Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. François Fortassin.

1. Procès-verbal

2. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat de Jordanie

3. Démission de membres de commissions et candidatures

4. Agriculture, alimentation et forêt. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : Mme Bernadette Bourzai, MM. Raymond Vall, Gérard Bailly, Mme Françoise Férat, MM. Serge Larcher, Yvon Collin, Dominique de Legge, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Jean Bizet, Jacques-Bernard Magner, Philippe Bas, Jean-Jacques Mirassou, Rémy Pointereau, Roland Courteau, Bruno Retailleau, Mme Frédérique Espagnac.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

MM. Charles Revet, Stéphane Le Foll, ministre.

Suspension et reprise de la séance

Amendement n° 593 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet.

Amendement n° 590 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendements identiques nos 152 de Mme Marie-Christine Blandin et 457 rectifié de Mme Chantal Jouanno. –Mmes Marie-Christine Blandin, Nathalie Goulet, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Jean-Noël Cardoux, Gérard Bailly. – Retrait de l’amendement n° 457 rectifié ; rejet de l’amendement n° 152.

Amendement n° 591 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Daniel Dubois, Joël Labbé, Mmes Sophie Primas, Brigitte Gonthier-Maurin, M. Bruno Retailleau. – Rejet.

Amendements identiques nos 166 rectifié de Mme Marie-Christine Blandin et 458 rectifié ter de Mme Chantal Jouanno. – Mmes Marie-Christine Blandin, Nathalie Goulet, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 351 rectifié de M. Gérard César. – MM. Gérard César, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 116 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rectification de l’amendement.

MM. Bruno Retailleau, Stéphane Le Foll, ministre ; le président, Joël Labbé. – Retrait de l’amendement n° 116 rectifié.

Amendement n° 407 rectifié de M. Jean Bizet. – M. Jean Bizet.

Amendement n° 592 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.

MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Jean Bizet. – Retrait de l’amendement n° 407 rectifié ; rectification de l’amendement n° 592.

MM. Jean Boyer, René-Paul Savary, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Mme Sophie Primas. – Adoption de l’amendement n° 592 rectifié.

Amendement n° 117 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; René-Paul Savary, Mme Sophie Primas. – Rejet.

Demande de priorité

Demande de priorité du Titre VI. – MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques ; Stéphane Le Foll, ministre. – La priorité est de droit.

5. Nomination de membres de commissions

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

6. Questions d’actualité au Gouvernement

calendrier parlementaire sur les sujets environnementaux

M. Ronan Dantec, Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

décentralisation

MM. Gérard Le Cam, Manuel Valls, Premier ministre.

dotations aux collectivités : 10 milliards d'économies

MM. Yvon Collin, Manuel Valls, Premier ministre.

grand paris

Mme Isabelle Debré, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique.

annonces du premier ministre sur la réforme territoriale

MM. Hervé Maurey, Manuel Valls, Premier ministre.

dialogue social

MM. Yves Daudigny, François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

fermeture d'entreprises dans la vienne

MM. Alain Fouché, Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

annonces sur la décentralisation

M. Michel Berson, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique.

collectivités : dotations, rythmes scolaires et annonces du premier ministre

M. Joël Billard, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique.

pacte de responsabilité/solidarité et pouvoir d'achat

Mme Christiane Demontès, M. Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget.

7. Souhaits de bienvenue au président du Sénat du Royaume d'Espagne

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

8. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

9. Communication du Conseil constitutionnel

10. Agriculture, alimentation et forêt. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 1er (suite)

Amendement n° 780 de la commission. – MM. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Mme Sophie Primas, MM. Daniel Dubois, Gérard César, Mmes Marie-Christine Blandin, Renée Nicoux, M. Yvon Collin. – Adoption.

Amendements nos 297 rectifié ter de M. Gérard César et 237 rectifié ter de M. Philippe Adnot. – MM. Gérard César, Philippe Adnot, le président, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; René-Paul Savary, Joël Labbé. – Adoption de l’amendement n° 297 rectifié ter, l'amendement n° 237 rectifié ter devenant sans objet.

Amendement n° 409 rectifié de M. Jean Bizet. – MM. Jean Bizet, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendement n° 93 rectifié ter de M. René Beaumont. – MM. René Beaumont, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Amendement n° 468 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Mme Nathalie Goulet.

Amendement n° 516 rectifié de M. Jean-Paul Amoudry. –M. Jean-Paul Amoudry.

Amendement n° 14 rectifié de Mme Hélène Masson-Maret. –Mme Hélène Masson-Maret, M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Stéphane Le Foll, ministre ; Mmes Hélène Masson-Maret, Nathalie Goulet. – Retrait des amendements nos 14 rectifié et 468 rectifié.

MM. Gérard Bailly, Bruno Sido, Charles Revet, Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques ; Joël Labbé, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Philippe Adnot, Stéphane Le Foll, ministre ; Gérard César, Didier Guillaume, rapporteur. – Adoption de l’amendement n° 516 rectifié.

Amendement n° 5 rectifié quinquies de M. Bruno Sido. – MM. Bruno Sido, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Philippe Adnot, René-Paul Savary. – Rejet.

Amendements identiques nos 344 rectifié bis de M. Ladislas Poniatowski et 570 rectifié bis de M. Daniel Dubois. – MM. Ladislas Poniatowski, Daniel Dubois.

Amendement n° 440 rectifié de M. Gilbert Barbier. – M. Yvon Collin.

MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet des amendements nos 344 rectifié bis, 570 rectifié bis et 440 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendement n° 679 rectifié bis de M. Serge Larcher. – MM. Serge Larcher, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 16 rectifié bis de Mme Sophie Primas. –Mme Sophie Primas, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet.

Amendement n° 94 rectifié ter de M. René Beaumont. – MM. René Beaumont, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet.

Amendement n° 758 de la commission. – MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 349 rectifié de M. Gérard César. – M. Gérard César.

Amendement n° 366 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Yvon Collin.

MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Gérard César, Yvon Collin. – Retrait des amendements nos 349 rectifié et 366 rectifié.

Amendement n° 669 rectifié quinquies de Mme Hélène Masson-Maret. – Mme Hélène Masson-Maret, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Mme Sophie Primas. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 2

Amendement n° 742 de M. Yannick Vaugrenard. – Mme Renée Nicoux, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Charles Revet, Mme Nathalie Goulet, M. Gérard Bailly. – Retrait.

Amendement n° 118 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendement n° 569 rectifié bis de M. Daniel Dubois. – MM. Daniel Dubois, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; le président de la commission. – Retrait.

Article 3

Amendement n° 17 rectifié de Mme Sophie Primas. – Mme Sophie Primas, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet.

Amendement n° 119 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet.

Amendement n° 598 de M. Gérard Le Cam. – Mme Mireille Schurch, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Gérard César. – Adoption.

Amendement n° 595 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Gérard Bailly, Nathalie Goulet. – Rejet.

Amendement n° 196 rectifié de M. René-Paul Savary. – MM. René-Paul Savary, Stéphane Le Foll, ministre.

Amendement n° 680 de Mme Renée Nicoux. – Mme Renée Nicoux.

Amendements identiques nos 594 de M. Gérard Le Cam et 759 de la commission. – MM. Gérard Le Cam, le rapporteur.

MM. Stéphane Le Foll, ministre ; Gérard Longuet, Didier Guillaume, rapporteur ; Jean Bizet, Mme Nathalie Goulet, MM. Gérard César, René-Paul Savary. – Rejet de l’amendement n° 196 rectifié ; adoption de l’amendement n° 680 et des amendements identiques nos 594 et 759.

Amendement n° 120 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendement n° 121 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Mmes Nathalie Goulet, Marie-Christine Blandin. – Retrait.

Suspension et reprise de la séance

Article additionnel avant l’article 34 A (priorité)

Amendement n° 190 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Marie-Christine Blandin, Didier Guillaume, rapporteur ; Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer ; MM. Serge Larcher, Joël Labbé, Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet.

Article 34 A (priorité)

Mme Marie-Christine Blandin, MM. Robert Laufoaulu, Jean-Étienne Antoinette, Mme George Pau-Langevin, ministre.

Amendement n° 285 rectifié de M. Serge Larcher. – MM. Serge Larcher, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 646 de M. Paul Vergès. – MM. Gérard Le Cam, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 34 (priorité)

M. Félix Desplan.

Amendement n° 41 rectifié de Mme Françoise Férat. – Mme Françoise Férat, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendement n° 801 rectifié de la commission. – MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 799 de la commission. – MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 802 de la commission. – MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 228 rectifié de M. Maurice Antiste. – MM. Maurice Antiste, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 508 rectifié de M. Serge Larcher. – MM. Serge Larcher, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rectification de l’amendement ; adoption de l’amendement n° 508 rectifié bis.

Amendement n° 229 rectifié de M. Maurice Antiste. –MM. Maurice Antiste, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendement n° 661 de M. Paul Vergès. – MM. Gérard Le Cam, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 34 bis (priorité). – Adoption

Article 35 (priorité)

Mme Marie-Christine Blandin.

Amendement n° 6 de M. Michel Magras. – MM. Michel Magras, Didier Guillaume, rapporteur ; Mme George Pau-Langevin, ministre. – Adoption.

Amendement n° 7 rectifié de M. Michel Magras. – MM. Michel Magras, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 36 (priorité)

Amendement n° 509 rectifié de M. Serge Larcher. – MM. Serge Larcher, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendement n° 823 du Gouvernement. – MM. Stéphane Le Foll, ministre ; Didier Guillaume, rapporteur ; Mme Marie-Christine Blandin. – Adoption.

Amendement n° 800 de la commission. – MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 510 rectifié de M. Serge Larcher. – MM. Serge Larcher, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 472 rectifié de M. Jean-Étienne Antoinette. – MM. Jean-Étienne Antoinette, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 36 (priorité)

Amendement n° 475 rectifié de M. Jean-Étienne Antoinette. –MM. Jean-Étienne Antoinette, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Article 37 (priorité). – Adoption

M. Didier Guillaume, rapporteur ; Mme George Pau-Langevin, ministre.

Suspension et reprise de la séance

Article 3 (suite)

Amendements identiques nos 323 rectifié bis de M. Gérard César et 517 rectifié de M. Jean-Jacques Lasserre. – MM. Gérard César, Jean-Jacques Lasserre.

Amendement n° 371 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Yvon Collin.

MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Daniel Dubois, Jean-Jacques Lasserre. – Adoption, par scrutin public, des amendements identiques nos 323 rectifié bis et 517 rectifié, l'amendement n° 371 rectifié devenant sans objet.

Amendement n° 681 rectifié de Mme Renée Nicoux. –Mme Renée Nicoux.

Amendement n° 312 de M. Gérard César. – M. Gérard César.

Amendement n° 124 de M. Joël Labbé. – M. Joël Labbé.

Amendement n° 597 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.

MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Jean Bizet. – Adoption de l’amendement n° 681 rectifié, les amendements nos 312, 124 et 597 devenant sans objet.

Amendement n° 760 de la commission. – MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendements identiques nos 367 rectifié de M. Jacques Mézard et 756 rectifié de M. Gérard César. – M. Yvon Collin, Mme Sophie Primas, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait de l’amendement n° 367 rectifié ; rejet de l’amendement n° 756 rectifié.

Amendement n° 122 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Retrait.

Amendement n° 596 rectifié de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 123 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Daniel Dubois. – Rejet.

Amendement n° 682 de Mme Renée Nicoux. – Mme Renée Nicoux, MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre ; Jean Bizet. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 3

Amendement n° 125 de M. Joël Labbé. – MM. Joël Labbé, Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet.

Amendement n° 115 rectifié de Mme Frédérique Espagnac. – Mme Frédérique Espagnac.

Amendement n° 589 rectifié de M. Georges Labazée. – Mme Bernadette Bourzai.

MM. Didier Guillaume, rapporteur ; Stéphane Le Foll, ministre. – Rejet des amendements nos 115 rectifié et 589 rectifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat de Jordanie

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de quatre sénateurs du groupe d’amitié Jordanie-France du Sénat du Royaume Hachémite de Jordanie, conduite par son président, son excellence le docteur Chabib Ammari. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

La délégation est en France pour une visite d’étude jusqu’au 15 avril, centrée sur l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables ainsi que le développement des échanges culturels et universitaires franco-jordaniens.

Elle se rendra également à Toulon, à Aix et à Marseille pour visiter le pôle de compétitivité « Cap Énergies » et le nouveau musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

Accueillie au Sénat par notre collègue Mme Christiane Kammermann, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Jordanie, la délégation a prévu ce matin une réunion de travail sur la transition énergétique avec nos collègues de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, et rencontrera notre collègue Bruno Sido, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le Sénat français entretient d’excellentes relations de confiance et d’amitié avec le Sénat jordanien, nourries d’échanges sur le conflit syrien qui nous préoccupe tous, la paix au Moyen-Orient et le développement de nos partenariats économiques dans le domaine de l’eau et de l’énergie.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat jordanien une cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)

3

Démission de membres de commissions et candidatures

M. le président. J’ai reçu avis de la démission de Mme Sophie Primas, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et de celle de M. Michel Doublet, comme membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

J’informe le Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire ;

- à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Michel Doublet, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

4

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale (suite)

Agriculture, alimentation et forêt

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 279, texte de la commission n° 387 rectifié, rapport n° 386, avis nos 344 et 373).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui était attendu, car il est la pierre angulaire de la démarche « produisons autrement » que vous mettez en place depuis votre arrivée aux responsabilités. L’ambition de ce texte est, vous l’avez dit, de relever le défi de la compétitivité de notre agriculture et de notre filière bois tout en engageant la France sur la voie de la transition écologique. Ce ne sont pas des objectifs contradictoires, bien au contraire ; c’est là tout l’enjeu de votre projet d’agroécologie.

Ce projet de loi intervient également à la suite de la récente réforme de la politique agricole commune dans laquelle la France a beaucoup œuvré pour maintenir les crédits destinés à l’agriculture française, soutenir l’élevage et les petites exploitations qui sont les plus créatrices d’emploi, et encourager l’installation de jeunes agriculteurs : autant d’objectifs qui sont également portés par ce projet de loi.

Il était devenu indispensable et urgent de mieux prendre en compte les réalités économiques et de mener pleinement le combat pour la compétitivité de notre agriculture.

Le constat est là : nous héritons de dix ans d’inaction en la matière. En dix ans, notre pays est passé de la deuxième à la cinquième place mondiale en matière d’exportation agricole et agroalimentaire. Et que dire de l’état de nos filières et du nombre d’exploitations qui n’a cessé de diminuer ? On enregistre une baisse de 20 % à 25 %, selon les régions, entre deux recensements généraux de l’agriculture.

Le rapport de la mission d’information sur la filière viande que j’ai eu l’honneur de présider l’année dernière, rapport adopté à l’unanimité, a démontré que l’élevage français a perdu en dix ans de 15 % à 25 % de ses productions selon les secteurs. C’est un déclin très préoccupant et même dramatique dans les zones à forte production animale telles que la Bretagne. Pour chacune des filières, les chiffres sont inquiétants : 2 millions de porcs en moins ont été produits depuis le début des années deux mille, 44 % des poulets consommés sont importés, contre 8 % en 1990, et l’on constate en vingt ans une baisse de 20 % des effectifs du troupeau bovin et de 31 % du troupeau ovin.

La mission d’information a constaté que ces difficultés proviennent principalement d’un déficit de compétitivité de tous les maillons de la filière et d’une course au prix bas, encouragée par la grande distribution, qui écrase les marges de l’ensemble des acteurs de la production et de la transformation.

Cette situation dégradée que vous avez trouvée à votre arrivée démontre le peu d’efficacité des deux lois agricoles adoptées en 2006 et en 2010.

Notre pays doit réussir à conforter son excellence agricole et agroalimentaire dans un environnement économique de plus en plus concurrentiel. Le présent texte ouvre des perspectives pour de nouveaux modèles de production plus diversifiés et une intégration optimale de l’écologie au service de l’agriculture et de la forêt.

Dans ce nouveau modèle de production, il faut également garder une exigence élevée de qualité, de garantie de sécurité sanitaire pour rassurer les consommateurs mais aussi pour prendre en compte leurs attentes plus sociétales. C’est l’enjeu du titre III de ce projet de loi qui vise à progresser en matière de santé végétale, de santé animale et de garanties de sécurité sanitaire de l’alimentation.

Le texte comporte des avancées en matière de lutte contre le développement du phénomène d’antibiorésistance. La logique de prévention s’impose : fixer un objectif ambitieux concernant les antibiotiques critiques constitue une bonne approche, mais il faut être vigilant à ne pas provoquer un effet destructeur sur le maillage des vétérinaires dont nous savons l’importance pour nos territoires ruraux.

Le texte introduit également des exigences plus fortes en matière de pesticides. Il promeut les méthodes alternatives, et notamment le biocontrôle. Je plaide néanmoins pour une accélération de la mise en place des solutions alternatives, car il y a urgence. En outre, il faut faire comprendre que cette démarche économe en intrants n’est pas celle de la contrainte mais a plutôt pour objectif d’améliorer l’efficacité et la performance économique. Je laisserai à Nicole Bonnefoy, rapporteur en 2012 de la mission commune d’information sur les pesticides, le soin d’en parler plus longuement.

J’en viens au titre V, qui traite des dispositions relatives à la forêt.

Ces dispositions permettent de donner à ce texte une véritable reconnaissance. À cet égard, je m’associe à ce qui a déjà été dit par M. le rapporteur Philippe Leroy sur l’importance de la forêt et la nécessité de développer une politique « forêts-bois » ambitieuse qui réponde aux attentes des professionnels. D’ailleurs, le texte s’inscrit déjà dans la continuité d’un ensemble de dispositifs mis en place par le Gouvernement en faveur de la filière, avec la création du comité stratégique de la filière bois, ou avec les mesures prises en lois de finances. Les dispositions de ce texte vont dans le bon sens et permettront de continuer à progresser.

Avant de les détailler, j’interviendrai brièvement pour rappeler la place de la forêt dans l’espace français, mais aussi son poids économique, avec plus de 400 000 emplois dont l’essentiel en zones rurales et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Dans un contexte économique difficile, marqué également par la raréfaction des ressources fossiles, il devient essentiel d’optimiser la valorisation complète de cette ressource renouvelable en fonction de ses différentes utilisations : le bois d’œuvre, le bois d’industrie, le bois énergie ou biomasse forestière.

Toutefois, l’usage optimisé de cette ressource implique une hiérarchie des usages et repose pour une large part sur la capacité des acteurs économiques à créer les conditions d’une complémentarité entre les différentes utilisations du bois et à éviter les conflits d’usage.

Le bois énergie représente 65 % des énergies renouvelables produites actuellement en France, essentiellement par la valorisation des sous-produits de la filière bois ; mais encore faudrait-il s’assurer, lorsqu’un projet industriel est envisagé, que ses besoins en approvisionnement n’engendrent pas une surexploitation directe ou indirecte des ressources sylvicoles locales, régionales, voire nationales, et éviter les déséquilibres en tenant compte aussi des autres besoins d’approvisionnement de structures locales de moindre dimension.

Dans le même temps, nous connaissons bien le constat de l’insuffisante organisation de la filière bois, qui repose sur des petites entreprises, souvent fragiles, et les difficultés de la mobilisation de la ressource bois dans notre pays.

L’industrie de transformation du bois s’est affaiblie.

Le secteur de la scierie française, par exemple, est en recul sur les exportations de sciage qui, entre 2005 et 2012, ont baissé de près de 43 %. Le nombre de scieries a fortement diminué et la production de sciages a baissé de 10 % entre 2002 et 2011. Nous exportons des bois bruts et importons des bois travaillés, transformés, incorporant beaucoup de valeur ajoutée. Les chiffres de la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, la DGPAAT, relèvent que le déficit de la balance commerciale en meuble, principal responsable du déficit de la filière bois, a augmenté de 200 millions d’euros entre 2009 et 2010.

C’est bien notre paradoxe : nous avons l’une des meilleures ressources forestières d’Europe – la troisième forêt européenne –, et pourtant nous affichons un déficit record dans notre balance commerciale.

Notre forêt n’est pas suffisamment mise en valeur localement ; en témoignent les exportations de grumes vers la Chine. Or c’est ce potentiel économique qui doit être valorisé sur place.

L’aspect économique est donc un enjeu majeur. Dans ce cadre, l’instauration, dans la loi, du fonds stratégique de la forêt et du bois constitue une avancée fondamentale, car un tel organisme est le fondement de toute politique forestière.

La disparition du fonds forestier national, voilà plus de dix ans, a eu de graves conséquences amplifiées par les tempêtes successives qui ont découragé bon nombre de propriétaires forestiers de replanter.

Toutefois, monsieur le ministre, permettez-moi d’ajouter que, au-delà de la création du fonds stratégique, l’enjeu sera d’assurer la pérennité de ce dernier. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a adopté la proposition du rapporteur de créer un compte d’affectation spéciale décrivant les recettes du fonds. Vous nous dites que ce n’est pas acceptable. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.

La forêt, outre son potentiel économique, contribue activement à la préservation des équilibres écologiques, des écosystèmes et de la biodiversité, puisqu’elle stocke le carbone, purifie l’eau, enrichit les sols et offre des habitats propices à la faune et à la flore. Enfin, elle abrite une grande diversité d’activités, touristiques, cynégétiques, sportives, scientifiques, etc.

Le présent texte reconnaît pleinement cette multifonctionnalité des forêts, notamment de leurs fonctions d’intérêt général, et ouvre ainsi la possibilité de rémunération de ces aménités environnementales.

La reconnaissance par la loi est importante. Elle émet notamment un signal fort en direction de nos concitoyens, qui n’ont pas toujours conscience des atouts considérables que recèle la forêt, par la diversité de ses fonctions.

De surcroît, ce projet de loi réorganise la gouvernance dans ce domaine. En particulier, le programme national de la forêt et du bois, décliné à l’échelle régionale, permettra de partager des constats et de définir des priorités.

Chacun sait que la forêt française est très morcelée. L’objectif du groupement d’intérêt économique et environnemental forestier est précisément de permettre le rassemblement de tous les professionnels concernés.

Monsieur le ministre, votre projet de loi va dans le bon sens. Il s’appuie sur une PAC réorientée et plus juste. Les membres du groupe socialiste le défendront et vous soutiendront avec conviction et détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Parfait !

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier MM. les rapporteurs du travail qu’ils ont accompli : M. Didier Guillaume, M. Philippe Leroy et particulièrement M. Pierre Camani, qui n’a pas toujours eu la tâche facile, sans oublier Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

À mon tour, je m’associe aux marques de satisfaction exprimées hier quant à la reconduction de notre ministre de l’agriculture. Son propos liminaire a montré le niveau auquel il a placé sa mission,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Très haut niveau !

M. Raymond Vall. … qui est importante pour notre pays.

Ce projet de loi, qui compte vingt-neuf articles, doit nous permettre de concilier dans le domaine de l’agriculture les performances économiques, environnementales et sociétales. M. le ministre l’a souligné, en déclarant avec beaucoup de conviction que nous devions adapter l’agriculture française aux enjeux de demain ; nous avons beaucoup parlé du domaine de l’environnement à cet égard, mais il faut également conforter la filière agricole, qui représente un secteur stratégique pour la France et dont la contribution est très importante dans le domaine de l’emploi.

Je tiens à citer le département du Gers,…

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Magnifique département !

M. Roland Courteau. En plein air et en plein Gers !

M. Raymond Vall. … considéré comme l’un des plus agricoles de France : l’agriculture y représente 12 % des actifs.

Il faut également prendre en compte l’agroalimentaire. Dans cette région Midi-Pyrénées, que l’on connaît et reconnaît pour l’aéronautique, c’est le secteur agroalimentaire qui constitue le premier employeur. C’est dire combien nous sommes sensibles au présent texte.

Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous encouragez des orientations de long terme, en proposant des nouveaux dispositifs ou des aménagements des outils existants. J’en évoquerai quelques-uns.

Le titre II porte une attention très nourrie à la préservation des terres agricoles et au contrôle des structures. Nos collègues députés ont enrichi les prérogatives des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, afin de freiner véritablement la déprise agricole. Personnellement, je partage cette volonté, d’autant plus que l’article 13 du projet de loi initial a bien clarifié les missions des SAFER tout en harmonisant le cadre de leur gouvernance. Cet instrument fondamental d’aménagement foncier se trouve ainsi renforcé, et son fonctionnement ouvert.

À la fin de ce même titre II, l’Assemblée nationale a introduit le répertoire des actifs agricoles. C’est une excellente mesure, très attendue par les organisations agricoles. Néanmoins, si la rédaction adoptée est relativement souple, elle n’intègre pas clairement les pluriactifs. J’ai donc déposé, avec plusieurs de mes collègues du RDSE, un amendement tendant à pallier cette lacune. Je sais que les rapporteurs sont très à l’écoute sur ce sujet. Nous devrions, je l’espère, parvenir à trouver le bon compromis.

En ma qualité de président de la commission du développement durable, je souhaite naturellement évoquer le volet environnemental, au titre duquel Pierre Camani a apporté une contribution très appréciée. Ce texte intègre, pour la première fois, l’agroécologie dans le domaine de la loi.

Sans doute la question des baux environnementaux fera-t-elle débat. Pour ma part, je souhaite qu’un équilibre soit trouvé entre le nécessaire encouragement à de nouvelles pratiques agricoles et le souci de ne pas bloquer la conclusion des baux. Ce point renvoie d’ailleurs à la question plus générale du statut du fermage, qui, à mon sens, mériterait certainement un large toilettage législatif.

Concernant les risques sanitaires, le transfert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, de la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes focalise bien sûr beaucoup de discussions.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui !

M. Raymond Vall. Il est certain que l’organisation actuelle n’est pas suffisamment réactive. Il était donc urgent de remédier à cette faiblesse. Ce projet de loi s’y attèle, et le droit de veto du ministre, proposé par la commission, répond à ceux qui s’inquiétaient du regroupement de l’évaluation et de la gestion des risques.

Enfin, je dirai un mot de la forêt. Bien sûr, j’ai beaucoup apprécié l’intervention que Philippe Leroy a consacrée à ce sujet, et je me félicite de l’important travail de planification opéré via ce projet de loi.

Mes chers collègues, vous connaissez mon attachement aux circuits courts et à la valorisation des produits agricoles locaux. Ce qui est valable pour la production agricole l’est aussi pour la production forestière. Il n’est plus acceptable que la France, qui possède la troisième forêt d’Europe, continue à importer massivement du bois ou des produits transformés à l’extérieur à partir de son propre bois. C’est pourquoi j’approuve les dispositions du présent texte qui permettront de mieux tirer profit du potentiel économique offert par notre forêt, tout en veillant au respect de l’apport vital de cette dernière à l’environnement. Je songe en particulier à son rôle pour le stockage du CO2, qui nécessite une politique active de reboisement, proposée via le présent texte.

Nous aurons l’occasion de débattre plus longuement de ces différents volets. Les sénateurs du RDSE apporteront leur contribution à travers les amendements qu’ils défendront dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Renée Nicoux et M. Roland Courteau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avenir de notre agriculture est une question de fond. Cela a déjà été dit hier, l’agriculture française fait vivre des milliers d’hommes, en nourrit des millions d’autres, et la seule sphère agricole et agroalimentaire représente, pour notre pays, 12,5 milliards d’euros d’excédent net à l’exportation.

J’attire votre attention sur le fait que, avec le verdissement de la PAC, le renforcement de l’agroécologie et le durcissement de l’encadrement administratif et des normes qui vont avec, nous risquons d’obtenir le contraire de ce que nous souhaitons.

Nous voulons des mesures qui permettent réellement aux entreprises agricoles et agroalimentaires de retrouver de la compétitivité et de la croissance pour faire face à nos concurrents européens, sans oublier, bien sûr, la protection de notre environnement.

Aurons-nous réellement les moyens, avec ce projet de loi, d’inverser la courbe déclinante sur laquelle se trouve notre agriculture depuis une quinzaine d’années ?

M. Gérard Bailly. J’aimerais le croire. En tout cas, c’est une question vitale, notamment pour la filière élevage, qui me préoccupe particulièrement. Vous le savez, tous les chiffres la concernant sont en baisse : en vingt ans, diminution de 11 % du cheptel bovin, de 30 % du cheptel ovin, baisse de l’abattage des volailles… On observe un tel phénomène dans tous les domaines.

Le revenu annuel moyen d’un éleveur de viande bovine est de 15 000 euros, et les jeunes délaissent massivement le secteur de l’élevage pour se tourner vers des productions plus rentables, et surtout moins exigeantes en termes de présence. Or nos éleveurs doivent avoir des revenus suffisants pour vivre ! Aujourd’hui, 50 % des éleveurs bovins et 54 % des éleveurs ovins ont plus de cinquante ans : avec ce niveau de revenus et la pénibilité du travail, il est urgent d’agir pour favoriser l’installation des jeunes exploitants, entre autres via une simplification administrative.

La mise en œuvre, par l’article 14, d’un contrat de génération adapté à ce secteur va dans le bon sens, mais reste sans doute insuffisante.

J’ajoute, en cet instant, qu’il ne faut pas oublier tous les crédits nécessaires à la construction et à la modernisation des bâtiments d’élevage. Ces chantiers sont indispensables pour garantir aux éleveurs de meilleures conditions de vie.

Ce dont les éleveurs ont besoin, c’est de mesures concrètes améliorant réellement la compétitivité des entreprises comme, par exemple, l’alignement des contraintes sanitaires et environnementales françaises sur la réglementation européenne. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Nos viandes présentent déjà les garanties les plus élevées au monde sur les plans sanitaire – on peut s’en réjouir –, environnemental et du bien-être animal. Il n’y a pas besoin d’en ajouter encore ! Nous ne pouvons plus subir toutes ces distorsions de concurrence. Il faut les réduire pour permettre aux agriculteurs de se battre à armes égales avec leurs concurrents allemands, italiens ou espagnols, sans parler d’un problème que vous connaissez bien, monsieur le ministre : celui de la main-d’œuvre employée en Allemagne, avec des salaires bien inférieurs à ceux de notre pays.

S’ajoute l’exonération de l’écotaxe poids lourds. Pour l’heure, celle-ci est suspendue, mais non supprimée. Elle reste une menace pour les éleveurs.

En outre, comment pourrons-nous bénéficier des allégements de charges ? Il n’en est question nulle part dans ce projet de loi !

Parmi les nombreux problèmes que rencontrent les éleveurs, je citerai encore trois exemples.

Premièrement, je pense au problème récurrent de la grande distribution qui, dans sa course au « toujours moins cher », fait le jeu de nos concurrents et écrase les prix de nos producteurs.

Deuxièmement, je songe aux prédateurs. Mis à part quelques collègues venant comme moi de régions de montagne, je me suis senti bien seul, pendant plusieurs années, à dénoncer dans cette enceinte la passivité des autorités face au loup et aux dégâts causés aux troupeaux ovins, qui provoquent un immense découragement chez les éleveurs. Pastoralisme et présence du loup sont incompatibles. C’est ce que je répète depuis dix ans ! Quand on pense que, au cours de l’année 2013, 6 767 ovins ou jeunes bovins ont été massacrés par les loups, on se demande où est le bien-être animal ! Il ne faut pas non plus négliger les traumatismes que les éleveurs ont pu subir.

M. Bruno Sido. Très vrai !

M. Gérard Bailly. C’est pourquoi je salue l’amendement déposé sur ce sujet par notre rapporteur, M. Guillaume. Il va dans le bon sens (M. Didier Guillaume, rapporteur, acquiesce.)…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Gérard Bailly. … et recueillera, je le crois, l’unanimité. J’en profite pour remercier la commission du travail accompli en la matière.

Concernant les prédateurs, je ne peux manquer d’évoquer, pour ma région, le problème du lynx.

M. Gérard Bailly. Ce dernier prend un essor qui devient lui aussi inquiétant. S’y ajoute, pour tous ceux qui ont des étangs, la question des cormorans, qui infligent de 250 à 550 euros de pertes à l’hectare.

Troisièmement, nos éleveurs doivent faire face à la pullulation des campagnols, surtout en zone de montagne, que ce soit dans le Jura, dans les Alpes ou dans le Massif central. Il s’agit là d’une véritable calamité dans les zones herbagères d’altitude. Les conséquences sont désastreuses : pertes de fourrages, problèmes sanitaires touchant les animaux et les hommes. Les pertes économiques peuvent atteindre de 10 000 à 25 000 euros par exploitation en Franche-Comté. Au cours de nos discussions, je défendrai un amendement tendant à accorder une déduction fiscale pour compenser les pertes de récoltes dues aux campagnols.

Pour conclure, je dirai quelques mots de la filière « bois ». M. le ministre l’a indiqué, elle représente un potentiel très important pour notre économie. Cette filière est tout à fait cruciale pour mon département, boisé à 45 %. Dans l’ensemble, elle a largement besoin d’être mieux valorisée, car des milliers d’emplois sont à la clef. Ce constat est admis sur toutes les travées de cet hémicycle.

Comme nombre de mes collègues, je me réjouis de la mise en place d’un fonds stratégique pour soutenir les investissements de ce secteur, à condition, bien sûr, qu’il soit suffisamment abondé. Ces crédits sont indispensables pour que puisse être envisagée la modernisation des exploitations et des coupes de bois, ainsi que l’amélioration des indispensables dessertes de nos massifs.

Une meilleure exploitation passe aussi par une diminution du morcellement forestier. J’insiste pour que, en cas de vente de parcelles de moins de quatre hectares, le droit de préférence soit réellement appliqué au profit d’un propriétaire riverain, ou, à défaut, de la commune si elle est acheteuse.

Je souhaite enfin que nous nous penchions, au cours de nos débats, sur le cas de nos territoires largement boisés, couverts de forêts à 70 %, voire à 80 %. Leurs habitants demandent que l’on y diminue les étendues forestières.

Notre agriculture, dans sa richesse et sa diversité, fait vivre notre tissu rural. Notre ruralité a besoin d’être soutenue et encouragée. Il faut des allégements plutôt que des contraintes. Je souhaite que les amendements déposés à cette fin soient votés. Ils vont du reste dans le sens des belles déclarations faites par les membres du Gouvernement qui, chaque année, se succèdent dans les allées du salon de l’agriculture !

Monsieur le ministre, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce projet de loi, comme nos rapporteurs. C’est pourquoi, après le travail parlementaire, ce texte doit réellement mettre en œuvre des réformes ambitieuses pour l’avenir de notre agriculture, afin que la France produise plus et qu’elle produise mieux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Didier Guillaume, rapporteur, applaudit également.)

M. Bruno Sido. Bravo !

M. Charles Revet. Très bien ! Il faut faire confiance aux gens de terrain !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos, vous n’en serez pas surpris, portera sur l’enseignement agricole. Je dispose de quatre minutes de temps de parole et j’ai pourtant tellement de choses à vous dire, monsieur le ministre…

Les travaux préparatoires au présent projet de loi laissaient de bons espoirs, notamment pour l’enseignement agricole. Comme vous l’avez indiqué à l’occasion de la rentrée scolaire de 2013-2014, cet enseignement a une petite place en nombre d’élèves, mais un grand rôle à jouer car de nombreux atouts à faire valoir.

En effet, le Gouvernement affiche l’ambition de faire de la France le leader en matière d’agroécologie. Il s’agit de mettre tout en œuvre pour produire au mieux, en relevant un double défi : répondre à la demande mondiale en matière d’alimentation et respecter les écosystèmes, dans le cadre d’un développement durable reposant sur une moindre utilisation d’intrants, de pesticides, sur la préservation de la ressource en eau, sur la lutte contre le gaspillage du foncier, etc. Une prise de conscience des acteurs agricoles et de nombreuses évolutions techniques se sont accentuées au cours des dernières années, notamment depuis le Grenelle de l’environnement.

Ainsi, l’enseignement agricole, qui prépare les professionnels de l’agriculture, du monde rural et paysager de demain, devait retrouver toute sa place dans ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

L’Observatoire national de l’enseignement agricole, l’ONEA, présidé par l’ancien ministre Henri Nallet, a remis en 2013 un rapport intitulé L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025. Ici, ont été imaginées et mises en forme de nombreuses idées et préconisations permettant d’inscrire la formation des futurs acteurs du monde rural dans une agriculture du XXIe siècle.

J’en espérais beaucoup… Pourtant, je ne retrouve pas dans ce projet de loi la quintessence de ce rapport très fourni ! Où sont les transcriptions des sept recommandations de l’ONEA : faciliter et valoriser l’implication des professionnels ; refonder le schéma prévisionnel national des formations ; prendre en compte les dynamiques de déconcentration et de décentralisation ; donner la priorité à la formation des enseignants, des formateurs et des cadres ; assurer la réussite de tous ; bâtir la maison des savoirs ; reconstruire la relation entre enseignements technique et supérieur ?

Ce rapport aurait pu être une source dense d’inspiration. Malheureusement, le projet de loi est passé à côté. Nous ne retrouvons pas d’avancées vers les cinq missions dévolues à l’enseignement agricole, qui constituent un atout essentiel pour l’agriculture du futur. Il manque également l’articulation de l’autonomie des établissements avec un pilotage et un cadrage national. Or l’enseignement agricole, qui présente un modèle de coopération entre un système productif et un système éducatif, mériterait une plus forte prise en compte et une implication des professionnels de l’agriculture et de leurs organismes.

En définitive, et je regrette vraiment de devoir faire ce constat, nous sommes face à un texte sans ambition, annonçant le rendez-vous manqué de l’enseignement agricole.

Mme Françoise Férat. Tout ce qui devait permettre l’évolution de cette formation, afin d’être en parfaite harmonie avec les enjeux d’une nouvelle « révolution agricole », a été écarté.

Une nouvelle organisation ancrée dans les régions et les territoires, orientée vers des spécialisations et des voies d’excellence, impliquant tous les acteurs de la filière dans un même acte partenarial, n’a pas su être mise en œuvre dans ce travail législatif.

Un moment particulier, un texte spécifique prenant en considération la réalité des territoires et des acteurs aurait été perçu comme un signe encourageant, voire gratifiant, pour l’ensemble des établissements et des professionnels de cette formation. Mais seuls deux articles font référence à l’enseignement agricole, et cela, surtout, dans sa partie production.

Cette absence témoigne d’une conception idéologique de l’agriculture. Soumise aux exigences environnementales et adossée aux besoins en nourriture mondiale et en compétitivité internationale de la filière agricole, celle-ci souffrira de ne pas avoir formé les professionnels en devenir à ces questions agronomiques.

La recherche et les résultats techniques évoluent et continueront d’évoluer. Notre agriculture, qui fut la première d’Europe, requiert des techniciens, des ruraux préparés aux performances agricoles et agroalimentaires de demain. L’avenir économique de cette filière risque de se trouver fragilisé face à des concurrents européens et internationaux rompus à ces innovations et grignotant à nouveau des parts de marché.

C’est pourquoi, dans un but constructif et sans dogmatisme partisan, j’ai déposé plusieurs amendements aux articles 26 et 27, dont les principaux ont pour objet de répondre aux défis suivants.

Le premier objectif est de garantir un cadrage national des formations, tout en assurant une certaine autonomie aux régions, directement en lien avec les spécificités des formations et des débouchés professionnels de leurs territoires.

Le second objectif concerne l’association plus étroite que le monde éducatif agricole doit trouver avec les acteurs professionnels. Les échanges d’expérience et de connaissance des uns et des autres permettront un essor plus réactif et adapté aux contraintes réelles.

J’aurai l’occasion d’expliquer en détail mes propositions lors de la discussion des amendements précédemment évoqués.

Sachez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ces idées sont le fruit d’un travail de terrain de treize ans. C’est vous dire si ces propositions correspondent sincèrement aux attentes et aux réalités des structures de base, et pourraient constituer des avancées pour le développement et la structuration de l’enseignement agricole. De toute évidence, produire autrement implique de former autrement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher. (M. Didier Guillaume, rapporteur, applaudit.)

M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quatre ans de cela, nous étions réunis ici pour examiner une loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ne comportant aucun article dédié spécifiquement aux outre-mer. Bien sûr, le dernier titre renvoyait toutes les dispositions concernant l’outre-mer à des ordonnances ultérieures et à une grande loi spécifique… qui n’aura jamais vu le jour !

Aujourd’hui, les choses ont changé, et c’est tant mieux ! Même si seuls quatre articles sont consacrés aux questions ultramarines, alors que nous pouvions espérer une loi qui leur serait dédiée, conformément aux orientations arrêtées par François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, dans le document intitulé Mes 30 engagements pour les outre-mers, nous sommes heureux d’avoir enfin l’occasion de participer aux débats sur un sujet aussi primordial pour nos territoires.

L’agriculture est l’un des trois piliers socio-économiques de nos régions, avec le tourisme et le secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP. Elle structure notre marché de l’emploi, influe sur notre écosystème et jalonne notre paysage.

Notre organisation actuelle garde des traces de l’histoire des relations entre la France et ses colonies. Les « îles à sucre », comme on les dénommait jadis, étaient spécialisées pour alimenter la métropole en produits tropicaux. La structure foncière a certes évolué depuis, mais insuffisamment à mon avis.

En outre, notre organisation est confrontée à des difficultés structurelles persistantes, liées aux caractéristiques de nos territoires. Il s’agit de la forte concentration des productions autour des filières traditionnelles – canne, sucre, rhum et banane –, de la petite taille des exploitations, de l’exposition à des risques naturels dévastateurs, de la dépendance aux approvisionnements extérieurs et de l’importance des surcoûts – intrants et engrais sont en effet très chers – et, enfin, de la très grande part de l’exportation au détriment des productions vivrières.

Ces spécificités ont toute une série d’effets défavorables, fragilisant les exploitants et empêchant le développement d’une agriculture moderne. L’État, les collectivités territoriales et l’Union européenne doivent continuer à préserver ce secteur, dans des territoires caractérisés par des taux de chômage très largement supérieurs à ceux qui sont enregistrés dans l’Hexagone.

L’enjeu aujourd’hui est de trouver notre place dans la carte de la mondialisation, tout en renforçant l’agriculture vivrière pour tenir compte des besoins propres de nos territoires.

Certaines orientations ont déjà été prises en ce sens. La diversification des activités agricoles participe à ce renouvellement et répond à la nécessité d’atteindre un niveau d’autosuffisance alimentaire. Des avancées notables ont été réalisées en matière d’élevage, en particulier de volaille, ou de productions à forte valeur ajoutée, comme les plantes aromatiques ou l’horticulture.

L’action de l’État doit également favoriser le soutien à certaines filières prometteuses, mais restant, pour le moment, secondaires. C’est le cas par exemple de la bagasse, résidu de la canne à sucre, qui a les mérites de produire de l’énergie renouvelable.

Les potentiels ultramarins, notamment dans le domaine de la biodiversité, sont aussi tout à fait remarquables, et nos territoires sont souvent pionniers dans des secteurs innovants, encore bien trop peu exploités.

Malgré ces pistes alternatives, les agricultures ultramarines font face à une situation d’urgence, directement induite par leur organisation. Les filières agricoles demeurent en effet cruellement sous-organisées – sauf à la Réunion – et la multiplicité des interlocuteurs ne permet pas de répondre de manière adaptée aux demandes du marché.

La structuration doit passer par la constitution d’interprofessions, formant une chaîne intégrée de la production jusqu’à la commercialisation. Pour y contribuer, j’ai déposé un amendement visant à imposer au préfet l’ouverture de négociations entre les organisations de producteurs pour constituer des coopératives professionnelles, mesures qui, aujourd'hui, ne sont qu’incitatives. Structurer les filières permettrait également de valoriser les démarches de qualité des productions agricoles ultramarines et de faire connaître leurs performances en matière sanitaire et environnementale.

La situation du foncier agricole est aussi inquiétante dans les outre-mer. Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt présente un certain nombre d’avancées sur le sujet, notamment par le renforcement des pouvoirs d’intervention des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, ou par l’alignement des conditions de reprise des terrains sur les normes en vigueur dans l’Hexagone.

Néanmoins, je tiens à préciser que la surface agricole utile diminue de façon préoccupante dans nos départements, du fait d’une très forte pression foncière ayant une incidence directe sur les chances d’installation des jeunes agriculteurs. Il y a là, monsieur le ministre, un véritable sujet : si nous entendons relever les défis de l’agriculture ultramarine, il convient de mettre en place un véritable dispositif d’aide aux générations et, en premier lieu, de permettre l’accès des jeunes exploitants à des prêts bonifiés.

Aux difficultés structurelles que je viens d’évoquer, s’ajoutent de forts différentiels de compétitivité dans notre environnement régional. En outre, les effets pervers des accords commerciaux que l’Union européenne a passés avec les pays appartenant à cette zone constituent une menace supplémentaire pour nos productions locales.

Les dispositifs de compensation, qui, par définition, interviennent a posteriori, ne suffiront pas à sauvegarder ces filières en l’absence de dispositif régulateur en amont, permettant d’atténuer les effets dévastateurs de la concurrence de pays qui ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales, sanitaires et environnementales. Si nous laissons nos marchés locaux être inondés de produits à moindre coût issus de pays voisins, que deviendra notre agriculture ? Ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui sont ici mis en jeu !

Dans son combat contre la vie chère, le Gouvernement devrait considérer ces situations spécifiques dans lesquelles la grande distribution, de manière subtile, propose des produits dits « locaux » qui, en réalité, proviennent de la zone caribéenne voisine. C’est là tout l’effet pervers des accords commerciaux entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine ou de la zone Caraïbe, et cela engendre une concurrence déloyale, mettant en difficulté la production martiniquaise. Ces accords créaient déjà des difficultés structurelles au niveau des productions traditionnelles, telles que la banane ou le rhum, et nous voilà maintenant atteints sur nos propres marchés, sur nos produits vivriers.

Si l’adoption du texte dont nous commençons l’examen aujourd’hui permettra, j’en suis certain, des avancées en matière de développement économique agricole, nombre de mesures devront encore être adoptées par voie d’ordonnance ou relèveront du niveau réglementaire. Espérons que ces prochaines étapes soient l’occasion d’une réflexion répondant, de manière plus complète, à la situation d’urgence à laquelle font face nos agricultures ultramarines !

Je regrette également que la question des produits phytosanitaires n’ait pas été abordée sous l’angle spécifique des outre-mer. Alors que les Antilles françaises ont subi les conséquences dramatiques de l’utilisation massive du chlordécone, produit qui, en plus de tout, s’est révélé inadapté à nos réalités environnementales, je souhaite que le Gouvernement prenne ici l’engagement d’entamer un processus de coopération régionale, avec, par exemple, le Brésil pour la zone Atlantique ou l’Afrique du Sud pour la zone de l’océan Indien, dans le but de développer une recherche-développement en matière agronomique adaptée aux spécificités locales.

Dans les années à venir, le Gouvernement devra continuer à accompagner les outre-mer, avec une juste vision des réalités les définissant. Comme vous l’avez justement mentionné, monsieur le ministre, la prise en compte des contraintes et des spécificités de nos territoires, notamment par les instances européennes, est l’un des défis que l’État français devra relever pour permettre aux outre-mer de trouver leur place dans la compétition internationale et de développer leurs atouts.

Dans une économie mondialisée, dont la France accepte les règles, tout doit être fait pour sauvegarder et propulser l’agriculture ultramarine, ainsi que le modèle social et environnemental qui est le sien, et ainsi répondre aux besoins des populations. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, mes chers collègues, je m’associe à tous les compliments qui ont été formulés envers la commission et ses rapporteurs ainsi qu’aux félicitations qui ont été adressées à M. le ministre pour sa reconduction à la tête du ministère de l’agriculture.

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est mérité !

M. Yvon Collin. En effet !

Monsieur le ministre, nous examinons un texte ambitieux destiné à renforcer la performance de l’agriculture, un secteur essentiel à la fois à la croissance et à l’équilibre territorial de notre pays.

Dans le projet de loi modifié par la commission des affaires économiques, cette performance est placée sous le signe d’un triple défi : économique, environnemental et social. Il s’agit – vous l’avez dit, monsieur le ministre – de garantir la viabilité des exploitations agricoles, de prémunir ces dernières contre la volatilité des marchés et les risques climatiques et, en outre, de contrôler le foncier rural.

L’aval de la production est aussi une préoccupation forte que nous retrouvons dans plusieurs articles du texte. L’impératif alimentaire, dans sa dimension tant nationale qu’internationale, est également une préoccupation importante. J’en suis plus que convaincu : les enjeux de l’alimentation, en termes sanitaires, mais aussi en matière d’innovation, obligent à encourager, d’une part, la vigilance pour ce qui concerne la santé, et, d’autre part, l’investissement, s’agissant de la recherche.

Pour réaliser tous ces objectifs, plusieurs dispositions nous sont proposées. Certaines tendent à mieux structurer ou à renforcer des outils existants, d’autres introduisent de nouvelles formes de coopération, dans la perspective de mieux mobiliser et valoriser la production agricole ou forestière. Je pense à ce sujet, en particulier, à la véritable nouveauté de ce texte : le groupement d’intérêt économique et environnemental, le GIEE, instauré à l’article 3. Ainsi que cela a été dit, il s’agit de mettre en place un cadre juridique souple destiné à faire converger des démarches agroécologiques.

Cette initiative est intéressante sur le principe comme dans sa mise en œuvre. Le groupement devrait recueillir l’adhésion de nombreux agriculteurs qui ont déjà un sens aigu de l’entraide. À travers les coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole, les CUMA, ou les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC, les exploitants savent déjà s’associer intelligemment pour optimiser leur fonctionnement ou leur développement.

Le GIEE et le GIEEF, pour la forêt, sont orientés vers l’agroécologie, ce qui est nécessaire compte tenu des impératifs environnementaux. Cette démarche s’inscrit également dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, qui commande le verdissement des aides directes.

Comme vous le savez, mes chers collègues, les droits à paiement sont de plus en plus conditionnés même si les États membres disposent d’une certaine flexibilité à l’intérieur de leur enveloppe PAC. La prise en compte du réchauffement climatique est donc une obligation, mais, comme le dit l’adage, « point trop n’en faut » ! S’il est important d’orienter les pratiques agricoles dans le bon sens, il n’est pas souhaitable de le faire à marche forcée, au risque de fragiliser certains équilibres économiques.

Il nous faut donc, monsieur le ministre, rester vigilants sur ce point. C’est pourquoi je suis un peu réservé quant à la généralisation poussée du bail environnemental. Nous aurons l’occasion d’en discuter durant les débats.

S’agissant de l’important volet consacré au renforcement de la maîtrise du foncier et de la protection des terres agricoles, je ne suis pas surpris, monsieur le ministre, que vous ayez placé l’objectif très haut. C’est une bonne chose. Parmi les principaux leviers d’intervention, vous avez naturellement porté votre attention sur les SAFER et le contrôle des structures.

Concernant les SAFER, l’Assemblée nationale a ouvert encore un peu plus leur droit de préemption. Cette très forte prérogative de puissance publique est parfois – je tiens à le souligner – difficile à concilier avec le respect de la propriété privée rurale. L’extension des moyens des SAFER ne pose pas de problème en soi, pourvu que l’opérateur reste centré sur ses missions originelles.

Or l’agriculture a évolué dans son organisation, sans qu’aient été redéfinis dans le même temps le rôle et les prérogatives des SAFER. C’est pourquoi, avec plusieurs de mes collègues de la commission des finances, nous avons émis des recommandations dans un récent rapport sur les outils fonciers. Nous avons suggéré, par exemple, de « recentrer les compétences des SAFER sur leur cœur de métier et encadrer davantage les pouvoirs coercitifs dont elles disposent. ».

Il ne s’agit pas de jeter le soupçon sur les SAFER. En effet, que resterait-il aujourd’hui de surface agricole sans leurs interventions ? Toutefois, l’augmentation de leurs pouvoirs doit s’accompagner d’une certaine transparence quant à leur fonctionnement. Cela correspond d’ailleurs à une des recommandations de la Cour des comptes sur ce sujet. Je suis heureux de constater, monsieur le ministre, que vous avez retenu plusieurs de nos propositions dans ce projet de loi. Je ne citerai que la rationalisation de la gouvernance des SAFER, judicieusement améliorée.

Je dirai un mot concernant le contrôle des structures : je ne suis pas partisan des mesures qui rendraient trop complexe l’élaboration des documents d’urbanisme pour les élus locaux. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion des amendements. (M. le ministre opine.)

Monsieur le ministre, je partage l’économie générale du texte qui consiste à donner, pour l’avenir, les moyens à tous les acteurs du monde rural de faire plus en faisant mieux. Nous espérons convaincre la Haute Assemblée d’approuver plusieurs amendements, afin de pouvoir voter avec plus de conviction et de sérénité cet excellent projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Conviction et sérénité ! Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que ce projet de loi, malgré ses ambitions affichées, ne réponde ni aux difficultés que traverse notre agriculture ni aux inquiétudes et aux attentes des agriculteurs et de la filière de transformation.

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Dominique de Legge. L’article premier déroule, sur le mode d’un inventaire à la Prévert, une succession d’objectifs pleins de bons sentiments, plus louables et consensuels les uns que les autres,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ce n’est déjà pas si mal !

M. Dominique de Legge. … mais dont on ne voit aucune traduction juridique opérationnelle dans le corps du projet de loi.

Le Premier ministre émettait ici même, hier, le souhait d’une loi moins bavarde. Je crains que ce texte ne soit pas à la hauteur de ce vœu !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il le sera si l’on ne vote pas trop d’amendements ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique de Legge. Assigner autant de finalités à la politique agricole et de l’alimentation, n’est-ce pas prendre le risque d’en faire un outil au service de causes contradictoires et bien éloignées du sujet, alors que, plus que jamais, on attendait l’affirmation de quelques principes et leur traduction concrète ?

Je ne vois également rien dans ce texte qui aille dans le sens du « choc de simplification » annoncé par le Président de la République. Bien au contraire, je découvre au fil des articles de nouvelles procédures, de nouvelles normes et de nouvelles contraintes, comme à l’article 20, ou à l’article 3, qui crée les groupements d’intérêt économique et environnemental. Aucune étude d’impact n’a d’ailleurs pu évaluer les conséquences de la création de ces nouvelles structures.

Aux articles 4 et suivants, l’obligation de déclaration sur les engrais azotés, l’obligation de déclaration préalable trois ans avant le départ en retraite et toutes les obligations accompagnant le bail environnemental imposent des contraintes supplémentaires pesantes pour les agriculteurs.

En somme, je ne trouve dans ce projet qu’un encadrement administratif plus strict et une complexification des démarches, alors que la simplification de l’exercice de leur activité ou de leur installation est une revendication récurrente des agriculteurs.

Dans le même ordre d’idée, l’extension des prérogatives des SAFER, dont vous faites des instruments d’intervention généraliste bien au-delà de leur objectif initial d’amélioration des structures, est porteuse de confusion. Vous vous inquiétez de voir se mettre en place des montages ou des procédures juridiques ayant pour effet de les contourner ; mais peut-être devriez-vous vous interroger sur les raisons qui conduisent les agriculteurs eux-mêmes à cela !

Dans notre droit, la règle est la liberté du commerce et des échanges, et la préemption doit demeurer l’exception, justifiée par l’intérêt général. Les nouvelles attributions que vous conférez aux SAFER ne manqueront pas de mettre en concurrence ces dernières avec les établissements publics fonciers régionaux, mais pourront également se retourner contre les agriculteurs eux-mêmes, pour qui le foncier représente souvent le fruit d’une épargne construite par le travail de toute une vie et dont ils peuvent souhaiter disposer à leur guise au moment de la retraite.

Je ne vois pas davantage de mesures qui pourraient, dans l’esprit du pacte de responsabilité, apporter une réponse aux questions de compétitivité des entreprises agricoles et agroalimentaires. La filière agricole est sans doute celle qui s’est mobilisée le plus pour réaliser des investissements motivés par des considérations ou des contraintes environnementales, certes souhaitables, mais sans effet sur l’amélioration de la rentabilité des entreprises. Je ne vois rien dans le texte qui participe d’un engagement à ne plus imposer aux agriculteurs et à la filière des contraintes supérieures à celles de nos partenaires européens.

Concernant ce chapitre de l’écologie, notre commission a su, fort heureusement, rééquilibrer le texte initial en rappelant que le développement durable reposait sur un triptyque, les éléments environnementaux, économiques, et sociaux devant être considérés à parts égales.

Je crains que la promotion des circuits courts et de l’agriculture biologique ne nous dispense de répondre à une question, toujours esquivée pour ne pas fâcher certains lobbies, et pourtant essentielle : celle du potentiel de production.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il faut de tout !

M. Dominique de Legge. Si aucune évolution ni aucune diversification ne doivent être écartées, toutes les exploitations n’ont pas vocation à se restructurer vers les circuits courts et l’agriculture biologique, ne serait-ce que parce qu’il n’existe pas de marché correspondant, et qu’il faudrait alors renoncer à nos exportations.

S’agissant du potentiel de production, je ne connais pas d’agriculteur qui n’ait le souci de la préservation de son outil de travail, qu’est la terre, ni de son cadre de vie, qu’est son environnement.

Dois-je rappeler que la fermeture d’un abattoir en Bretagne a plusieurs causes, dont la première est une moindre compétitivité, due aux charges et à l’excès de réglementation qui pèsent sur l’entreprise, mais qu’elle s’explique aussi par la diminution du nombre d’animaux à abattre ? Depuis dix ans, le pouvoir régional n’a eu de cesse de conditionner ses aides à la diminution du potentiel de production, sans pour autant l’avouer. Pourtant, les faits sont là !

Le résultat ? Passer de vingt-cinq millions à vingt-deux millions de têtes de porcs ne peut qu’emporter des conséquences en aval ! Notre industrie agroalimentaire, qui s’est développée à proximité des lieux de productions et qui, à ce titre, a souvent été considérée comme non délocalisable, ne peut qu’être affectée par cette évolution. Je déplore que ceux qui s’émeuvent le plus du chômage dans l’industrie agroalimentaire, soient souvent les plus virulents à exiger la diminution du potentiel de production.

Monsieur le ministre, j’ai participé aux réunions que vous avez organisées avec les parlementaires bretons avant que n’éclatent les crises que l’on sait. Je vous ai entendu dire que le maintien du potentiel de production et la réduction des normes étaient les conditions de la survie de bon nombre d’exploitations et des industries agroalimentaires. Je vous ai entendu, avec le Premier ministre d’alors, dire au SPACE de Rennes, le salon des productions animales, que de nouveaux textes, concernant notamment les zones d’excédent structurel, ou ZES, sortiraient rapidement. Je vous ai entendu, lors de la rédaction de ce qui a été appelé le pacte d’avenir pour la Bretagne – un pacte de plus ! –, affirmer que des initiatives seraient engagées pour permettre à nos exploitations de continuer à produire et à nos entreprises de rester performantes.

Dans le texte que vous nous présentez, je ne vois en rien la traduction de toutes ces promesses. Dans le mot « pacte », il y a aussi le mot « acte » ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Didier Guillaume, rapporteur, applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la discussion de ce qui sera certainement la grande loi du quinquennat, portant sur l’agriculture et sa modernisation.

Il nous faut donc saisir cette occasion – en gardant à l’esprit qu’elle sera peut-être la seule avant longtemps – pour mieux protéger la santé des agriculteurs et des riverains d’exploitations, les consommateurs et leur alimentation, l’environnement et la santé animale, des méfaits graves et avérés des pesticides.

En octobre 2012, la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, dont j’ai demandé la création et dont j’ai été la rapporteur, rendait ses conclusions, approuvées sur ces travées à l’unanimité. Au terme de sept mois de travail et d’une centaine d’auditions, ce rapport dressait un tableau assez alarmant de la situation sanitaire liée aux pesticides en France.

Ce rapport, parmi ses constats majeurs, établissait que les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont encore sous-évalués ; que le suivi des produits pesticides après leur mise sur le marché n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels ; que les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques qu’ils font peser sur leurs utilisateurs comme sur le reste de la population ; que les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles ne prennent pas suffisamment en compte la problématique de santé.

Dès lors, je me réjouis que le projet de loi prenne la mesure de ces constats graves, en retenant notamment, sur certains points, les recommandations de la mission d’information. Je veux remercier le ministre et son cabinet pour la disponibilité et l’écoute dont ils ont constamment fait preuve durant les mois de travail de la mission parlementaire comme par la suite.

Venons-en à ces mesures. Outil précieux pour la collecte des données de terrain, le dispositif de phyto-pharmacovigilance, dont la création a été recommandée par la mission, permettra de surveiller avec précision les effets en situation réelle des produits phytopharmaceutiques.

Complémentaire, la mise en place d’un suivi post-AMM, que réclamait également la mission commune d’information, permettra d’en finir avec une anomalie sanitaire, certains produits, une fois autorisés sur dossier, ne faisant l’objet d’aucun contrôle pendant des années.

Bien que ce principe soit imparfaitement consacré, le projet de loi a également le mérite d’affirmer que la vente de pesticides doit être accompagnée de conseils d’utilisation et de précaution délivrés par des professionnels formés.

Corrélativement à ces mesures d’encadrement et de réglementation, les dispositions destinées à favoriser l’essor des méthodes alternatives en encourageant le développement des produits de bio-contrôle ne sont pas oubliées dans le projet de loi.

Ce train de mesures, que je n’ai pas le temps d’examiner plus en détail, permettra d’engager un véritable basculement vers la lutte intégrée et la réduction de la consommation de produits phytosanitaires.

De manière plus générale, nous faisons, avec ce projet de loi, le pari de l’agroécologie : preuve que la prise en compte des problématiques de santé et d’environnement, loin de s’y opposer, est bien complémentaire du souci de moderniser l’agriculture de notre pays et d’apporter des solutions aux besoins économiques de nos agriculteurs.

Les sénateurs du groupe socialiste enrichiront le projet de loi en défendant plusieurs amendements portant sur des questions importantes. Je pense en particulier à la définition des sanctions en cas de fraude ou de trafic illégal de produits pesticides et à la possibilité d’introduire des distances de sécurité entre des habitations et les zones d’utilisation de produits phytosanitaires. Je pense aussi à la prise en compte des adjuvants dans les décisions d’AMM de l’ANSES et au renforcement des pouvoirs de contrôle et d’information du Parlement à l’égard de cette agence.

Concernant l’ANSES, j’espère bien que, au moment de la refonte de ses prérogatives, le ministre pourra nous donner des garanties sur les moyens qui lui seront accordés, en particulier sur la levée des plafonds d’emplois. Ce point est crucial et fondamental pour la réussite des missions que nous souhaitons lui confier.

Toutefois, je tiens à exprimer deux regrets.

En premier lieu, j’estime que la restriction de la publicité qui semble se dessiner à ce stade de la discussion est insuffisante. En effet, l’enjeu central d’une politique visant à réduire les risques liés aux pesticides reste celui de la diminution des volumes consommés, un résultat qu’on est aujourd’hui bien loin d’obtenir. Or ce changement de paradigme ne pourra pas se produire si nous continuons de laisser les pesticides être présentés aux agriculteurs comme des produits miracles.

En second lieu, je constate que le projet de loi comporte peu d’avancées en ce qui concerne le dépistage, la reconnaissance et la compensation des maladies professionnelles. Mes chers collègues, nous ne devons pas abandonner cet objectif fondamental : j’espère qu’il sera mieux pris en compte lors de la suite de l’examen du projet de loi, mais aussi dans les prochains textes relatifs à la santé.

Enfin, je profite de ma présence à la tribune pour exhorter le ministre à porter au niveau européen une voix de la France qui soit ambitieuse, comme il a su si bien le faire dans d’autres dossiers. Je pense en particulier à la stratégie sur les perturbateurs endocriniens, qui, en dépit des blocages de la Commission européenne, doit impérativement être relancée.

De même, il serait important de plaider pour la création d’un fonds de recherche public et indépendant dans le domaine de la santé ; ce fonds devrait être financé par les industriels et disposer de moyens suffisants pour réaliser des études d’envergure indépendantes sur les risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés.

M. Joël Labbé. Très bien !

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le ministre, mes chers collègues, si j’appelle à amplifier l’orientation prise, je ne minimise pas l’ampleur des avancées que nous allons opérer. Aussi suis-je heureuse de constater que le travail de notre mission commune d’information porte ses fruits. C’est pourquoi je voterai le projet de loi avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Merci !

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – c’est ainsi qu’il s’intitule ! – dont nous allons débattre dans les heures et les jours qui viennent appelle de ma part quelques commentaires. À cet égard, permettez-moi de souligner deux points essentiels.

D’abord, il faut reconnaître que le champ est devenu un espace social, selon l’expression de M. Babusiaux, ancien directeur du Conseil national de l’alimentation.

En d’autres termes, l’agriculture, désormais, est aussi productrice de biens publics : les paysages, l’eau, l’air. Pour autant, cette réalité sociétale ne doit pas nous faire oublier que la mission première de l’agriculture reste de produire et donc de nourrir les hommes.

Ensuite, nous ne pouvons pas parler de politique agricole sans replacer l’agriculture française dans son contexte européen, ni, parallèlement, sans considérer la politique que mènent les États-Unis, déterminée par le Farm Bill, adopté par le Congrès le 4 février dernier. De ce double point de vue, que constate-t-on ?

L’Europe consacrera 385 milliards d’euros à la PAC au cours de la période 2014-2020, soit 55 milliards d’euros par an, quand les États-Unis affecteront à leur agriculture 956,4 milliards de dollars, soit un peu moins de 700 milliards d’euros, en dix ans, c’est-à-dire 70 milliards d’euros par an.

L’Europe, et donc la France, a globalement découplé ses aides à la production, tandis que les États-Unis font l’inverse.

On constate également que l’Europe ne garantit pas véritablement le revenu de ses agriculteurs, alors que les États-Unis le font, au risque d’être en délicatesse, voire en contradiction, avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce.

M. Charles Revet. Ce n’est pas leur problème !

M. Jean Bizet. Nous n’ignorons pas que les crédits d’intervention sont passés, en un quart de siècle, de près de 80 % à 5 % des crédits de la PAC. En d’autres termes, gouvernement après gouvernement – toutes sensibilités politiques confondues –, les fonds publics diminuent, laissant les agriculteurs de plus en plus soumis aux fluctuations et aux règles du marché.

Si, en tant que libéral, cette situation ne me heurte pas fondamentalement, je m’inquiète toutefois des disparités entre les deux côtés de l’Atlantique : demain, les farmers américains, dotés d’une garantie de revenu assez forte, seront mieux armés que les agriculteurs français pour aborder l’avenir.

Permettez-moi, monsieur le ministre, d’ajouter un autre motif d’inquiétude : notre incapacité, gouvernement après gouvernement, là encore, à assurer autant que faire se peut un minimum d’équité dans le partage de la valeur ajoutée, de l’amont à l’aval. J’irai même plus loin : la stratégie politique des prix bas menée par le leader de la grande distribution française est dangereuse à moyen et long terme pour les consommateurs eux-mêmes ; à court et moyen terme, elle est dévastatrice pour nos outils de transformation, dont la restructuration, la modernisation et l’agrandissement sont sans cesse reportés, faute de marges financières suffisantes.

Notre collègue Dominique de Legge ayant exposé ce problème il y a quelques instants, je me contenterai de vous rappeler que, en l’espace de six mois, la grande distribution a accepté, en Allemagne, trois augmentations successives du prix des matières premières laitières, alors qu’aucune évolution n’est intervenue en France. (M. Didier Guillaume, rapporteur, acquiesce.) En d’autres termes, la grande distribution française sera comptable, demain, de la non-modernisation et de la non-restructuration de nos outils de transformation.

Monsieur le ministre, vous êtes trop averti des problématiques agricoles pour ignorer que les drames bretons, qui sont loin d’être résolus, tiennent essentiellement à ce problème, qui risque de gagner l’ensemble du territoire national, notamment dans la filière de la viande blanche et dans la filière laitière.

Ce projet de loi d’avenir, avec les GIEE, le bail environnemental et la modification fondamentale du rôle de l’ANSES, constitue, à mes yeux, un rendez-vous manqué ; je le regrette, et les agriculteurs français plus encore.

Monsieur le ministre, je vous invite à ne pas manquer un autre rendez-vous : celui qui est programmé à mi-parcours de la PAC, en 2016. Plus qu’un rendez-vous de mi-parcours, il faudra sans doute en faire un rendez-vous destiné à accompagner et à encourager davantage les agriculteurs en matière de productivité et de compétitivité.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean Bizet. En effet, le temps économique est beaucoup plus rapide que le temps politique. Que l’on adopte pour sept ans une stratégie aussi différente de celle de notre principal concurrent m’inquiète, et ce d’autant plus que nous sommes dans un monde de compétition. Loin d’opposer nos agriculteurs – M. le rapporteur Didier Guillaume a très clairement souligné la nécessité de préserver nos produits sous signe de qualité –, il convient de conforter et de développer plus encore qu’aujourd’hui la productivité, la compétitivité et la capacité d’exportation de l’agriculture et de l’agroalimentaire français, sources d’emplois dans nos territoires.

Monsieur le ministre, vous l’avez deviné : votre projet de loi manque de souffle. Il me laisse sans voix : j’en suis désolé, vous n’aurez pas la mienne ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le titre IV du projet de loi, qui regroupe les articles 26 à 27 ter.

Ces dispositions consacrées à l’enseignement agricole sont centrales, puisque notre système d’enseignement et de recherche devra s’affirmer comme le pilier de la transition agroécologique portée par ce projet de loi, au service d’un double objectif : performance économique et écologique.

Le titre IV traite de trois enjeux majeurs : l’agroécologie, la promotion sociale par l’enseignement agricole, ainsi que les dimensions européenne et internationale.

D’abord, il faut favoriser l’agroécologie, en formant à produire autrement. Pour ce faire, nous avons besoin d’une meilleure articulation des missions des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles et de leurs exploitations avec les orientations des politiques publiques pour l’agriculture. Il convient aussi de prévoir l’obligation d’inscrire la coopération internationale dans le projet d’établissement.

Ensuite, il convient de renforcer l’enseignement agricole comme outil innovant de promotion sociale, dans la logique de la refondation de l’école. Cette politique passe par l’acquisition progressive des diplômes, l’alignement des bourses sur le droit commun et l’ouverture des écoles d’ingénieurs aux bacheliers professionnels par la création d’une voie d’accès spécifique, ainsi que par le développement de la mobilité internationale.

Enfin, nous devons développer les coopérations thématiques renforcées sur la base du volontariat des acteurs, consolider la capacité d’expertise et accroître la visibilité internationale de notre enseignement supérieur agricole et de la recherche dans ce domaine.

Tel est l’objectif de la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAV2F.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Excellent organisme !

M. Jacques-Bernard Magner. En effet, monsieur le rapporteur, car il permettra d’approfondir la coopération entre les acteurs de la recherche et de la formation agronomiques et vétérinaires, entamée via l’actuel établissement public de coopération scientifique, Agreenium.

La création de ce nouvel institut répondra, avec la mise en œuvre des orientations stratégiques nationales, à une double exigence : atteindre la masse critique nécessaire au rayonnement international, tout en conciliant le maintien de l’identité de chaque établissement et de sa politique de site.

Le groupe socialiste a mené de nombreuses auditions sur ce sujet ; il a notamment entendu des représentants des écoles vétérinaires, des écoles agronomiques et des syndicats. Nous avons constaté qu’il existait un large consensus sur la nécessité d’accroître le travail en commun des différents acteurs et sur la mission de pilotage stratégique qui doit être confiée à l’institut.

Nous avons également entendu la demande de clarification sur la structuration et la gouvernance de l’institut, avec, cependant, un impératif : il ne faut pas confondre gouvernance et coopération thématique. Nous n’avons pas besoin d’une grosse structure administrative : l’IAV2F doit être, avant tout, une structure fédérative, de coordination opérationnelle, capable de développer une dynamique de projets.

En devenant un établissement public à caractère administratif, l’IAV2F bénéficiera d’une véritable autonomie juridique, administrative et financière, qui lui permettra de mener à bien ses missions ; un directeur nommé par décret sera placé à sa tête et un conseil d’administration déterminera sa politique.

Monsieur le ministre, nous avons déposé plusieurs amendements à l’article 27 tendant, notamment, à mettre en place deux structures chargées d’épauler le conseil d’administration de l’IAV2F et d’alléger sa composition et ses missions : le conseil d’orientation stratégique et le conseil des membres. L’adjonction de ces deux instances permettra d’assurer la représentativité de toutes les composantes et de tous les membres de l’institut, tout en garantissant un fonctionnement opérationnel.

Nous proposons que le conseil d’orientation stratégique soit composé de personnalités qualifiées françaises et étrangères. Quant au conseil des membres, il réunirait un représentant au moins de chacun des membres de l’IAV2F. Associé à la préparation des travaux et à la mise en œuvre des décisions du conseil d’administration, il sera également consulté par celui-ci préalablement à l’adoption du programme de travail et du budget de l’institut.

Comme vous l’avez affirmé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, l’enseignement agricole est l’un des outils fondamentaux pour faire progresser l’agroécologie. Le titre IV du projet de loi est porteur d’une ambition forte pour l’enseignement agricole, qui doit être la matrice d’anticipation de nouveaux modèles de production et de nouvelles pratiques pour les futurs chefs d’exploitation.

M. Jacques-Bernard Magner. Il permet, par ailleurs, à chacun de s’approprier les objectifs de participation au service public numérique, ainsi que d’accéder aux aides à la mobilité internationale.

La création de I’IAV2F participe, enfin, à assurer la structuration verticale de l’enseignement agricole, des débuts de la formation jusqu’aux plus hauts niveaux de l’enseignement et de la recherche.

C’est une belle ambition qui est portée par votre projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, monsieur le ministre. Nous la soutenons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a été préparé avec sérieux par les services du ministère de l’agriculture, et examiné de manière approfondie par les rapporteurs et les différentes commissions du Sénat, qui se sont prononcées. Néanmoins, c’est un projet dont on peut dire qu’il porte mal son nom.

M. Philippe Bas. Il s’agit plutôt d’un texte portant diverses mesures d’ordre agricole et sylvicole.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Philippe Bas. Certaines de ses dispositions, sans être révolutionnaires, ni même à la hauteur des enjeux de la production agricole dans notre pays, sont positives et bénéfiques. D’autres, parce qu’elles sont inspirées par une approche assez punitive de l’écologie, devront être, de notre point de vue, si ce n’est être amendées, du moins, le plus souvent malheureusement, rejetées.

Il est vrai que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche…

M. Charles Revet. C’était une très bonne loi !

M. Philippe Bas. … n’a été votée que depuis quelques années. L’exercice consistant à vouloir refonder la politique agricole de notre pays était, en réalité, du fait de l’ampleur de ce texte, hors de portée.

Avant tout, je veux souligner que l’avenir de l’agriculture dépend d’abord des agriculteurs eux-mêmes !

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Philippe Bas. Je suis heureux de constater que le mot « compétitivité » n’est plus aujourd'hui à proscrire quand il est question de politique agricole. Au contraire, l’ensemble des agriculteurs de notre pays se reconnaissent dans cet objectif, et ils ont raison. Si la politique agricole commune reste essentielle pour le développement des exploitations, les recettes qu’elle apporte à l’agriculture représentent, il faut s’en souvenir, 11 % du total des recettes d’exploitation. Par conséquent, l’essentiel pour nos agriculteurs est la manière dont leur activité sera confortée grâce à la formation, l’innovation, la modernisation des exploitations et l’installation des jeunes agriculteurs.

À cet égard, les évolutions structurelles qu’a connues notre agriculture depuis une vingtaine d’années doivent se poursuivre même si beaucoup d’entre elles soulèvent des questions aujourd'hui sans réponse. Le nombre total des exploitations a diminué fortement en vingt ans, puisque la baisse est de 50 %. Les exploitations de grande taille représentent désormais un tiers des exploitations ; elles doivent coexister avec des structures familiales plus modestes, elles aussi appelées à se transformer et à grandir.

En dix ans, le nombre de jeunes de moins de quarante ans qui se sont installés est passé de 34 % à 23 %. La moyenne d’âge des agriculteurs est de cinquante ans, ce qui entraînera de profondes modifications pour nos exploitations dans les dix ou quinze ans à venir. En cinquante ans, la France a perdu près de 20 % de sa surface agricole utile. Notre agriculture doit donc relever un grand nombre de défis. Or je ne trouve pas dans le projet de loi de réponse majeure à l’ensemble de ces questions.

M. Roland Courteau. Relisez-le !

M. Philippe Bas. Certes, il est possible que ce texte contienne quelques améliorations – nous aurons l’occasion d’en discuter –, mais aucune des dispositions prévues n’est ambitieuse au point de lui valoir l’appellation qui est la sienne, une loi d’avenir !

S’agissant de la formation, un certain nombre de points concrets auraient pu être abordés. La sécurité au travail crée aujourd'hui des difficultés : les apprentis ne peuvent plus monter sur un escabeau ? (M. Bruno Sido s’esclaffe.) La rémunération des stagiaires dissuadera également beaucoup de nos agriculteurs.

Par ailleurs, le projet de loi ne prend pas en compte les maisons familiales rurales,…

M. Charles Revet. Très juste !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Mais si !

M. Philippe Bas. … alors qu’il traite pourtant de la question de l’enseignement. Il faut valoriser les maisons familiales rurales, car elles jouent un rôle très important dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Philippe Bas. En matière d’environnement, aucune mesure n’est prévue pour accompagner financièrement les agriculteurs dans leurs investissements pour le stockage des effluents, par exemple.

De plus, rien n’est envisagé pour l’entretien des cours d’eau et l’autorisation de nouvelles retenues d’eau. Et si je constate, heureusement, que l’ANSES sera dotée des pleins pouvoirs s’agissant des autorisations de mise sur le marché des pesticides, il n’en ira pas de même s’agissant de la question essentielle des semences OGM, sujet à propos duquel la politisation des décisions vient de nouveau d’être démontrée, alors que le principe de décision reposant sur l’expertise devrait être appliqué.

Enfin, je me réjouis que notre rapporteur Philippe Leroy…

M. Charles Revet. Excellent rapporteur !

M. Philippe Bas. … ait amorcé des discussions pour rapprocher chasseurs et sylviculteurs, tout en reconnaissant qu’ils sont déjà proches en réalité. Néanmoins, l’inquiétude des chasseurs sur un certain nombre de dispositions relatives à la gestion de la forêt française doit être entendue. C’est aujourd'hui un impératif majeur.

Voilà, en quelques mots, l’essentiel des remarques que je voulais formuler, mêlant à la fois les questions concrètes aux réponses ambitieuses que nous devons apporter aux grands enjeux qui se posent pour l’avenir de notre agriculture.

J’aurais voulu évoquer la filière équine, malmenée par les dispositions malheureusement prises en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Philippe Bas. Nous ne pouvons pas laisser cette filière sans réponse, car elle est aujourd'hui en difficulté ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. 20 millions d’euros !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’en déplaise à certains orateurs précédents,…

M. Bruno Sido. Ça commence bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. … j’ai, pour ma part, la conviction que le texte dont nous discutons aujourd’hui porte une vision nouvelle pour notre agriculture, qui se veut en cohérence avec notre modèle de société en pleine évolution.

C’est ce contexte particulier que j’ai délibérément choisi d’aborder. Il renvoie, en toute logique, aux problématiques des jeunes agriculteurs, de leur formation, de leur installation et de leurs modes de fonctionnement. Bref, vous l’aurez compris, mes chers collègues, à mes yeux, ce texte fait délibérément le pari de l’avenir ! (Marques d’amusement sur les travées de l'UMP.) L’intitulé de ce projet de loi « d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt » n’est donc ni fortuit ni le fruit du hasard, n’en déplaise, je le répète, aux sceptiques qui se trouvent à droite de l’hémicycle…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Tout à fait ! C’est clair !

M. Jean-Jacques Mirassou. Hier soir, l’un des vôtres, chers collègues de l’opposition, n’a pas hésité à déclarer qu’un certain nombre de lois déjà anciennes étaient magnifiques, tout en reconnaissant dans la même phrase que la situation de notre agriculture était catastrophique ! Choisissez mieux vos arguments !

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est vrai !

M. Charles Revet. Oui, mais le contexte a changé !

M. Jean-Jacques Mirassou. Quoi qu’il en soit, tout le monde partage le même constat : confrontée à la mondialisation, l’agriculture française a perdu des parts de marché. Elle doit donc renforcer sa compétitivité. Dans le même temps, elle peut et doit valoriser les espaces ruraux, qui ont besoin d’un tissu d’exploitations vivant, où les agriculteurs bénéficient enfin de bonnes conditions de travail et de vie. Ces derniers le méritent, car ils sont, tout le monde s’accordera à le reconnaître, la clef du dynamisme d’un secteur économique stratégique pour notre pays.

Dans ce texte, monsieur le ministre, vous mettez en avant un nouveau concept qui vous tient particulièrement à cœur – on le comprend –, car il est, selon moi, puissamment novateur : je veux parler de l’agroécologie.

Votre ambition est d’ouvrir la voie d’une agriculture conjuguant performance économique et écologique de façon complémentaire et sans ambiguïté entre les deux termes.

Je peux comprendre les doutes ou les hésitations du monde agricole qui ont été exprimés hier soir par notre collègue Alain Bertrand, car les agriculteurs voient toujours arriver avec un peu de crainte un nouveau concept. Néanmoins, j’ai tout de même la faiblesse de penser que l’agroécologie permettra de réconcilier l’agriculture avec les acteurs à l’autre bout de la chaîne, à savoir les consommateurs. Nous ne pourrons pas faire l’économie de cette réflexion.

La création des groupements d’intérêt économique et environnemental symbolise parfaitement, en tant qu’outils, cette approche intégrée. Ils ont d’ailleurs été renforcés dans leur dimension sociale par notre rapporteur Didier Guillaume.

Le souci concernant le quotidien des agriculteurs apparaît nettement dans un texte qui favorise par définition – il y est question d’avenir ! – l’installation des jeunes.

Je veux citer, par exemple, l’extension jusqu’à trente ans du contrat de génération pour l’agriculture, qui constitue une initiative précieuse, afin de répondre au problème préoccupant de la baisse de la population agricole évoqué par les uns et par les autres. En effet, le taux de remplacement de l’ancienne génération est bloqué à un peu plus de 60 %, alors que le nombre total d’exploitations agricoles est passé de 660 000 à 490 000 entre 2000 et 2010.

L’autre défi que vous entendez relever, monsieur le ministre, concerne la formation des jeunes agriculteurs, mais aussi la recherche et l’innovation, afin de faire face aux enjeux du XXIe siècle. C’est ce que vise à garantir la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, qui permettra la valorisation de l’excellence française dans ces domaines.

Je me félicite, enfin, qu’une demande ancienne ait été satisfaite, puisque le texte entend donner un nouveau cadre et un nouveau départ à l’enseignement agricole, qui restera fort légitimement – c’est fondamental ! – dans le giron du ministère de l’agriculture. Les passerelles pour les jeunes entre les bacs professionnels et l’enseignement supérieur constituent, par ailleurs, une précieuse avancée.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que je voulais dire en quelques minutes. Je suis persuadé que le débat qui s’ouvre, parce qu’il est passionnant, confortera l’enthousiasme des uns et nivellera peut-être le scepticisme des autres. Pour ce qui nous concerne – est-il besoin de le préciser ? –, nous apporterons un soutien sans faille à ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, permettez-moi, avant toute chose, de vous féliciter de votre reconduction en tant que ministre de l’agriculture. (Mme Sophie Primas applaudit.)

Comme mes collègues UMP ont eu l’occasion de l’évoquer largement avant moi, ce texte contient beaucoup de déclarations d’intention, mais est décevant sur les vrais sujets. Il manque surtout d’ambition, d’audace et de concret.

Il ne prévoit rien sur la compétitivité de notre agriculture, rien sur l’innovation et la recherche, rien sur la baisse des charges et la réduction des normes qui pèsent sur notre agriculture ! Je me demande, d’ailleurs, en quoi ce texte est un projet de loi d’avenir (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bruno Sido. Très juste !

M. Rémy Pointereau. … quand j’entends parler d’agriculture vivrière comme autrefois, de limitation des surfaces, sans se préoccuper des zones intermédiaires, ou quand j’entends dire que, même avec 150 hectares, un agriculteur doit travailler seul sur l’exploitation et que son épouse doit avoir un emploi à l’extérieur pour que le ménage puisse s’en sortir !

M. Charles Revet. Eh oui !

M. Rémy Pointereau. Certes, nous devons dépasser les oppositions systématiques entre les différentes filières de l’agriculture – le bio et le conventionnel, l’élevage et les céréales, les circuits courts et les circuits longs, l’agriculture de montagne et les grandes cultures – et promouvoir une approche faisant de notre diversité une richesse, un facteur d’excellence, en recherchant le meilleur pour chaque filière, sans les opposer les unes aux autres.

La seule question que nous devons nous poser aujourd’hui est la suivante : voulons-nous continuer à avoir une agriculture dynamique, exportatrice, qualitative, qui puisse enrichir la balance commerciale française, ou voulons-nous continuer à perdre des parts de marché ?

Voilà trois ans, nous étions le premier producteur-exportateur européen et le troisième producteur-exportateur mondial. Nous sommes aujourd’hui respectivement en deuxième et en cinquième positions.

Une dimension fait défaut à ce projet de loi : celle de la stratégie que nous souhaitons mettre en place pour la « ferme France » et pour chacune de ses filières.

On a l’impression, avec ce texte, que, sans l’agroécologie, point de salut ; qu’il suffit d’ajouter partout le « e » du mot environnemental – bail environnemental, groupement d’intérêt économique et environnemental – pour faire croire que cela va régler tous les problèmes. C’est finalement un projet de loi rédactionnelle, de sigles, un repli sur soi, un projet de loi « small is beautiful ».

M. Roland Courteau. Oh là là !

M. Rémy Pointereau. C’est un projet de loi dénué de bon sens. Ce que veulent les agriculteurs, c’est que vous veilliez à ce que toutes les normes environnementales adoptées en France correspondent strictement aux textes européens, ni plus ni moins, sans chercher à les anticiper, ni à les durcir sur le plan national.

Je prendrai un seul exemple, récent, tiré de mon département du Cher, celui d’agriculteurs qui ne peuvent même plus entretenir leurs cours d’eau, leurs fossés, après cet hiver humide, pour assainir leurs champs sous peine de voir débarquer les agents de la police de l’eau, l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, colts à la ceinture,…

M. Bruno Sido. Des cow-boys !

M. Rémy Pointereau. … pour les sanctionner, en leur délivrant des amendes exorbitantes, comme de vulgaires malfrats.

M. Bruno Sido. Exact !

MM. Charles Revet et Gérard Bailly. Tout à fait!

M. Rémy Pointereau. Les agriculteurs ne supportent plus d’être des suspects permanents aux yeux de certaines administrations.

Vous en rajoutez encore une couche avec ce texte : alors qu’ils tiennent un carnet d’épandage d’engrais et de produits phytosanitaires, vous demandez aux organismes stockeurs de vous indiquer les quantités vendues de ces engrais par bassins versants au cas où les agriculteurs tricheraient.

M. Rémy Pointereau. Concernant les groupements d’intérêt économique et environnemental, grâce aux efforts des agriculteurs, la pratique de l’agriculture raisonnée progresse d’année en année, avec l’arrivée des GPS, des cartographies des sols, où les dosages des engrais et des produits phytosanitaires sont réalisés à la bonne dose là où il faut, sans les excès d’autrefois.

Ces agriculteurs, vous l’avez dit, monsieur le ministre, sont déjà organisés avec les CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les GIE, les groupements d’intérêt économique, les groupements d’employeurs, pour mener des projets, mutualiser des moyens, acheter au meilleur prix, et n’ont pas attendu qu’on ajoute un « e » pour plaire à nos amis écologistes.

M. Rémy Pointereau. Pourquoi créer ce nouvel instrument qu’est le GIEE, avec une définition beaucoup trop floue pour être efficace ?

L’installation des jeunes devrait être le point essentiel de ce projet de loi, car, aujourd’hui, on le voit bien, cette installation est toujours aussi complexe et difficile sur le plan financier, que ce soit dans le cadre familial ou en dehors.

Dans ce texte, on ne voit pas véritablement de volonté politique pour encourager l’installation de nos jeunes.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ce n’est pas ce que disent les jeunes agriculteurs !

M. Rémy Pointereau. Rien sur la simplification des dossiers, véritable parcours du combattant pour nos jeunes ! Et j’en parle en connaissance de cause, puisque je suis en train d’installer un jeune en ce moment.

Les aides sont insuffisantes au regard des investissements lourds nécessaires pour reprendre une exploitation, avec un retour sur investissement au bout de douze à quinze ans au minimum. Les taux d’emprunt des prêts jeunes agriculteurs sont finalement les mêmes que ceux du marché.

S’agissant de l’accès au foncier, je ne suis pas sûr que ce soit en donnant des pouvoirs exorbitants aux sociétés d’aménagement foncier que vous allez donner envie aux propriétaires de favoriser l’installation des jeunes, au contraire !

Les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ont certes joué un rôle très important depuis leur création, en 1961, par Edgar Pisani, alors ministre de l’agriculture, jusqu’à ce jour. Elles ont permis d’aider au remembrement et à l’aménagement foncier des exploitations, à leur restructuration, ainsi qu’à l’aménagement du territoire dans le cadre de grandes infrastructures routières et ferroviaires.

Aujourd’hui, elles jouent toujours un rôle très important pour les collectivités locales lors de l’aménagement des zones d’activité, mais il faut qu’elles restent dans le cadre de leurs missions régaliennes. De grâce, elles n’ont pas vocation à devenir des offices fonciers tout-puissants, à l’image de ce qu’on a pu voir dans certains pays, où tout serait contrôlé et fiché, où tous les transferts de parts sociales de sociétés et de biens familiaux devraient passer sous leurs fourches caudines.

Tout en étant attaché à une agriculture familiale et à taille humaine, je considère qu’il faut, au contraire, lever un certain nombre de difficultés, en améliorant le revenu du foncier, en facilitant la mise en place de groupements fonciers agricoles privés moins contraignants et plus avantageux fiscalement, et ainsi faciliter l’accès des jeunes au foncier.

Tels sont les éléments de réflexion que je voulais vous livrer, monsieur le ministre. Ce qu’attendent les agriculteurs, c’est que vous vous battiez davantage pour porter la voix de la France au sein de l’Europe,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. On a réussi, quand même !

M. Rémy Pointereau. … que vous soyez plus combatif devant l’Organisation mondiale du commerce pour préserver les intérêts de la France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Avec l’héritage !

M. Rémy Pointereau. L’agriculture ne doit pas être la variable d’ajustement des négociations internationales.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Absolument !

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Rémy Pointereau. C’est là que se joue l’avenir de l’agriculture française ; ce n’est pas dans ce projet de loi, que je ne voterai pas, à moins que nos amendements ne soient largement retenus.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Autrement dit, faire une autre loi !

M. Rémy Pointereau. Donnez aux agriculteurs les moyens de se battre à armes égales avec leurs concurrents ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. M. Courteau va nous parler du vin ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Ça se pourrait bien ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains d’entre vous se sont dits sceptiques, perplexes et même pessimistes.

À ceux-là, je rappellerai les propos du philosophe Alain : « Le pessimisme est d’humeur, »…

M. Roland Courteau. … « l’optimisme est de volonté. » (M. Didier Guillaume, rapporteur, et M. Joël Labbé applaudissent.)

M. Philippe Bas. C’est bien trouvé !

M. Roland Courteau. Notre collègue Jean-Jacques Mirassou cite d’ailleurs très souvent ce propos. (Sourires.)

Je dirai donc à mes chers collègues pessimistes du moment que ce texte nous donne les moyens d’être optimistes pour l’avenir de notre agriculture.

Il est en effet vrai que ce projet et de loi, comme l’a rappelé l’un de nos collègues, ajouté aux nouvelles orientations de la PAC que vous avez initiées, monsieur le ministre – et je vous en félicite, car ce n’était pas acquis –, apporte une vision et définit un cap.

Ce texte fixe notamment une véritable priorité : la mutation de nos modèles de production vers l’agroécologie.

J’apprécie d’autant plus que la dimension écologique est, en effet, un élément de compétitivité, qui, de surcroît, va rendre ses lettres de noblesse à l’agriculture. (M. Joël Labbé applaudit.)

Je note que, pour la première fois, un ministre de l’agriculture fait de l’agroécologie un objectif majeur de sa politique.

J’apprécie, monsieur le ministre, que vous ayez voulu que cette agroécologie ne s’impose pas d’en haut, mais vienne du terrain, de la base et des projets collectifs.

Je pense à la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, qui est l’une des principales innovations de ce projet. En offrant un cadre souple et institutionnel aux exploitants qui s’engagent collectivement, ils permettront de reconnaître et d’encourager les innovations, afin de concilier performance environnementale et performance économique, tout en mutualisant les risques et en luttant contre le phénomène d’isolement qui touche les agriculteurs.

J’apprécie donc que vous engagiez l’agriculture française dans une transition permettant son développement, sa compétitivité, tout en respectant l’environnement.

Transition ! Le mot est lâché. Je note sur ce point que le texte qui nous est soumis, à la suite de l’adoption d’un amendement de Delphine Batho à l’Assemblée nationale, conforté utilement par la commission, engage l’agriculture dans la transition énergétique.

Certes, l’agriculture n’a pas pour vocation de produire de l’énergie. Aussi, en matière de méthanisation, nous devrons éviter certaines dérives telles que la ferme dite « des mille vaches ». (M. Daniel Dubois s’exclame.)

Cela étant précisé, s’il y a en effet la possibilité de valoriser certains sous-produits, dans une logique d’économie circulaire, et s’il y a la possibilité, par la production d’énergie, d’apporter un complément de revenus, alors oui, n’en privons pas l’agriculture française !

Mes chers collègues, l’agriculture et l’alimentation, c’est l’image de la France. Mais l’image de la France dans le monde, ce sont aussi le vin et la viticulture (Exclamations sur les travées de l'UMP.) ; le vin qui assure le rayonnement de notre pays dans le monde.

M. Philippe Bas. In vino veritas ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Le vin, c’est la France, c’est notre histoire. Le vin, produit millénaire, est d’une certaine manière l’identité de la France. Il fait partie du repas gastronomique français, lequel a été inscrit par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel et immatériel de l’humanité.

M. Bruno Sido. C’est la plus saine des boissons ! (Sourires.)

M. Philippe Bas. Avec le lait ! (Nouveaux sourires.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Et aussi avec modération ! (Mêmes mouvements.)

M. Roland Courteau. N’oublions pas, par ailleurs, que l’école française d’œnologie rayonne, elle aussi, dans le monde entier.

Voilà pourtant un produit trop souvent maltraité, voire diabolisé. C’est pourquoi je remercie le rapporteur Didier Guillaume, ainsi que la commission des affaires économiques, d’avoir adopté à l’unanimité notre amendement visant à reconnaître que le vin, produit de la vigne,…

M. Philippe Bas. Et du travail des hommes ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. … et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France.

Cet amendement faisait suite à une proposition de loi que j’avais déposée en avril 2011 avec mes collègues Jean-Jacques Mirassou,…

M. Bruno Sido. Encore lui ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. … Claude Bérit-Débat et Marcel Rainaud et réactivée en octobre dernier.

À la suite d’une erreur de dactylographie, le qualificatif « protégé », qui concernait ce patrimoine culturel, gastronomique et paysager, a disparu de l’amendement que j’avais déposé en commission en février. Je propose donc, par voie d’amendement, de réintroduire ce mot dans le texte.

Avant de conclure, je voudrais faire une remarque, monsieur le ministre, à propos de l’élevage.

J’apprécierais que l’on prenne en compte les exploitations de petite taille, au cheptel très restreint. Ces exploitations de moins de dix vaches allaitantes maintiennent la vie des hommes sur certains territoires difficiles, et il existe un indéniable risque de les voir disparaître si elles demeurent exclues du versement de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes.

Bien évidemment, je soutiendrai ce texte, qui impulse une nouvelle dynamique et de nouveaux moyens de développement à l’agriculture. Il y a là véritablement une rupture, c'est-à-dire une rupture pour une très grande mutation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, permettez au Vendéen que je suis d’adresser ses félicitations au Sarthois que vous êtes d’avoir été reconduit dans ses fonctions.

Je salue également le président de la commission des affaires économiques et les rapporteurs, qui ont fait un travail important, ainsi que l’ensemble de mes collègues.

Je veux dire à mon ami Roland Courteau qu’un pessimiste, comme dirait quelqu’un, c’est aussi un optimiste qui a un peu d’expérience.

En un peu moins de quinze ans, nous en sommes à la quatrième loi prétendant offrir un horizon à l’agriculture. C’est beaucoup.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cela veut dire que cela n’a pas toujours marché !

M. Bruno Retailleau. Ce peut être un signe négatif ou … positif et rassurant si l’on considère que cela témoigne de l’importance qu’on accorde à l’agriculture française : l’agriculture, ce sont à la fois des racines et l’avenir.

Ce peut être aussi un signe inquiétant parce que la bougeotte législative, c’est de l’instabilité. C’est en même temps le symptôme d’un mal français que l’on connaît bien : à force de modifier les textes, on change perpétuellement un environnement qui, par ailleurs, dans la compétition mondiale, ne cesse de bouger.

Pourquoi ce projet de loi, et quels effets en attend-on ? Monsieur le ministre, si votre objectif est d’aider les agriculteurs à relever les défis de la modernité du XXIe siècle, je doute que le texte que vous nous soumettez ne parvienne à surmonter trois des plus grandes contradictions dans lesquelles nos agriculteurs se débattent au quotidien.

La première contradiction, c’est que jamais il n’y a eu autant de concurrence, de dumping social, fiscal et environnemental à l’extérieur, avec une Europe toujours plus ouverte aux quatre vents, une passoire, disent certains. À l’intérieur, jamais nous n’aurons eu autant de contraintes, d’obligations, de normes imposées aux agriculteurs. C’est un dilemme d’incompatibilités pour les agriculteurs. Il faudra bien sûr réviser ce logiciel d’une ultraconcurrence.

De ce point de vue, c’est fondamental, vous devrez, me semble-t-il, informer le Parlement des discussions qui se déroulent actuellement – elles sont importantes pour notre agriculture – entre les États-Unis et l’Europe sur l’accord de libre-échange. (M. le ministre acquiesce.)

D’un côté, à l’extérieur, toujours plus d’ouverture, toujours plus de concurrence, et, de l’autre, à l’intérieur, toujours plus de tracasseries administratives.

J’ai du respect pour vous, monsieur le ministre, pour le travail que vous faites, pour votre tempérament, mais, je suis désolé de vous le dire, ce texte ajoute de la complexité à la complexité (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

M. Bruno Retailleau. … de nouvelles contraintes,…

M. Rémy Pointereau. Bien sûr !

M. Bruno Retailleau. … telles que l’étatisation de la politique d’installation, la transmission des données, les nouvelles obligations déclaratives pour les engrais azotés, etc. Moins de simplicité, plus de complexité : voilà la première contradiction.

Deuxième contradiction, jamais, dans le monde, le niveau des risques n’aura été aussi élevé ; jamais les outils de régulation n’auront autant manqué pour faire face à une telle situation.

On ne peut pas parler d’avenir de l’agriculture, mes chers collègues, sans regarder lucidement ce qu’est le monde. Or le monde qui s’offre à nous présente deux grandes mutations : le réchauffement climatique et la mondialisation.

Lisez les conclusions de l’Organisation météorologique mondiale, qui fait référence depuis 1850 : parmi les quatorze années les plus chaudes, treize appartiennent au XXIsiècle, qui n’a que quatorze ans ! En Vendée, nous en savons quelque chose avec la tempête Xynthia ! Les risques naturels et sanitaires se sont donc amplifiés.

J’en viens à la mondialisation : elle engendre une plus grande interdépendance et amplifie les événements, avec ce que l’on appelle l’effet papillon. La sécheresse en Australie, l’actualité en Ukraine ou aux États-Unis ont des effets dans le quotidien de tous nos territoires.

Qu’y a-t-il en face ? Moins de moyens de régulation ! Les outils dont s’était dotée jadis la politique européenne ont quasiment tous été abandonnés. Quel régime assurantiel pour les agriculteurs ? Le Farm Bill, Jean Bizet l’évoquait, c’est encore plus d’argent américain pour moins d’aides directes, mais plus de soutien assurantiel.

Chez nous, en Europe, le régime assurantiel est lié au stockage de l’eau, qui a permis la grande révolution néolithique. Il y aura des années de plus en plus sèches. Vous le savez très bien, pour ce qui concerne les retenues collinaires, qui sont pourtant la meilleure des assurances récoltes, les agriculteurs rencontrent d’immenses difficultés. Ce texte ne leur apporte aucune réponse.

Troisième contradiction, jamais la France n’aura autant dégringolé dans les palmarès internationaux.

M. Bruno Retailleau. Les Pays-Bas nous ont doublés, alors que les deux tiers de son territoire sont situés sous le niveau de la mer ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Renée Nicoux. Cela ne date pas d’hier !

Mme Bernadette Bourzai. Grâce à qui ?

M. Bruno Retailleau. Ma chère collègue, tout cela, ce n’est ni la gauche ni la droite ! Tout cela, c’est l’agriculture, c’est la France.

Mme Renée Nicoux. C’est facile !

M. Bruno Retailleau. On vous attend aujourd'hui au tournant. Jamais la France n’aura autant dégringolé, jamais vous n’aurez autant affaibli la compétitivité par des contraintes administratives, par le matraquage, l’assommoir fiscal. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous avez supprimé les allégements de charges pour les travailleurs agricoles, …

Mme Sophie Primas. Tout à fait !

M. Bruno Retailleau. … ainsi que la TVA sociale, qui était une membrane protectrice. (M. Gérard Larcher applaudit.)

Vous avez évoqué le discours de politique générale de Manuel Valls. Toutefois, permettez-moi de vous l’indiquer, les Allemands, en instaurant un SMIC, auront sans doute fait beaucoup plus pour la compétitivité de l’agriculture française …

Mme Bernadette Bourzai. Grâce à qui ?

M. Bruno Retailleau. … que l’addition de toutes les mesures annoncées ici ! (M. Jean-François Husson applaudit. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Bien sûr, nous sommes rassurés, il y a l’arme atomique, votre botte secrète, à savoir le GIEE. Nous verrons ce que cela donne !

Pour conclure, je veux souligner que les agriculteurs veulent, bien sûr, concilier développement et environnement. Citez-moi une seule profession qui, en quelques années, ait fait autant d’efforts ! Didier Guillaume l’a très bien dit, et je lui en rends hommage. Mais les agriculteurs ne veulent plus être pointés du doigt ; ils en ont assez d’être traités comme des boucs émissaires ; ils veulent participer à la prospérité de la France, retrouver une fierté, celle de leur beau métier. Si tel est le cas, vous verrez que des vocations naîtront et que nous parviendrons alors à relever le grand défi de l’installation de nos jeunes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord rendre hommage au travail réalisé sur ce texte par M. le ministre, ainsi que par M. le rapporteur Didier Guillaume et l’équipe 100 % féminine des chefs de file, Bernadette Bourzai et Renée Nicoux. Qu’ils en soient tous remerciés.

Dernière intervenante dans la discussion générale, j’ai choisi, monsieur le ministre, de m’intéresser, en quelques mots, à un angle particulier de ce projet de loi, qui me tient tout particulièrement à cœur. Comme son nom l’indique, ce texte est tourné vers l’avenir, notamment vers l’avenir de la jeunesse, celui des jeunes agriculteurs. Nous le savons bien, c’est une priorité affirmée, depuis deux ans, par le Président de la République que l’on retrouve donc ici. Elle transparaît nettement dans le travail qui a été mené, et je m’étonne que ce point n’ait pas été davantage souligné.

Tout d’abord, il s’agit des profondes modifications apportées à la formation et à l’enseignement agricole, orientés vers les objectifs de performance écologique et économique, ce qui n’est, je le rappelle, absolument pas incompatible, contrairement à ce que j’ai pu entendre dans les rangs de la droite, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

L’acquisition progressive des diplômes par un dispositif de validation des compétences ou encore l’alignement des conditions générales d’attribution des bourses sur le régime de l’enseignement général constituent des mesures fortes, qui auront un impact direct et rapide sur le quotidien des futurs agriculteurs.

Pour aller encore plus loin, le texte prévoit la remise d’un rapport destiné à permettre le développement, nécessaire, des formations biqualifiantes dans l’enseignement agricole, notamment en zone de montagne.

De nouvelles missions, plus larges et plus étendues, seront également attribuées à l’enseignement agricole : je veux parler du développement durable et de la coopération scientifique, pour ne citer que ces deux exemples.

La création d’un institut agronomique vétérinaire et forestier de France est également prévue, et je vous en remercie, monsieur le ministre. Il ne s’agit pas d’un « non-sens scientifique ou d’une menace pour les établissements d’enseignement et de recherche », comme j’ai pu l’entendre lors des débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale. Bien au contraire, une telle mesure vise à permettre une meilleure coopération entre les acteurs de la recherche et de la formation. C’est fondamental pour favoriser la transmission d’un savoir le plus complet possible aux étudiants. En réalité, dans un monde économique et environnemental sans cesse en évolution, cet institut viendra actualiser l’enseignement agricole, pour prendre en compte l’ensemble des évolutions et avancer en matière de recherche et d’innovation.

Ce texte s’engage énergiquement en faveur de nos jeunes agriculteurs. Cet aspect est encore un peu plus perceptible si l’on considère la vraie politique d’installation qu’il vise à mettre en place.

Pour apporter une touche d’optimisme, qui dénotera sans doute avec ce que j’ai entendu, j’évoquerai mon département, les Pyrénées-Atlantiques, …

M. Didier Guillaume, rapporteur. Très beau département !

Mme Frédérique Espagnac. … aujourd’hui le premier en nombre d’installations de jeunes agriculteurs, avec 139 installations en 2013, soit une augmentation de 30 %, ce qui constitue une première en France. Avec 52 % d’installations en zone de montagne, ce sont des jeunes de plus en plus formés – certains ont même eu des parcours professionnels auparavant – qui s’installent, à un âge moyen de 29 ans. À noter, 30 % d’entre eux sont des femmes, et un quart des nouveaux venus ont une formation post-bac. Il convient, je crois, de saluer une telle évolution. Par ailleurs, sur ces 139 installations, 69 ont intégré la volonté de participer aux circuits courts de distribution des produits agricoles.

Monsieur le ministre, vous le savez, les parcours, les expériences, les profils, sont aujourd’hui très divers. Même si 70 % des porteurs de projets sont issus du milieu agricole, cette proportion n’a cessé de diminuer depuis une dizaine d’années. Tout l’enjeu était donc de parvenir à créer un cadre juridique susceptible d’accueillir tous ces profils différents. Des réponses concrètes ont donc été apportées et les parcours simplifiés, contrairement à ce que j’ai pu entendre.

Je pense à l’accès au foncier, qui reste, on le sait bien, l’une des premières difficultés lors d’une installation, et à la mise en place du dispositif d’installation progressive ou de couverture sociale pour toute personne encore en stage ou en formation, mais dont l’objectif est de s’installer.

Il s’agit également, comme l’a souligné mon collègue Jean-Jacques Mirassou, de l’extension du contrat de génération jusqu’à trente ans, afin de faciliter la transmission. Tout cela constitue des avancées majeures.

D’un point de vue peut-être plus technique mais tout aussi important, ce projet de loi place l’installation au cœur des objectifs de clarification du contrôle des structures. La consolidation des exploitations est bien sûr d’un intérêt crucial, mais lutter plus efficacement contre les contournements de la réglementation, c’est d’abord et avant tout permettre à des jeunes de s’installer plus facilement.

Toujours dans le souci constant de s’adresser aux jeunes générations, ce texte vise à supprimer purement et simplement le critère unique de la surface minimum d’installation, qui constituait une contrainte importante dans certains départements, pour intégrer la notion, plus juste, de temps de travail. Une telle mesure était demandée de longue date par les jeunes agriculteurs, mais c’est bien notre majorité – et vous-même, monsieur le ministre – qui la met en œuvre.

Un projet de loi comme celui-ci, tourné vers les jeunes, l’agroécologie, la compétitivité et la modernisation de notre agriculture, est en réalité, je tiens à le dire, un beau texte ambitieux.

Ma conviction est que, dans les moments économiques difficiles comme ceux que nous traversons actuellement, les territoires ruraux, et le domaine agricole en particulier, ont tant de choses à nous apporter. Dans les Pyrénées-Atlantiques, ce sont 30,5 millions d’euros en un an qui ont été investis dans des entreprises qui ne se délocaliseront pas, comme se plaisent à me le rappeler les jeunes agriculteurs que je côtoie sur le terrain. À ce jour, ils font de plus en plus le choix de la qualité, s’inscrivant dans des démarches de reconnaissance en AOP. Vous le savez, le Pays basque en revendique l’une des plus belles reconnues en Europe et en Asie, celle du piment d’Espelette.

En conclusion, permettez-moi de saluer la décision très importante de renforcer le droit d’opposition de l’INAO, l’Institut national de l’origine et de la qualité, sur le dépôt de marques commerciales.

L’agriculture est une vraie filière d’avenir, mais c’est surtout et avant tout une filière à laquelle les Françaises et les Français sont profondément attachés. Je suis convaincue que, par ce projet de loi, vous les aiderez. C’est la raison pour laquelle nous serons derrière vous et voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord saluer la qualité de l’ensemble des interventions et, bien sûr, chercher à répondre d’abord à ceux qui émettent des critiques sur ce projet de loi.

Tout d’abord, je l’ai déjà dit à l’un d’entre vous, la politique agricole commune a été négociée en 2003, sous la présidence de Jacques Chirac, qui fut un grand ministre de l’agriculture. (M. Bruno Sido applaudit.)

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Philippe Bas. C’est vrai ! Et un grand président de la République !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le découplage des aides a été décidé à cette date. Si, depuis 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les différents ministres de l’agriculture ont négocié, ce fut justement pour éviter un découplage à 100 % des aides.

J’ai bien compris que le projet d’origine de la Commission européenne tendait à ne plus lier l’aide à la production. Ce choix stratégique très libéral consiste à confier l’arbitrage concernant les productions aux agriculteurs, en fonction de leurs avantages spécifiques, dans la mesure où les aides à l’hectare seront partout les mêmes. Tel était le projet initial. À l’échelle de l’Europe se dessinait ainsi une spécialisation des pays et des régions en fonction des avantages comparatifs des uns et des autres.

Si vous n’avez pas tout cela en tête, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pourrons pas discuter aujourd’hui des arguments que vous avez quelquefois avancés et qui sont d’ailleurs contradictoires, puisque vous êtes très tentés par la logique libérale.

La politique agricole commune décidée en 2003 avait pour objectif de découpler totalement les aides. Qu’ai-je fait ? Sur quoi me suis-je battu ? Justement pour empêcher un découplage à 100 %, pour coupler de nouveau certaines aides, en particulier en matière d’élevage, en y ajoutant même, avec, d’ailleurs, l’appui du Parlement européen, des aides couplées, afin de développer l’autonomie fourragère de l’Europe. Il s’agit des deux points concernant les protéines végétales.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, et M. Didier Guillaume, rapporteur. Très bien !

M. Yvon Collin. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sur ce sujet, idéologiquement et politiquement, si vous voulez être cohérents, il y a un choix à faire entre la logique de découplage décidée en 2003 et celle que j’ai négociée et qui vise à remettre en place un couplage des aides pour équilibrer les productions et éviter la disparition de certaines productions, en particulier de l’élevage. C’est une question politique qu’il vous faut trancher ! Pour ma part, c’est ce que j’ai fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Par ailleurs, vous avez largement évoqué le renouvellement des exploitations et l’installation des jeunes agriculteurs. Or vous avez voté – ceux d’entre vous qui étaient là ! –, en 2006, une loi extrêmement libérale sur l’installation des jeunes agriculteurs, qui revenait sur le pouvoir accordé aux SAFER. Qui demande aujourd'hui à reconsidérer cette loi ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les socialistes, sûrement, les écologistes, aussi, les communistes, bien entendu, et les radicaux ! Surtout, ce sont les professionnels et les jeunes agriculteurs qui y sont le plus opposés !

Qui vient nous voir pour renforcer encore plus le rôle et la place des SAFER ? Le président de la fédération nationale des SAFER ! Et vous nous dites aujourd'hui, notamment M. Pointereau, que nous mettons en cause la liberté d’installation et la propriété.

M. Rémy Pointereau. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Allez donc discuter directement avec les représentants professionnels des SAFER ! Comment peut-on considérer qu’en libéralisant l’accès au foncier, on permettra aux jeunes de s’installer ? Où avez-vous vu cela, monsieur Pointereau ? Regardez la réalité en face et allez, vous aussi, discuter avec les responsables des SAFER et les professionnels de l’agriculture. Ils vous diront que l’enjeu de l’installation est majeur et que nous avons mis en place tous les éléments permettant de la favoriser. Si nous renforçons le rôle des SAFER, c’est justement parce que nous voulons éviter les agrandissements excessifs et favoriser l’installation des jeunes. Tel est l’objet de ce projet de loi, vous ne pouvez pas dire le contraire ! Sinon, il vous faut l’assumer clairement.

Monsieur Retailleau, vous avez ensuite parlé – et c’était très intéressant – des contraintes et des contradictions.

Aujourd’hui, l’enjeu – et je reprends là ce qui a déjà été dit sur ce projet de loi par Joël Labbé et d’autres –, c’est de savoir si l’on est capable de passer à un autre modèle, aussi productif que le modèle actuel mais, en même temps, performant sur le plan environnemental.

Je ne comprends pas certaines réactions : lorsque je présente ce projet de loi, qu’on organise des réunions « Produisons autrement », lorsque, à l’UNESCO, 450 enseignants viennent pour enseigner autrement, on engage un processus qui n’est ni technocratique ni politique. C’est une décision qui s’appuie sur des réalités de terrain, sur des exemples qui prouvent que, en changeant les modèles de production, on réduit de manière très significative le recours aux phytosanitaires, aux herbicides. Ces exemples montrent qu’en même temps on est capable de développer de la biodiversité, de la matière organique dans les sols en obtenant des rendements aussi élevés, voire plus élevés qu’avec un modèle de production conventionnel.

Pourquoi ne voulez-vous pas regarder cela objectivement, rationnellement ?

M. Bruno Sido. C’est du rêve !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je serai dans le rêve et vous dans une réalité, bien sûr ! Celle d’un conservatisme qui refuse de regarder les possibilités du progrès !

M. Bruno Sido. Ce n’est pas du conservatisme, c’est la réalité !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je vous le dis objectivement. Venez voir les exploitations qui ont réussi ! Et il y en a d’ailleurs en Vendée, monsieur Retailleau.

M. Bruno Sido. Venez chez moi !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Quand vous voulez, monsieur le sénateur !

Techniquement, par exemple, sur la conservation des sols, on peut aujourd'hui se passer de labour – labourage, pâturage, les deux mamelles de la France ! C’est une vraie question, mais on peut s’en passer parce qu’on dispose de macro-organismes qui peuvent travailler à notre place. Vous le savez ? Non ! Vous voulez le regarder objectivement ? Non !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pourtant, la couverture des sols et les rotations existent aujourd'hui. Alors, au nom de quoi refuseriez-vous cette idée du progrès ?

M. Rémy Pointereau. Mais cela n’est pas possible partout !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Comment faisons-nous pour diffuser ces pratiques qui sont à la fois productives et de nature à préserver l’environnement. Pourquoi ne voulez-vous pas regarder cela de manière objective ? L’agroécologie, c’est cela ! À partir de démarches pionnières, on favorise le développement de bonnes pratiques, en donnant aux agriculteurs la capacité de réussir la double performance économique et environnementale.

M. Bruno Sido. Ce n’est pas dans la loi !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je sais que, sur vos travées, les esprits progressent, sauf chez certains.

M. Roland Courteau. Lentement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et j’accepte le débat. Mais il faudrait que vous soyez techniquement plus solides et capables de me prouver que je rêve et que, vous, vous êtes dans la réalité.

M. Bruno Sido. Mais qu’est-ce que vous y connaissez ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Moi, je vous le dis, je suis dans la réalité de demain, celle qui va apparaître. Vous la regarderez ou vous ne la regarderez pas. Mais les choses sont partout en train de bouger.

Vous avez soulevé la question des phytosanitaires. À cet égard, j’évoquerai l’industrie du biocontrôle. Le 22 avril prochain, une grande réunion aura lieu au ministère de l’agriculture avec un grand nombre de PME, créatrices d’emplois, et surtout exportatrices. Le pire, c’est que nos industries, nos PME d’où sont issus les produits du biocontrôle – il en existe une dans la Sarthe, il y en a partout en Bretagne – sont en train d’exporter en Europe et à l’étranger : au Canada, en Pologne, au Japon. Un accord entre Goëmar et un industriel japonais vient d'ailleurs d’être conclu.

Derrière cela, il y a une innovation qui consiste à apporter des substituts et des alternatives à l’utilisation des phytosanitaires chimiques. Vous ne voulez pas considérer cet état de fait ?

M. Rémy Pointereau. Bien sûr !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela ne compte pas ? (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) C’est le sens de ce projet d’agroécologie.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !

M. Rémy Pointereau. Vous ne répondez pas à la question !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez critiqué ce projet de loi, acceptez que je vous réponde. Je vous réponds précisément, je ne vous raconte pas d’histoires ! Êtes-vous d’accord avec le développement de l’industrie du biocontrôle ?...

M. Bruno Retailleau. C’est une facilité !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si vous êtes d’accord avec cette idée, admettez alors qu’il y aura moins de phytosanitaires chimiques !

Mme Sophie Primas. A-t-on besoin d’une loi ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela peut-il être rationnellement intégré dans votre discours ? Voilà l’effort que je vous demande.

M. Rémy Pointereau. C’est du baratin !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ah, c’est du baratin ? Voulez-vous que je vous emmène voir les entreprises ?...

M. Bruno Retailleau. On les connaît !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous les connaissez ? Alors, c’est du baratin, monsieur Retailleau ! Allez dire aux chefs d’entreprises de Vendée que c’est du baratin ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Moi, je continuerai à développer cette idée. Vous ne voulez pas évoluer sur ce sujet !

M. Rémy Pointereau. Il n’y a pas besoin d’une loi pour cela !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais si, parce que la loi soulève ces questions et prévoit une organisation.

Vous critiquez le GIEE en disant que ce n’est rien. À l’époque des CUMA, y a-t-il eu une loi ?

M. Rémy Pointereau. Il n’y a pas eu de contrainte, c’était une démarche volontaire !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et a-t-on critiqué le fait que les CUMA permettaient aux agriculteurs de s’organiser collectivement ? Non ! Cela fait soixante ans qu’elles existent.

M. Rémy Pointereau. Il n’y a pas eu besoin d’une loi !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le GIEE est justement volontaire, et c’est cela que vous critiquez. Là encore, soyez cohérents ! Si vous voulez du normatif et du législatif pour imposer une organisation aux agriculteurs, ne venez pas dire ensuite que c’est une norme supplémentaire ! C’est justement volontaire. Soyez cohérents ! Si vous voulez critiquer, il vous faut de la cohérence. Or vous n’en n’avez pas aujourd’hui ; en tout cas, pas dans les propos que j’ai entendus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Bruno Sido. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je réponds rationnellement, je ne suis pas dans l’excès.

Vous avez ensuite évoqué d’autres sujets. Je vous répondrai en particulier sur la question de la compétitivité, qui est un vrai sujet.

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est un sujet de loi de finances, qui, comme je l’ai dit hier, porte sur l’ensemble des questions relatives à l’industrie et à l’agriculture. Cette question ne date pas d’aujourd’hui.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Car si nous avons perdu de la compétitivité, chacun en porte largement la responsabilité. Nous sommes au pouvoir depuis vingt-deux mois. Si les pertes de parts de marché, en particulier dans agriculture, sont intervenues et si la baisse de la production que vous dénoncez a eu lieu, cela s’est produit au cours des dix dernières années. Ce n’était pas nous qui étions au pouvoir !

M. Bruno Sido. C’est à cause de Sarkozy !

M. Rémy Pointereau. C’est la faute à Sarko !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je ne parle même pas de Nicolas Sarkozy. Vous l’avez constaté, j’ai même parlé en bien de Jacques Chirac,…

M. Bruno Sido. Raison de plus pour réagir avec force !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … en précisant que c’était un grand ministre de l’agriculture.

M. Philippe Bas. Et un grand Président de la République !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis donc tout à fait capable de porter des jugements. Mais la perte de compétitivité, objectivement, c’est votre responsabilité, car cela date de dix ou douze ans, bien avant notre arrivée.

M. Bruno Retailleau. Et les 35 heures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. le ministre s’exprimer, je vous prie !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Aujourd’hui, que fait le Gouvernement ? Avec le pacte de responsabilité, il s’agit justement de redonner de la compétitivité grâce à plus de 30 milliards d’euros de baisses de charges dont bénéficiera aussi l’agriculture, en particulier les coopératives qui n’ont pas profité du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Je terminerai sur la question de l’azote, qui a été évoquée.

Je voudrais, là aussi, que vous alliez voir des professionnels en Bretagne. La déclaration de l’azote minéral, c’est le projet de l’azote total. Lorsqu’il existe un excédent d’azote organique, comme c’est le cas en Bretagne, l’objectif est d’essayer d’utiliser cet excédent à la place de l’azote minéral.

M. Bruno Sido. C’est bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela s’appelle l’azote total.

Vous n’avez pas cessé de répéter que c’était une norme supplémentaire. Au contraire, c’est justement une opportunité pour traiter les excédents d’azote organique et éviter en même temps d’acheter et d’importer de l’azote minéral.

La seule contrainte fixée concerne les coopératives ou les vendeurs d’azote, et non pas les agriculteurs, qui devront déclarer ce qu’ils vendaient en azote minéral pour voir la substitution entre l’utilisation de l’azote minéral grâce à la méthanisation et la diminution de l’azote minéral. L’objectif est de mieux utiliser l’azote et d’éviter, comme cela se passe aujourd’hui, qu’une partie de l’azote épandue ne se retrouve dans les rivières, avec les conséquences que l’on sait en termes de pollution.

Tel est l’objectif de cette mesure. Aucune contrainte supplémentaire n’a été introduite par rapport aux normes européennes depuis mon arrivée à ce ministère.

Tout l’enjeu de ce débat est de changer la logique qui prévaut actuellement. Telle est la mutation à laquelle nous incite ce projet de loi, et je crois qu’ici, au Sénat, il y aura une large majorité pour engager l’agriculture vers cette grande mutation et ce bel avenir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

TITRE PRÉLIMINAIRE

OBJECTIFS DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION, DE LA PÊCHE MARITIME ET DE LA FORÊT

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Demande de priorité (début)

Article 1er

I. – Avant le livre Ier du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un livre préliminaire ainsi rédigé :

« Livre préliminaire

« OBJECTIFS DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION ET DE LA PÊCHE MARITIME

« Art. L. 1. – I. – La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, dans sa triple dimension européenne, nationale et territoriale, a pour finalités :

« 1° Dans le cadre de la politique de l’alimentation définie par le Gouvernement, d’assurer à la population, dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous et en quantité suffisante, l’accès à une alimentation sûre et saine, diversifiée et de bonne qualité, produite dans des conditions favorisant l’emploi, le respect des normes sociales, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique ;

« 1° bis De répondre à l’accroissement démographique, en rééquilibrant les termes des échanges en matière de denrées alimentaires entre pays, dans un cadre européen et de coopérations internationales fondées sur le respect des principes de la souveraineté alimentaire permettant un développement durable et équitable ;

« 2° De soutenir le revenu et de développer l’emploi des agriculteurs et des salariés, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée et en renforçant la compétitivité et l’innovation des différentes filières de production, de transformation et de commercialisation. Elle préserve le caractère familial de l’agriculture et d’autonomie et de responsabilité individuelle de l’exploitant. Elle vise à améliorer la qualité de vie des agriculteurs ;

« 3° De contribuer à la protection de la santé publique, de veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses ;

« 3° bis De promouvoir l’information des consommateurs quant aux lieux et modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;

« 4° De participer au développement des territoires de façon équilibrée, diversifiée et durable ;

« 4° bis De prendre en compte les situations spécifiques à chaque région. Elle valorise en particulier les services écosystémiques ;

« 4° ter (nouveau) De rechercher des équilibres sociaux justes et équitables ;

« 5° De développer la valeur ajoutée dans chacune des filières agricoles et alimentaires et de renforcer la capacité exportatrice de la France, en encourageant la diversité des produits, le développement des productions sous signes de qualité et d’origine, la transformation sur zone ainsi que les circuits courts ;

« 5° bis De promouvoir la conversion et le développement de l’agriculture et des filières biologiques au sens de l’article L. 641-13 ;

« 6° De concourir à la transition énergétique, en contribuant aux économies d’énergie dans le secteur agricole, au développement des énergies renouvelables et à l’indépendance énergétique de la Nation, notamment par une valorisation optimale et durable des sous-produits d’origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d’économie circulaire ;

« 7° De développer l’aide alimentaire ;

« 8° De lutter contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement et en cohérence avec les politiques de développement et de solidarité internationale française et communautaire.

« La politique d’aménagement rural définie à l’article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités.

« II. – Afin d’atteindre les objectifs mentionnés au I du présent article, la politique conduite par l’État favorise :

« 1° L’ancrage territorial de la production et de la transformation agricoles ;

« 2° Le développement de filières de production et de transformation alliant performance économique, haut niveau de protection sociale, performance sanitaire et performance environnementale, capables de relever le double défi de la compétition internationale et de la transition écologique, en mettant sur le marché une production innovante et de qualité, en soutenant le développement des filières des énergies renouvelables, des produits biosourcés et de la chimie végétale ;

« 3° Les actions de recherche et développement ;

« 4° L’organisation collective des acteurs ;

« 5° Le développement des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;

« 6° Les actions contributives réalisées par l’agriculture et la sylviculture en faveur de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique ;

« 7° L’équilibre des relations commerciales ;

« 8° La protection des terres agricoles.

« Les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agricole et les pratiques agronomiques permettant d’associer la performance économique, la performance sociale et la performance environnementale. Elles privilégient les démarches collectives et s’appuient sur les pratiques de l’agro-écologie, dont le mode de production biologique fait partie.

« Les systèmes de production agro-écologiques privilégient l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique tout en diminuant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l’air, en maintenant leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique.

« L’État veille aussi à faciliter le recours par les agriculteurs à des pratiques et à des systèmes de cultures innovants dans une démarche agro-écologique. À ce titre, il soutient les acteurs professionnels dans le développement des solutions de biocontrôle et veille à ce que les processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché de ces produits soient accélérés.

« L’État veille à faciliter les interactions entre sciences sociales et sciences agronomiques pour faciliter la production et le transfert de connaissances nécessaire à la transition vers des modèles agro-écologiques.

« III. – L’État veille, notamment par la mise en œuvre de ses missions régaliennes, à la sécurité sanitaire de l’alimentation.

« Le programme national pour l’alimentation détermine les objectifs de la politique de l’alimentation définie par le Gouvernement, mentionnée au 1° du I, en prenant en compte notamment la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour assurer l’ancrage territorial de cette politique, il précise les modalités permettant d’associer les collectivités territoriales et les acteurs locaux à la réalisation de ces objectifs. Il propose des catégories d’actions dans les domaines de l’éducation et de l’information pour promouvoir l’équilibre et la diversité alimentaires, les notions de produits locaux et de saison ainsi que la qualité nutritionnelle et organoleptique de l’offre alimentaire, dans le respect des orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique.

« Le programme national pour l’alimentation encourage le développement des circuits courts et de la proximité géographique entre producteurs agricoles, transformateurs et consommateurs. Il prévoit notamment des actions à mettre en œuvre pour l’approvisionnement de la restauration collective publique comme privée en produits agricoles de saison ou produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, notamment issus de l’agriculture biologique.

« Les actions répondant aux objectifs du programme national pour l’alimentation, définis au présent livre, et aux objectifs des plans régionaux de l’agriculture durable, définis à l’article L. 111-2-1, peuvent prendre la forme de projets alimentaires territoriaux visant à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs dans une relation partenariale ou contractuelle, conciliant des objectifs de développement de l’agriculture sur les territoires et de qualité de l’alimentation répondant aux attentes des consommateurs.

« Le Conseil national de l’alimentation participe à l’élaboration du programme national pour l’alimentation, notamment par l’analyse des attentes de la société et par l’organisation de débats publics, et contribue au suivi de sa mise en œuvre. Ce débat est également organisé, dans chaque région, par le Conseil économique, social et environnemental régional, prévu à l’article L. 4134-1 du code général des collectivités territoriales.

« IV. – (Non modifié) La politique d’installation et de transmission en agriculture a pour objectifs :

« 1° De favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans un cadre familial et hors cadre familial ;

« 2° De promouvoir la diversité des systèmes de production sur les territoires, en particulier ceux générateurs d’emplois et de valeur ajoutée et ceux permettant d’associer performance économique, haut niveau de protection sociale, performance sanitaire et performance environnementale, notamment ceux relevant de l’agro-écologie ;

« 2° bis De maintenir sur l’ensemble des territoires un nombre d’exploitants agricoles en adéquation avec les enjeux que ces derniers représentent en matière d’accessibilité, d’entretien des paysages, de biodiversité ou de gestion foncière ;

« 3° D’accompagner l’ensemble des projets d’installation ;

« 4° D’encourager des formes d’installation progressive permettant d’accéder aux responsabilités de chef d’exploitation tout en développant au fur et à mesure un projet d’exploitation.

« Dans le cadre de cette politique, l’État protège et valorise les terres agricoles, facilite l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables, ainsi que le renouvellement des générations, en prenant en compte le caractère progressif de l’installation et l’individualisation des parcours professionnels. Il assure la formation aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de l’aquaculture, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et aux métiers qui leur sont liés, de façon adaptée aux évolutions économiques, sociales, environnementales et sanitaires, ainsi qu’au développement des territoires.

« V. – La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tient compte des spécificités des outre-mer, ainsi que de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces territoires. Elle a pour objectif de favoriser le développement des productions agricoles d’outre-mer en soutenant leur accès aux marchés, la recherche et l’innovation, l’organisation et la modernisation de l’agriculture par la structuration en filières organisées compétitives et durables, l’emploi, la satisfaction de la demande alimentaire locale par des productions locales, le développement des énergies renouvelables, des démarches de qualité particulières et de l’agriculture familiale, ainsi que de répondre aux spécificités de ces territoires en matière de santé des animaux et des végétaux.

« VI. – La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tient compte des spécificités des territoires de montagne, en application de l’article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Elle reconnaît la contribution positive des exploitations agricoles à l’entretien de l’espace et à la préservation des milieux naturels montagnards, notamment en termes de biodiversité. Elle concourt au maintien de l’activité agricole en montagne, majoritairement constituée d’élevages extensifs, en pérennisant les dispositifs de soutien spécifiques qui lui sont accordés et en la préservant des préjudices causés par les grands prédateurs.

« Art. L. 2. – (Non modifié) La politique des pêches maritimes, de l’aquaculture et des activités halio-alimentaires définie à l’article L. 911-2 concourt à la politique de l’alimentation et au développement des régions littorales, en favorisant la compétitivité de la filière et la mise sur le marché de produits de qualité, dans le cadre d’une exploitation durable de la ressource. »

bis. – (Non modifié) Après le 3° de l’article L. 111-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis Maintenir et développer les secteurs de l’élevage et du pastoralisme en raison de leur contribution essentielle à l’aménagement et au développement des territoires ; ».

II. – L’article L. 121-1 du code forestier est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Après le premier alinéa, sont insérés huit alinéas ainsi rédigés :

« L’État veille :

« 1° À l’adaptation des essences forestières au milieu ;

« 2° À l’optimisation du stockage de carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois ;

« 3° Au maintien de l’équilibre et de la diversité biologiques et à l’adaptation des forêts au changement climatique ;

« 4° À la régénération des peuplements forestiers dans des conditions satisfaisantes d’équilibre sylvo-cynégétique, au sens du dernier alinéa de l’article L. 425-4 du code de l’environnement ;

« 5° À la satisfaction des besoins des industries du bois, notamment par l’équilibre des classes d’âge des peuplements forestiers au niveau national ;

« 6° Au renforcement de la compétitivité et de la durabilité des filières d’utilisation du bois, par la valorisation optimale des ressources forestières nationales ;

« 7° Au développement des territoires. » ;

c (nouveau)) Au second alinéa, les mots : « Elle a pour objet » sont remplacés par les mots : « La politique forestière a pour objet » et la troisième phrase est supprimée.

III. – (Non modifié) L’article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole est abrogé.

IV (nouveau). – À la première phrase du dernier alinéa de l’article 124 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001), les mots : « du financement public institué à l’article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 précitée » sont remplacés par les mots : « d’un financement public ».

La parole est à M. Charles Revet, sur l'article.

M. Charles Revet. Je m’interrogeais sur l’opportunité de m’exprimer à ce stade du débat, mais ce que vous venez de nous dire, monsieur le ministre, m’a conforté dans ma volonté. Il m’apparaît en effet nécessaire de se demander ce qui est du ressort de la loi et ce qui ne l’est pas.

Vous nous avez dit que les deux tiers des mesures devraient probablement relever de la gestion propre des agriculteurs, des organismes professionnels et autres, et qu’on ne devrait pas tout mettre dans la loi.

Pourtant, ce projet de loi comporte 151 pages et 40 articles. Qui plus est, l’article 37 – c’est désormais une habitude dans pratiquement tous les textes ! – autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance. Je ne sais pas si cela fera plaisir à notre collègue Serge Larcher, mais, honnêtement, c’est choquant pour le Parlement !

Dans un texte où l’on s’efforce de clarifier, de suggérer, d’imposer dans certains cas, un certain nombre de dispositions, il est choquant que soit donné au Gouvernement le soin de légiférer par ordonnance. Je sais bien que cet article vise l’outre-mer, mais, même si cela va peut-être faire plaisir à notre collègue Serge Larcher, ce n’est pas normal.

M. Charles Revet. Qu’on nous le demande d’une manière particulière parce qu’un problème doit être traité en urgence, soit. Mais une telle disposition me choque dans un texte où, normalement, on devrait tout considérer.

Par ailleurs, est-il vraiment indispensable de prévoir à l’article 1er soixante-deux alinéas pour rappeler les missions de l’agriculture ? La loi est un cadre dans lequel on travaille. Y faire figurer autant de dispositions comporte certains risques, monsieur le ministre. Plus vous en mettez, plus vous ouvrez des possibilités de recours. Le juge pourra se fonder sur tel ou tel alinéa de l’article 1er pour sanctionner le non-respect de la loi. On devrait donc se poser cette question, monsieur le ministre.

Je pensais que la pêche n’était plus de votre responsabilité, sauf peut-être au travers de l’agroalimentaire. (M. le ministre acquiesce.) C’est donc votre mission. Il se trouve que j’ai été corapporteur pour les problèmes de la pêche sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP. C’est d'ailleurs à cette occasion qu’a été introduit le « P », pour la pêche.

M. Charles Revet. L’alinéa 46 de l’article 1er du présent projet de loi dispose : « La politique des pêches maritimes, de l’aquaculture et des activités halio-alimentaires définie à l’article L. 911-2 concourt à la politique de l’alimentation et au développement des régions littorales, en favorisant la compétitivité de la filière et la mise sur le marché de produits de qualité, dans le cadre d’une exploitation durable de la ressource. »

Cela paraît logique, mais je ne pense pas qu’il soit forcément nécessaire de faire figurer ces dispositions dans la loi. Mais, dans la LMAP, nous avions, sur mon initiative, indiqué qu’il était souhaitable – et nous avions donné des délais – d’établir un schéma le long du littoral pour déterminer les zones à protéger réellement – et il y en a ! –, les zones où on peut développer des activités économiques, l’aquaculture notamment, ainsi que celles qu’il faut peut-être préserver avec une destination future.

M. Bruno Retailleau. Cela n’a jamais été défini !

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, à ma connaissance, cela n’a jamais été fait, même si une date avait été fixée.

M. Bruno Retailleau. C’est vrai !

M. Charles Revet. Comme nous allons passer quelques jours ensemble, je souhaite que vous demandiez aux services de votre ministère de nous fournir une réponse : où en est-on de l’établissement de ce schéma et quand aurons-nous une réponse ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, on est toujours pris dans un dilemme s’agissant de débats qui concernent un secteur comme l’agriculture.

À la limite, le Gouvernement, le ministre de l’agriculture, pourrait définir à certains articles – c’est le cas en particulier de cet article 1er – les grands objectifs de la loi. Le débat démocratique impose que les sénateurs, les députés, c'est-à-dire les assemblées parlementaires, participent à des débats d’orientation, qui sont quand même importants. Mais, après tout, on pourrait dire que c’est le Gouvernement, l’exécutif, qui décide de l’orientation.

M. Charles Revet. Le débat d’orientation, c’est autre chose !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui, mais si l’article 1er existe sous cette forme, c’est aussi parce que des débats d’orientation ont eu lieu. Certaines dispositions ont été modifiées, ou vont l’être, notamment par le Sénat. Cela intervient dans un esprit démocratique.

En même temps, vous le soulignez vous-même, pourquoi faire des lois avec des articles qui, en définitive, définissent plutôt des orientations que des mesures législatives ? C’est une vraie question, un vrai dilemme, car la représentation nationale a, elle aussi, son mot à dire sur ce que sont les débats d’orientation. Donc, là, on a du mal à trouver l’équilibre, je suis assez d’accord avec vous.

Toujours est-il que j’ai veillé, avec tous ceux qui ont travaillé sur ce texte au sein de mon cabinet, à faire court : trente-neuf articles.

M. Charles Revet. C’est beaucoup !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis d’accord, c’est peut-être encore trop. Mais on a cherché à être dans cet esprit d’équilibre. Donc, c’est un vrai dilemme.

Sur la question du schéma, j’ai bien noté vos remarques. Cela doit relever de la compétence du ministère de l’environnement et de l’écologie, j’en discuterai pour savoir où on en est.

En effet, nous le savons tous, derrière l’agriculture, il y a l’aquaculture, la conchyliculture… La production d’algues représente même un enjeu majeur pour l’avenir,…

M. Charles Revet. Absolument !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … car les algues contiennent des matières actives, des protéines qui pourraient servir pour l’alimentation animale.

M. Charles Revet. C’est pour cette raison qu’il faut déterminer les zones à protéger !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Voilà une nouveauté qui va arriver ! On ne s’en rend pas compte, mais derrière tout cela il y a d’énormes potentialités.

Sur cette question, il faudra préciser les choses. Je poserai la question à Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, afin que nous puissions aller jusqu’au bout.

Enfin, s’il est fait référence à la pêche à l’article 1er, c'est parce que cette loi modifiera des articles du code rural et de la pêche maritime.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

L'amendement n° 593, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Après le mot : 

dimension 

insérer le mot : 

internationale,

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ….° Dans le cadre la politique agricole définie par le Gouvernement, de promouvoir au niveau international et européen la spécificité du secteur agricole au regard des enjeux en termes d’indépendance alimentaire de tous les peuples et de dénoncer les processus de standardisation, d’homogénéisation des pratiques de production, et des dispositifs de marchandisation de l’agriculture ;

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L’alinéa 4 de l’article 1er du projet de loi souligne la triple dimension de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, laquelle a vocation à être déployée aux niveaux territorial, national et européen.

Par cet amendement, nous voulons introduire à ces différents échelons la dimension internationale de l’agriculture, qui s’impose de fait – d’ailleurs pas toujours avec bonheur ! – aux politiques européenne et nationale.

Nous souhaitons en effet que la France puisse porter une politique qui défende la spécificité du secteur agricole au regard tant des enjeux humains que de ceux qui sont liés à l’indépendance alimentaire.

Avec la mondialisation des marchés et des capitaux, la politique agricole ne peut plus être simplement définie à l’échelon national ou communautaire : elle est de fait internationalisée, avec les pressions et les contraintes que cela peut induire. Dans les cas, notamment, de l’application des brevets sur les semences ou de la politique d’appropriation terrienne appliquée par certains pays, la dimension internationale ne peut pas être négligée. Il est du devoir du législateur de la prendre en compte, afin que nulle situation ne soit hors du droit.

Il nous apparaît nécessaire que la mention internationale figure dans le projet de loi, de manière à protéger le secteur agricole français contre l’hyper-marchandisation des terres et la standardisation des moyens de production.

Actuellement, nos politiques sont fortement conditionnées par celles qui sont menées à l’Organisation mondiale du commerce ou à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ainsi que par celles qui sont discutées dans le cadre des accords de partenariats bilatéraux, comme celui du traité transatlantique. Malgré les propos supposés rassurants de l’ancien ministre chargé des affaires européennes, Thierry Repentin, interrogé à ce sujet lors d’un débat de la commission des affaires européennes au Sénat, on peut craindre que ce traité ne fasse qu’introduire encore plus de libéralisme dans notre secteur agricole et nos services publics.

La suppression des droits de douane, censée renforcer les capacités exportatrices des États-Unis et de l’Union européenne, organisera un véritable dumping économique et environnemental au détriment des pays du Sud. Le secteur agricole sera définitivement livré à la loi de l’offre et de la demande, même pour ce qui est des normes. Dans un tel cadre, quid de la sécurité et de la souveraineté alimentaires ? Que vont devenir l’agroécologie, la relocalisation des activités agricoles, les circuits courts et l’agriculture paysanne ?

Il est temps de définir une véritable législation internationale des droits des paysans. Parce que l’agriculture mondialisée est un fait, nous proposons, par cet amendement, de l’intégrer dans le projet de loi de manière à anticiper les dérives et abus qui sont le lot quotidien des agriculteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’un amendement d’intention intéressant, qui tend à ajouter une dimension internationale aux politiques agricoles.

Le projet de loi indique que les objectifs de la politique agricole s’inscrivent dans une dimension qui est à la fois européenne, nationale et territoriale. Définir dans la loi un tel cadre se justifie, car il existe au niveau européen une très forte intégration des politiques agricoles au travers de la PAC.

Rien de tel n’existe au niveau international, même si la coordination progresse légèrement.

Autant il est nécessaire de préciser le cadre de la politique agricole nationale et territoriale, autant il serait curieux de fixer dans la loi nationale des objectifs pour la politique de l’agriculture à l’échelon international, dont nous n’avons pas les moyens d’assurer le respect. Tel n’est pas le rôle de cette loi.

Je note aussi que la dimension internationale de la politique agricole est déjà précisée à l’alinéa 17 de l’article 1er.

Aussi, même si je comprends votre intention, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement d’appel, qui ne peut être intégré dans ce texte ; à défaut, je serai obligé de donner un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 593 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 593.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 590, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

l’accès

insérer le mot :

quotidien

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Il est défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Le Cam, votre amendement, que vous avez bien défendu (Sourires.), concerne l’exigence d’accès quotidien à une alimentation sûre et saine. Là encore, on ne peut que partager cet objectif.

Cependant, en évoquant « l’accès à une alimentation sûre et saine », sans en indiquer toutes les dimensions, l’alinéa 5 préserve une approche large, qui est la plus pertinente lorsqu’il s’agit de définir les objectifs d’une politique publique.

Comme le précédent, cet amendement est un amendement d’appel. Je ne pense pas que l’on puisse inscrire cette disposition dans la loi. Aussi, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 590 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 590 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 152 est présenté par Mme Blandin, MM. Labbé, Placé et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 457 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Après le mot :

paysages

insérer les mots :

, le respect du bien-être animal

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 152.

Mme Marie-Christine Blandin. À l’heure où les électeurs attendent aussi de nous du sens et de la transparence sur les objectifs des politiques publiques, il est remarquable que le projet de loi mentionne les objectifs poursuivis par la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation.

Monsieur le ministre, vous tenez, d’une part, à la compétitivité et, de l’autre, à l’agroécologie. Il existe des espaces où ces deux ambitions sont compatibles.

Tout à l'heure, j’écoutais M. Retailleau nous parler de mondialisation et de compétitivité, et nous dire qu’il fallait être à la hauteur. Certes, mais on ne peut pas l’être à tout prix !

Je pense aux enfants du Costa Rica grâce auxquels nous pouvons trouver des ananas à cinquante centimes dans les hypermarchés. Or deux ans de déambulation dans les rangées d’ananas traités aux phytosanitaires suffisent pour que ces enfants n’aient plus de peau sur les jambes ! La compétitivité ne doit donc pas être une religion.

M. Bruno Sido. C’est sûr ! Il existe des limites.

Mme Marie-Christine Blandin. Elle se construit dans le respect du social, de l’environnement et de l’économie.

Notre amendement vise à mentionner dès le 1° de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime que l’article 1er vise à créer « le respect du bien-être animal ».

Depuis des millions d’années pour l’espèce humaine et quelques centaines de milliers d’années pour l’homo sapiens, les traces des foyers révèlent la consommation de viande – bien sûr en moindre quantité que de nos jours ! –, en particulier aux États-Unis et en Europe. Oui, nous sommes omnivores ! Si chacun devait aujourd'hui élever et, surtout, tuer ce qu’il mange, gageons que la consommation serait moindre et, en outre, que moins de protéines finiraient dans les déchets jetés à la poubelle.

Aux côtés de ceux qui ont fait le choix d’être végétariens, …

Mme Marie-Christine Blandin. … ceux qui mangent de tout n’en sont pas moins soucieux d’être assurés que les animaux qu’ils consomment sont correctement traités.

Finir en saucisson ou en escalope n’est pas un destin enviable (Rires.), mais il y a peu de chance que le cochon ou le poulet philosophe sur son destin ! Il n’en demeure pas moins que l’animal est un être sensible, et non un meuble. Il perçoit très bien s’il est comprimé, s’il respire mal, si on lui arrache le bec ou s’il ne voit jamais le jour… Les éleveurs consciencieux le savent, et ils veillent à son bien-être. En consacrant, dès le 1°, le bien-être animal, nous protégeons les animaux de toute dérive purement marchande de l’agroalimentaire, des vendeurs d’aliments, de bâtiments, de systèmes automatisés, de dispositifs d’abattoir, qui ne seraient motivés que par le seul profit.

Le 3° peut donner l’impression que l’amendement des écologistes est déjà satisfait en ce qu’il dispose que la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation a pour finalité de « veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux ».

Toutefois, cette juxtaposition entraîne une interprétation sanitaire du bien-être. S’il est louable de veiller à ce que les animaux, comme les végétaux, ne soient pas malades, la prévention ou l’éradication des maladies diffère du respect de leur bien-être, au sens de notre amendement. Faire figurer cette précision au 1° renvoie davantage à des notions d’espace, de support, de mobilité, toutes choses auxquelles les éleveurs avisés savent veiller. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Si chacun prend autant de temps pour défendre ces amendements, on ne va pas s’en sortir !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 457 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. J’ai cosigné par amitié cet amendement porté par un sénateur végétarien. Aussi, vous comprendrez toute la difficulté que j’ai à le défendre… (Sourires.)

Plus sérieusement, cet amendement est tout à fait cohérent, puisque l’alimentation issue de l’élevage – produits carnés et laitiers, poissons, etc. – est un secteur sensible, régulièrement touché par des crises sanitaires – il y en a eu quelques-unes cette année. D’ailleurs, le groupe UDI-UC a été à l’origine de la création d’une mission commune d’information à la suite de l’affaire des lasagnes à la viande de cheval. Quand les crises sanitaires liées à l’élevage et à la viande se multiplient, les conditions de l’élevage et le respect du bien-être animal doivent être des préoccupations majeures.

C'est la raison pour laquelle, sur la base d’arguments certes moins pertinents, moins philosophiques et moins frappants que ceux de ma collègue Marie-Christine Blandin, Chantal Jouanno souhaite insérer, après le mot « paysages », « le respect du bien-être animal ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il ne nous revient ni de trancher les débats philosophiques ni de débattre du bien-fondé du végétarisme.

Mes chères collègues, vos amendements identiques sont intéressants, mais ils sont déjà satisfaits : l’ajout que vous proposez est redondant avec l’alinéa 8 de l’article 1er. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir les retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je veux juste signaler que c’est la première fois qu’il est fait référence à la notion de bien-être animal dans une loi agricole.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement considère donc, lui aussi, que les deux amendements identiques sont satisfaits.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Si je suis sensible à l’humour avec lequel ces amendements identiques ont été présentés, j’estime qu’il ne faut pas laisser passer la notion de bien-être animal – M. le ministre vient de préciser qu’elle figure dans une loi pour la première fois – sans attirer l’attention de nos collègues sur ce qu’elle recouvre.

Sachez, mes chers collègues, que ce n’est pas par hasard qu’elle apparaît dans le paysage médiatique français : elle procède d’une théorie directement inspirée de certains groupuscules anglo-saxons, nés aux États-Unis. Ces groupuscules, que l’on qualifie de « végétaliens », dénient à l’homme tout droit à la consommation d’êtres vivants, qu’il s’agisse des animaux que l’on élève, du gibier susceptible d’être chassé ou, même, des végétaux, puisqu’ils partent du principe que les plantes peuvent souffrir.

Avec une telle extension, nous sommes sur une pente extrêmement dangereuse ! Le bien-être animal relève de la seule subjectivité. En effet, comment peut-on définir d’une manière objective ce qu’est le bien-être animal ? Comment peut-on interroger un animal pour savoir s’il se sent bien ou non ? Cette dérive est grave.

Nous allons discuter tout à l’heure du problème de la prédation par le loup des troupeaux d’ovins. On pourrait aussi parler des grands carnivores africains, qui attaquent les gazelles et les antilopes. Comment préserver le bien-être animal dans le contexte, tout à fait naturel, de la prédation entre animaux ? C’est la loi de la nature.

Cette approche philosophique tend à exclure la présence même de l’espèce humaine au sein des équilibres naturels. Or l’homme est un carnivore…

M. Bruno Sido. Un omnivore !

M. Jean-Noël Cardoux. … et, comme tel, il doit se nourrir de ces équilibres.

Pour ma part, je veux simplement opposer à cette démarche purement subjective, qui confine à la sensiblerie, le code pénal, lequel prévoit la notion de « mauvais traitements envers un animal ». Ainsi, les articles R.653-1, R.654-1, R.655-1, 521-1, pour ne citer que ceux-là, prévoient, de manière tout à fait objective, ces cas de mauvais traitements et infligent à leurs auteurs des sanctions extrêmement lourdes.

Vous avez sans doute entendu parler de ce récent fait divers, parfaitement scandaleux : quelqu’un s’était amusé à jouer à la balle au prisonnier avec un chat, qu’il lançait contre un mur.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. L’affaire Caramel !

M. Jean-Noël Cardoux. La simple application du code pénal a permis aux tribunaux de sanctionner très fortement, à juste titre, l’auteur. N’en rajoutons donc pas. Ne cédons pas à la pression médiatique. Il faut un peu raison garder dans ce pays !

Madame Goulet, l’homme et la femme font partie de la nature ! (Sourires.) Respectons cette notion de prédation et évitons de nous inspirer de théories dont les auteurs ont peut-être un cheminement intellectuel tout à fait respectable, mais qui, à mon sens, ne peuvent nous aider à avoir une approche cohérente des équilibres naturels de notre pays.

M. le président. Mes chers collègues, nous avons plus de 700 amendements à examiner. Je vous demande donc de faire preuve de concision !

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, je serai très bref, car l’intervention de M. Cardoux recoupe largement ce que je comptais dire. Permettez-moi simplement d’ajouter deux éléments.

Premièrement, les éleveurs ont fait beaucoup d’efforts au cours de ces dernières décennies pour le bien-être animal. Les règlements me semblent appliqués. N’en rajoutons pas trop !

Deuxièmement, je ne comprends pas comment les auteurs de tels amendements, qui se disent sensibles au bien-être animal, ne se mobilisent pas en faveur de la diminution de la population de loups, qui, en 2013, ont égorgé et fait souffrir durant des nuits et des jours 6 768 petits agneaux et autres brebis sur notre territoire. Chers collègues, comment pouvez-vous ne pas vous élever contre cette souffrance, alors que, année après année, les loups dévorent de plus en plus d’agneaux et traumatisent les éleveurs ?

C’est pourquoi je ne voterai bien évidemment pas ces amendements identiques !

M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 152 est-il maintenu ?

Mme Marie-Christine Blandin. Oui, monsieur le président.

Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais je veux dire à mon collègue qu’il ne m’a pas écoutée.

Monsieur Cardoux, j’ai inscrit l’histoire de l’humanité dans son caractère omnivore, et non carnivore ! Vous poussez le bouchon un peu loin…

Au demeurant, je ne m’inspire pas du tout des groupuscules que vous avez évoqués.

Pour ma part, je vous ai écouté, et j’ai noté que votre propos comportait une part d’incohérence (M. Bruno Sido s’exclame.) : vous évoquez la souffrance de chatons malmenés ou d’agneaux dévorés par les loups et, dans le même temps, vous invoquez l’impossibilité spéculative de savoir si un animal peut souffrir et dites que l’on ne peut communiquer avec eux ! Vous voyez bien que nous sommes dans l’appréciation.

C’est pourquoi je maintiens l’amendement pour le principe.

M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 457 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Je vais le retirer, monsieur le président.

J’ai bien écouté ce qu’a dit le rapporteur. Même si j’ai présenté mon amendement avec une note d’humour, monsieur Cardoux – il faut dire que je rentre de vacances !(Sourires.) –, je sais très bien, pour être élue d’un département connu pour la production de viande, que nos éleveurs font extrêmement attention, et je connais bien les difficultés que soulève le transport du bétail.

Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 457 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 591, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots : 

la compétitivité

par les mots :

l’efficacité économique, environnementale, sociale

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L’alinéa 7 de l’article 1er du projet de loi prévoit, au titre des objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime, le fait de « soutenir le revenu et de développer l’emploi des agriculteurs et des salariés, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée et en renforçant la compétitivité et l’innovation des différentes filières de production, de transformation et de commercialisation ».

Notre amendement tend à substituer le mot « efficacité » au mot « compétitivité ».

Nous sommes bien entendu d’accord sur la nécessité de mettre en œuvre une politique agricole garantissant des revenus décents et, par conséquent, développant l'emploi. Il est sans aucun doute essentiel de revoir le partage de la valeur ajoutée au sein des filières agricoles.

En 2013, le revenu de la « ferme France » a baissé de près de 4 milliards d'euros par rapport à l'année précédente. Certes, au final, la diminution du nombre d'agriculteurs – de 2 % à 4 % par an – a relativisé l'ampleur de la chute du revenu, puisqu'il est divisé entre moins d'actifs.

Si nous partageons ce constat, nous ne pensons pas, en revanche, que la compétitivité soit la clef. En effet, l’un des éléments récurrents de cette compétitivité, comme vous l'avez écrit, monsieur le ministre, dans la réponse à une question écrite d'un député UMP en juillet dernier, est la baisse du coût du travail.

Pour notre part, nous estimons que cette rhétorique et la politique qu'elle recouvre doivent être abandonnées, car elles font du travail la variable d'ajustement.

Aujourd'hui, les pays européens cherchent à être compétitifs dans la production agricole en permettant aux producteurs de rémunérer des saisonniers étrangers détachés, originaires de pays à très bas niveaux de salaires et de protection sociale – entre trois et six euros de l'heure, sans aucunes charges sociales.

La compétitivité se résume à produire moins cher que son voisin ; elle est destructrice d'emploi, de revenu et de salaire. C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer ce terme et de le remplacer par l'expression « efficacité économique, environnementale et sociale ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous avons intégré dans le texte, via un amendement que j’avais présenté, la triple performance économique, sociale et environnementale. Elle est indispensable. Pour autant, je ne peux pas, monsieur Le Cam, partager vos motivations. La compétitivité, ce n’est pas un gros mot !

M. Didier Guillaume, rapporteur. La compétitivité est indispensable dans l'économie en général et dans l’économie agricole en particulier. C'est grâce à la compétitivité que nous nous en sortirons et, en supprimant ce mot, vous affaiblissez la part économique de l'agriculture.

Tout en partageant votre analyse sur l’efficacité sociale, environnementale et économique, je reste, cependant, très opposé à cette suppression, qui affaiblirait, je le répète, l’ensemble du texte et donc l’économie agricole, ce que nous ne saurions envisager au moment où l’agriculture souffre, où elle a besoin de gagner des parts de marché.

Non, la compétitivité, ce n’est pas un gros mot. Tout dépend de la façon dont elle est mise en place. La compétitivité, c'est la base du développement économique de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je partage les arguments de M. le rapporteur. J’ajouterai un mot : on est dans une économie de marché.

Sur un marché, on trouve une offre, et les acheteurs arbitrent en fonction de la qualité, de la quantité et des prix. Ainsi, dans certains secteurs de production, des pays exportent, tandis que nous importons ou que nous perdons des parts de marché.

Il faut tenir compte de cette idée toute simple : dans une économie de marché, il existe nécessairement un élément de comparaison, et donc de compétitivité. Il faut l’assumer et, comme l’a dit le rapporteur, il faut, en même temps, assumer le fait que nous ayons derrière un projet économique, environnemental et social.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Je voudrais remercier notre collègue Gérard Le Cam d’avoir déposé son amendement : on aborde ainsi la question de la compétitivité, ce qui, d’une certaine façon, est rassurant. De même, je remercie M. le rapporteur et M. le ministre d’avoir – enfin ! – parlé de compétitivité dans ce texte.

Finalement, cher Gérard Le Cam, j’observe que vous voulez que l’on parle d’agroécologie : au travers de votre amendement, vous donnez en effet la définition du développement durable. On ne parle que de cela dans ce texte ! Il est donc rassurant de parler un peu de compétitivité. Que M. le ministre et M. le rapporteur reconnaissent que notre agriculture a besoin de compétitivité parce qu'elle est en concurrence avec les autres économies et les autres agricultures mondialisées, oui, cela me rassure un petit peu !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas une découverte !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Quand notre collègue Gérard Le Cam parle d’efficacité économique, sociale et environnementale, c'est bien pour améliorer en particulier la qualité économique de nos productions. En tant qu’écologiste, je préfère aussi le terme d’« efficacité » à celui de « compétitivité ».

En effet, la compétitivité à tout crin tire toujours tout vers le bas ; c’est ce que l’on vit aujourd'hui péniblement. C’est pourquoi, je le répète, je préfère l’efficacité économique, environnementale et sociale.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Avec la compétitivité de notre agriculture, nous nous situons au cœur du débat. Nous l’avons tous dit à droite, nous sommes dans une agriculture et une économie mondialisées. Or, si la « ferme France » ne sait pas produire à un fort niveau de compétitivité des produits abordables pour les consommateurs, ces produits viendront d’ailleurs.

C'est ce qui se passe depuis des années dans la grande distribution, où nous ne pouvons plus acheter certains produits provenant de notre pays. Ces produits, il a fallu aller les chercher ailleurs, en Europe, voire dans des contrées bien plus lointaines.

La compétitivité n’est donc pas un gros mot. Il faut que l’on sache, en France, trouver des modèles qui respectent l’environnement – j’en suis parfaitement d’accord ! – et nos normes sociales, mais qui permettent aussi de produire pas cher, sans quoi d’autres pays le feront et inonderont notre marché. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement a l’intérêt de provoquer un débat : nous sommes en train de parler de choix de société.

Pour commencer, je veux dire qu’il est possible de sortir d’une économie de marché. On peut décider d’engager un mouvement en ce sens.

Au-delà de cette observation, c'est surtout votre intervention, monsieur le ministre, qui me fait réagir : vous dites que, derrière le mot « compétitivité », il y a un projet environnemental et un projet social. Mais ce que propose Gérard Le Cam, avec notre groupe, c'est précisément d’inverser le processus, c’est-à-dire de placer le moteur social au cœur de l’efficacité économique et d’une certaine compétitivité.

Chers collègues de l'UPM, vous avez dit à l’instant qu’il fallait produire pas cher. Mais c’est la fuite en avant : d’autres pays produiront toujours moins cher que nous, mais à quel coût social ? Nous devrons bien, un jour, nous confronter à cette question.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Pour soutenir la position du rapporteur et pour dire qu’il n’y a pas, d’un côté, l’économique et, de l’autre, le social, je mentionnerai simplement un fait que l’on vient d’apprendre il y a quelques heures : pour la première fois, en France – c'est du jamais vu –, la production agroalimentaire a baissé d’un peu plus de 2 % en volume, en 2013, ce qui a entraîné un fléchissement de la balance extérieure de 6 % ou 7 %, ainsi qu’une explosion du nombre des défaillances d’entreprises.

Nous sommes tous pour l’emploi, nous voulons tous réduire le chômage ! Alors évitons de tomber dans des faux débats – la compétitivité est bien sûr au cœur du problème pour essayer de lutter contre le chômage – pour que, demain, la France puisse offrir plus d’emplois.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce que vous proposez ne marche pas !

M. Bruno Retailleau. Lorsque l’on aura gagné en efficacité économique, on gagnera aussi en efficacité sociale ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. C'est à tort, me semble-t-il, que les tenants de deux théories s'affrontent ici. Nous devrions faire consensus sur ce sujet.

Le Premier ministre, ici même et à l’Assemblée nationale, l’a très bien dit dans son discours de politique générale : si l’on oppose le social et l’économique, la compétitivité et la productivité, on ne s'en sortira pas.

M. Bruno Retailleau. Absolument !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Le Cam, madame Gonthier-Maurin, par une décision unanime, j’y insiste, la commission a introduit dans le projet de loi la triple performance économique, sociale et environnementale.

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Didier Guillaume, rapporteur. C'est une avancée dont nous nous félicitons, et je remercie tous les membres de la commission, qui l’ont acceptée. Nous sommes conscients de cela depuis des années.

Mais si l’on se dit que la compétitivité est un gros mot, qu’elle est opposée à cette triple performance, alors je crois vraiment que l’on ne s'en sortira pas. Il nous revient à nous, femmes et hommes de gauche, de nous dire que la compétitivité, ce n’est pas du dumping, c’est aller non pas vers le bas, mais vers le haut, en tenant compte du travail des salariés dans l’industrie et, évidemment, dans l’agriculture. Tel est notre objectif, et c’est bien, me semble-t-il, la politique que veut conduire le Gouvernement. En tout cas, c’est la position que défend notre groupe et que je veux défendre en tant que rapporteur.

Oui, la compétitivité est indispensable si l’on veut s'en sortir, et on lui adjoint la triple performance économique, sociale et environnementale. Nous devons tous pouvoir nous retrouver sur cette base, y compris vous, mes chers collègues, qui craignez que la compétitivité ne soit un handicap. Nous disons, au contraire, que cela n’en est pas un, que c'est un avantage, une façon d’aborder l'économie réelle, tout en l’assortissant de garanties.

J’entends ce que vous dites au travers de votre amendement, mais, encore une fois, je le répète, c’est sur ce point que nous devons avancer. Il nous faut nous retrouver sur cette nouvelle façon d’appréhender la France : la compétitivité, avec des garanties ! (M. le président de la commission applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 591.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 166 rectifié est présenté par Mme Blandin, MM. Labbé, Placé et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 458 rectifié ter est présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux

par les mots :

garantir le respect du bien-être et de veiller à la santé des animaux, des végétaux

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 166 rectifié.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous présentons ici un amendement de précision.

Votre texte, monsieur le ministre, coordonne le bien-être et la santé des animaux et des végétaux, ce dont nous nous félicitons, mais vous utilisez le terme « veiller », alors que nous préférons, pour ce qui est du bien-être animal, le mot « garantir ».

En effet, même si des soins attentifs ne peuvent donner l'assurance que telle ou telle culture ne sera pas contaminée par un champignon ou un parasite, les animaux d'élevage, eux, sont complètement dépendants, pour ce qui concerne leur bien-être, du sort qui leur est fait. Ce sont les conditions dans lesquelles ils grandissent qui leur occasionneront ou non de la souffrance.

Aussi souhaitons-nous que figure dans ce texte le mot « garantir ».

Tout à l'heure, notre collègue Jean-Noël Cardoux a cité des articles du code pénal qui, déjà, veillent à la bientraitance. Mais ils ne sont pas respectés ! Je citerai la coupe des queues des cochons et l’apport de matériel manipulable ou de paille dans les espaces où ces derniers vivent. Voilà des obligations qui ne sont pas respectées. C’est pourquoi les précisions apportées par l'amendement ne sont pas négligeables.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 458 rectifié ter.

Mme Nathalie Goulet. Je retire par conviction cet amendement que j’ai cosigné par amitié, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 458 rectifié ter est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 166 rectifié ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Madame Blandin, cet amendement va plus loin que celui que vous avez présenté tout à l'heure, puisque vous voulez remplacer le terme « veiller » par celui de « garantir ». Mais cela n’est pas possible.

En effet, il en résulterait une obligation de résultat et non de moyens. Or, dans les règles européennes et dans le texte, c'est une obligation de moyens et non de résultat qui s'impose. Là encore, il s’agit d’un point d’équilibre.

Pour la première fois, le ministre l’a souligné précédemment, le bien-être animal est inscrit dans une loi. Commençons ainsi ! Veiller au bien-être animal correspond à l’équilibre que nous devons avoir. Garantir le bien-être animal est, à mon sens, contradictoire avec les textes européens.

De plus, je ne pense pas, ma chère collègue, que nous pourrons trouver une majorité dans notre assemblée pour approuver votre formulation. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, pour en rester à la formule d’équilibre, inscrite à l’alinéa 8, présentée par le ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 166 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Christine Blandin. Non, je le retire, monsieur le président, non pas parce qu'il n’y a pas de majorité pour l’adopter (Sourires.), mais parce que les arguments de M. le rapporteur, fondés sur la distinction entre les moyens et le résultat, sont tout à fait justes !

M. le président. L'amendement n° 166 rectifié est retiré.

L'amendement n° 351 rectifié, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 13

Supprimer les mots :

, en encourageant la diversité des produits, le développement des productions sous signes de qualité et d’origine, la transformation sur zone ainsi que les circuits courts

II. - Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° D’encourager la diversité des produits, le développement des productions sous signes de qualité et d’origine, la transformation sur zone ainsi que les circuits courts ;

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Il s'agit d’un amendement rédactionnel.

Nous estimons, avec mes collègues, que le mot « encourager » est plus fort que le mot « encourageant ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 116, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 7° De permettre à tous l’accès à une alimentation de qualité ;

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. La notion de développement de l'aide alimentaire est gênante en ce qu'elle admet implicitement qu'il est normal que des personnes pauvres y aient recours. Sans jouer sur les mots, parler de développement implique qu’il y en ait de plus en plus, ce qui n’est ici, je le sais bien, le souhait de personne.

Conformément aux divers traités internationaux garantissant le droit à l'alimentation dont la France est signataire, je préfère la notion d’« accessibilité pour tous à une alimentation de qualité ».

Je rappelle ici la définition onusienne du droit à l’alimentation : « Le droit à une alimentation adéquate est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec autrui, a accès à tout instant, physiquement et économiquement, à une alimentation adéquate ou aux moyens de se la procurer ».

La France a donc obligation de respecter, de protéger ce droit et de lui donner effet. C'est la raison pour laquelle nous préférons permettre à tous l’accès à une alimentation de qualité plutôt que de développer l’aide alimentaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je ne saurais être totalement opposé à cet amendement, qui participe toutefois d’un autre raisonnement. L’aide alimentaire ne figure plus aujourd'hui dans la politique agricole commune ; elle fait partie des programmes de cohésion européens. Il est cependant important de signifier que l’aide alimentaire est quelque chose d’essentiel.

La rédaction actuelle de l’alinéa 16 mentionnant comme finalité le développement de l’aide alimentaire me satisfait. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Labbé. À défaut, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il est vrai qu’inscrire comme finalité le développement de l’aide alimentaire pourrait laisser sous-entendre qu’il s’agit d’augmenter l’aide alimentaire, alors que l’objectif politique est de lutter contre la faim dans le monde. Or, pour ce faire, nous disposons de deux outils : développer la production agricole partout dans le monde et, lorsqu’une crise le nécessite, développer l’aide alimentaire.

Dans ces conditions, si l’amendement pouvait être rectifié en tenant compte de ces deux éléments, j’y serais tout à fait favorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il convient en effet de conserver ces deux éléments. Vous pourriez donc ajouter dans votre amendement, monsieur Labbé, la finalité prévue à l’actuel alinéa 16 de sorte que, comme dirait ma grand-mère, une chatte y retrouve ses petits.

La rédaction serait la suivante : « De permettre à tous l’accès à une alimentation de qualité et de développer l’aide alimentaire ».

M. le président. Monsieur Labbé, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Joël Labbé. Je comprends la nuance exprimée par M. le ministre et par M. le rapporteur. Cette nouvelle rédaction me convient, et je rectifie donc mon amendement en ce sens.

M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 116 rectifié, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 7° De permettre à tous l’accès à une alimentation de qualité et de développer l'aide alimentaire ;

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l’amendement n° 116 rectifié.

M. Bruno Retailleau. Nous sommes tous favorables à l’aide alimentaire. Pour reprendre les propos du ministre, cela rejoint le problème de la production, de la compétitivité. On parviendra à éradiquer la faim dans le monde en produisant plus. Lorsque le ministre est venu au monde, un agriculteur français nourrissait vingt Français. Aujourd’hui, il en nourrit cent cinquante. Il a fallu 10 000 ans à l’humanité pour atteindre un milliard d’individus en 1800 ; nous serons neuf milliards dans quelques décennies.

L’aide alimentaire, oui ! Mais vous voyez bien la contradiction dans laquelle vous vous enfermez, mon cher collègue. Vous refusez dans le même temps d’élargir, par la compétitivité, la production agricole. N’oublions pas que, à côté de l’aide alimentaire, il faut impérativement, dans tous les pays, développer la production. L’aide – je ne vais pas citer Mao Tsé-toung – n’est qu’un ersatz.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour répondre aux interrogations que suscite cet amendement, je vous invite à relire l’alinéa 17, qui définit l’aide alimentaire : « […] lutter contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement et en cohérence avec les politiques de développement et de solidarité internationale française et communautaire. »

M. Gérard César. Il aurait fallu fusionner les deux alinéas !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Absolument ! Il est vrai que ces deux alinéas se juxtaposent, alors que l’objectif est de lutter contre la faim. Je vais donc revoir tout cela afin d’être plus précis.

Mme Nathalie Goulet. D’où l’avantage d’une seconde chambre…

M. Stéphane Le Foll, ministre. En effet !

M. le président. Je suggère que cette fusion soit précisée au cours de la navette.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui !

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 116 rectifié est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Comme notre amendement a retenu l’attention de M. le ministre et de M. le rapporteur et dans la mesure où il sera pris en compte au cours de la navette, je peux le retirer.

M. le président. L’amendement n° 116 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 407 rectifié, présenté par MM. Bizet, Houel, Lefèvre et Revet, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Après le mot :

production

insérer les mots :

, de la commercialisation

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de cohérence : il vise à identifier les opérateurs de commercialisation, qu’ils soient publics ou privés, présents économiquement dans toutes les filières, ce qui permettrait de garantir leur représentation dans l’ensemble des instances des filières agricoles et agroalimentaires.

M. le président. L'amendement n° 592, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par les mots :

et de la commercialisation des produits agricoles y compris par la promotion de circuits courts

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Après avoir tenté de mettre un peu d’humanité dans ce monde de brutes qu’est la loi du marché, je vais défendre les circuits courts.

Comme le souligne le rapporteur, s’il est important de définir dans la loi les buts des politiques publiques et de la politique agricole, nous souhaitons qu’il soit apporté une précision quant aux actions que l’État doit favoriser pour atteindre ces objectifs. En effet, depuis plusieurs années déjà, de nombreuses réflexions ont été menées pour favoriser le développement des circuits courts : le plan Barnier de 2009, le Grenelle de l’environnement, le programme national nutrition santé, la loi de modernisation agricole, qui tous laissaient présager un avenir au développement des circuits courts en France.

Aujourd’hui, plus qu’un objectif, le développement des circuits courts doit être considéré comme un outil de valorisation de notre agriculture, un outil de réalisation d’une véritable politique alimentaire de qualité qui s’inscrit dans un objectif écologique. Les rapports cités rappellent tous que les circuits courts valorisent les productions, permettent le développement durable des territoires, facilitent une réelle gouvernance alimentaire. Les circuits courts permettent également la réalisation d’économies en limitant le nombre d’intermédiaires lors de la commercialisation des produits et créent de l’emploi ; nous avons maintes fois souligné tous ces bienfaits.

Pour nous, inscrire cet élément à l’alinéa 20 de l’article 1er, c’est aussi revaloriser le modèle d’une agriculture familiale et paysanne – il ne s’agit pas seulement de gagner des marchés à l’export – et permettre un premier pas vers une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein des filières agricoles. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ces deux amendements similaires concernant la commercialisation montrent bien que nous ne sommes pas là pour opposer les types d’agriculture, les différents circuits. Il faut favoriser les circuits courts là où nous en avons besoin et les circuits longs ainsi que l’exportation dans d’autres secteurs.

Monsieur Bizet, je suis favorable à votre amendement, mais je vous invite à le retirer au profit de celui de M. Le Cam, qui est plus complet. Ce dernier pourrait cependant être légèrement modifié selon la rédaction suivante : « ainsi que de la commercialisation des produits agricoles y compris par la promotion de circuits courts ». Nous pourrions ainsi adopter à l’unanimité ce nouvel amendement plus large que les deux amendements initialement en discussion commune.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Bizet, l'amendement n° 407 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Bizet. Je suis d’accord sur le principe, monsieur le rapporteur. L’amendement de M. Le Cam ajoute la problématique des circuits courts, à laquelle nous ne pouvons être opposés. La situation devrait se reproduire, me semble-t-il, pour les amendements nos 408 rectifié et 409 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 407 rectifié est retiré.

Monsieur Le Cam, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Gérard Le Cam. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 592 rectifié, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que de la commercialisation des produits agricoles y compris par la promotion de circuits courts

La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote sur l’amendement n° 592 rectifié.

M. Jean Boyer. L’amendement de M. Le Cam relève du bon sens. Consommer de la viande produite à vingt, trente ou quarante kilomètres de chez soi permet une traçabilité totale contrairement à la viande produite à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, en Argentine ou d’ailleurs, et valorise les productions agricoles du secteur.

S'agissant des circuits courts, il faudrait que les collectivités, dans le cadre des marchés publics, puissent avoir plus de souplesse en matière de référence qualitative. On valoriserait ainsi indiscutablement les productions de notre pays, on éviterait les transports, notamment par bateau, et on offrirait une garantie aux consommateurs. Que demander de mieux ?

Mes chers collègues, j’avais prévu, mais j’y reviendrai, de plaider pour les circuits courts. C’est le bon sens ! Si l’on ne peut pas faire des miracles dans notre société, on peut améliorer certains circuits commerciaux, dont les circuits courts. Dans ces conditions, inutile de vous dire que je soutiens pleinement votre amendement, monsieur Le Cam.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Joël Labbé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Pour compléter les propos de notre collègue sur l’ancrage territorial, s’il en était besoin, je ferai un petit commentaire qui aurait également pu valoir pour l’amendement n° 351 rectifié présenté par Gérard César, au sujet duquel nous avons déjà évoqué l’encouragement des circuits courts au regard du renforcement de nos capacités exportatrices. Ce sont deux débouchés différents, mais ô combien complémentaires !

Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur l’organisation des circuits courts. Je m’efforce d’organiser de tels circuits en matière de restauration collective afin que la viande d’Argonne, produite localement, puisse se retrouver dans l’assiette des collégiens. À cet égard, il faut revoir un certain nombre de dispositifs, la référence locale n’étant pas prise en compte dans le cadre des appels d’offres. C’est antinomique avec ce que nous proposons aujourd'hui !

Il convient de faire évoluer ces mécanismes en comité interministériel afin que nous puissions mettre en pratique ces propositions législatives. Permettez-moi de souligner qu’il est particulièrement compliqué de faire évoluer les mentalités et d’appliquer les dispositions que nous souhaitons instaurer.

Nous vous remercions de prendre en compte les circuits courts, monsieur le ministre. Cependant, la loi ne me semble pas encore suffisamment précise en la matière. Je pense que nous aurons l’occasion d’améliorer les choses. En tout cas, c’est bien volontiers que je soutiens cet amendement.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Savary, mon cher collègue président de conseil général, nous venons de régler l’aspect législatif concernant les appels d’offres et les circuits courts, notamment dans la restauration collective.

Trois grands réseaux se sont mis en marche : celui des chambres d’agriculture, qui ont beaucoup travaillé ; celui de la Fédération nationale d’agriculture biologique, qui a bien avancé ; celui des conseils généraux, enfin, qui se sont organisés.

Dans mon département, nous avons créé la plateforme « agrilocal.fr », validée par Bercy ainsi que par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Une trentaine de départements y ont adhéré. Désormais, grâce à ce portail, dans beaucoup de départements, et pour la première fois, les agriculteurs ont accès à la commande publique. Je puis vous assurer que ce système fonctionne dès lors qu’il est mis en place. Il faut en faire la promotion.

J’aurais aimé qu’un tel système soit inscrit dans la loi, monsieur le ministre, mais je vois bien que ce n’était pas possible. Nous avons cependant besoin, en tant que sénatrices et sénateurs, présidents d’exécutifs locaux, départementaux et régionaux, de promouvoir de tels dispositifs. C’est la garantie de permettre à nos agriculteurs l’accès à la commande publique et, accessoirement, des revenus légèrement supérieurs ; c’est également le moyen d’assurer la traçabilité, de faire en sorte que, dans un collège ou une école, on sache d’où proviennent la purée et le poulet qui se trouvent dans les assiettes. Dans la restauration collective, on doit aussi pouvoir savoir que l’on mange les pommes de terre de M. Untel ! Ce n’est pas uniquement de la bricole, c’est quelque chose de très important.

Circuit court, accès de proximité, traçabilité, qualité des produits, haute valeur nutritionnelle, je pense que nous allons dans le bon sens et qu’il faut poursuivre ce mouvement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce débat d’orientation est très important, car il permet à chacun de participer aux grands objectifs de l’agriculture.

S’agissant des circuits courts, trois plateformes – celle développée par les chambres d’agriculture, celle d’Agrilocal, déjà présente dans une trentaine de départements, ainsi que le réseau coordonné par la Fédération nationale d’agriculture biologique – ont été validées par le ministère de l’agriculture. Quel est l’enjeu ? Il s’agit de réussir à faire correspondre une demande locale à une offre locale. (M. René-Paul Savary acquiesce.)

Souvent, si la demande locale va chercher ailleurs, c’est parce qu’elle ne connaît pas l’offre locale ; l’offre locale ne sait pas non plus trouver la demande locale, car personne ne vient la chercher. Nous avons tout mis en œuvre pour parvenir à une solution : la loi affirme la défense des circuits courts et les instruments sont en place. Maintenant que tout a été validé par le ministère, nous devons nous atteler à développer le dispositif.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je voudrais dire à M. le ministre que c’est au cours de l’appel d’offres que le problème se pose, le critère de production locale ne pouvant être retenu au moment de la prise de décision.

La plateforme est sans doute un instrument formidable qu’il faut déployer, mais la DGCCRF refuse de prendre en compte le critère de production locale dont pourrait bénéficier une offre par rapport à une autre ; il est très compliqué de contourner cette difficulté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 592 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 408 rectifié, présenté par MM. Bizet, Houel, Lefèvre et Revet, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Après les mots :

filières de production

insérer les mots :

, de commercialisation

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 117, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Compléter cet alinéa par les mots :

dans la mesure où ce développement ne remet pas en cause la capacité de notre pays à couvrir ses besoins alimentaires par sa capacité productive

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Il s’agit ici d’anticiper les effets pervers du développement de nouvelles activités en mentionnant la priorité donnée au respect de la vocation nourricière de la production agricole, laquelle doit en priorité couvrir les besoins alimentaires de notre population, conformément aux principes de la souveraineté alimentaire que j’évoquais hier.

Les impacts négatifs du développement des agrocarburants dits de première génération en termes de changement d’affectation des sols doivent nous alerter sur tout risque similaire associé au développement des biomatériaux et bioénergies. On ne peut voir dans ces développements que complémentarité avec l’alimentation ou intégration dans une économie circulaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. En métropole – ce n’est pas le cas outre-mer –, nous sommes globalement autosuffisants. Cet amendement n’ajoute donc pas grand-chose à l’alinéa 21.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 117 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Oui, monsieur le président.

Monsieur le rapporteur, je conteste le fait que nous soyons en situation de souveraineté alimentaire totale. J’ai évoqué hier les millions d’hectares annexés en Amérique du sud pour l’alimentation de nos élevages.

La volonté du ministre est d’aller vers l’autosuffisance en matière de protéines végétale, c’est-à-dire en matière de production alimentaire pour animaux. Notre amendement va dans ce sens, vers une véritable souveraineté alimentaire nationale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’objectif de la souveraineté alimentaire, est-ce l’autosuffisance alimentaire pour chacun ? À l’échelle de la France ou à celle de l’Europe ?

M. Bruno Retailleau. La France n’est pas l’Albanie !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Est-ce un objectif pour chaque pays africain ou pour toute l’Afrique ?

Notre état d’esprit consiste à dire qu’il ne faut pas déstructurer les agricultures locales au nom du grand marché international. Comme l’a dit un jour Edgard Pisani – et j’en suis convaincu –, nous aurons besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde.

Le risque serait donc ici de tellement développer les énergies renouvelables à base de production agricole et forestière que l’on remettrait en cause nos capacités de production alimentaire. Or en développant le plan EMAA sur la méthanisation, par exemple, nous avons bien pris soin de dire que le carbone nécessaire au fonctionnement des méthaniseurs ne devait pas remettre en cause la production alimentaire.

Par cet amendement, vous mélangez le concept de souveraineté alimentaire – espace toujours difficile à définir – avec la question des énergies renouvelables. Or je pense que nous avons intérêt à développer les énergies renouvelables en agriculture via la méthanisation.

M. Stéphane Le Foll, ministre. À cet égard, un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, laisse entendre que si l’on s’organisait mieux, l’agriculture et les matières organiques produites par les grandes collectivités pourraient nous permettre d’atteindre 40 % de notre consommation actuelle de gaz. Vous rendez-vous compte ? Nous débattons de la crise gazière en Ukraine, de l’extraction du gaz de schiste à 1 500 mètres de profondeur, alors que nous devrions commencer par nous attaquer au gaz directement disponible ! (Mmes Maryvonne Blondin et Sophie Primas applaudissent.)

Le Gouvernement ne peut accepter cet amendement, qui mélange deux concepts.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ce que vous avez dit. Arrêtons ce combat entre la transformation de la biomasse ou des matières agricoles et l’alimentation. On voit quelles difficultés peut engendrer le principe de précaution dorénavant inscrit dans notre Constitution. Nous devons également l’assortir d’un principe d’innovation.

On ne peut refuser l’innovation et vivre sur un modèle archaïque. Nous devons avancer ! Si l’on veut trouver des débouchés, notamment dans les carburants de deuxième ou troisième génération, encore faut-il valider le processus des carburants de première génération !

Certes, aujourd’hui, les recherches portent sur des produits alimentaires, mais demain elles porteront sur l’ensemble de la biomasse. Des recherches tout à fait extraordinaires sont menées sur la fétuque, sur le miscanthus, sur la transformation des bois et, demain sur celle des déchets. Transformer les déchets en énergie, voilà qui va dans le sens du développement durable ! Nous n’allons tout de même pas nous passer de l’ensemble de cette recherche, tout à fait respectable sur le plan économique comme sur celui du développement durable.

C’est la raison pour laquelle je suis satisfait que M. le ministre refuse cet amendement ; j’invite l’ensemble de mes collègues à faire de même. Son adoption ne serait pas un signe encourageant pour notre jeunesse, à un moment où l’on veut à la fois respecter l’environnement et mettre en œuvre des techniques nouvelles. Nous sommes au XXIe siècle !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Nous sommes en plein dialogue de sourds. Relisez tranquillement le texte de cet amendement, vous constaterez qu’il s’agit de se prémunir contre d’éventuelles dérives. Il n’est en rien archaïque et ne s’oppose pas à la recherche et au développement.

Écrire « dans la mesure où ce développement ne remet pas en cause la capacité de notre pays à couvrir ses besoins alimentaires par sa capacité productive » ça ne mange pas de pain, ça va beaucoup mieux en le disant et ça ne dérange personne ! Il s’agit simplement de garantir le destin nourricier de notre terre nourricière.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. J’ajouterai simplement au brillant exposé de M. Savary qu’il serait dommage de se priver de l’utilisation des sous-produits de l’agriculture alors que nous cherchons à améliorer la compétitivité de chaque exploitation agricole. Je suis tout à fait en ligne avec vous sur ce sujet, mon cher collègue, comme avec M. le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Demande de priorité

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Demande de priorité (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement et la commission souhaitent que la discussion sur le volet outre-mer ne soit pas tronquée et que nos collègues ultramarins puissent être présents lors du débat. Aussi, en application de l’alinéa 6 de l’article 44 du règlement du Sénat, je demande l’examen par priorité du titre VI ce soir, à la reprise de nos travaux.

Par ailleurs, je rappelle aux membres de la commission des affaires économiques que nous nous réunirons à quatorze heures pour examiner la suite des amendements.

M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

Demande de priorité (début)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale

5

Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées, et je proclame :

– Mme Sophie Primas, membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Michel Doublet, démissionnaire ;

– M. Michel Doublet, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

6

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

calendrier parlementaire sur les sujets environnementaux

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Permettez-moi tout d’abord, madame la ministre, de vous féliciter pour votre nomination à la tête de ce grand ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Vous aurez la responsabilité de mener des chantiers particulièrement importants sur la biodiversité, la réforme du code minier et, bien sûr, la transition énergétique.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, que je salue, a clairement rappelé les objectifs quantitatifs de la transition énergétique, ce dont le groupe écologiste se réjouit. Hier, au Sénat, il nous a même sommés, avec une certaine gravité, « de retrouver rapidement un équilibre avec le milieu naturel ».

Le programme est donc ambitieux, et je crois que nous mesurons le chemin parcouru en vingt-cinq ans dans la prise en compte des enjeux environnementaux, notamment pour ce qui a trait à leurs dimensions économiques et sociales.

Le Premier ministre a aussi insisté sur sa volonté d’un dialogue ouvert, franc et constructif avec les parlementaires, afin que nous partagions « le courage de l’action ». Ce dialogue, le groupe écologiste le souhaite vivement, son président Jean-Vincent Placé l’a souligné hier. Nous considérons que c’est bien la qualité de ce dialogue qui permettra de recréer les conditions d’une dynamique à gauche, absolument nécessaire pour affronter les temps à venir. Nous sommes disponibles pour nous y engager résolument.

Le cadre étant fixé, reste le calendrier. Le Premier ministre a aussi souligné que les priorités politiques devaient trouver une traduction concrète dans le calendrier parlementaire ; ce sera donc le sens de ma question. L’annonce de la présentation au Conseil des ministres de la loi sur la transition énergétique avant le début de l’été, normalement avant la fin du mois de juin, donc, nous offre l’opportunité de nouveaux échanges en amont. Je partage notamment vos premiers propos, madame la ministre, sur l’importance de la dimension territoriale de la transition énergétique.

Mais ce nouveau décalage nous fait aussi craindre un véritable embouteillage du calendrier parlementaire au deuxième semestre de 2014, entre le projet de loi sur la biodiversité, le projet de loi sur la transition énergétique et la partie législative de la réforme du code minier, la cohérence voulant, de plus, que le prochain projet de loi de finances intègre des évolutions fiscales fortes, liées à ces grandes lois.

Par conséquent, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur le calendrier du Gouvernement pour ces lois d’importance et nous indiquer la manière dont vous comptez renforcer le dialogue avec les parlementaires pour ces lois, qui formeront le socle d’un nouveau contrat écologique et social ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui porte sur des sujets que, du fait de vos responsabilités de vice-président de la commission du développement durable du Sénat et de votre participation, en tant que membre du Conseil national de la transition énergétique, au débat national sur la transition énergétique, vous connaissez bien.

Vous m’interrogez sur le calendrier parlementaire de ces réformes. Vous avez eu raison de le souligner, ces sujets, et notamment la loi de transition énergétique, sont une priorité gouvernementale, ainsi que l’a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Cette loi, pour ne rien vous cacher, n’est pas encore prête. (Oh ! sur les travées de l’UMP.)

M. Charles Revet. C’est étonnant…

Mme Ségolène Royal, ministre. Un certain nombre de discussions importantes ont eu lieu, et nous arrivons dans la phase de décision. Le Gouvernement a fixé une feuille de route pour que ce texte soit présenté au mois de juin en Conseil des ministres.

Je m’active donc pour finaliser ce projet de loi très important, afin qu’il puisse ensuite être examiné au plus vite par les commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale et que nous puissions profiter de l’intelligence collective…

M. Jean Bizet. Ce n’est pas sûr !

Mme Ségolène Royal, ministre. … pour rapprocher des points de vue encore très divergents. Pour tous ces textes, en effet, notre responsabilité est d’essayer de rapprocher les points de vue, pour servir l’intérêt général. J’espère que, avec l’aide du Sénat, je pourrai y parvenir.

Vous le savez, le texte sur la biodiversité, quant à lui, est davantage avancé. Le projet de loi a été adopté au Conseil des ministres du 26 mars dernier. Il va donc être examiné très bientôt par la commission compétente de l’Assemblée nationale, avant de venir au Sénat. Je sais néanmoins, monsieur le sénateur, que vous avez déjà commencé à y travailler activement.

C’est une loi essentielle, cruciale, aussi importante que la loi de 1976, prolongée par la loi dite « paysage », que je connais bien, de 1992. Il ne s’agit pas seulement d’une loi pour lutter contre la disparition bien trop rapide des espèces animales et végétales ; il s’agit d’une loi sur les relations entre les êtres humains, leurs activités et la nature. C’est une loi qui porte tout simplement sur l’avenir de l’humanité. L’enjeu est donc absolument crucial.

Là aussi, j’espère que l’éclairage apporté par les travaux de vos commissions nous permettra d’aboutir à un texte tout à fait essentiel, qui nous engage non seulement à très court terme, afin de mettre fin à la disparition accélérée de la variété des espèces, mais aussi à long terme. Nous sommes attendus, regardés sur la scène internationale. On veut savoir comment un pays comme la France, riche de la diversité de ses paysages et de ses espèces, est capable de prendre à bras-le-corps la question de l’avenir de l’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

décentralisation

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour le groupe CRC.

M. Gérard Le Cam. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je crois savoir qu’une ministre bretonne va me répondre, ce que j’apprécie. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Charles Revet. Il préfère les ministres bretonnes au Premier ministre !

M. Gérard Le Cam. Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a annoncé un big-bang institutionnel, comme l’avait proposé en son temps le comité Balladur ou, plus récemment, M. Jean-Pierre Raffarin. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

Ce coup de force institutionnel se propose de supprimer nos départements, de diviser par deux le nombre de nos régions, d’agrandir toujours plus les intercommunalités autour des bassins de vie. Quant aux communes, il ne les évoque plus : est-ce à dire qu’il souhaite les supprimer en les noyant dans l’intercommunalité ?

M. Gérard Le Cam. Enfin, les départements et les régions ne pourront plus intervenir au plus près des besoins et des attentes de leurs administrés, en perdant le droit d’agir pour défendre les intérêts de leur territoire.

Avec ce séisme institutionnel, le Gouvernement va ouvrir la porte à une transformation radicale de notre République, indivisible et qui assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi. C’est un État fédéral qu’il dessine pour demain, comme bon nombre de pays en Europe.

En éloignant les lieux de décisions du citoyen, vous allez creuser encore davantage le fossé entre lui et la République. Ce faisant, vous faites exploser l’égalité des citoyens devant la loi sur l’ensemble du territoire national.

En quoi cette réorganisation et l’amputation de 10 milliards d’euros de moyens de fonctionnement vont-elles permettre aux Français de vivre mieux, de trouver un travail, de percevoir un salaire leur permettant de vivre et d’élever leur famille dignement, d’offrir un avenir à leurs enfants ?

Non, la modernité n’est pas dans la mise en concurrence des territoires et des gens qui y vivent, elle est dans la coopération et la mise en commun !

En quoi cette réorganisation va-t-elle développer la démocratie locale, favoriser l’intervention des citoyens et la prise en compte de leurs attentes et de leurs besoins ?

Expliquez-nous, madame la ministre, en quoi la réduction du nombre d’élus est-elle un progrès démocratique ? En quoi le fait de concentrer tous les pouvoirs dans quelques mains est-il une avancée démocratique ?

Enfin, le précédent gouvernement ayant souhaité mettre fin à l’obligation de consulter les citoyens en cas de fusion des régions, allez-vous vous engager aujourd’hui à consulter les Français sur les regroupements de régions et sur la disparition éventuelle des départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées du groupe CRC.)

M. Éric Doligé. C’est donc du sérieux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Le Cam, pardonnez-moi, mais je ne suis pas breton.

M. Gérard Le Cam. Ce n’est pas une tare de l’être !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Non, c’est même une qualité, je n’en doute pas un seul instant. (Sourires.) En tout cas, Mme Lebranchu ou M. Vallini reviendront sur ces sujets au cours de cette séance de questions d’actualité au Gouvernement et aussi, j’en suis persuadé, dans les semaines qui viennent.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ces points hier, aussi bien à la tribune de cette assemblée que lors de mes réponses aux différents groupes.

Je suis attaché, comme vous, à l’unicité de la République, au rôle des élus et tout particulièrement – vous comprendrez que je le souligne – à celui des maires, qui sont souvent en première ligne face aux attentes, aux déceptions, aux espérances et aux colères de nos concitoyens.

Je suis également attaché, vous en avez dit un mot, au rôle de la puissance publique, aux services publics de l’État, de ses opérateurs ou des collectivités territoriales. Nous avons tous constaté, je l’ai rappelé hier, le sentiment d’abandon qui peut frapper un certain nombre de nos territoires et de nos concitoyens. Je pense non seulement aux territoires ruraux, mais aussi aux quartiers populaires, lézardés par toute une série de fractures. Tout cela doit nous préoccuper.

Malgré les institutions en place, que vous avez décrites dans votre intervention, ce sentiment d’abandon existe, l’abstention progresse, y compris dans les scrutins locaux. Nous devons donc engager la France sur la voie des réformes de structure. On en parle depuis longtemps, mais on ne les fait pas, ou alors on les fait à l’envers ou à moitié.

Fort de ce constat, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, le Gouvernement veut engager, je l’ai indiqué dans ma déclaration de politique générale, une réforme profonde de ces structures.

Vous débattrez prochainement des compétences des régions. Marylise Lebranchu et André Vallini vous présenteront un texte, qui va bientôt être adopté par le Conseil des ministres.

Les différents cycles de décentralisation ont été entamés, je le rappelle, au début des années 1980. Mais au-delà des modifications qu’ils ont entraînées, c’est vers un changement profond que nous voulons aller. Vous avez, monsieur le sénateur, parlé de « big-bang », expression à laquelle je suis très attaché pour des raisons personnelles. En tout cas, nous devons poursuivre les réformes de structure.

Tout d’abord, c’est vrai, nous voulons revenir sur la clause de compétence générale.

MM. Roger Karoutchi et Gérard Larcher. Enfin !

M. Éric Doligé. C’est une bonne chose !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les acteurs économiques et sociaux comme les citoyens nous demandent, en effet, de clarifier les choses dans ce domaine.

Ensuite, nous devons aller plus loin en ce qui concerne la carte de l’intercommunalité. J’évoquais hier les lois que nous devons à Jean-Pierre Chevènement, qui ont constitué l’une des étapes essentielles de ce processus. Là encore, il convient tout simplement de gagner en cohésion. Il ne s’agira jamais de nier le rôle du maire, quelle que soit la taille de la commune.

Pour nos territoires, urbains comme ruraux, l’intercommunalité a représenté un incontestable progrès ; elle n’enlève rien à la proximité et permet – je l’espère ! – aux services publics, grâce au soutien de l’État et à l’ingénierie des préfectures et des sous-préfectures, de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens. Là aussi, donc, nous voulons franchir une nouvelle étape.

Pour ce qui concerne les régions, nous souhaitons partir d’une taille critique, notamment pour les questions économiques, de formation, ou de transition énergétique. Sur ce dernier point, Ségolène Royal, du fait de son expérience de présidente de région, s’appuiera sur ce que ces grandes collectivités peuvent faire pour aller plus loin.

Nous voulons, pour cela, nous baser sur le rapport des sénateurs Krattinger et Raffarin. Je sais que cela peut faire débat, mais nous devons avancer. Nous voulons faire appel à l’intelligence des élus, mais nous savons aussi quels sont les freins. C’est pour cette raison que, après les élections régionales et départementales de 2015, s’il n’y a pas eu de progrès en la matière, c’est par la loi qu’il nous faudra agir. C’est un débat qui s’ouvre dans le pays.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, certains rapports de comité ou de mission d’information. André Vallini connaît bien ces problèmes pour y avoir apporté sa contribution avec Pierre Mauroy. Avons-nous avancé depuis ? Non ! Cela veut dire que, à un moment donné, le Gouvernement devra prendre ses responsabilités. Le Sénat sera naturellement consulté, la Constitution nous obligeant à passer par lui en premier lieu sur ces sujets.

Nous voulons également engager le débat sur la suppression des départements à l’horizon de 2021. Je ne répéterai pas ce que j’ai indiqué hier à la tribune. Je vois bien le type de débat qui s’engage. Les conseils généraux, ou plutôt les conseils départementaux – c’est l’appellation précise, telle qu’elle résulte de la dernière loi –, je suis bien conscient de ce que cela signifie. Je vous rappelle simplement que, avec l’émergence des métropoles, la question du devenir des conseils généraux est déjà posée. D’un autre côté, je sais ce que cela peut représenter pour un certain nombre de territoires.

De toute manière, il va nous falloir inventer les instruments de solidarité et de cohésion économique et sociale pour les territoires ruraux. Hier encore, j’ai défendu ces territoires et la ruralité. Le sénateur Jacques Mézard évoquait très précisément ce que cela peut représenter en termes de distance.

Nous avons six ans. Il y aura des élections régionales et départementales, puis une élection présidentielle. Nous n’agirons donc pas avec brutalité. Mais c’est un débat qui se pose, parce que nous devons réformer en profondeur notre pays.

C’est aussi l’occasion d’une réforme profonde de l’État. Je suis attaché au réseau des préfectures et des sous-préfectures, ainsi qu’au rôle de l’État et des services publics. Mais, avec la réforme territoriale, nous pourrons aussi engager une réforme de l’État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour que notre pays soit à la hauteur des enjeux, à la hauteur de la compétition économique, à la hauteur des changements qui ont lieu en Europe et dans le monde, nous devons, nous aussi, changer et faire des économies. Oui, il faut les faire ! N’oublions pas le message que nous ont adressé les électeurs sur les dépenses publiques, mais aussi sur la fiscalité locale !

Le Gouvernement ne veut plus attendre. Il veut engager dans la concertation, mais avec beaucoup de détermination, cette réforme dont le pays a besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Jacqueline Gourault et M. Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)

dotations aux collectivités : 10 milliards d'économies

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.

M. Yvon Collin. Monsieur le Premier ministre, dans votre discours d’hier après-midi devant le Sénat, vous avez insisté sur la participation essentielle des collectivités territoriales au redressement de notre pays. Vous êtes revenu sur vos annonces de la veille devant l’Assemblée nationale et sur ce qui doit être, selon vos propres mots, une « réforme territoriale ambitieuse » – nous sommes d'accord –, confortant ainsi au passage le Sénat dans sa mission constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales, ce dont nous nous félicitons.

Vous avez évoqué hier quatre enjeux : fusion des régions pour le 1er janvier 2017, nouvelle carte intercommunale pour le 1er janvier 2018, suppression de la clause de compétence générale et rien de moins que la suppression des conseils généraux, rebaptisés voilà peu conseils départementaux. Aussi, sur ces quatre sujets, nous ne doutons pas que le Sénat, le moment venu, participera très activement au débat, l’enrichira fortement de son expertise et saura faire entendre sa voix. Le président de notre groupe, Jacques Mézard, a exprimé hier la position et les réserves du RDSE sur cette réforme.

Dans l’attente de ce grand débat, ma question portera davantage sur une mesure financière annoncée devant les députés mardi, mais sur laquelle vous n’êtes pas revenu hier devant la Haute Assemblée : la contribution des collectivités territoriales au plan d’économies par une réduction de 10 milliards d’euros d’ici à 2017 de l’ensemble des dotations versées par l’État.

Monsieur le Premier ministre, cette baisse globale des dotations n’aura de sens et ne pourra être acceptée par les élus que si elle se fait dans la transparence et selon de justes critères de répartition des efforts entre les différentes collectivités.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Yvon Collin. Lorsqu’il s’agit de 10 milliards d’euros de dotation en moins, il ne serait pas acceptable de faire peser la charge des économies en fonction de critères périmés qui ne peuvent qu’accentuer les inégalités et les déséquilibres entre collectivités riches et pauvres ; Neuilly et Paris, nous le savons, ont d’autres marges de manœuvre que nombre de villes et d’agglomérations moyennes. Une telle diminution des ressources ne peut et ne doit être envisagée et réalisée que par une nouvelle politique de péréquation.

Monsieur le Premier ministre, vous comprendrez que de nombreuses collectivités s’inquiètent et souhaitent obtenir des éclaircissements à la fois sur le calendrier et sur les critères de cette baisse massive. Que pouvez-vous nous dire ? Entendez-vous associer pleinement le Parlement, en particulier le Sénat, dès la définition même de ces critères ? (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je réponds à M. Collin, mais, rassurez-vous – ou inquiétez-vous –, je ne répondrai pas à toutes les questions.

M. Roger Karoutchi. Mais si ! Mais si ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Karoutchi, je reconnais bien là votre générosité naturelle (Nouveaux sourires.), mais il y a un gouvernement. Je suis d’ailleurs heureux que ses membres soient en grande partie présents. Je pense notamment aux secrétaires d’État, qui ont été nommés hier. Je veux saluer en votre nom Jean-Marie Le Guen, qui sera désormais votre « secrétaire d’État permanent ».

M. Roger Karoutchi. Quel cadeau !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En effet, c’est lui qui est chargé des relations avec le Parlement. Comme il était député, il apprendra à connaître le Sénat.

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut lui apprendre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne doute pas que vous lui apprendrez, avec la générosité qui est la vôtre. (Exclamations amusées.)

Monsieur Collin, je me suis effectivement exprimé hier. Je vous réponds, car je sais votre groupe, qui s’est exprimé par la voix du sénateur Jacques Mézard, très attentif à toutes ces questions. Oui, nous aurons l’occasion de revenir devant le Sénat sur les différentes étapes de la réforme !

Dans le même temps, et je le souligne à nouveau – Michel Sapin, qui n’est pas ici puisqu’il est à Washington, aurait également insisté sur ce point –, nous devons réaliser un certain nombre d’économies. Elles ne peuvent pas être aveugles. J’ai indiqué précisément quelles étaient les grandes masses hier. Je l’ai fait à l’Assemblée nationale, ainsi, bien entendu, qu’au Sénat.

Les collectivités territoriales devront participer de cet effort autour de 10 milliards d’euros. Pour cela, nous devons nous appuyer sur des instruments. Nous aurons des propositions qui nous seront faites, notamment grâce à la mission confiée à MM. Malvy et Lambert. Là aussi, cela signifie bien qu’il ne faudra pas procéder de manière aveugle, absurde, et qu’il faudra faire très attention aux conséquences de telles économies.

Pour une petite ville, pour une ville moyenne, pour un conseil général qui a déjà un certain nombre de difficultés, certaines coupes budgétaires, si elles passent de manière brutale, peuvent effectivement amputer l’action publique.

Nous connaissons les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales. Elles aussi subissent les conséquences de la crise. Oui, nous serons donc attentifs à la mise en œuvre des mesures !

Mais, je le répète, ces économies sont indispensables. Il ne s’agit pas uniquement de nous conformer à nos engagements européens. C’est aussi afin de gagner des marges supplémentaires pour l’investissement, pour la compétitivité des entreprises, pour l’emploi et pour le financement du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République – je l’ai détaillé – que nous avons besoin de faire ces économies. Il faut les faire intelligemment. Nous y associerons bien évidemment les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe écologiste.)

M. Charles Revet. On n’est pas plus avancé !

grand paris

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. Monsieur le Premier ministre, ma question s’adresse à Mme Marylise Lebranchu, votre ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, sauf si vous souhaitez me répondre directement…

M. Roger Karoutchi. Il ne peut pas tout faire ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. Dans votre discours de politique générale, vous nous avez indiqué que vous nous proposeriez une nouvelle réforme territoriale portant notamment sur l’intercommunalité. Or une loi créant un nouvel échelon territorial, celui des métropoles, a été promulguée récemment.

Après les élections municipales qui viennent de se dérouler, le paysage politique de nos villes s’est profondément modifié, notamment en Île-de France.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas le cas à Paris !

Mme Isabelle Debré. Durant leur campagne, de nombreux candidats élus aujourd’hui à la tête des communes de la petite couronne parisienne ont exprimé leur inquiétude au sujet de la métropole du Grand Paris, non seulement parce qu’elle supprime les intercommunalités existantes au profit d’une immense structure, par essence technocratique, très éloignée des réalités locales,…

Mme Isabelle Debré. … mais aussi parce qu’elle les prive de leurs compétences notamment en matière d’urbanisme, de développement économique et d’aménagement urbain.

Votre annonce d’une nouvelle carte intercommunale fondée sur les bassins de vie à l’horizon de 2018 suscite aussi l’interrogation des élus d’Île-de-France appelés à siéger au sein de cette métropole.

Que va-t-il advenir des métropoles récemment créées, en particulier celle du Grand Paris, qui, je le rappelle, doit être opérationnelle à partir du 1er janvier 2016 ?

Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre ou monsieur le Premier ministre, les intentions du Gouvernement quant à la nouvelle réforme territoriale annoncée, à ses objectifs et au calendrier envisagé pour sa discussion au Parlement ?

Pouvez-vous également nous indiquer quand seront pris les décrets d’application nécessaires à la mise en œuvre de la loi créant les métropoles ? Quels ajustements envisagez-vous, le cas échéant, de proposer ? Selon quel agenda ? Quelle méthodologie ? Comment comptez-vous associer les élus ? Enfin, quelles seront les conséquences pour les métropoles en cours de construction ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. Philippe Bas. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Madame la sénatrice, vous avez raison : il y a une inquiétude dans un certain nombre de collectivités locales, en particulier sur l’aire de la métropole du Grand Paris. Toutefois, concernant la réforme de l’intercommunalité, dont M. le Premier ministre a indiqué hier la méthode et les dates, l’aire métropolitaine n’est pas concernée.

Souvenez-vous, nous avons décidé ensemble, à la fois au Sénat et à l’Assemblée nationale, que les communes de la petite couronne allaient s’engager vers la création d’une intercommunalité là où il n’y en avait pas et que nous allions transformer les intercommunalités existantes – cela a fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle – en conseils des territoires. Pourquoi ?

M. Roger Karoutchi. On n’en veut pas !

M. Christian Cambon. Ils n’ont pas la personnalité juridique !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Parce que la métropole du Grand Paris est une intercommunalité. Nous avons pensé, je crois à juste raison, en tout cas pour un certain nombre d’entre nous,…

M. Roger Karoutchi. Très peu !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et c’est apparu de manière transpartisane dans nos débats, qu’il fallait prendre en compte l’avis des citoyens de la métropole.

Prenons le cas d’une mère de famille – une mère célibataire avec trois enfants – qui a son logement dans une commune, qui va déposer ses enfants dans une autre et qui fait encore une demi-heure de transport pour aller travailler. Elle traverse plusieurs communes et intercommunalités. Or il n’y a pas de mise en cohérence des services qui lui permettrait de se rendre tranquillement de son logement à l’école de ses enfants, puis à son lieu de travail.

M. Christian Cambon. Ce n’est pas ça le problème !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut donc de la cohérence sur la métropole du Grand Paris comme sur les conseils de territoires.

Madame la sénatrice, je me suis engagée devant Paris Métropole voilà cinq jours à discuter avec l’ensemble des élus. Je suis disposée à prendre le temps d’expliquer aux nouveaux élus comment nous avons cheminé des anciennes intercommunalités…

M. Roger Karoutchi. Vous les supprimez en 2015 !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … à la métropole du Grand Paris. Cela nous permettra d’être à « égalité d’informations ».

Je m’étais engagée, sous l’autorité du Premier ministre, à soumettre le projet de décret aux élus de Paris Métropole ; c’est fait. Je m’étais engagée à écrire une convention d’objectifs partagés ; cela a été fait en fin de semaine dernière.

Nous privilégions – M. le Premier ministre le demande, et il a raison – une concertation précise de mise en œuvre de cette métropole du Grand Paris, dont le décret sera publié très prochainement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon. Qu’est-ce que c’est que cette réponse ? C’est inimaginable !

M. Roger Karoutchi. C’est zéro !

M. Christian Cambon. On voit bien que vous n’êtes pas une élue francilienne !

annonces du premier ministre sur la réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe UDI-UC.

M. Hervé Maurey. Après la défaite historique subie par la gauche et le Président de la République aux élections municipales, nous voici avec un nouveau gouvernement ou plutôt, devrais-je dire, un nouveau Premier ministre, puisque le Gouvernement est quasiment inchangé dans sa composition.

M. Didier Guillaume. Il est excellent !

M. Hervé Maurey. C’est avec beaucoup d’intérêt, mais aussi d’étonnement, voire de stupeur que nous avons entendu le Premier ministre sur un sujet qui nous intéresse tout particulièrement dans cette assemblée : la réforme des collectivités territoriales.

Alors que le Président de la République et la gauche de cet hémicycle proclamaient voilà peu encore le nécessaire rétablissement de la clause générale de compétence, vous annoncez la suppression de celle-ci, monsieur le Premier ministre.

Alors que le Président de la République confirmait au mois de janvier 2014 son attachement aux départements et sa volonté d’assurer leur maintien, vous annoncez la suppression de cette collectivité.

Alors que la gauche s’est toujours opposée à la fusion des régions – en tant qu’élu normand, je suis bien placé pour en témoigner –, vous annoncez une diminution par deux de leur nombre.

Alors que vous défendiez il y a peu encore les financements croisés, vous les fustigez désormais.

Alors que la gauche condamnait en 2011 le gel des dotations, vous annoncez, après une baisse de 1,5 milliard d’euros en 2014, une baisse de 10 milliards d’euros d’ici à 2017, c'est-à-dire une baisse plus de six fois supérieure à celle qui a déjà été supportée cette année. Cette baisse représente 20 % de l’effort d’économies demandé, alors que les collectivités locales ne représentent que 4 % des déficits publics, contre 83 % pour l’État.

M. Alain Gournac. Très juste !

M. Hervé Maurey. Mes questions sont donc les suivantes, monsieur le Premier ministre : comment les collectivités locales vont-elles pouvoir présenter, conformément à la loi, un budget en équilibre, alors que la baisse des dotations va être considérable et absorber dans la plupart des cas les actuels excédents de fonctionnement ?

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Hervé Maurey. Je vous rappelle que la baisse des dépenses au sein des collectivités locales se heurte à la rigidité de la plupart des postes, notamment des charges de personnels.

Derrière cette mesure, n’y aurait-il pas une volonté cachée de supprimer les communes ou de procéder à des regroupements massifs de celles-ci ?

Dans ce contexte, la coûteuse réforme des rythmes scolaires ne peut se limiter à un assouplissement du cadre réglementaire tel que vous l’avez annoncé ; elle nécessite une véritable remise à plat, car vous ne pouvez pas à la fois réduire drastiquement les dotations aux collectivités locales et leur imposer de nouvelles charges. Ce n’est pas possible !

Je voudrais donc savoir quelles sont les intentions précises du Gouvernement sur ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je présente mes excuses à Mme Debré.

Mme Isabelle Debré. Quand même !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, n’y voyez aucun sectarisme de ma part,…

M. Ladislas Poniatowski. On ne dirait pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … mais Mme Lebranchu connaît bien le dossier du Grand Paris.

Pour ma part, j’ai fait des annonces concernant la réforme des collectivités territoriales. Il est donc normal que je réponde.

Monsieur Maurey, depuis deux ans, vous me demandez souvent, et plus récemment par l’intermédiaire de votre président de groupe, d’entendre le message des électeurs, de réformer le pays et de réaliser les économies nécessaires. Vous ajoutez parfois, parce que vous êtes sincère, qu’un certain nombre de réformes de structures ou d’économies auraient dû être réalisées avant.

J’ai à nouveau posé ces questions hier : pouvons-nous encore vivre au-dessus de nos moyens ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pouvons-nous admettre le niveau d’endettement et de déficit de notre pays ? Pouvons-nous attendre pour procéder à des réformes ? Non ! J’ai d’ailleurs indiqué hier ici même que je considérais que, au-delà du travail qui avait été engagé sur la décentralisation par Marylise Lebranchu, nous aurions dû commencer par des réformes de structures beaucoup plus lourdes avant de traiter la question des modes de scrutin. Lors de la présentation de ces textes de loi, j’avais dit exactement la même chose en répondant à diverses interpellations.

Eh bien, il est temps de faire ces réformes ! Elles sont sur la table, et il va y avoir un débat.

La suppression des conseils généraux n’est pas une idée nouvelle ; elle est même portée par des personnalités de toutes sensibilités politiques.

M. Alain Fouché. Pas de la majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce débat existe au sein de la majorité comme de l’opposition. Portons-le !

Voulons-nous engager la réforme de manière brutale ? Non, puisque nous indiquons l’horizon de 2021. D’ici à cette échéance, auront lieu les élections départementales en 2015, une élection présidentielle en 2017. Reste que nous ne pouvons pas attendre. Nous voulons donc que le débat s’engage.

Nous aurons au préalable un débat sur les régions – nous voulons passer à une dizaine de grandes régions. Il nous permettra ainsi de franchir une première étape et d’examiner comment nous devons organiser nos collectivités territoriales.

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai été très clair à ce sujet : je suis attaché aux communes – elles trouvent un rôle nouveau dans l’intercommunalité –, mais ces réformes de structures sont indispensables. Il ne s’agit pas de transformer notre pays en un État fédéral. Il convient de mieux l’organiser et d’être beaucoup plus performants, non seulement pour nos concitoyens et les acteurs économiques, mais aussi pour réaliser des économies.

M. Alain Fouché. Lesquelles ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Moi, je ne fustige pas les collectivités territoriales. Je n’ai pas prononcé les mots que j’ai parfois entendus au sein du gouvernement avant 2012 à leur égard. J’ai été maire. Je sais combien il est difficile de gérer une collectivité, surtout quand elle est pauvre et rencontre des difficultés sociales sur son territoire.

Nous avançons, je l’ai dit tout à l’heure, le chiffre de 10 milliards d’euros. Vous le savez parfaitement, des économies d’échelle sont tout à fait réalisables en la matière.

Il y va de la responsabilité de ce gouvernement d’être à la hauteur de la situation et d’engager le pays sur la voie non seulement des réformes de structures mais aussi des économies, à condition que ces dernières soient bien précisées – nous y reviendrons avec Michel Sapin et Christian Eckert – et bien ciblées,...

M. Jean Bizet. Nous attendons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … en nous appuyant sur le travail qui a été réalisé par MM. Lambert et Malvy, qui connaissent parfaitement la question des normes. Je pense que nous pouvons atteindre ces résultats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

dialogue social

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste.

M. Yves Daudigny. Ma question s'adresse au nouveau ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, de l’UMP et de l’UDI-UC.), que je veux avant tout féliciter chaleureusement de sa nomination.

M. Jean Desessard. Nous aussi !

M. Roger Karoutchi. Il ne sait pas ce qu’il a fait, il était très bien ici ! (Sourires.)

M. Yves Daudigny. Celle-ci récompense un engagement sans faille, chacun le sait ici, et vous place dans le même temps, monsieur le ministre, face à de grandes responsabilités.

Il y a peu encore, c’est en France que les relations professionnelles étaient perçues comme les plus conflictuelles. Depuis 2012,…

M. Éric Doligé. Tout va bien…

M. Yves Daudigny. … cela n’est plus vrai, parce que le nouveau gouvernement d’alors a fait le pari de la confiance par le rétablissement du dialogue et de la négociation.

M. Philippe Dallier. C’est réussi…

M. Yves Daudigny. S’il est des succès qui peuvent être unanimement reconnus, celui-là en est incontestablement : vous aviez, nous avions la conviction que l’économie et le social ne vont pas l’un sans l’autre, que le dialogue est aussi un élément de compétitivité, un levier pour le développement, une arme contre le chômage et pour la croissance.

Encore fallait-il faire vivre, par un changement de méthode, cette conviction que des relations sociales constructives sont possibles. Le rendez-vous annuel de la grande conférence sociale concrétise, sur la base d’une feuille de route nationale et d’un agenda partagé, la dynamique nouvelle enclenchée non seulement pour réinvestir la création d’emplois, la formation, l’apprentissage, l’amélioration des conditions de travail et la reconnaissance des qualifications, mais aussi pour assurer le suivi et la poursuite des engagements et des progrès réalisés. Je n’en citerai qu’un, emblématique du changement profond qui est à l’œuvre, l’association des représentants syndicaux à la réflexion stratégique des grandes entreprises avec l’entrée des représentants des salariés dans les conseils d’administration.

Ce pari du dialogue et de la confiance est aussi celui que le Premier ministre propose aujourd’hui, dans l’intérêt général, à l’ensemble de la représentation nationale.

M. Alain Gournac. Allo ? Allo ?

M. Yves Daudigny. Substituer la négociation à la culture du conflit est une grande ambition. Elle suppose aussi la reconnaissance de la valeur du travail dans l’entreprise et la réciprocité des engagements.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous préciser de quelle manière vous entendez poursuivre ces réformes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Merci à vous, monsieur le sénateur,…

M. Philippe Dallier. Merci beaucoup ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. François Rebsamen, ministre. Oui ! Car vous me permettez de vous dire le plaisir (Nouveaux rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.) que j’ai eu à siéger parmi vous durant plus de cinq années. J’ai ainsi pu apprécier vos capacités d’écoute, d’échange, de concertation, ainsi que votre convivialité, qui est la marque de cette belle maison. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

Mme Isabelle Debré. Tout à fait !

M. François Rebsamen, ministre. Nous ne sommes pas très loin du dialogue social. (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Si seulement c’était comme ça !

M. François Rebsamen, ministre. Le dialogue social, c’est non seulement une volonté, celle du Président de la République, du Premier ministre et de son gouvernement, mais c’est aussi une méthode, une marque de ce beau ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social et, ajouterai-je, de la formation professionnelle. Ce n’est pas M. le sénateur Larcher qui me contredira.

Le dialogue social, vous l’avez fort bien dit, monsieur le sénateur, c’est la réhabilitation du beau mot de compromis. C’est l’abandon de la culture du conflit systématique pour la recherche de ce compromis social si nécessaire.

Le compromis, ce n’est pas le renoncement. Le compromis, ce n’est pas la compromission.

M. Bruno Sido. Alors qu’est-ce que c’est ?

M. François Rebsamen, ministre. Le compromis, c’est la compréhension, c’est la capacité à dialoguer et à avancer ensemble pour trouver des solutions. À cet égard, la conférence sociale annuelle qui nous permet de faire un bilan, de fixer des objectifs de travail avec un suivi est un grand moment de la mobilisation de ce dialogue social.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quarante ans de chômage de masse ont appauvri notre société, menacent la cohésion sociale, portent atteinte au pacte républicain. Je pense sincèrement que nous devons œuvrer tous ensemble et nous mobiliser contre ce qui menace – j’insiste sur ce terme – notre République, afin de parvenir à trouver enfin des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)

fermeture d'entreprises dans la vienne

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe UMP.

M. Alain Fouché. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Nous avons bien entendu le message du Premier ministre hier, et cette vérité est aussi la nôtre : nous avons besoin des entreprises, de toutes les entreprises. Toutefois, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés que rencontrent certaines d’entre elles dans ma région de Poitou-Charentes. Dans le département de la Vienne en particulier, deux d’entre elles monopolisent l’attention de tous, habitants, élus et pouvoirs publics.

Le groupe CEIT, basé à Loudun, spécialisé dans l’aménagement de voitures ferroviaires, propriété d’un fonds d’investissement américain, est en redressement judiciaire, car il traverse une crise grave de liquidités.

La société d’investissement, américaine, estime que CEIT dispose d’atouts importants. Le groupe a comme clients la SNCF, Alstom, Bombardier, donc des clients pérennes. Avec un carnet de commandes représentant un montant de 77 millions d’euros, elle a de l’activité pour deux ans.

La Banque publique d’investissement est intervenue en juillet dernier en mettant à disposition 2 millions d’euros, mais cette somme n’a pas été versée, faute d’appui d’autres banques.

Monsieur le ministre, comptez-vous intervenir auprès des partenaires financiers pour débloquer cette situation ? Sachez que 246 emplois sont en jeu dans ce pays du Loudunais.

Chez le sous-traitant automobile américain Federal-Mogul, qui devrait fermer prochainement le site de Poitiers-Chasseneuil, 241 emplois sont également en jeu. C’est le dernier fabricant français de pistons de moteurs diesel et essence pour Renault et PSA. Cette société a cependant récemment investi sur le site 4 millions d’euros, pour acquérir une machine qui n’a jamais été utilisée, et embauché 31 personnes à la fin de l’année dernière. Elle est concurrencée par un autre site du groupe, en Pologne, une délocalisation à laquelle nous nous opposons naturellement tous.

Nous avons exprimé le souhait, monsieur le ministre, que vous puissiez réunir au ministère, à la fois les représentants syndicaux, les élus – car tous, à tout niveau, se sont impliqués –, les décideurs et les donneurs d’ordre afin, notamment, que ces derniers maintiennent leurs commandes.

Nous souhaitons naturellement que l’État, impliqué dans ces entreprises, intervienne. Nous savons quelle a été votre implication ces derniers mois, votre engagement pour les entreprises, dans des situations similaires. Nous comptons sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le sénateur, comme le dit le grand prix Nobel Joseph Stiglitz, il faut éviter de laisser sombrer l’industrie, car la reconstruire coûte très cher.

Dans un pays où la compétitivité a baissé dangereusement depuis maintenant un certain nombre d’années…

M. Alain Gournac. En effet !

M. Arnaud Montebourg, ministre. … et où les performances comparées de notre appareil productif conduisent à des défaillances sur le territoire, notre travail consiste, depuis que j’ai pris ces fonctions difficiles, à la fois à mener des politiques nationales restaurant cette compétitivité, politiques discutées sur le plan national devant les assemblées parlementaires, et à rechercher au cas par cas, chaque fois qu’une entreprise présente des signes de défaillances, les solutions avec l’ensemble des partenaires.

Je tiens à cet égard à remercier les élus, notamment Mme la présidente de la région Poitou-Charentes, qui s’est mobilisée sur ces dossiers, les syndicats et les sous-traitants locaux. Nous avons précisément créé l’institution des commissaires au redressement productif pour faire face à de telles situations.

Le premier des deux dossiers que vous évoquez fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, que nous jugeons inutile. En effet, le propriétaire n’a pas apporté suffisamment d’argent pour assurer la trésorerie de cette entreprise, que nous jugeons viable. D’ailleurs, vous l’avez signalé, monsieur le sénateur, le groupe CEIT dispose de plusieurs années de travail devant lui et dégage un bon chiffre d’affaires.

La procédure collective devant le tribunal de commerce permettra de résoudre ce problème. Face à un actionnaire défaillant, le code des procédures collectives offre des solutions ! Nous ne souhaitons jamais en arriver à de telles extrémités, mais cela est parfois nécessaire en cas de défaillance. La mobilisation de la Banque publique d’investissement, que vous avez rappelée, celle des donneurs d’ordre, l’étalement des dettes… Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour éviter d’aller devant le tribunal de commerce. Cela n’a pas suffi.

Nous sommes attentifs à cette procédure. Par une circulaire récente, Mme la garde des sceaux a permis aux commissaires au redressement productif, relevant de mon ministère, d’intervenir à ce titre et d’apporter des solutions. Nous serons au rendez-vous pour défendre cet outil de travail.

Il en est de même du sous-traitant Federal-Mogul, qui se trouve à Chasseneuil et qui emploie près de 250 salariés. C’est une affaire difficile : dans la sous-traitance automobile de rang 2 ou 3, nous constatons beaucoup de défaillances liées à des pertes de compétitivité, à l’absence d’investissement, à l’obsolescence des investissements réalisés ou, comme c’est le cas dans ce dossier, à des investissements trop tardifs. Un cas similaire se présente dans la Nièvre. Il provoque beaucoup d’émotion dans ce territoire rural.

M. le président. Merci monsieur le ministre !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous avons besoin de nous réunir. Nous conviendrons d’un rendez-vous avec l’ensemble des partenaires, y compris avec les propriétaires et actionnaires, pour chercher des solutions. Des questions doivent être posées, et nous espérons obtenir des réponses ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

annonces sur la décentralisation

M. le président. La parole est à M. Michel Berson, pour le groupe socialiste.

M. Michel Berson. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique.

M. le Premier ministre vient de réaffirmer ici même l’ambition du Gouvernement de réaliser les réformes audacieuses dont notre pays a besoin, notamment en réorganisant en profondeur nos collectivités territoriales, pour en réduire le nombre, pour en clarifier les compétences et pour rendre plus efficaces les services locaux.

On peut comprendre que la suppression de la clause de compétence générale soit finalement incontournable (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…

M. Christian Cambon. C’est nouveau !

M. Michel Berson. … si l’on veut réellement clarifier et rationaliser les compétences de chaque niveau de collectivités.

On peut comprendre la diminution du nombre de régions. Des régions moins nombreuses, ce sont des régions plus fortes,…

M. Gérard Longuet. À condition qu’elles aient des compétences et des moyens !

M. Michel Berson. … disposant des moyens d’investir et pesant davantage dans la compétition internationale des territoires.

On peut comprendre qu’il faille maintenant réduire le nombre des intercommunalités pour les recentrer sur des bassins de vie plus vastes et plus pertinents.

M. Gérard Longuet. Mais c’est déjà fait depuis six mois !

M. Michel Berson. Toutefois, la suppression non pas des départements, territoires auxquels les Français sont attachés,…

M. Michel Berson. … échelon administratif essentiel de l’État, mais des conseils départementaux, instances de gouvernance des départements, est une question plus complexe, plus délicate, plus sensible.

M. Éric Doligé. La révolte gronde !

M. Michel Berson. Certes, monsieur le Premier ministre, vous avez proposé aux élus et aux citoyens un long et profond débat sur l’avenir des départements. Certes, vous avez assuré faire confiance à l’intelligence et à l’innovation territoriales. Aujourd’hui, la fusion des métropoles avec tout ou partie des départements concernés est posée.

Dans les territoires urbains, le transfert aux régions et aux intercommunalités des compétences sociales, des infrastructures et des équipements publics des départements pourrait se concevoir. En revanche, dans les territoires ruraux,…

M. Michel Berson. … et même mi-urbains mi-ruraux, après la suppression des conseils départementaux, qui assumera ces compétences sociales ?

M. Alain Fouché. Bravo ! M. Berson a raison !

M. Michel Berson. Qui rendra les services de proximité ?

M. Roger Karoutchi. La métropole ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Berson. Qui dispensera les allocations universelles de solidarité ? La qualité de vie dans ces territoires dépend de la réponse à ces questions.

Dès lors, madame la ministre, comment garantir à tous nos concitoyens un égal accès aux services publics locaux, qui, avec la crise, sont plus que jamais au cœur du contrat social et du pacte républicain qui rassemblent les Français ? (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, votre question est très bien posée (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) et elle répond exactement à ce que le Premier ministre a défini hier de manière très précise. Pour ma part, j’ai toujours dit que la méthode, c’était déjà de la politique. Or la méthode a été précisée.

Vous ne remettez pas en cause la volonté de créer des régions plus grandes. Vous avez d’ailleurs activement participé, ici même, au mois de janvier, à un débat conduit avec brio par M. le président de la commission des lois,…

M. Jean-Pierre Sueur. Merci, madame la ministre !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … à propos d’un rapport écrit par MM. Raffarin et Krattinger.

Cette question de la taille des régions avait été bien posée. J’avais d’ailleurs été surprise de l’absence de retentissement médiatique du débat en question.

M. Bruno Sido. Oh, les médias…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ensuite, au cours de nos discussions, la question des départements a été soulevée.

M. Bruno Retailleau. Il ne s’agissait pas de les supprimer !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. M. Doligé s’en souvient parfaitement, car il était présent tout au long de cette séance : la suppression des départements n’avait pas été proposée. Qu’avions-nous dit ?

Premièrement, la suppression des départements, dont nous avions longuement discuté, ne peut se faire du jour au lendemain et en période de crise et de déficit budgétaire. Pourquoi ? Je prendrai pour seul exemple l’action sociale à destination des personnes, qui a été évoquée, et plus précisément le RSA. Cette allocation représente quelque 8 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros sont apportés par les départements. J’avais cité cet exemple en commission. Il a été proposé de faire remonter le RSA au niveau national. À ce propos, je tiens à saluer la mémoire de Michel Dinet, qui vient de nous quitter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Philippe Bas applaudit également.) Il nous a laissé de nombreux documents relatifs à ce sujet.

Sans les conseils départementaux, ces 3 milliards d’euros seraient financés par l’impôt sur le revenu, qui a une assiette plus fermée et plus dirigée vers les classes moyennes que les contributions départementales, lesquelles sont à la fois fondées sur les impôts territoriaux et sur les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. C’est donc aussi, nous l’avons déjà dit, une question de fléchage de l’impôt.

Deuxièmement, il faudra du temps pour voir comment, dans les territoires ruraux, pouvoir transférer ces compétences.

M. Bruno Retailleau. Il faudra réviser la Constitution !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Berson, vous l’aviez dit avec juste raison, il n’y a pas deux départements ou deux régions qui se ressemblent.

Ce que nous offre sans doute la méthode proposée par le Premier ministre, c’est le temps d’étudier, presque département par département, les modalités de suppression des conseils départementaux (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…

M. Bruno Sido. Oh là là !

M. Alain Fouché. On l’a déjà fait dans tous les sens ! Les préfets n’ont rien écouté !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … pour que ne soient pas supprimés les services de proximité.

Je sais votre engagement, et je sais l’engagement qui sera le vôtre au cours ce débat. Je salue Anne-Marie Escoffier, qui avait déjà tracé cette feuille de route pour 2025, et je vous assure que je vous retrouverai, avec André Vallini, devant la commission ad hoc aussi vite que possible. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. La réforme est bien partie…

collectivités : dotations, rythmes scolaires et annonces du premier ministre

M. le président. La parole est à M. Joël Billard, pour le groupe UMP.

M. Joël Billard. Ma question s'adresse à Mme le ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique.

M. Joël Billard. Madame le ministre, au lendemain des élections municipales, c’est avec consternation que les élus locaux ont pris connaissance des chiffres de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, pour l’année 2014.

M. Joël Billard. Celle-ci accuse une forte baisse par rapport aux prévisions de réduction, qui étaient de l’ordre de 3 % par an pendant trois ans.

Les chiffres annoncés, très variables d’une collectivité à l’autre, plombent les perspectives financières des collectivités.

M. Charles Revet. On en remet une couche !

M. Joël Billard. À cela s’ajoute le surcoût de la réforme des rythmes scolaires, qui aura d’ailleurs pour effet d’accentuer les disparités sociales entre nos territoires.

Les seules marges de manœuvre restent donc la fiscalité et la réduction des investissements. À titre d’exemple, ces coûts représenteraient pour ma commune, qui compte 4 800 habitants, environ 10 % de fiscalité supplémentaire.

Augmenter la fiscalité n’est pas envisageable, les ménages étant déjà fortement touchés par le contexte économique et les hausses d’impôts successives.

Réduire l’investissement aurait un effet négatif pour la relance économique et entraînerait un accroissement du chômage. N’oublions pas que 70 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales !

M. Joël Billard. J’ai le sentiment que l’on veut tout doucement, sans oser le dire, faire disparaître certaines communes, bien sûr les plus petites. Il serait pourtant dommageable de se priver des 500 000 bénévoles que sont les élus locaux œuvrant au sein de ces indispensables cellules de proximité.

Madame le ministre, pour l’avenir, allez-vous enfin donner avec précision les montants de la dotation globale de fonctionnement, afin que les maires puissent établir leur budget ? En outre, ne serait-il pas judicieux de suspendre voire, de supprimer la réforme des rythmes scolaires,…

Mme Laurence Cohen. Et c’est reparti !

M. Joël Billard. … le temps d’en appréhender les impacts, notamment financiers, tout particulièrement dans les territoires ruraux, qui se sentent de plus en plus abandonnés et méprisés ?

Pour 93 % des communes, cette réforme n’est pas acceptée mais imposée. La vérité, c’est qu’une très grande majorité d’élus de tous bords, d’enseignants et de parents d’élèves sont réservés, voire hostiles à sa mise en application, à moins que l’État n’en assume la prise en charge. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je ne dirai qu’un mot concernant les rythmes scolaires. M. le ministre de l’éducation nationale a rappelé avec force qu’il s’agissait avant tout de nos enfants et qu’il comprenait parfaitement les difficultés de nos communes. Il doit d’ailleurs s’entretenir avec une délégation de l’Association des maires de France, l’AMF, et son président, pour voir comment avancer, afin d’aider les communes à remplir les missions qui leur sont demandées. Je n’irai donc pas plus loin sur cette question.

Concernant la réforme de la DGF, vous étiez présent ici même lorsque, avant que nous puissions engager la deuxième partie de la loi, nous avons pris un engagement fort : « redémonter » – passez-moi l’expression – la DGF, construite sur la base du VRTS, le versement représentatif de la taxe sur les salaires, et par une superposition de diverses couches, qui atteignent aujourd’hui le nombre de dix-sept.

Ce dispositif est devenu difficilement compréhensible. À quoi sommes-nous conduits ? À créer tous les ans des systèmes de péréquation, à essayer d’être aussi justes que possible en redistribuant des dotations de l’État que nous prenons aux uns pour redonner aux autres. C’est là un exercice difficile !

Parallèlement, nous proposons la mutualisation des services pour les intercommunalités et les communes, et ce dans les deux sens. La loi a été très claire à ce sujet. Rappelons que la commune de La Roche-sur-Yon, récemment, et, auparavant, la commune d’Annonay ont réalisé entre 10 % et 14 % d’économies par la simple mutualisation des services.

Or il faut rappeler que les 10 milliards d’euros représentent à peu près 4 % du total des recettes de fonctionnement de nos communes et intercommunalités. L’effort n’est donc pas si violent que vous le dites ! Cela étant, nous voulons qu’il soit accompli dans la justice. Comment faire ? En tenant compte de deux éléments majeurs.

Le premier enjeu, c’est, dans les communes rurales – le ministre de l’agriculture ouvrira bientôt les assises des territoires ruraux –,…

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Le 3 juin !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … la nécessité de protéger les terres agricoles. Mme la ministre de l’écologie le sait mieux que quiconque, il s’agit de protéger tous les espaces, captages d’eau, zones NDs, zones Natura 2 000, et j’en passe, en encourageant la non-construction. Nous devons donc créer une part de DGF rurale pour ces communes et intercommunalités.

Le second enjeu, c’est la prise en compte des véritables facteurs de pauvreté, au-delà des seuls critères de population et de potentiel fiscal et financier, aujourd’hui pris en compte, qui ne suffisent pas.

Oui, ces 10 milliards d’euros seront engagés jusqu’en 2017, mais avec une réforme de la dotation globale de fonctionnement, à laquelle le Sénat sera largement associé ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

pacte de responsabilité/solidarité et pouvoir d'achat

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour le groupe socialiste.

Mme Christiane Demontès. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d’État chargé du budget, et non à Mme Marylise Lebranchu. (Sourires.)

Dans sa déclaration de politique générale, M. le Premier ministre a rappelé l’engagement du Gouvernement sur le pacte de responsabilité, annoncé par le Président de la République, afin de rendre à la France la force économique qu’elle a perdue depuis dix ans. Soutenir les entreprises, c’est aussi soutenir l’emploi ! L’allégement des cotisations payées par les entreprises est l’un des éléments de leur compétitivité.

M. le Premier ministre s’est aussi exprimé sur la nécessité d’accompagner ce pacte de responsabilité d’un pacte de solidarité.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Christiane Demontès. Il a annoncé des mesures pour donner plus de pouvoir d’achat aux salariés et inciter les entreprises à embaucher. Je veux en quelques mots les rappeler : suppression des cotisations patronales à l’URSSAF pour le SMIC et modification du barème des allégements jusqu’à 1,6 SMIC ; abaissement de 1,8 point des cotisations famille pour les salaires jusqu’à 3,5 SMIC – mes chers collègues, cela concerne 90 % des salariés en France ; baisse de 3 points des cotisations famille pour les travailleurs indépendants et les artisans, qui ne sont pas concernés par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE ; diminution pour les salariés au SMIC de leurs cotisations sociales pour leur procurer du salaire supplémentaire ;…

M. Alain Gournac. Allo ? Allo ?

Mme Christiane Demontès. … allégement de la fiscalité pesant sur les ménages modestes et sur ceux qui sont entrés dans le champ de l’impôt sur le revenu – je pense en particulier aux veuves qui ont vu leur demi-part supplémentaire supprimée de par la volonté du gouvernement d’avant 2012.

M. Christian Cambon. Et allez donc !

Mme Christiane Demontès. Hier, Jean-Pierre Caffet, s’exprimant au nom du groupe socialiste, a insisté sur la nécessité de garantir par l’impôt le partage entre ceux qui ont tout, ou beaucoup, et ceux qui n’ont rien, ou presque. Toutes ces mesures seront déployées dans le contexte de réduction de la dépense publique.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer les modalités de leur mise en œuvre et la méthode utilisée pour respecter les trois engagements du Gouvernement : la compétitivité des entreprises, la réduction de la dépense publique et l’augmentation du pouvoir d’achat de nos compatriotes les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, je tiens à vous remercier de cette question, qui me permet de préciser les modalités – vous en avez évoqué certaines – et le calendrier envisagés par le Gouvernement, tout en vous priant de bien vouloir excuser l’absence de Michel Sapin, actuellement en déplacement à l’étranger.

Notre pari est double, puisque nous visons, avec ces mesures, un objectif en termes d’emploi et un objectif en termes de compétitivité de nos entreprises.

S’agissant du premier objectif, celui qui concerne l’emploi, vous avez mentionné le dispositif « zéro charge URSSAF » que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour les salariés payés au SMIC. Selon nous, il s’agit là du moyen le plus efficace pour favoriser rapidement les créations d’emploi. Cette mesure, simple et claire, sera mise en œuvre dès le 1er janvier 2015.

Par ailleurs, vous l’avez également évoqué, un allégement de 1,8 point des cotisations patronales concernera les salariés rémunérés jusqu’à 3,5 fois le SMIC, soit la plus grande majorité des salariés. C’est là notre second objectif, celui du retour à la compétitivité de nos entreprises, compétitivité qui s’est fortement dégradée.

Enfin, les travailleurs indépendants bénéficieront d’une baisse de plus de 3 points de leurs cotisations sociales, et ce dès 2015.

Au-delà du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi déjà mis en place pour un montant de 20 milliards d’euros, nous porterons ainsi l’effort à 30 milliards d’euros. Mais nous irons plus loin. À l’issue des assises de la fiscalité des entreprises, la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S, un impôt sur le chiffre d’affaires appliqué à un grand nombre d’entreprises et représentant environ 6 milliards d’euros, sera progressivement supprimée sur trois ans, avec une réduction de 1 milliard d’euros dès 2015.

Enfin, les « petites taxes », malheureusement trop fréquentes, seront supprimées pour, environ, 1 milliard d’euros, ainsi que la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, représentant 2,5 milliards d’euros.

Mais, comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, toutes ces mesures s’accompagneront d’un effort de solidarité, avec les deux dispositions que vous avez mentionnées, dont, notamment, la baisse de l’impôt sur le revenu de certains ménages pour un montant global d’environ 5 milliards d’euros.

Le tout sera financé par une cinquantaine de milliards d’euros d’économies,…

M. Roger Karoutchi. Où les trouverez-vous ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.… inscrits dans la trajectoire des finances publiques, telle qu’elle apparaîtra dans le programme de stabilité qui vous sera soumis dans les prochains jours et qui fera l’objet d’un vote du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

7

Souhaits de bienvenue au président du Sénat du Royaume d'Espagne

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer aujourd’hui la présence, dans notre tribune, de M. Pío García-Escudero Márquez, président du Sénat du Royaume d’Espagne, dont la venue à Paris témoigne des liens forts qui unissent nos deux institutions et nos deux pays. Il est accompagné de M. Carlos Bastarreche, ambassadeur d’Espagne en France, et de fonctionnaires du Sénat espagnol. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent.)

Architecte de profession et grand spécialiste des questions de patrimoine, M. García-Escudero Márquez est sénateur depuis 1995. Il était membre actif du groupe d’amitié Espagne-France et j’ai moi-même présidé le groupe d’amitié France-Espagne. Nous nous sommes donc connus voilà maintenant plusieurs années, et je peux témoigner de son attachement à notre pays, à sa culture et à son histoire.

Lors de nos nombreux entretiens, notamment à l’occasion des funérailles d’État du Premier ministre Adolfo Suárez, où je représentais la France, nous avons pu nous féliciter de la qualité du partenariat qui unit nos deux pays, notamment en matière de transports, de politique énergétique et de lutte contre le terrorisme.

Nous avons pu également constater notre convergence de vues sur la nécessité de voir l’Union européenne donner une plus grande priorité à la croissance et à l’emploi dans la mise en œuvre de ses politiques.

Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que le séjour en France du président García-Escudero Márquez contribue à la vitalité de l’amitié franco-espagnole et, en présence du Premier ministre, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements prolongés.)

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Charles Guené.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 10 avril 2014.

9

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 10 avril 2014, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 209 du livre des procédures fiscales (contentieux de l’établissement de l’impôt et les dégrèvements d’office) (2014 400 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

10

Demande de priorité (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 1er

Agriculture, alimentation et forêt

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 780, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« 3° La recherche, l’innovation et le développement ;

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. L’objet du projet de loi, outre la compétitivité que nous avons évoquée tout à l’heure, est de favoriser l’innovation. Je crois que nous y sommes tous favorables sur ces travées.

L’innovation, c’est par exemple l’expérimentation, avec la mise en place des groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, qui, lorsqu’ils atteindront leur rythme de croisière, fonctionneront parfaitement.

Voilà pourquoi il faut ajouter dans le texte le mot « innovation » parmi les axes de la politique agricole. Cette dernière doit s’appuyer non seulement sur la recherche, mais aussi sur l’application concrète, sur le terrain, de tous les progrès techniques. C’est grâce aux progrès techniques, à la recherche, à l’innovation, que l’agriculture se développera et sera compétitive. Tel est le sens de cet amendement.

M. Jean Bizet. C’est une bonne nouvelle !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Nous avons parlé de l’agroécologie. Or s’il est un domaine dans lequel l’innovation est absolument nécessaire, c’est bien dans la prise en compte, nouvelle, de la performance environnementale au sein de la performance économique.

Cet amendement est parfaitement dans l’esprit du texte de loi. L’avis du Gouvernement est donc favorable.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je suis évidemment favorable à cet amendement, tant je pense que l’innovation doit être au cœur de la vie économique agricole.

Mme Sophie Primas. Pour ce faire, il faudra assurer un équilibre entre ce fameux principe de précaution – Dieu sait que j’aime le Président qui l’a mis en place – et l’innovation, qu’il s’agit de ne pas tuer. Nous ne devons pas avoir peur de la modernité et de la recherche.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Absolument !

Mme Sophie Primas. Je voterai donc votre amendement des deux mains, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. L’innovation fait évidemment partie de la compétitivité. Le groupe UDI-UC votera donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. Tout comme Mme Primas, je suis tout à fait favorable à cet amendement. J’ai déjà dit hier l’importance de l’innovation et de la recherche.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Le groupe écologiste soutient avec enthousiasme l’innovation, même si je ne suis pas convaincue que tout le monde mette la même chose derrière ce mot. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Joël Labbé. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.

Mme Renée Nicoux. Il me semble logique d’ajouter ce terme afin de souligner l’importance que revêt l’innovation dans le projet de loi. Le groupe socialiste s’associe donc à cette démarche.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.

M. Yvon Collin. Le groupe du RDSE est bien entendu favorable à l’innovation. Nous soutenons donc cet amendement avec beaucoup d’enthousiasme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 780.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 297 rectifié ter, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, MM. Savary et Delattre, Mlle Joissains, MM. Huré, Laménie, Beaumont, Husson, Doligé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 29, première phrase

Remplacer les mots :

tout en diminuant

par les mots :

, en améliorant la valeur ajoutée des productions, et en économisant

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Nous savons que la valeur ajoutée naît de la transformation des produits ; il est donc important d’ajouter cette notion.

M. le président. L'amendement n° 237 rectifié ter, présenté par MM. Adnot, Détraigne et Deneux, est ainsi libellé :

Alinéa 29, première phrase

Remplacer le mot :

diminuant

par les mots :

améliorant la valeur ajoutée des productions en économisant

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Je voudrais élever une vive protestation, car, initialement, mon amendement devait venir en discussion avant l’amendement de M. César. Je voudrais bien savoir par quel mystère il a été ainsi rétrogradé. (Sourires.)

Cela étant, ces deux amendements sont de même nature. En effet, le fait de diminuer n’est pas nécessairement facteur de qualité. Si l’on diminue, mais que le résultat n’est pas bon en termes de valeur ajoutée et d’économie, cela ne constitue pas un progrès. Multiplier par deux la valeur ajoutée, par exemple, apparaît bien plus souhaitable.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je souhaite que vous fassiez preuve d’une attention particulière sur le fait qu’il est essentiel d’économiser, car c’est ainsi que l’on atteindra plus de valeur ajoutée.

M. le président. Mon cher collègue, initialement, votre amendement devait en effet venir en discussion avant celui présenté par M. César. Cependant, ce dernier a été subtilement modifié et, conformément au règlement, il a pris place avant le vôtre.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Adnot, peu importe que votre amendement soit présenté avant ou après celui de M. César ; ce qui compte, c’est qu’il soit voté.

Dans la mesure où vous l’avez rectifié, j’y suis favorable. Seulement, celui de M. César, qui a aussi été rectifié, étant un peu plus complet, j’aimerais autant que vous retiriez le vôtre : au bout du compte, l’adoption de l’amendement n° 297 rectifié ter de M. César satisfera également votre proposition !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Monsieur le rapporteur, je veux simplement vous signaler que, pour l’essentiel, l’amendement de M. César et le mien sont identiques. Au demeurant, nos collègues l’ont bien compris, entre M. César et moi-même, il n’y a aucun désaccord.

Je consens donc à retirer mon amendement, mais, si celui de M. César est adopté, nous en aurons tous les deux l’honneur ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Esthétiquement parlant, mon cher collègue, ils ne sont pas exactement identiques, puisqu’une virgule les différencie. (Exclamations amusées.) Malgré cela, je veux bien donner un avis favorable aux deux !

M. Yvon Collin. Une virgule, c’est important ! Cela peut changer le sens ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Ici, l’essentiel n’est pas la sémantique, mais l’importance qu’il faut accorder à l’optimisation des intrants.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. René-Paul Savary. À cet égard, les producteurs, notamment les viticulteurs, accomplissent déjà des efforts considérables. En adoptant ces amendements, nous encouragerons leur prise de conscience et nous soutiendrons leurs efforts.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Le groupe écologiste est hostile à ces amendements, qui tendent tout de même à revenir sur l’obligation de diminution des produits phytosanitaires ; or nous tenons à ce que cet objectif de réduction soit clairement affirmé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 237 rectifié ter n'a plus d'objet.

L'amendement n° 409 rectifié, présenté par MM. Bizet, Houel, Lefèvre et Revet, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Après le mot :

producteurs,

insérer les mots :

les opérateurs de commercialisation,

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Cet amendement est quasiment identique à l’amendement n° 407 rectifié, qui a été précédemment adopté.

Pour des raisons de cohérence, il convient de faire mention des opérateurs de commercialisation, de statut privé ou coopératif, comme acteurs économiques des filières. Dans chacune d’elles, en effet, ces opérateurs interviennent entre les exploitants agricoles et les industries agroalimentaires. L’adoption de l’amendement n° 409 rectifié permettrait de garantir leur représentation dans les instances de toutes les filières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cher collègue, je me permets de vous rappeler que vous avez retiré l’amendement n° 407 rectifié. (M. Bruno Sido acquiesce.) Je vous invite à retirer également celui-ci : il tendrait à alourdir le projet de loi de façon inutile, puisqu’il est satisfait – je parle sous le contrôle de M. le ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Bizet, l'amendement n° 409 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Bizet. Apparemment, il semblerait que je jouisse d’une certaine confiance, pour le moment. (Sourires.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Pour le moment ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Bizet. Si M. le ministre et M. le rapporteur sont d’accord, je veux bien retirer l’amendement n° 409 rectifié.

Si je comprends bien, l’adoption de l’amendement n° 592 rectifié de M. Le Cam a satisfait mon amendement n° 407 rectifié ; quant à mon amendement n° 408 rectifié, que je n’ai pas pu défendre parce que je m’étais brièvement absenté de l’hémicycle – c’était un accident de séance ! –, il semble qu’il soit également satisfait, de même que l’amendement n° 409 rectifié.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Tout à fait. Vous êtes un sénateur heureux ! (Sourires.)

M. Jean Bizet. Pour le moment ! (Nouveaux sourires.)

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 409 rectifié est retiré.

L'amendement n° 93 rectifié ter, présenté par MM. Beaumont, Bizet, Bordier, Dulait, G. Larcher, Pinton et Trillard, est ainsi libellé :

Alinéa 36

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le Conseil national de l’alimentation et les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux participent aux organes de gouvernance du programme national pour l’alimentation.

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Les auteurs de cet amendement cherchent, avec beaucoup de modestie, à donner un peu plus de cohérence au projet de loi, notamment en ce qui concerne le Conseil national de l’alimentation, le CNA.

Je le rappelle, cette instance consultative indépendante est placée, depuis 1985, auprès des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation. Elle rassemble les acteurs de la chaîne alimentaire, des producteurs aux consommateurs et aux salariés. Le décret qui l’institue prévoit que ce conseil « est consulté sur la définition de la politique alimentaire et donne des avis sur les questions qui s'y rapportent ». Ainsi, le CNA joue le rôle de Parlement de l’alimentation.

La mission première de ce conseil consiste à organiser la concertation entre les représentants dûment mandatés de la société civile, des élus, des administrations et des consommateurs. C’est ainsi que le CNA a été chargé de fournir la matière pour construire le programme national pour l’alimentation, dès la conception de celui-ci, en 2010. De fait, le programme national pour 2010-2013 est principalement issu des travaux du CNA.

Il est impératif, dans un souci d'efficacité à long terme, de conserver le rôle premier du CNA, au service de la politique publique de l'alimentation. Nous proposons seulement que ce rôle soit élargi aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, afin d'assurer l'assise territoriale de la politique de l'alimentation.

L'organisation de débats publics relève d'une autre approche et s'inscrit dans une autre échelle et une autre temporalité. Elle vise, notamment, à établir un dialogue entre le grand public et les autres acteurs de la chaîne alimentaire et à contribuer à restaurer la confiance des consommateurs dans leur alimentation. Cette mission nouvelle, complémentaire de la consultation des parties prenantes, serait confiée au CNA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cher collègue, la commission n’est pas favorable à votre amendement.

Je comprends votre proposition, mais il me semble qu’elle compliquerait le dispositif. En commission, nous avons déjà amélioré le projet de loi en faisant en sorte que le programme national pour l’alimentation procède d’une vision plus large.

Le CNA fait partie de la gouvernance de ce programme. Quant aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, il nous semble qu’ils doivent jouer leur rôle de prévision et d’animation au niveau des régions ; les intégrer dans la gouvernance nationale serait source de lourdeurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il est identique à celui de la commission, et cela pour une raison simple : le Conseil national de l’alimentation mène une grande réflexion stratégique. Les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux sont des relais. Leur donner un rôle au niveau du CNA compliquerait les choix stratégiques, comme M. le rapporteur l’a signalé, sans qu’il en résulte un bénéfice, puisqu’il est déjà prévu que les grands choix nationaux en matière alimentaire soient discutés et déclinés à l’échelle régionale.

Une telle organisation doit être conservée pour que les politiques alimentaires soient à la fois lisibles, claires et relayées sur le terrain.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur Beaumont, je vous soutiendrais bien volontiers. Toutefois, j’ose espérer que l’instance nationale lit les avis rendus par les instances régionales ! Votre proposition ne me paraît donc pas nécessaire. (M. Didier Guillaume, rapporteur, acquiesce.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Absolument !

M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.

M. René Beaumont. Il faut bien reconnaître que, depuis 1985, et particulièrement depuis les dernières années, les avis émanant des différents conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux n’ont pas fait l’objet d’une grande attention.

Ma proposition vise à rapprocher les décisions de la population et de ses représentants sur le terrain. Cette méthode vaut mieux qu’une consultation limitée à un petit nombre de représentants nationaux. Il me semble que, sur un sujet aussi essentiel que l’alimentation des Français, il est important de consulter toutes les régions.

Madame Goulet, leurs avis sont peut-être lus par la quatrième secrétaire du ministère, mais le fait est qu’ils ne sont pas efficaces ! C’est pour les rendre tels que je propose de consulter les Français sur la qualité de leur alimentation.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ils sont consultés !

M. René Beaumont. Du reste, je m’étonne qu’un ministre de votre tendance, monsieur Le Foll, refuse de consulter les Français !

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est l’inverse !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Ils sont consultés !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les avis dont vous parlez, monsieur le sénateur, n’existent pas aujourd’hui ; il n’est donc pas surprenant que personne ne les lise.

Avec la nouvelle procédure prévue dans le projet de loi, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux pourront émettre des avis, dont le CNA tiendra compte pour l’établissement du programme national pour l’alimentation.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Beaumont, vous proposez d’assurer la représentation des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux à l’échelle du CNA. Commençons plutôt par mettre en place la nouvelle organisation, qui permettra à ces conseils de transmettre au CNA des avis dont il s’inspirera pour construire la politique nationale de l’alimentation.

Je vous le répète : cette procédure est nouvelle, et c’est le présent projet de loi qui la prévoit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 468 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 45, dernière phrase

Supprimer les mots :

et en la préservant des préjudices causés par les grands prédateurs

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement fait partie de la série que j’ai signée…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Par amitié !

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait, monsieur le rapporteur !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Et que vous retirerez par conviction ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Peut-être bien, monsieur le rapporteur, mais permettez-moi d’abord d’en prendre connaissance ! (Nouveaux sourires.)

L’amendement n° 468 rectifié est justifié par le fait que l'indemnisation des prédations prise en charge par le ministère de l'écologie permet une compensation des dégâts subis par les éleveurs.

M. le président. L'amendement n° 516 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Lasserre, Dubois, Tandonnet et Jarlier, Mme N. Goulet et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 45, dernière phrase

Remplacer les mots :

et en la préservant des préjudices causés par les grands prédateurs

par les mots :

pour lutter contre l’envahissement par la friche de l’espace pastoral, et pour la préserver des préjudices causés par les grands prédateurs

La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Le pastoralisme représente un enjeu primordial pour l’agriculture de montagne et pour la gestion des espaces d’altitude. Cette question, fréquemment abordée par notre assemblée, mérite d’être clairement prise en compte à l’article 1er du projet de loi, qui définit la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation.

La reconnaissance de la spécificité de l’agriculture de montagne et de son rôle dans le maintien et la valorisation du patrimoine montagnard passe nécessairement par une plus grande prise en considération du pastoralisme, principale activité de ces zones.

Or l’envahissement des territoires d’altitude par la friche menace les activités humaines, les équilibres naturels et, à terme, le développement durable. Lutter contre l’avancée de la friche s’impose donc comme un impératif et nécessite à l’évidence de garantir la pérennité de l’élevage, menacé par les attaques de prédateurs, qui ne cessent d’augmenter, du fait, notamment, de la croissance de la population de loups dans notre pays.

Cet amendement tend donc à affirmer le caractère indispensable de pâturages d’avenir préservés de l’enfrichement et indemnes de la prédation. Ceux-ci sont indispensables pour d’évidentes raisons économiques et sociales – il y va de l’avenir de l’emploi dans les zones d’altitude –, mais aussi pour valoriser les territoires montagneux, dont certains sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité.

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Masson-Maret, MM. César et Leleux, Mme Procaccia, MM. Pointereau, Cardoux et Pierre, Mme Sittler, MM. B. Fournier, Huré et Milon, Mme Duchêne et MM. Beaumont, Doligé, Bernard-Reymond, Revet, Dulait, G. Bailly et Poncelet, est ainsi libellé :

Alinéa 45

Compléter cet alinéa par les mots :

, et notamment en faisant de la population lupine une "espèce protégée simple"

La parole est à Mme Hélène Masson-Maret.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, monsieur le ministre, le problème de la cohabitation du loup et de l’agro-pastoralisme a été largement évoqué hier et ce matin, notamment par mes collègues MM. Gérard Bailly, Jean-Paul Amoudry et Alain Bertrand. Je sais que de nombreux amendements seront déposés sur ce thème.

Depuis une quinzaine d’années, avec les attaques répétées du loup, protégé – j’y insiste, car c’est l’objet véritable de cet amendement – par la convention de Berne de 1979, l’agro-pastoralisme est menacé. Le quotidien des éleveurs ovins a viré au cauchemar, ce qui met en péril cette profession, dont la disparition serait dramatique pour la biodiversité, pour d’autres raisons qui viennent d’être évoquées.

Le loup représente aujourd’hui une population d’environ 250 bêtes – selon des chiffres officieux, ce serait même près de 400 bêtes. Elle s’accroît très rapidement, de 20 % par an environ. On estime que, en 2012, il y a eu 14 000 attaques et 5 000 têtes de bétail tuées.

Le classement du loup en « espèce strictement protégée » par la convention de Berne se trouve décliné, au niveau de l’Union européenne, dans la directive concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages du 21 mai 1992, qui interdit la destruction ou la perturbation des loups.

Or, du fait de l’état florissant de l’espèce, tant à l’échelle de la France qu’à celle de l’Europe, il est aujourd’hui légitime et nécessaire de réintégrer le loup dans l’annexe 3 de la convention de Berne, afin qu’il soit considéré comme une « espèce protégée simple », puis d’en déduire les modifications qui s’imposent dans la directive concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et de la flore sauvages, et dans le plan national loup.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’il y a un mois, nous avons déposé, M. Vairetto et moi-même, un rapport d’information au sein de la commission du développement durable, dans lequel nous préconisons ce déclassement du loup.

Monsieur le ministre, je vous demande donc avec insistance d’examiner notre demande.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ces trois amendements, bien qu’ils soient en discussion commune et qu’ils aient tous pour objet le loup, visent trois questions différentes.

Les dispositions de l’amendement n° 468 rectifié sont contraires à la démarche que nous avons élaborée en commission et que nous aborderons lors de l’examen de l’article 18 bis. Notre objectif n’est pas de cesser d’apporter une aide aux éleveurs lorsque leur bétail est victime d’attaques de loups. C’est pourquoi je demanderai à Mme Goulet de retirer, par conviction, son amendement, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.

En revanche, je crois que M. Amoudry a entièrement raison de vouloir compléter le texte du projet de loi en mentionnant le problème des friches dans l’espace pastoral : cet ajout est indispensable. L’avis de la commission est donc favorable à l’amendement n° 516 rectifié.

Enfin, concernant l’amendement n° 14 rectifié, nous sommes convenus en commission des affaires économiques d’évoquer le débat sur le loup à l’article 18 bis. J’ai proposé une nouvelle rédaction ; nous avons rédigé un amendement et nous en reprendrons un autre.

Mes chers collègues, il est impossible de changer le texte énonçant les objectifs de l’agriculture pour faire des loups une « espèce protégée simple ». En revanche, ainsi que je l’ai évoqué dans la discussion générale, comme certains de mes collègues, à l’article 18 bis, nous demanderons au ministre qu’il essaie de s’engager pour mettre sur la table des négociations européennes la reprise de la discussion sur la directive « habitats » et sur la convention de Berne.

C’est pourquoi, madame Masson-Maret, étant donné que nous partageons la même philosophie sur ce sujet et que nous aborderons cette question à l’article 18 bis, je vous demanderai de bien vouloir retirer l’amendement que vous avez déposé à cet article.

Au total, la commission demande le retrait des amendements nos 468 rectifié et 14 rectifié, mais elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 516 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis du Gouvernement sur ces trois amendements est exactement identique à celui de la commission. Nous débattrons de ces questions lors de l’examen de l’article 18 bis.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret pour explication de vote.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu vos propos. Je sais parfaitement que l’on ne peut pas changer dans une loi la convention de Berne.

Pourquoi ai-je alors déposé cet amendement ? Aujourd'hui, je souhaite que M. le ministre s’engage ; c’est absolument essentiel. Tous les amendements que nous allons examiner et qui vont recevoir un avis favorable ne tendent pas à remettre en question la convention de Berne, alors que, nous le savons très bien, nous sommes liés par celle-ci.

C’est pourquoi je demande un engagement du Gouvernement. Si la convention de Berne reste figée dans le marbre comme elle l’est actuellement depuis plus de trente ans, ses effets, qui étaient positifs à l’époque de sa rédaction, deviendront totalement négatifs et entraîneront de véritables désordres, dévastateurs pour la profession pastorale et pour la biodiversité, comme cela a été dit.

Une prise de conscience doit absolument avoir lieu aujourd'hui, me semble-t-il. En outre, si nous adoptions une disposition de nature législative, donc supérieure au règlement, nous éviterions tous les recours administratifs que certaines associations pourraient déposer.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous abordons cette question à l’article 18 bis !

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le rapporteur, j’ai lu attentivement l’article 18 bis. Toutefois, celui-ci ne règle pas l’ensemble du problème, car il ne peut modifier la convention de Berne, comme c’est nécessaire.

Monsieur le ministre, je vous demande donc de vous engager sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, je vous rappelle que, avec Mme la ministre de l’écologie, j’ai pris des décisions sur le fameux plan loup dès mon arrivée au Gouvernement. Les prélèvements ont été immédiatement et pour la première fois doublés, voire triplés ; des tirs de défense ont été organisés. Le débat est donc en cours.

J’ai bien compris votre argumentation. La convention de Berne, je vous le rappelle, a été signée en 1979. Elle a été suivie d’effets, comme nous le constatons : le nombre de loups s’est accru. Nous devons maintenant gérer certaines conséquences négatives de cet accroissement. J’en ai parfaitement conscience. J’ai souvent rencontré, comme vous, des éleveurs au bord de la dépression, qui connaissent des attaques de plus en plus fréquentes et souvent de plus en plus violentes.

Nous avons tous une responsabilité envers eux, mais nous avons tous également des responsabilités internationales. Ce débat ne concerne pas seulement la France, le Sénat et l’Assemblée nationale. Notre pays a signé des accords internationaux. Or, comme vous le savez, en droit, un accord international l’emporte sur la loi nationale.

Nous sommes donc parfaitement d’accord en ce qui concerne l’engagement et la discussion. Chaque fois que j’en aurai l’occasion, comme je l’ai déjà fait, j’interviendrai au niveau européen pour promouvoir la nécessité d’une évolution par rapport à l’approche mise en œuvre en 1979, quand les loups avaient pratiquement disparu du continent européen. Il faut tirer les conséquences des développements récents.

Cependant, vous ne pouvez pas demander aujourd'hui, en proposant un amendement à l’article qui définit les orientations d’une loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que le statut des loups soit un élément de ce débat. Nous reviendrons plus tard sur cette question et nous devrons continuer à avancer, afin de protéger les éleveurs.

M. le président. Madame Masson-Maret, l'amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?

Mme Hélène Masson-Maret. Je voudrais ajouter un élément afin d’éclairer le débat. La Suisse a déjà demandé un changement, lequel lui a été refusé. Si plusieurs pays s’unissent, il faudra bien que la convention de Berne évolue !

La demande que j’exprime n’est donc pas illusoire. Une évolution est possible si nous unissons nos forces avec d’autres pays, qui ont les mêmes problèmes que nous.

Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.

Madame Goulet, l'amendement n° 468 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Vous comprendrez que Mme Chantal Jouanno, avec la montagne Sainte-Geneviève, et moi, avec les Alpes mancelles, ne soyons pas des spécialistes des loups et du pastoralisme ! Par ailleurs, j’ai bien noté que cette question sera abordée à l’article 18 bis.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 468 rectifié est retiré.

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur l'amendement n° 516 rectifié.

M. Gérard Bailly. J’ai eu l’occasion, avec notre collègue François Fortassin, d’effectuer une mission sur l’élevage ovin, pour laquelle nous avons parcouru les massifs. Nous avons intitulé ce rapport Revenons à nos moutons ! quand nous avons observé la baisse importante de cette production dans notre pays.

Lors de ces visites, nous avons pu constater la détresse de certains éleveurs et éleveuses qui s’étaient installés récemment et qui avaient subi des préjudices de la part des prédateurs. Nous avons vu également des endroits complètement délaissés par les éleveurs, où il n’y avait plus que des herbes sèches.

C’est pourquoi je voulais prendre la parole afin d’appuyer l’amendement de notre collègue Jean-Paul Amoudry. Il est bon de le signaler, l’absence d’élevage entraîne la présence d’herbe sèche, des avalanches, ainsi que des incendies, comme on a pu le voir dans les Alpes-Maritimes, tandis que la présence des ovins qui pâturent cette herbe préserve des feux. Je crois donc qu’il est capital d’introduire dans la loi les termes « pour lutter contre l’envahissement par la friche de l’espace pastoral ».

L’amendement n° 468 rectifié a été retiré, sans quoi je me serais élevé fortement contre lui. Je crois en effet qu’il est logique que l’on prenne des précautions. Aujourd'hui, selon les données dont je dispose, 1 444 conventions de préservation ont été mises en place par les pouvoirs publics dans tous les massifs. N’oublions pas que, maintenant, le loup est présent dans vingt et un départements !

Dans mon département, qui n’est pas encore très touché, une attaque de loup a eu lieu il y a trois ans environ contre le troupeau d’une éleveuse qui avait 240 brebis. Je suis allé auprès d’elle avec le préfet ; elle pleurait, bien entendu ; elle était en train de soigner ses animaux. Quand j’entends parler de bien-être animal, je pense à ces bêtes que j’ai vu souffrir ! Cette éleveuse donnait des antibiotiques à ses brebis, parce que c’était la seule chance de survie de ces animaux qui avaient été blessés par le loup et qui souffraient ! Et aujourd'hui, elle n’a plus de moutons : elle les a tous vendus, par découragement !

Chers collègues, je ne comprends pas que vous ne teniez pas compte de cette souffrance-là et de ces atteintes au bien-être animal. Soyez un peu cohérents ! Prenez en compte la détresse des éleveurs et de ces animaux.

C’est pourquoi, je le répète, je me félicite du travail qui a été accompli en commission et par notre rapporteur.

Enfin, je suggère moi aussi à M. le ministre d’intervenir chaque fois qu’il le pourra pour faire évoluer la convention de Berne. Celle-ci a joué son rôle en son temps. En effet, toutes les données dont nous disposons, me semble-t-il, montrent que le nombre de loups en France est supérieur à 400 et qu’il progresse de 20 % environ par an – certains experts ont même avancé le chiffre de 27 %.

Avec une telle croissance, ce nombre s’élèvera bientôt à 480, puis à 570 loups, si l’on n’y prend garde. Il est vrai qu’il est possible dans certains cas de tuer les loups : quarante autorisations ont été données, mais onze loups seulement ont été effectivement abattus. Il est bon que nous nous penchions sur ce qui constitue donc un véritable problème.

Je n’oublie pas les aspects économiques de cette question : nous importons actuellement 55 % de la viande ovine que nous consommons. Par conséquent, favoriser l’élevage ovin est également utile pour équilibrer notre balance commerciale. J’aime mieux voir dans nos montagnes des moutons qui mangent l’herbe et dont l’élevage crée de l’emploi dans les abattoirs, plutôt que de voir ces montagnes occupées par des loups !

Mes chers collègues, il nous faut donc résoudre ce problème. Je crois que vous êtes de plus en plus nombreux à l’avoir compris. Il est vrai que, si les loups n’étaient que dans quelques départements proches de l’Italie voilà une dizaine d’années, on en trouve maintenant, je crois, en Lozère, mais aussi en Lorraine, et cette espèce s’étend dans tout notre pays.

C’est pourquoi je soutiendrai totalement l’amendement proposé par M. Jean-Paul Amoudry, et j’invite le Sénat à faire de même. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je voudrais poser une question à M. le ministre et formuler une remarque.

Les engagements internationaux sont très importants, et il faut bien entendu que nous les respections. Cependant, s’ils sont internationaux, c’est qu’ils concernent d’autres nations, et je suppose – mais je n’en suis pas sûr – que l’Italie en fait partie. Ma question est la suivante : comment font les Italiens pour définir, d’une part, une zone naturelle où les loups sont tolérés, et, d’autre part, les autres zones ? Ont-ils signé la convention de Berne ?

Je voudrais également formuler une brève remarque. Comme l’a dit ma collègue, la présence des loups ne concerne pas seulement les montagnes. Nous en avons dans notre département, monsieur le président de la commission des affaires économiques. Or la Haute-Marne n’est pas une zone de montagne, mais l’une de ces zones intermédiaires que je vais évoquer. Bientôt, le loup entrera dans Paris, monsieur le ministre !

M. Jean-Jacques Mirassou. Serge Reggiani l’a chanté ! (Sourires.)

M. Bruno Sido. Il est déjà quasiment entré à la gare de Bar-sur-Aube. Il est à Mailly-le-Camp, puisqu’un loup a été tué illégalement dans cette commune. Ce problème ne touche donc pas seulement les zones limitrophes de l’Italie ou les zones de montagne. Il concerne bel et bien les zones intermédiaires, et même les zones de plaine, puisque les loups sont à Mailly-le-Camp !

Monsieur le ministre, c’est un véritable problème. On a certainement eu raison de laisser le loup reprendre possession d’une partie du territoire en montagne, là-haut, vers le Mercantour. Je ne dis pas le contraire ! Néanmoins, il va maintenant trop loin, et il convient d’agir. Toutes les conventions internationales qui ont été signées peuvent être modifiées.

Mme Nathalie Goulet. Oui, mais pas comme ça, ni tout de suite !

M. Bruno Sido. C’est comme pour les lois : on prend des dispositions législatives un jour, puis on vote l’inverse un autre jour. Cela s’est déjà vu ici !

Voilà, pourquoi, monsieur le ministre, je voterai également cet excellent amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Je ne suis pas élu d’une région où le loup est présent. (Exclamations amusées.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Si, le loup de mer ! (Sourires.)

M. Charles Revet. Du moins pas encore !

M. Charles Revet. Toutefois, ce problème n’est pas une plaisanterie. Voilà pourquoi je suis solidaire de cet amendement, que je voterai.

La question du loup a été évoquée à de multiples reprises dans cette assemblée. Nous avons même adopté, il n’y a pas si longtemps, une proposition de loi déposée par l’un de nos collègues du RDSE, autant qu’il me souvienne, qui visait à dénoncer avec beaucoup fermeté les atteintes liées à la présence du loup et les conséquences qui en découlent.

Monsieur le ministre, ces différents amendements en discussion commune, même s’il n’en reste plus qu’un, celui de Jean-Paul Amoudry, tendaient à poser plusieurs questions. Ils visaient à soulever la question de l’aménagement du territoire, mais aussi celle du maintien du pastoralisme dans des zones extrêmement difficiles.

Si, en plus, les éleveurs doivent faire face à la présence d’animaux – le loup, en l’occurrence – qui viennent contrarier leur travail, comment s’étonner que certains d’entre eux jettent l’éponge ? Je comprends qu’un berger qui se retrouve avec dix ou vingt moutons égorgés dans la montagne par un loup se sente découragé !

Monsieur le ministre, nous en parlons à chaque fois, mais il ne faut pas que l’on attende davantage. Chez moi, ce n’est pas le loup, c’est le renard qui vient dans la ville. C’est autre chose, avec les risques que cela comporte !

Il est donc très important que le Gouvernement intervienne pour que l’on puisse réguler cette situation. Qu’il y ait des loups, pourquoi pas, mais il faut en maîtriser la population, afin que les éleveurs ne subissent plus les conséquences dramatiques de sa présence.

À défaut, nous risquons de voir des pans entiers de notre territoire privés d’activités, avec les inconvénients que cela comporte. Je pense aux incendies dans le sud de la France. Autrefois, il y en avait beaucoup moins, en raison de la présence des bergers qui, avec leurs chèvres ou autres, entretenaient ces zones. Comme ces populations n’arrivaient plus à vivre, elles sont parties, laissant derrière elles de nombreux problèmes qui nous occupent aujourd'hui.

Monsieur le ministre, je vous invite donc très fortement à vous mettre d’accord le plus rapidement possible avec nos partenaires européens pour modifier la convention de Berne et faire en sorte que l’on puisse réguler la présence du loup.

Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas possible !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, je sais pertinemment que chacun, ici, a le droit de s’exprimer. Néanmoins, nous avons déjà eu ce débat sur le loup pendant pratiquement plus de deux heures en commission !

Mme Hélène Masson-Maret. C’est important !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. De plus, ces discussions font écho à une proposition de loi déposée par notre collègue Alain Bertrand, que nous avons déjà examinée au Sénat.

Je comprends que les membres extérieurs à la commission des affaires économiques reprennent cette discussion que nous avons déjà eue en commission, et qui a amené M. le rapporteur à insérer dans le texte un article 18 bis. Je demande donc à ceux d’entre vous qui auraient encore l’intention d’intervenir sur ce sujet d’attendre l’examen dudit article, car il nous reste à cette heure encore plus de sept cents amendements à étudier.

Je le répète, nous aurons l’occasion d’aller au fond du problème lorsque nous examinerons l’article 18 bis inséré par M. le rapporteur, qui fait suite aux discussions que nous avons eues en commission des affaires économiques. Je vous prie donc, mes chers collègues, de bien vouloir faire preuve de concision sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Les écologistes se font tirer à vue à chaque fois sur ce sujet ! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, cet amendement vise les friches. Nous aussi, nous sommes favorables au pastoralisme, que nous soutenons. Nous défendons les équilibres. Or, si la friche gagne du terrain, les prédateurs ne manqueront pas de se rapprocher, c’est une évidence.

Cet amendement tend à enrichir le texte. Nous y sommes absolument favorables et nous le voterons.

Quant au bien-être animal, vous mélangez les brebis égorgées et le mal-être dans les élevages intensifs, cher monsieur Bailly. Ne confondez pas tout !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Tout est dit. Je tenais simplement à saluer M. Bailly, puisqu’il reconnaît finalement que l’animal est un être sensible ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. J’ai déposé un amendement à l’article 18 bis, et voilà que l’on discute du loup à l’article 1er !

J’entends des voix s’élever contre le fait que, désormais, au Sénat, tous les textes importants finissent par être votés dans la nuit du vendredi ou le samedi : le mardi, le mercredi et le jeudi on n’avance quasiment pas ! Je proteste également contre cette méthode, qui consiste à écarter les parlementaires du débat en retardant le moment où les décisions seront prises.

Comme je ne serai pas présent lorsque nous examinerons l’article 18 bis, je souhaitais insister sur le fait qu’une telle situation va à l’encontre de la préservation de l’environnement. Dans mon département, celui de l’Aube, des centaines de brebis ont été tuées par des loups. Cela signifie qu’il n’y aura plus d’élevage dans la nature et que les animaux resteront parqués dans des bergeries.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Philippe Adnot. C’est contraire à l’objectif visé en matière d’environnement, et il nous faudra bien faire à un moment donné de la régulation !

M. Charles Revet. Exactement !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je sais que ce débat passionne.

Je rappelle que le plan loup, que nous avons négocié, s’est durci et qu’il a permis de donner des moyens nouveaux aux éleveurs, moyens qu’ils n’avaient pas il y a deux ou trois ans.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Oui, c’est la première fois !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous ne pouvez donc pas faire comme si je n’avais pas pris conscience de l’importance du sujet et comme si je n’agissais pas !

Par ailleurs, vous évoquez la convention de Berne, qui a été signée en 1979 et ratifiée par la France en 1990. Cette convention a été signée par l’Union européenne et par quarante-quatre pays, y compris du pourtour méditerranéen. La convention a donc aussi été signée par l’Italie.

Y a-t-il, à l’échelle européenne, une demande des pays concernés par cette convention, qui visait surtout le grand arc alpin, pour en renégocier les termes ? Je suis ministre de l’agriculture et j’ai assisté à tous les sommets européens agricoles. J’ai négocié une réforme de la politique agricole, j’ai discuté avec tous mes collègues. J’ai encore parlé à midi avec mon homologue allemand de quotas laitiers. Or, jamais, je vous le dis tout net, la question du loup n’a été évoquée à l’échelle européenne par l’Italie ou par l’Espagne !

Je ne sais pas comment les choses se passent dans ces pays, car je n’ai pas examiné la situation en détail, mais je le ferai. Rencontrent-ils des problèmes ? Pourrions-nous un jour renégocier la convention ? Je m’engage à discuter de ces points avec nos autres partenaires.

Toutefois, à l’heure actuelle, je puis vous le certifier : ni l’Italie ni l’Espagne n’ont soulevé ces questions. Elles n’ont pas même signalé l’ombre d’un problème en ce qui concerne le loup et ses prédations sur leurs territoires ! Je tenais à vous le dire.

Vous me demandez de renégocier la convention de Berne. Comme il s’agit d’une convention internationale, nous devons engager des discussions et trouver des alliés. Je m’engage à prendre contact avec les Italiens et les Espagnols pour connaître les problèmes qu’ils rencontrent et les stratégies qu’ils mettent en œuvre.

Je m’exprime sur ces questions, alors que nous devions les aborder non pas à l’article 1er, mais à l’article 18 bis. Quoi qu’il en soit, je ne répéterai bien sûr pas deux fois les mêmes choses !

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. J’ai pris bonne note de l’intervention de M. le ministre, ainsi que de M. le rapporteur.

Nous avons effectivement longuement discuté hier en commission de l’article 18 bis, lequel est parfaitement rédigé. Je le cite : « Le préfet délivre sans délai à l’éleveur concerné une autorisation de tir de prélèvement du loup valable pour une durée de six mois ». Toutefois, comment ferons-nous si une association, par exemple, engage un recours devant le tribunal administratif et gagne ?

Par ailleurs, combien de pays sont concernés par les accords de Berne ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Quarante-quatre, plus l’Union européenne !

M. Gérard César. Bref, que faisons-nous si une décision du tribunal administratif vient casser l’arrêté du préfet ?

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je propose que nous votions l’amendement n° 516 rectifié de M. Amoudry, qui porte non pas sur le loup – cette question est traitée ailleurs –, mais sur le problème des friches, sur lequel nous sommes tous d’accord.

Dans quelques heures, lorsque nous aborderons l’article 18 bis, nous examinerons le sujet du loup au fond, sans quoi nous n’atteindrons pas cet article avant les vêpres de dimanche ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 516 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié quinquies, présenté par MM. Sido, Adnot, Milon, Delattre, Longuet et Guené, Mme Cayeux et MM. B. Fournier, Bizet, Lefèvre, D. Laurent, Doublet, Beaumont, César, Doligé, Pierre, du Luart, Revet, Bas et Husson, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 45

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« L’État veille au maintien et au développement de l’agriculture dans tous les territoires en apportant une attention particulière aux zones intermédiaires situées entre les grandes plaines fertiles et la montagne.

« Il accompagne le caractère extensif et diversifié des exploitations notamment par des mesures spécifiques, non discriminantes en termes de taux de spécialisation ou de surface.

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Je souhaite, monsieur le ministre, évoquer les zones intermédiaires, qui ne sont ni les zones de montagne, dont on vient de parler, ni les zones de plaine.

Certes, nous avons eu raison d’aborder la question des zones de montagnes, car elles doivent être défendues. Néanmoins, il existe d’autres zones, dites « intermédiaires », qui se caractérisent par des handicaps naturels et économiques liés au potentiel limité des sols et à une faible attractivité des territoires.

Elles se situent dans un grand croissant aride bordant le sud du bassin parisien, de la frontière belge jusqu’à l’Atlantique. Ces zones ont aussi été les grandes perdantes des réformes de la PAC depuis 1992, ce qui est relativement paradoxal !

Les agriculteurs ont résisté depuis très longtemps à toutes ces difficultés en s’organisant collectivement au sein de structures d’exploitation dont la taille est plus élevée que la moyenne nationale, et ce depuis des lustres ! L’élevage y est très présent, tant pour la viande que pour le lait, et les choix de cultures y sont limités, avec une forte proportion d’oléagineux. Les soutiens représentent une part importante du revenu agricole, qui reste toutefois faible et surtout très aléatoire en raison des variations considérables de rendements d’une année sur l’autre.

L’agriculture est souvent le seul pilier économique de ces zones rurales en déprise démographique et économique. Plus encore que la montagne, ces zones doivent faire l’objet d’une attention toute particulière dans la mise en œuvre des politiques publiques, notamment celles qui sont en lien avec l’affectation et les conditions d’attribution des soutiens européens.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission s’interroge, car M. Sido soulève une bonne question.

M. Charles Revet. Comme toujours !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cependant, il n’apporte pas forcément la bonne réponse, car les zones intermédiaires ne se trouvent pas uniquement dans le croissant territorial qu’il vient d’évoquer. Or il y en a ailleurs.

Par conséquent, même si je comprends la problématique soulevée, je ne peux pas être favorable à un tel amendement, qui est trop restrictif par rapport à la définition des zones intermédiaires, d’autant que nous ne pouvons pas, en cet instant, décider seuls de ce que seraient les zones intermédiaires sur l’ensemble du territoire national !

Certes, comme vous le soulignez, monsieur Sido, il existe bien des zones intermédiaires. Celles que vous avez citées en font partie, mais il y en a d’autres, dans le sud du pays, par exemple, dans le sud-ouest, dans le sud-est ou au centre, qui sont aussi en difficulté. Elles ne sont pas assez pauvres pour être traitées comme les zones de montagne à handicap. Elles ne sont pas assez riches pour entrer dans les grandes zones. Que faisons-nous d’elles ?

M. Charles Revet. C’est la question !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Jusqu’à maintenant, rien n’a été envisagé.

L’amendement que vous avez déposé est intéressant, monsieur Sido, mais avant de se prononcer, la commission aimerait connaître l’avis de M. le ministre. Il se pourrait que le Gouvernement souhaite réfléchir à une définition des zones intermédiaires avec l’aide du Parlement, mais je ne pense pas que nous puissions y parvenir au travers d’un tel amendement, qui est restrictif.

J’essaie d’être aussi logique que possible. Votre réflexion est pertinente, mais il n’est pas possible de restreindre les zones intermédiaires à l’espace géographique que vous définissez. Quant à élargir celui-ci, je ne vois pas comment le ministre pourrait s’en sortir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous me permettrez de répéter les premiers mots de votre amendement : « L’État veille au maintien et au développement de l’agriculture dans tous les territoires en apportant une attention particulière aux zones intermédiaires situées entre les grandes plaines fertiles et la montagne. »

Je vois à peu près où sont les plaines fertiles, quoiqu’on en trouve parfois dans des endroits que vous n’imaginez pas. Par exemple, en Corse, il existe la plaine fertile de Bastia, qui produit du maïs. Par conséquent, entre elle et la montagne corse, on devrait trouver des zones intermédiaires.

On ne peut inscrire dans la loi un tel critère si celui-ci n’est pas défini objectivement. En tant que ministre de l’agriculture, je connais parfaitement la question des zones intermédiaires et suis au fait des discussions qu’elles suscitent. Ces zones recouvrent en réalité les régions céréalières dont les rendements sont inférieurs aux zones les plus fertiles.

M. Charles Revet. Vous venez d’en donner la définition !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui, mais elles correspondent à des zones identifiées aujourd’hui. Si l’on retient ces critères, je pourrai vous citer bien des zones qui pourraient se revendiquer comme zones intermédiaires. Dans le Gers, on trouve des zones fertiles de maïs irrigué – entre 110 et 120 quintaux à l’hectare –, situées à proximité immédiate de coteaux, qui connaissent de faibles rendements.

Dans le Sud-Ouest, dans le Lot, le Lot-et-Garonne, le Quercy, il existe des zones où les rendements sont encore plus faibles que dans les fameuses zones intermédiaires auxquelles vous faites référence.

En revanche, dans les discussions que nous avons engagées avec la profession agricole, avec les chambres d’agriculture, sur les politiques du deuxième pilier, nous avons prévu des mesures spécifiques pour ces zones intermédiaires se situant le long d’un croissant qui part de l’Est pour descendre jusqu’au Sud-Ouest, en passant par le sud du Bassin parisien, des zones spécialisées dans la production céréalière et, parfois, la polyculture-élevage.

Les mesures agroenvironnementales que nous allons mettre en place permettront d’apporter des réponses et des solutions spécifiques à ces zones qui connaissent effectivement des rendements en blé plus faibles que dans le Bassin parisien, qui ont joué la culture extensive et l’augmentation des surfaces pour compenser la faiblesse des rendements.

Je le répète, il n’est pas possible de faire référence dans la loi aux zones intermédiaires sans en donner une définition précise. À défaut, tout un chacun pourrait prétendre à ce qualificatif.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous donner tort : il est extrêmement difficile de donner une définition des zones intermédiaires, et plus encore de les situer et de dire qui aurait droit à cette appellation.

Cela étant, monsieur le ministre, tout comme vos prédécesseurs, vous connaissez parfaitement le problème, puisque des mesures agroenvironnementales spécifiques ont été prises pour ces zones-là. À cet égard, il suffirait de recenser les secteurs où ont été mises en œuvre historiquement ces mesures pour définir parfaitement ce que sont les zones intermédiaires.

Toujours est-il qu’il s’agissait là d’un amendement d’appel. Mon objectif était de faire en sorte que ne soient pas oubliées ces zones qui sont difficiles, en raison du climat ou de la nature des sols – par exemple, la présence de cailloux sur un terrain nécessite d’engager des dépenses supplémentaires pour broyer ceux-ci, dépenses qu’on n’a pas à supporter dans les plaines fertiles.

Monsieur le ministre, comme je vous l’ai dit en commission, ces zones prennent mal la réforme de la politique agricole commune – cela étant, j’ai désormais bien compris comment a été fixé ce critère de 52 hectares, qui correspond à la taille moyenne nationale d’une exploitation en France. En attendant, si cela continue ainsi, on ne pourra plus vivre dans ces zones intermédiaires, sauf à avoir des haciendas.

M. Jean Bizet. Exactement !

M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur ces zones, sur ces milliers d’agriculteurs qui, producteurs de lait, de viande, de céréales ou des trois à la fois, ont des conditions de vie difficiles et ne gagnent pas grand-chose. Ils méritent tout simplement qu’on s’occupe d’eux.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. J’ai cosigné cet amendement par solidarité avec Bruno Sido.

Je suis d’accord, il n’est pas facile de prévoir dans ce texte une disposition spécifique en faveur des zones intermédiaires. Pour autant, il s’agit là d’un sujet important, qu’il fallait mettre en évidence.

Je voudrais signaler à M. le ministre le problème suivant.

Non loin de la Haute-Marne, dans l’Aube, se trouvent les plateaux du Barrois, qui sont très accidentés. Dans cette zone, en application de la directive « nitrates », des secteurs entiers, dès lors que la déclivité des terrains dépasse un certain seuil, ne seront plus autorisés à la culture, alors même que les agriculteurs seraient prêts à accepter des mesures environnementales, par exemple la mise en place de bandes pentes enherbées. Néanmoins, parce que la pente est trop forte, ils ne peuvent plus rien faire. En conséquence de quoi, des agriculteurs qui ont souscrit des emprunts, qui ont acheté du terrain, se retrouveront du jour au lendemain avec des terres qui ne vaudront plus rien.

Monsieur le ministre, j’attire simplement votre attention sur ce point, afin que vous donniez des instructions pour que cette directive soit appliquée avec compréhension et qu’on trouve des solutions tenant compte de la situation de chacun, particulièrement dans les zones difficiles.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je soutiens moi aussi l’amendement de notre collègue de la Haute-Marne.

En évoquant les zones fertiles, il visait également les plaines de Champagne, de la Marne et de l’Aube. Effectivement, les zones intermédiaires de son département sont pleinement concernées.

Monsieur le ministre, vous évoquez à juste titre les mesures agroenvironnementales et le deuxième pilier. Sauf qu’en Champagne-Ardenne, les crédits européens sont en diminution, nonobstant les difficultés que rencontre la région. Ce n’est donc pas avec ces crédits européens qu’elle pourra les surmonter. J’attire votre attention sur ce point. Selon les informations dont nous disposons, les crédits liés au deuxième pilier diminuent, cependant que ceux du premier pilier connaissent une baisse de 137 millions d’euros par rapport au contrat précédent.

Par ailleurs, je vous remercie, cher Philippe Adnot, d’avoir soulevé le problème des nitrates. La règle des 10 % de pente posée par cette directive est particulièrement préjudiciable pour nos territoires vallonnés. De surcroît, de plus en plus d’articles de revues scientifiques tendent à démontrer que la toxicité des nitrates n’est pas celle qu’on leur attribue depuis plusieurs dizaines d’années. C’est pourquoi certains proposent de remonter le seuil de tolérance en nitrates de 50 microgrammes par litre à 100 microgrammes, c'est-à-dire de le doubler. On dit même que, à faible dose, les nitrates pourraient avoir des effets intéressants sur la physiologie de l’organisme.

Là encore, nous aurions besoin de précisions. Dans bien des endroits, dès lors que la concentration en nitrates est proche de la norme, telle qu’elle a été fixée, on engage un traitement dont le coût est prohibitif et difficilement supportable par les collectivités et par les contribuables, nonobstant ce qu’on peut lire par ailleurs dans les revues dont je parlais à l’instant.

Le système normatif doit évoluer en fonction de la technologie. Il y va de l’innovation de demain, donc du développement durable.

J’aimerais bien recueillir votre point de vue, monsieur le ministre, sur cette directive « nitrates ».

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. S’agissant de Champagne-Ardenne, j’ignore qui vous a fourni les chiffres que vous avez cités sur le deuxième pilier. Je vérifierai, mais je crois pouvoir dire que les aides prévues dans ce cadre au bénéfice de votre région augmenteront d’au moins 50 % par rapport à la programmation précédente.

Je ne l’ai jamais dit jusqu’à présent et je veux le dire ici devant le Sénat : la négociation qu’a menée le Président de la République, que nous avons suivie, a conduit à abonder la politique agricole commune d’une enveloppe d’un milliard d’euros, ce qui a permis d’accroître d’au moins 40 % les dotations aux régions par rapport à la période précédente.

Certaines régions ont vu leur dotation pratiquement doubler – je ne les citerai pas, ne voulant pas créer de concurrence entre elles. Et l’augmentation la plus faible a tout de même atteint 40 %. C’est ce qui a d’ailleurs fait dire à un président de région venu me voir au ministère de l’agriculture lorsque j’ai rendu publics les chiffres que c’était bien la première fois qu’un ministre lui annonçait que sa dotation allait être augmentée, et peut-être même doublée.

Pour Champagne-Ardenne, le chiffre exact est de plus 60 %.

M. René-Paul Savary. Ce ne sont pas les chiffres que j’ai eus !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous savez, il y a tellement d’informations qui circulent… En outre, elles ne sont pas nécessairement bienveillantes.

Quant aux zones intermédiaires, bien sûr, c’est là un sujet qui appelle des solutions. Et nous nous efforçons d’en trouver.

J’en viens maintenant à la directive « nitrates ». Même si ce n’est pas moi qui l’ai négociée, il m’incombe aujourd’hui de régler le contentieux qui nous oppose à l’Europe. D’ailleurs, la France n’est pas seule dans ce cas – contrairement à ce qu’on entend souvent.

Tout à l’heure, j’ai eu mon homologue allemand au téléphone, qui m’appelait notamment pour me féliciter de ma reconduction au ministère – il a l’air de bien m’aimer. (Sourires.) Son pays est lui aussi en contentieux avec Bruxelles, et ce contentieux porte sur l’ensemble du territoire allemand. De fait, mon collègue est encore plus ennuyé que moi ! Parce qu’il est montré du doigt par la Commission, il m’a demandé comment faire. Je lui ai répondu que nous allions pouvoir discuter ensemble, ce qui m’arrange.

S’agissant de la question des pentes, nous avons essayé d’apporter des corrections. Tout d’abord, le fumier pailleux et, selon le cas, les azotes sous forme solide peuvent être stockés ou utilisés sur des pentes. À cet égard, j’attends la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, la Commission impose la même règle, quelle que soit la déclivité de la pente et, surtout, indépendamment de la présence ou non d’une rivière ou d’un ruisseau en contrebas. Or, à ce qu’il semble, le rapporteur devant la CJUE a bien précisé que, en l’absence de ruisseau ou de rivière, il n’était pas nécessaire d’appliquer ces règles, ce qui est très intéressant. Nous essayons donc de faire avancer les choses.

Vous parliez de l’azote. Mettons de côté les nitrates – il ne faudrait pas laisser penser qu’on peut en épandre partout, car le problème, depuis des années, c’est la pollution par les nitrates.

La France a souscrit en 1979 aux grands objectifs relatifs à la qualité de l’eau en signant la directive-cadre sur l’eau. Cet engagement devra être concrétisé en 2015. Puisque nous n’y sommes pas, nous sommes en contentieux avec la Commission européenne. Il faut donc régler ce problème.

Afin de vous expliciter le fond de ma pensée, je vais vous citer un exemple.

Dans le débat sur l’agroécologie, je vous ai parlé des systèmes de conservation des sols. La matière organique dans les sols passe de 1,5 % ou 2 % à 3 %, 4 % voire 5 %. Grâce à l’action des vers de terre, qui sont d’inlassables travailleurs, on trouve énormément de carbone dans les sols. Pour maintenir leur équilibre, pour faire fonctionner leur microbiologie, on a besoin d’azote, tout en respectant l’équilibre entre carbone et azote. C’est très important. Et donc tout ce qui va pour les sols ne va plus pour la plante.

Par conséquent, l’ensemble des règles qui ont été adoptées depuis des années en matière d’épandage d’azote devraient être modifiées à l’échelle européenne, à la condition bien sûr qu’on soit dans un processus de conservation des sols, de biodiversité des sols, avec un objectif d’augmentation de la matière organique. À ce moment-là, on aura besoin de plus d’azote. Par conséquent, le seuil de 170 unités d’azote actuellement en vigueur sera complètement dépassé.

C’est là un vrai sujet technique, qui nécessitera des discussions scientifiques. La France va les engager, parce qu’elle entend être leader dans le domaine de l’agroécologie, pour faire changer les normes.

Sur cette question de l’azote, on peut donc se retrouver, à la condition que soient bien posées les questions globales du modèle de production et la manière d’aborder ces sujets.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié quinquies.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 344 rectifié bis est présenté par MM. Poniatowski, G. Larcher, Longuet, Cardoux, du Luart, Beaumont, Billard, Martin, Trillard, Carle, Hérisson et Couderc, Mme Lamure, MM. Doublet et D. Laurent, Mme Cayeux, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 570 rectifié bis est présenté par M. Dubois, Mme Létard et MM. Deneux et Amoudry.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 56

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° À la préservation des peuplements forestiers et à la présence de la faune sauvage dans un but d’équilibre sylvo-cynégétique ;

La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour présenter l’amendement n° 344 rectifié bis.

M. Ladislas Poniatowski. Cette proposition appartient à une série d’amendements portant sur différents articles et visant la recherche d’un équilibre sylvo-cynégétique.

Il s’agit ici de rappeler que, si la régénération des peuplements forestiers constitue un objectif prioritaire, la conservation de la faune sauvage en est également un, tout comme la sauvegarde de la biodiversité.

C’est la raison pour laquelle nous proposons de modifier la rédaction du nouvel article L. 121-1 du code forestier, afin de trouver un équilibre, la relation entre la faune sauvage et la forêt devant apparaître clairement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l’amendement n° 570 rectifié bis.

M. Daniel Dubois. Cet amendement vient d’être défendu. Toutefois, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de mon incompréhension sur ce sujet.

En effet, on peut lire, à l’alinéa 56 de l’article 1er du texte : « L’État veille à la régénération des peuplements forestiers dans des conditions satisfaisantes d’équilibre sylvo-cynégétique, au sens du dernier alinéa de l’article L. 425-4 du code de l’environnement. »

Or ledit article précise que « l’équilibre sylvo-cynégétique tend à permettre la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire, dans le territoire forestier concerné. Il prend en compte les principes définis aux articles L. 112-1, L. 121-1 à L. 121-5 du nouveau code forestier, ainsi que les dispositions des orientations régionales forestières. »

Par conséquent, j’ai un vrai souci de compréhension s’agissant de l’alinéa 56 de l’article 1er de ce texte.

Il me semble en revanche que la référence au premier alinéa de l’article L. 425-4 du code de l’environnement aurait permis de proposer un système véritablement cohérent. En effet, ce dernier dispose que « l’équilibre agro-sylvo-cynégétique consiste à rendre compatibles, d’une part, la présence durable d’une faune sauvage riche et variée et, d’autre part, la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles. »

M. le président. L'amendement n° 440 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 56

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° À la régénération des peuplements forestiers et à la présence d'une faune sauvage variée pour permettre l'équilibre sylvo-cynégétique dans la perspective de développement durable de la forêt française ;

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Cet amendement a le même objet que celui qui a été défendu par les orateurs précédents. En effet, au sein de l’article 1er, plusieurs alinéas précisent, mieux que ne le fait actuellement le code forestier, les orientations de la politique forestière. Notamment, la régénération de la forêt est confortée, ce qui constitue une excellente chose.

Toutefois, il est important de mentionner au sein de cet article la présence d’une faune sauvage variée, élément fondamental de la biodiversité. Il est impératif de concilier le développement de l’économie forestière et la nécessaire préservation des espèces animales et végétales.

La rédaction actuelle, qui est trop unilatérale, me semble-t-il, omet un élément fondamental de l’équilibre sylvo-cynégétique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements.

S’il convient de prendre en compte la faune sauvage dans la politique forestière, cette dernière ne doit pas devenir un outil au service de la politique cynégétique. C’est l’inverse ! La régénération des forêts étant indispensable, nous devons d’abord prendre en compte les impératifs forestiers.

D’ailleurs, si notre collègue Philippe Leroy, rapporteur du volet forestier, était là, il se rangerait évidemment à cet avis. Ces amendements visent à mettre sur le même plan les objectifs de régénération de la forêt et de présence de la faune sauvage. Or, vous en serez d’accord, nous avons tout de même dans notre pays un problème forestier, qu’il faut régler !

Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres. S’il convient en effet de trouver un équilibre, il s’agit d’abord de régénérer les forêts.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements. Demander aux forestiers de mettre la politique forestière et ses outils au service du renouvellement de la faune sauvage me semble aller trop loin et rompre l’équilibre existant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

Concernant l’alinéa 56 de l’article 1er, la question posée est celle de la régénération des peuplements forestiers dans des conditions satisfaisantes d’équilibre sylvo-cynégétique au sens du dernier alinéa de l’article L. 425-4 du code de l’environnement.

Nous avons décidé d’inscrire dans la loi le mot de « régénération ». Les modifications introduites par ce texte pour ce qui concerne la forêt visent à prendre en compte la nécessité, que notre nation devra assumer, de régénérer notre forêt.

Pourquoi cette régénération est-elle indispensable ? Tout d’abord, le réchauffement climatique fait qu’un certain nombre d’essences ne sont malheureusement plus adaptées.

Ensuite, vous l’avez dit, reprenant ainsi les propos tenus par les forestiers, nous devons relever le défi du développement économique de la forêt, en incluant toutes ses fonctions : loisirs, biodiversité et activité cynégétique.

La préservation de la forêt est indissociable de sa régénération, qui est absolument nécessaire. Si la pression des jolies biches, des charmants cerfs et des petits chevreuils est trop forte, il sera difficile de procéder à cette régénération !

Je veux bien tenter de trouver tous les compromis possibles, nous en avons discuté avec Jean-Jacques Mirassou. Il ne s’agit pas d’ouvrir de nouveau des débats entre chasseurs et forestiers. Toutefois, chacun doit prendre ses responsabilités. On ne cesse de parler du déficit commercial de la France dans le domaine du bois. On exporte des billes de bois, mais on ne les transforme pas ; on a de grandes forêts, mais on ne sait pas s’en servir ! Il est donc temps de prendre des décisions.

Le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, et les amendements proposés ont pour objet de trouver les compromis nécessaires. Je peux ainsi vous dire que, à Assemblée nationale, les mêmes discussions sont intervenues.

Cependant, le Gouvernement ne peut accepter la remise en cause de l’objectif de régénération de la forêt. Nous chercherons des équilibres, mais nous devons être capables d’assumer la situation. Sinon, on continue sans rien changer. Or cette loi a également vocation à engager des orientations nouvelles.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 344 rectifié bis et 570 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 440 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 755, présenté par M. J. Boyer, est ainsi libellé :

L'agriculteur est un chef d'entreprise autour d'une exploitation agricole.

Il s'appuie en cela sur une formation minimale, sanctionnée par un diplôme, en lien avec le régime de la mutualité sociale agricole et une surface minimale d'installation.

Cet amendement n'est pas soutenu.

TITRE Ier

PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE DES FILIÈRES AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES

Article additionnel après l'article 1er
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Articles additionnels après l’article 2

Article 2

I. – L’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « intéressés », sont insérés les mots : « , de l’établissement mentionné à l’article L. 621-1, des régions » ;

b) Après le mot : « alimentaires », sont insérés les mots : « et du Conseil national de la montagne » ;

2° Les deuxième à sixième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil est compétent pour l’ensemble des productions agricoles, agroalimentaires, halio-alimentaires, agro-industrielles et halio-industrielles. Lorsque les questions sur lesquelles il doit se prononcer ont une incidence sur les productions forestières, le Conseil supérieur de la forêt et du bois y est représenté à titre consultatif. Lorsque des questions relatives à la qualité agroalimentaire ou halio-alimentaire sont évoquées au sein du conseil, l’Institut national de l’origine et de la qualité y est représenté à titre consultatif. » ;

3° Les 4° et 6° sont abrogés et les deux derniers alinéas sont supprimés ; les 5° et 7° deviennent, respectivement, les 3° et 4° ;

4° Au 5°, après le mot : « orientations », sont insérés les mots : «, notamment celles issues de la concertation menée au sein de l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 et au sein de l’établissement créé en application de l’article L. 681-3, » ;

5° Après le 7°, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans l’objectif de triple performance économique, sociale et environnementale, le conseil veille notamment :

« a) À la cohérence de la politique d’adaptation des structures d’exploitation et des actions en faveur du développement rural avec la politique d’orientation des productions, qui résulte de la concertation au sein de l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 et au sein de l’établissement créé en application de l’article L. 681-3 ;

« b) À la cohérence des actions économiques sectorielles conduites par ces établissements avec celles conduites par les organisations interprofessionnelles reconnues ;

« c) À la cohérence des actions menées en matière de recherche, d’expérimentation et de développement agricole, financées par le compte d’affectation spéciale “Développement agricole et rural”. »

II. – Le titre II du livre VI du même code est ainsi modifié :

1° L’article L. 621-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’établissement exerce ses compétences conformément aux orientations des politiques de l’État. Il veille à l’articulation des actions qu’il met en œuvre avec celles mises en œuvre par les régions et l’établissement créé en application de l’article L. 681-3 pour l’ensemble des outre-mer, en prenant en compte l’objectif de triple performance économique, sociale et environnementale des filières de production » ;

1° bis Après le 3° de l’article L. 621-3, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis Accompagner, encourager et valoriser l’innovation et l’expérimentation dans les domaines de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture ; »

2° L’article L. 621-5 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, après les mots : « l’État, », sont insérés les mots : « des régions » ;

b) Au début de la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « Les pouvoirs publics » sont remplacés par les mots : « L’État, le cas échéant ses établissements publics, les régions » ;

c) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : «, dans le respect des orientations des politiques publiques définies par l’État » ;

3° L’article L. 621-8 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les informations nécessaires à la connaissance des productions et des marchés et des données du commerce extérieur ainsi qu’aux travaux de l’observatoire mentionné à l’article L. 692-1 doivent être fournies à l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 par toute personne intervenant dans la production, la transformation ou la commercialisation de produits agricoles et alimentaires, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

« Les informations mentionnées au premier alinéa ainsi que les catégories d’opérateurs tenus de les transmettre sont celles exigées en application des règlements de l’Union européenne ou celles qui figurent sur une liste établie par décret en Conseil d’État. » ;

b) Au second alinéa, les mots : « au même établissement » sont remplacés par les mots : « à l’observatoire mentionné à l’article L. 692-1 » ;

4° À l’article L. 621-8-1, le mot : « second » est remplacé par le mot : « dernier ».

III. – (Non modifié) La section 3 du chapitre II du titre III du livre IX du même code est complétée par un article L. 932-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 932-6. – L’établissement mentionné à l’article L. 621-1 gère, dans des conditions fixées par décret, un fonds destiné à compléter le cautionnement constitué par les acheteurs en halle à marée pour garantir les achats auxquels ils procèdent ou envisagent de procéder. Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent participer, par le versement de dotations, à la constitution de ce fonds. À cet effet, ils passent avec l’établissement gestionnaire du fonds une convention, qui précise notamment les conditions dans lesquelles celui-ci les tient informés de l’état des engagements du fonds ainsi que les conditions de restitution des dotations versées en cas de modification substantielle des règles de fonctionnement du fonds ou de cessation de son activité. »

M. le président. L'amendement n° 679 rectifié bis, présenté par MM. S. Larcher, Cornano, Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Antiste et Patient, Mmes Nicoux, Bourzai et Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Dilain et Fauconnier, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après la référence :

L. 621-1

insérer les mots :

, de l’établissement créé en application de l’article L. 681-3

La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à prévoir la représentation de l’Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer, l’ODEADOM, au sein du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, le CSO.

Le conseil d’administration et les comités sectoriels de l’ODEADOM sont les lieux privilégiés de la concertation entre les socio-professionnels du monde agricole ultramarin et l’administration. Il s’agit d’un véritable lieu d’échange et de réflexion permettant de faire remonter les préoccupations et les spécificités des acteurs du monde agricole ultramarin. Leur représentation au CSO sera une garantie supplémentaire de la bonne représentation des intérêts propres aux outre-mer, préalable nécessaire pour adapter pertinemment les soutiens nationaux et communautaires aux agricultures ultramarines.

Dans la mesure où FranceAgriMer sera désormais membre de ce conseil, il est légitime que l’ODEADOM le soit aussi, toujours dans l’optique d’une meilleure prise en compte, dans la définition de ses orientations, de toute l’ampleur des problématiques ultramarines spécifiques.

Le Conseil supérieur d’orientation est en effet un organe compétent pour l’ensemble des productions agricoles, agroalimentaires, agroindustrielles et forestières pour ce qui concerne la définition, la coordination, la mise en œuvre et l’évaluation de la politique d’orientation des productions et organisations des marchés, conformément à sa définition dans le code rural et de la pêche maritime.

L’outre-mer ne peut se tenir à l’écart de ce conseil, qui impulse des orientations dont l’impact est considérable pour les professionnels du monde agricole. Ainsi, l’expertise de l’ODEADOM me semble avoir incontestablement sa place au sein du Conseil supérieur d’orientation.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’esprit du texte est là : une véritable ambition pour l’agriculture des outre-mer passe par la représentativité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je tiens tout d’abord à saluer notre collègue Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, qui effectue un travail remarquable dans ce cadre. Il a également beaucoup œuvré s’agissant du volet outre-mer de ce projet de loi.

En l’occurrence, il s’est penché sur une lacune de notre droit. Cela fonctionnait avant, certes ! Néanmoins, il propose un ajout très positif, à savoir la représentation de l’ODEADOM au sein du CSO, à l’instar de FranceAgriMer.

Dans un texte de loi, il y a des actes forts, et il y a des signes d’intention. Ici, il s’agit de la prise en compte par le Gouvernement et par le Sénat des outre-mer, de leur spécificité, mais aussi de leur intégration pleine et entière à la nation française.

Je vous félicite donc, monsieur Larcher, d’avoir déposé cet amendement, sur lequel la commission a unanimement émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 679 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par Mme Primas, MM. G. Larcher et Gournac, Mme Duchêne, M. Cambon, Mme Debré, M. Houel, Mme Procaccia et M. Bas, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, des régions

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. L’intégration de nouveaux membres au sein du CSO réduira le poids des organisations professionnelles agricoles et forestières. Or il est indispensable, selon nous, que la place de ces structures reste prépondérante dans les orientations données par cet organe, qui doit constituer le reflet d’une politique avant tout économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Toute l’architecture de ce projet de loi est conforme à celle qui a été mise en place dans l’administration territoriale par le précédent gouvernement. Ce dernier faisait des régions le coordinateur de toutes les politiques, quelles qu’elles soient.

Aujourd'hui, vous proposez de supprimer la représentation des régions au sein du CSO, ce qui ne me semble pas possible. En effet, ces dernières, qui sont parties prenantes de l’organisation politique et administrative française, doivent bien évidemment rester au sein du CSO. Le précédent gouvernement avait réformé en la matière, en plaçant les régions au cœur du dispositif. Je pense qu’il faut les y laisser.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. En vertu du deuxième pilier de la politique agricole commune, les régions sont aujourd'hui autorités de gestion. Nous avons déjà nous-mêmes installé un représentant des régions au sein du CSO. Tout se passe très bien, et ce sera la même chose demain ! Il ne faut pas avoir peur.

S’appuyer sur la dimension économique pour justifier l’exclusion des régions du CSO serait, par définition, une erreur.

En effet, en vertu du deuxième pilier de la politique agricole commune, c’est plus de 150, 200, 500, voire 600 millions d’euros qui seront distribués par l’autorité de gestion régionale. La présence des régions au sein du CSO est donc tout à fait justifiée. Elle est d’ailleurs effective aujourd'hui, puisque j’ai pris la responsabilité de l’instaurer. Il s’agit simplement de préciser ce point dans la loi, pour que les choses soient claires.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Vous comprenez, monsieur le ministre, que tout ce qui affaiblit la voix des représentations agricoles nous inquiète. C’est cette inquiétude que nous voulions exprimer par le biais de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 94 rectifié ter, présenté par MM. Beaumont, Bizet, Bordier, Dulait, G. Larcher, Pinton et Trillard, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Après les mots : « de l’alimentation, », sont insérés les mots : « de la profession vétérinaire, » ;

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Il s’agit ici encore de peaufiner la composition du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, le fameux CSO, dont on vient de parler à l’instant.

Si je partage tout à fait la position de ma collègue Sophie Primas et reconnais qu’il est important de donner la priorité au monde agricole au sein de ce CSO, je voudrais également souligner qu’il me semble indispensable de remédier à certaines absences, en particulier celle des vétérinaires. Ceux-ci développent sur l’ensemble du territoire une approche préventive de la santé des animaux, prenant en compte l’ensemble des dimensions d’une bonne conduite d’élevage.

Cette approche est essentielle pour limiter l’utilisation de médicaments vétérinaires, ce que nous cherchons tous bien sûr à faire, en particulier s'agissant des antibiotiques. De façon générale, les compétences vétérinaires peuvent contribuer largement au développement de systèmes de production agroécologiques dans les filières animales.

La présence du monde vétérinaire, qui fait bien évidemment partie du monde rural, serait donc essentielle.

M. Jean Bizet. Je suis d’accord !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Beaumont, les vétérinaires ont bien sûr beaucoup à dire sur toutes les questions que vous venez d’évoquer, je ne peux qu’être d’accord avec vous. Toutefois, sur le fait qu’ils siègent au CSO, je ne peux pas l’être.

La composition du CSO est large, puisque dix-sept catégories y sont déjà représentées. Ce conseil a pour mission de veiller à la cohérence des orientations de la politique agricole. Si l’on y ajoute les vétérinaires, vous pouvez être sûr qu’ensuite on sera saisi de cinquante autres demandes émanant de structures diverses et variées.

Je pense que les vétérinaires jouent un rôle important, mais je ne vois pas pourquoi ils devraient entrer au CSO, eux et pas d’autres.

Nous avions examiné cette question lors des auditions en commission. Je n’avais pas alors totalement appréhendé la composition du CSO, mais à voir le nombre déjà très important de ses représentants, je pense qu’il faut s’en contenter.

Je ne pourrai donc, si vous maintenez votre amendement, monsieur Beaumont, qu’y donner un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis que M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.

M. René Beaumont. La présence des vétérinaires me semble essentielle, dans la mesure où, aujourd'hui, la plupart des infections humaines – cela va peut-être vous sensibiliser un peu plus à ma proposition – sont des zoonoses, c'est-à-dire des maladies affectant d’abord les animaux et transmissibles ensuite à l’homme.

L’absence de vétérinaire dans les instances qui dirigent aujourd'hui notre pays rendra beaucoup plus difficile, ensuite, le traitement correct de ces zoonoses, et, en tout cas, nous aurons pris un retard considérable par rapport à beaucoup d’autres pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, il existe justement une instance spécifique, le CNOPSAV, c'est-à-dire le Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale, qui travaille sur toutes ces questions, qui sont effectivement importantes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 758, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 621-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 758.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 349 rectifié, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, MM. Beaumont, Bizet, G. Bailly, Doublet, D. Laurent, Huré, B. Fournier, Mayet, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « et, de représentants des organisations interprofessionnelles reconnues concernées » ;

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement, qui est quasiment identique à l’amendement n° 366 rectifié de M. Mézard, vise l’organisation de FranceAgriMer.

Les organisations interprofessionnelles reconnues ne siègent pas au sein des conseils spécialisés de FranceAgriMer ; elles ne sont consultées qu’à titre d’experts et ne participent donc pas aux orientations validées dans ce cadre.

Or l’article 2 du présent projet de loi vient renforcer le rôle dévolu à FranceAgriMer en matière d’organisation stratégique des filières. Compte tenu de l’élargissement des missions confiées à cet établissement, présenté comme « l’instance de pilotage » et « le lieu d’élaboration des stratégies de filières » dans l’exposé des motifs du projet de loi, les décisions prises au sein de ces conseils auront un impact direct sur les travaux menés par les organisations interprofessionnelles reconnues.

En outre, l’article 8 de ce projet de loi reconnaît le rôle prioritaire des interprofessions dans l’organisation et la gouvernance des filières agricoles et agroalimentaires.

C’est pourquoi, si vous en étiez d’accord, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous pourrions, après l’alinéa 20, ajouter un alinéa permettant que les représentants des organisations interprofessionnelles reconnues concernées puissent siéger au sein des conseils spécialisés de FranceAgriMer.

M. le président. L'amendement n° 366 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « et, de représentants des interprofessions reconnues directement concernées » ;

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Cet amendement, comme le précédent, vise à rendre obligatoire la présence de représentants des interprofessions au sein des conseils spécialisés de FranceAgriMer.

Nous le savons, FranceAgriMer exerce des missions fondamentales, que ce soit au niveau opérationnel pour l’exécution des politiques de soutien aux filières agricoles, en matière d’information économique, par la collecte des données sur les productions, ou encore par l’animation des filières, à travers des conseils spécialisés. Afin d’inscrire FranceAgriMer dans une perspective agroécologique et d’adapter ses statuts à la régionalisation de la politique agricole, l’article 2 renforce le rôle des établissements publics.

Il serait par conséquent logique, nous semble-t-il, d’intégrer des représentants des interprofessions au sein des onze conseils spécialisés, afin que le débat sur la stratégie des filières soit mené avec l’ensemble des acteurs concernés.

Actuellement, vous le savez, monsieur le ministre, les interprofessions sont simplement consultées, donc privées de la participation à la définition des orientations décidées par FranceAgriMer.

Mes chers collègues, tel est le sens de cet amendement que je vous invite à voter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est un avis défavorable de principe.

Après avoir évoqué en commission la possibilité de faire entrer d’autres structures dans les conseils spécialisés de FranceAgriMer, nous avons décidé que ce n’était pas utile. Toutes les familles étant représentées dans les conseils spécialisés de FranceAgriMer, les interprofessions y sont déjà, même si elles n’y sont pas en tant qu’interprofessions.

M. Gérard César. C’est tout le problème !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr ! Mais la personne qui y est pour sa propre structure a aussi la possibilité d’évoquer l’interprofession.

Il nous semble que cette proposition serait redondante et que cela peut grossir les conseils spécialisés de FranceAgriMer. C'est pourquoi il nous a semblé, comme elles y sont déjà à d’autres titres, qu’il était inutile de faire entrer les interprofessions.

J’ajoute que la création d’un conseil spécialisé supplémentaire pour le bio nous avait été demandée assez fortement et nous avons décidé – c’est l’un des représentants du premier département bio de France qui vous parle – que le bio ne nécessitait pas un conseil spécialisé spécifique, dans la mesure où tout le monde en fait. Resserrer la focale sur tous ces sujets aboutirait, à chaque fois, à grossir les conseils spécialisés de FranceAgriMer.

Je suis donc au regret de vous dire que l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il partage l’avis de la commission. J’ajouterai une précision importante : comme les interprofessions bénéficient des aides à la promotion qui sont votées par FranceAgriMer, elles ne peuvent pas, en tant que telles, à la fois décider de ces aides et les recevoir.

Au-delà même de la question posée – ce sont déjà des conseils spécialisés, il y a toute la profession – se pose donc un problème de principe : les interprofessions étant bénéficiaires des aides à la promotion de FranceAgriMer, elles ne peuvent pas siéger au conseil d’administration et décider des aides qui vont leur être versées. Cela ne peut pas fonctionner !

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Monsieur César, l'amendement n° 349 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard César. J’ai bien noté les observations de M. le rapporteur et, bien sûr, de M. le ministre. Toutefois, n’oublions pas que le terme « interprofessions » recouvre au moins deux professions, c'est-à-dire la filière. Je pense en particulier au Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine, le CNIV, qui regroupe toutes les interprofessions viticoles de France et dont la présence au sein des conseils spécialisés – je n’ai pas dit : « au sein du conseil d’administration » – de FranceAgriMer serait justifiée.

Ce point me paraît tout de même important, mais l’argument du ministre selon lequel les interprofessions ne peuvent à la fois être juges et parties emporte notre décision, et je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 349 rectifié est retiré.

Monsieur Collin, l'amendement n° 366 rectifié est-il maintenu ?

M. Yvon Collin. Nous sommes convaincus par l’argument développé par M. le rapporteur et complété par M. le ministre. En considération de l’élément juridique que celui-ci nous a finalement apporté, nous retirons également notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 366 rectifié est retiré.

L'amendement n° 669 rectifié quinquies, présenté par Mmes Masson-Maret et Sittler et MM. de Raincourt, Milon, Revet, Laménie, Savary, Husson et Doligé, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Compléter cet alinéa par les mots :

, et en veillant au respect de la proportionnalité des demandes au regard des objectifs poursuivis, de la confidentialité des données et du secret des affaires

La parole est à Mme Masson-Maret.

Mme Hélène Masson-Maret. Cet amendement vise à encadrer davantage les modalités de transmission des informations à FranceAgriMer, notamment pour l’exercice des missions de l’Observatoire des prix et des marges.

Par souci de confidentialité, le secret des affaires doit pouvoir être préservé, en plus du secret des statistiques. En effet, dans le code rural et de la pêche maritime, le secret statistique, la confidentialité des données et le secret des affaires ne sont que très partiellement protégés dans le cadre de la réglementation existante.

Les textes généraux sur les pouvoirs de FranceAgriMer et l’Observatoire des prix et des marges n’assurent pas un encadrement et une protection suffisants. En effet, la nature des informations collectées est très large.

Les textes spécifiques aux différents secteurs ne protègent que partiellement les informations confidentielles : généralement, seul le secret professionnel ou le secret statistique sont évoqués, alors que ce sont des notions beaucoup plus étroites que celle de secret des affaires.

Il est donc essentiel de garantir aux entreprises, souvent en concurrence directe, que les données sensibles qu’elles transmettent sont bien protégées au moment de leur collecte et de leur utilisation.

Il est important de souligner qu’à l’heure actuelle le secret des affaires n’est pas expressément protégé en droit français. C’est d’ailleurs un constat partagé par d’autres pays européens.

Telle est la raison pour laquelle la Commission européenne a élaboré en novembre 2013 une proposition de directive ayant notamment pour objet de protéger le secret des affaires et les victimes de vols d’informations confidentielles. Cet amendement tend à s’inscrire dans la lignée de cette initiative européenne.

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme Hélène Masson-Maret. Je vous propose donc de compléter l’alinéa 25 par les mots : « et en veillant au respect de la proportionnalité des demandes au regard des objectifs poursuivis, de la confidentialité des données et du secret des affaires. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. On ne peut pas à la fois critiquer l’Europe lorsqu’elle va trop loin et l’appeler à son secours lorsqu’on en a besoin. Si, un jour, une directive est prise, elle s’appliquera ; pour l’instant, la proposition à laquelle vous avez fait allusion, madame la sénatrice, ne s’applique pas. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut continuer comme cela.

Votre amendement tend à prévoir que la transmission obligatoire des informations nécessaires au travail de FranceAgriMer et de l’Observatoire respecte le principe de proportionnalité et préserve le secret des affaires. Cette mesure est demandée par les milieux économiques, notamment par les grandes surfaces. Toutefois, si l’on veut que cela fonctionne, la transparence doit prévaloir. On le sait, c’est suffisamment compliqué dans le secteur agricole, et c’est de l’opacité que naissent les conflits.

De ce point de vue, le texte du Gouvernement nous paraît bon. L’Observatoire joue son rôle et il a contribué à objectiver un certain nombre de situations. Certains – M. Le Cam en parle souvent – souhaiteraient qu’il aille plus loin. Il ne faudrait pas que l’Observatoire soit privé d’informations en vertu du secret des affaires.

Je rappelle que l’Observatoire n’a jamais violé le secret auquel il est tenu. Il est important de ne pas mettre en cause cette structure – je fais partie de ceux qui pensent qu’elle pourrait en faire encore plus, mais c’est un autre sujet – qui n’a jamais violé aucun secret.

On sait qui demande cette mesure. Je pense qu’il faut s’en tenir au texte actuel, sinon les conflits évidemment naîtront. Pour l’instant, les choses fonctionnent et tout cela me semble suffisamment fragile pour qu’on n’y revienne pas.

C’est pourquoi, ma chère collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sur lequel, sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur.

Je rappellerai simplement que l’établissement des cotations et indices par FranceAgriMer correspond essentiellement à des obligations communautaires et respecte par nature les règles du secret statistique. Cette procédure inclut une stricte confidentialité des données. Ce sont des fonctionnaires qui l’accomplissent et, comme l’a souligné M. le rapporteur, il n’est pas souhaitable de remettre en cause cette procédure.

Je suis donc défavorable à cet amendement, dont je souhaite le retrait.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Sans revenir sur le fond, je pense, monsieur le rapporteur, qu’il faut cesser de stigmatiser la grande distribution en affirmant que c’est elle qui est à l’origine de cet amendement.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je n’ai pas dit cela, et ce n’est pas moi qui la stigmatise le plus dans cette assemblée !

Mme Sophie Primas. Je veux le dire publiquement : ce sont des acteurs économiques privés, qui ont le droit de protéger leurs données, comme dans les autres secteurs, et d’être traités de la même façon – ni mieux ni moins bien !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !

Mme Sophie Primas. Nous sommes donc d’accord.

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est exactement ce qui est écrit dans le projet de loi du ministre !

Mme Sophie Primas. Certes, mais la grande distribution est souvent utilisée comme un épouvantail. C'est la raison pour laquelle je préférais préciser ce point.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret, pour explication de vote.

Mme Hélène Masson-Maret. Après avoir entendu les avis de M. le rapporteur et de M. le ministre, je tiens à indiquer que mon propos n’avait pas du tout pour objet de mettre en doute l’honnêteté de l’Observatoire. Il visait simplement à répondre à une demande non pas de non-transparence, mais de préservation de certaines notions de confidentialité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 669 rectifié quinquies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 3

Articles additionnels après l’article 2

M. le président. L'amendement n° 742, présenté par M. Vaugrenard et Mmes Nicoux et Bourzai, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « exploitant agricole », sont insérés les mots : « ou par une coopérative d’utilisation du matériel agricole ».

La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Une CUMA, c'est-à-dire une coopérative d’utilisation de matériel agricole, est un regroupement de producteurs agricoles constitué en vertu de la loi sur les coopératives qui a pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous les moyens matériels propres à faciliter ou à développer leur activité économique, ainsi qu’à améliorer ou à accroître la performance économique et écologique des exploitations concernées.

Les CUMA sont souvent considérées, à l’instar des autres sociétés coopératives agricoles, comme des entreprises de services et non comme le prolongement de l’activité des exploitations agricoles. Pourtant, une fois qu’une CUMA est constituée, ses adhérents restent les propriétaires du matériel et des équipements utilisés en commun.

De fait, la conception restrictive des CUMA comme entreprises de services n’est pas sans créer d’obstacle à la bonne réalisation de leurs activités. Je pense notamment à la difficulté à obtenir un permis de construire pour un bâtiment d’entretien et de maintenance du matériel agricole quand celui-ci est situé en zone agricole.

Aussi, cet amendement tend à élargir la définition des activités agricoles de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime à celles qui sont exercées par les coopératives d’utilisation du matériel agricole – ces dernières sont les véritables acteurs du milieu rural, car elles sont des outils indispensables aux exploitations –, afin de faciliter leurs conditions d’exercice et d’encourager, par là même, le regroupement des besoins dans le périmètre desdites exploitations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis favorable à cette initiative. Pour autant, je ne suis pas sûr que la commission puisse y apporter un avis favorable, car cette proposition me semble relever davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif.

M. Charles Revet. Je ne vois pas en quoi.

M. Didier Guillaume, rapporteur. On peut se dire que la consommation des terres agricoles serait moindre pour un bâtiment utilisé par plusieurs exploitants, via une CUMA, que pour des bâtiments construits séparément par chaque exploitant. C’est une évidence ! Si l’on veut éviter la construction de bâtiments trop nombreux, il est préférable de procéder ainsi.

Je soutiens l’amendement de Mme Nicoux, mais la modification qu’elle propose pourrait avoir des conséquences que je ne mesure pas. Par ailleurs, je le répète, cette question relève plutôt, me semble-t-il, du domaine réglementaire.

Je sollicite donc l’avis du Gouvernement sur cette bonne proposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Lors du congrès des CUMA, voilà près d’un an, j’avais fait trois propositions : l’une était relative aux bâtiments, l’autre visait à permettre aux CUMA de construire des aires de lavage et la troisième tendait à leur offrir les mêmes facilités que celles qui sont accordées aux groupements d’employeurs.

Sur la question des bâtiments et même sur celle des aires de lavage, le ministère de l’agriculture a bien avancé. Il nous reste à négocier avec le ministère de l’urbanisme. Ces questions, en particulier celles qui concernent le bâtiment, relèvent du domaine réglementaire.

Personnellement, je suis assez favorable à cet amendement. J’étais favorable aux dispositions sur les aires de lavage et j’estime qu’il y a aussi des choses à faire en matière de bâtiments. Cependant, ces questions ne doivent pas être traitées dans une loi d’avenir pour l’agriculture, car il ne faut pas oublier la dimension relative à l’urbanisme.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet. C'est dommage !

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je n’ai pas sous les yeux le texte de l’article L. 311-1 du code rural, mais je ne vois pas pourquoi une disposition indiquant qu’un bâtiment peut être construit soit par un exploitant agricole soit par une coopérative d’utilisation du matériel relèverait du domaine réglementaire, sachant que la CUMA est la continuité de l’exploitation agricole.

Je voterai cet amendement. Il apporte une précision qui permet d’éclairer les organismes qui doivent prendre les décisions en matière de permis de construire.

Je le répète, une CUMA est la continuité de l’exploitation agricole. Comme une coopérative, le travail y est fait en commun. La loi permet à un agriculteur de construire un bâtiment pour son matériel. Pourquoi trois ou quatre agriculteurs réunis dans une CUMA devraient-ils être traités différemment ? Cela me paraît surprenant.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, c’est toute la différence qu’il y a entre un GAEC, un groupement agricole d'exploitation en commun, et une CUMA.

La CUMA est une prestataire de services, qui permet de mutualiser le matériel agricole. C’est un prolongement, vous l’avez dit, de l’exploitation agricole, mais ce n’est pas une exploitation agricole ! Tel est le point juridique qui fait toute la différence. (M. Charles Revet s’étonne.)

Monsieur le sénateur, je ne vous raconte pas d’histoires. Si cet amendement a été déposé, c’est d’ailleurs bien pour faire en sorte que la CUMA soit considérée comme une exploitation agricole, afin justement de lui permettre de construire des bâtiments agricoles. En droit, la CUMA est une prestataire de services ce qui lui permet de bénéficier d’une organisation assez souple, et de faire un certain nombre de choses importantes.

On reprend d’ailleurs le système des CUMA pour les GIEE, qui ne seront pas non plus des exploitations agricoles. À l’inverse, les GAEC, qui sont des groupements de plusieurs exploitations, ont le statut juridique d’exploitation agricole : ils peuvent construire des bâtiments.

Les dispositions de cet amendement posent des questions difficiles et auraient des conséquences importantes, s’agissant notamment des règles d’affiliation à la MSA, la mutuelle sociale agricole. Autoriser une CUMA à construire des bâtiments relève d’une décision réglementaire. Le code de l’urbanisme entre en jeu. C’est pour cette raison que la question ne peut être traitée dans cette loi, même si je comprends que cela suscite un certain nombre d’interrogations.

Je l’ai dit, je suis favorable à ce que les CUMA puissent construire des aires de lavage, plutôt que de laisser chaque exploitation faire la sienne. La mutualisation permet de laver des tonnes de matériel au même endroit, ce qui est plus économique pour les agriculteurs.

Tels sont les objectifs que nous visons, mais nous rencontrons des difficultés juridiques.

M. Charles Revet. C’est extrêmement grave !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. La proposition de Mme Nicoux est manifestement un amendement « de terrain », c'est-à-dire qu’elle répond à un besoin. Ici, nous connaissons tous bien les CUMA. Ce sont les agriculteurs qui se sont eux-mêmes organisés. S’ils avaient attendu que les politiques prennent une décision, les CUMA n’existeraient pas !

Il est évident que, dans ce dossier, le ministère de l’agriculture devrait prendre le pas sur celui de l’urbanisme. En effet, en la matière, nos territoires ruraux rencontrent de nombreuses difficultés.

Monsieur le ministre, il faudrait que vous puissiez organiser dans un délai raisonnable un groupe de travail pour trouver une solution, car le problème existe, et le besoin est là. Plus que de l’intérêt, les dispositions de cet amendement suscitent chez moi de la sympathie, car je vois très bien à quels besoins de mon département elles pourraient répondre.

J’ai entendu votre argumentation sur l’aspect réglementaire de ces dispositions. Je n’ai aucune raison de douter de vos propos, même si je n’ai pas fait de vérifications.

Quoi qu’il en soit, les difficultés sont bien réelles, et il faudrait pouvoir les résoudre assez rapidement – si ce n’est pendant la navette parlementaire, à tout le moins dans un délai raisonnable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. J’espère que mon intervention ne complexifiera pas trop le problème !

On parle des CUMA, mais il y a aussi les CUBA, les coopératives d’utilisation de bâtiments agricoles. Là, nous sommes vraiment dans l’exploitation agricole. Le sujet mérite réflexion. Dans mon département, nous avons eu deux cas où des éleveurs se sont associés pour regrouper leurs bétails dans un bâtiment moderne qu’ils n’auraient pu construire individuellement.

Je ne demande pas qu’on trouve une solution aujourd'hui, mais n’aurons-nous pas demain toujours plus d’agriculteurs qui mettront leurs bâtiments en commun ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, je m’engage à vous apporter, d’ici à la deuxième lecture, des éléments juridiques et techniques sur ce que nous avons déjà fait pour donner un plus grand rôle aux CUMA, s’agissant en particulier des aires de lavage et des groupements d’employeurs. Chacun verra ainsi clairement les enjeux auxquels nous essayons de répondre au mieux.

Je le répète, il faut bien faire la différence entre les différents statuts juridiques. La CUMA est le prolongement de l’exploitation agricole, mais elle n’est pas une exploitation agricole. Lorsqu’on regroupe des activités dans un GAEC, on peut construire des bâtiments en commun, car ce groupement a le statut d’exploitation agricole, et non celui de prestataire de services.

M. le président. Madame Nicoux, l'amendement n° 742 est-il maintenu ?

Mme Renée Nicoux. La mise en place d’un groupe de réflexion pour étudier la question avant la deuxième lecture de ce projet de loi est une solution qui me convient.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 742 est retiré.

L'amendement n° 118, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre Ier du livre V du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 511-7-… ainsi rédigé :

« Art. L. 511-7-… – Y sont associés des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des propriétaires fonciers et des associations de protection de la nature et de l’environnement agréées au titre de l’article L. 140-1 du code de l’environnement. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Ce projet de loi améliore la gouvernance de plusieurs organisations en charge des politiques agricoles, alimentaires et forestières, notamment les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, le CSO, dont nous avons précédemment parlé, et FranceAgriMer.

Les chambres d’agriculture constituent l’un des piliers majeurs de la mise en œuvre des politiques agricoles sur nos territoires. Dans cette logique d’ouverture à la société que nous soutenons, il apparaît logique d’associer à leur gouvemance les mêmes acteurs, en l’occurrence les représentants des pouvoirs publics et des corps intermédiaires institués issus de la société civile, assurant ainsi une plus grande cohérence des politiques menées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Labbé, vous êtes très attaché à la concertation, aux discussions préalables, parfois même un peu longues, et à la démocratie participative.

Même si elle en a la possibilité, notre assemblée ne va pas décider de changer la gouvernance des chambres d’agriculture sans qu’une discussion ait été menée entre le ministère et ces dernières !

Le Gouvernement donnera son avis, mais il me semble préférable que vous retiriez votre amendement, qui est en quelque sorte un amendement d’appel. Ce n’est pas à nous de demander au ministre de revoir la gouvernance des chambres d’agriculture. Peut-être y aura-t-il des discussions à ce sujet, mais je ne pense pas que cela relève du présent projet de loi.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur.

Les chambres d’agriculture sont des chambres consulaires. Leur vocation professionnelle est donc très clairement identifiée. Ce ne sont pas des lieux de débats, de discussions entre citoyens.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Eh oui !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour que les citoyens débattent, il existe d’autres lieux. Je pense par exemple aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, dont nous avons ouvert la gestion d’un collège à des associations.

On ne peut donc modifier de la sorte les règles qui régissent la gestion des chambres d’agriculture.

M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 118 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. J’ai entendu M. le rapporteur, ainsi que M. le ministre, et je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Merci !

M. le président. L'amendement n° 118 est retiré.

L'amendement n° 569 rectifié bis, présenté par MM. Dubois, Deneux, Détraigne et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque année après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport décrivant l'évolution des normes, nationales et européennes, ayant des conséquences sur les agriculteurs et insistant particulièrement sur la manière dont les normes communautaires sont appliquées au niveau national.

La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Nous savons tous que notre pays souffre d’un excès de normes.

D’ailleurs, le Président de la République s’est engagé dernièrement dans un « choc de simplification ». Je crois qu’il s’est aussi engagé à supprimer deux normes existantes pour toute nouvelle norme créée.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Non, c’est une pour une !

M. Daniel Dubois. Bien évidemment, le monde agricole n’échappe pas à ce phénomène normatif. Il subit même une double peine en la matière, parce qu’aux normes françaises s’ajoutent des normes européennes, lesquelles sont, de surcroît, généralement appliquées un peu plus durement en France que dans les autres pays européens.

Comme je l’ai souligné lors de mon intervention sur la compétitivité, nous devons donner à notre agriculture, à nos agriculteurs, de l’oxygène et de la souplesse.

Je ne suis pas un fervent défenseur des rapports annuels, mais je pense que, si nous voulons faire évoluer les choses sur ces différents sujets, nous devons avoir une connaissance exhaustive de la réalité de ces normes, imposées avec encore plus d’exigence à nos agriculteurs qu’à ceux des autres pays de l’Union européenne d'ailleurs. L’objectif est tout simplement de leur redonner du souffle. Or, sans diagnostic exhaustif, il n’y aura jamais de comparaison.

Monsieur le ministre, vous le savez très bien, puisque vous venez tout récemment de faire évoluer une norme sur les élevages porcins. (M. le ministre acquiesce.) Malgré l’engagement du Président de la République et en dépit de votre travail, vous avez dû mettre six ou sept mois pour réussir à faire évoluer les choses sur ce point.

Je pense également à la norme sur les 44 tonnes : il a fallu quasiment deux ans pour que l’on sorte du grand débat auquel a donné lieu l’évolution de cette réglementation !

Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite ajouter un article additionnel après l’article 2, prévoyant que le Parlement dispose, chaque année, d’un rapport décrivant l'évolution des normes ayant des conséquences sur les agriculteurs.

Je sais que notre président de commission est extrêmement défavorable aux rapports. Je le suis également ! Cependant, si, à un moment donné, nous voulons faire bouger les lignes, nous devons avoir une connaissance réelle, précise et exhaustive de ce que l’on impose à nos agriculteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cher Daniel Dubois, dans ce projet de loi d’avenir, vous êtes une réelle exception ! (Sourires.)

En effet, à la demande expresse du président de la commission Daniel Raoul, que nous avons tous approuvée, nous avons pris la décision de faire sauter tous les rapports qui étaient prévus dans le projet de loi : nous trouvons que trop de rapports annuels doivent déjà être remis au Parlement, que l’on dit portant encombré.

Dès lors, que nous donnions un avis favorable à votre amendement fait de vous une exception. Pourquoi prenons-nous cette position ? Parce que le problème des normes est un véritable sujet, sur lequel la société tout entière doit avancer.

Vous avez dit que le Président de la République s’était engagé à supprimer deux normes pour toute nouvelle norme créée. En fait, il s’est engagé à supprimer une norme pour une norme créée. Ce n’est déjà pas mal, monsieur Dubois ! Pour l’instant, nous n’y sommes pas encore, mais nous pouvons y arriver.

Le contexte y est favorable : le rapport Lambert-Boulard…

Mme Nathalie Goulet. Excellents rapporteurs !

M. Didier Guillaume, rapporteur. … a été remis en mars 2013, et, il y a un mois, ce point a été évoqué aux états généraux de l’agriculture. Nous l’avons soutenu, et le ministre y était favorable.

Il est vrai que beaucoup de normes sont créées au niveau européen. D’ailleurs, j’invite la France à ne pas « surtransposer » les directives européennes. Il faut dire que, en matière de transposition, nous sommes vraiment de très bons élèves ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Charles Revet. D’excellents élèves, en effet !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je ne dis pas que nous devons en rougir, mais peut-être ne faut-il tout de même pas trop en faire !

J’ignore si un rapport annuel conduira à améliorer les choses, mais ce sujet est important. Aussi, je donne un avis favorable à l’amendement de M. Dubois, que nous pourrions voter à l’unanimité si le ministre de l’agriculture s’engageait maintenant à avancer dans cette direction. Toutefois, je ne veux pas préjuger des propos de M. le ministre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. La simplification est un engagement qu’a pris le Président de la République.

Elle a déjà commencé pour ce qui est de l’agriculture. Toutefois, les négociations sont longues, parce qu’elles impliquent le ministère de l’environnement. En effet, toutes les normes qui ont successivement été mises en place n’émanent pas forcément du ministère de l’agriculture : c’est parfois au niveau du ministère de l’environnement qu’elles se sont accumulées.

Lors des états généraux, Philippe Martin s’était engagé sur la simplification. Je verrai Ségolène Royal la semaine prochaine pour poursuivre ce travail, d'ores et déjà engagé.

Cela dit, inscrire aujourd’hui dans la loi qu’un rapport sur la simplification des normes sera remis tous les ans au Parlement peut signifier soit que l’on n’avance pas vite, soit qu’il y a tellement de normes que la simplification nécessitera dix ans de travail – pour ne pas dire que nous ne serons plus là pour finir d’en discuter ! Ce serait vraiment considérer que notre système est kafkaïen, ce que je ne crois pas.

M. Charles Revet. On n’en est pas loin !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il vaut tout de même mieux rester sur une logique d’engagement que d’inscrire dans la loi l’obligation du dépôt d’un rapport.

Oui, il faut simplifier, mais, pour ce qui me concerne, je préfère ne pas donner d’avis favorable à votre amendement, qui ne me semble pas répondre à l’enjeu. En revanche, je m’engage, dans l’immédiat, à revenir dans les six mois devant le Sénat et l’Assemblée nationale pour présenter les propositions que nous avons à faire.

Lors des états généraux, la profession agricole a formulé 72 propositions de simplification. (M. Didier Guillaume, rapporteur, le confirme.) Pour ce qui me concerne, je peux, d’ici à trois ou quatre mois, faire le point sur les engagements pris et sur la mise en œuvre de ces propositions. Une telle démarche me paraît plus concrète et plus précise que l’obligation législative de déposer un rapport.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. J’ai bien entendu M. le ministre, et je remercie M. le rapporteur, ainsi que les membres de la commission.

Il semble que nous soyons tous d’accord pour dire que l’excès de normes est un réel problème. Malgré tout, nous rencontrons beaucoup de difficultés à avancer sur ces sujets, qui sont compliqués.

Monsieur le ministre, j’aurais souhaité que l’engagement que vous prenez soit un peu plus formel. On pourrait imaginer, par exemple, qu’une mission travaille sur ce sujet.

M. Pierre Camani, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de léquipement et de l’aménagement du territoire. Très bien !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bonne proposition !

M. Daniel Dubois. Si vous vous engagiez dans une telle démarche, je serais tout à fait d’accord pour retirer mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Cher collègue, j’adhère complètement à votre proposition, qui correspond exactement à la position que j’avais déjà formulée en commission.

Si le Gouvernement en est d’accord, je formaliserai auprès de la présidence du Sénat la demande de création d’une mission d’information sur ce sujet.

À tout le moins, il convient de dresser un état des lieux. Cessons de fantasmer sur un certain nombre de normes ! Certains crient avant d’avoir mal…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il faut objectiver les normes !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait, monsieur le rapporteur.

M. le président. Monsieur Dubois, l'amendement n° 569 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Dubois. Compte tenu des engagements qui viennent d’être pris dans cet hémicycle, et dont je remercie d'ailleurs M. le ministre, je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 569 rectifié bis est retiré.

Articles additionnels après l’article 2
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article additionnel avant l’article 34 A (priorité)

Article 3

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre Ier du livre III est complété par des articles L. 311-4 à L. 311-7 ainsi rédigés :

« Art. L. 311-4. – Peut être reconnu comme groupement d’intérêt économique et environnemental, toute personne morale dont les membres portent collectivement un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs systèmes ou modes de production agricole et de leurs pratiques agronomiques en visant une performance à la fois économique, sociale et environnementale. Le projet pluriannuel contribue à renforcer la performance sociale en mettant en œuvre des mesures de nature à améliorer les conditions de travail des membres du groupement et de leurs salariés, à favoriser l’emploi ou à lutter contre l’isolement en milieu rural.

« Cette personne morale doit comprendre plusieurs exploitants agricoles et peut comporter d’autres personnes physiques ou morales, privées ou publiques. Les exploitants agricoles doivent détenir ensemble la majorité des voix au sein des instances du groupement.

« La reconnaissance de la qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental est accordée par le représentant de l’État dans la région à l’issue d’une sélection.

« La qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental est reconnue pour la durée du projet pluriannuel. »

« Art. L. 311-5. – Pour permettre la reconnaissance d’un groupement comme groupement d’intérêt économique et environnemental, le projet pluriannuel mentionné à l’article L. 311-4 doit :

« 1° Associer plusieurs exploitations agricoles sur un territoire cohérent leur permettant de favoriser des synergies ;

« 2° Proposer des actions relevant de l’agro-écologie permettant d’améliorer les performances économique, sociale et environnementale de ces exploitations, notamment en favorisant l’innovation technique, organisationnelle ou sociale et l’expérimentation agricoles ;

« 3° Répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux du territoire où sont situées les exploitations agricoles concernées, notamment ceux identifiés dans le plan régional de l’agriculture durable mentionné à l’article L. 111-2-1 et en cohérence avec les projets territoriaux de développement local existants ;

« 4° Prévoir les modalités de diffusion et de réutilisation des résultats obtenus sur les plans économique, environnemental et, le cas échéant, social.

« Art. L. 311-5-1 (nouveau). – Un décret définit le cadre national pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 311-4 et L. 311-5. Il fixe :

« 1° La procédure de reconnaissance de la qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental, en particulier les conditions de présentation au représentant de l’État dans la région du projet pluriannuel du groupement ;

« 2° Les types de critères économiques, environnementaux et sociaux pouvant être pris en compte pour l’évaluation de la qualité du projet ;

« 3° Les modalités de suivi, de capitalisation et de diffusion des résultats obtenus sur les plans économiques, environnementaux et sociaux ;

« 4° Les conditions dans lesquelles la qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental peut être retirée.

« Art. L. 311-6. – (Non modifié) Les actions menées dans le cadre de leur projet pluriannuel par les agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental au bénéfice d’autres agriculteurs membres sont présumées relever de l’entraide au sens de l’article L. 325-1.

« Art. L. 311-7. – (Non modifié) Tout ou partie des actions prévues dans le projet pluriannuel mentionné à l’article L. 311-4 peuvent bénéficier de majorations dans l’attribution des aides publiques. » ;

1° bis Après l’article L. 325-1, il est inséré un article L. 325-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 325-1-1. – (Non modifié) Sont également considérés comme relevant de l’entraide au sens de l’article L. 325-1, sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable, les échanges, entre agriculteurs, de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences ou de plants destinés à être commercialisés. » ;

2° (Supprimé)

3° (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 325-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « y compris ceux entrant dans le prolongement de l’acte de production ».

M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. G. Larcher et Gournac, Mme Duchêne, MM. Cambon et Houel et Mmes Debré et Procaccia, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

peut comporter d’autres personnes physiques ou morales, privées ou publiques

par les mots :

ne peut comporter en outre que des partenaires économiques ayant pour finalité le développement agricole de ces structures

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à réaffirmer que les groupes d’intérêts économiques et environnementaux, les GIEE, doivent se concentrer sur les partenaires économiques qui ont pour finalité le développement agricole des structures agricoles professionnelles.

Je propose donc de remplacer l’expression « peut comporter d’autres personnes physiques ou morales, privées ou publiques », qui reste très large et très vague et qui permet de faire entrer à peu près n’importe qui dans ces GIEE, par les mots « ne peut comporter en outre que des partenaires économiques ayant pour finalité le développement agricole de ces structures ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Chère collègue, votre amendement est trop restrictif. Comme on le disait tout à l'heure, les GIEE, c’est l’innovation, c’est l’expérimentation.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Tout à l’heure, un amendement de M. Boyer, qui n’a pas été soutenu, tendait à redéfinir ce qu’est un acteur économique, un acteur agricole – en fait, ce dont on parle depuis toujours. Dans le cas des GIEE, si les acteurs économiques sont évidemment incontournables, le collège doit comporter d’autres acteurs : une association, des regroupements…

Les GIEE sont en train de se créer. Si, d’entrée de jeu, on en fait une structure « croupion », plus resserrée, on passera au travers de ce que doivent être ces groupements.

Il ne s’agit pas que cent fleurs s’épanouissent ! Il s’agit tout simplement que des initiatives regroupées permettent une activité économique et environnementale qui assure un revenu aux personnes concernées, en s’appuyant sur la mutualisation, l’innovation et la création de nouveaux objets. Tel est l’objectif des GIEE.

Dans ces conditions, madame Primas, je ne suis pas favorable à votre amendement, qui ne me semble pas aller dans le sens du projet de loi et de la création des GIEE. Croyez bien que je suis désolé d’émettre un nouvel avis défavorable sur l’un de vos amendements ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis du Gouvernement est le même que celui de M. le rapporteur.

Certains laissent penser, d'une part, que les GIEE seraient tellement flous qu’ils n’existeraient pas, et, d'autre part, que l’on ne sait pas, notamment, quelles aides peuvent être mobilisées.

M. Gérard César. C’est la question que je posais !

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’ai donc apporté, pour chaque sénateur, un document relatif aux aides mobilisables, de manière à préciser les choses. (M. le ministre brandit ce document. – Marques de satisfaction sur diverses travées.) Il s’agit d’un vade-mecum pour réussir la mise en place d’un GIEE et connaître les aides dont on peut bénéficier.

D’ailleurs, je souhaite que ceux qui s’intéressent à ce sujet soient les premiers opérateurs de la création de GIEE dans leur département.

J’ai apporté également un second document, recensant les 103 projets que nous avons déjà validés. Certains prennent place dans des départements dont les sénateurs sont ici présents. Pour vous donner une idée de la dynamique qui les sous-tend, sachez qu’il y a, par exemple, sur les zones intermédiaires, des projets de GIEE portant sur les liens entre céréales et élevage, donc des exploitants qui se sont regroupés pour traiter ces questions de production de protéines végétales pour la production animale et la polyculture-élevage.

Si je prends l’exemple des Côtes-d’Armor, qui intéressera M. Le Cam, un GIEE s’est constitué autour de Trébry. Son objectif est de travailler sur des redéfinitions paysagères au moyen de haies, en mettant en place des réflexions avec les agriculteurs. Comment reconstitue-t-on des systèmes bocagers qui ont disparu, en particulier après les remembrements que j’évoquais, les grandes mutations agricoles ? Ce projet, qui concerne quelque quatre-vingts exploitations autour de Trébry, est très important.

Je pourrais prendre d’autres exemples, dans le domaine de la conservation des sols, de l’agroécologie…

Si 103 dossiers ont été retenus, 469 avaient été déposés. Je suis sûr que chacun d’entre vous en a au moins un dans son département ! L’objectif est de mettre en route tous ces projets en les reprenant dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième pilier de la politique agricole commune.

Comme l’a souligné le rapporteur Didier Guillaume, l’enjeu n’est pas de réduire le nombre des hypothèses, de limiter les possibilités. Au contraire, il s’agit de les ouvrir ! Pour reprendre la formule d’un grand poète, cité par le député André Chassaigne lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, « l’inaccompli bourdonne d’essentiel ».

Laissons donc les choses ouvertes, de manière à mobiliser toutes les énergies. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

accordée

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

conjointement par le représentant de l’État dans la région et le président du conseil régional à l’issue d’une sélection et après avis de la commission régionale de l'économie agricole et du monde rural.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Ce projet de loi, outre qu’il prévoit l’amélioration de la gouvernance des organisations et institutions en charge des politiques agricoles, alimentaires et forestières, valide la régionalisation de la politique agricole. Les régions, qui deviennent autorités de gestion des fonds européens, sont également appelées à siéger officiellement dans plusieurs de ces organisations et institutions.

Les GIEE instaurés par le projet de loi seront un dispositif pertinent de la transition agroécologique de notre agriculture. Pour nous, il est donc important que le président de la région, puisse participer, à côté du représentant de l’État, au processus d’élaboration du dispositif et d’agrémentation des collectifs retenus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. J’ai confirmé tout à l'heure que la régionalisation était en marche. Peut-être l’est-elle encore plus depuis quelques jours, même si le Sénat l’avait déjà préconisée dans un rapport…

Depuis quelques années, la coordination des politiques se fait au niveau de la région. Mais le président de la région n’est pas concerné : c'est le préfet de région, bras armé de l’État, qui en est chargé. Il est donc, selon moi, hors de question de rendre le président de région délégataire des pouvoirs du ministre pour mettre en place une politique agricole.

Je suis donc défavorable à votre amendement, mon cher collègue, qui dénature le texte et qui, au surplus, ne correspond pas du tout à l’esprit du système administratif français, où, parallèlement à la décentralisation des compétences, la responsabilité de l’État est exercée par les représentants de l’État ; en l’occurrence, c’est le préfet de région.

M. Gérard César. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 598, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le suivi, la diffusion des innovations ou l’accompagnement des groupements d’intérêt économique et environnemental relèvent de l’article L. 820-2.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Pour que les agriculteurs s’emparent du GIEE dans de bonnes conditions, ils doivent bénéficier d’un accompagnement sur le terrain. L'article L. 820-2 du code rural prévoit que « les actions de développement agricole sont réalisées de façon concertée avec le concours de l'État et éventuellement des collectivités territoriales par des organismes publics ou privés, en particulier les chambres d’agriculture, les établissements d'enseignement agricole et les groupements professionnels à caractère technique, économique et social ».

En effet, les chambres d’agriculture ont un rôle central dans l'animation et le développement rural ainsi que dans la promotion des terroirs et de l'agritourisme. Afin de prendre en compte les attentes de la société et les réglementations de la PAC, les chambres d’agriculture aident les agriculteurs à analyser leur environnement, à rester réactifs, à s'intégrer dans les projets de développement territoriaux, en travaillant de concert avec les collectivités locales et l'ensemble des chambres consulaires.

Cette animation est une mission de service public et nous souhaitons, par cet amendement, qu’il soit précisé dans le projet de loi que l'animation relève de cet article du code et que le Gouvernement en assure donc la gratuité pour les exploitants qui se mettront en groupement d'intérêt économique et écologique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. On ne peut donner le monopole du suivi de la diffusion aux ONVAR – organismes nationaux à vocation agricole et rurale. En effet, comme le ministre vient de l’expliquer, un GIEE peut être très large : on y trouve, outre des agriculteurs, des collectivités territoriales, des associations, des CUMA, etc.

Je donne donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. Pour ma part, je soutiens l'amendement présenté par Mme Schurch, car il est important que les chambres d’agriculture, qui offrent un maillage des territoires, qui sont représentées dans différents organismes, puissent assurer la mise en place des GIEE.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur César, vous en conviendrez, à l’heure actuelle, le texte n’exclut nullement que les ONVAR concourent aux GIEE. Dès lors, l'amendement que vous entendez soutenir est restrictif par rapport au texte. Je ne suis aucunement hostile a priori à la participation des ONVAR, mais la rédaction de l'amendement revient à leur conférer un monopole à cet égard : c’est dommage !

M. Gérard César. Il faudrait ajouter : « notamment » !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je n’aime guère l’emploi de cet adverbe dans les textes de loi… De toute façon, dès lors qu’il ne figure pas dans l’amendement, je ne peux qu’être défavorable à celui-ci.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 598.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 595, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et les regroupements fonciers

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Au travers de la reconnaissance, à l'article 3, des groupements d'intérêt économique et environnemental, on entend valoriser et accompagner l'engagement collectif d'agriculteurs dans un projet pluriannuel de modification durable de leur système d'exploitation.

Notre amendement s’inscrit dans la volonté d'amélioration des exploitations, tant au regard de leurs performances économiques que du point de vue environnemental, et dans la recherche d'une logique territoriale.

Il s'agit de préciser que le GIEE favorise les regroupements fonciers. En effet, il est important d'être vigilant sur le regroupement des exploitations agricoles si l'on veut obtenir des effets positifs à la fois sur l'environnement et sur les conditions de travail des agriculteurs.

L’affichage de cet objectif vise clairement à éviter l'émiettement des exploitations et même des parcelles. Le regroupement foncier permet en outre de réduire les distances parcourues et, par là même, le temps de travail. Il favorise la mutualisation des outils de production dans une unité cohérente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je pense, monsieur Le Cam, que votre défense de l'amendement ne correspond pas tout à fait à son texte. Vous avez dit : « Notre amendement favorise les regroupements fonciers », mais il tend bien à ce que le regroupement foncier soit l’un des objectifs des GIEE et, là, je ne peux pas être d’accord : les GIEE n’ont nullement vocation à faire du regroupement foncier. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce qui s'est passé avec l'amendement n° 598 est en train de se reproduire avec le présent amendement. Je le dis sincèrement : je ne comprends pas pourquoi il faudrait systématiquement tout préciser et rendre les choses obligatoires ! (M. Didier Guillaume, rapporteur, approuve.)

Je reprends encore la formule de René Char qu’avait citée André Chassaigne : « L'inaccompli bourdonne d'essentiel ». Or, là, monsieur Le Cam, vous proposez à nouveau de réduire le champ du dispositif.

Regardez le document que je vous ai fait distribuer sur des exemples de GIEE ! Dans le cas de la reconstitution d’une zone de bocage dans les Côtes d’Armor, c'est une association qui est à la manœuvre, avec un CIVAM – un centre d'initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural. Des collectivités locales viennent s'associer !

Pourquoi voudriez-vous réduire cette capacité d’initiative, rajouter des règles ? Pourquoi chercher à cadenasser un système qui a, au contraire, besoin de respirer ? On ne réussira les GIEE que si l’on permet cette respiration.

À l’instant, monsieur Le Cam, vous avez fait adopter un amendement qui oblige à passer par les chambres d’agriculture et par les ONVAR ! C'est pourtant vous qui, tout à l'heure, vous êtes inquiété du rôle des collectivités territoriales, soulignant l’enjeu que constitue pour elles leur participation aux GIEE, dès lors qu’elles entendent favoriser l’innovation – tout le monde ne parle que de ça ! –, les regroupements autour d’objectifs…

Je pense sincèrement que l’on commet ici une erreur. Laissez ces projets se construire ! L’initiative permet de créer des choses que l’on n’imaginerait même pas ici… Pourquoi tout ramener à des règles et cadenasser le système ? Et c'est le ministre de l’agriculture qui vous le dit…

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, lorsque vous étiez venu devant la commission des affaires économiques pour présenter ce texte, je vous avais interpellé sur l’absence de dispositions concernant les aménagements fonciers, c'est-à-dire ce qu’on appelait jadis les remembrements. Vous me direz que c’est maintenant de la compétence des conseils généraux. Mais ceux-ci ont déjà tellement d’autres tâches qu’ils ne s’en occupent plus ! Or, aujourd'hui, on voit de plus en plus d’engins agricoles circuler sur les routes.

Monsieur le ministre, si ma mémoire est bonne, vous m'aviez répondu que l’aménagement foncier pourrait se faire dans le cadre des GIEE. C’est pourquoi je ne suis pas hostile à un amendement qui prévoit explicitement que les GIEE pourront mener des actions en la matière : il n’est pas interdit d’imaginer que des agriculteurs se regroupent pour procéder, par exemple, à des échanges amiables de parcelles.

Pouvez-vous donc nous confirmer que l’aménagement foncier figure parmi les actions qui, demain, pourront être conduites par les GIEE ?

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Dans les deux amendements qui viennent d'être présentés par nos collègues du groupe CRC, on essaye d’introduire de la rigidité, alors que le système exige de la souplesse.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Voilà !

Mme Nathalie Goulet. Je tiens rappeler que les initiatives locales et associatives sont aujourd'hui très nombreuses. J’ajoute que plus vous tendez à mettre les mêmes acteurs sur les mêmes types d’opérations, plus vous risquez des conflits d’intérêt et plus vous bridez l’initiative.

Je pense qu’il vaut donc mieux laisser, avec ou sans le mot « notamment », le texte tel qu’il est, avec sa souplesse, car il correspond ainsi exactement aux besoins de nos territoires. C'est pourquoi je suis contre ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Madame Goulet a dit exactement ce que je voulais dire ! (Exclamations amusées sur diverses travées.) J’en suis d’ailleurs très heureux !

Ne bridons pas, ne fermons pas, ne verrouillons pas, laissons les initiatives se faire jour ! C'est pourquoi je regrette vraiment l’adoption de l'amendement n°598. On verra ce qu’il en adviendra en deuxième lecture, mais cet amendement « recroqueville » les GIEE ! Il donne tous pouvoirs aux ONVAR, aux chambres d’agriculture… Et que deviennent les collectivités territoriales ? Elles n’existent plus ! (M. Gérard Le Cam le conteste.)

Pour répondre à M. Bailly, je répète ici ce que j’avais dit en commission : les GIEE peuvent faire du regroupement foncier ou du remembrement – là, je suis d’accord avec vous, mon cher collègue –, mais je ne suis pas favorable à ce que l’on oblige tous les GIEE à en faire.

Si, dans cette loi comme dans d’autres, on verrouille, on cadenasse, on ne s'en sortira pas !

Mais je ne vais tout de même pas passer pour l’ultralibéral de service et vous, à l’UMP, pour des défenseurs du Gosplan ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Notre intention n’était pas de brider quoi que ce soit. Nous allons examiner de près les conséquences de l’amendement n° 598. Mais le présent amendement ne tend qu’à ajouter un champ d’action supplémentaire au GIEE, sans rien brider ! Il tend à permettre de faire du regroupement foncier dans le cadre des GIEE, un point c'est tout ! C’est un objectif parmi d’autres, ce n’est pas un impératif.

M. le président. La parole est à Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je me permets simplement d’attirer l’attention sur le fait que, à l’alinéa 7 de l’article 3, qui introduit les alinéas suivants, il est indiqué que « le projet pluriannuel mentionné à l’article L. 311-4 doit : ». Or « doit », ce n’est pas « peut » ! Nous ne sommes pas d’accord pour imposer au GIEE des regroupements fonciers. En revanche, nous ne sommes pas opposés à ce qu’ils puissent y recourir. La nuance est importante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 595.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 196 rectifié, présenté par M. Savary, Mme Bruguière, MM. Cambon, Cardoux et Cointat, Mme Deroche, MM. Doligé, Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet et Mme Masson-Maret, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Prévoir les modalités d’information et de mise à disposition des résultats obtenus sur les plans économique, environnemental et social.

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Le GIEE, nous semble-t-il, doit permettre de réaliser un certain nombre d’expérimentations. C’est en tout cas ce que j’ai cru comprendre.

On en demande toujours plus aux agriculteurs. En contrepartie, il faudra qu’ils puissent tirer bénéfice de l’effort supplémentaire qui leur est demandé, en organisant notamment le retour d’information sur les GIEE.

Nous commençons à avoir un certain nombre de précisions sur ce GIEE. J’avoue cependant ma surprise, monsieur le ministre, même si je ne suis pas un spécialiste, je vous l’accorde, parce que je croyais que nous étions justement en train d’élaborer la loi créant le GIEE. Or je constate qu’il existe déjà un document présentant le dispositif que nous nous apprêtons éventuellement à voter. (L’orateur montre un document relatif aux GIEE.)

Dans ces conditions, j’avoue que je ne sais plus si je suis en retard ou en avance,…

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous êtes parfaitement dans le tempo !

M. René-Paul Savary. … si cela témoigne de l’efficacité du ministre ou d’un certain mépris envers le Sénat. M. le Premier ministre nous ayant laissé entendre qu’il serait particulièrement respectueux du Sénat, j’ai plutôt tendance à considérer qu’il s’agit d’un document d’information.

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est une maquette de présentation !

M. René-Paul Savary. Je vous le dis de manière tout à fait cordiale, monsieur le ministre, mais les GIEE y sont présentés dans le détail. Je me demandais par conséquent si cela valait encore la peine de proposer des amendements…

En tout cas, avec quelques autres collègues, j’ai pensé qu’il serait intéressant qu’un organisme recueille, analyse, commente et diffuse les informations provenant des GIEE. Là encore, nous proposons que cette fonction soit assurée par les réseaux de développement agricole. Neuf fois sur dix, ce seront les chambres d’agriculture, mais d’autres organismes pourront intervenir. Cela peut constituer une suite utile aux innovations qui seront lancées et aux expérimentations qui seront menées dans le cadre des GIEE.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je veux apporter quelques précisions concernant le document que vous avez évoqué, monsieur Savary.

Lors du débat à l’Assemblée nationale, nous avons élaboré un document de préfiguration de ce que pourraient être les futurs GIEE, avec l’appui des fonds du CASDAR – compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural.

Il va de soi que c’est la loi qui définira les règles. Il s’agit simplement de répondre aux questions qui se posent, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, sur ce nouveau groupement. Vous-même vous êtes plaint, dans la discussion générale, de ce que ce texte était flou, pour ne pas dire vide, qu’il manquait de souffle et de contenu précis. Eh bien, ce document vous présente des exemples concrets ; c’est une préfiguration de ce que ce dispositif peut donner. Mais il est bien évident que les projets qui sont présentés, ainsi que d’autres, ne pourront se déployer que si la loi est votée.

Les crédits du CASDAR ne pourront évidemment être mobilisés que si la loi est votée. Et il n’y aura pas de deuxième chance ! (M. Didier Guillaume, rapporteur, s’esclaffe.) C’est pourquoi je compte sur vous, monsieur le sénateur ! (Sourires.)

M. René-Paul Savary. Vous auriez pu l’indiquer dans le document…

M. le président. L'amendement n° 680, présenté par Mmes Nicoux, Bourzai et Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Dilain, Fauconnier et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

modalités

insérer les mots :

de regroupement,

La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. La rédaction issue de la commission des affaires économiques du Sénat a permis de clarifier la notion de capitalisation, qui était floue et faisait débat. L’objectif est bien que chaque GIEE prévoie de diffuser et de réutiliser les résultats.

Cela suppose que ces résultats soient au préalable regroupés : d’où la précision prévue par le présent amendement.

M. le président. Les amendements nos 594 et 759 sont identiques.

L'amendement n° 594 est présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 759 est présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

Supprimer les mots :

, le cas échéant,

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 594.

M. Gérard Le Cam. Nous souhaitons affirmer la dimension sociale dans l’objet des GIEE. Après son passage en commission des affaires économiques, l’article 3 intègre désormais expressément cette dimension sociale. Il importe d’en tirer les conséquences à l’alinéa 9 et de prévoir les modalités de diffusion et de réutilisation des résultats sur les plans économique et environnemental et aussi social.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 759 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 196 rectifié et 680.

M. Didier Guillaume, rapporteur. L’amendement n° 759 vient en fait d’être défendu par M. Le Cam.

La commission est défavorable à l’amendement n° 196 rectifié, qui est de moindre portée que le texte actuel puisqu’il ne vise que « les modalités d’information et de mise à disposition des résultats obtenus », au lieu des « modalités de diffusion et de réutilisation des résultats obtenus ».

Enfin, la commission est favorable à l'amendement n° 680.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 196 rectifié.

M. Gérard Longuet. J’ai écouté attentivement la position du rapporteur Didier Guillaume et j’avoue que j’éprouve un certain malaise : étant, personnellement, plutôt libéral et me méfiant des interdictions, je me suis demandé si je n’étais pas en train de me fourvoyer en ne suivant pas la commission et en exigeant que tout cela reste plutôt dans le monde agricole, donc en n’acceptant pas cette très grande ouverture des GIEE que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre.

A priori, je suis pour l’ouverture. Mais le problème se situe au niveau des dispositions réglementaires. À partir du moment où les GIEE sont très ouverts de par la loi, je crains qu’un ministre, inspiré par des raisons de circonstance ou d’équilibre majoritaire, ne décide finalement qu’un GIEE, qui draine des fonds importants, en particulier les fonds européens gérés par les régions, ne mérite d’être soutenu que s’il s’appuie sur tel ou tel acteur non directement lié au monde agricole.

Qu’il y ait, par exemple, des circuits courts, je n’y vois que des avantages : c’est vraiment l’orientation vers laquelle on s’efforce d’aller sur le terrain. Il s’agit notamment de faire en sorte que la restauration collective puisse s’intéresser aux productions agricoles locales.

Ce que je crains, c’est qu’une autorité politique régionale ne décide que ne seront soutenus que les GIEE intégrant tel ou tel partenaire qu’on aura désigné préalablement, alors même que cette intégration ne correspondra pas nécessairement à la volonté de ceux qui, ayant un projet acceptable, décident qu’il sera géré entre organismes ayant l’habitude de travailler ensemble, sans forcément s’ouvrir à d’autres partenaires.

M. Jean Bizet. C’est le risque !

M. Gérard Longuet. Prenons le cas des chasseurs, pour lesquels j’ai au demeurant de sympathie, ou celui des écologistes, ou de telle tendance dans la mouvance écologiste. Qui va décider que leur présence est obligatoire dans un GIEE pour que celui-ci puisse bénéficier des crédits publics ? Ce sera une autorité régionale.

Le fait d’ouvrir systématiquement le GIEE à tous les organismes, c’est en apparence très sympathique, mais c’est en réalité une façon de soumettre l’intervention des fonds publics au bénéfice des GIEE à la constitution la plus large, intégrant des personnes qui ne seront pas nécessairement choisies par les agriculteurs – alors que ce sont bien ceux-ci qui consacrent leur vie à la production agricole – ou à ceux qui sont leurs partenaires directs au sein du monde rural, tels les établissements d’enseignement installés en milieu rural. Peut-on imaginer que les GIEE se voient imposer, pour bénéficier de soutiens, des partenaires qui seraient extérieurs au monde rural, qui auraient des préoccupations totalement étrangères à l’agriculture ?

C’est la raison pour laquelle, sans trancher le débat à cet instant, je voudrais, monsieur le rapporteur, que vous compreniez notre opposition. Il ne s’agit pas d’une opposition à la liberté : notre opposition est inspirée par la crainte de voir cette possibilité d’ouverture se transformer, chemin faisant, en une exigence d’ouverture, de telle sorte que seuls certains GIEE seraient acceptés et que d’autres, qui seraient spontanément orientés sur un sujet très ponctuel, par exemple la méthanisation, se trouveraient écartés au motif qu’ils n’auraient pas fait une place à tel ou tel acteur très éloigné du monde agricole, mais très actif dans ses démarches auprès du conseil régional.

En d’autres termes, on risque de politiser des actions qui mériteraient de rester techniques. (M. Gérard Bailly applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je peux comprendre votre crainte, monsieur Longuet, mais elle n’est pas avérée puisqu’un GIEE est un groupement d’agriculteurs. Sans agriculteurs, pas de GIEE !

M. Gérard Longuet. Nous sommes d’accord.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Vous pouvez craindre la présence d’associations de protection de la nature. Mais il va d’abord y avoir un collectif qui va décider ; ensuite, une labellisation interviendra ; le préfet de région, le conseil général, éventuellement des collectivités locales seront impliqués…

Par ailleurs, vous le savez mieux que moi, il existe un cadre très précis pour percevoir les aides européennes, qui ne peuvent être versées à un projet qui serait étranger à l’agriculture.

Certes, les GIEE ne sont pas encore créés. Il y a eu des préfigurations – il y a été fait allusion –, mais c’est au fur et à mesure que les choses se mettront en place que nous verrons comment tout cela fonctionne : le mouvement se prouve en marchant !

En tout cas, je ne crois pas que vos craintes soient fondées, parce que personne ne pourra imposer à un groupement d’agriculteurs autre chose que ce qu’ils veulent.

M. Didier Guillaume, rapporteur. N’oublions pas que le GIEE est facultatif : il est créé dans l’intérêt de l’agriculture et non pour faire autre chose.

Comme cela est indiqué dans la loi, la création d’un GIEE a un but agricole, environnemental, agroécologique ; il est destiné à la mise en place d’activités économiques multiples, par exemple la méthanisation.

Quand on sait que, en Allemagne, quelques mois suffisent pour monter une usine de méthanisation, alors qu’il faut trois ou quatre ans en France, sans parler des manifestations, des retards, etc., on est bien obligé de considérer que cela ne peut pas continuer ainsi !

Bref, nous espérons que les GIEE pourront accélérer les choses. Mais vos craintes ne sont pas justifiées, monsieur Longuet. Le fondement des GIEE, c’est l’agriculture.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Je comprends et partage les craintes de notre collègue Gérard Longuet. J’ai bien écouté la réponse du rapporteur. Le problème, c’est que les régions sont désormais autorités de gestion des fonds structurels. Or, si le rapporteur a raison en disant qu’il relève de la seule volonté des agriculteurs de se regrouper pour faire émerger un projet, il n’en reste pas moins que la région peut poser certaines exigences dans le cahier des charges pour l’attribution des fonds communautaires et priver ainsi les agriculteurs d’une ligne budgétaire sur laquelle ils comptaient.

Précédemment, les fonds structurels étaient gérés par les secrétariats généraux pour les affaires régionales, les SGAR. Je ne dis pas que ce mode de gestion était beaucoup plus objectif, mais une région, compte tenu de sa composition politique du moment, pourra vouloir trouver dans le cahier des charges une sensibilité, une argumentation ou une réglementation auxquelles une région voisine ne sera pas spécialement attachée.

Voilà la crainte que, très intelligemment, notre collègue Gérard Longuet a voulu exprimer et à laquelle il faudra répondre si l’on veut que ce dispositif soit effectif.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. J’ai bien écouté les propos de Gérard Longuet. Les questions qu’il soulève se retrouvent dans d’autres domaines.

L’autonomie accrue des régions va nécessairement conduire à une disparité de traitement : ainsi, un projet porté par la Normandie réunie ne le sera pas nécessairement en Rhône-Alpes ou ailleurs, en dépit de son intérêt.

Il va falloir faire en sorte que les projets soient validés de la même façon partout, sans pour autant ajouter de la rigidité au dispositif. En effet, tout l’intérêt de ce dernier – c’est ce qui ressort du texte – est de pouvoir dupliquer les projets qui fonctionnent dans une région pour les transposer dans une autre, sans craindre des contraintes supplémentaires. Nous aimerions être rassurés sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Le GIEE étant l’un des points forts de ce projet de loi, je tiens à bien préciser les choses.

Je voudrais tout d’abord évoquer la cohérence du dispositif. Tout à l'heure, nous avons rejeté un amendement de M. Labbé qui allait dans le sens de vos craintes, monsieur Longuet, puisqu’il visait à ce que le président du conseil régional soit associé à la décision du préfet de région. Nous avons refusé de suivre M. Labbé pour la simple raison que le bras armé de l’État dans les territoires, c’est le préfet de région et non le président de la région. Il y a donc bien là de la cohérence.

Ensuite, l’alinéa 4 de cet article répond à lui seul à votre interrogation, mon cher collègue, car il dispose que les exploitants agricoles doivent détenir ensemble la majorité des voix au sein du groupement. Cela signifie que les agriculteurs membres du GIEE ne peuvent se voir imposer quoi que ce soit par d’autres membres. (M. Gérard Longuet opine.) .

Enfin, il faut noter que les critères d’attribution des aides européennes sont fixés non par le président de la région mais par le préfet de région. Lorsque les projets d’un GIEE seront éligibles à ces subventions, le président de région ne pourra donc pas privilégier tel projet parce qu’il comporte plus de petites fleurs ou tel autre parce qu’il favorise les chasseurs !

Ce débat est important en ce qu’il permet de répondre à vos craintes. Je crois que nous pouvons tranquillement emprunter ce chemin : le préfet de région a la main, les agriculteurs doivent être majoritaires au sein des instances du groupement, le président de la région ne peut fixer les critères d’attribution des aides européennes.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.

M. Gérard César. En définitive, les explications du ministre et du rapporteur montrent combien il est important de disposer d’un cadre national (M. le rapporteur opine.), sans quoi chaque département, chaque région fera n’importe quoi.

Je n’ai pas d’instructions à donner au ministre, mais je crois qu’il lui faudra prendre un décret précisant bien les choses, afin que tous les agriculteurs de France disposent des mêmes avantages au sein des GIEE.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’intérêt du débat démocratique, c’est aussi de pouvoir améliorer le projet gouvernemental en envisageant toutes les hypothèses. À l’Assemblée nationale, le débat avait déjà commencé sur ces thématiques-là.

Nous avons mis en place des garde-fous, notamment l’obligation faite aux agriculteurs de détenir la majorité des instances au sein du groupement. De plus, le fait que les régions soient autorités de gestion leur offre une certaine liberté d’adaptation, mais ne leur permet pas de définir les critères de l’attribution des aides. Il s’agit tout de même de fonds structurels européens du deuxième pilier, cofinancés par la partie nationale.

M. René-Paul Savary. Mais il y a une diminution sur le premier pilier !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons souhaité garder, à travers le rôle du préfet de région et les choix qui seront opérés, un cadre national. L’alinéa 12 du présent article dispose donc qu’« un décret définit le cadre national pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 311-4 et L. 311-5 ».

N’ayez pas d’inquiétude, monsieur Longuet. Certes, les majorités changent, les ministres se succèdent et prennent de nouveaux décrets, mais rien qui puisse bouleverser, renverser ou inverser ce qui est inscrit dans la loi.

Or ce qui est inscrit dans la loi, c’est ceci : des agriculteurs décident de se regrouper pour mieux prendre en compte les dimensions économique et écologique et ils sont majoritaires au sein des GIEE parce que ces groupements sont faits d’abord pour eux, parce que c’est à eux que sont destinés les moyens propres à assurer la réussite de leur projet commun, qu’il s’agisse de méthanisation, de polyculture-élevage, de reconstitution du bocage, de techniques spécifiques de conservation, de rotation des sols...

Sur ce dernier point, sachez que je me suis battu à Bruxelles pour que le verdissement, qui impose une diversification des cultures – au moins trois par exploitation –, puisse se faire sur plusieurs exploitations. En effet, quelle rotation peuvent organiser des agriculteurs sur une exploitation de 60 hectares, comportant des prairies permanentes et 15 % à 40 % de terres arables, sur lesquelles ils font pousser du maïs ? Très peu ! C’est tout le problème que l’on rencontre en Alsace ! Il paraît beaucoup plus intelligent de procéder à la rotation sur plusieurs exploitations : cela ne peut que faciliter le travail des agriculteurs, tout en prenant en compte les enjeux environnementaux de manière plus efficace, car plus la surface est importante, plus les résultats sont significatifs en termes environnementaux.

Le GIEE est précisément l’outil qui permet de réaliser ce genre de choses.

Je suis parfaitement conscient des problèmes que vous avez soulevés. Mais nous les avons déjà intégrés au texte lors du débat à l’Assemblée nationale. Cela étant, il est tout à fait normal que le Sénat cherche à encore améliorer le dispositif dans ses dimensions économique, environnementale et sociale. Toutefois, je vous garantis qu’une fois la loi votée, rien de ce que vous redoutez ne prendra corps. L’expérimentation décrite dans les documents que je vous ai fournis montre qu’aucun élément ne va dans le sens des craintes que vous évoquez, même si nous avons raison de placer quelques garde-fous.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Comme le rapporteur l’a souligné, le texte du projet de loi précise bien que personne, hormis les agriculteurs, ne pourra maîtriser les groupements d’intérêt économique et environnemental. (Applaudissements sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je ne demande qu’à vous croire, monsieur le ministre. Nous avons déjà eu une discussion sur les fonds européens et il semblerait effectivement que le deuxième pilier soit en augmentation en Champagne-Ardenne.

Toutefois, il y a une enveloppe nationale et une enveloppe régionale. Vos GIEE n’entrent pas dans la part de l’enveloppe nationale dédiée à l’ensemble de la région Champagne-Ardenne. Les prévisions fournies par la chambre d’agriculture montrent que cette enveloppe nationale représente un tiers des aides, dont 34 millions d’euros pour la politique d’installation et 3 millions d’euros pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels. Les GIEE ne sont donc pas inclus.

La part régionale, quant à elle, recouvre différents thèmes : investissement, transferts, etc. Les GIEE vont peut-être se retrouver dans la ligne « transfert de connaissances et innovation », qui est dotée de 10 millions d’euros par an. Mais rien ne garantit que toutes les régions, au moment de répartir leur enveloppe, choisiront d’abonder cette ligne. Elles pourront très bien choisir de privilégier la compétitivité des exploitations, leur viabilité, l’organisation de la chaîne alimentaire ou la restauration des écosystèmes.

La question que soulevait Gérard Longuet se pose donc véritablement, car certaines régions peuvent ne pas souhaiter flécher les crédits européens – crédits régionaux par définition, en raison de la complémentarité du financement – vers les GIEE. Dans ces conditions, votre volonté de généraliser les GIEE risque de faire pschitt ! Je tenais simplement à vous alerter sur cette difficulté. (M. Jean Bizet approuve.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. La dernière enveloppe perçue par la région Champagne-Ardenne au titre du deuxième pilier s’élevait à 121 millions d’euros. J’avais annoncé une augmentation de 64 % et cette région touchera 202 millions d’euros sur les cinq prochaines années.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Les veinards ! (Sourires.)

M. Charles Revet. Et la Normandie ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour la Normandie, je n’ose même pas le dire, tellement c’est important ! (Nouveaux sourires.)

Je vous confirme que les régions, autorités de gestion, auront des libertés. Mais les règles, le cadre national, le fait que les critères d’attribution des aides soient fixés au niveau européen, le fait que la majorité au sein des instances du GIEE soit dévolue aux agriculteurs, le fait que les élus de terrain – y compris vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs – soient amenés à intervenir, autorisent à ne pas craindre les dérives que vous avez pointées.

Certaines régions pourront certes mettre plus d’argent que d’autres, mais l’État sera là pour aider au développement des GIEE.

C’est en quelque sorte un pari que nous faisons. Ce projet a-t-il un sens ? Va-t-il intéresser ? Les premiers retours qui nous parviennent des agriculteurs tendent à montrer que c’est le cas, que quelque chose est en train de se passer. Peut-être ce système trouvera-t-il sa limite dans quelques années… Qui sait ? Personnellement, je suis sûr du contraire.

M. Jean Bizet. Comme les CTE autrefois ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les contrats territoriaux d’exploitation posaient une difficulté : ils fonctionnaient exploitation par exploitation et dépendaient d’une aide. Quand l’aide n’a plus été versée, l’activité agricole liée aux CTE s’est arrêtée.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce qui est intéressant avec les GIEE, c’est que le projet est appuyé dès lors qu’il est lancé, qu’il est ensuite appuyé, mais qu’il doit ensuite trouver sa propre dynamique.

Les CTE ont disparu parce que la majorité qui a succédé à celle qui les avait créés n’en voulait pas. Admettons qu’il y ait, à nouveau, un changement de majorité parlementaire – mais je suis sûr que cela n’arrivera pas ! (Sourires.) –…

M. Jean Bizet. Rien n’est jamais sûr ! (Nouveaux sourires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. … eh bien, les GIEE, puisqu’ils seront déjà lancés, existeront indépendamment même des aides qu’on leur aura versées. Voilà tout l’enjeu ! La création de ces GIEE est donc bien un pari, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 196 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 680.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 594 et 759.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 120, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Prévoir les modalités d’accompagnement, notamment en termes d’animation de projet, du groupement.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. M. le ministre vient de parler de pari. Un pari suppose la confiance, donc un véritable accompagnement.

L’analyse de la réussite des projets collectifs montre l’importance de l’animation de groupe et de l’accompagnement de projet. Par cet amendement, il s’agit non pas d’utiliser les GIEE pour embaucher des animateurs, mais bien de reconnaître le rôle de l’accompagnement dans la réussite d’un projet.

Nous avons défini les GIEE comme devant être des personnes morales. De fait, nombre de projets seront accompagnés par des organisations préexistantes. On peut penser notamment aux CUMA, aux groupements d’agriculteurs biologiques, aux parcs naturels régionaux ou encore aux associations de développement agricole.

En fin de compte, demander à ce que le projet présente les éléments constitutifs de son accompagnement oblige simplement les parties prenantes à étayer leur réflexion et à prendre la mesure des risques inhérents à tout projet collectif, assurant ainsi sa pérennité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis très embarrassé ! En effet, je ne voudrais pas que la première décision qui suive la création d’un GIEE soit d’embaucher quelqu’un pour l’animer.

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !

M. Didier Guillaume, rapporteur. En période de chômage, me direz-vous, cela pourrait contribuer à réduire un peu le nombre de demandeurs d’emploi ! Cela étant, je n’en suis pas si sûr…

Mme Sophie Primas. Ce serait des emplois d’avenir ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il est bien évident qu’il faut animer le GIEE, qu’il faut le faire vivre. Mais est-il pour autant nécessaire d’inscrire dans la loi qu’il est obligatoire de « prévoir les modalités d’accompagnement, notamment en termes d’animation de projet, du groupement » ?

M. René-Paul Savary. C’est une usine à gaz !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Le GIEE n’est pas une usine à gaz. À moins qu’il ne fasse de la méthanisation ! (Sourires.)

Nous devons faire en sorte que le GIEE fonctionne. Pour cela, il lui faut une gouvernance. Mais je préfère qu’elle soit assumée par les agriculteurs eux-mêmes, plutôt que par des personnes externes. Cela dit, il est toujours possible de laisser toutes les options ouvertes ; nous avons eu ce débat il y a un instant.

Le souci de parvenir à un équilibre et de trouver un compromis, souci qui a prévalu tout au long de nos travaux en commission, m’inciterait à être favorable à cet amendement dès lors qu’il n’introduirait qu’une simple faculté.

Les GIEE seront de différents types. Dans les petits GIEE, celui qui joue de la musique se dévouera pour être animateur, et cela marchera tout seul ! (Sourires.) Dans les gros GIEE, l’embauche d’une personne extérieure pourra être nécessaire. Cependant, conformément à ce qu’est notre état d’esprit depuis le début de l’examen de ce texte, je ne suis pas favorable à ce qui n’est qu’une option devienne une obligation.

Monsieur Labbé, peut-être devriez-vous rectifier cet amendement en ne prévoyant que la possibilité d’avoir recours à un animateur. Ainsi, chacun fera bien comme il l’entend. Mais n’obligeons pas les GIEE à recourir à un animateur !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Labbé, consentez-vous à la rectification suggérée par M. le rapporteur ?

M. Joël Labbé. Oui, car, pour avancer, nous cherchons le consensus !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur le président, la rédaction de l’amendement rectifié n’est pas si simple. En effet, l’alinéa que cet amendement tend à insérer serait gouverné, lui aussi, par le « doit » de l’alinéa 7. Il faudrait donc changer complètement le libellé de l’amendement.

Le plus simple, monsieur Labbé, serait peut-être, pour le moment, de retirer cet amendement ?

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 120 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Nous ne sommes qu’en première lecture ; nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. Dès lors, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 120 est retiré.

L’amendement n° 121, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Prévoir un diagnostic mettant en regard le projet et les enjeux du territoire identifiés.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement répond, lui aussi, à notre volonté d’enrichir le texte.

Monter un projet sans faire de diagnostic préalable à même d’établir les besoins d’un territoire et, ici, d’exploitations agricoles, sans le mettre en regard des enjeux identifiés pour ce même territoire, sans donner des clefs de lecture à ceux qui seront amenés à s’exprimer sur l’intérêt du projet et à lui accorder la reconnaissance voulue, serait quelque peu inopérant. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Par ailleurs, l’établissement de ce diagnostic permettra aux porteurs initiaux du projet d’identifier d’autres partenaires éventuels.

Enfin et surtout, le diagnostic initial doit permettre de faciliter l’évaluation continue du projet.

Cet amendement a donc pour objet d’inscrire le diagnostic préalable dans les éléments d’appréciation du projet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Mon cher collègue, je suis au regret d’utiliser sur cet amendement le même argument que sur l’amendement précédent. Le présent amendement tend en effet à obliger le GIEE à établir un diagnostic mettant en regard le projet et les enjeux du territoire. Si on a le temps d’établir des diagnostics, qu’on le fasse ! Mais, dans un premier temps, je pense que les agriculteurs auront autre chose à faire !

M. Charles Revet. Laissons-leur la liberté !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent, qui tendait à rendre obligatoire l’animation. Cela dit, si une personne est recrutée pour l’animation du GIEE, elle en fera aussi le diagnostic. Mais, pendant ce temps, l’agriculteur regardera passer les trains ! (Sourires.)

Je vous propose donc, mon cher collègue, puisque vous êtes particulièrement ouvert cet après-midi,…

M. Yvon Collin. Il l’est toujours ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. … de retirer cet amendement, qui, je suis confus de vous le dire pour la deuxième fois de suite, ne correspond pas à l’esprit de la loi.

Il serait en effet préférable de le réécrire pour la deuxième lecture et de le sortir de l’obligation mise en facteur commun à l’alinéa 7, afin de rendre seulement possible le diagnostic, tout comme vous êtes convenu de le faire pour l’animation. Il faudra bien, en tout état de cause, évaluer les GIEE d’une façon ou d’une autre ; mais je suppose que le ministre fera des propositions à cet égard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je le rappelle, l’alinéa 10 de l’article 3 précise que le GIEE doit « répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux du territoire où sont situées les exploitations agricoles concernées, notamment ceux identifiés dans le plan régional de l’agriculture durable ». La référence au territoire figure donc déjà dans le texte, monsieur Labbé.

Par conséquent, s’il est toujours possible, naturellement, de faire un diagnostic, l’enjeu économique, social, environnemental et territorial figure déjà dans cet article.

Il faut toujours chercher à mettre en perspective l’amendement que l’on défend avec ce qui a été écrit précédemment. Sans cela, on finit par allonger les lois de manière un peu inutile.

M. Charles Revet. Elles sont de plus en plus longues !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Les amendements nos 120 et 121 tendent à créer des obligations supplémentaires.

Je n’ai absolument aucun doute sur la capacité d’initiative de ces structures en matière de création d’emplois, de production d’études… Mais ces structures évoluent au sein d’une organisation territoriale que, nous le savons bien, le monde entier nous envie, au cœur d’un millefeuille, que l’on essaie de simplifier, dont toutes les tranches – les intercommunalités, les départements, les régions – mènent déjà leur propre diagnostic. On a vu comment cela a contribué à charger la barque des emplois ! Les parcs naturels, par exemple, sont devenus des espèces d’usines invraisemblables, avec des chercheurs de tout et des trouveurs de rien !

Il nous faut bien plutôt de la réactivité, des projets, des financements. Les diagnostics, eux, sont largement connus des personnes qui animent nos territoires, et des agriculteurs en particulier.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Vous avez oublié de mentionner les schémas de cohérence territoriale !

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je suis assez étonnée des protestations émises par nos collègues à propos du diagnostic. Je les comprends mieux pour ce qui concerne l’amendement précédent : ils sortent le carton rouge au seul mot d’« animateur » ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Mais, dans le monde libéral, le diagnostic est la base du marketing. Je vais prendre les exemples figurant dans le dépliant provisoire sur les GIEE que nous a fait passer M. le ministre. Il est évident que les exploitants qui voudront développer l’autonomie protéique d’un territoire vont chercher des débouchés. Ceux qui voudront avoir recours à la méthanisation chercheront à savoir quoi faire de leur gaz. Ceux qui voudront développer des produits biologiques compteront le nombre de collèges sur leur territoire pour les écouler dans le cadre d’un circuit court. Eh bien, tout cela consiste à établir un diagnostic.

Alors, mes chers collègues, certaines normes vous ont peut-être, dans le passé, infligé des diagnostics pesants, aux modalités contraignantes, mais, un diagnostic, ce n’est pas forcément « méchant » !

M. Charles Revet. Il faut laisser la liberté de le faire ou non !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Madame Blandin, vous venez de faire une excellente démonstration de ce que le diagnostic n’est pas nécessaire : il se fait très bien aujourd’hui sans que l’on soit obligé de l’ajouter dans la loi !

M. René-Paul Savary. Cela se fait sur une base volontaire !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je propose donc, je le répète, de trouver une solution pour l’animation et le diagnostic des GIEE en deuxième lecture. J’ai demandé le retrait de ces deux amendements non parce qu’ils étaient mauvais, mais parce que leur dispositif ne me paraît pouvoir s’appliquer tel quel.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 121 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. J’ai bien entendu les arguments qui m’ont été opposés, et je n’ai pas nécessairement envie de faire durer le débat pour le plaisir. Dans la mesure où M. le rapporteur nous indique que l’on travaillera sur ce sujet en deuxième lecture, j’accepte de retirer cet amendement.

Je signale tout de même, sans vouloir donner de leçon, que tout projet doit être basé sur un diagnostic initial, ce qui permet ensuite son évaluation.

M. Charles Revet. Mais laissez-les vivre !

M. Joël Labbé. Ce diagnostic n’est pas quelque chose de lourd, d’imposé de l’extérieur : il est fait chaque fois autour d’une table et il est partagé par toutes les parties prenantes. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

Je n’insiste pas ; j’espère simplement que nous trouverons la bonne formulation en deuxième lecture.

M. le président. L’amendement n° 121 est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion des articles du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous allons maintenant examiner les dispositions du titre VI, appelé par priorité.

Titre VI (priorité)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX OUTRE-MER

Article 3
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 34 A (priorité)

Article additionnel avant l’article 34 A (priorité)

M. le président. L'amendement n° 190, présenté par Mme Archimbaud, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 34 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dérogations susmentionnées ne s’appliquent pas aux collectivités d’outre-mer. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Le mode d’épandage aérien des produits phytosanitaires mentionnés à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime constitue une véritable menace pour la santé des habitants des territoires ultramarins, menace qui pèse nécessairement sans distinction puisqu’elle touche aussi bien la faune que la flore, les personnes âgées que les enfants.

Dès lors, et au nom du principe de précaution, le mieux serait d’éviter le recours à une telle pratique. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il serait bien que nous réfléchissions et travaillions un jour à l’objectivation du principe de précaution. Nous ferions ainsi, je le crois, œuvre utile.

L’amendement porte sur un sujet récurrent, que nous connaissons bien et qui est particulièrement sensible dans les outre-mer ; je parle sous le contrôle de nos collègues ultramarins et sous le vôtre, madame la ministre des outre-mer. C’est notamment le cas aux Antilles, qui ont été marquées par le scandale du chlordécone. Ce pesticide utilisé jusqu’au début des années quatre-vingt-dix pour lutter contre le charançon du bananier y a contaminé une partie des sols et même des côtes.

Au demeurant, je rappelle que c’est un laboratoire départemental d’analyses, en l’occurrence celui de la Drôme, qui avait travaillé sur le sujet. Voilà qui me permet de dire du bien des laboratoires départementaux d’analyses. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler...

Madame Blandin, je ne suis pas favorable à l’interdiction pure et simple de l’épandage aérien. À mon sens, une telle mesure ne répond pas à la situation ultramarine.

Je reprendrai d’ailleurs les excellents arguments que notre non moins excellent collègue Serge Larcher avait utilisés en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer. Il soulignait notamment que la banane antillaise, première concernée par les épandages aériens, était l’une des plus propres au monde, écrivant : « L’utilisation des produits phytosanitaires a diminué aux Antilles de près de 70 % en une décennie. » Imaginez que l’utilisation de produits phytosanitaires ait diminué de 70 % en dix ans sur le territoire métropolitain ; le rapport de notre collègue Nicole Bonnefoy au nom de la mission d’information eût été tout autre...

Alors que les producteurs y font entre deux et dix traitements par an – c’est la situation locale, notamment en raison du climat –, le chiffre avoisine la soixantaine en Colombie.

À l’heure où l’Union européenne signe des accords commerciaux avec les pays de l’environnement régional des départements d’outre-mer, portant sur des produits immédiatement concurrents, comme la banane, il convient de faire attention aux normes que l’on souhaite imposer aux producteurs ultramarins. Notre collègue Serge Larcher l’a d’ailleurs rappelé dans la discussion générale hier soir.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de vous faire part du plaisir que j’éprouve à inaugurer mes fonctions de ministre des outre-mer en intervenant devant le Sénat, et sur ce sujet précis. (Applaudissements.)

Je veux d’abord souligner l’importance de l’agriculture pour les économies des territoires d’outre-mer : chacun la mesure.

Nous le savons, il y a des défis économiques et écologiques à relever pour que l’agriculture ultramarine réponde aux besoins des habitants des outre-mer et aux contraintes de la société contemporaine. Nous devons aussi tenir compte des incidences sociales des décisions que nous prenons concernant les économies agricoles des outre-mer, veillant tout particulièrement à ce qu’elles ne se traduisent pas par des suppressions d’emplois.

Madame Blandin, vous soulevez la difficile question des épandages aériens de produits phytosanitaires.

Nous avons la volonté à la fois de développer l’agriculture, ce qui implique de lutter contre les maladies spécifiques pouvant affecter la banane en outre-mer, et de préserver l’environnement. Au vu des ravages causés par le chlordécone, je comprends que les populations s’inquiètent fortement qu’on puisse continuer à pratiquer les épandages aériens.

Il reste que, d’après ce que j’ai cru comprendre, ce mode d’épandage n’avait d’ores et déjà pratiquement plus cours. Dès lors, faut-il aller jusqu’à prévoir une interdiction complète et généralisée ? On ne saurait pas exclure que l’épandage aérien puisse, en certaines circonstances, se révéler utile.

Dans ces conditions, je crois que cet amendement ne se justifie pas totalement.

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.

M. Serge Larcher. Il ne faut pas se tromper de cible ! En Martinique comme en Guadeloupe, des terres sont effectivement polluées par le chlordécone, mais ce pesticide y a été généralement épandu manuellement. L’épandage aérien est un moyen technique. Ce qui doit être mis en cause, ce n’est pas le moyen, c’est le produit ! Si le produit utilisé est nocif, il faut l’interdire.

Au vu des problèmes sanitaires auxquels nous sommes confrontés localement, qu’il s’agisse du chikungunya ou de la dengue, nous aurons certainement besoin de l’épandage aérien pour détruire le vecteur de ces maladies, à savoir le moustique tigre.

Cela signifie que, même si l’on a parfois recouru à l’épandage aérien dans les bananeraies pour répandre des produits préjudiciables à long terme à la santé des populations, il peut aussi se révéler très utile.

C'est la raison pour laquelle il importe de faire une nette distinction entre le produit et la méthode de dispersion du produit. L’épandage est une technique qui peut répondre à des défis sanitaires, et l’on ne peut pas décider de l’interdire comme cela ! Ne nous privons pas de techniques susceptibles de nous permettre d’éradiquer des fléaux très préjudiciables à la santé des populations, notamment en Martinique et en Guadeloupe.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Monsieur le rapporteur, tout à l’heure, vous avez cité des chiffres qui montraient une diminution de l’utilisation de produits phytosanitaires. Or, selon les chiffres dont nous disposons, les Antilles consomment encore trois fois plus de pesticides par unité de surface que la métropole.

Madame la ministre, vous avez évoqué la question de l’emploi. En l’occurrence, il existe des solutions d’épandage manuel, qui sont donc créatrices d’emplois, mais qui sont aussi beaucoup moins dangereuses pour l’environnement que l’épandage aérien.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Dès mon arrivée au ministère, nous avons pu débloquer près de 40 millions d’euros pour la banane à l’échelle européenne. Il s’agit d’ailleurs d’un accord qui restera fameux : les Polonais n’avaient aucun intérêt à le signer, mais ils l’ont fait, ce qui nous a permis de négocier beaucoup de choses ensemble dans le cadre de la politique agricole commune.

Sur ces 40 millions d’euros, 18 millions d’euros ont été utilisés précisément dans les outre-mer, en Guadeloupe et en Martinique, pour lancer le plan « Banane durable ». C’est la condition que j’avais alors posée pour débloquer ces fonds.

Aujourd'hui, et cela a été souligné par Mme la ministre des outre-mer tout comme par M. Serge Larcher, la banane des outre-mer est clairement – je n’hésite pas à faire un peu de publicité ! – celle qui consomme le moins de produits phytosanitaires et de pesticides.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !

M. Stéphane Le Foll, ministre. On ne le dit pas suffisamment. Les fameuses bananes Chiquita ou d’autres consomment trois à quatre fois plus de produits phytosanitaires que celles de nos outre-mer.

Cela dit, il y a encore des progrès à faire. On commence à développer l’agroécologie pour la production de bananes. C’est l’objectif que j’ai fixé, et nous le suivrons, l’engagement en est pris, avec Mme la ministre des outre-mer.

De même, nous souhaitons essayer de nous passer de l’épandage aérien et de traiter plutôt les bananeraies, lorsque c’est malgré tout nécessaire, de manière réellement ciblée, avec des techniques adaptées ; c’est en train de se mettre en œuvre. Il est donc permis de penser que l’épandage aérien sur les bananeraies pourra être complètement abandonné à terme.

Mais nous sommes toujours face à ce dilemme : notre modèle de production nécessitant encore, parfois, le recours à des produits phytosanitaires, il est difficile de décréter aujourd'hui une interdiction comme celle qui est proposée par les sénateurs du groupe écologiste. Cela reviendrait à remettre en cause toute une filière de production, avec de lourdes conséquences sur l’emploi.

Il faut le savoir, dans les outre-mer, aussi bien aux Antilles qu’à La Réunion, il y a deux grandes productions qui dégagent de la valeur ajoutée : la canne à sucre et la banane. Sur ces deux grandes productions, nous réalisons des progrès extrêmement importants. Cela étant, le présent projet de loi a aussi pour objet de développer le marché local.

Nous devons d’ailleurs différencier la canne à sucre et les bananes des outre-mer en montrant que les conditions environnementales de production y sont bien meilleures qu’ailleurs.

Pour le reste, je rejoins M. le rapporteur, Mme la ministre des outre-mer et M. Serge Larcher pour dire que l’interdiction dans la loi des épandages aériens ferait aujourd'hui courir des risques à l’ensemble de la filière de production.

Il y a évidemment un principe de précaution, qui a été évoqué, mais il y a aussi un principe de responsabilité. Ne nous engageons pas dans une voie qui déboucherait sur des conséquences économiques et sociales seraient extrêmement lourdes ! (M. Jean-Jacques Mirassou et Mme Sophie Primas applaudissent.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l’article 34 A (priorité)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 34 (priorité)

Article 34 A (priorité)

Au début du titre VIII du livre Ier du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un chapitre Ier A ainsi rédigé :

« Chapitre Ier A

« Objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt dans les outre-mer

« Art. L. 181-1 A. – Outre celles définies à l’article L. 1, la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt dans les outre-mer a pour finalités :

« 1° D’assurer, à l’échelle des territoires, la définition et la cohérence des politiques de développement agricole, en concertation avec les chambres consulaires, les organismes professionnels, les collectivités territoriales et l’État ;

« 2° De consolider les agricultures traditionnelles d’exportation, de renforcer le développement des filières de diversification et de soutenir l’agriculture vivrière ;

« 3° De soutenir le développement économique agricole, agro-industriel, halio-industriel et de l’aquaculture ;

« 4° D’aider l’installation des jeunes agriculteurs en favorisant l’accès au foncier et en facilitant les transmissions d’exploitation ;

« 5° De favoriser la satisfaction de la demande alimentaire territoriale par les productions locales et d’assurer la coordination des actions de communication et de promotion relatives aux productions locales ;

« 5° bis D’encourager la mise à disposition de solutions ou méthodes de lutte contre les ennemis des cultures adaptées aux contextes phytosanitaires ultramarins ;

« 6° De promouvoir et de moderniser les productions agricoles traditionnelles grâce à la recherche et à l’innovation ;

« 7° (nouveau) De contribuer à la protection et à la mise en valeur des bois et forêts, ainsi qu’à la valorisation des produits forestiers ligneux et non ligneux dans des conditions de gestion durable. »

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, je voudrais tout d’abord vous présenter toutes mes félicitations pour votre nouvelle nomination, même si je suis aussi portée à regretter l’avis que vous avez émis, au nom du Gouvernement, à propos de notre amendement concernant l’épandage aérien. (Sourires.) J’ai bien entendu les arguments que vous avez avancés, de même que M. Serge Larcher, mais j’ai trop travaillé sur les scandales sanitaires qui se révèlent des années après que le mal a été fait, c'est-à-dire quand on en est réduit à compter les malades et les morts, quand il est devenu impossible de dépolluer les sols, pour ne pas penser qu’il faut être plus volontariste.

L’article 34 A définit les objectifs de la politique agricole et forestière en outre-mer. Cependant, il est très peu contextualisé : n’était l’alinéa relatif aux pesticides, on pourrait aussi bien croire qu’il s’agit de la Normandie ! Par exemple, il est prévu de « soutenir l’agriculture vivrière » ou « l’aquaculture ». Mais après tout, cela vaut pour toutes nos régions.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Les contextes sont différents !

Mme Marie-Christine Blandin. Rien n’est dit sur les sols où peut se développer cette agriculture vivrière non plus que sur les eaux destinées à accueillir cette aquaculture, alors que les uns et les autres sont, aux Antilles, contaminés par le chlordécone. Aucune mesure spécifique de remédiation ou d’aide aux paysans concernés n’est prévue.

De même, rien n’est dit sur les pollutions au mercure dues à l’orpaillage sauvage en Guyane. Or la situation est tragique, en particulier pour les habitants de la forêt comme les Amérindiens Teko, Apalaï et Wayana, dont le taux de suicide est actuellement onze fois plus élevé que dans l’Hexagone. En outre, cet orpaillage crée une telle insécurité que la valorisation légale de la forêt est rendue dangereuse.

Monsieur le ministre, madame la ministre, c’est à vos collègues Laurent Fabius – pour une convention avec le Brésil – et Bernard Cazeneuve – pour lutter contre les orpailleurs armés – de prendre en charge ce dossier brûlant qui fait des morts chaque jour et empêche le développement de la Guyane.

Les écologistes ne peuvent qu’approuver, à l’alinéa 11 de cet article, la référence à la recherche et à l’innovation. L'Institut de recherche pour le développement, l’IDR, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, le Cemagref, sont au travail. Vous devez les soutenir mieux encore.

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est déjà le cas !

Mme Marie-Christine Blandin. Le plan « Banane durable », que M. le ministre a évoqué, a permis une réduction de 72 % des pesticides aux Antilles. Nos bananes ont dix fois moins d’intrants pesticides que celles du Costa Rica, où on en répand 45 kilos par hectare et par an. Nos organismes de recherche doivent avoir les moyens de poursuivre sur cette voie.

À l’alinéa 5°bis, auquel j’ai déjà fait allusion, est affirmée la nécessité d’encourager des méthodes spécifiques pour les cultures ultramarines. Les écologistes seront vigilants afin qu’il s’agisse d’innovations pointues, responsables et propres à empêcher les scandales sanitaires d’hier par l’autorisation de poisons massifs, des toxiques alors interdits dans l’Hexagone depuis plusieurs décennies, tel le chlordécone. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l'article.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j’entends certains de mes collègues évoquer des exploitations agricoles de plusieurs centaines d’hectares ou parler d’agriculture productiviste ou intensive, je me rends compte qu’un monde sépare la France métropolitaine des petites îles lointaines que sont Wallis et Futuna, dont la problématique est totalement différente.

Pour autant, le territoire de Wallis-et-Futuna a toujours été largement agricole, sa population est attachée aux activités de production primaire, de nombreuses familles sans ressources salariales subsistent grâce aux cultures vivrières, arboricoles et d’élevage. C’est pourquoi, même si nous sommes peu concernés par ce projet de loi, il était nécessaire que je vous fasse part de quelques points importants pour nous, d’autant que l’autosuffisance alimentaire doit être encore accrue afin que nous soyons moins tributaires des importations et que nous cessions de subir de plein fouet l’extrême cherté de la vie.

Le développement d’une agriculture professionnelle, ou à tout le moins professionnalisée, ne peut porter que sur des filières restreintes, le nombre de consommateurs étant limité et une grande activité exportatrice étant impossible à cause du différentiel des coûts de production et de transport. On peut cependant tout à fait imaginer développer des marchés de niches, comme des huiles parfumées, des fruits confits ou séchés, des charcuteries haut de gamme.

Le rapport rendu en juin 2013 par l’inspecteur général de l’agriculture Jean-Pierre Bastié contient un programme ambitieux, adapté aux contraintes locales, et il est susceptible de contribuer à l’élaboration d’un plan pluriannuel de développement du secteur primaire. J’espère qu’il pourra être mis en œuvre. Pour cela, il faudrait agir sur différents points, à commencer par le lycée agricole ; mais je reviendrai plus précisément sur ce sujet lors de la discussion de l’article 26.

Il serait hautement bénéfique que L’Office au service du développement de l’économie agricole ultramarine, l’ODEADOM, puisse avoir une pleine compétence pour intervenir sur le territoire. L’expertise de cet organisme serait utile dans les domaines de la promotion des produits agricoles ultramarins, de l’étude et de la structuration des filières, de la transformation des produits, de la définition des mesures pour compenser l’éloignement et l’insularité.

Tous les élus et acteurs économiques de Wallis-et-Futuna appellent de leurs vœux cette extension du champ de compétences de l’ODEADOM. Je sais, monsieur le ministre, madame la ministre, que le député Napole Polutélé vous a également saisis de la question.

Depuis 1998, l’Opération groupée d’aménagement foncier a été le seul dispositif d’aide à la professionnalisation du milieu agricole et il a permis de soutenir de nombreux projets. Je souhaite vivement qu’il perdure et espère que vous pourrez me rassurer sur ce point.

Enfin, je voudrais évoquer la brucellose, maladie répandue dans les élevages porcins de Wallis-et-Futuna. Son éradication est une condition absolue de l’essor de l’élevage porcin, à la mise en place d’une filière, et elle conditionne l’intégration dans un circuit commercial ainsi que le développement d’activités de transformation.

Je souhaite qu’une action efficace puisse être menée, car cela me semble faire écho au plan Écophyto mis en place par le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, sur l'article.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi apporte des réponses pour l’agriculture ultramarine et témoigne de la qualité d’écoute du Gouvernement face aux demandes relayées par les élus de nos collectivités.

Pour autant, il faut regretter que la promesse d’une loi portant sur l’agriculture et la forêt spécifique à l’outre-mer ne soit pas tenue.

Ce texte fait écho à de nombreuses revendications et prend en compte toute une série de particularismes.

Il faut ainsi se réjouir que l’article 34 A fixe des objectifs spécifiques à la politique agricole et forestière en outre-mer, et aussi que l’article 34 prévoie des plans régionaux pour concrétiser ces objectifs.

Tout est dans la seconde finalité : « consolider les agricultures traditionnelles d’exportation, renforcer le développement des filières de diversification et soutenir l’agriculture vivrière. »

Cela ne pourra se faire sans un renforcement de la gouvernance locale, sans le soutien aux jeunes agriculteurs, sans la modernisation des techniques ou sans le développement des moyens pour lutter contre les maladies et ravageurs qui détruisent nos agricultures.

Des avancées sont réelles concernant les questions foncières, la transmission des exploitations, l’installation des jeunes, les structures coopératives, le nouvel essor des GAEC, la formation, l’agroécologie.

L’adaptation à l’outre-mer est bienvenue, en particulier la dérogation supplémentaire accordée aux agriculteurs de trente-cinq ans pour bénéficier du contrat de génération, mais aussi le régime révisé de l’indivision sur les terres agricoles.

Il reste que la situation des jeunes agriculteurs est difficile en raison de leur manque de ressources propres pour s’installer, démarrer l’exploitation et la rendre pérenne : les prêts bonifiés sont rarement accordés, les dossiers d’installation aidée ne sont pas validés à temps et les conditions de rachat des terres agricoles sont trop contraignantes pour permettre la continuation des exploitations. Je soutiens dès à présent les amendements du président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer qui vont dans le sens d’un meilleur accompagnement des jeunes agriculteurs.

D’autres questions sont à peine abordées dans ce texte. Il en est ainsi de la concurrence entre nos territoires et les pays voisins sur la production agricole et de la compétitivité de nos productions. Ce sujet concerne évidemment l’agriculture d’exportation mais aussi l’agriculture vivrière. Lorsque les normes phytosanitaires sont favorables à une grande qualité à nos produits, elles conduisent à des surcoûts importants vis-à-vis des productions étrangères.

En Guyane, la vie chère oblige bon nombre d’habitants proches ou éloignés des fleuves frontières à s’avitailler en productions venant du Surinam ou du Brésil, bien moins onéreuses.

L’agriculture vivrière ne peut rivaliser avec ces produits importés. Dès lors que la majorité des exploitations guyanaises s’étendent sur moins de 2 hectares, elles disparaissent, comme aux Antilles. Or seulement 15 % de la consommation locale est satisfaite par la production locale : s’il était possible d’importer des produits ou des techniques agricoles des territoires voisins, l’offre locale pourrait être compétitive, attractive et ouverte sur les marchés régionaux ; cela permettrait aux agriculteurs de sortir de la précarité dans laquelle ils se trouvent souvent.

Ce sujet avait déjà été discuté lors de l’examen du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, mais nous attendons toujours l’étude que le Gouvernement doit réaliser sur ce point.

Le second sujet que je veux aborder est celui du foncier.

Dans les territoires insulaires, la pression foncière est trop importante. L’urbanisation prend le pas sur la vocation agricole des terrains et la plupart des parcelles ont cette double vocation. Cela empêche les SAFER de préempter. Cela conduit les propriétaires à préférer le développement de la construction plutôt que celui de la production agricole.

Monsieur le ministre, madame la ministre, il faut trouver des solutions pour conserver ces surfaces agricoles utiles et garantir leur exploitation.

La superficie du territoire guyanais pourrait le mettre à l’abri de ce genre de difficultés. Pourtant, la mainmise de l’État sur plus de 90 % du foncier de Guyane rend la situation quasiment similaire. Bien souvent, les exploitants agricoles s’installent sans titre sur les terrains de l’État.

Ces deux phénomènes ne peuvent être acceptés : l’État doit rétrocéder le foncier aux collectivités locales pour qu’elles puissent mener une réelle politique foncière et le proposer pour l’installation initiale d’une exploitation agricole plutôt que pour une régularisation au coup par coup.

Enfin, la Guyane représente 8 millions d’hectares de forêt primaire certifiée d’un seul tenant : 1 200 espèces d’arbustes y sont recensées, contre 130 en métropole ; le potentiel de prélèvement atteint 5 tonnes de bois par hectare, sans effets négatifs sur l’environnement.

En revanche, la destruction de la forêt est bien réelle. Cela est dû non à une exploitation illégale du bois, mais à l’orpaillage clandestin.

Sur le plan économique et humain, l’exploitation du bois ne suffit pas à couvrir les besoins locaux. Au total, la filière du bois mobilise aujourd’hui 700 à 800 emplois et produit 65 000 mètres cubes de bois par an. Or des études scientifiques ont établi, sur la base de scénarios réalistes, que la Guyane pourrait nourrir l’ambition, d’ici à 2030, de créer 10 000 emplois supportés par une filière forêt-bois performante.

Sur le plan réglementaire, le bois commercialisé de Guyane répond à l’exigence du marquage Communauté Européenne, comme des autres certifications. Il est cependant handicapé par le non-référencement de certaines essences et la non-adaptation des normes de construction aux conditions climatiques locales.

Monsieur le ministre, madame la ministre, la France ne peut pas faire moins pour sa propre forêt tropicale que ce qu’elle s’engage à faire pour les bois tropicaux étrangers. Quel avenir espérer pour la filière forêt-bois en Guyane ? Quelles mesures concrètes seront prises pour favoriser ce modèle de développement responsable qui peut faire de la France, grâce à sa forêt guyanaise, un exemple pour la planète ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Ce projet de loi définit un certain nombre d’orientations et de mesures pour l’agriculture des outre-mer et pour l’avenir des exploitants. Toutefois, il n’a pas pour objet de régler toutes les questions qui se posent dans les outre-mer.

Bien entendu, j’ai été très sensible aux propos de Mme Blandin concernant la situation des Amérindiens, et le taux de suicide dont elle a fait état est tout à fait alarmant. C’est un sujet lourd, mais qui déborde largement les thèmes que nous évoquons ce soir. Cela étant, madame la sénatrice, je suis toute disposée à en reparler avec vous, afin que nous puissions bâtir un plan destiné à améliorer les conditions de vie et le moral des habitants de ces régions isolées du fleuve. Ce sujet devra évidemment être réexaminé avec tous les parlementaires de la Guyane, eux aussi sensibles à ces questions.

Monsieur Antoinette, vous avez parlé de sujets sur lesquels je connais votre préoccupation. Nous avons un peu progressé sur un certain nombre d’entre eux, notamment la question de gouvernance territorialisée. Vous le savez, mon prédécesseur au ministère des outre-mer, Victorin Lurel, a pris toutes ces questions à bras-le-corps, réalisant un travail remarquable. Il a, en particulier, obtenu de Bruxelles des avancées significatives.

Nous nous inscrirons dans le droit-fil de ce qui a été accompli. Nous continuerons à avancer dans la voie que vous souhaitez pour l’agriculture guyanaise, et plus largement l’agriculture des outre-mer.

À M. Laufoaulu je veux d’abord redire tout l’intérêt que je porte à Wallis-et-Futuna, un territoire trop souvent un peu oublié. Lorsque j’ai eu le plaisir de le rencontrer cette après-midi, avec d’autres élus de ce territoire, nous avons dressé un premier bilan de la situation sur place et il m’a fait part de ses préoccupations, concernant, entre autres, la brucellose.

Monsieur le sénateur, sachez que je prêterai toujours une oreille très attentive à tout ce qui concerne Wallis-et-Futuna.

Vous considérez que les mesures contenues dans le présent article sont un peu trop générales. Certes ! Mais, à mon sens, il est important de préserver des cultures vivrières proches des populations. Ce sujet concerne tout le monde, et nous devons le prendre en considération avec une attention toute particulière pour les outre-mer, comme tout ce qui concerne la diversification.

Je sais que d’autres inquiétudes existent, notamment celles dont a fait état Serge Larcher.

En tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que le Gouvernement, et Stéphane Le Foll en particulier, ne ménage pas ses efforts pour que les outre-mer soient entendus. Aussi, j’ai l’espoir que nous parvenions, avec ce projet de loi, à mettre l’agriculture des outre-mer sur une voie positive, dans l’intérêt des populations ultramarines. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Laufoaulu applaudit également.)

M. Yvon Collin. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 285 rectifié, présenté par MM. S. Larcher, Patient, J. Gillot et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

l’accès au foncier

par les mots :

leur accès au foncier et aux financements bonifiés

La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Je me permets, à travers cet amendement, d’insister une nouvelle fois sur l’urgence qu’il y a à prendre en considération le manque de soutien financier aux jeunes agriculteurs.

J’avais déjà exposé la présente proposition dans le rapport d’information qu’Éric Doligé et moi-même avions rédigé en 2009 au nom de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer.

Les jeunes exploitants sont confrontés à des difficultés financières non seulement pour s’installer, mais aussi pour investir dans leurs outils de production – foncier, infrastructures, matériels.

Mes chers collègues, je vous rappelle simplement que, bien souvent, eu égard au coût du foncier outre-mer et à la faible capacité d’autofinancement des jeunes, l’accès au foncier ne peut pas être dissocié de la capacité à accéder à un prêt bonifié.

Il me paraît donc nécessaire de souligner l’importance du volet financier de la politique menée dans les outre-mer en faveur de l’agriculture. C’est en travaillant ensemble à combler ces carences que nous pourrons assurer la pérennité de notre agriculture. Le renouvellement des générations en est l’une des pierres angulaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

Cet amendement tend à favoriser l’accès aux financements bonifiés. Certes, les agriculteurs ultramarins ont, en droit, accès à ces financements. Toutefois, en pratique, la situation est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. C’est la raison pour laquelle je soutiens pleinement l’amendement de M. Serge Larcher, pour que ce qui est possible en droit le devienne également dans les faits. La commission a estimé que cette précision était bienvenue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je tiens à préciser que ces financements dépendent également des plans régionaux, qui peuvent intégrer des prêts bonifiés pour les jeunes.

Je rappelle d’ailleurs que ce projet de loi comporte une mesure dédiée à l’installation des jeunes agriculteurs des outre-mer, à savoir un contrat de génération spécifique. Je note au surplus que l’âge jusqu’auquel il est possible de bénéficier de ces aides a été repoussé à trente-cinq ans par l’Assemblée nationale. (M. Serge Larcher acquiesce.) Des ajustements restent peut-être à effectuer, mais cette modification a d’ores et déjà été introduite dans le texte.

Préciser que les jeunes installés peuvent avoir accès à des prêts bonifiés ne me pose pas de problème. Néanmoins, je le répète, il faut garder à l’esprit que ces dispositions s’inscrivent dans les choix des plans régionaux, avec les conseils d’orientation que nous avons créés. Ces instances réunissent l’ensemble des acteurs de la politique agricole et assurent l’application des crédits du POSEI – programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Ce sont là des discussions qui devront être menées dans chacun des territoires.

Tout cela conduit le Gouvernement à s’en remettre, sur cet amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 285 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 646, présenté par MM. Vergès et Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …° D’assurer l’égalité des droits sociaux entre les salariés agricoles des départements d’outre-mer et les salariés agricoles de la métropole notamment en ce qui concerne les régimes de retraite complémentaire. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Le statut des agriculteurs outre-mer mérite incontestablement, pour le moins, des améliorations, car les injustices, les discriminations et les inégalités perdurent.

Monsieur le ministre, vous savez que les outre-mer sont exclus du champ d’application de la convention collective du 24 mars 1971, comme de celui de la loi du 29 décembre 1972. Ces textes généralisent le bénéfice de la retraite complémentaire aux salariés relevant du régime de protection sociale agricole. Je rappelle que les salariés agricoles des outre-mer, contrairement à ceux de France métropolitaine, relèvent du régime général et non du régime de protection sociale agricole.

Au fil des années, force est de constater que les inégalités, loin de disparaître, se creusent.

Le constat est connu : le montant moyen des retraites des agriculteurs et des conjoints d’agriculteurs ultramarins est très souvent inférieur au seuil de pauvreté, et cela indépendamment du fait que, compte tenu de leurs parcours individuels, les agriculteurs n’ont pas toujours une retraite à taux plein.

En outre, les salariés agricoles sont les seuls salariés de France à ne pas disposer d’un régime complémentaire obligatoire de retraite.

Concernant les retraites complémentaires, des propositions ont été émises par des organisations agricoles d’outre-mer, mais elles ont été peu suivies d’effets, notamment en raison du coût qu’elles engendrent, et que ne peuvent supporter à eux seuls les acteurs du secteur.

Vous connaissez, monsieur le ministre, le contexte extrêmement difficile dans lequel évoluent les outre-mer. Mais vous savez aussi que le secteur agricole est, pour ces départements, un axe stratégique de développement.

L’instauration d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les salariés agricoles des outre-mer exigerait que les partenaires sociaux s’accordent sur le principe d’une affiliation volontaire et que cet accord soit étendu et élargi, selon la procédure prévue aux articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale.

Enfin, je me permets de reprendre la réponse adressée par Mme la ministre des affaires sociales à une question posée par notre collègue Jean-Philippe Nilor, député de la Martinique, et publiée au Journal officiel du 14 février 2013 : « Il est nécessaire que le débat se poursuive, par exemple dans le cadre de la future loi sur l’organisation de l’agriculture. Les partenaires sociaux des départements d’outre-mer se sont retrouvés sur une exigence d’équité. Je souhaite que ce soit dans cet esprit de solidarité et d’équité que le financement des retraites complémentaires des salariés agricoles d’outre-mer puisse trouver une solution. »

C’est le moment de mettre ces préconisations en pratique. L’heure n’est plus aux débats. Elle doit être à la résorption d’injustices flagrantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cet amendement tend à établir, outre-mer, un régime généralisé de retraites complémentaires. À mon sens, l’idée est bonne, et sans doute le Gouvernement pourra-t-il donner à M. Le Cam, sinon des engagements, du moins des éléments à même de le rassurer.

Le but du Gouvernement, notre but à tous, c’est l’égalité des droits entre tous les enfants de la République, qu’ils soient en métropole ou outre-mer. Néanmoins, je rappelle qu’un rapport consacré à ce sujet est en cours de rédaction à l’Assemblée nationale. Il semble donc préférable de ne pas précipiter les choses. La multiplication des rapports n’est pas nécessairement souhaitable, mais, lorsqu’une telle étude est lancée, mieux vaut attendre ses conclusions plutôt que de prendre une décision avant son achèvement !

M. Gérard César. Bien dit !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Quant au sujet de l’égalité des droits, il faudra également étudier le futur rapport, car, si un tel régime généralisé de retraites complémentaires devait être instauré, il n’aurait peut-être pas que des effets bénéfiques. Je parle sous le contrôle de nos collègues ultramarins. Par exemple, le niveau des cotisations est aujourd’hui bien plus bas outre-mer qu’en métropole. Il ne faudrait pas apporter une mauvaise réponse à une bonne question !

Monsieur Le Cam, je vous le répète, cet amendement tend à résoudre un problème important, sur lequel le Gouvernement se penchera et dont nous aurons l’occasion de débattre de nouveau. Attendons le rapport de l’Assemblée nationale et la réalisation d’une expertise précise pour savoir si cette mesure répond bel et bien aux intérêts des ultramarins ! Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

Renvoyer à un rapport peut apparaître comme une manœuvre dilatoire. Mais, vous l’avez dit vous-même, monsieur Le Cam, la question de fond est celle du financement. Aujourd’hui, mettre en œuvre un régime complémentaire généralisé pour l’ensemble des salariés du secteur agricole des outre-mer pose avant tout la question de l’équilibre financier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les débats qui ont déjà eu lieu. Les régimes de retraite sont ce que vous savez. Le Gouvernement et, en particulier, Mme la ministre des affaires sociales se sont engagés à mener une expertise, sur la base du rapport à venir, pour déterminer ce qu’il est possible de faire. Il est bien entendu souhaitable de créer des retraites complémentaires. Toutefois, je le répète, il faut prendre en compte la question du financement !

M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 646 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Au regard des explications apportées par la commission et le Gouvernement, nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 646 est retiré.

Je mets aux voix l'article 34 A, modifié.

(L'article 34 A est adopté.)

Article 34 A (priorité)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 34 bis (priorité)

Article 34 (priorité)

I. – Le troisième alinéa de l’article L. 111-2-1 du code rural et de la pêche maritime est supprimé.

II. – Le titre VIII du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Avant le chapitre Ier A, dans sa rédaction résultant de l’article 34 A du présent projet de loi, il est inséré un article L. 180-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 180-1. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, les actions en matière de développement agricole, agro-industriel, halio-industriel et rural qui font prioritairement l’objet des interventions de l’État sont précisées dans deux plans régionaux, en conformité avec les orientations déterminées par les comités d’orientation stratégique et de développement agricole mentionnés à l’article L. 181-25 :

« 1° Le plan régional de l’agriculture durable mentionné à l’article L. 111-2-1, dont les orientations prioritaires comprennent le développement des filières afin de garantir leur accès aux marchés, le soutien à la petite agriculture familiale, à l’agriculture vivrière et à l’installation des agriculteurs, la préservation du foncier agricole et forestier, le développement des énergies renouvelables et la promotion de la mise en place de groupements d’intérêt économique et environnemental au sens de l’article L. 311-4. Ce plan détaille les actions spécifiques ou complémentaires menées par l’État en tenant compte des orientations fixées en la matière par le schéma d’aménagement régional ;

« 2° Le plan régional d’enseignement, de formation, de recherche et de développement, qui définit des orientations et actions en faveur du développement agricole, agro-industriel, halio-industriel et rural à mettre en œuvre par les établissements concernés en intégrant les réseaux d’innovation et de transfert agricole et compte tenu des orientations du projet régional de l’enseignement agricole mentionné à l’article L. 814-5. » ;

2° Le chapitre Ier est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

bisL’article L. 181-17 est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « vente ou de location » sont remplacés par les mots : « division volontaire, en propriété ou en jouissance, » ;

– la seconde phrase est complétée par les mots : « ou de leur signature concernant les actes sous seing privé » ;

b) Est ajoutée une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Développement agricole, agro-industriel, halio-industriel et rural

« Art. L. 181-25. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, le comité d’orientation stratégique et de développement agricole est chargé, en concertation avec les chambres consulaires et les organismes professionnels agricoles et en tenant compte des orientations arrêtées au sein du conseil d’administration et des comités sectoriels de l’établissement créé en application de l’article L. 681-3, de définir une politique de développement agricole, agro-industriel, halio-industriel et rural commune à l’État et aux collectivités territoriales, notamment pour la mise en œuvre des programmes de l’Union européenne.

« Il est présidé conjointement par :

« 1° Le représentant de l’État dans le département et le président du conseil régional en Guadeloupe ;

« 2° Le représentant de l’État dans le département et le président du conseil général à La Réunion ;

« 3° Le représentant de l’État dans la collectivité territoriale et le président de l’assemblée de Guyane en Guyane ;

« 4° Le représentant de l’État dans la collectivité territoriale et le président du conseil exécutif de Martinique en Martinique.

« Il comprend des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des chambres consulaires, des organisations professionnelles agricoles, des associations agréées de protection de l’environnement et, le cas échéant, des organisations représentatives des filières de la pêche et de l’aquaculture, qui participent à l’élaboration de cette politique.

« Un décret précise ses compétences, sa composition et ses règles de fonctionnement. » ;

3° Le chapitre II est ainsi modifié :

a) La section 1 est complétée par un article L. 182-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 182-1-1. – L’article L. 181-25 est applicable à Mayotte. Pour son application à Mayotte, le comité d’orientation stratégique et de développement agricole est présidé conjointement par le préfet et par le président du conseil général. » ;

b) (Supprimé)

II bis. – (Non modifié) Le a de l’article L. 461-5 du même code est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Soit de la non-exploitation de tout ou partie du bien considéré ; ».

III. – Le troisième alinéa de l’article L. 461-10 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le bailleur justifie que le bénéficiaire de la reprise répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions. »

IV. – Le livre V du même code est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par une section 7 ainsi rédigée :

« Section 7

« Chambres d’agriculture de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion

« Art. L. 511-14. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, un contrat d’objectifs et de performance est établi entre la chambre d’agriculture, l’État, et la ou les collectivités territoriales concourant au financement de la réalisation des objectifs de ce contrat. La périodicité, les modalités d’élaboration et le champ d’application des contrats d’objectifs et de performance sont fixés par décret.

« Ce contrat d’objectifs et de performance vise notamment à décliner les orientations du plan régional de l’agriculture durable définies à l’article L. 180-1 ainsi que celles fixées en ce domaine par le schéma d’aménagement régional. Il est soumis pour avis au comité mentionné à l’article L. 181-25. » ;

2° L’article L. 571-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un contrat d’objectifs et de performance est établi entre la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte, l’État et le Département de Mayotte. La périodicité, les modalités d’élaboration et le champ d’application de ce contrat, qui est soumis pour avis au comité mentionné à l’article L. 182-1-1, sont fixés par décret. »

V. – (Non modifié) Le livre VII du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 762-6, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2012-789 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation de certaines dispositions du code rural et de la pêche maritime et d’autres dispositions législatives à Mayotte, les mots : « à Mayotte, » sont supprimés ;

2° L’article L. 762-7, dans sa rédaction résultant de la même ordonnance, est ainsi modifié :

a) Au début de l’avant-dernier alinéa, les mots : « À Mayotte, » sont remplacés par les mots : « En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, » ;

b) Au dernier alinéa, la référence : « de l’alinéa précédent » est remplacée par la référence : « du présent article ».

VI. – (Non modifié) Le même code est ainsi modifié :

1° Le 5° de l’article L. 182-1 est abrogé ;

2° Les articles L. 182-8 et L. 182-9 sont abrogés ;

3° Les 5° à 7° de l’article L. 272-1 sont abrogés ;

4° Les articles L. 272-6 à L. 272-10 et L. 272-13 à L. 272-16 sont abrogés ;

5° Le 4° de l’article L. 372-1 est abrogé ;

6° Le 3° du II de l’article L. 571-1 est abrogé ;

7° Les 3° et 4° de l’article L. 681-1 sont abrogés ;

8° À l’article L. 681-10, les mots : « et les articles L. 654-28 à L. 654-34 ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « n’est pas applicable ».

VII. – (Non modifié) À la fin de la première phrase de l’article 6 de l’ordonnance n° 2011-864 du 22 juillet 2011 relative à la protection et à la mise en valeur des terres agricoles dans les départements d’outre-mer, dans le Département de Mayotte et à Saint-Martin, l’année : « 2016 » est remplacée par l’année : « 2020 ».

VIII. – (Non modifié) À l’article 4 de la loi n° 2013-453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer, après le mot : « agriculture », sont insérés les mots : « et de l’industrie agroalimentaire et halio-alimentaire ».

M. le président. La parole est à M. Félix Desplan, sur l'article.

M. Félix Desplan. Le chemin que notre gouvernement emprunte est bien celui du changement, celui qui permettra à la France de se redresser, de se réinventer. À preuve ce projet de loi, qui dessine l’avenir d’une France produisant autrement et consommant différemment, en étant respectueuse de l’environnement.

Monsieur le ministre, madame la ministre, en accordant une pleine place au potentiel de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de l’exploitation forestière dans le redressement productif, vous avez donné à ce projet l’étoffe nécessaire pour mettre la France au premier rang de la compétition mondiale et en faire le leader de l’agroécologie.

Le titre VI constitue une reconnaissance forte des potentialités que représentent à cet égard nos agricultures ultramarines. Il contribue à relever les défis qui leur sont propres.

Ce projet de loi obéit à cette stratégie, à cette politique cohérente engagée particulièrement avec les trente-quatre plans de reconquête pour la nouvelle France industrielle. Ces trente-quatre priorités misent notamment, via l’article 29 du présent texte, sur l’industrie du bois, avec la forêt comme ressource d’avenir. S’y ajoute le Plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois, qui a conduit en mars dernier à l’installation du comité stratégique de la filière « bois ».

Toutes ces actions s’inscrivent dans le cadre plus global du Programme national de la forêt et du bois élaboré par le Conseil supérieur de la forêt et du bois et prévu par ce projet de loi.

Cette politique cohérente au service du redressement productif de la France érige enfin la filière « bois » au même rang que les autres filières industrielles stratégiques.

Cependant, j’aurais souhaité que cette stratégie porte davantage encore en son sein la valorisation du bois de toutes les forêts, en incluant l’outre-mer.

Certes, le titre VI esquisse un avenir pour le bois des forêts ultramarines, qui abritent une biodiversité exceptionnelle. Ainsi, sur les dix parcs nationaux que compte la France, trois sont situés outre-mer : en Guyane, à La Réunion et en Guadeloupe. Cette dernière a eu l’honneur d’accueillir le premier parc national de l’outre-mer, en 1989. L’archipel guadeloupéen est couvert à 46,7 % d’un espace forestier composé pour 38 000 hectares de forêts publiques et pour 41 000 hectares de forêts privées.

C’est à Basse-Terre, où le milieu forestier est dominant, que se trouve la zone centrale du parc national, localisée au cœur de la forêt départementalo-domaniale. C’est aussi dans ce territoire que l’Office national des forêts – ONF – avait décidé, au cours des années 1970, dans le cadre de programmes de restauration des forêts naturelles, de transformer une partie de la forêt primaire en plantations de mahogany, une variété d’acajou exploitable pour son bois. En dépit de ces plantations, la forêt de Guadeloupe est quasiment inexploitée pour son bois.

Certes, la forêt privée, qui n’était jusqu’alors ni gérée ni valorisée, pourrait l’être désormais avec le présent projet de loi. Mais je ne peux me satisfaire tout à fait d’un article 35 conférant au préfet, en l’absence de délégation au sein d’un centre régional de la propriété forestière l’exercice des compétences du Centre national de la propriété forestière. Ce ne saurait être qu’une première étape, cet article ne dessinant pas en lui-même d’avenir pour le bois des forêts ultramarines.

Les rencontres régionales pour l’avenir de l’agroalimentaire et du bois qui se sont tenues en Guadeloupe avaient pour ambition de mobiliser tous les acteurs des territoires en vue de proposer des solutions concrètes destinées à stimuler la compétitivité des industries agroalimentaires et de la filière bois.

À l’issue de ces rencontres, a notamment été retenue la réalisation d’une étude de marché sur la compétitivité de la filière bois guadeloupéenne. Elle devrait permettre de déterminer les conditions d’émergence et de constitution d’une filière, avec toutes les garanties de faisabilité et de durabilité nécessaires pour, tout à la fois, créer de l’emploi, valoriser une production locale et stocker du carbone. Je chérissais l’idée que les propositions retenues pourraient nourrir des plans d’action concrets pour la Guadeloupe.

Aujourd’hui, ce sont 32 000 mètres cubes de sciage qui sont importés en provenance de la métropole, du Brésil, de la Guyane et même de la Russie, et, chaque année, 7 000 mètres cubes de ce sciage sont composés de bois tropical. Sans perdre de vue l’enjeu majeur que représente la préservation de la biodiversité pour la Guadeloupe, pourquoi importer alors que cette ressource, aux propriétés renouvelables, est disponible localement ? Les 3 236 hectares de plantations en mahogany, avec 14 000 mètres cubes de bois rond, représentent une production potentielle de bois.

En Guadeloupe, la forêt est un espace d’intérêt général aux fonctions environnementales, économiques et sociales. Gageons qu’à l’avenir elle puisse pleinement remplir ses fonctions économiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Joël Labbé et Yvon Collin applaudissent également.)

M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il est prévu, pour tous les appareils de formation, le principe d’une évolution annuelle des effectifs contractualisés et financés pour une période de cinq ans pour les départements d'outre-mer. » ;

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. L’article 34 concerne le pilotage de la politique agricole et agroalimentaire dans les outre-mer. Il tend à prévoir qu’un plan régional d’orientation stratégique en matière d’enseignement, de formation, de recherche et de développement définira des orientations et actions en faveur du développement agricole, agro-industriel, halio-industriel et rural à mettre en œuvre par les établissements concernés, en intégrant le réseau ultramarin d’innovation et de transfert agricole.

Cet amendement vise à prendre en compte la situation particulière de l’enseignement et de la formation agricoles des départements ultramarins. Compte tenu des évolutions démographiques et des mesures prioritaires que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt tend à instaurer pour les outre-mer, il convient ainsi de prévoir périodiquement une analyse des effectifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous avons étudié votre proposition, ma chère collègue, mais nous ne voyons pas bien ce que celle-ci peut apporter. Il est bien évident que les effectifs évoluent chaque année... Je me demande vraiment, en toute objectivité, ce que la mesure que vous préconisez peut ajouter aux dispositions existantes. Peut-être nous fournirez-vous des explications propres à nous éclairer. Dans l’attente, la commission serait encline à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je donnerai deux raisons motivant l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.

Premièrement, la Constitution exige que toute dérogation au droit commun pour les collectivités d’outre-mer soit justifiée. Or cet amendement, qui tend à instaurer une mesure globale pour une durée de cinq ans, n’est justifié par aucune nécessité d’adaptation à chacune des collectivités. Dès lors, il ne peut être considéré comme conforme à la Constitution.

Deuxièmement, des contrats annuels sont négociés avec le mouvement des maisons familiales rurales, ce qui entraîne chaque année des évaluations et réévaluations. C’est sur la base de ces contrats que les effectifs sont définis.

En d’autres termes, cet amendement n’est pas constitutionnel et nous disposons déjà d’une contractualisation annuelle.

Si nous devions sortir du droit commun au profit de mesures spécifiques, il nous faudrait justifier ces adaptations territoire par territoire. C’est là que se situe le problème !

Il existe bien des enjeux spécifiques concernant l’enseignement agricole. Cela a été précédemment évoqué à propos de Wallis-et-Futuna, mais c’est également vrai pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion. Certains établissements connaissent quelques difficultés en termes d’équilibre financier et nous devons être extrêmement vigilants pour que ces structures restent des lieux de formation et d’expérimentation.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. Je vais retirer mon amendement, car, monsieur le ministre, vous avez répondu à mon inquiétude. Le fait de disposer d’une vision à cinq ans était de nature à rassurer un peu les établissements concernés et n’empêchait pas, année après année, d’arrêter le financement en fonction des effectifs réels. Cette mesure aurait apaisé les esprits et dissipé quelques inquiétudes. Ma proposition n’avait pas d’autre but ! Mais je ne voudrais surtout pas persister à défendre une disposition qui ne serait pas conforme à la Constitution, car je suis une bonne républicaine ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 41 rectifié est retiré.

L'amendement n° 801 rectifié, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer quatorze alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 180-2. – I. – Pour l’application en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte de l’article L. 111-2-1 :

« 1° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« “Le plan précise les actions qui feront l’objet prioritairement des interventions de l’État et de la collectivité compétente en matière de développement agricole ;”

« 2° A la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : “que l’État et les régions mènent” sont remplacés par les mots : “que l’État et la collectivité compétente en matière de développement agricole mènent” ;

« 3° Le début du troisième alinéa est ainsi rédigé :

« “Le représentant de l’État et le président de la collectivité compétente en matière de développement agricole conduisent conjointement la préparation du plan en y associant les autres collectivités territoriales, la chambre d’agriculture ainsi que l’ensemble des organisations professionnelles agricoles et des organisations syndicales agricoles représentatives ; ils prennent en compte... (le reste sans changement) ” ;

« 4° Au quatrième alinéa, les mots : “du conseil régional” sont remplacés par les mots : “de la collectivité compétente en matière de développement agricole”.

« II. – Pour l’application en Martinique de l’article L. 111-2-1 :

« 1° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« “Le plan précise les actions qui feront l’objet prioritairement des interventions de l’État et de la collectivité territoriale de Martinique. ” ;

« 2° A la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : “que l’État et les régions mènent” sont remplacés par les mots : “que l’État et la collectivité territoriale de Martinique mènent” ;

« 3° Le début du troisième alinéa est ainsi rédigé :

« “Le représentant de l’État et le président du conseil exécutif de la Martinique conduisent conjointement la préparation du plan en y associant les autres collectivités territoriales, la chambre d’agriculture ainsi que l’ensemble des organisations professionnelles agricoles et des organisations syndicales agricoles représentatives ; ils prennent en compte... (le reste sans changement) ;

« 4° Au quatrième alinéa, les mots : “du conseil régional” sont remplacés par les mots : “de la collectivité territoriale de Martinique”. »

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte les modalités spécifiques d’élaboration du plan régional de l’agriculture durable, ou PRAD, en outre-mer. Il faut effectivement tenir compte de spécificités institutionnelles, notamment l’absence de conseil régional à Mayotte, la compétence du conseil général de La Réunion en matière agricole et la création, en 2015, d’une collectivité unique en Guyane et en Martinique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 801 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 799, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

et à La Réunion

par les mots :

, à La Réunion et à Saint-Martin

II. – Après l'alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Le représentant de l'État dans la collectivité d'outre-mer et le président du conseil territorial de Saint-Martin à Saint-Martin.

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. L’article 34 du projet de loi comprend une disposition importante pour les outre-mer : la création, dans les départements, d’un comité d’orientation stratégique et de développement agricole, ou COSDA, chargé notamment d’assurer la cohérence des divers dispositifs de soutien, que ceux-ci soient européens, nationaux ou locaux, et l’articulation des financements afférents. La mise en place de cette instance, me semble-t-il, apporte de nombreuses réponses et constitue une véritable avancée, allant dans le sens de la territorialisation du pilotage de la politique agricole et agroalimentaire ultra-marine.

Dans le cadre des travaux de la commission, j’ai interrogé l’ensemble des présidents des exécutifs locaux ultramarins sur le volet du projet de loi concernant les outre-mer. J’ai reçu une contribution de Mme Aline Hanson, présidente du conseil territorial de Saint-Martin – je me permets de le préciser puisque nous n’avons plus, dans notre effectif, de sénateur de Saint-Martin –, laquelle a souligné que sa collectivité, bénéficiant de fonds européens, pourrait utilement disposer d’un COSDA.

Cette suggestion nous a semblé pertinente, ce qui me conduit aujourd'hui à présenter cet amendement tendant à instaurer un COSDA à Saint-Martin.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement émet évidemment un avis favorable sur cet amendement. Comme l’a très justement souligné le rapporteur, le projet de loi tend à instaurer, au travers des COSDA, un outil très important de gestion, de planification, d’organisation, de prospective et d’utilisation des fonds européens. Cela m’apparaît essentiel pour assurer le maintien et le développement des grandes productions d’exportation – banane, canne –, mais aussi et surtout pour mettre en œuvre des stratégies de développement et de diversification de l’agriculture des Antilles et des outre-mer, dans le but d’assurer l’accès de la production au marché local. C’est donc un élément fondamental de ce projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 799.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 802, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer les mots :

organismes professionnels

par les mots :

organisations professionnelles

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 802.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 228 rectifié, présenté par MM. Antiste, Antoinette, Desplan et J. Gillot, Mme Claireaux et MM. Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :

Alinéa 36, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il vise également à promouvoir l’accompagnement et le suivi des groupements d’intérêt économique et environnemental.

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Il est prévu, au IV de l’article 34, d’établir dans les départements d’outre-mer des contrats d’objectifs et de performance entre la chambre d’agriculture, l’État et les collectivités territoriales. Compte tenu des perspectives très prometteuses qu’offre, pour le développement des petites exploitations familiales ultramarines, le GIEE créé à l’article 3 du projet de loi, il paraît indispensable que ces contrats d’objectifs et de performance prévoient la participation des chambres d’agriculture d’outre-mer au développement, à l’accompagnement et au suivi des GIEE.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Notre collègue Maurice Antiste a parfaitement raison de soulever cette question. Nous connaissons les immenses difficultés que rencontrent, de manière récurrente, les chambres d’agriculture, en particulier sur le plan financier. Les contrats d’objectifs et de performance doivent permettre de définir, sur une échéance pluriannuelle, les actions à conduire par chacune d’entre elles sur le territoire, les moyens à leur consacrer, les concours financiers de l’État et des collectivités territoriales. Rien n’interdira à la chambre d’accompagner et de suivre les GIEE. La question est simplement de savoir si cette précision doit figurer dans la loi ou pas. C’est pourquoi je souhaite, sur ce sujet, connaître l’avis, toujours très sage et éclairé, du Gouvernement.

M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La commission étant maintenant pleinement éclairée, quel avis émet-elle ? (Sourires.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Eh bien, monsieur le président, je propose au Sénat d’adopter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. S. Larcher, Patient, Mohamed Soilihi et J. Gillot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après l’article L. 681-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 681-5-… ainsi rédigé :

« Art. L. 681-5-… - En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, le représentant de l’État invite les organisations de producteurs les plus représentatives au niveau local à ouvrir des négociations dans le but de constituer une ou plusieurs organisations interprofessionnelles en application de l'article L. 681-8 ou, à défaut, des accords interprofessionnels à long terme prévus par l’article L. 631-1 ou des contrats de vente de produits agricoles mentionné à l’article L. 631-24. Ces négociations peuvent déboucher sur la mise en place d’un observatoire régional de suivi de la structuration des filières agricoles et agroalimentaires se réunissant périodiquement et dont le pilotage est assuré par le comité mentionné à l’article L. 181-25. »

La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Le présent amendement vise à imposer au préfet, qui peut le faire aujourd’hui de son propre chef, d’inviter les organisations de producteurs à ouvrir des négociations pour la constitution d’organisations professionnelles, cela afin de favoriser la structuration des filières agricoles et agroalimentaires outre-mer.

Comme la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer que j’ai présidée lors de la session 2008-2009 l’avait souligné, les filières agricoles et agroalimentaires domiennes peinent à se mettre en place faute d’incitation à coopérer.

Ce que j’entends par le terme « structuration », c’est tout d’abord la constitution d’interprofessions, c’est-à-dire d’une chaîne intégrée, structurée, de l’activité de production à la commercialisation. À titre d’exemple, la constitution de structures d’achat groupé ou la constitution de caisses de solidarité entre producteurs permettent une rationalisation des pratiques, des économies d’échelle et une plus grande productivité. La structuration de la filière banane aux Antilles, qui s’est achevée en 2012, illustre de manière encourageante cette démarche : elle a permis de déboucher sur une organisation de producteurs dans les départements antillais.

Vous l’avez bien compris, mes chers collègues, cette structuration est un outil puissant au service de la régulation du marché et du développement agricole et agroalimentaire. Il est crucial de favoriser ces regroupements au regard de la structuration du marché dans la Caraïbe et de la concurrence instaurée par nos voisins.

Néanmoins, afin de surmonter les blocages à la coopération et les replis individualistes, il importe de donner au préfet la possibilité d’inciter à cette structuration.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez entièrement raison de chercher à favoriser la structuration des filières agricoles et agroalimentaires ; il s’agit d’un enjeu majeur de développement pour l’agriculture ultramarine. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que vous vous engagez sur cette voie, car vous avez de la suite dans les idées ! Dans un rapport publié en 2009 par une mission d’information, dont Éric Doligé était rapporteur et vous-même étiez président, vous aviez notamment évoqué la structuration de la filière animale à la Réunion.

Cela étant, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 508 rectifié. Le préfet pourra entamer les négociations pour constituer les organisations interprofessionnelles qui manquent dans les territoires visés. Je vous félicite, mon cher collègue, d’avoir proposé cette disposition, qui entrera sans doute dans la loi après l’avis du Gouvernement et le vote !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez anticipé la réponse du Gouvernement, ce n’est pas bien ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Pas du tout ! J’exprimais seulement un espoir ! (Nouveaux sourires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et si, surprise, je n’émettais pas un avis favorable ?...

Soyez rassuré, le Gouvernement est favorable à cet amendement, à une condition toutefois : qu’il ne s’agisse que d’une incitation. Les structures interprofessionnelles émanent de démarches volontaires, dont l’État ne peut pas prendre l’initiative. On ne peut que fixer dans la loi l'objectif que celui-ci incite à la création de ce type d’organisations et l’encourage.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est par le biais de telles structures que l’on parvient à gérer des filières et, certainement, à organiser la production, l’offre locale pour le marché local.

Monsieur Larcher, je vous invite par conséquent à rectifier votre amendement pour remplacer le mot « invite » par le mot « incite ».

M. le président. Monsieur Serge Larcher, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?

M. Serge Larcher. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 508 rectifié bis, présenté par MM. S. Larcher, Patient, Mohamed Soilihi et J. Gillot, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après l’article L. 681-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 681-5-… ainsi rédigé :

« Art. L. 681-5-… - En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, le représentant de l’État incite les organisations de producteurs les plus représentatives au niveau local à ouvrir des négociations dans le but de constituer une ou plusieurs organisations interprofessionnelles en application de l'article L. 681-8 ou, à défaut, des accords interprofessionnels à long terme prévus par l’article L. 631-1 ou des contrats de vente de produits agricoles mentionné à l’article L. 631-24. Ces négociations peuvent déboucher sur la mise en place d’un observatoire régional de suivi de la structuration des filières agricoles et agroalimentaires se réunissant périodiquement et dont le pilotage est assuré par le comité mentionné à l’article L. 181-25. »

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 508 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 229 rectifié, présenté par MM. Antiste et Antoinette, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi et Patient, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 38

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 681-8 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elles ne sollicitent pas l’extension d’un accord adopté à l’unanimité de leurs membres et contribuant à la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 632-1, les organisations interprofessionnelles reconnues en application du premier alinéa du présent article bénéficient, en vue de la détermination des cotisations volontaires de leurs membres résultant de cet accord, de l’application des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 632-7.  »

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Afin de réaliser leurs objectifs, les interprofessions ont besoin de certaines informations leur permettant de cerner avec un minimum de précision l’univers de leurs ressortissants, ainsi que des éléments nécessaires au calcul de l’assiette de leurs cotisations. Cependant, dans la pratique, les organismes rencontrent de grandes difficultés pour obtenir des administrations ces données relatives à la production, à la commercialisation, aux échanges extérieurs et à la transformation des produits.

Or les interprofessions des départements d’outre-mer financent les actions communes qu’elles développent grâce à un système de cotisations volontaires, versées par l’ensemble de leurs membres. Dans ce cadre, le calcul du montant de ces cotisations nécessite que soient portées à la connaissance de l’interprofession les quantités produites et importées. Ainsi, le calcul des cotisations pour les produits importés requiert un accès aux données détenues par l’administration, afin de garantir aux opérateurs importateurs, qui sont concurrents, une équité de traitement.

Il est proposé, par cet amendement, d’adapter le droit commun et d’ouvrir l’accès aux informations et données de l’administration de l’article L. 632-7 du code rural et de la pêche maritime aux interprofessions situées dans les collectivités ultramarines, afin de leur permettre de calculer le montant des cotisations volontaires des importateurs membres de l’interprofession.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement. Néanmoins, il est satisfait par l’amendement n° 770 déposé à l’article 8, qui aurait déjà dû être voté si nous n’avions examiné en priorité les dispositions relatives aux outre-mer et que la commission a adopté à l’unanimité. C’est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.

M. Maurice Antiste. Étant intervenu avant sur le sujet, je souhaite simplement être associé au grand bonheur annoncé à l’article 8.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Par souci de mettre en valeur les représentants des outre-mer, le Gouvernement a souhaité que soient examinées en priorité et avant l’article 8 les dispositions du présent projet de loi relatives aux outre-mer. Vous serez donc bien à l’origine de l’amendement qui sera adopté dans l’hémicycle dans quelques heures ou quelques jours.

M. le président. Monsieur Antiste, l'amendement n° 229 rectifié est-il maintenu ?

M. Maurice Antiste. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 229 rectifié est retiré.

L'amendement n° 661, présenté par MM. Vergès et Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Compte tenu du caractère spécifique de la situation des départements d’outre-mer, dans les départements d’outre-mer de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion et de Mayotte, les organisations syndicales agricoles présentes au plan départemental sont représentatives de plein droit.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. La Confédération générale des planteurs et éleveurs de la Réunion, la CGPER, est le principal syndicat agricole de cette île. Elle a toujours remporté les élections professionnelles départementales avec une moyenne de 68 % des voix exprimées.

Au mois de février 2013, la CGPER a été reconduite à la chambre d’agriculture en remportant vingt-trois des quarante-quatre sièges de l’assemblée.

Néanmoins, ce syndicat ne figure pas dans les conseils d’administration d’organismes tels que la caisse générale de sécurité sociale, la caisse d’allocations familiales, la SAFER, etc. Cette discrimination injuste est supportée depuis des années par la CGPER, qui a demandé à maintes reprises aux ministères chargés de l’agriculture, des outre-mer, ou encore des affaires sociales d’y mettre un terme. Pourtant, rien n’est encore fait en ce sens.

Cet amendement vise donc à reconnaître à la CGPER le poids qu’elle représente et concerne sa représentation dans les organismes précités. Celle-ci devra être assurée sur la base des résultats électoraux à l’échelon régional.

Il s’agit, a minima, de formaliser l’engagement contracté par Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, qui, lors d’une mission à la Réunion au mois de février dernier, avait proposé d’intégrer, dans un premier temps, le syndicat au sein des commissions de ces structures, avec voix délibérative, et dans leurs conseils d’administration, en qualité de membre associé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Le Cam, sur le fond, il est impossible de souscrire à votre requête et d’émettre un avis favorable. En effet, il faut tenir compte des résultats des votes obtenus lors des élections professionnelles qui déterminent la représentativité des organisations syndicales et éviter de remettre en cause cette représentativité syndicale, ce qui ne serait pas acceptable.

Lorsqu’il y a lieu de déterminer la représentativité d’un syndicat ou d’une organisation professionnelle, les dispositions de l’article L. 2121-2 du code du travail s’appliquent.

En revanche, et cela faisait l’objet de discussions avec les ministres présents, un problème se pose à l’égard de la Réunion auquel il faudra trouver une solution d’ici à la deuxième lecture du présent texte. Monsieur Le Cam, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement si le Gouvernement prenait un tel engagement ?

Vous pourrez cependant dire à M. Paul Vergès que l’amendement n° 661, dont il est cosignataire, était sensé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans la future loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, cette question, qui touche au droit du travail, n’a pas sa place. Il faut modifier un décret datant de vingt ou trente ans, et il revient aux ministères des affaires sociales ou du travail de le faire.

Les évolutions des élections à la Réunion ont conduit à des changements, et les titres indiqués dans le code du travail ne correspondent plus aujourd’hui à la réalité, mais il ne nous appartient pas de modifier ces dispositions à l’occasion de l’examen du présent texte.

La discussion a été engagée afin de trouver une solution d’ici à la deuxième lecture. En tout état de cause, la mesure proposée ne peut pas être inscrite dans ce projet de loi.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 661 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Sous le bénéfice de ces explications, je le retire, monsieur le président, en espérant que le processus aboutira avant la deuxième lecture.

M. le président. L'amendement n° 661 est retiré.

Je mets aux voix l'article 34, modifié.

(L'article 34 est adopté.)

Article 34 (priorité)
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Article 35 (priorité)

Article 34 bis (priorité)

Le titre VIII du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La section 2 du chapitre Ier est ainsi modifiée :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Mise en valeur des terres agricoles » ;

b) Est insérée une sous-section 1 intitulée : « Dispositions relatives aux terres incultes ou manifestement sous-exploitées » et comprenant les articles L. 181-4 à L. 181-14 ;

c) Est ajoutée une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« Mesures en faveur de l’exploitation des biens agricoles en indivision

« Art. L. 181-14-1. – I. – Par dérogation à l’avant-dernier alinéa de l’article 815-3 du code civil, le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis sur un bien agricole peuvent, dans les conditions prévues au présent article, conclure ou renouveler un bail à ferme soumis au titre VI du livre IV du présent code.

« II. – Lorsque le bien n’est pas loué, ils demandent à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural ou à l’opérateur foncier qui en tient lieu de procéder à un appel à candidats au bail dans des conditions fixées par décret. La société d’aménagement foncier et d’établissement rural ou l’opérateur foncier informe le ou les propriétaires, qui ne sont pas tenus par cette liste, des candidatures recueillies.

« III. – S’ils entendent renouveler un bail, les indivisaires mentionnés au I notifient leur intention aux autres indivisaires ou, si l’identité ou l’adresse de l’un ou plusieurs d’entre eux n’est pas connue, en assurent la publicité dans des conditions définies par décret.

« IV. – Dans les trois mois suivant la publication ou la notification mentionnées aux II ou III, tout indivisaire qui ne consent pas à la dation à bail ou au renouvellement du bail peut saisir le tribunal de grande instance d’une demande tendant à l’opposition à location. Le tribunal, qui statue en la forme des référés, est tenu de rejeter cette demande dès lors qu’il constate que le projet est de nature à favoriser l’exploitation normale du terrain et ne porte pas une atteinte excessive aux droits du demandeur.

« V. – La part des revenus du bail revenant, après paiement des dettes et charges de l’indivision, aux indivisaires dont l’identité ou l’adresse sont demeurées inconnues est déposée chez un dépositaire agréé pour recevoir les capitaux appartenant à des mineurs.

« Art. L. 181-14-2. – I. – Par exception à l’article 815-5-1 du code civil, lorsqu’un propriétaire indivis d’un bien agricole entend sortir de l’indivision en vue de permettre le maintien, l’amélioration ou la reprise de l’exploitation de ce bien, il notifie soit à un notaire, soit à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural ou à l’opérateur foncier qui en tient lieu son intention de procéder à l’aliénation du bien.

« II. – Si l’auteur de la notification détient moins de deux tiers des droits indivis, la personne saisie fait signifier cette intention aux autres indivisaires dans le délai d’un mois à compter de cette notification. Si l’identité ou l’adresse d’un des indivisaires sont inconnues, elle fait procéder à la publication de l’intention de vente, dans des conditions fixées par décret.

« À l’issue d’un délai de trois mois à compter de la date de la dernière signification ou publication, le notaire, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural ou l’opérateur foncier établit la liste des indivisaires qui ont donné leur accord à l’aliénation du bien, de ceux qui s’y sont opposés et de ceux qui ne se sont pas manifestés.

« III. – Lorsque la notification mentionnée au I est faite par le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis ou si, à l’issue de la procédure prévue au II, l’aliénation du bien recueille l’accord des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers de ces droits, le notaire, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural ou l’opérateur foncier notifie aux autres indivisaires le projet d’aliénation ou, si l’identité ou l’adresse de certains indivisaires sont inconnues, le rend public, dans des conditions fixées par décret.

« Tout indivisaire qui s’oppose à cette aliénation dispose d’un délai de trois mois pour saisir le tribunal de grande instance, qui statue en la forme des référés, en prenant en compte tant l’importance de l’atteinte aux droits du requérant, que l’intérêt de l’opération pour l’exploitation du bien.

« IV. – Lorsque les indivisaires ayant exprimé leur accord sont titulaires de moins des deux tiers des droits indivis et que ceux ayant exprimé leur opposition ne représentent pas plus d’un quart de ces droits, le tribunal de grande instance peut autoriser l’aliénation du bien indivis si celle-ci est de nature à favoriser l’exploitation normale du bien sans porter une atteinte excessive aux intérêts des indivisaires qui n’y ont pas expressément consenti.

« V. – L’aliénation s’effectue par licitation. L’acheteur doit s’engager à assurer ou faire assurer l’exploitation du bien pendant une durée de dix ans au moins.

« Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l’objet d’un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l’indivision. La part revenant aux indivisaires dont l’identité ou l’adresse sont demeurées inconnues est déposée chez un dépositaire agréé pour recevoir les capitaux appartenant à des mineurs. L’aliénation effectuée dans les conditions prévues au présent article est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention d’aliéner le bien n’a pas été publiée ou ne lui a pas été signifiée dans les conditions prévues aux II et III.

« VI. – Lorsqu’il est constaté, après une procédure contradictoire destinée à recueillir ses observations et, le cas échéant, celles de l’exploitant, que l’acquéreur ne respecte pas l’engagement d’exploiter ou de faire exploiter le bien pendant une durée de dix ans au moins, le préfet, après une mise en demeure restée infructueuse au terme d’un délai de six mois, met en œuvre la procédure prévue à l’article L. 181-8 du présent code. » ;

2° La section 4 du chapitre II est complétée par un article L. 182-24-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 182-24-1. – Les articles L. 181-14-1 et L. 181-14-2 sont applicables à Mayotte. Pour l’application de l’article L. 181-14-2 à Mayotte, la référence : “L. 181-8” est remplacée par la référence : “L. 182-16”. » ;

3° La section 2 du chapitre III est complétée par un article L. 183-12 ainsi rédigé :

« Art. L. 183-12. – Les articles L. 181-14-1 et L. 181-14-2 sont applicables à Saint-Barthélemy. Pour l’application de l’article L. 181-14-2 à Saint-Barthélemy, la référence : “L. 181-8” est remplacée par la référence : “L. 183-5” et le mot : “préfet” est remplacé par les mots : “représentant de l’État à Saint-Barthélemy”. » ;

4° La section 2 du chapitre IV est complétée par un article L. 184-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 184-14. – Les articles L. 181-14-1 et L. 181-14-2 sont applicables à Saint-Martin. Pour l’application de l’article L. 181-14-2 à Saint-Martin, la référence : “L. 181-8” est remplacée par la référence : “L. 184-7” et le mot : “préfet” est remplacé par les mots : “représentant de l’État à Saint-Martin”. » – (Adopté.)

Article 34 bis (priorité)
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Article 36 (priorité)

Article 35 (priorité)

I A. – La section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code forestier est complétée par un article L. 122-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-1-1. – Le programme régional de la forêt et du bois, mentionné à l’article L. 122-1, prévoit, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, que soient caractérisées et qualifiées les performances techniques des produits issus de la transformation du bois dans la construction avec un volet spécifique aux essences présentes dans les outre-mer. »

I B. – Le chapitre Ier du titre V du même livre Ier est complété par un article L. 151-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 151-3. – L’inventaire permanent des ressources forestières nationales prend en compte les particularités des bois et forêts situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. »

I. – Le titre VII du même livre Ier est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 175-4 est complété par les mots : « conformément aux objectifs d’intérêt général définis à l’article L. 112-1 » ;

2° L’article L. 175-6 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « des produits forestiers » sont remplacés par les mots : « du bois » et les mots : « sur les orientations régionales forestières du Département de Mayotte définies à l’article L. 122-1 applicable à Mayotte ainsi que » sont supprimés ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « des produits forestiers » sont remplacés, deux fois, par les mots : « du bois » ;

3° L’article L. 175-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 175-7. – Pour son application à Mayotte, l’article L. 122-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 122-1. – Le programme de la forêt et du bois du Département de Mayotte adapte les orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois. Il fixe, par massif forestier, les priorités économiques, environnementales et sociales et les traduit en objectifs. Il définit des critères de gestion durable et multifonctionnelle et des indicateurs associés. Il identifie les massifs forestiers à enjeux prioritaires pour la mobilisation du bois. Il précise les conditions nécessaires au renouvellement des peuplements forestiers, notamment au regard de l’équilibre sylvo-cynégétique. Il définit les actions à mettre en œuvre dans le département.

« “Il est élaboré par la commission de la forêt et du bois du Département de Mayotte, soumis à la participation du public par l’autorité administrative compétente de l’État dans les conditions prévues aux articles L. 120-1 et L. 120-2 du code de l’environnement et arrêté par le ministre chargé des forêts, après avis du président du conseil général.

« “La commission de la forêt et du bois du Département de Mayotte établit un bilan de la mise en œuvre du programme de la forêt et du bois et propose, si besoin, les modifications nécessaires. Ce bilan est transmis au ministre chargé des forêts.

« “Dans toutes les autres dispositions du présent code, pour leur application à Mayotte, les mots : « programme régional de la forêt et du bois » sont remplacés par les mots : « programme de la forêt et du bois du Département de Mayotte ».” » ;

4° Après la deuxième occurrence du mot : « Mayotte », la fin de l’article L. 175-8 est supprimée ;

4° bis Au 3° de l’article L. 176-1, après la référence : « L. 122-8 », il est inséré le mot : « et » et la référence : « et l’article L. 122-15 » est supprimée ;

5° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 176-2, les mots : « des produits forestiers » sont remplacés par les mots : « du bois » et les mots : « d’élaborer les orientations territoriales forestières définies à l’article L. 122-1 applicable à Saint-Barthélemy ainsi que » sont supprimés ;

6° L’article L. 176-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 176-3. – Pour son application à Saint-Barthélemy, l’article L. 122-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 122-1. – Le programme territorial de la forêt et du bois adapte les orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois. Il est élaboré par la commission territoriale de la forêt et du bois et arrêté par le ministre chargé des forêts, après avis du président du conseil territorial.” » ;

 bis Le 1° de l’article L. 177-1 est abrogé ;

7° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 177-2, les mots : « des produits forestiers » sont remplacés par les mots : « du bois » et les mots : « sur les orientations territoriales forestières définies à l’article L. 122-1 applicable à Saint-Martin ainsi que » sont supprimés ;

8° L’article L. 177-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 177-3. – Pour son application à Saint-Martin, l’article L. 122-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 122-1. – Le programme territorial de la forêt et du bois adapte les orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois. Il est élaboré par la commission territoriale de la forêt et du bois et arrêté par le ministre chargé des forêts, après avis du président du conseil territorial.” » ;

8° bis Le 1° de l’article L. 178-1 est abrogé ;

9° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 178-2, les mots : « des produits forestiers » sont remplacés par les mots : « du bois » et les mots : « sur les orientations territoriales forestières définies à l’article L. 122-1 applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que » sont supprimés ;

10° L’article L. 178-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 178-3. – Pour son application à Saint-Pierre-et-Miquelon, l’article L. 122-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 122-1. – Le programme territorial de la forêt et du bois adapte les orientations et les objectifs du programme national de la forêt et du bois. Il est élaboré par la commission territoriale de la forêt et du bois et arrêté par le ministre chargé des forêts, après avis du président du conseil territorial.” » ;

11° Les articles L. 176-7, L. 177-4 et L. 178-4 sont ainsi modifiés :

a) Les 1° et 2° sont ainsi rédigés :

« 1° La référence au “programme régional de la forêt et du bois” est remplacée par la référence au “programme territorial de la forêt et du bois” ;

« 2° La référence à la “commission régionale de la forêt et du bois” est remplacée par la référence à la “commission territoriale de la forêt et du bois” ;

b) Le 3° est abrogé ;

12° (nouveau) Le chapitre IX est ainsi modifié :

a) L’intitulé du chapitre est ainsi rédigé : « Polynésie française et Terres australes et antarctiques françaises » ;

b) Ce chapitre est complété par trois articles ainsi rédigés :

« Art. L. 179-2. – Sont habilités à rechercher et constater les infractions pénales aux dispositions légales en vigueur en Polynésie française en matière de régime des forêts et des sols, dans les conditions mentionnées aux articles L. 161-12 à L. 161-21 qui sont applicables en Polynésie française sous réserve des adaptations prévues à l’article L. 179-3 :

« 1° Les agents de la Polynésie française, commissionnés à raison de leur compétence technique par le président de la Polynésie française, après avoir été agréés par le haut-commissaire de la République et le procureur de la République, et assermentés ;

« 2° Les agents de police municipale.

« Art. L. 179-3. – Pour l’application en Polynésie française des articles L. 161-12 à L. 161-21 :

« 1° L’article L. 161-12 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 161-12. – L’original du procès-verbal dressé pour constater les infractions forestières est transmis, dans les cinq jours à dater de sa clôture, par les agents mentionnés à l’article L. 179-2 au procureur de la République.” ;

« 2° La référence au directeur régional de l’administration chargé des forêts est remplacée par la référence au chef du service de l’administration territoriale chargé des forêts ;

« 3° À l’article L. 161-19, les mots : « le jour même, ou au plus tard le premier jour ouvré qui suit » sont remplacés par les mots : « dans les trois jours qui suivent » ;

« 4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 161-21, le chiffre : « cinq » est remplacé par le chiffre : « quinze ».

« Art. L. 179-4. – Le fait de faire obstacle ou d’entraver l’exercice des fonctions des agents mentionnés à l’article L. 179-2 est puni des peines prévues à l’article L. 163-1 sous réserve de l’expression du montant de l’amende dans son équivalent applicable en monnaie locale. »

II. – Le titre VII du livre III du même code est ainsi modifié :

1° Au chapitre Ier, il est inséré un article L. 371-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 371-1. – En Guadeloupe, les missions assignées par le présent code au Centre national de la propriété forestière sont exercées par le centre régional de la propriété forestière ou, lorsqu’il n’a pas été constitué, par le préfet, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois. » ;

1° bis Après les mots : « sont exercées », la fin de l’article L. 372-2 est ainsi rédigée : « par le centre régional de la propriété forestière ou, lorsqu’il n’a pas été constitué, par le préfet, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois. » ;

2° Au chapitre III, il est inséré un article L. 373-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 373-1. – En Martinique, les missions assignées par le présent code au Centre national de la propriété forestière sont exercées par le centre régional de la propriété forestière ou, lorsqu’il n’a pas été constitué, par le préfet, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois. » ;

3° Le chapitre IV est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Missions assignées au Centre national de la propriété forestière

« Art. L. 374-10. – À La Réunion, les missions assignées par le présent code au Centre national de la propriété forestière sont exercées par le centre régional de la propriété forestière ou, lorsqu’il n’a pas été constitué, par le préfet, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois. » ;

4° (nouveau) Après les mots : « sont exercées », la fin de l’article L. 375-1 est ainsi rédigée : « par le centre régional de la propriété forestière ou, lorsqu’il n’a pas été constitué, par le préfet, après avis de la commission de la forêt et du bois du Département de Mayotte. »

III. – (Supprimé)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.

Mme Marie-Christine Blandin. À l’alinéa 4 du présent article est évoqué l’inventaire des ressources forestières. Je souhaite insister sur l’importance, telle qu’elle est en l’espèce signalée, du recensement des particularités des bois et des forêts d’outre-mer. Cet inventaire peut conduire à d’heureuses découvertes et donner lieu à des exploitations durables intéressantes.

Comme l’ont indiqué certains d’entre vous, mes chers collègues, il concerne des milliers de mètres cubes, mais il existe également des niches, liées à l’exceptionnelle biodiversité des forêts concernées.

Les musiciens violonistes et les luthiers, par exemple, manquent aujourd’hui cruellement du seul bois compatible avec la fabrication des archets : le pernambouc, bois brésilien de la zone tropicale humide, aujourd’hui protégé, interdit à l’exploitation comme à l’exportation.

Le recours à d’autres essences a été essayé à titre de substitution : le bois de cyprès, de charme, de cornouillier, de cormier, d’amourette, etc. Aucun ne donne satisfaction. En effet, la masse volumique du bois de pernambouc sec utilisé pour les archets est de 1 150 kilogrammes par mètre cube.

Des créneaux de ce type peuvent paraître confidentiels ; ils font sourire M. Guillaume, qui ignore sans doute qu’il y a plus de quarante violons et altos par orchestre symphonique, et des milliers d’orchestres par pays !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je ne souris pas, j’ai fait le conservatoire de violon ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Blandin. Mener des recherches sur ces marchés permettrait de répondre à des besoins mondiaux d’alternative au pernambouc, susceptibles de créer des niches valorisables dont les Antilles et la Guyane ont le plus grand besoin !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Vous me parlez de violon, mais nous, nous avons Larcher ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Magras, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au 1° de l’article L. 176-1, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 111-2, » ;

II. – Après l’alinéa 49

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L'article L. 276-2 du même code est abrogé.

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. En ma qualité de sénateur de l’outre-mer, permettez-moi, madame la ministre, de vous féliciter pour votre nomination aux fonctions de ministre des outre-mer. La tâche, qui sera difficile, sera tout aussi exaltante !

Le présent amendement a pour objet de clarifier le champ d'application du code forestier à Saint-Barthélemy. En effet, l'article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales dispose que la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy fixe les règles applicables en matière d’environnement, y compris dans le domaine de « la protection des espaces boisés ».

Or les expressions « espaces boisés » et « bois et forêts » ne recouvrent pas des notions identiques. La notion de forêt répond à des critères précis, définis notamment par un règlement européen, de densité, de couvert et de taille des végétaux, que l’on ne retrouve nulle part à Saint-Barthélemy.

La végétation que l’on rencontre sur l’île est essentiellement ligneuse : c’est à cette broussaille, comme on l’appelle communément, que le code forestier s’applique.

En l’absence de forêt au sens où l’entend l’Union européenne, l’application du code précité à Saint-Barthélemy a pour conséquence de limiter l’exercice de la compétence de la collectivité en matière de protection des espaces boisés.

C’est pour éviter ce télescopage de règles tout en respectant le principe d’application du code forestier que je présente l’amendement n° 6. Il vise à circonscrire l’application de ce code aux bois et forêts stricto sensu en renvoyant, pour toutes les autres végétations, à la réglementation locale édictée par la collectivité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Madame Blandin, je n’ai pas du tout ri parce que vous mentionniez les violonistes et les luthiers. Vous parliez de violons, moi de Larcher ; d’où mon sourire ! (Exclamations amusées.)

L’amendement n° 6 est excellent et très important pour la collectivité de Saint-Barthélemy. Il faut d’ailleurs féliciter M. Magras pour son travail sur ce sujet ; vous vous rappelez, monsieur le ministre, qu’il a déjà attiré votre attention sur ce problème au cours des travaux de la commission des affaires économiques.

La collectivité territoriale de Saint-Barthélemy fixe les règles applicables en matière d’espaces boisés. Or le code forestier, qui s’applique dans l’île, concerne également d’autres espaces susceptibles d’être boisés ou de retrouver une destination forestière, ainsi que les dunes et les broussailles, dont Mme la ministre vient de nous rappeler qu’elles sont abondantes à Saint-Barthélemy.

Cet amendement, inspiré par le bon sens, vise à concilier le statut de l’île et le code forestier et à préciser que ce dernier ne s’applique qu’aux bois et forêts, en pratique inexistants, tandis que tous les autres espaces dépendent de la réglementation locale applicable. La commission y est très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. Monsieur Magras, je vous remercie des propos très aimables que vous avez tenus à mon égard.

Quiconque connaît la très belle île de Saint-Barthélemy sait qu’elle ne recèle pas beaucoup de forêts. Dans ces conditions, vous avez tout à fait raison de chercher à éviter une concurrence entre le code forestier et les règles fixées localement. Le Gouvernement est donc favorable à votre amendement de simplification.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Magras, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 16

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le troisième alinéa de l’article L. 176-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2° bis L’article L. 113-2 ; »

II. – Alinéa 17

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

bis Le 3° de l’article L. 176-1 est ainsi rédigé :

« 3° Les articles L. 122-1, L. 122-7, L. 122-8 et le deuxième alinéa de l’article L. 122-9 ; »

III. – Alinéas 18 à 21

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

5° Les articles L. 176-2 et L. 176-3 sont abrogés ;

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. En l’absence de forêt à Saint-Barthélemy, l’élaboration d’un programme territorial de la forêt et la constitution d’une commission territoriale de la forêt y sont sans objet. Cet amendement de simplification, qui est un peu la conséquence du précédent, vise à supprimer les dispositions inutiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Amendement de simplification et de bon sens : avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 35, modifié.

(L'article 35 est adopté.)

Article 35 (priorité)
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Article additionnel après l'article 36 (priorité)

Article 36 (priorité)

I. – Le titre VIII du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé : « Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 181-1, les mots : « consommation des espaces agricoles » sont remplacés par les mots : « préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers » ;

3° La première phrase de l’article L. 181-2 est ainsi modifiée :

a) Les mots : « consommation des espaces agricoles » sont remplacés par les mots : « préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers » ;

b) Les mots : « surfaces agricoles » sont remplacés par les mots : « surfaces naturelles, agricoles et forestières » ;

4° L’article L. 181-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « réduction des terres agricoles » sont remplacés par les mots : « réduction des surfaces naturelles, des surfaces agricoles et des surfaces forestières » ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour exercer cette mission, les membres de la commission sont destinataires, dès leur réalisation, de toutes les études d’impact effectuées, dans le département en application des articles L. 110-1, L. 110-2 et L. 122-6 du code de l’environnement. Il en va de même pour les évaluations environnementales réalisées dans le département, en application des articles L. 121-11 et L. 121-12 du code de l’urbanisme. » ;

5° L’article L. 181-24 est ainsi modifié :

a (nouveau)) Les mots : « du présent titre » sont remplacés par les mots : « du titre IV » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il exerce les compétences en matière d’aménagement foncier rural confiées par le présent livre aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, l’établissement public mentionné au premier alinéa du présent article consulte une commission, dont la composition, fixée par décret, comporte les catégories de membres mentionnées au 1° du II de l’article L. 141-6. » ;

6° Le chapitre Ier est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Dispositions spécifiques à la Martinique et à la Guyane

« Art. L. 181-26. – Pour l’application en Guyane et en Martinique de l’article L. 111-2-1, les mots : “du conseil régional” sont remplacés, respectivement, par les mots : “de l’Assemblée de Guyane” et “du conseil exécutif de Martinique”. » ;

7° Après le mot : « composition », la fin de la seconde phrase de l’article L. 182-25 est ainsi rédigée : « , fixée par décret, comporte les catégories de membres mentionnées au 1° du II de l’article L. 141-6. »

II. – Le chapitre IV du titre VII du livre II du même code est complété par un article L. 274-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 274-11. – I. – Les agents de la Polynésie française, commissionnés à raison de leur compétence technique par le président de la Polynésie française après avoir été agréés par le haut-commissaire de la République et le procureur de la République, et assermentés, sont habilités à rechercher et constater les infractions pénales aux dispositions légales en vigueur en Polynésie française en matière d’alimentation, de santé publique vétérinaire et de protection des végétaux. À cet effet, ils disposent des pouvoirs définis aux articles L. 205-3 à L. 205-9, qui sont applicables en Polynésie française.

« II (nouveau). – Le fait de faire obstacle ou d’entraver l’exercice des fonctions des agents mentionnés au I est puni des peines prévues à l’article L. 205-11, sous réserve de l’expression du montant de l’amende dans son équivalent applicable en monnaie locale ».

III. – Le livre III du même code est ainsi modifié :

1° L’article L. 371-1 est ainsi modifié :

a) Au début, la référence : « Le premier alinéa de » est supprimée ;

b) Les références : « , L. 312-4 et L. 312-5 » sont remplacées par la référence : « et L. 312-4 » ;

2° Les articles L. 371-2 et L. 372-8 sont abrogés ;

3° Le chapitre Ier du titre VII est complété par des articles L. 371-5-1 et L. 371-5-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 371-5-1. – Pour l’application en Guyane et en Martinique de l’article L. 330-1, les mots : “du conseil régional” sont remplacés, respectivement, par les mots : “de l’Assemblée de Guyane” et “du conseil exécutif de Martinique”.

« Art. L. 371-5-2. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, l’âge maximal du salarié ou du stagiaire mentionné au I de l’article L. 330-4 à son arrivée sur l’exploitation est de trente-cinq ans au plus. »

IV. – (Non modifié) Le deuxième alinéa de l’article L. 461-2 du même code est ainsi rédigé :

« Le bail peut inclure les clauses mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 411-27, dans les conditions fixées à ce même article. »

V. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article L. 150-1 du code de l’urbanisme, après la référence : « L. 121-7, », est insérée la référence : « L. 121-9, ».

VI. – (Non modifié) Le I de l’article 4 de la présente loi n’est pas applicable à Saint-Barthélemy.

VII. – (Non modifié) Sont homologuées, en application de l’article 21 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les peines d’emprisonnement prévues en Polynésie française par les articles suivants :

1° Articles 10, 12 et 13 de la délibération n° 2001-16 APF du 1er février 2001 relative à la protection des animaux domestiques et des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité ;

2° Article LP 29 de la loi du pays n° 2011-1 du 10 janvier 2011 relative à l’agriculture biologique en Polynésie française ;

3° Articles LP 59, LP 60 et LP 61 de la loi du pays n° 2013-12 du 6 mai 2013 réglementant, aux fins de protection en matière de biosécurité, l’introduction, l’importation, l’exportation et le transport interinsulaire des organismes vivants et de leurs produits dérivés.

M. le président. L'amendement n° 509 rectifié, présenté par MM. S. Larcher, Patient, J. Gillot et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après l’article L. 181-1, il est inséré un article L. 181-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 181-1-... – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, par dérogation à l’article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime, après que le préfet a reçu la proposition ou l’accord de constituer une zone agricole protégée, après délibérations locales, et selon les dispositions prévues au premier alinéa de l’article L. 112-2 précité, la définition du périmètre de la zone et l’élaboration de son règlement relèvent de la compétence de la commission mentionnée à l’article L. 112-1-1 du même code après avis du conseil municipal des communes intéressées. » ;

La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Les zones agricoles protégées, ou ZAP, sont extrêmement utiles à la préservation de l’agriculture ultramarine. En effet, elles permettent de réduire la pression foncière due à l’urbanisation intensive qui s’exerce dans les territoires ultramarins.

Permettez-moi, pour illustrer ce propos, de faire état de chiffres rendus public lors du recensement agricole de 2012 en Martinique : la surface agricole utilisée a diminué de 22 % entre 2000 et 2010, passant de 32 000 hectares environ à 24 975 hectares, en dépit d’un léger rebond entre 2007 et 2010.

À l’heure actuelle, il est primordial de s’assurer de la préservation des terrains permettant de maintenir une activité agricole outre-mer, compte tenu du poids économique du secteur primaire.

Il faut néanmoins rappeler que la mise en place d’une ZAP mobilise de nombreuses parties prenantes, tels les conseils municipaux des communes concernées, les établissements publics compétents en matière de plans locaux d’urbanisme, les établissements publics compétents en matière de schémas de cohérence territoriale, la chambre d’agriculture et la commission départementale d’orientation de l’agriculture.

La multiplicité des instances conduit à des divergences à l’égard des documents associés à l’arrêté préfectoral de mise en œuvre, notamment à l’égard de la définition du périmètre et du règlement de la zone. En raison de ces blocages institutionnels, les préfets tardent à prendre l’arrêté nécessaire ou s’abstiennent de le faire, ce qui réduit l’intérêt de ce dispositif pourtant vital pour la pérennité de l’agriculture ultramarine. C’est ainsi que, à la Réunion, aucune ZAP n’a pu voir le jour.

Les auteurs du présent amendement proposent d’attribuer à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers la compétence de trancher en dernier ressort, après avoir mené une concertation avec les parties prenantes, sur le périmètre et sur le règlement de la zone. Les documents élaborés par cette commission seraient ensuite associés à l’arrêté de zonage du préfet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Serge Larcher, vous avez décrit le problème du recul de la surface agricole utile dans les territoires ultramarins.

Votre amendement vise à faciliter la création de ZAP dans les départements d’outre-mer et à confier à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers le soin de définir le périmètre de ces zones et d’élaborer leur règlement.

Par manque d’expertise, la commission n’a pas réussi à prendre une position sur cet amendement ; elle s’en remet par conséquent à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. La pression sur le foncier agricole dans les territoires d’outre-mer est extrêmement forte. Comme vous l’avez expliqué, monsieur Larcher, la vitesse de diminution de la surface agricole utile y est beaucoup plus élevée qu’en métropole, où elle est déjà très contestée. Cette pression nous oblige à trouver des outils pour agir.

Seulement, monsieur le sénateur, votre amendement n’est pas satisfaisant dans sa rédaction actuelle. En effet, il faut respecter une cohérence avec les dispositions du présent projet de loi relatives aux espaces agricoles, naturels et forestiers ; celles-ci prévoient des avis, conformes pour les zones AOC et consultatifs pour la définition des plans locaux d’urbanisme.

Par ailleurs, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, telle qu’elle est actuellement conçue, n’aurait pas les moyens juridiques d’exercer le pouvoir que cet amendement vise à lui confier.

Monsieur le sénateur, je reconnais bien volontiers que nous devons travailler sur ce sujet ; je vous propose que, d’ici à la deuxième lecture du projet de loi au Sénat, nous réfléchissions à des solutions qui soient juridiquement solides.

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.

M. Serge Larcher. Monsieur le ministre, votre proposition me satisfait : rendez-vous en deuxième lecture !

Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Merci !

M. le président. L’amendement n° 509 rectifié est retiré.

L'amendement n° 823, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 30

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

…° La section 2 du chapitre Ier du titre VII est ainsi modifiée :

a) Les articles L. 371-15 et L. 371-16 sont abrogés ;

b) L’article L. 371-31 est ainsi modifié :

- les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l’article L. 361-5 ne sont pas applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte. » ;

- au troisième alinéa, les mots : « En outre, » sont supprimés.

La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le présent amendement a pour objet de rendre applicables aux territoires ultramarins les dispositions relatives à l’assurance récolte.

Les questions liées à l’assurance sont très importantes. Des fonds existent déjà, en particulier le fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux, et des travaux sont en cours sur les systèmes d’assurance, notamment en ce qui concerne la viticulture – M. César connaît bien ce sujet.

Les règles qui régissent les assurances récolte et les assurances sanitaires sont du domaine réglementaire et résultent de négociations conduites avec les établissements financiers. Mon ministère a entrepris un travail avec ces établissements, notamment avec ceux de réassurance publics et privés. D’ici à un mois et demi, le Gouvernement sera en mesure de présenter au Parlement le système de manière globale.

Par ailleurs, je vous rappelle que, dans la nouvelle politique agricole commune, 100 millions d’euros vont être transférés du premier pilier vers le deuxième, pour l’assurance récolte et l’assurance des risques sanitaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Favorable, bien entendu !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. À vrai dire, monsieur le président, je désire plutôt poser une question à M. le ministre.

L’objet de l’amendement n° 823 fait mention du fonds national de gestion des risques en agriculture, dont deux sections concernent respectivement le fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux et l’assurance récolte. Monsieur le ministre, qu’entend-on par « risques sanitaires et environnementaux » ? Vise-t-on seulement les fléaux qui s’abattent sur les cultures, ou inclut-on aussi les risques sanitaires comme le chlordécone ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, il est ici question de systèmes assurantiels. Une production agricole peut être complètement détruite pour des raisons sanitaires : je pense, par exemple, aux ravages de la sharka dans l’arboriculture.

M. Didier Guillaume, rapporteur. En effet, c’est un vrai problème !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les vignes aussi sont menacées par des maladies.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Par la flavescence dorée !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Parfaitement, mais aussi par d’autres maladies qui touchent les ceps et le bois. Tous ces problèmes peuvent remettre en cause une production, ce qui justifie la mise en place d’un système de mutualisation.

Mme Marie-Christine Blandin. Le chlordécone remet en cause la production maraîchère !

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’ai bien compris, madame Blandin, que la question des produits phytosanitaires, notamment du chlordécone, vous tenait à cœur, ce qui est compréhensible. Seulement, le problème de l’assurance récolte se pose au regard d’aléas naturels de type sanitaire ou météorologique : cette question est sans lien avec les bêtises que les hommes ont pu faire à un moment.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 823.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 800, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 32

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 513-3 du même code sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :

« Peuvent adhérer à l’assemblée permanente des chambres d’agriculture, au nom de leur établissement :

« - le président de la chambre économique multiprofessionnelle de Saint-Barthélemy ;

« - le président de la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin ;

« - le président de la chambre d’agriculture, de commerce, d’industrie, de métiers et de l’artisanat de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

« - le président de la chambre d’agriculture de Nouvelle-Calédonie ;

« - le président de la chambre d’agriculture et de la pêche lagonaire de Polynésie française;

« - le président de la chambre de commerce, d’industrie, des métiers et de l’agriculture des îles Wallis et Futuna. »

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Les chambres d’agriculture de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, ainsi que celle de Wallis et Futuna sont actuellement les seules à ne pas pouvoir adhérer à l’assemblée permanente des chambres d’agriculture. L’amendement n° 800 vise simplement à réparer cette anomalie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 800.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 510 rectifié, présenté par MM. S. Larcher, Patient, Mohamed Soilihi et J. Gillot, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 32

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – À l’article L. 681-3 du même code, après les mots : « sont exercées », sont insérés les mots : « par l'établissement public dénommé Office de développement de l´économie agricole des départements d'outre-mer » et les mots : « à l'établissement chargé de les exercer » sont remplacés par les mots : « à cet établissement public ».

La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Monsieur le ministre, je me félicite que le projet de loi reconnaisse le rôle de l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer, l’ODEADOM, acteur prépondérant de l’accompagnement des professionnels du monde agricole ultramarin.

Afin de donner toute sa légitimité à cet organisme et d’assurer une égalité de traitement avec l’établissement public FranceAgriMer, il convient que l’ODEADOM figure aussi dans la partie législative du code rural et de la pêche maritime.

Telle est la raison d’être de cet amendement : il vise à sanctuariser l’existence d’un établissement dont le présent projet de loi reconnaît l’expertise en ce qui concerne les orientations agricoles à destination des outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il s’agit d’un amendement d’une grande importance symbolique : il est normal que FranceAgriMer et l’ODEADOM soient placés sur le même pied. Une fois de plus, monsieur Larcher, la commission est favorable à l’un de vos amendements !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 510 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 472 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Patient et Antiste, Mme Claireaux et MM. Mohamed Soilihi et Tuheiava, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Rédiger ainsi cet alinéa :

V. – Un décret peut apporter des adaptations à l'application règlementaire de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme dans les départements d'outre-mer.

La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. La rédaction qui nous est proposée par la commission à l’alinéa 33 de l’article 36 est assez alambiquée. Si l’on se reporte aux textes auxquels renvoient les références visées, on comprend que l’alinéa 33 donne au Gouvernement la compétence d’adapter, pour les collectivités d’outre-mer, la législation relative aux projets d’intérêt général.

Pour un sénateur ultramarin, il est toujours frustrant de constater que la compétence exercée par ses pairs pour la métropole est déléguée au Gouvernement lorsqu’il s’agit des collectivités d’outre-mer, et ce même au moyen de la procédure la plus lourde, à savoir un décret en Conseil d’État.

C’est pourquoi, un peu par provocation, je propose que le Gouvernement puisse adapter le régime réglementaire des projets d’intérêt général à la situation des collectivités d’outre-mer et qu’il laisse au Parlement le soin de modifier le régime législatif, en particulier lorsque le projet de loi qui est soumis à notre assemblée comporte un titre spécifique important consacré à nos territoires.

En effet, une adaptation du régime des projets d’intérêt général est nécessaire pour les collectivités d’outre-mer, mais seulement pour ce qui concerne le régime réglementaire. Elle vise la durée des projets qui est limitée à trois ans aux termes du second alinéa de l’article R. 121-4 du code de l’urbanisme.

Un projet d’intérêt général est créé par un arrêté préfectoral qui expire trois ans après sa notification. À moins d’un renouvellement exprès, le projet est remis en cause et le droit commun de l’urbanisme reprend son empire sur la parcelle dans laquelle se situe le projet.

Or la plupart des collectivités ultramarines connaissent une forte pression foncière : lorsqu’un projet d’intérêt général qui intéresse la mise en valeur des ressources naturelles ou l’aménagement agricole et rural arrive à échéance, il est toujours à craindre pour les usagers agricoles que le sanctuaire que constitue le projet ne disparaisse et que la parcelle ne soit destinée à l’aménagement urbain.

Face à cette insécurité juridique, il serait souhaitable que la durée des projets d’intérêt général en outre-mer soit allongée en raison de la pression foncière particulière dans les collectivités insulaires. Les agriculteurs demandent souvent que ce laps de temps soit porté à dix ans ; le Gouvernement saura déterminer la durée la plus adéquate pour le respect des intérêts de chacun. Il pourrait aussi, pourquoi pas ?, prévoir un régime de classification en projet d’intérêt général associé à un régime de déclassification, ce qui permettrait d’adapter cette contrainte forte sur l’urbanisme aux nécessités locales réelles.

Cependant, j’en conviens, ces mesures attendues relèvent du domaine réglementaire. Monsieur le ministre, craignant que vous ne me demandiez de retirer mon amendement, je vous interroge d’ores et déjà sur la portée des modifications législatives que vous souhaitez apporter au régime des projets d’intérêt général pour les collectivités d’outre-mer. Vous l’avez compris, ce régime législatif nous convient ; nous vous demandons simplement une modification d’une norme réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je comprends bien votre propos, monsieur Antoinette : il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à adapter la durée des projets d’intérêt général et donc les dispositions réglementaires applicables à ces derniers dans les outre-mer. Je ne peux pas émettre un avis favorable. Cependant, je suis sûr que M. le ministre trouvera les mots pour vous convaincre et que, au terme de son explication, vous retirerez votre amendement.

L’objectif est non pas de remettre en cause ces projets, mais simplement d’en ajuster la durée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Antoinette, tout d’abord, une partie de votre amendement semble satisfaite par l’alinéa 33 de l’article 36.

Pour ce qui concerne la durée des projets d’intérêt général et la norme réglementaire qu’il faudrait laisser, si j’ai bien compris, à l’appréciation des territoires eux-mêmes, ces questions dépassent le présent projet de loi. Alors que le cadre législatif de ce type de projet est défini par la loi, l’adaptation de la norme réglementaire, qui n’est donc plus du domaine de la loi, serait transférée pour partie aux territoires. C’est bien compliqué !

En réalité, quel est l’enjeu ? La réduction de la pression foncière, la non-régulation du foncier pénalisant – j’en suis parfaitement conscient et j’en ai parlé lors des travaux en commission – dans un certain nombre de territoires d’outre-mer les espaces forestier et agricole.

Il faut que l’on intègre ces éléments ainsi qu’une meilleure gestion des plans d’urbanisme dans la réflexion que je vous ai promise pour la deuxième lecture, ce qui nécessite un ajustement. Je le répète, l’enjeu est toujours le même, que ce soit en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, peut-être un peu moins à la Réunion : la pression foncière. Nous devons donc trouver, au travers de ces amendements d’appel, les moyens de préciser en deuxième lecture les règles, les outils que nous allons mettre en place afin de satisfaire les objectifs recherchés. Je vous renvoie par conséquent, pour partie, monsieur le sénateur, à la deuxième lecture.

M. le président. Monsieur Antoinette, l'amendement n° 472 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Étienne Antoinette. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 472 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 36, modifié.

(L'article 36 est adopté.)

Article 36 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 37 (priorité)

Article additionnel après l'article 36 (priorité)

M. le président. L'amendement n° 475 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Patient et Antiste, Mme Claireaux et MM. Mohamed Soilihi et Tuheiava, est ainsi libellé :

Après l'article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 321-21 du code de l'urbanisme, il est inséré un article L. 321-21–… ainsi rédigé :

« Art. L. 321–21–… – Le président de l'établissement public d'aménagement est élu par le conseil d'administration parmi les représentants des collectivités territoriales qui siègent en son sein lors de la réunion de droit qui suit l'installation du conseil. Pour cette élection, il est présidé par son doyen d'âge, le plus jeune membre faisant fonction de secrétaire.

« Le conseil d'administration ne peut dans ce cas délibérer que si les deux tiers de ses membres sont présents. Si cette condition n'est pas remplie, la réunion se tient de plein droit un mois plus tard. La réunion peut alors avoir lieu sans condition de quorum.

« Le président est élu à la majorité absolue des membres du conseil d'administration. Si cette élection n'est pas acquise après les deux premiers tours de scrutin, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative des membres du conseil d'administration. En cas d'égalité des voix, l'élection est acquise au bénéfice de l'âge.

« Il est suppléé, en cas d'absence ou d'empêchement, par le préfet. »

La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement, moins technique que le précédent, est plus démocratique. Il vise à intégrer dans la loi les conditions de désignation du président d’un établissement public d’aménagement et à poser le principe de son élection plutôt que d’une nomination par décret.

Les établissements publics d’aménagement ne sont pas une création de l’ordonnance n°2011-1068 puisque plusieurs établissements de ce type ont déjà été créés, tel l’établissement public d’aménagement en Guyane, l’EPAG. Leur mission est de réaliser des opérations foncières pour le compte de l’État ou des collectivités locales, que ce soit la constitution de réserves foncières ou la mise en œuvre de la compétence de préemption, mais aussi d’aménager les territoires urbains et ruraux.

Or la nomination par décret du président de cet établissement pose un problème pratique : l’opposition des représentants des élus au sein du conseil d’administration à la nomination par le pouvoir réglementaire aboutit parfois à des situations de blocage qui nuisent à l’action de l’établissement pendant une longue période. Il convient donc que la désignation du président résulte d’une élection interne plutôt que d’une nomination par décret, afin de garantir la sérénité entre les collectivités locales du ressort de l’établissement public et ce dernier.

Si cet amendement n’est pas retenu, il semble possible que l’autorité compétente pour la création des établissements publics d’aménagement s’inspire de l’article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, selon lequel le président de certains établissements publics est nommé, certes par décret, mais sur proposition du conseil d’administration.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous connaissons bien la situation de blocage de l’établissement public d’aménagement en Guyane. Je comprends fort bien votre question, mon cher collègue.

Tout d’abord, votre amendement ne se limite pas au seul EPAG, mais vise tous les établissements publics d’aménagement. Or je ne pense pas que l’on puisse procéder à une telle modification de la législation. Vous me rétorquerez que vous pourriez rectifier cet amendement afin qu’il porte uniquement sur la Guyane…

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un cavalier qui surgit hors de la nuit : cette disposition aurait dû figurer dans la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, et non dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Voyons de quelle manière peuvent évoluer les difficultés relationnelles entre les élus et l’État en Guyane.

Toutefois, je ne pense pas que la situation de blocage de l’EPAG doive avoir pour conséquence de changer le régime de l’ensemble des établissements publics d’aménagement. C’est la raison pour laquelle, monsieur Antoinette, je suis au regret de vous demander le retrait de votre amendement, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. À la réflexion, les amendements précédents, nos 510 rectifié et 472 rectifié, vont également réclamer une jonction extrêmement délicate avec le code de l’urbanisme ; il s’agit du même sujet.

Ces questions entrent bien dans le cadre du présent projet de loi et concernent les terres agricoles, mais en même temps est également visé le droit de l’urbanisme.

Je ne sais pas s’il s’agit d’un cavalier qui surgit hors de la nuit et quel est le Zorro qui arrivera bientôt… (Sourires.) Cependant, pour les raisons évoquées précédemment, je suis obligé d’émettre, à regret, un avis défavorable. Ces questions relatives à l’agriculture, au foncier et à l’urbanisme méritent d’être éclaircies, afin de préciser les choses lors de la deuxième lecture.

M. le président. Monsieur Antoinette, l'amendement n° 475 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Étienne Antoinette. Non, je le retire, monsieur le président. Mais nous attendons la deuxième lecture.

M. le président. L'amendement n° 475 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 36 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 3

Article 37 (priorité)

(Non modifié)

Le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à la réorganisation et à la révision des dispositions de nature législative particulières à l’outre-mer en vigueur à la date de publication de l’ordonnance, au sein du code rural et de la pêche maritime, en vue :

1° De regrouper et ordonner ces dispositions de manière cohérente dans un titre spécifique au sein de chacun des livres de ce code ;

2° De remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, en incluant les dispositions de nature législative qui n’auraient pas été codifiées et en adaptant le plan et la rédaction des dispositions codifiées ;

3° D’abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;

4° D’assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, d’harmoniser l’état du droit et de l’adapter au droit de l’Union européenne ainsi qu’aux accords internationaux ratifiés ;

5° D’adapter, le cas échéant, ces dispositions à l’évolution des caractéristiques et contraintes particulières aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ;

6° D’adapter les renvois faits, respectivement, à l’arrêté, au décret ou au décret en Conseil d’État à la nature des mesures d’application concernées ;

7° D’étendre, le cas échéant, dans le respect des règles de partage des compétences prévues par la loi organique, l’application de ces dispositions, selon le cas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, et de procéder, si nécessaire, à l’adaptation des dispositions déjà applicables à ces collectivités ;

8° De mettre les autres codes et lois qui mentionnent ces dispositions en cohérence avec la nouvelle rédaction adoptée.

Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons ainsi achevé l’examen des dispositions du titre VI, appelé par priorité.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Mes chers collègues ultramarins, je voudrais particulièrement vous féliciter. L’ensemble des membres de cette assemblée seront d’accord avec moi : quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous avez beaucoup travaillé. De nombreux amendements, pour ne pas dire la quasi-totalité de ceux que vous avez déposés, ont été retenus à la fois par la commission et par le Gouvernement, ce qui montre bien que le volet outre-mer a sa place dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ce volet ne comprend que quelques articles, mais ceux-ci sont très importants. Vous avez pu, les uns et les autres, améliorer la situation de vos territoires.

Des engagements ont été pris par le ministre pour la deuxième lecture, sur lesquels j’en suis sûr, monsieur Antoinette, vous travaillerez beaucoup. Selon moi, à l’issue de celle-ci, nous nous apercevrons que les dispositifs mis en place dans le présent projet de loi auront des effets bénéfiques dans les territoires ultramarins dont la spécificité aura été prise en compte. Nous pouvons tous nous en féliciter et vous remercier, quelles que soient, je le répète, les travées sur lesquelles vous siégez, du travail collectif que vous avez effectué, et des bons résultats que vous avez obtenus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Je souhaite simplement souligner en quelques mots le travail utile que nous avons réalisé pour les outre-mer.

Vous avez contribué, mesdames, messieurs les sénateurs, en participant ainsi à la discussion de ce projet de loi, à tenir l’engagement du Président de la République.

Je voudrais évidemment vous remercier de votre implication, ainsi que mon collègue M. Le Foll de son soutien constant à l’outre-mer.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en revenons à l’examen des dispositions du titre Ier.

TITRE Ier (suite)

PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE DES FILIÈRES AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES

M. le président. Nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 3, dont je rappelle les termes :

Article 37 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Articles additionnels après l’article 3 (début)

Article 3 (suite)

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre Ier du livre III est complété par des articles L. 311-4 à L. 311-7 ainsi rédigés :

« Art. L. 311-4. – Peut être reconnu comme groupement d’intérêt économique et environnemental, toute personne morale dont les membres portent collectivement un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs systèmes ou modes de production agricole et de leurs pratiques agronomiques en visant une performance à la fois économique, sociale et environnementale. Le projet pluriannuel contribue à renforcer la performance sociale en mettant en œuvre des mesures de nature à améliorer les conditions de travail des membres du groupement et de leurs salariés, à favoriser l’emploi ou à lutter contre l’isolement en milieu rural.

« Cette personne morale doit comprendre plusieurs exploitants agricoles et peut comporter d’autres personnes physiques ou morales, privées ou publiques. Les exploitants agricoles doivent détenir ensemble la majorité des voix au sein des instances du groupement.

« La reconnaissance de la qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental est accordée par le représentant de l’État dans la région à l’issue d’une sélection.

« La qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental est reconnue pour la durée du projet pluriannuel. »

« Art. L. 311-5. – Pour permettre la reconnaissance d’un groupement comme groupement d’intérêt économique et environnemental, le projet pluriannuel mentionné à l’article L. 311-4 doit :

« 1° Associer plusieurs exploitations agricoles sur un territoire cohérent leur permettant de favoriser des synergies ;

« 2° Proposer des actions relevant de l’agro-écologie permettant d’améliorer les performances économique, sociale et environnementale de ces exploitations, notamment en favorisant l’innovation technique, organisationnelle ou sociale et l’expérimentation agricoles ;

« 3° Répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux du territoire où sont situées les exploitations agricoles concernées, notamment ceux identifiés dans le plan régional de l’agriculture durable mentionné à l’article L. 111-2-1 et en cohérence avec les projets territoriaux de développement local existants ;

« 4° Prévoir les modalités de diffusion et de réutilisation des résultats obtenus sur les plans économique, environnemental et, le cas échéant, social.

« Art. L. 311-5-1 (nouveau). – Un décret définit le cadre national pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 311-4 et L. 311-5. Il fixe :

« 1° La procédure de reconnaissance de la qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental, en particulier les conditions de présentation au représentant de l’État dans la région du projet pluriannuel du groupement ;

« 2° Les types de critères économiques, environnementaux et sociaux pouvant être pris en compte pour l’évaluation de la qualité du projet ;

« 3° Les modalités de suivi, de capitalisation et de diffusion des résultats obtenus sur les plans économiques, environnementaux et sociaux ;

« 4° Les conditions dans lesquelles la qualité de groupement d’intérêt économique et environnemental peut être retirée.

« Art. L. 311-6. – (Non modifié) Les actions menées dans le cadre de leur projet pluriannuel par les agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental au bénéfice d’autres agriculteurs membres sont présumées relever de l’entraide au sens de l’article L. 325-1.

« Art. L. 311-7. – (Non modifié) Tout ou partie des actions prévues dans le projet pluriannuel mentionné à l’article L. 311-4 peuvent bénéficier de majorations dans l’attribution des aides publiques. » ;

1° bis Après l’article L. 325-1, il est inséré un article L. 325-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 325-1-1. – (Non modifié) Sont également considérés comme relevant de l’entraide au sens de l’article L. 325-1, sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable, les échanges, entre agriculteurs, de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences ou de plants destinés à être commercialisés. » ;

2° (Supprimé)

3° (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 325-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « y compris ceux entrant dans le prolongement de l’acte de production ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 323 rectifié bis est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 517 rectifié est présenté par MM. Lasserre et Dubois, Mme N. Goulet, MM. Guerriau, Merceron et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’accompagnement, le suivi, la capitalisation et la diffusion des innovations des groupements d’intérêt économique et environnemental sont assurés par les organismes de développement agricole, dont les têtes de réseau auront conclu avec l’État un contrat d’objectifs ou un programme pluriannuel de développement agricole et rural dans des conditions définies par décret.

La parole est à M. Gérard César, pour présenter l'amendement n° 323 rectifié bis.

M. Gérard César. Après avoir voyagé à travers le monde, en particulier dans les territoires d’outre-mer au sujet desquels nous avons eu un excellent débat – j’en suis fort aise, comme disait la fourmi ! –, revenons maintenant à des choses plus terre à terre.

Cet amendement, identique à l’amendement n° 517 rectifié de M. Lasserre et quasi identique à celui que défendra M. Mézard, concerne l’accompagnement et le suivi des groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, qui sont assurés par les organismes de développement agricole, très proches des chambres d’agriculture. Dans le département que j’ai l’honneur de représenter, qui est le plus grand de France, nous avons mis en place des structures appelées « associations de développement agricole et rural ». Ces organismes pourraient utilement accompagner et conseiller les GIEE.

J’ajoute que les têtes de réseau des organismes de développement agricole concluent avec l’État, autrement dit avec le préfet du département, un contrat d’objectifs ou un programme pluriannuel. Le rapporteur, M. Guillaume, a aujourd'hui insisté très fortement pour qu’il en soit ainsi, car les préfets dans leurs départements sont plus concernés que les présidents de région.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour présenter l'amendement n° 517 rectifié.

M. Jean-Jacques Lasserre. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu par M. César.

Nous sommes, bien entendu, favorables à la création des GIEE, parce qu’ils peuvent être des facteurs d’amélioration. Je le dis très sincèrement, la nouveauté pourrait sécréter une initiative. La formule est intéressante.

La composition de ces groupements me semble équilibrée et ne suscite pas de remarque de ma part. Je ne ferai pas non plus de commentaire sur leur reconnaissance – si j’ai bien lu le texte, le rôle du préfet y est très affirmé. Le fameux triptyque performances économique, sociale et environnementale est également intéressant.

Cela étant, au 4° de l’alinéa 11 sont évoquées les modalités de diffusion et de réutilisation des résultats obtenus. Le présent amendement vise simplement à formaliser cette disposition et à reconnaître – c’est très proche de ce qu’a demandé M. César – la compétence des organismes classiques de développement en matière de diffusion et de réutilisation des résultats.

Il serait fort dommage de ne pas s’appuyer sur une initiative qui produira ses fruits et de ne pas en faire profiter l’ensemble du monde agricole via les réseaux classiques de développement.

M. le président. L'amendement n° 371 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'accompagnement, la diffusion et la réutilisation des résultats obtenus sur les plans économique, environnemental et, le cas échéant, social, sont assurés par les organismes de développement agricole, dont les têtes de réseau auront conclu avec l'État un contrat d'objectifs ou un programme pluriannuel de développement agricole et rural dans des conditions définies par décret.

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Cet amendement vise à préciser le vecteur de diffusion des actions menées dans le cadre des groupements d’intérêt économique et environnemental.

Soucieux de mieux faire partager les expériences au sein de ces groupements, les députés ont complété l’article 3, afin que soient prévues les modalités de diffusion et de réutilisation des résultats obtenus sur les plans économique, environnemental et éventuellement social. Cette excellente initiative participera positivement au développement des GIEE et, in fine, au changement des pratiques agricoles.

Il convient, cependant, de préciser dans le projet de loi le principe de la mise en réseau de ces résultats qui serait assurée par les organismes de développement agricole dans un cadre défini par décret. Ces organismes, qui sont pleinement engagés dans le programme national de développement agricole et rural, ont l’expérience de la collecte et de la diffusion des bonnes pratiques.

M. Gérard César. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ces trois amendements font suite aux deux amendements que nous avons examinés précédemment, je pense au grand débat que nous avons eu avec M. Longuet.

Les arguments sont ici les mêmes. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez donner le monopole du suivi des résultats des GIEE aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale, les ONVAR. Quid des collectivités locales, des communes, des intercommunalités, des départements ?

Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 11 est beaucoup plus ouvert. Nous avons eu ce débat tout à l’heure et je pensais que nous étions d’accord, même s’il est bien évident que les ONVAR ont un rôle très important à jouer.

Je suis très heureux, monsieur Lasserre, que vous ayez reconnu l’intérêt des GIEE et insisté sur notre volonté commune de les voir réussir. Nous sommes ravis de la création de cet outil. Maintenant, il faut l’utiliser et faire en sorte qu’il fonctionne. Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir eu la franchise d’admettre que les GIEE étaient un bel instrument.

Cela étant, la commission demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable, car ils sont beaucoup trop restrictifs. Pourquoi brider les acteurs et exclure d’emblée tous ceux qui n’ont pas la reconnaissance en tant qu’ONVAR de la possibilité de jouer un rôle moteur dans le suivi, la diffusion et l’accompagnement des actions des GIEE, à savoir une commune, une intercommunalité, un département ?

M. Gérard César. Ce n’est pas leur rôle !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je partage votre point de vue, monsieur César, ce n’est certes pas aux présidents de région de s’occuper de ça !

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est le rôle du préfet, faute de quoi le texte risquerait d’être dévoyé.

En revanche, comme tout à l’heure lorsqu’il a été question de la nuance entre « doit » et « peut », laissons ouverte la possibilité que cette tâche soit accomplie par d’autres que les ONVAR. C’est la même argumentation qui prévaut ici : il serait préférable pour tous et pour la réussite des GIEE de ne pas brider les acteurs et de ne pas exclure tous ceux qui ne sont pas des ONVAR.

Je peux comprendre l’argumentation soutenue, mais je ne la partage pas parce qu’elle ne va pas dans le sens que nous voulons, à savoir faire des GIEE des structures ouvertes dans lesquelles les uns et les autres peuvent s’exprimer. C’est écrit dans le projet de loi : les agriculteurs doivent être majoritaires en leur sein et ne pourront donc pas être dépossédés de la décision finale. Celle-ci, par conséquent – et c’est cela qui semble vous faire peur –, n’appartiendra pas à des associations pour la protection de la nature ou à une quelconque autre association ; elle appartiendra nécessairement aux agriculteurs et au milieu agricole.

C’est pourquoi je demande à leurs auteurs respectifs de retirer ces amendements au profit de la rédaction du texte que nous avons retenue et améliorée tout à l’heure, qui est plus ouverte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

Je constate que finalement, les GIEE suscitent l’intérêt. Chacun a bien compris que, derrière ces groupements, il y a un potentiel de développement. C’est déjà un point très important pour le ministre que je suis.

Ayant dit cela, je m’en tiens à l’argumentation qui vient d’être développée par M. le rapporteur. Certes, les associations œuvrant en faveur du développement ou d’autres peuvent être partenaires de ces GIEE, l’essentiel reste néanmoins que leur gouvernance n’échappera pas aux agriculteurs. C’est clairement indiqué dans le texte du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Après avoir écouté attentivement M. le rapporteur, je voudrais préciser un point.

Nous débattons bien d’un projet de loi d’avenir pour l’agriculture. Vous nous dites – et c’est heureux, d’ailleurs – que les GIEE compteront une majorité d’agriculteurs. Ce serait manquer l’objectif si tel n’était pas le cas. Puisque ceux-ci sont très directement concernés par ces GIEE, il paraît évident et assez naturel que la capitalisation, la diffusion des bonnes pratiques, des bons projets, des projets devant être développés se fasse par les réseaux de développement agricole. C’est cohérent. Je ne comprends pas votre crainte à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lasserre. J’ai l’impression que nous ne nous comprenons pas. De notre point de vue, il ne s’agit pas de favoriser l’entrée des organismes consulaires dans le fonctionnement des GIEE. Ceux-ci sont souverains, leur composition, comme je l’ai indiqué, est bonne et je ne vois pas pour quelle raison les chambres consulaires et les organismes de développement agricole participeraient à leur fonctionnement.

En revanche, il serait dommage de priver l’environnement, au titre de l’exemplarité, au titre de l’ingéniosité, au titre de la richesse de l’initiative, des fruits de la réflexion et des actions conduites par ces GIEE. En dehors des organismes de développement agricole, je ne vois pas qui pourrait remplir cette mission. C’est bien de cette mission que nous parlons, et non pas du fonctionnement des GIEE, qui effectivement sont ouverts, ce que j’ai salué. Il s’agit de la diffusion du progrès ni plus ni moins.

M. Gérard César. Et l’accompagnement !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat, mais je veux revenir sur une chose toute simple : tout à l’heure, M. le ministre nous a montré la plaquette relative aux GIEE. Si ces amendements étaient adoptés, il ne pourrait même plus communiquer là-dessus puisqu’il ne serait plus chargé de la diffusion de cette plaquette. (Marques de dénégation sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mais si ! C’est ce qui est écrit dans vos amendements !

M. Jean-Jacques Lasserre. C’est l’esprit !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je parle non pas de l’esprit, mais de ce qui est écrit dans vos amendements ! Si vous retirez le mot « diffusion », on peut parler d’une coproduction ; en revanche, si vous le maintenez, cela signifie que ce sont exclusivement les ONVAR.

Il y a là deux conceptions différentes : vous voulez dessaisir le Gouvernement et le préfet de région de leurs prérogatives…

M. Gérard César. Pas du tout !

M. Didier Guillaume, rapporteur. … puisque vous réservez aux ONVAR l’exclusivité de la diffusion. C’est ce qui est écrit dans ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 323 rectifié bis et 517 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission, ainsi que celui du Gouvernement, est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 161 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 168
Contre 156

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

En conséquence, l’amendement n° 371 rectifié n'a plus d'objet.

L'amendement n° 262 rectifié, présenté par M. Patriat, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après les mots :

au représentant de l’État dans la région

insérer les mots :

et au représentant du conseil régional

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 681 rectifié, présenté par Mmes Nicoux et Bourzai, MM. Camani et Mazuir, Mme Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Dilain, Fauconnier et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même, sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable, des échanges, entre agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental, de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences ou de plants destinés à être commercialisés.

II. – Alinéas 19 et 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Le présent amendement a pour objet de simplifier les dispositions de l’article 3 du projet de loi en définissant, dans un seul et même article du code rural et de la pêche maritime, les actions du groupement d’intérêt économique et environnemental qui sont présumées relever de l’entraide.

Le projet de loi prévoit en effet de faciliter les actions collectives au sein des GIEE en considérant que celles qui y sont menées relèvent de l’entraide, comme définie à l’article L. 325–1 du code précité.

Ainsi, nous encourageons le développement de ces GIEE par le biais d’une forme de coopération souple et adaptée aux objectifs visés par le présent projet de loi.

Par là même, nous répondons à une attente forte du monde agricole, à savoir la simplification, car l’entraide permet de lever un certain nombre de freins réglementaires tout en faisant bénéficier les agriculteurs concernés d’un régime fiscal spécifique.

M. le président. L'amendement n° 312, présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéas 19 et 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Par cet amendement, nous entendons interdire des échanges de semences entre agriculteurs.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Supprimer les mots :

sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable,

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. La loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon a reconnu que l’utilisation des semences de ferme ne constitue pas une contrefaçon. Ce texte portant sur les moyens de lutter contre les contrefaçons n’est, par voie de conséquence, pas applicable à ces semences.

Cette exception agricole qu’attendaient nombre d’agriculteurs face au pouvoir des obtenteurs de variétés végétales est une avancée importante.

Bien que cette exception ne s’applique qu’aux espèces dérogatoires, en pratique, la loi susvisée contrecarre les démarches des obtenteurs visant à réclamer des royalties ou à faire saisir et détruire des récoltes.

Mais, bien entendu, cette loi ne s’applique pas aux espèces non dérogatoires et encore moins aux espèces soumises à des certificats d’obtention végétale.

Aussi, nous continuons à vouloir faire reconnaître le droit de ressemer et l’autonomie paysanne face à l’agro-industrie et à affirmer que les semences de ferme, toutes les semences de ferme, ne sont pas des contrefaçons.

C’est pourquoi nous souhaitons voir retirer la mention « sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable ».

M. le président. L'amendement n° 597, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Par dérogation, des échanges de semences sont autorisés en cas de circonstances climatiques exceptionnelles ou de pénurie.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L’article 3 du projet de loi a trait à l’entraide au sens de l’article L. 325–1 du code rural et de la pêche maritime.

En commission, nous avons fait adopter un amendement visant à élargir l’entraide aux actes entrant dans le prolongement de l’acte de production. Par cet amendement, nous vous demandons encore une fois d’élargir le champ de l’entraide et d’admettre une petite exception en cas de circonstances climatiques exceptionnelles ou de pénurie de semences.

Il ne s’agit pas là d’une hypothèse d’école : il peut arriver que le gel de nombreuses cultures d’hiver en France et en Europe nécessite de tels échanges sans condition.

Par le passé, si les agriculteurs n’avaient pas eu recours aux traditionnels échanges de leurs semences, de nombreuses parcelles n’auraient pas pu être ressemées.

Il s’agit donc, par cet amendement de repli, de permettre des échanges de semences en raison de circonstances climatiques exceptionnelles ou de pénurie qui nécessiteraient la réactivité des agriculteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Si ces quatre amendements portent sur le même sujet, on peut dire que les dispositions qu’ils préconisent font le grand écart !

L’amendement n° 681 rectifié vise à resserrer quelque peu les choses, puisque ses auteurs prévoient, à juste titre, que les échanges ne pourront se pratiquer qu’entre partenaires au sein d’un GIEE, afin d’éviter toute dérive.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 124 défendu par M. Labbé et un avis favorable sur l’amendement n° 681 rectifié, dont les dispositions ne posent, à mon sens, aucun problème.

S’agissant de l’amendement n° 312, je demande à M. César de bien vouloir le retirer, et de se rallier à l’amendement n° 681 rectifié. En effet, il souhaite tout simplement supprimer les échanges de semences dans le cadre de l’entraide. Toutefois, une telle pratique devrait s’inscrire sans difficultés au sein d’un GIEE, dans la mesure où il s’agit d’innover, de créer de nouvelles façons de se comporter.

Quant à l’amendement n°597, qui vise des circonstances exceptionnelles ou de pénurie, je pense que, dans ces cas, des solutions exceptionnelles seraient trouvées. Le Gouvernement, les autorités sanitaires prendraient leurs responsabilités. Au demeurant, il ne paraît pas possible d’inscrire une telle mesure dans la loi. Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je connais bien le débat sur les échanges et les semences. M. le rapporteur l’a dit très justement, on observe, sur ces questions, des « grands écarts ».

Quelle est la règle posée dans le cadre d’un GIEE, qui est un groupement d’agriculteurs ? Ces derniers peuvent, au nom de l’entraide, s’échanger des semences. Il s’agit d’une règle simple, et je ne vois pas l’intérêt de chercher à la compliquer. Car plus les normes sont compliquées, moins elles s’appliquent !

Pour tous ceux qui sont attachés à la multiplication des semences de ferme, ce principe permet de s’organiser dans un cadre parfaitement clair en termes juridiques, celui de l’entraide.

Par ailleurs, il y a ceux, comme M. César, qui souhaitent que l’on s’en tienne au cadre habituel des échanges et des achats de semences.

Quant à M. Le Cam, il envisage des cas de pénurie, au nom d’un principe d’anticipation. Mais de quelle pénurie parle-t-il ? Au sein d’un GIEE, la pénurie concerne tout le monde ! Dans ce cas, monsieur le sénateur, les échanges de semences de ferme, que vous défendez, ne peuvent suffire, et vous voyez bien que les agriculteurs devront alors se tourner vers l’achat de semences, que vous contestez par ailleurs. Je ne comprends donc pas l’intérêt de votre amendement.

Ainsi, le Gouvernement suit la position de la commission, aussi bien en ce qui concerne l’analyse du sujet que les amendements proprement dits.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Connaissant le secteur des semences conventionnelles, je souhaite expliquer mon vote sur ces amendements.

La France a la chance d’avoir la filière semencière la plus performante au monde et elle est enviée pour cela. De ce fait, sa balance commerciale connaît un excédent assez exceptionnel. À cette heure avancée de la nuit, vous me pardonnerez, mes chers collègues, de ne pas vous donner de chiffres.

Qu’il y ait ou non GIEE, le problème fondamental reste l’abstraction de règles sanitaires.

M. Jean Bizet. En effet, le fait d’échanger des semences de ferme fait courir le risque de nous abstraire de ces règles. Regardez l’évolution de la filière semencière britannique ! Elle est aujourd'hui totalement inexistante, tout simplement parce que nos amis anglo-saxons ont voulu jouer le libéralisme à outrance, si bien qu’ils ne fabriquent plus de semences conventionnelles. Je ne parle pas des autres types de semences.

Pour moi, le problème n’est pas de savoir si l’échange de semences entre ou non dans le cadre d’un GIEE. La difficulté est d’ordre sanitaire. Elle concerne également l’organisation d’une filière. Si on met le doigt dans cette dérive, on aboutit à une fragilisation du secteur semencier français.

M. Gérard César. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’entends bien les craintes qui sont exprimées ce soir. Je tiens donc à relire l’alinéa 20 de l’article 3 du projet de loi, soit le nouvel article L. 325-1-1 du code rural et de la pêche maritime : « Sont également considérés comme relevant de l’entraide au sens de l’article L.325-1, sans préjudice de la réglementation qui leur est applicable, les échanges, entre agriculteurs, de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences ou de plants destinés à être commercialisés. »

Rien, juridiquement, ne peut être plus clair s’agissant de la protection du certificat d’obtention végétale, dont j’ai toujours été un protecteur acharné. Je n’ai jamais varié sur ce sujet. Ce n’est pas parce que le texte prévoit l’entraide dans les GIEE qui le souhaitent, je le répète, que ma position a changé. C’est toujours la même histoire ! Nous ne sommes pas en train de fixer des règles qui s’appliqueront de manière systématique. Nous l’avons bien dit, les GIEE sont des groupements qui seront composés d’une majorité d’agriculteurs et dirigés par des agriculteurs. Je rappelle également, monsieur Bizet, que vous avez fait inscrire dans un amendement adopté tout à l’heure la volonté de ne surtout pas laisser trop d’espace et de bien donner à la profession agricole la maîtrise de ces groupements.

À chaque fois, vous nous faites un mauvais procès ! Monsieur Bizet, je connais les débats sur les OGM, nous aurons l’occasion d’examiner cette question au moment des discussions du Haut Conseil des biotechnologies.

M. Jean Bizet. Je n’ai évoqué que les semences conventionnelles !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je l’ai toujours dit, le système français du certificat d’obtention végétale doit être préservé. Aujourd'hui, il s’agit d’ouvrir une possibilité, dans un cadre juridique parfaitement défini, celui de l’entraide, qui existe en agriculture. Franchement, on ne découvre pas la lune ! L’entraide, ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui l’ont créée ; elle a été réglementée, codifiée ! Nous utilisons le principe de l’entraide pour leur permettre d’échanger des semences dans un cadre réglementaire, qui s’applique, par définition, pour ce qui concerne les questions sanitaires. Je ne comprends pas ce qui pourrait justifier vos suspicions en la matière.

La sincérité, la vérité et la clarté caractérisent le présent texte. Il n’y a rien à subodorer dans les possibilités offertes aux agriculteurs. Rien ne vise à remettre en cause le certificat d’obtention végétale.

D’ailleurs, au cours des débats que nous avons eus, à chaque fois que vous avez évoqué ce sujet, j’ai rappelé que la France est devenue le premier exportateur mondial de semences. Si le système était si mauvais ou s’il avait été remis en cause, cela se saurait !

M. Jean Bizet. Vous êtes en train de le fragiliser !

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’entraide entre agriculteurs a-t-elle fragilisé quoi que ce soit, qu’il s’agisse du matériel agricole, du travail agricole ou d’un autre domaine ? En revanche, elle peut apporter quelque chose, pour ceux qui le souhaitent. Il n’y a rien de plus simple.

D’ailleurs, un syndicat agricole, que vous connaissez – il n’est pas majoritaire, mais n’est pas non plus proche de thèses progressistes –, revendique depuis des années la possibilité de développer des systèmes d’échanges et d’achats de semences entre céréaliers. Il s’agit non pas de la Confédération paysanne, mais de la Coordination rurale. Tous ceux qui sont dans les grandes zones céréalières la connaissent ! Elle ne cherche à remettre en cause ni le certificat d’obtention végétale, ni la compétitivité, ni la production ! En général, elle est plutôt attachée à tout cela.

Je l’affirme, ce texte ne vise pas à affaiblir les règles existantes concernant le certificat d’obtention végétale, auquel je reste très attaché.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 681 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 312, 124 et 597 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 760, présenté par M. Guillaume, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

actions

insérer les mots :

en faveur de l'agriculture

La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cet amendement vise à réserver les aides attribuées aux GIEE aux actions en faveur de l’agriculture. Monsieur César, je sais que vous serez favorable à cette disposition. Elle répond en effet à une préoccupation du milieu agricole.

Il ne s’agit pas ici de faire bénéficier les seuls agriculteurs de ces aides. En effet, les GIEE devant pouvoir mener une palette d’actions diversifiées, les aides versées doivent revenir indirectement ou directement aux agriculteurs. Au demeurant, il est nécessaire d’encadrer plus strictement la possibilité de bénéficier de majorations d’aides dans le cadre d’un GIEE.

Je le répète, seules les actions en faveur de l’agriculture doivent pouvoir être soutenues par des aides publiques. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 760.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 367 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 756 rectifié est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 18

Après le mot :

peuvent

insérer les mots :

permettre aux agriculteurs membres du groupement de

La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 367 rectifié.

M. Yvon Collin. Par la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, le projet de loi tend à encourager une dynamique, destinée notamment à faire bénéficier les exploitants des expériences des uns et des autres.

Selon l’un des dispositifs prévus par l’article 3, la reconnaissance en tant que GIEE peut entraîner une majoration des aides publiques. Cette possibilité est offerte par le nouveau règlement de la politique agricole commune, et il est en effet intéressant, dans le cadre du verdissement des aides, de la mettre en œuvre pour les GIEE.

Cependant, afin d’éviter les effets d’aubaine, le présent amendement vise tout simplement à exclure les membres des GIEE non agriculteurs du bénéfice de ces aides.

M. le président. La parole est à Mme Primas, pour présenter l’amendement n° 756 rectifié.

Mme Sophie Primas. Cet amendement est identique au précédent.

Effectivement, il s’agit d’éviter les effets d’aubaine et de se mettre en cohérence avec l’amendement n° 323 rectifié bis, que nous avons adopté tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques, dont je comprends toutefois l’esprit.

L’amendement n° 760, que nous venons d’adopter, prévoit que seules les actions en faveur de l’agriculture pourront bénéficier de majorations d’aides. Or un GIEE souhaitant recruter un technicien pour mener une expertise doit pouvoir recevoir une aide, car cela concerne l’agriculture.

Que l’on ne puisse pas financer une association chargée de compter les papillons, c’est en effet souhaitable ! Mais le fait de limiter l’attribution de certaines aides aux seuls agriculteurs, idée que je peux comprendre au demeurant, aura pour conséquence de supprimer tout un panel d’aides qui auraient pu être apportées aux GIEE. Je viens de prendre l’exemple du recours à un technicien qui n’est pas agriculteur, mais qui vient travailler au sein d’un GIEE pour l’agriculture.

C’est la raison pour laquelle il me semble que l’amendement n° 760, dont la portée est plus large, convient mieux. Je vous demande donc, monsieur Collin, madame Primas, de bien vouloir retirer vos amendements.

Je le répète, l’amendement n° 760 pose simplement le verrou de la nécessité d’une action en faveur de l’agriculture, sans se référer aux agriculteurs eux-mêmes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

Je souhaite insister sur l’argument qui vient d’être défendu par M. le rapporteur. Il s’agit en effet, comme le précise l’objet de l’amendement n° 760, « d’indiquer que seules les actions en faveur de l’agriculture pourront bénéficier de majorations. » Ce point est extrêmement important.

De telles actions peuvent prendre des formes différentes. Elles ne s’adresseront pas uniquement aux agriculteurs, mais pourront concerner leur organisation collective, les besoins de développement.

Vous avez évoqué tout à l’heure les questions relatives aux chambres d’agriculture et aux ONVAR. Le problème du développement est effectivement posé. Or dans l’amendement n° 760 présenté par M. le rapporteur, toutes les garanties sont données pour assurer le fonctionnement, le développement, en fonction du choix des agriculteurs, je le rappelle, puisqu’ils sont décisionnaires dans la gestion des GIEE.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr, puisqu’ils détiennent la majorité des voix !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce n’est pas nous qui ferons ce choix, mais ceux qui seront organisés.

M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 367 rectifié est-il maintenu ?

M. Yvon Collin. L’amendement de la commission offrant un spectre plus large en faveur de l’agriculture, je retire le mien.

M. le président. L’amendement n° 367 rectifié est retiré.

Madame Primas, l’amendement n° 756 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sophie Primas. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 122, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 18

Compléter cet alinéa par les mots :

, à condition notamment de répondre aux objectifs suivants :

II. – Après l'alinéa 18

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« – la recherche d’autonomie des exploitations et la valorisation des ressources du territoire sur lequel se met en place le projet ;

« – la participation avec les collectivités territoriales au développement de projets agricoles de territoire, dont la structuration d’approvisionnement de la restauration collective en produits biologiques et locaux. » ;

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Les cent trois projets retenus à la suite de l’appel à projets du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt témoignent de la capacité d’initiative des acteurs agricoles de notre territoire pour traduire l’ambition agroécologique de la France.

Ils témoignent également de la diversité des projets qui touchent aussi bien à l’autonomie alimentaire des troupeaux qu’à la qualité de l’eau, à la réduction des intrants, au développement de l’agriculture biologique ou à la conservation des sols qu’à l’agroforesterie.

On peut donc s’attendre à une mobilisation similaire sur les territoires. Pourtant, pour certains projets, des dispositifs de soutien existent déjà. Je pense notamment aux dispositifs relatifs au développement des énergies renouvelables sur les exploitations.

Aussi, pour répondre aux grands enjeux nationaux identifiés, dans un souci de péréquation nationale, il serait opportun de circonscrire la bonification des aides ou les aides spécifiques à des objectifs plus précis.

En l’occurrence, eu égard à la situation des éleveurs contraints par l’augmentation du coût des aliments et de l’énergie et compte tenu des besoins d’appui à la structuration des filières biologiques, je propose que ces bonifications soient réservées aux projets répondant à des objectifs d’autonomie des exploitations et de structuration des filières biologiques et locales pour l’approvisionnement de la restauration collective.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Labbé, je suis une fois encore désolé de devoir m’opposer à votre amendement, même si je ne doute pas que nous nous retrouverons sur d’autres amendements. Je pensais en effet que nous vous avions convaincu, car s’il est un sujet sur lequel nous semblons tous être d’accord, en dépit de nos divergences, c’est bien celui du GIEE. Ne bridons pas le dispositif, ne le restreignons pas, laissons faire les choses !

Vous dites qu’il ne peut pas y avoir d’aide bonifiée s’il ne peut pas y avoir de collectivités locales dans les GIEE. Peut-être y aura-t-il des collectivités locales dans les GIEE et peut-être n’y en aura-t-il pas. Ce choix appartiendra aux agriculteurs. Laissons-les décider de ce qu’ils veulent faire.

De surcroît, vous visez un double objectif : l’autonomie des exploitations et l’amélioration des pratiques afin de réduire l’incidence sur l’eau et les sols. C’est très bien, certains GIEE y veilleront mais d’autres ne le feront peut-être pas. Donc, par votre amendement, vous bridez les aides bonifiées pour les GIEE.

Nous en reparlerons sûrement à l’occasion de l’examen d’autres amendements. Mais le message essentiel que nous devrions tous porter, c’est celui d’une agriculture moderne dans laquelle chaque agriculteur, chaque groupement d’agriculteurs, est libre de cultiver ce qu’il veut, comme il l’entend, à condition de respecter la transition vers l’agroécologie, la diminution des intrants. C’est un objectif que partagent tous les agriculteurs. Mais si nous leur imposons autoritairement une manière de cultiver, cela ne fonctionnera pas, monsieur Labbé.

Vous êtes enclin, par votre culture politique, à penser que la base a raison et qu’elle peut porter des projets. Laissez donc la base, en l’occurrence les agriculteurs des GIEE, soutenir des projets. Laissons, je le répète, l’initiative aux acteurs de terrain, ne la bridons pas. S’il y a des collectivités locales dans un GIEE, tant mieux ! Et s’il n’y a pas besoin de collectivités locales, ce n’est pas plus mal, car cela signifie que l’autonomie économique se met en place.

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est pourquoi, monsieur Labbé, si vous ne retirez pas votre amendement, je serai au regret d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 122 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. M. le rapporteur me renvoie à de futurs amendements sur lesquels j’obtiendrai peut-être satisfaction… Nous souhaitions, par le présent amendement, cibler véritablement les politiques. Cela étant, j’entends aussi qu’à trop fermer le champ on ne peut plus restreindre. (M. le rapporteur acquiesce.) Cette fois encore, je vais donc retirer mon amendement, dans l’attente de jours meilleurs…

M. le président. L’amendement n° 122 est retiré.

L'amendement n° 596 rectifié, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les critères déterminant la majoration des aides publiques privilégient les exploitants agricoles.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Les GIEE peuvent compter parmi leurs membres des personnes physiques comme des personnes morales, publiques ou privées.

Il est précisé que les agriculteurs restent maîtres des GIEE en détenant la majorité des voix au sein des instances décisionnelles. Cependant, rien n’est clairement établi quant à la ventilation des majorations d’aides publiques.

En effet, comme le note le rapport, la reconnaissance de GIEE peut entraîner le bénéfice de majorations d’aides publiques.

Le nouveau règlement sur le deuxième pilier de la PAC prévoit que le taux de soutien public aux investissements réalisés dans un cadre collectif puisse faire l’objet d’une majoration pouvant aller jusqu’à vingt points. Le GIEE pourrait en bénéficier. Il pourrait aussi être le cadre de mise en œuvre des futures MAE – mesures agroenvironnementales – systèmes. Potentiellement, une grande partie des aides publiques pourrait être attribuée au secteur agricole via les GIEE.

Nous souhaitons que ces aides bénéficient en priorité aux exploitants et aux exploitations agricoles et qu’elles ne soient pas captées par des personnes morales publiques ou privées. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Le Cam, vous avez évoqué une majoration pouvant atteindre vingt points. Évidemment, une telle mesure est d’ordre réglementaire et donc étrangère au domaine législatif.

Cela étant, la commission est favorable à votre amendement, qui, j’en suis quasiment certain, va être adopté à l’unanimité. Les dispositions qu’il comporte confortent ce que nous répétons depuis un certain temps, à savoir que la priorité doit être donnée aux agriculteurs, qui doivent donc être les premiers bénéficiaires des aides des GIEE.

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas ce que vous nous avez dit tout à l'heure !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr que si ! M. le Cam veut inscrire cette priorité aux agriculteurs dans la loi ; c’est très important et cela m’importe. J’ai dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas fermer la porte et refuser que des non-agriculteurs qui viennent travailler sur l’exploitation pour réaliser des expertises, aider à une transition puissent bénéficier des aides bonifiées. Cela va tout à fait dans le même sens : priorité aux agriculteurs, mais non pas exclusivement à eux, et aide à l’agriculture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 596 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 311-… – Seules les installations collectives de méthaniseurs, exploitées ou détenues par une personne physique ou morale, publique ou privée, sont admises au bénéfice des soutiens publics. Cette condition est remplie dès lors que l’installation est constituée dans le cadre d’un groupement d’intérêt économique et environnemental tel que défini à l’article L. 311-4. » ;

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui vise à favoriser les méthaniseurs collectifs. Il n’y a aucune raison, là encore, de restreindre le dispositif. Nous sommes cohérents avec les positions que nous avons adoptées depuis le début de cette discussion. Les méthaniseurs peuvent être collectifs ou ne pas l’être.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sur la question de la méthanisation, je souligne que le développement des méthaniseurs collectifs s’accélère actuellement. L’objet du plan « énergie méthanisation autonomie azote » est d'ailleurs de favoriser cette accélération. L’objectif de 1 000 méthaniseurs d’ici à 2020 devrait être atteint avant cette date, compte tenu de la rapidité de leur mise en place.

Mais il peut y avoir des méthaniseurs individuels qui ont du sens,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …dans la mesure où certaines situations géographiques rendent parfois difficiles les regroupements.

Par ailleurs, je souligne que, dans le cadre de la vingt et unième conférence climat sur la lutte contre les gaz à effet de serre, la question du méthane sera posée. Il faut donc tout faire pour recycler le méthane et le transformer en énergie. Mais des règles pourront concerner la couverture d’un certain nombre de fosses à lisier ou autres fosses à fumier, qui peuvent être couvertes de manière très simple, afin de récupérer le méthane qui se dégage, de faire de l’énergie et de la cogénération sur l’exploitation.

Prenons garde à ne pas aller dans un seul sens, car il sera peut-être nécessaire de mettre en place des systèmes spécifiques pour des méthaniseurs individuels, précisément dans le cadre de la lutte contre les gaz à effet de serre.

Le présent projet de loi ne doit pas avoir pour seul objectif les méthaniseurs collectifs, mais doit laisser ouvertes d’autres possibilités, dans la mesure où de grandes questions vont se poser, en particulier, je le répète, en termes de lutte contre les gaz à effet de serre. Il faut donner aux agriculteurs qui ne peuvent pas se regrouper la possibilité de couvrir leurs fosses, de récupérer le méthane et faire de la cogénération.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Sur cette question des méthaniseurs, je prends note de votre optimisme, monsieur le ministre. Je suis moi-même optimiste, mais il me semble que, actuellement, de très nombreuses difficultés freinent l’émergence des projets de méthaniseurs et leur réalisation sur le terrain.

Comme je vous l’ai déjà dit, un certain nombre de territoires développent des projets extrêmement importants. Ainsi, dans le département de la Somme, six ou sept projets sont en cours de montage, mais de réelles difficultés font obstacle à leur réalisation. Les procédures sont très complexes et très longues. (MM. Charles Revet et Jean Bizet opinent.) Les élus sont confrontés à des détails, des difficultés relatives à la commercialisation, aux branchements… C’est beaucoup plus compliqué qu’on ne le dit

Il serait selon moi intéressant d’examiner ce sujet, qui correspond tout à fait aux textes de loi d’avenir. Je regrette d'ailleurs qu’il n’en soit pas question dans le présent projet de loi. Si les choses pouvaient s’améliorer, monsieur le ministre, ce serait très bien.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Notre finalité, en déposant cet amendement, était d’éviter des dérives possibles vers des méga-exploitations dans lesquelles l’élevage serait un sous-produit dissimulant une activité industrielle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 682, présenté par Mmes Nicoux, Bourzai et Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Dilain, Fauconnier et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

2° L’article L. 666-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, les producteurs de céréales membres d’une personne morale reconnue comme groupement d’intérêt économique et environnemental en application de l’article L. 311-4 peuvent commercialiser leurs propres céréales au sein de ce groupement dans le cadre de la mise en œuvre de son projet pluriannuel. Ils déclarent à un collecteur de céréales les quantités ainsi commercialisées. Ces quantités sont soumises à la taxe visée à l’article 1619 du code général des impôts. » ;

La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Le projet de loi initial donnait aux producteurs de céréales associés dans un GIEE la possibilité de commercialiser leurs semences sans passer par un organisme stockeur.

À l’Assemblée nationale, cette disposition avait suscité de nombreuses interrogations, non pas sur son objectif mais sur certains de ses effets, qui avaient abouti à sa suppression.

Le présent amendement vise à réintroduire le principe initial, tout en l’améliorant, afin de répondre aux inquiétudes légitimement soulevées par les députés.

Nous estimons en effet que les projets soutenus par les GIEE doivent comporter des éléments de simplification de nature à favoriser l’action collective, la complémentarité entre exploitations, et à concrétiser une conduite économique d’ensemble des exploitations les composant.

Le transfert direct des céréales est l’un de ces aspects.

Pour autant, les informations pertinentes pour la gestion du marché et les contributions versées en règle générale ne doivent pas être écartées.

Ainsi, le présent amendement tend à ce que les échanges de céréales entre membres d’un GIEE ne soient pas conditionnés à un passage physique par un collecteur agréé. En revanche, ils restent soumis aux déclarations statistiques et au versement des taxes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement. Nous souhaitons rétablir la disposition en cause qui, comme Mme Nicoux l’a rappelé, avait été supprimée par l’Assemblée nationale, d’autant que, loin de viser n’importe quoi – des commercialisations dans tous les sens –, cet amendement institue des garde-fous : les céréaliers auront les mêmes obligations déclaratoires que les collecteurs et les taxes parafiscales prélevées aujourd’hui par les collecteurs seront dues par les céréaliers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Je voterai l’amendement n° 682, lequel ne me choque pas.

Je souhaiterais revenir sur l’amendement n° 312, qui n’a malheureusement pas été adopté.

Monsieur le ministre, je voudrais relever une ambiguïté. Vous vous êtes focalisé sur le certificat d’obtention végétale. Tout comme vous, j’ai un faible pour ce certificat, que je préfère au brevet – le président Raoul et vous-même le savez bien ! C’est un titre de propriété qui, à la différence de ce dernier, protège sans capter. Mais, pour le GIEE, vous avez imaginé un échange de semences entre agriculteurs par le biais de l’entraide. Ce faisant, vous prenez le risque de propager des semences contaminées par un champignon, un virus ou un quelconque parasite à tous les agriculteurs membres du GIEE, et donc de disséminer un éventuel problème sanitaire.

C’est la raison pour laquelle l’économie de l’échange intra-agriculteurs au sein des GIEE sera fortement handicapée.

Si, au contraire, vous interdisez cet échange, l’agriculteur peut toujours – vous connaissez la loi tout aussi bien si ce n’est mieux que moi ! – semer de nouveau ses semences !

J’ai fait abstraction de la non-perception de taxes et de cotisations volontaires qui entraverait le domaine de la recherche et du développement, mais j’insiste bien sur le risque sanitaire existant en cas d’échange de semences. Cette notion d’entraide entre agriculteurs d’un même GIEE part d’un bon sentiment, mais fait courir un risque que vous ne pourrez peut-être pas maîtriser demain.

L’amendement n’a pas été adopté, mais nous reviendrons certainement sur cette question lors de la deuxième lecture. Mon intervention n’a rien à voir avec les histoires de brevet ou de certificat d’obtention végétale ; je le répète, nous avons la même analyse sur ce dernier point, qui est une invention franco-française assez pertinente.

J’en reviens à l’amendement de Mme Nicoux que je voterai, notamment parce que notre collègue a pris la précaution de ne pas soustraire les membres d’un GIEE du paiement des cotisations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 682.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Articles additionnels après l’article 3 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 3

M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre V du titre II du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’intitulé est complété par les mots : « et l’aide bénévole » ;

2° L’article L. 325-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’aide bénévole est apportée de façon volontaire, par un individu extérieur à l’exploitation, de façon ponctuelle et temporaire, sans rémunération, ni lien de subordination avec l’exploitant.

« Les conditions d’application du précédent alinéa sont fixées par décret. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Je voudrais évoquer une nouvelle pratique d’aide bénévole appelée le wwoofing – world wide opportunities on organic farming – qui, depuis quelques années, se développe en France et dans le monde.

Elle consiste pour des agriculteurs biologiques à accueillir sur les fermes, pour des durées plus ou moins longues, des jeunes ou moins jeunes qui veulent découvrir le métier en apportant éventuellement une aide, en échange d’un hébergement et de nourriture. L’aide est bénévole et tout lien de subordination est exclu.

Ces notions de bénévolat et d’absence de lien de subordination sont essentielles. Ce sont ces garanties qui excluent, de fait, le risque de tomber dans les dérives tant du travail dissimulé que de l’opportunisme.

Cet amendement vise donc à combler le vide juridique dont pâtit aujourd’hui cette pratique, autant pour encourager celle-ci que pour la protéger des abus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. M. Labbé le sait bien, la commission est défavorable à sa proposition.

Cet amendement tend à attribuer le statut d’entraide agricole à l’aide bénévole apportée dans les fermes par des individus extérieurs au monde agricole.

Le problème vient du fait que l’entraide est conçue comme un échange de services entre agriculteurs, qui suppose un retour. Cela a été fait pour le GIEE, et un amendement a d’ailleurs été adopté à une très large majorité. Le wwoofing relève d’une autre logique et n’entre pas du cadre de l’entraide.

Donner le statut d’entraide à la pratique du wwofing risquerait, par ailleurs, d’entraîner le développement de pratiques d’indemnisation des frais engagés, qui pourraient s’apparenter à du travail dissimulé.

Aussi, je vous demande, monsieur Labbé de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° 125 est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Je maintiens cet amendement d’appel. Il faudra bien, à un moment ou à un autre, apporter une réponse juridique au développement de ces pratiques liées aux agricultures alternatives.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 115 rectifié, présenté par Mmes Espagnac, Bourzai et Nicoux, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 341-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après les mots : « l'aide financière de l'État », sont insérés les mots : « et des collectivités territoriales » ;

2° Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces aides sont modulées et plafonnées sur la base de critères économiques de l'exploitation, du nombre d'actifs, de facteurs environnementaux et d'aménagement du territoire. »

La parole est à Mme Frédérique Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac. Dans de nombreuses parties de notre territoire, l’essentiel de la vie agricole est assuré par ce qu’il est convenu d’appeler les « petites exploitations ». C’est le cas dans mon département, les Pyrénées-Atlantiques, notamment au Pays Basque. Ce sont elles qui assurent le maintien de l’utilisation agricole des terres et, ce faisant, celui du tissu rural. Elles participent tant à la préservation de l’espace naturel qu’au maintien de l’emploi dans nos territoires.

Le présent projet de loi, qui est si important pour l’avenir de notre agriculture et qui met l’agroécologie au cœur de ses objectifs, ne peut traiter ces petites exploitations que comme un atout à préserver. Malheureusement, celles-ci doivent faire face à des contraintes structurelles importantes, comme l’absence d’économies d’échelle, le surcoût des champs fixes, l’isolement et l’éclatement des structures, ou encore la complexité des systèmes.

En reprenant la rédaction initiale de l’article L. 341-1 du code rural contenue dans la loi de 1999, cet amendement vise à prévoir un cadre dont pourraient bénéficier les « petites fermes », alors que, vous le savez tous, la grande majorité des aides publiques sont à ce jour proportionnelles à la taille des exploitations.

M. le président. L'amendement n° 589 rectifié, présenté par M. Labazée et Mmes Bourzai et Nicoux, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 341-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces aides sont modulées et plafonnées sur la base de critères économiques de l'exploitation, du nombre d'actifs, de facteurs environnementaux et d'aménagement du territoire. »

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Je précise que j’ai cosigné l’amendement que vient de présenter Mme Espagnac. Bien que, je le sais, cette question relève davantage de la politique agricole commune, des mesures ont été adoptées par certains pays de l’Union européenne pour ce type d’exploitation, qualifié de « petites fermes ».

Dans ma région, le Limousin, ces dernières représentent une part non négligeable des petites exploitations : 11 % des exploitations limousines spécialisées dans l’élevage ont moins de dix bovins. Or le seuil d’accès à la prime à la vache allaitante est fixé à dix dans le règlement qui s’appliquera en France.

Ce type d’exploitation correspond aussi à des localisations particulières.

Je veux insister en particulier sur une tradition du Pays de Tulle – tout le monde en mesurera l’importance –, qui remonte à Colbert et à la mise en place de la manufacture d’armes de Tulle. À l’époque s’était développée la pratique de l’ouvrier-paysan, qui partageait son temps entre le maintien d’une petite exploitation agricole et le travail dans la manufacture.

Par ailleurs, dans le bassin de Brive, des petites fermes sont spécialisées dans l’élevage notamment du veau de lait sous la mère qui est de grande qualité et qui présente un marché de niche dans la production de viande. Ces exploitations sont souvent associées au maraîchage, aux cultures fruitières et légumières et au tabac. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous faire observer que la disparition de toute aide à l’implantation de tabac les mettra en difficulté.

Même si le présent projet de loi n’est pas le cadre le plus approprié pour évoquer ce sujet, j’espère que M. le ministre m’apportera une réponse. J’ai également saisi le Président de la République de cette question. Je souhaiterais soit que l’on en revienne au seuil précédent, qui était fixé à trois bovins, soit, s’il faut faire des concessions, que soit retenu celui de cinq. En tout cas, il faut prendre en compte ces exploitations qui méritent d’être soutenues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ces deux amendements sont sensiblement les mêmes, à l’exception près que l’un vise un financement, outre par l’État, comme prévu dans le présent projet de loi, par les collectivités territoriales, ce qui peut poser problème.

Je partage totalement l’objectif brillamment défendu par Mme Espagnac de favoriser le modèle de l’agriculture familiale, avec des fermes qui assurent le maillage des territoires ruraux.

Mais l’amendement n° 115 rectifié est totalement satisfait par les dispositions de l’article D. 341-1 du code rural et de la pêche maritime de nature réglementaire, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision rendue en 2007.

Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, qui est satisfait par le droit existant, même si, je le répète, je suis tout à fait favorable au modèle de l’agriculture familiale, lequel est excellent.

Madame Bourzai, M. le ministre va maintenant pouvoir vous répondre précisément sur la question du nombre de vaches dans les petites fermes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ces deux amendements soulèvent plusieurs questions. Ils visent des « aides modulées et plafonnées sur la base de critères économiques de l’exploitation, du nombre d’actifs, de facteurs environnementaux et d’aménagement du territoire. » Mais le premier d’entre eux tend à ce que ces aides soient apportées tant par l’État que par des collectivités locales.

Or on ne peut pas obliger des collectivités locales, auxquelles est reconnue la libre administration, à mener des politiques dont nous fixerions nous-mêmes les règles d’application. On ne peut pas leur demander de financer des politiques et, en plus, leur dire comment le faire !

J’en viens à la prime à la vache allaitante versée aux agriculteurs dans le cadre des aides couplées. Pour ces aides, j’ai pris la décision de fixer le plancher à dix vaches. La question de la répartition de l’ensemble de ces aides à l’égard des éleveurs dont les troupeaux ont un nombre bien supérieur de bovins se pose aujourd'hui, sachant que, chez les éleveurs spécialisés en viande bovine, la moyenne est d’une unité de travail humain pour soixante vaches allaitantes.

Je rappelle que la bataille que j’ai conduite sur le couplage des aides a conduit l’Europe à aller dans le sens que nous souhaitions, mais aussi à fixer des règles consistant à évaluer le nombre de vaches sur une année pour les primer toutes. Par conséquent, il y aura plus de vaches primées qu’auparavant, et nous serons obligés de fixer des critères qui permettront de ne pas dépasser l’enveloppe globale, laquelle s’élève à environ 662 millions d’euros.

Je reviens sur la question des petites exploitations, celles à moins de dix vaches. Vous avez même évoqué, madame la sénatrice, des exploitations à trois vaches.

M. Gérard César. C’est du folklore !

Mme Frédérique Espagnac. Je ne vous laisserai pas dire cela, monsieur ! C’est la vie quotidienne de nombre d’exploitants !

M. Gérard César. Je maintiens que ce n’est pas une entreprise agricole !

Mme Frédérique Espagnac. En ce cas, vous connaissez mal nos territoires !

M. Gérard César. Calmez-vous ! (Mme Frédérique Espagnac s’exclame.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je sais bien que certaines exploitations n’ont que trois, quatre ou cinq vaches, mais admettez qu’à raison de 150 ou 200 euros par vache de telles exploitations ne peuvent pas être viables économiquement. Donc, il y a d’autres productions avec.

Mme Frédérique Espagnac. On est d’accord !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour ces exploitations, la question des aides doit donc être considérée de manière globale : il ne s’agit pas de regarder si l’on perçoit bien chaque aide prise individuellement.

Cela dit, nous sommes tous d’accord sur le fait qu’une exploitation à trois vaches et dix hectares ne puisse pas aujourd’hui dégager un revenu, et personne ne peut dire que les aides permettraient, à elles seules, de compenser cette absence. Ce ne serait pas vrai ! Nous allons donc jouer sur tout un tas de critères – handicaps à compenser, autres productions, prolificité des vaches allaitantes, existence de fusions –, sur les dispositifs liés aux mesures agroenvironnementales, sur la prime herbagère agroenvironnementale, la PHAE , aides qui ont été revalorisées de 15 %. Cela représente beaucoup plus que trois ou quatre vaches qui seraient primées !

Je travaille donc aujourd'hui à bien globaliser la question et à éviter que l’on ne ramène le sujet au seul nombre de vaches. En effet, il n’est pas vrai que la viabilité d’une exploitation dépend de trois, quatre ou cinq vaches qui ne peuvent plus être primées. Il faut considérer les choses de manière globale.

Je peux prendre des exemples dans le Limousin ou les Pyrénées-Atlantiques, régions que je connais bien. On y trouve des exploitations de 10, 15, 25 ou 30 hectares, avec des vaches, des moutons ou encore des cochons, qui bénéficient d’un ensemble d’aides : mesures de compensation de handicap liées à leur présence en zone de montagne, PHAE…

En tant que ministre de l’agriculture, j’ai 662 millions d’euros à distribuer et 3,4 millions de vaches à primer. Je suis obligé de faire des choix difficiles, et des arbitrages qui ne peuvent satisfaire tout le monde.

Je connais, du côté du grand bassin allaitant de Saône-et-Loire, de grandes exploitations, qui dépassent les 100, voire les 150 vaches et estiment que ce n’est pas assez. De l’autre côté, des exploitants nous disent qu’il faudrait primer à partir de trois vaches… Mais plus je prime tôt, plus le nombre de vaches à primer est énorme, moins je peux donner sur chaque vache !

Comprenez bien que le ministre de l’agriculture doit assumer des arbitrages. Soyez assurés qu’il fera tout pour tenir compte des petites fermes et faire en sorte qu’elles ne subissent pas de perte, en termes d’aide publique. Cela me paraît normal, logique et nécessaire.

Je le répète, si l’on ramène les débats à chaque aide prise individuellement, si l’on ne regarde pas la question de manière globale, nous aurons des difficultés à résoudre le problème.

Nous avons donc engagé un travail spécifique sur ces fermes, qui débouchera sur des propositions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 589 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 83 amendements au cours de la journée. Il en reste 677.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, et moi-même tenons à souligner l’étroitesse de la performance… (Sourires.)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels après l’article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à aujourd’hui vendredi 11 avril 2014, à neuf heures trente-cinq, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 279, 2013-2014) ;

Rapport de MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 386, tomes I et II, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 387 rectifié, 2013-2014) ;

Avis de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 344, 2013-2014) ;

Avis de M. Pierre Camani, fait au nom de la commission du développement durable (n° 373, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 11 avril 2014, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART