Conférence des présidents d’université, la CPU, lesquels estiment qu’il faut impliquer davantage l’équipe pédagogique dans le suivi des stages et nous ont suggéré que ce suivi ne soit pas uniquement pédagogique, mais soit également administratif et constant.

Ce suivi doit en effet être constant car les représentants de la CPU reconnaissent que, pour les stages qui se déroulent l’été, entre le 20 juillet et le 20 août, si le stagiaire rencontre un problème, quel qu’il soit, il ne trouve aucun interlocuteur au sein de l’établissement d’enseignement.

Je ne dis pas que le suivi doit être permanent. Toutefois, à l’heure des courriels, téléphones et autres moyens de communication, il est indispensable qu’il n’y ait pas de rupture dans le suivi, ni sur le fond ni sur la forme.

Cette notion de suivi pédagogique et administratif leur paraissait importante, afin d’impliquer encore davantage les équipes pédagogiques dans le suivi des stages.

M. le président. L'amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10, seconde phrase

Remplacer les mots :

des conditions fixées

par les mots :

la limite d’un plafond fixé

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. La rédaction issue des travaux en commission renvoie au décret le soin de fixer les conditions de délibération du conseil d’administration de chaque établissement sur les modalités de suivi des stagiaires.

Or il appartient au décret de fixer non pas ces conditions de délibération, mais plutôt le plafond dans le cadre duquel la fixation du nombre de stagiaires d’un même enseignant référent devra intervenir.

Les établissements auront ensuite toute latitude pour délibérer et arrêter les modalités les plus adaptées de suivi des stagiaires.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Desessard et Mme Archimbaud, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Un enseignant référent ne peut suivre plus de vingt-cinq étudiants simultanément. Pour tous les stages de plus de deux mois, un entretien de déroulement de stage est prévu tous les mois ;

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. La présente proposition de loi vise à limiter le nombre de stagiaires suivis par un même enseignant. Cette mesure tend à renforcer le contrôle des établissements sur le contenu pédagogique des stages. Moins d’étudiants par enseignant pour un meilleur suivi, nous ne pouvons que souscrire à une telle proposition.

Cependant, le texte prévoit que le nombre maximal d’étudiants par enseignant sera fixé par décret. Nous considérons au contraire qu’une telle limite doit être établie dès aujourd'hui, non seulement pour étoffer la loi, mais également pour laisser le temps aux établissements de s’adapter.

Cet amendement rejoint donc l’esprit de celui qui vient d’être défendu par le groupe CRC. Toutefois, nous proposons de fixer le seuil à vingt-cinq étudiants par enseignant – c’est la foire aux enchères ! –, ce qui nous semble constituer un juste milieu entre les disponibilités des enseignants et la nécessité de renforcer le suivi pédagogique.

Dans le même sens, nous souhaitons nous assurer de l’effectivité de ce suivi pédagogique, en proposant qu’un entretien sur le déroulement du stage ait lieu tous les mois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. L’amendement n° 13 tend à fixer à quinze le nombre maximal d’étudiants par enseignant référent.

Ce n’est pas une opposition de principe, tant s’en faut, qui me pousse à demander le retrait de cet amendement, mais plutôt la nécessité de laisser au pouvoir réglementaire le soin de fixer ce plafond, même si je considère, à titre personnel, que le chiffre de quinze est tout à fait réaliste.

M. Daniel Raoul. Cela dépend des formations !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Bien sûr !

Sur l’amendement n° 70, qui prévoit que les stagiaires bénéficient d’un suivi pédagogique et administratif « constant » plutôt que « régulier » de la part de leur établissement d’enseignement, nous sollicitons l’avis du Gouvernement.

La commission est favorable à l’amendement n° 140 du Gouvernement. Peut-être pourriez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, le plafond que vous envisagez de fixer. Il serait en effet intéressant pour nous de connaître l’état de vos réflexions sur ce point.

S’agissant de l’amendement n° 5, j’estime que le nombre de vingt-cinq étudiants est quelque peu élevé. La commission y est donc défavorable.

M. Jean Desessard. Il s’agit d’un plafond !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Comme cela a été dit à l’Assemblée nationale, il nous semble que la fixation du nombre maximal de stagiaires suivis par l’enseignant relève du décret. Des ajustements liés à la spécificité des formations peuvent en effet se révéler nécessaires.

Toutefois, pour que le vote des assemblées puisse avoir lieu en toute transparence, je me suis engagée à l’Assemblée nationale à fixer à vingt le nombre maximal de stagiaires et je renouvelle ici cet engagement. Il ne s’agit pas de couper la poire en deux ou de faire une moyenne. Ce nombre, qui ne tombe pas du ciel, a été testé et correspond au format des lycées professionnels et paraît donc tout à fait réaliste.

Au demeurant, nous souhaitons renvoyer la fixation de ce plafond à un décret, dans la mesure où de légers ajustements pourront intervenir selon les formations.

Ces indications me permettent de considérer que j’ai répondu aux auteurs des amendements nos 13 et 5.

Madame Procaccia, nous sommes totalement favorables à l’ajout d’un suivi administratif au suivi pédagogique. Nous pensons en effet que le stagiaire a besoin de pouvoir disposer à tout moment d’un soutien administratif dans le cadre de son stage.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'amendement n° 13.

Mme Laurence Cohen. J’estime que le nombre de vingt est raisonnable et que c’est un juste milieu.

Cependant, le recours au décret me gêne un peu plus. Je l’avoue, nous aurions préféré que cette précision figure dans la loi. Toutefois, Mme la secrétaire d’État ayant expliqué qu’il s’agissait d’une commodité d’ajustement aux formations, je retire l’amendement n° 13, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 140.

M. Daniel Raoul. Fort de mon expérience professionnelle, je préférerais que le plafond soit fixé au moment de l’habilitation de chacune des formations. Une valeur moyenne de vingt me semble préférable à un plafond fixé au préalable, sans considération de la nécessité de l’adaptation à chaque formation.

M. Gilbert Barbier. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Le nombre de vingt soulève une question pratique : dans le cas d’une classe de vingt et un ou de vingt-deux élèves, comment le suivi pédagogique sera-t-il organisé ? La fixation de ce plafond me gêne, et je regrette de devoir constater que l’autonomie des universités et des enseignements n’est pas complète.

M. Daniel Raoul. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Mes propos allaient tout à fait dans le sens de ceux de M. Raoul : le décret se justifie par la nécessité de prévoir d’éventuels ajustements, la valeur moyenne retenue étant de vingt étudiants. Il semble donc que nous soyons d’accord : le recours au décret permettra une adaptation aux cas les plus spécifiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.

M. Jean Desessard. Dans la mesure où j’ai voté l’amendement précédent, il est logique que je retire l’amendement n° 5. J’ai en effet été sensible au fait que le plafond serait adapté en fonction des formations et des possibilités.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Dini et Létard, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 124-... Les ministres de tutelle des corps considérés définissent les modalités d'encadrement et d'intégration au cursus pédagogique des stages pour la formation des fonctionnaires.

« Les conseils d'administration de tous les établissements de l'enseignement supérieur définissent les modalités d'encadrement et d'intégration au cursus pédagogique des stages et des périodes de formation en milieu professionnel pour les formations de ces établissements donnant lieu à la délivrance d'un diplôme de master.

« Les articles L. 124-3 et L. 124-5 ne s'appliquent pas aux formations concernées par les deux alinéas précédents.

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Le présent amendement concerne les modalités d’encadrement et d’intégration au cursus pédagogique des stages pour les élèves fonctionnaires et les élèves en formation pour l’obtention d’un grade de master.

Les formations de certains corps de fonctionnaires comportent des stages ayant des modalités spécifiques, notamment une longue durée.

Les fonctionnaires en formation initiale ayant le statut de fonctionnaire stagiaire ne sont pas sujets au risque de précarisation des stagiaires, qui fait l’objet de la présente proposition de loi.

Par ailleurs, les stages longs en entreprise de ces futurs fonctionnaires leur permettent de mieux connaître les environnements avec lesquels ils seront amenés à travailler et sont donc à encourager.

Il en est de même pour les élèves suivant une formation de niveau master dans tous les établissements de l’enseignement supérieur, qui ne font pas partie de la population généralement sujette au risque de précarisation des stagiaires.

Ainsi, permettre au conseil d’administration des établissements de l’enseignement supérieur de définir les modalités des stages facilitera une meilleure prise en compte de leurs spécificités, un décret risquant d’introduire davantage de rigidité et de complexité dans le dispositif.

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 124-... – Les ministres de tutelle des corps considérés définissent les modalités d’encadrement et d’intégration au cursus pédagogique des stages pour la formation des fonctionnaires.

« Les articles L. 124-3 et L. 124-5 ne s’appliquent pas à ces formations.

L'amendement n° 72, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 124-... – Les conseils d’administration de tous les établissements de l’enseignement supérieur définissent les modalités d’encadrement et d’intégration au cursus pédagogique des stages et des périodes de formation en milieu professionnel pour les formations de ces établissements donnant lieu à la délivrance d’un diplôme de master.

« Les articles L. 124-3 et L. 124-5 ne s’appliquent pas à ces formations.

La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter ces deux amendements.

M. René-Paul Savary. L’amendement n° 71 ressemblant terriblement à celui qui vient d’être défendu par Mme Férat, je considère qu’il est défendu.

J’en viens à l’amendement n°72.

Concernant les stages à l’étranger, les durées peuvent être différentes d’un établissement à l’autre, selon les cursus.

De même, les étudiants accomplissant leurs années de master ne sont pas exposés à des conditions de stage identiques. Les règles actuellement en vigueur sont en l'occurrence suffisantes pour garantir leurs droits.

Par conséquent, plutôt que de renvoyer à un décret, qui manquerait de souplesse, il serait préférable de permettre aux conseils d'administration des établissements supérieurs d'encadrer eux-mêmes les modalités de stage de leurs étudiants inscrits en master, afin de respecter la spécificité de leur formation.

Au demeurant, cet amendement procède du même esprit que celui qu’a déposé M. le rapporteur concernant la fixation du nombre de stagiaires suivis par un même tuteur, et prend en compte les souhaits exprimés par les représentants de la CPU lors de l'audition organisée par la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. L’amendement n° 1 rectifié bis vise à exonérer les établissements délivrant une formation de niveau master, surtout les grandes écoles, et ceux qui forment les futurs fonctionnaires des dispositions générales relatives à l’intégration des stages dans un cursus, avec le même volume pédagogique minimal qui sera requis et la durée maximale du stage, en laissant la possibilité à chacun de définir ces modalités.

À mes yeux, cet amendement ne va pas dans la bonne direction.

Tout d’abord, les élèves des écoles de la fonction publique, et les périodes d’application qu’ils ont à réaliser durant leur scolarité, n’entrent pas dans le champ de la proposition de loi. En effet, ces élèves n’ont pas à proprement parler un statut d’étudiant : ce sont le plus souvent des fonctionnaires stagiaires ou, à l’École polytechnique, des élèves officiers, qui ont vocation à être titularisés au terme de leur scolarité dans un corps de la fonction publique et sont donc rémunérés comme tels.

De manière plus générale, je ne pense pas qu’il faille s’affranchir de la durée maximale de six mois par stage. Au-delà, les apports pédagogiques sont limités, et le stage peut se substituer à un emploi salarié. Si l’on fait une exception pour les grandes écoles, pourquoi la refuser pour d’autres cursus ?

Quant aux amendements nos 71 et 72, ils reviennent à présenter en deux amendements distincts la proposition de Mme Férat.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Le Gouvernement souscrit aux arguments développés par M. le rapporteur.

Le « stage » des fonctionnaires stagiaires est en fait une période probatoire prévue par les statuts particuliers dans le cadre d’une application des lois de 1983 et 1984 définissant le statut général de la fonction publique. Il doit permettre ensuite la titularisation dans un corps de fonctionnaires et, n’ayant de stage que le nom, n’est donc absolument pas concerné par cette proposition de loi.

Pour ce qui est des masters, on sait que, lorsque la période de stage excède six mois, cela équivaut à un test de pré-embauche. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de ne pas autoriser de dérogations. Ce serait contraire à l’esprit du stage, tel qu’il est conçu par les partenaires sociaux et approuvé par la CPU.

C'est pourquoi je suis un peu surprise de vos propos. Toutes ces orientations ont été prises en accord avec l’ensemble des acteurs et ceux-ci ne souhaitaient pas que nous élargissions au-delà de six mois la période de stage pour les masters.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Madame Férat, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Françoise Férat. N’étant pas l’auteur de cet amendement, il m’est assez difficile d’adopter une position tranchée. Toutefois, compte tenu des explications de Mme la secrétaire d’État et de M. le rapporteur, j’ai le sentiment que le problème est déjà pris en compte par ailleurs. De ce fait, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

Monsieur Savary, qu’en est-il de vos amendements ?

M. René-Paul Savary. Je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 71 et 72 sont retirés.

L'amendement n° 8, présenté par M. Desessard et Mme Archimbaud, est ainsi libellé :

Alinéa 12, seconde phrase

Après les mots :

formation en établissement

insérer les mots :

, qui ne pourra être inférieur à deux cents heures

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Afin de s’assurer que le stage est bien au service d’un projet pédagogique, la présente proposition de loi prévoit la fixation d’un seuil minimal de formation que l’étudiant doit effectuer avant de bénéficier d'une convention de stage.

Cette mesure a un double avantage : elle permet, d’une part, de lutter contre les offres de formations factices, notamment sur internet, qui proposent aux étudiants, dans la réalité, d’acheter une convention de stage sans leur fournir le moindre enseignement, et, d’autre part, de limiter les pratiques de certaines universités qui proposent des diplômes dont la seule utilité est d'ouvrir droit à une convention de stage.

Nous approuvons donc le principe.

Toutefois, la fixation de ce seuil minimal de formation est renvoyée à un décret. Or nous considérons, pour notre part, que le seuil peut être fixé dans le présent texte, et à 200 heures de formation. Cela ne représente que deux mois et demi de formation, à raison de vingt heures par semaine. Ce chiffre nous semble raisonnable et adapté pour lutter efficacement contre les offres de formation factices.

L’amendement a en somme pour objet de préciser, dès aujourd'hui, le seuil minimal de formation qui correspond à l’esprit de la proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. M. Desessard nous propose de fixer à 200 heures le volume pédagogique minimal de formation en établissement qui doit accompagner un stage.

Je souscris à l’esprit de cet amendement. Néanmoins, le renvoi au pouvoir réglementaire pour la fixation de ce volume pédagogique minimal me semble justifié. Tout n’a pas à figurer dans la loi, en particulier s’agissant de mesures d’application comme celle-ci, mais je suis certain que le Gouvernement pourra nous préciser son intention en la matière.

La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur.

Là encore, nous avons voulu que le Sénat puisse voter en toute connaissance de cause. Nous avons donc souhaité faire preuve de transparence.

Les négociations en cours nous amènent à proposer un volume de formation d’au moins 200 heures – cela peut être davantage, bien évidemment – afin d’éviter les offres de formation alléchantes qui ne comportent qu’assez peu de formation et quasiment que des stages. Vous avez probablement tous à l’esprit ces formations qui, en général, ne sont pas gratuites.

Cela étant, la fixation d’un seuil minimal de formation relève, effectivement, du niveau réglementaire.

Pour ces raisons, je vous demande de retirer cet amendement, monsieur Desessard, sinon je serai obligée d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 8 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Point n’était besoin de recourir à la menace, madame la secrétaire d'État ! (Sourires.)

Je retire bien volontiers mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.

L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par MM. Savary, G. Bailly, Beaumont et Béchu, Mme Boog, MM. Cardoux, César, Chauveau, Cléach, Couderc, Dufaut et Karoutchi, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Legendre et Longuet, Mmes Masson-Maret et Mélot, MM. Milon et Portelli, Mmes Procaccia, Sittler et Bruguière et MM. Buffet, Laménie, P. Leroy et Dassault, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 124-3-… – Le rectorat et l’inspection académique effectuent au minimum un contrôle au sein des organismes de formation et des établissements d'enseignement supérieur privé, selon une régularité fixée par décret, afin de s'assurer de la bonne mise en œuvre des cours souscrits lors de l’inscription, et des diplômes associés aux enseignements.

« En cas d'irrégularité constatée, une amende administrative pourra être prononcée d'au plus 2 000 euros par étudiant inscrit au sein de ces établissements, et d'au plus 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende. » ;

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Voilà un amendement qui devrait intéresser Mme la secrétaire d'État, puisqu’il vise à encadrer les organismes de formation et les établissements d’enseignement supérieur privé afin de parer à la vente de conventions de stage.

Au reste, le premier alinéa de l’article dont nous proposons l’insertion est précis : « Le rectorat et l’inspection académique effectuent au minimum un contrôle au sein des organismes de formation et des établissements d’enseignement supérieur privé, selon une régularité fixée par décret, afin de s’assurer de la bonne mise en œuvre des cours souscrits lors de l’inscription, et des diplômes associés aux enseignements. »

En outre, pour mieux convaincre ces organismes et établissements, il est prévu une amende administrative.

Certains établissements d’enseignement supérieur privé libre ou certains organismes de formation peuvent, sur demande, délivrer une convention de stage d’une durée de un à six mois dans plusieurs secteurs d’activité.

Les faits révèlent que le délai d’obtention d’une convention de stage est court et le stage peut commencer immédiatement, moyennant d’importants frais relatifs à l’achat desdites conventions, dissimulé sous des inscriptions à des formations au sein de ces établissements.

Cet amendement a donc pour objet de véritablement encadrer les mauvaises pratiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. La commission partage avec les auteurs de cet amendement l’idée qu’il faut renforcer les contrôles à l’égard de certains organismes qui, dotés seulement de boîtes aux lettres, ne font en fait que vendre des conventions de stage.

Néanmoins, je ne sais pas comment articuler ces contrôles avec le principe fondamental de la liberté de l’enseignement supérieur.

Je ne suis pas certain non plus que l’inspection académique ait la capacité juridique d’infliger des amendes administratives. En la matière, les vraies escroqueries relèvent plus de la répression des fraudes que du contrôle pédagogique.

Il a semblé nécessaire à la commission de demander l’avis du Gouvernement afin qu’il nous précise les initiatives qu’il pourrait prendre pour lutter contre ces officines.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Nous souscrivons à l’objet de cet amendement, qui est de mettre fin à des pratiques plus que douteuses. Cependant, les dispositions prévues dans le texte, en particulier l’existence d’un volume minimal de formation, permettent déjà d’empêcher ces pratiques frauduleuses.

Par ailleurs, transformer les services administratifs du rectorat, qui sont des services de contrôle, en des services de police, en quelque sorte, qui infligeraient des amendes pose tout de même un problème. Cela n’est pas du tout conforme aux compétences des rectorats.

Je le répète, cet amendement, qui vise à empêcher les pratiques frauduleuses, est satisfait, puisqu’un certain nombre de dispositions sont introduites dans le texte précisément dans ce but.

Naturellement, pour ce qui est de la fréquence des inspections, nous y sommes tout à fait favorables.

Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la secrétaire d'État, permettez-moi d’insister.

S’il est prévu une amende administrative, il n’est pas précisé que le rectorat en aura la charge. Le rectorat et l’inspection d’académie doivent effectuer des contrôles afin d’empêcher que des organismes « bidons » ne vendent des stages à des prix parfois prohibitifs, nos stagiaires en étant les premières victimes. Chaque administration a ses propres responsabilités. Il appartient au rectorat et à l’inspection d’académie d’avertir les services du ministère concerné, l’inspection du travail ou je ne sais quel organisme, qui doit vérifier que la pratique est ou non frauduleuse.

En revanche, notre proposition pourrait mettre fin à cette pratique de vente de stages qui nous a été largement signalée. Certains stages étant obligatoires, nos stagiaires, parce qu’ils sont confrontés aux difficultés que l’on a déjà évoquées, peuvent tomber sur des organismes malhonnêtes qui les exploitent.

C'est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d'État, je pense que cet amendement peut être voté sans états d’âme !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 73, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 14

Remplacer le mot :

modifié

par le mot :

rédigé

II. - Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 124-5. - La durée du ou des stages, ou périodes de formation en milieu professionnel, effectués par un même stagiaire dans un même organisme d'accueil, ne peut excéder six mois par année d'enseignement. Il peut être dérogé à cette règle, dans des conditions fixées par décret, au bénéfice des stagiaires qui interrompent momentanément leur formation afin d'exercer des activités visant exclusivement l'acquisition de compétences en liaison avec cette formation, ainsi que dans le cas des stages qui sont prévus dans le cadre d'un cursus pluriannuel de l'enseignement supérieur, ou encore compte tenu des spécificités des professions auxquelles destine la formation. » ;

III. - Alinéa 62

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article L.612-9 du code de l’éducation telle qu’elle était prévue dans la loi Cherpion de 2011.

Au passage, on se demande pourquoi il est nécessaire de rédiger une nouvelle loi qui renvoie à de nombreux décrets, alors qu’il aurait suffi que les décrets prévus dans la loi Cherpion soient pris. Ils ne l’ont pas été par le gouvernement précédent, mais pas non plus par le gouvernement actuel !

Cet amendement vise à revoir les dérogations possibles à la durée maximale de six mois. La durée prévue pour un certain nombre de formations – vous avez certainement, madame la secrétaire d'État, comme nous, reçu des courriers à ce sujet – est de huit mois, ce qui impliquera de revoir tout le cursus pédagogique de ces formations uniquement pour entrer dans le cadre de la loi. C’est en particulier le cas des formations dans le domaine social et, dans la loi sur l’enseignement et la recherche que vous avez défendue il y a quelques mois, il a été reconnu que ces formations nécessitaient une durée de neuf mois. Là aussi, vous m’avez répondu en aparté qu’il y aurait des avancées.

Mais qu’en est-il pour l’année de césure ? Cette pratique existe non seulement dans les grandes écoles, mais également dans les établissements publics d’enseignement supérieur, qui nous ont dit accorder systématiquement l’année de césure lorsqu’un étudiant la demandait pour effectuer des stages.

Enfin, il s’agit, par cet amendement, de supprimer la disposition transitoire de deux ans prévue dans la proposition de loi, parce qu’elle serait dommageable à tous les publics que nous avons cités.

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer les mots :

après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou périodes de formation en milieu professionnel » et

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Nous abordons le problème de la rigidité qu’entraîne la fixation de six mois de la durée des stages.

Tout d’abord, je souligne que cet amendement n° 43 rectifié fait partie d’une série d’amendements qui seront présentés en vue d’exclure les périodes de formation en milieu professionnel réalisées dans le cadre de l’alternance scolaire des dispositions de la proposition de loi.

Ces dispositions en matière de durée maximale sont en effet inadaptées à l’alternance scolaire, puisque la période de formation et les enseignements sont effectués simultanément sur l’année scolaire. Ainsi, la durée maximale de six mois est automatiquement dépassée.

La question des maisons familiales rurales ainsi que les stages en matière agricole ou en matière de services à la personne ont été évoqués et le présent amendement vise à tenir compte de la spécificité de ces formations.

M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par les mots :

et les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « un an »

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. L’amendement n° 39 rectifié a trait à l’enseignement supérieur.

La présente proposition de loi vise à encadrer le recours abusif aux stages en limitant à six mois la durée maximale de stage pour toutes les filières de formation.

Alors que la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche adoptait une approche plus équilibrée de cette limitation en prévoyant des exceptions fixées par décret, afin de tenir compte des spécificités de certaines filières de formation, ce texte tire apparemment un trait sur cette possibilité.

Au lieu d’adapter le stage à la formation, ce qui aurait été plus logique, c’est la formation qui doit s’adapter aux dispositions relatives au stage. C’est un peu curieux !

Or cette généralisation est dangereuse pour toutes les formations dont la pratique occupe une large place dans le cursus.

J’ai déjà cité, lors de la discussion générale, la psychologie : seule une pratique importante permet aux étudiants d’acquérir les compétences indispensables et de se préparer à exercer ces métiers.

En outre, cette proposition de loi met en péril – cela vient d’être évoqué par Catherine Procaccia –, les années de césure proposées par les écoles de commerce ou certaines écoles d’ingénieurs.

Le présent amendement prévoit ainsi de porter la durée maximale du stage à un an, afin de tenir compte de ces spécificités. Je n’ignore pas qu’une telle disposition est délicate par rapport au texte de la proposition de loi, mais je sais aussi les difficultés que rencontreront, sinon, certaines filières.

Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai dans la foulée l’amendement n° 38 rectifié.

M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi, et ainsi libellé :

Alinéa 16

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) La seconde phrase est complétée par les mots : « , après concertation avec les filières concernées ».

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Gilbert Barbier. Pour les raisons que j’ai précédemment évoquées, je propose de rétablir les dispositions en vigueur relatives à la durée maximale des stages telles qu’elles résultent de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Les exceptions à la durée maximale de six mois seront ainsi fixées par décret pour les formations dont les spécificités requièrent une durée de pratique supérieure.

En outre, il me semble nécessaire de consulter les filières de formation – cela a été évoqué précédemment sur un autre problème – concernées par ces dérogations. Ces filières sont plus à même de juger du poids de la pratique au sein de la formation.

M. le président. L'amendement n° 144, présenté par M. Godefroy, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) La seconde phrase est supprimée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 100 est présenté par M. Marseille.

L'amendement n° 127 rectifié est présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary et Mme Des Esgaulx.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être conservé au-delà de la délivrance du diplôme à l’élève ou à l’étudiant. L’organisme d’accueil est rendu destinataire de ce document lors de la signature de la convention tripartite mentionnée à l’article L. 124-1. Le cas échéant, l’élève ou l’étudiant y joint la copie du document d’évaluation réalisée dans le cadre du processus qualité mis en œuvre au sein de l’organisme d’accueil. Lorsque l’enseignant référent constate des difficultés liées au déroulement du stage, il est tenu d’échanger avec l’organisme d’accueil pour identifier les raisons ayant conduit à ces difficultés. »

L’amendement n° 100 n'est pas soutenu.

La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l'amendement n° 127 rectifié.

M. René-Paul Savary. Cet amendement vise à renforcer la qualité des stages en accentuant les échanges entre l'établissement d'accueil et l'établissement de formation.

En vertu de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013, tout élève ou étudiant ayant achevé son stage transmet au service de son établissement d'enseignement chargé de l'accompagner un document dans lequel il évalue la qualité de l'accueil dont il a bénéficié au sein de l'organisme.

Il est souhaitable que l'organisme d'accueil du stagiaire soit rendu destinataire de ce document, afin qu'il puisse en tenir compte dans sa politique de stage et garantir la qualité qui est recherchée dans ces stages de formation.

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune formation de l’enseignement supérieur ne peut prévoir une durée de stage supérieure à la durée de formation délivrée par l’établissement évaluée en semaines. » ;

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Là encore, il faut voir dans cet amendement une proposition destinée à conforter les stages en entreprise : ceux-ci ne doivent servir qu’à compléter, par l’immersion et la pratique professionnelles, les compétences théoriques censées être dispensées à l’université.

On sait que cela n’est pas nécessairement le cas et les exemples sont nombreux, malgré les évolutions législatives déjà intervenues, d’étudiants inscrits dans des formations « fantômes », dans le seul but de bénéficier d’une convention de stage.

Afin de remédier à cette situation, nous proposons de préciser dans la loi que la durée du stage ne peut pas excéder la durée de la formation pédagogique qui lui sert, en quelque sorte, de support. Il s’agit d’éviter les formations universitaires composées de quelques semaines de cours éparses sur l’année, qui permettent aux écoles et universités d’engranger des frais d’inscription parfois importants, pour des dépenses pédagogiques et de fonctionnement faibles, voire nulles.

Ce type de formations donne l’impression que les établissements d’enseignement se prêtent au contournement de la loi.

M. le président. L'amendement n° 75 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour les stages ou périodes de formation en milieu professionnel effectués au cours d’une année de césure, cette durée ne peut excéder douze mois.

« Une année de césure est une période de douze mois d’interruption accordée par l’établissement à l’usager au cours d’un cycle licence ou master sur la base d’un projet pédagogique. L’année de césure ne peut être effectuée en fin de cursus. » ;

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Le droit actuel fixe le principe que la durée maximale d’un stage est de six mois. Cet amendement vise à prévoir une exception pour l'année de césure, en précisant bien que celle-ci ne pourra dépasser douze mois.

Il s'agit de prendre en considération une pratique courante des établissements d'enseignement supérieur, comme les grandes écoles et les universités, qui permettent à leurs étudiants d'enrichir leur expérience en menant à bien un projet professionnel ou en effectuant un ou deux stages à l'étranger. Cette période représente un formidable atout pour ces jeunes, qui, du fait de l'absence de contraintes familiales, sont alors d'une grande mobilité intellectuelle et physique.

M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 62

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Il s’agit d’un amendement de coordination avec mon amendement précédent.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Desessard et Mme Archimbaud, est ainsi libellé :

Alinéa 62

Remplacer les mots :

de deux ans

par les mots :

d'un an

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à complimenter la direction de la séance. En effet, je ne comprenais pas pourquoi le présent amendement, qui porte sur l’alinéa 62 de l’article 1er, allait être débattu avant d’autres qui concernent des alinéas précédents, jusqu’à ce que je remarque que l’amendement de Mme Procaccia traitait, lui aussi, de ce même alinéa 62… Quel travail de classement !

M. le président. Quel talent !

M. Jean Desessard. J’en viens à mon amendement n° 6, qui traite – vous l’aurez compris ! – de l’alinéa 62. (Sourires.)

La proposition de loi prévoit de limiter les stages dans le temps, en fixant leur durée à six mois maximum au sein d’une même structure. Cette disposition est très positive pour lutter contre les faux stages.

Cependant, il est prévu d’accorder aux entreprises recourant régulièrement aux stagiaires une période de transition de deux ans pour appliquer la présente loi. Pourquoi un tel délai ? Il semblerait qu’une année soit suffisante pour leur permettre de s’organiser.

Nous proposons donc de réduire le délai de deux ans à un an.

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Alinéa 62

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Pour des raisons tout à fait opposées à celles qu’a avancées M. Desessard, nous proposons, nous, de porter le délai à trois ans.

Nous parlons ici de pédagogie et de maquettes de formation. Nous allons demander à des enseignants de modifier complètement un cursus sous prétexte que l’on a décidé de changer la loi. Ne leur accorder qu’un an pour le faire est impensable ; deux ans, cela paraît un peu court pour ajuster les formations ; la durée de trois ans correspond, quant à elle, à celle du premier cycle de formation de l’enseignement supérieur.

Si la loi est votée en l’état, de toute façon, une liste de dérogations sera prévue par décret. Et je suis certaine qu’au bout des deux ans d’autres dérogations devront être ajoutées, car des problèmes surgiront…

Laissons donc les enseignants revoir les maquettes pédagogiques et accordons-nous un délai pour mesurer toutes les dérogations nécessaires à l’application de cette loi. À défaut, la mesure qui est prévue tuera bon nombre de stages et de formations !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Sur l’amendement n° 73, je l’ai déjà dit, la commission est opposée à l’instauration de dérogations à la durée de six mois.

La période transitoire de deux ans prévue par le texte permettra de modifier les formations sur lesquelles cette règle aurait un impact.

Une fois encore, l’apport pédagogique de stages allant jusqu’à un an n’est pas évident. Quant aux années de césure, qui, par définition, ne font pas partie, en tant que telles, d’un cursus, mais constituent une interruption de celui-ci, le stage n’est pas la forme juridique adaptée pour une expérience professionnelle de plus de six mois : on peut penser au volontariat international en entreprises, ou bien même à un contrat à durée déterminée, même si nous avons eu connaissance des difficultés que cela pouvait poser dans certains pays. L’autre solution consiste en la réalisation de deux stages de six mois, ce qui enrichit davantage encore le curriculum vitae de l’étudiant.

La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 73.

L’amendement n° 43 rectifié tend à exonérer de la limitation à six mois les périodes de formation en milieu professionnel de l’enseignement secondaire. Il s’agit donc d’autoriser les PFMP de plus de six mois.

J’ai du mal à imaginer à quelles formations de l’enseignement secondaire pourrait s’appliquer une telle mesure, puisque, même dans les cas extrêmes, il n’y a jamais plus de 60 semaines de PFMP pour un cursus de trois ans. Ce plafond de six mois, qui fait déjà partie du droit en vigueur, ne constitue en aucun cas une gêne.

De plus, il n’est pas souhaitable que de telles périodes durent plus de six mois : quelle serait alors la place pour les enseignements théoriques délivrés dans l’établissement d’enseignement ?

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 39 rectifié vise à porter à un an la durée maximale autorisée pour un stage. Je n’argumenterai pas plus avant : l’avis est défavorable. Je rappellerai simplement à mes collègues qu’une telle mesure est contraire à l’accord national interprofessionnel signé à l’unanimité par les partenaires sociaux en 2011.

L’amendement n° 38 rectifié tend à autoriser des dérogations à la durée maximale de six mois pour un stage, à la suite d’une « concertation avec les filières concernées ». Il prévoit de maintenir la rédaction actuelle du code, issue de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, tout en la complétant par cette concertation. Cela ouvrirait la voie à la multiplication de régimes différents, fragilisant la cohérence d’ensemble du dispositif.

Une telle mesure est contraire à l’esprit de la proposition de loi. Par conséquent, la commission y est défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 127 rectifié, identique à l’amendement de M. Marseille, qui n’a pas été soutenu.

On comprend l’intention de l’auteur, mais on comprend moins le contenu de l’amendement. Il prévoit en effet que le document d’évaluation d’un stage réalisé par un étudiant ne peut pas être conservé au-delà de la délivrance du diplôme. Quel est l’intérêt d’une telle disposition ?

Au contraire, c’est lorsque des évaluations de plusieurs stages différents dans un organisme auront été réunies par le service chargé de l’orientation d’un établissement d’enseignement qu’il sera possible d’avoir une idée précise de la qualité de l’accueil des stagiaires dans cet organisme. Supprimer progressivement ces rapports de stage va contre la logique de ce processus.

Quant à l’enseignant référent, il a bien pour mission de jouer un rôle de médiateur, d’interlocuteur du stagiaire et de tuteur en cas de difficulté. Nous avons souhaité que chaque établissement d’enseignement, dans le respect de son autonomie, puisse préciser cette mission : la situation est différente selon les formations et les métiers. Ce n’est pas par la loi qu’il faut l’obliger à prendre contact avec l’organisme d’accueil en cas de problème.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 33 rectifié vise à interdire des durées de stage supérieures à la durée de la formation délivrée par l’établissement d’enseignement supérieur.

En confirmant l’institution d’un volume pédagogique minimal significatif accompagnant tout stage, cette proposition de loi porte un coup sévère à toutes les structures qui vendent des conventions de stage ou aux diplômes universitaires dépourvus de contenu pédagogique. Il ne me semble pas nécessaire d’aller plus loin.

En conséquence, l’avis est défavorable.

L’amendement n° 75 rectifié tend à autoriser des stages de douze mois pour les années de césure.

J’ai déjà expliqué que je n’étais pas favorable à cette mesure. Un stage de douze mois réalisé par un étudiant en cours de master, donc un étudiant qui a déjà un haut niveau de qualification, peut être un moyen pour l’entreprise d’éviter d’embaucher un salarié.

Quant à la définition et à la régulation de l’année de césure, qui a – il est vrai – connu un développement rapide ces dernières années, le ministère est, me semble-t-il, actuellement en train de travailler sur le sujet. Mme la secrétaire d’État pourra peut-être nous apporter des précisions.

En tout état de cause, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 40 rectifié est un amendement de conséquence. L’avis de la commission est défavorable.

Enfin, la commission est également défavorable aux amendements nos 6 et 74. L’un, celui de M. Desessard, vise à abaisser à un an le délai prévu dans le texte et l’autre, celui de Mme Procaccia, à le porter à trois ans. Nous suggérons de nous en tenir à la durée de deux ans !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. S’agissant de l’amendement n° 73, je voudrais tout d’abord rappeler que l’interdiction des stages de plus de six mois est une disposition issue de l’ANI du 7 juin 2011, donc d’un accord avec les partenaires sociaux, repris par la loi Cherpion du 28 juillet 2011. Comme je l’ai indiqué en préambule, cette loi avait malheureusement prévu des exceptions très larges à cette règle, exceptions qui avaient vidé le texte de son contenu.

Ces exceptions concernaient notamment les stagiaires qui interrompaient momentanément leur formation afin d’exercer des activités visant exclusivement à l’acquisition de compétences en liaison avec cette formation, mais aussi les stages prévus dans le cadre d’un cursus pluriannuel de l’enseignement supérieur.

Bref, les exceptions étaient larges, et la règle s’appliquait d’autant moins.

La proposition de loi prévoit de supprimer ces dérogations pour donner toute sa portée à l’interdiction des stages de plus de six mois. Elle maintient cependant une exception temporaire pour des formations nécessitant une réingénierie, l’élaboration de nouvelles maquettes. Ce sont les quatorze formations prévues en concertation avec le ministère des affaires sociales et de la santé.

Les maquettes pourront être modifiées pour 2015. La loi s’appliquera donc à la rentrée 2016, puisque les états généraux du travail social sont en cours.

Par ailleurs, nous avons l’accord de l’association qui est l’équivalent de la CPU pour les IRTS, les instituts régionaux du travail social : elle s’est engagée à revoir les maquettes des formations des travailleurs sociaux en deux ans. En un an, ce n’est pas possible ; mais trois ans, c’est trop long.

C’est pourquoi, je le redis, la durée de deux ans n’est pas une moyenne entre un an et trois ans : elle est simplement le résultat de la concertation qui a été menée.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 73.

Avec l’amendement n° 43 rectifié, M. Barbier souhaite exonérer les PFMP de l’obligation de limiter les stages à six mois. Nous avons demandé à la direction générale de l’enseignement scolaire, la DGESCO, de rechercher s’il existait des formations de plus de six mois consécutifs : elle n’en a pas trouvé. Le plus souvent, les stages se répartissent en trois séquences, durant respectivement six semaines, puis deux fois huit semaines.

Aucune formation prévue par les lycées professionnels n’ayant une durée supérieure à six mois, l’amendement est sans objet, et nous émettons un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Barbier, et à l’amendement n° 75 rectifié de Mme Procaccia. Si l’année de césure est proposée par certains établissements, elle procède le plus souvent de la démarche volontaire d’un étudiant, validée par l’établissement, qui s’engage alors à accepter cet étudiant lors de sa reprise d’études. L’année de césure peut donner lieu à des expériences multiples : un tour du monde, un engagement humanitaire ou associatif, une expérience professionnelle…

La proposition de loi n’interdit pas cette interruption des études, mais exclut que l’expérience professionnelle qu’elle permet débouche sur un stage de plus de six mois. En revanche, il est possible d’effectuer deux stages de six mois dans deux entreprises ou deux organismes différents, un volontariat international en entreprise ou un service civique, ou de travailler dans les conditions de droit commun…

Bref, plusieurs possibilités s’ouvrent à l’étudiant optant pour une année de césure. En tout état de cause, le statut de stagiaire n’est alors pas adapté puisqu’aucune formation n’accompagne le stage. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

Bien entendu, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 144 de la commission, qui apporte au texte une amélioration d’ordre légistique.

L’amendement n° 38 rectifié concerne plus particulièrement les formations du secteur social et médico-social. Ce point a fait l’objet d’une concertation entre le ministère et les établissements concernés, et donc l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale, l’UNAFORIS.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

La procédure proposée dans l’amendement n° 127 rectifié pour l’évaluation de la qualité des stages me paraît par trop détaillée et complexe pour être intégrée dans la loi. Si j’ai bonne mémoire, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche fixe sept modalités pour les stages dans l’enseignement supérieur. Elle prévoit l’obligation d’une évaluation qualitative, dont les termes sont fixés, en particulier, par les responsables de formation.

Nous devons aujourd'hui aussi faire confiance aux établissements, en leur permettant de produire leurs propres modalités d’évaluation de la qualité des stages, sachant que la loi donne l’orientation en la matière.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme Cohen et relatif à la limitation de la durée du stage par rapport à la durée globale de la formation, nous avons déjà répondu en prévoyant que le volume de la formation s’élève au minimum à 200 heures. Cette disposition nous prémunit contre les risques de stages apparemment alléchants et, de fait, quasi frauduleux.

L’amendement n° 40 rectifié tire les conséquences de l’amendement n° 39 rectifié, sur lequel le Gouvernement a émis un avis défavorable.

Pour ce qui concerne les amendements nos 6 et 74, qui tendent à faire passer respectivement à un an et à trois ans, la période de transition ouverte aux entreprises pour l’application de la limitation de la durée des stages à six mois, je rappelle que les organismes responsables de ces formations nous ont eux-mêmes donné leur accord sur une durée de deux ans pour ajuster les maquettes de formation.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 38 rectifié et 127 rectifié n'ont plus d'objet.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Comme je l’ai déjà dit lors de la discussion générale, j’ai du mal à comprendre que le Gouvernement ne veuille pas engager de concertations avec les filières concernées.

Quand on ne cesse de prôner le dialogue social, pourquoi ne pas discuter avec les filières et les branches ? Cette attitude du Gouvernement me paraît en totale contradiction avec la politique affichée depuis deux ans.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 6.

M. Jean Desessard. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. Revet, Magras et J. Boyer, Mme Sittler, M. D. Laurent, Mme Bruguière et M. Portelli, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 18 à 20

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque la durée du stage au sein d'un même organisme d'accueil est supérieure à deux mois consécutifs ou, au cours d'une même année scolaire ou universitaire, à deux mois consécutifs ou non, l'étudiant bénéficie d'une gratification,... (le reste sans changement);

II. - Alinéa 22

Supprimer les mots :

ou de formation en milieu professionnel

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Le principe d'une obligation de gratification au bénéfice des étudiants pour les stages d'une durée supérieure à deux mois ne saurait en lui-même être critiqué, malgré les difficultés évidentes que soulève son application dans de nombreux secteurs : services de l'État, collectivités territoriales, secteur de santé, etc.

Élargir à tous les élèves de l'enseignement professionnel, soit environ un million d'élèves, dont 150 000 élèves de l'enseignement agricole, inscrits en CAP ou en bac professionnel, l'obligation de gratification est dissuasive pour les maîtres de stage. Un jeune de quinze ans en CAP ne peut être mis sur le même plan qu'un étudiant, en termes d'autonomie, d'appréhension des réalités professionnelles et d'apport à l'organisme d'accueil !

Certaines enseignes, pour l'accueil d'étudiants, ont déjà pour politique de refuser tout stage de plus de huit semaines. Comment imaginer que les services de l'État, les collectivités territoriales, les écoles, les crèches, le secteur sanitaire et social en général – nous y reviendrons –, gratifieront des élèves de CAP ou de bac professionnel ?

Pour les élèves de l'enseignement professionnel, la gratification doit rester une faculté, mais ne peut constituer une obligation.

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 18 à 20

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Tout stage ou toute période de formation en milieu professionnel au sein d’un même organisme d’accueil, au cours d'une même année scolaire ou universitaire fait l'objet d'une gratification versée mensuellement dont le montant est fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret. » ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, avec votre accord, je défendrai conjointement les amendements nos 14 et 16, qui portent tous deux sur la gratification des stagiaires.

Alors que la législation actuellement en vigueur prévoit que les stages ouvrent droit au versement d’une gratification si leur durée est supérieure à deux mois, la présente proposition de loi intègre une évolution certaine, bien que jugée insuffisante par les collectifs représentant les stagiaires.

En effet, le texte précise que la gratification est due au stagiaire « à compter du premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel ».

Bien que positive – j’y insiste –, cette rédaction demeure insuffisante puisque les employeurs les moins honnêtes trouveront des moyens de contournement, comme la signature de conventions de stages de deux mois moins un jour !

Bien entendu, il ne s’agit pas d’assimiler stage et contrat de travail, même s’il faut admettre que les stagiaires accomplissent des missions qui profitent tout de même aux entreprises.

Au groupe CRC, nous sommes convaincus que la gratification des stages, y compris de courte durée, comporte deux avantages certains. Tout d’abord, les stagiaires pourront bénéficier d’une gratification dans tous les cas, ce qui, bien évidemment, est une mesure importante pour eux, même si le niveau de la gratification demeure insuffisant. Ensuite, cette mesure permettra de limiter singulièrement les abus et les techniques de contournement dont j’ai déjà fait mention et qui, demain, ne manqueront pas d’exploser.

Quant à l’amendement n° 16, il vise à porter le seuil minimal de la gratification à une somme équivalente à 50 % du SMIC. Cette proposition est défendue par les représentants des étudiants et des stagiaires, qui savent mieux que quiconque les difficultés financières que rencontrent ces derniers, particulièrement lorsqu’ils n’habitent plus chez leurs parents.

À l’instar de nos collègues députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous sommes convaincus que l’adoption de ces deux amendements importants pourrait enrichir la proposition de loi.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 18 à 20

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Tout stage ou toute période de formation en milieu professionnel au sein d’une même entreprise ou d’une même association, au cours d'une même année scolaire ou universitaire fait l'objet d'une gratification versée mensuellement dont le montant est fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret. » ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 15 est retiré.

L'amendement n° 145, présenté par M. Godefroy, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

- les mots : « de stage au sein d'une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre organisme d'accueil » sont remplacés par les mots : « du stage au sein d’un même organisme d'accueil est supérieure à un mois consécutif ou, au cours d'une même année universitaire, à un mois consécutif ou non ou que la durée de la période de formation en milieu professionnel » et les mots : « ou universitaire » sont supprimés ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement tend à abaisser le seuil d’obligation de gratification des stages dans l’enseignement supérieur à ceux d’entre eux qui durent plus d’un mois, tout en maintenant la durée minimale de deux mois pour les périodes de formation en milieu professionnel de l’enseignement secondaire.

Dans de trop nombreux cas, en effet, des entreprises font se succéder des stages de huit semaines pour ne pas avoir à verser de gratification.

Il est proposé de mettre un terme à de tels contournements de la législation, qui constituent autant d’abus. Si l’on peut estimer qu’un stage de découverte d’un mois ne doit pas obligatoirement donner lieu à gratification, après un mois passé dans l’organisme d’accueil, un étudiant de l’enseignement supérieur est sans nul doute en mesure de participer utilement à l’activité de celui-ci.

M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 19

Supprimer les mots :

ou de la période de formation en milieu professionnel

II. - Alinéa 20

Supprimer cet alinéa.

III. - Alinéa 22

Supprimer les mots :

ou de formation en milieu professionnel

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à tenir compte du niveau d’études des stagiaires dans la détermination du montant de la gratification.

Comme en matière de contrats d’apprentissage, le décret prévu par l’article L. 612-11 du code de l’éducation, devenu L. 124-6, fixerait une grille permettant de faire varier la gratification selon l’année d’études en cours.

L’adoption d’un tel amendement permettrait notamment de mieux valoriser les stages effectués en fin d’études, alors que les stagiaires exécutent des tâches proches de celles des salariés.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Desessard et Mme Archimbaud, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- les mots : « deux mois consécutifs » sont remplacés deux fois par les mots : « quatre semaines consécutives » ;

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a le même objet que celui que vient de présenter le rapporteur. Il concerne la durée à partir de laquelle doit commencer l’indemnisation des stagiaires.

La législation actuelle prévoit que tout stage d’une durée minimale de deux mois consécutifs ouvre droit à une gratification. Cette durée avait été abaissée il y a quelques années, mais nous considérons qu’elle est encore trop longue. En effet, les stages d’une durée de un mois et vingt-neuf jours, durée qui empêche l’ouverture au droit à la gratification, se multiplient.

Cet amendement vise donc à ramener la durée minimale requise de deux mois à quatre semaines. Cette durée nous semble équilibrée : elle permet de lutter plus efficacement contre les entreprises qui jouent avec les effets de seuil pour ne pas rémunérer leurs stagiaires, tout en maintenant hors de l’obligation de rémunération les stages de découverte de deux ou trois semaines.

À ce propos, nous avons été interpellés par les maisons familiales rurales au sujet de la rémunération de leurs stagiaires. En effet, ces maisons accueillent, dès la quatrième, des jeunes en « pré-bac », qui alternent périodes scolaires et périodes de stage tout au long de l’année, pour leur faire découvrir les métiers de l’agriculture, du commerce ou encore du tourisme. Bien entendu, la durée du stage dépasse alors le seuil actuel de gratification de deux mois !

La présente proposition de loi prévoit que les nouvelles dispositions s’appliqueront aussi bien aux étudiants qu’aux scolaires, mais, si la rémunération d’un stagiaire du supérieur qui contribue à l’activité économique de sa structure d’accueil est justifiée, on peut s’interroger sur la pertinence de rémunérer des jeunes en stage de découverte.

Dès lors, je pose la question : les maisons familiales rurales seront-elles tenues de rémunérer ces jeunes stagiaires ? Cette question a été évoquée avant la suspension, et un amendement devait être déposé sur ce point.

M. Jean-Claude Lenoir. Il l’a été ! Nous y avons veillé… (Sourires.)

M. Jean Desessard. Je me réjouis de pouvoir bénéficier de votre vigilance ! (Nouveaux sourires.)

Dans ces conditions, nous reviendrons plus tard sur ce point.

M. le président. L'amendement n° 116 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- après le mot : « montant », sont insérés les mots : « varie en fonction du niveau d’études du stagiaire et » ; 

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 146, présenté par M. Godefroy, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- les mots : « par décret » sont remplacés par les mots : « à 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale défini en application de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Cet amendement a une histoire. En 2006, j’avais déposé un amendement tendant à porter la gratification à 50 % du SMIC. Mais l’enthousiasme de l’opposition a peut-être trouvé ses limites dans la gestion… Et aujourd'hui, cet amendement est repris dans une certaine mesure par Mme Cohen.

Il me semble que les stagiaires doivent être traités convenablement. Je suis très sensible aux discours, tant du Président de la République que d’un certain nombre de responsables, concernant notre belle jeunesse, et j’y adhère pleinement : il faut lui donner des signes d’encouragement, elle en a bien besoin !

Je vous propose ici de supprimer toute référence au SMIC. Compte tenu de sa nature salariale, cela évite en effet toute ambiguïté.

La gratification, qui s'élève aujourd’hui à 12,5 % du plafond de la sécurité sociale, soit 436,05 euros, serait portée à 15 % de ce plafond, soit 523,26 euros – certaines entreprises vont déjà bien au-delà. Il en résulterait une augmentation d’environ 90 euros de la gratification mensuelle minimale pour un stagiaire.

Là encore, ceux qui reçoivent la gratification minimale sont bien souvent les plus défavorisés, ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour trouver des stages. Il s'agirait donc d’une mesure de justice sociale.

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. Revet, Magras et J. Boyer, Mme Sittler, M. D. Laurent, Mme Bruguière et M. Portelli, est ainsi libellé :

Alinéas 21 et 22

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

...) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le premier alinéa ne s’applique pas aux élèves et étudiants préparant des diplômes spécifiques au secteur sanitaire, social et médico-social.

« La gratification mentionnée au premier alinéa est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel. » ;

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement se justifie par son texte même.

Monsieur le président, nous sommes bien entendu tous d’accord pour rémunérer les jeunes qui font des stages. Mais, le plus important, c'est que les jeunes puissent déjà trouver ces stages, et que les conditions posées ne les en empêchent pas.

Là se trouve souvent l’ambiguïté. Beaucoup de jeunes ont du mal à trouver des entreprises, car il faut bien qu’une personne prenne le temps de les former, et ce temps est pris sur d’autres tâches. Donc, une forme de compensation s'impose.

Oui, nous voudrions tous que les jeunes qui font des stages soient rémunérés, mais il ne faut pas que cela soit dissuasif et donc, finalement, contraire à leur intérêt…

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Compléter cet alinéa par les mots :

et ne peut être inférieure à la moitié du salaire visé à l’article L. 3231-1 du code du travail

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 82, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Son montant est fixe, quel que soit le nombre de jours ouvrés dans le mois.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. L’objet de cet amendement est simple : il tend à imposer que tout stagiaire reçoive la même somme chaque mois travaillé, quel qu’en soit le nombre de jours et qu’il comprenne ou non des jours fériés.

J’ai cité en commission des affaires sociales une belle lettre, bien juridique, s’appuyant sur tous les articles du code du travail – malheureusement, depuis le temps, je n’ai pas retrouvé le document pour vous le présenter aujourd’hui... Dans ce courrier émanant d’un organisme très proche que je ne citerai pas, on explique que, lorsque l’entreprise est fermée le 2 mai, une journée non travaillée est déduite des 436 euros, car ce jour n’est, lui, pas férié.

L’objectif est donc bien de ne pas tomber en dessous de la rémunération minimale imposée.

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 22

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque le montant de la gratification versée par l’organisme d’accueil dépasse le montant fixé en vertu du premier alinéa du présent article, la gratification versée est exonérée des cotisations patronales de sécurité sociale.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. D’ores et déjà, certains établissements d’accueil accordent une gratification d’un montant supérieur au minimum fixé à 436 euros. Mais ils doivent alors établir une feuille de paye et verser des cotisations sociales.

L'amendement tend à supprimer ce coût supplémentaire afin d’inciter d’autres entreprises à dépasser le plafond des 436 euros, dès lors qu’elles le souhaitent.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un décret en Conseil d’État fixe le montant de cette gratification de telle sorte qu’elle progresse en fonction de la durée du stage et du niveau d’étude du stagiaire.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Nous nous situons ici dans la logique de notre amendement précédent, qui est celle d’une amélioration de la gratification des stagiaires.

En effet, le présent amendement tend à rendre cette gratification progressive en fonction de deux éléments essentiels : la durée du stage et le niveau d’études du stagiaire.

On peut légitimement supposer qu’un stagiaire de niveau master sera plus efficace, aura des compétences accrues et sera bien plus performant dans l’entreprise qu’un stagiaire de niveau licence.

De même, il nous semble souhaitable que les stages les plus longs soient les mieux rémunérés, dans la mesure où l’efficacité du stagiaire progresse avec la durée de la présence au sein de l’entreprise.

Il s’agit également d’une forme de responsabilisation des employeurs, afin qu’ils évitent le recrutement permanent de stagiaires.

Afin de rendre cette mesure opérante, elle ferait l’objet d’un décret élaboré en lien avec les organisations syndicales et les associations représentatives des étudiants.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 50 est présenté par Mme Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 62 rectifié ter est présenté par MM. Revet et Magras, Mme Sittler, M. D. Laurent, Mme Bruguière et M. Portelli.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n'est pas applicable aux périodes de formation en milieu professionnel ou aux stages réalisés dans le cadre des enseignements visés à l’article L. 813-9 du code rural et de la pêche maritime. » ;

La parole est à Mme Françoise Férat, pour défendre l’amendement n° 50.

Mme Françoise Férat. Cet amendement, qui se justifie par son texte même, est tout à fait complémentaire de l’amendement n° 49, qui viendra un peu plus tard.

Madame la secrétaire d’État, nous n’avons pas la même lecture du code rural et de la pêche maritime ou, en tout cas, de son article L. 813-9. On y parle de « rythme approprié » mais, dans l'amendement n° 150 que vous venez de déposer, je ne l'y vois pas. Sans doute est-ce l’heure tardive, mais je ne trouve ici aucun éclairage susceptible de favoriser ma compréhension. De surcroît, vous nous proposez un décret…

J’avais cru comprendre que vous étiez très attentive à nos remarques concernant le rythme approprié, les maisons familiales rurales et les parcours pédagogiques, qui ne peuvent pas se faire sans stage. Je ne vous cache pas que je suis particulièrement troublée.

Ce décret ne me semble pas tout à fait raisonnable, et je vous fais une proposition très simple, madame la secrétaire d’État. Adoptez mon amendement n°49, qui tend simplement à exclure l’enseignement agricole du dispositif d’encadrement des stages que vous nous proposez ce soir, qui est trop rigide. Vous ne prenez pas en compte les diverses spécificités, particulièrement celles de l’enseignement agricole.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour défendre l’amendement n° 62 rectifié ter.

M. Charles Revet. Cet amendement est identique à celui de Mme Férat, qu’elle a excellemment défendu.

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mmes Procaccia, Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, de Raincourt et Savary, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa ne s’applique pas aux élèves et étudiants préparant des diplômes spécifiques au secteur sanitaire, social et médico-social. » ;

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet amendement vise à étendre aux étudiants du secteur sanitaire, social et médico-social les dispositions applicables aux étudiants des professions paramédicales en matière de non-gratification des stages.

En effet, dans les deux cas, les stages conditionnent l’accès à la profession, et sont souvent difficiles à trouver. Il faut donc éviter toute contrainte qui viendrait effectivement limiter l’accès aux stages.

L’égalité de traitement est par ailleurs souhaitable pour ces professions, très proches par nature.

M. le président. L'amendement n° 150, présenté par le Gouvernement,…

M. Jean Desessard. Le voilà !

M. Charles Revet. Le fameux amendement !

M. le président. … est ainsi libellé :

Après l’alinéa 62

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Un décret fixe les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la durée minimale de stage prévue à l’article L. 124-6 du code de l’éducation pour les formations visées à l’article L. 813-9 du code rural et de la pêche maritime et s’adressant à des élèves de l’enseignement secondaire.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Je vais tenter de vous expliquer cet amendement…

M. Charles Revet. Il en a bien besoin ! (Sourires.)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. … qui a été rédigé en concertation avec le ministère de l’agriculture, comme l’ensemble des dispositions que j’ai présentées.

Je me dois de rappeler en effet à cet instant, faute d’avoir pu le faire précédemment, que tout ce que nous avons proposé l’a été en concertation non seulement avec les ministères mais aussi avec les acteurs concernés.

De la concertation avec le ministère de l’agriculture il ressort que les maisons familiales rurales, les MFR, seraient en mesure de verser une indemnité, pourvu, notamment, que le seuil soit porté de deux mois de stage à trois mois.

Comme nous considérons que cette négociation s'est faite un peu rapidement, nous préférons renvoyer à un décret pour autoriser un allongement de la durée de la période de stage non indemnisé dans les MFR, et nous donner ainsi du temps pour affiner notre proposition.

Accepter cet amendement, c'est donc accepter que les MFR soient soumises à un régime spécifique par décret, négocié en concertation avec ces dernières.

J’estime que, sur une ou deux journées, la concertation a dû être un peu rapide de la part du ministère de l’agriculture…Il est vrai que la période ne s’y prêtait pas forcément !

M. Jean-Claude Lenoir. Bel exemple de solidarité !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Absolument, et il faut être solidaire, sinon, on n’est pas efficace !

Nous préférons donc ce renvoi à un décret, sachant que cet amendement tend tout de même à inscrire dans la loi le principe d’un mode de gratification différent pour les stagiaires des maisons familiales rurales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Concernant l’amendement n° 61 rectifié bis de M. Revet, contrairement à ce que certains peuvent penser, l’obligation de gratification pour les périodes de formation en milieu professionnel figure déjà dans le droit actuel. Elle est, semble-t-il, au mieux ignorée, sinon consciemment enfreinte.

Est-ce une raison pour la faire disparaître ? Je ne le crois pas, car l’on peut partir du principe que tout jeune en stage dans un organisme depuis au moins deux mois contribue à son activité et a dépassé le stade de l’acquisition des principes de base.

Surtout, les PFMP de plus de deux mois sont très rares, y compris dans le secteur du travail social. Ainsi, le CAP « petite enfance » comprend douze semaines de PFMP sur deux ans, soit six semaines par an, ce qui n’entraîne pas de gratification obligatoire.

La commission émet ainsi un avis défavorable.

Avec l’amendement n° 14, Mme Cohen souhaite rendre la gratification obligatoire dès le premier jour de stage.

Je comprends tout à fait l’intention des auteurs de l’amendement, et j’aimerais pouvoir leur donner satisfaction. Néanmoins, cela causerait de grandes difficultés pour trouver des stages à certains niveaux d’études, en particulier en licence. Surtout, cela aurait un impact très important dans l’enseignement secondaire,…

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. … où la plupart des périodes de formation en milieu professionnel durent quelques semaines ou à peine plus d’un mois. S’il fallait que les élèves qui, dans ce cas, sont en phase de découverte et d’apprentissage des principes de base d’un métier, perçoivent une gratification, l’offre de PFMP se tarirait dangereusement…

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 14. J’invite ses auteurs à se rallier à celui que je présente, l'amendement n° 145, dont nous allons débattre.

L’amendement n° 44 rectifié de M. Barbier vise à supprimer l’obligation de gratification pour les périodes de formation en milieu professionnel de plus de deux mois. Il a le même objet que l’amendement n° 61 rectifié bis.

Pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 11 tend à rendre la gratification obligatoire pour les stages ou périodes de formation en milieu professionnel de plus de quatre semaines. Ici encore, si je partage la volonté des auteurs de cet amendement, il me semble que son champ est trop large puisqu’il inclut également les périodes de formation en milieu professionnel de l’enseignement secondaire. Or il ne me semble pas souhaitable d’instituer une gratification pour les PFMP de plus de quatre semaines, ce qui toucherait de très nombreux baccalauréats professionnels et CAP.

La commission a donc demandé le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

En revanche, pour les stages de l’enseignement supérieur, monsieur Desessard, je suis convaincu que vous aurez à cœur de soutenir l’amendement n° 145 de la commission.

L’amendement n° 116 rectifié de M. Barbier a pour objet de faire varier la gratification en fonction du niveau d’études du stagiaire. Je ne suis pas favorable à une telle solution, qui aurait à mon avis plus d’effets néfastes que d’effets positifs. Cela aboutira-t-il à abaisser la gratification des moins qualifiés, à rapprocher celle des plus qualifiés du SMIC et donc à les assimiler à des salariés ?

Dans les faits, de nombreux organismes font varier la gratification proposée aux stagiaires selon les missions offertes et donc le niveau de qualification. C’est une pratique légitime, qui relève de chaque employeur. Ce n’est pas à la loi de fixer un principe si général, qui n’existe d'ailleurs pas pour les salariés.

La commission a donc demandé le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis serait défavorable.

L’amendement n° 57 rectifié bis de M. Revet vise à exclure de l’obligation de gratification les stages réalisés dans le cadre des formations dans le secteur sanitaire, social ou médico-social. Le choix inverse a été fait, l’an dernier, dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui a rendu universelle cette gratification, quel que soit l’organisme d’accueil. C’est une question de justice et d’équité entre tous les étudiants.

Sans nier les obstacles que cette évolution a pu parfois susciter, le Gouvernement s’est engagé à soutenir les organismes qui rencontreraient des difficultés par la mise en place d’un fonds spécifique chargé d’apporter un soutien financier. Je pense que Mme la secrétaire d’État pourra vous apporter des précisions.

L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement n° 16 de Mme Cohen tend à fixer le montant minimal de la gratification versée aux stagiaires à 50 % du SMIC. Pour les raisons que j’ai exposées précédemment, la commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

L’amendement n° 82 de Mme Procaccia prévoit que le montant de la gratification versée au stagiaire ne varie pas selon le nombre de jours ouvrés. La gratification resterait donc fixe, même si le stagiaire a bénéficié, au même titre que les salariés, d’un jour férié ou d’un pont.

Cette mesure peut sembler d’ordre réglementaire. Néanmoins, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui rappelle l’existence de comportements peu corrects de la part de certains employeurs. Le Gouvernement pourra ainsi préciser comment s’applique la réglementation sur ce point.

Je confirme les propos de Mme Procaccia : nous avons en effet été alertés sur les pratiques de certains organismes, qui déduisent les jours non travaillés. On peut se demander s’il est bien nécessaire de pénaliser les jeunes stagiaires en soustrayant ainsi un trentième ou un vingt-cinquième de leur gratification et en les privant donc de douze ou quinze euros.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. L’amendement n° 96 de Mme Procaccia vise à élargir l’exonération de cotisations sociales dont bénéficie la gratification versée aux stagiaires. Aujourd’hui, la gratification est exonérée de charges sociales lorsqu’elle est au minimum légal, soit 12,5 % du plafond de la sécurité sociale.

Je ne suis pas certain que la solution pour que les employeurs acceptent de gratifier davantage les stagiaires soit de leur offrir une exonération supplémentaire. Est-ce vraiment le seul signal auquel ils répondent ? À l’heure où les comptes sociaux sont dans une situation très préoccupante, doit-on toucher à cette modalité, certes anecdotique, de financement de la protection sociale ? Je ne le crois pas.

L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement n° 17 de Mme Cohen prévoit la progressivité de la gratification selon la durée du stage et le niveau d’études du stagiaire.

Je ne suis pas favorable à une telle mesure, qui s’inspire de la législation concernant les apprentis. Les stages ne peuvent pas dépasser six mois : envisage-t-on de faire évoluer chaque mois la gratification ? Il me semble que cette disposition serait source de complexité pour les organismes d’accueil et se retournerait finalement contre les stagiaires. Il est facile d’imaginer les comportements qu’adopteraient de nombreuses entreprises : elles arrêteraient tout simplement d’organiser des stages longs !

De même, fixer la gratification selon le niveau d’études n’est pas dans l’intérêt des moins qualifiés, en particulier des étudiants issus de filières professionnelles du premier cycle de l’enseignement supérieur, alors qu’ils peuvent souvent apporter plus à l’activité de l’entreprise qu’un stagiaire de master, qui la découvre.

Voilà pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable.

Les amendements identiques nos 50 de Mme Férat et n° 62 rectifié ter de M. Revet visent à exonérer de l’obligation de gratification les périodes de formation en milieu professionnel des élèves des maisons familiales rurales. Nous avons déjà débattu de cette question, je n’y reviens pas.

La commission sollicite l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements.

L’amendement n° 95 de Mme Procaccia tend à exclure de l’obligation de gratification les stages réalisés dans le cadre des formations dans le secteur sanitaire, social ou médico-social. Le choix inverse a été fait l’an dernier dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui a rendu universelle cette gratification, quel que soit l’organisme d’accueil.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Enfin, la commission n’a pas pu examiner l’amendement n° 150 du Gouvernement ; à titre personnel, j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Certaines interventions laissent penser que cette proposition de loi serait la première occasion de légiférer sur les stages qui s’accomplissent dans le cadre des lycées professionnels.

Mme Françoise Férat. Je n’ai pas dit cela !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Ce n’est nullement le cas, je tiens à le préciser. Tous les dispositifs législatifs précédents concernaient déjà l’enseignement secondaire, donc l’enseignement professionnel. Nous ne profitons pas de cette proposition de loi pour revenir sur des points qui figuraient déjà dans la loi : nous recodifions, mais à droit constant. Il n’y a pas de nouveauté de ce point de vue.

Pour les raisons qui ont été explicitées par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 61 rectifié bis.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 14, pour les raisons invoquées par M. le rapporteur.

J’en viens à l’amendement n° 145 de la commission. L’esprit de la loi, pour le Gouvernement, est un peu différent. Nous avons préféré élargir les gratifications à l’ensemble des stagiaires, mis sur un pied d’égalité, tout en prenant en compte les spécificités des formations sociales et des maisons familiales rurales, sur lesquelles nous reviendrons.

Cela représente un effort financier assez important, d’autant que les formations destinées aux travailleurs sociaux disposeront d’un fonds spécifique dédié afin de permettre la transition. L’État y a affecté une somme qui n’était pas prévue budgétairement.

Nous avons donc choisi améliorer la situation générale des stagiaires. C’est ainsi que la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013 prévoit, pour la première fois, que l’ensemble des collectivités territoriales versent une gratification à leurs stagiaires, ce qui n’était pas le cas auparavant. Seules les administrations d’État y étaient assujetties.

Nous nous inscrivons résolument dans cette démarche. Vous proposez un changement de curseur en abaissant l’obligation de gratification aux stages de l’enseignement supérieur de plus d’un mois. Il ne me paraît pas judicieux de faire une différence entre l’enseignement supérieur et l’enseignement secondaire, même s’il n’existe quasiment pas de stages de plus de six mois dans l’enseignement secondaire, en particulier dans les filières professionnelles.

Pour toutes ces raisons, monsieur Godefroy, j’ai le regret de devoir vous dire que le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement que vous avez pourtant défendu à plusieurs reprises avec beaucoup de conviction.

L’amendement n° 44 rectifié proposé par M. Barbier vise à supprimer la gratification pour les PFMP de plus de deux mois. Comme nous l’avons indiqué précédemment, ces formations n’intègrent pas de stages de plus de deux mois. En conséquence, cet amendement n’a pas d’objet.

L’avis est donc défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 11 présenté par M. Desessard, pour les raisons déjà invoquées précédemment, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. Jean Desessard. Je l’ai pourtant défendu avec beaucoup de conviction, madame la secrétaire d'État ! (Sourires.)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Je vous remercie : venant d’un expert, cela me touche beaucoup. (Nouveaux sourires.)

L’amendement n° 116 rectifié proposé par M. Barbier vise à instaurer une progression de la gratification en fonction de la durée du stage et du niveau d’études du stagiaire. Une telle disposition serait vraiment compliquée à appliquer, comme l’a très bien montré M. le rapporteur, et introduirait des notions qui ne sont pas dans l’esprit de la proposition de loi.

Le Gouvernement y est défavorable.

L’amendement n° 146 de la commission prévoit une augmentation de la gratification. Nous ne pouvons pas bouger tous les curseurs à la fois, raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

L’amendement n° 57 rectifié bis vise à exclure de l’obligation de gratification les élèves préparant des diplômes spécifiques du secteur sanitaire, social et médico-social.

Je rappelle que le Gouvernement, lors du débat à l’Assemblée nationale, percevant bien les difficultés de ce secteur, a mis en place un fonds de transition afin d’aider les organismes nouvellement soumis à gratification qui les accueillent.

Ce soutien financier sera réservé aux structures qui en feront la demande auprès des agences régionales de santé, les ARS, ou de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, la DRJSCS, selon la nature de l’établissement concerné, avec l’obligation de documenter l’incapacité à s’acquitter de la gratification. Nous avons prévu pour ce fonds transitoire un montant total de 5,3 millions d’euros, ce qui devrait suffire à répondre aux demandes de gratification pendant la période transitoire.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Pour les raisons que j’ai indiquées, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 16.

En ce qui concerne l’amendement n° 82, je tiens à préciser que le mode de calcul qui prévaut dans le dispositif en vigueur est fondé sur un pourcentage de taux horaire. Des logiciels sont prévus pour cela. La modification de ce mode de calcul introduirait un élément important de complexité.

En outre, elle ne permettrait pas d’être plus en phase avec la réalité du travail du stagiaire. Comme nous l’avons évoqué à l’occasion de l’examen d’un amendement de la commission, dans certains stages, la durée du travail est de trente-neuf heures. Un montant forfaitaire ne permettrait pas de prendre en compte de telles situations.

Pour ces raisons de complexité, de renchérissement potentiel du coût du stage et d’inadéquation à la durée réelle horaire effectuée par les stagiaires, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Avec l’amendement n° 96, pour les raisons qui ont été données par M. le rapporteur, nous encouragerions la substitution de stages à des emplois.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

S'agissant de l’amendement n° 17, là encore, pour les raisons qui ont été explicitées par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Pour ce qui est des amendements identiques nos 50 et 62 rectifié ter, le Gouvernement a émis un avis défavorable, au bénéfice de son amendement n° 150, qu’il présente en coordination avec le ministère de l’agriculture.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 95. J’ai exposé la procédure spécifique que nous avons mise en place : il me semble tout à fait juste que les stagiaires de ces formations sociales soient gratifiés au même titre que les autres.

Un statut et des gratifications spécifiques s’appliquent au secteur sanitaire, qui relève du ministère de la santé. Bien qu’elles puissent sembler insuffisantes, ces gratifications ne relèvent pas de cette proposition de loi, mais bien du code de la santé, voire, je pense, de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. Je souhaiterais vraiment ne pas avoir d’arrière-pensées négatives, madame la secrétaire d’État.

Pour autant, alors que vous disiez découvrir en tout début de séance les difficultés soulevées par les maisons familiales rurales, vous nous annoncez, à l’instant, avoir réussi à faire jouer la concertation, durant les deux heures de pause du dîner, entre le ministère de l’agriculture et les MFR. Je salue cet exploit tout à fait extraordinaire ! (Sourires.)

Vous tentez de nous rassurer en évoquant un décret, mais cela ne me rassure pas du tout : je vous avoue que le trouble dont je vous parlais tout à l'heure n’a fait que croître et embellir.

C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d’État, je ne voterai pas votre amendement n° 150 et maintiens le mien.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Moi non plus, je ne voterai pas l’amendement n° 150, sauf, madame la secrétaire d’État, à ce que vous acceptiez de nous soumettre le projet de décret – cela se fait assez régulièrement ici – pour voir s’il correspond bien à l’esprit dans lequel nous travaillons.

Nous avons été énormément sollicités : ce type d’enseignement constitue un enjeu extrêmement fort. Dès lors – non pas que nous ne fassions pas confiance à l’administration –, nous aimerions bien savoir où les dispositions prises nous mènent.

Au reste, nous sommes de plus en plus inquiets dans cet hémicycle : il n’est plus un projet de loi sans un article confiant au gouvernement le soin de légiférer par ordonnance ou prévoyant un décret, ce qui revient quasiment au même. Nous en venons à nous interroger sur l’utilité de notre présence dans cet hémicycle !

C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais que nous prenions le temps d’une concertation afin de nous assurer que ce décret correspond bien à l’esprit dans lequel nous essayons de travailler.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez mis en appétit avant le dîner en annonçant un amendement répondant aux remarques formulées sur toutes les travées. Nous n’en connaissions pas encore la teneur – le rapporteur non plus – et avions imaginé qu’il nous donnerait entière satisfaction.

Quant à la concertation, je rejoins les remarques faites à l’instant : le texte a été examiné en février dernier –le 24, je crois – à l’Assemblée nationale et, dès cette époque, les maisons familiales rurales se sont manifestées auprès du ministère de l’agriculture. Je tiens d’ailleurs à saluer l’élégance avec laquelle vous avez affiché votre solidarité avec ce dernier en déclarant travailler sur cet amendement depuis deux jours… (Mme Françoise Férat et M. Gilbert Barbier s’exclament.)

Il eût été nécessaire de prendre le temps indispensable pour présenter à la Haute Assemblée un amendement sur lequel nous aurions pu nous retrouver. Il eût fallu que nous prissions l’avis des personnes qui nous ont interpellés sur ce sujet avant de pouvoir vraiment prendre position.

En attendant d’y voir plus clair, je me rallie sans réserve à l’amendement n° 62 rectifié ter de notre collègue Charles Revet, qui a le mérite de régler le problème.

Il vous reste toujours la possibilité, en commission mixte paritaire, de proposer un autre dispositif. Si vous prenez le temps d’approfondir la concertation que vous avez ouverte dans un délai un peu court, nous pourrons parvenir à une solution qui donne satisfaction au plus grand nombre.

Madame la secrétaire d’État, si je salue votre effort en vue d’arriver à un compromis, je pense que le mieux serait que vous retiriez votre amendement pour vous rallier à celui de notre collègue Charles Revet.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Madame la secrétaire d’État, la solution se trouve peut-être dans la mécanique parlementaire : il suffit de réserver cet amendement, que je suis prêt à voter pour peu que vous nous révéliez la teneur du décret et le nombre de mois prévus.

Monsieur le président, je ne pense pas que nous achèverons l’examen de cet article 1er ce soir. Nous avons donc jusqu’à la semaine prochaine pour conclure notre discussion. Mettons à profit ces quelques jours pour mieux connaître la nature du décret envisagé.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Comme l’ensemble de nos collègues, nous avons été très fortement sollicités par celles et ceux qui animent les maisons familiales rurales.

Je pense que la proposition de Mme la secrétaire d’État, ainsi que les demandes de nombre de nos collègues qui souhaitent connaître la teneur du décret devraient pouvoir nous réunir : le sujet est maintenant bien connu et nous attendons de trouver la solution qui convienne à tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.

M. Yves Krattinger. Il me semble qu’il faut tout de même être prudent et aborder cette question de décret avec une grande maîtrise.

Les élèves concernés peuvent se trouver dans des situations très différentes (M. Charles Revet opine.). Il n’y a pas qu’un seul type d’élèves. Charles Revet semble m’approuver, j’en suis très heureux, et même presque fier ! (Sourires.)

Certains élèves ne seront pas rémunérés. Nous connaissons tous les situations très difficiles de ces jeunes qui commencent dans la vie. Ce serait un terrible handicap pour ces enfants que de ne plus trouver de stage. Il s’agit souvent de jeunes en grande difficulté pour trouver une route vers une formation.

Alors, oui, je souhaite rester prudent : on ne peut appliquer à ces derniers les mêmes règles qu’à ceux qui, bien que se trouvant dans une maison familiale rurale, suivent des cursus pratiquement traditionnels. Il nous faut donc prévoir des modalités différentes.

Je suis prêt à voter l’amendement n° 150 si l’on m’assure que le projet de décret sera élaboré en concertation avec les parlementaires et les responsables des maisons familiales rurales, dont les spécificités doivent être prises en compte.

Le ministre de l’agriculture, avec lequel nous en avions discuté, était prêt à aller en ce sens. Nous avons besoin d’être quelque peu rassurés sur la manière dont va être rédigé le décret.

M. Charles Revet. La proposition de Gilbert Barbier me paraît excellente !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Nous avons quelque peu anticipé : nous devions partir de l’amendement n° 61 rectifié bis, mais nous sommes passés directement à l’amendement n° 150 du Gouvernement !

Il est vrai que l’amendement du Gouvernement répond aux préoccupations qui se sont exprimées dans cet hémicycle ou lors des différentes auditions menées en commission. Il dispose qu’« un décret fixe les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la durée minimale de stage prévue à l’article L. 124-6 », c’est-à-dire deux mois.

Or les maisons familiales rurales souhaitent porter cette durée à trois mois ; cet amendement, si on prend la peine de le lire, leur donne donc satisfaction. Par ce décret, le Gouvernement ouvre la porte à un dialogue avec les maisons familiales rurales.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, si j’ai bien compris, nous en sommes aux explications de vote sur l’amendement n° 61 rectifié bis ?... (Sourires.)

M. le président. Tout à fait, mon cher collègue.

M. Jean Desessard. En supposant toujours que j’aie bien compris, il me semble que l’amendement n° 150 est le dernier des amendements examinés en discussion commune… (Nouveaux sourires.)

M. le président. Absolument !

M. Jean Desessard. Nous entamons donc les explications de vote en commençant par le dernier amendement, certes le plus important et le plus attendu aux yeux de beaucoup !

J’aimerais toutefois en revenir à l’amendement n° 61 rectifié bis.

Bien que je me rallie à l’amendement n° 145 du rapporteur et à l’instauration d’une gratification obligatoire à partir d’une durée de stage supérieure à un mois – la secrétaire d’État étant opposée à cet amendement, on ne sait pas quel en sera le sort –, j’aimerais que M. le rapporteur m’aide à comprendre la première partie de l’amendement de M. Revet et la différence existant entre le dispositif proposé et le droit en vigueur.

Monsieur Revet, si j’ai bien compris, vous souhaitez que le stage soit rémunéré au bout de deux mois, consécutifs ou non dans la même année scolaire ou universitaire. Est-ce différent de ce qui existe aujourd’hui ? Dans ce cas, au cas où l’amendement de M. le rapporteur n’est pas accepté, cette possibilité de découper le stage en deux parties, par exemple, me semble intéressante. C’est la durée totale du stage qui est prise en compte pour envisager une gratification. Est-ce bien l’esprit de la première partie de votre amendement, monsieur Revet ?

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jean Desessard. J’en profite pour interroger Mme la secrétaire d’État, sur les raisons mêmes de cette gratification.

Certains disent que le stagiaire apporte quelque chose à l’entreprise ou à l’association ; d’autres qu’un stage coûte cher à l’étudiant qui ne peut plus profiter de la cantine de son établissement scolaire, qui doit se déplacer et qui, parfois, doit engager des frais pour se vêtir. La gratification trouve-t-elle sa raison d’être dans ses frais induits par le stage ou dans le fait que le stagiaire apporte quelque chose à l’entreprise qui l’accueille ?

J’aimerais que cette question soit clarifiée, car la réponse est déterminante. Si l’on considère que le stagiaire apporte quelque chose, cet apport, à moins d’avoir été complètement déformé par l’éducation nationale (Sourires.), sera a priori d’autant plus grand que l’étudiant sera proche de l’obtention de son diplôme.

Je pose donc deux questions : la première s’adresse au rapporteur et concerne l’apport de la première partie de l’amendement de M. Revet ; la seconde est à l’intention de Mme la secrétaire d’État, et concerne le pourquoi de la gratification du stage.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Monsieur Desessard, M. Revet veut exclure la gratification, d’ores et déjà prévue dans le droit actuel, pour les périodes de formation en milieu professionnel.

J’en viens à votre deuxième question. Si les deux mois de stage ne sont pas consécutifs – l’un se tenant en début d’année scolaire et l’autre en fin d’année, par exemple – ils font tout de même l’objet d’une gratification.

M. Jean Desessard. Donc, c’est prévu ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Oui !

M. Jean Desessard. Mais qu’apporte, alors, l’amendement de M. Revet ?

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Il tend à supprimer la gratification pour les périodes de formation en milieu professionnel.

M. Jean Desessard. Précision essentielle !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 174 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 20
Contre 324

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’amendement n° 145.

Mme Laurence Cohen. Je sollicite simplement une explication de M. le rapporteur. Je vois en effet une contradiction entre le libellé de cet amendement, qui prévoit une durée de stage « supérieure à un mois consécutif », quand l’objet fait état d’une durée « de plus de deux mois ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. C’est une coquille dans l’objet de l’amendement : il s’agit bien d’une durée supérieure à un mois consécutif.

Mme Laurence Cohen. Comme quoi, même après minuit, nous restons attentifs ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 145.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 44 rectifié n’a plus d’objet.

L’amendement n° 11 est-il maintenu, monsieur Desessard ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur l’amendement n° 116 rectifié.

M. Gérard Bailly. Je regrette que la commission et le Gouvernement aient émis un avis défavorable sur cet amendement.

À aucun moment la présente proposition de loi ne mentionne l’âge du stagiaire. Or, pour une entreprise, une exploitation agricole ou un artisan, il est tout à fait différent d’accueillir un stagiaire de quinze ans, de dix-huit ans ou de vingt ans. Il y a tellement de réglementations et d’interdictions, aujourd’hui, qu’un jeune ne peut pas monter sur un escabeau ou une échelle dans une exploitation agricole, pas plus qu’il ne peut se servir de certaines machines ou encore conduire un tracteur agricole avant un âge bien spécifié ! La considération de l’âge est donc ici fondamentale.

Dès lors, je ne vois vraiment pas pourquoi, si la gratification ne varie pas selon l’âge, elle ne pourrait pas varier selon le niveau d’études, ce dernier critère me semblant assez proche, à un an ou deux près, du premier.

Comment voulez-vous, avec toutes les obligations légales qui existent, et dont je viens de donner quelques exemples, qu’un maître de stage puisse travailler avec un stagiaire à ses côtés ? C’est vrai dans l’agriculture et l’artisanat, dans beaucoup de professions ; il faut intervenir ! C’est pourquoi je pense que cet amendement aurait dû être mieux examiné.

De manière générale, toutes ces obligations m’inquiètent beaucoup. Nombre d’entre vous, mes chers collègues, ont certainement été sensibilisés aux cas de ces jeunes qui doivent faire un stage – parfois ce sont même leurs parents ou leurs grands-parents qui nous contactent –, et qui ne trouvent pas de maître de stage.

J’ai en tête un secteur complètement bouché pour les stagiaires : l’environnement. Une fois que l’on a téléphoné à la fédération des chasseurs, à la fédération de pêche, au parc naturel régional du Haut-Jura, ou encore à l’Office national des forêts, et que ces organismes répondent qu’ils ont déjà des stagiaires, que reste-t-il ?

Alors, oui, je suis très inquiet, mes chers collègues. Je me demande si ce que nous votons ce soir va permettre aux jeunes de trouver plus facilement des maîtres de stage.

Je reviens sur la question des maisons familiales rurales. Je suis extrêmement surpris que Mme la secrétaire d’État prétende avoir appris l’existence du problème aujourd’hui. Il y a un mois, au moins, que nous avons tous, ou presque, été contactés à ce sujet.

M. Gérard Bailly. Les MFR de mon département ont demandé à ce que je les reçoive, pour évoquer ce point. Je ne comprends vraiment pas comment Mme la secrétaire d’État peut prétendre autre chose.

Pour conclure, je tenais à indiquer que je voterai cet amendement, dont le dispositif a au moins le mérite de prendre en compte l’apport que représente la présence des stagiaires. N’oublions pas que l’objectif d’un maître de stage est de passer du temps avec son stagiaire. Plus les choses deviennent techniques, compliquées, plus le maître de stage doit prendre le temps de les expliquer à son stagiaire. Si nous voulons des maîtres de stage, il faut donc faire en sorte que les stagiaires puissent leur apporter un coup de main quand c’est nécessaire, et travailler avec eux !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Monsieur Bailly, vous prônez la variation de la gratification en fonction du niveau d’études du stagiaire. J’attire votre attention sur le fait que, ce faisant, vous risquez de pénaliser les stagiaires les moins qualifiés. Je vous rappelle que le montant légal minimal de la gratification est de 436 euros. Dès lors, si vous voulez instaurer de la progressivité, deux solutions s’offrent à vous : soit il vous faut suivre les amendements déposés par le groupe CRC sur le sujet, ou l’amendement n° 146 de la commission des affaires sociales, qui tendent à augmenter la gratification, soit il vous faut accepter de diminuer le plancher légal de la gratification pour les moins qualifiés.

M. Gérard Bailly. Les plus jeunes !

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. À mon sens, cette deuxième solution n’est pas tout à fait juste.

J’insiste, en outre, sur le fait qu’il s’agit de stagiaires, et non de salariés, et qu’il n’est donc pas évident de les faire entrer dans la logique du système salarial de gratification en fonction du diplôme ou de l’ancienneté.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. J’en viens à votre remarque sur les maisons familiales rurales. Dans la discussion générale, j’avais souligné qu’il y avait un souci, en effet, dont nous parlons d’ailleurs depuis longtemps. Cela dit, il me semble que Mme la secrétaire d’État nous a apporté une réponse au cours de la discussion.

Je commence à avoir un peu d’ancienneté dans cette maison, et je puis vous dire que ce n’est pas la première fois que le Gouvernement apporte en séance des réponses à des questions qui se posaient depuis des semaines !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je voudrais répondre brièvement à M. Bailly.

Le présent texte a été examiné à l’Assemblée nationale, mais à aucun moment la question des maisons familiales rurales n’a été évoquée. C’est ainsi ! Personne n’a été saisi, et la question ne s’est pas posée au cours des débats, alors même que de nombreux députés sont élus de circonscriptions très rurales.

Il y a environ quinze jours, le ministère du travail et le ministère de l’enseignement supérieur – avant que ce dernier ne rejoigne le grand ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – ont reçu un courrier sur ce thème. Nous l’avons transmis au ministère de l’agriculture, en lui demandant de mener la concertation, puisqu’il s’agit d’acteurs placés sous sa compétence. C’est le principe de solidarité qu’évoquait votre collègue Jean-Claude Lenoir.

La réponse du ministère de l’agriculture a mis un certain temps à nous parvenir. Il faut dire que la période était assez peu favorable…

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. J’ajoute qu’il était important de prendre le temps de se saisir du sujet. Or la concertation, cela a été souligné avec justesse, ne se fait pas en deux heures. Voilà pourquoi, malgré nos relances, nous n’avons eu la réponse que très tardivement : le dialogue se poursuivait.

L’amendement n° 116 rectifié n’est pas justifié, car son dispositif est trop global. Par exemple, les 18 000 stagiaires des lycées agricoles n’ont pas de problème de gratification. Le problème se pose bien, en revanche, pour les 30 000 stagiaires des maisons familiales rurales. Néanmoins, au cours de la discussion, le ministère de l’agriculture a obtenu que ces établissements consentent à la gratification obligatoire pour les stages d’une durée minimale de trois mois, au lieu de deux.

C’est donc par précaution que j’ai préféré vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il fallait que nous prenions le temps de rédiger ce décret, afin de nous assurer que l’accord obtenu était bien confirmé.

La réponse du ministère de l’agriculture, je le répète, m’est parvenue un peu tardivement ; cela peut arriver. C’est donc par honnêteté et par volonté de transparence envers vous que je vous ai indiqué notre intention de prendre le temps de confirmer cet accord.

Cela étant, nous sommes tout à fait disposés à vous faire parvenir, par l’intermédiaire de la commission ou de mes services, le texte consolidé de ce décret, une fois que des consultations approfondies auront été menées, ce qui pourra se faire assez rapidement, pour le coup.

Sans doute avais-je été trop rapide, et j’en suis désolée, mais vous avez maintenant toute l’explication, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 116 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur l'amendement n° 146.

Mme Catherine Procaccia. Je m’interroge sur cet amendement, qui ne correspond absolument pas à la teneur de l’accord national interprofessionnel de 2011. On invoque toujours la concertation : sur la hausse du montant de la gratification, qui certes n’a pas été revalorisé depuis longtemps, il aurait fallu consulter les partenaires sociaux, comme nous nous l’étions d’ailleurs fixé pour règle concernant les mesures relatives aux entreprises.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence de l’adoption de l’amendement n° 146, l'amendement n° 16 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Le Scouarnec, l'amendement n° 17 est-il maintenu ?

M. Michel Le Scouarnec. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 62 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote sur l'amendement n° 150.

M. Charles Revet. Je reviens sur la suggestion de réserver cet amendement qui a été formulée tout à l’heure.

M. Jean-Claude Lenoir. Et qui n’a pas obtenu de réponse !

M. Charles Revet. Le Gouvernement a réussi l’exploit de concocter l’amendement n° 150 dans l’espace de quelques dizaines de minutes. Peut-être pourrait-on en reporter le vote ? Cela donnerait une semaine au Gouvernement pour nous présenter le projet de décret.

M. Charles Revet. Nous pourrions alors peut-être voter en faveur de l’adoption de l’amendement. À défaut, nous voterons contre.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Pour que le Gouvernement prenne le décret, il faut d’abord que l’amendement soit voté !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est à titre personnel que M. le rapporteur a émis un avis favorable sur cet amendement, la commission n’ayant pu l’examiner.

Cela étant, pour que le Gouvernement puisse prendre un décret, il faut d’abord que nous votions l’amendement qui le prévoit. Mme la secrétaire d’État ou M. le ministre de l’agriculture, puisque la disposition concernée relève de son champ de compétence, pourront ensuite venir présenter le projet de décret en commission.

Par ailleurs, je voudrais rappeler à Mme Procaccia que la présente proposition de loi ayant déjà été adoptée à l’Assemblée nationale, il n’est pas nécessaire de consulter les partenaires sociaux. Dans ce cas, le protocole de concertation avec ces derniers ne s’applique pas. Au demeurant, contrairement à mon souhait, Mme Deroche n’a pas sollicité l’avis des organisations syndicales sur la proposition de loi visant à permettre le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade que nous avons examinée la semaine dernière après son adoption par l’Assemblée nationale.

La mise en œuvre du protocole de concertation n’est pas à géométrie variable : nous ne consultons pas les partenaires sociaux sur les propositions de loi déjà adoptées par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Contrairement à mes collègues, je voterai cet amendement, avec l’espoir que, à l’avenir, la loi prévoira d’autres dérogations que celle qui est instaurée en faveur des maisons familiales rurales.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. À mon sens, nous pourrions tout de même attendre de connaître le projet de décret, madame la présidente de la commission. Je ne vois pas en quoi il serait urgent de nous prononcer sur l’amendement n° 150 dès ce soir.

Madame la secrétaire d’État, si vous nous précisez la semaine prochaine la teneur du décret, je pense que cet amendement pourra alors être adopté par le Sénat à la quasi-unanimité. Vous vous entêtez à chercher à diviser notre assemblée : je trouve que ce n’est guère fair play…

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Il n’y a de ma part ni entêtement ni volonté de diviser !

La procédure habituelle veut que le décret vienne préciser l’orientation indiquée par l’amendement. En l’occurrence, nous allons plus loin en proposant de vous présenter le projet de décret, ce qui est déjà exceptionnel.

L’amendement est très clair : il vise à fixer les conditions d’une dérogation extrêmement circonscrite et ayant fait l’objet d’une négociation dont nous voulons confirmer les termes. Chacun est en mesure de voter en toute connaissance de cause et en toute responsabilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, sur ce texte, nous avons examiné aujourd'hui quarante-six amendements ; il en reste quatre-vingt-treize.

La suite de la discussion est renvoyée à la séance du mercredi 14 mai.

Article 1er (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires
Discussion générale

12

Nomination de membres de deux commissions et d’une délégation

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, une candidature pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et une candidature pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame Mme Anne-Marie Escoffier membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à la place laissée vacante par M. Stéphane Mazars, dont le mandat de sénateur a cessé.

13

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 7 mai 2014, à quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence (n° 385, 2013-2014) ;

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 471, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 472, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 7 mai 2014, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART