Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaire :

M. Hubert Falco.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

notion d'administrateur intéressé dans les conseils d'administration des sociétés d'économie mixte

Question n° 671 de M. Roland Ries. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Roland Ries.

fiscalité des activités liées au chantier de la ligne à grande vitesse sud europe atlantique

Question n° 676 de M. Michel Boutant. – M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

avenir de la brigade des douanes de gap dans les hautes-alpes

Question n° 680 de M. Claude Domeizel. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Claude Domeizel.

besoins de sécurité de la population du val-de-marne

Question n° 646 de M. Christian Favier. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Christian Favier.

baisse des limitations de vitesse sur le réseau routier secondaire

Question n° 658 de M. Gilbert Roger. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Gilbert Roger.

projet de service militaire adapté (sma) de futuna

Question n° 645 de M. Robert Laufoaulu. – MM. Victorin Lurel, ministre des outre-mer ; Robert Laufoaulu.

Suspension et reprise de la séance

accessibilité des cabinets médicaux

Question n° 661 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; Catherine Procaccia.

projet de création d'une structure innovante pour enfants autistes à saint-andré-le-puy

Question n° 669 de M. Bernard Fournier. – Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; M. Bernard Fournier.

état sanitaire dégradé du département du nord

Question n° 672 de Mme Delphine Bataille. – Mmes Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; Delphine Bataille.

modalités de désignation des directeurs des foyers départementaux de l'enfance

Question n° 668 de M. Bernard Cazeau. – Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; M. Bernard Cazeau.

déserts médicaux en essonne

Question n° 674 de Mme Claire-Lise Campion. – Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; M. Jean-Luc Fichet, en remplacement de Mme Claire-Lise Campion.

évolution de la législation sur le vin

Question n° 626 de M. Christian Bourquin. – MM. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Christian Bourquin.

convention pluriannuelle d’objectifs des éclaireuses et éclaireurs de france

Question n° 678 de Mme Mireille Schurch. – M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Mme Mireille Schurch.

fonctionnement du service public de la justice

Question n° 633 de M. Hervé Maurey. – MM. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Hervé Maurey.

création de valeur ajoutée dans la filière bois

Question n° 662 de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif ; Jean-Claude Lenoir.

préconisations de la commission « mobilité 21 » et réalisation du projet de ligne à grande vitesse paris - orléans - clermont-ferrand - lyon

Question n° 634 de M. Rémy Pointereau. – MM. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif ; Rémy Pointereau.

valoriser le contrat d'apprentissage

Question n° 615 de M. Christian Cambon. – MM. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif ; Christian Cambon.

nouveau cahier des charges du label « tourisme et handicap »

Question n° 666 de M. Dominique de Legge. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; M. Dominique de Legge.

fiscalité et cognac

Question n° 651 de M. Daniel Laurent. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; M. Daniel Laurent.

frais de repas des ouvriers du bâtiment et assiette des cotisations sociales

Question n° 665 de M. Jean-Luc Fichet. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; M. Jean-Luc Fichet.

Suspension et reprise de la séance

3. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, le président.

4. Conventions internationales. – Adoption en procédure d'examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

Traité d’extradition avec le Pérou. – Adoption de l’article unique du projet de loi

Groupe aérien européen. – Adoption de l’article unique du projet de loi

5. Formation professionnelle. – Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Discussion générale : MM. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales ; François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances.

MM. Jean Desessard, Jean-Noël Cardoux, Mmes Chantal Jouanno, Laurence Cohen, Françoise Laborde, Christiane Demontès.

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

MM. Jean-Claude Carle, Jean-Marie Vanlerenberghe.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

Mmes Catherine Génisson, Catherine Procaccia, Patricia Schillinger, MM. René-Paul Savary, Georges Labazée, Bruno Retailleau.

M. Michel Sapin, ministre.

Clôture de la discussion générale.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

6. Organisme extraparlementaire

7. Communication relative à une commission mixte paritaire

8. Formation professionnelle. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Article 1er

Mmes Gisèle Printz, Laurence Cohen.

Amendement n° 157 de Mme Chantal Jouanno. – Mme Chantal Jouanno, MM. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Jean Desessard, Dominique Watrin. – Adoption par scrutin public.

Amendement n° 278 rectifié de M. François Patriat. – MM. François Patriat, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.

Amendement n° 89 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux. – MM. Jean-Noël Cardoux, le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Mme Cécile Cukierman. – Adoption.

Amendement n° 26 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.

Amendement n° 292 du Gouvernement. – MM. Michel Sapin, ministre ; le rapporteur. – Adoption.

Amendement n° 191 de Mme Laurence Cohen. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 133 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux. – MM. Jean-Noël Cardoux, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 192 de Mme Laurence Cohen. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Retrait.

Amendement n° 75 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux. – MM. Jean-Noël Cardoux, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 193 de Mme Laurence Cohen. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 194 de Mme Laurence Cohen. – Mme Cécile Cukierman.

Amendement n° 225 de Mme Marie-Christine Blandin. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 90 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux. – M. Jean-Noël Cardoux.

Amendement n° 279 de M. François Patriat. – M. François Patriat.

MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Mmes Cécile Cukierman, Maryvonne Blondin, MM. Jean Desessard, François Patriat. – Retrait de l’amendement n° 279.

Mme Laurence Cohen, MM. Alain Néri, André Reichardt. – Reprise de l’amendement n° 279 par M. André Reichardt ; rejet de l’amendement n° 194.

MM. Jean Desessard, le rapporteur. – Rejet des amendements nos 225, 90 rectifié et 279 rectifié.

Amendements identiques nos 80 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux et 160 de Mme Chantal Jouanno. – M. Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno.

Amendement n° 290 du Gouvernement. – M. Michel Sapin, ministre.

M. le rapporteur, Mme Chantal Jouanno, M. Jean-Noël Cardoux. – Retrait des amendements nos 160 et 80 rectifié ; adoption de l’amendement n° 290.

Amendement n° 293 de la commission. – MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Adoption.

Amendement n° 195 de Mme Laurence Cohen. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 27 de M. Jean Desessard. – Retrait.

Amendement n° 28 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 84 rectifié de M. Jean-Claude Carle. – MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, Michel Sapin, ministre ; Jean-Noël Cardoux, Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Amendement n° 111 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux. – Mme Catherine Deroche, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 196 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.

Amendement n° 239 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Mme Françoise Laborde.

Amendement n° 277 rectifié de M. François Patriat. – M. François Patriat.

MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet de l’amendement n° 196 ; adoption de l’amendement n° 239 rectifié, l'amendement n° 277 rectifié devenant sans objet.

Amendement n° 238 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Mme Françoise Laborde, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Rejet.

Amendement n° 197 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Adoption.

Amendement n° 294 de la commission. – MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Adoption.

Amendement n° 198 de Mme Laurence Cohen. – MM. Dominique Watrin, le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Adoption.

Amendement n° 199 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen, MM. le rapporteur, Michel Sapin, ministre. – Adoption.

Amendement n° 201 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.

Amendement n° 200 de Mme Laurence Cohen. – M. Dominique Watrin.

Amendement n° 240 rectifié de Mme Françoise Laborde. – M. Jean-Claude Requier.

Amendement n° 156 de Mme Chantal Jouanno. – Mme Chantal Jouanno.

Amendement n° 132 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux. – M. Jean-Noël Cardoux.

Amendement n° 8 rectifié de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès.

Amendement n° 30 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 202 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen.

Amendement n° 296 rectifié de la commission. – M. le rapporteur.

M. le rapporteur, Mme Laurence Cohen. – Rectification de l’amendement n° 202.

M. Michel Sapin, ministre. – Rejet des amendements nos 201 et 200 ; retrait de l’amendement n° 240 rectifié.

Mme Chantal Jouanno, M. Jean Desessard, Mme Christiane Demontès, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Michel Sapin, ministre. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 156 ; rejet de l’amendement n° 132 rectifié ; retrait de l’amendement n° 8 rectifié ; rejet de l’amendement n° 30 ; adoption des amendements identiques nos 202 rectifié et 296 rectifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaire :

M. Hubert Falco.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

notion d'administrateur intéressé dans les conseils d'administration des sociétés d'économie mixte

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 671, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la question des votes au sein des conseils d’administration des sociétés d’économie mixte, les SEM, et plus particulièrement sur la notion d’administrateur intéressé.

L’article L. 225-38 du code de commerce dispose qu’un « administrateur intéressé » à une convention réglementée ne peut pas participer au vote de cette dernière par le conseil d’administration. La doctrine considère, en général, que l’administrateur exclu ne peut être pris en compte ni pour le calcul du quorum ni pour celui de la majorité lors du vote de l’autorisation à laquelle il est intéressé.

La loi ne prévoyant pas de nombre minimal de votants en cas de retrait du droit de vote aux administrateurs intéressés, la jurisprudence et la doctrine considèrent que, si tous les administrateurs sauf un sont frappés d’exclusion en vertu de l’article L. 225-40 du code de commerce, celui-là seul peut valablement donner l’autorisation.

Je rappelle que la méconnaissance de l’interdiction faite à un administrateur intéressé de prendre part au vote entraîne la nullité de l’autorisation donnée par le conseil d’administration.

Monsieur le ministre, l’application de cette règle dans le cas des SEM conduit parfois à des situations que l’on peut qualifier d’ubuesques. De fait, les SEM sont créées pour répondre aux besoins des personnes publiques qui en sont membres ; or il arrive que seuls le partenaire privé et le représentant de la Caisse des dépôts et consignations – voire uniquement l’un des deux – puissent prendre part au vote de certaines conventions, les représentants des collectivités territoriales étant tous considérés comme intéressés à ladite convention.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelle est la justification d’une telle règle dans le cas des SEM ? La notion d’administrateur intéressé doit-elle s’y appliquer au sens strict, ou bien les règles de vote au sein de leurs conseils d’administration ne devraient-elles pas être différentes de celles qui sont applicables aux conseils d’administration des autres sociétés ?

Je me permets de rappeler, monsieur le ministre, que j’ai déjà posé cette question sous forme écrite le 24 janvier 2013, sans obtenir de réponse ; je n’ai pas davantage obtenu de réponse à ma relance, adressée au Gouvernement le 20 septembre 2013. C’est pourquoi j’ai été contraint de vous interroger directement, sous forme de question orale ; c’est aussi pourquoi j’attends votre réponse avec beaucoup d’intérêt.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur Roland Ries, vous avez souhaité attirer l’attention du ministre de l’économie et des finances sur la question des votes au sein des conseils d’administration des sociétés d’économie mixte, plus particulièrement sur la notion d’administrateur intéressé.

M. Pierre Moscovici, retenu à Bruxelles, vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin au Sénat et m’a chargé de vous répondre.

Les sociétés d’économie mixte locales, les SEML, sont soumises au droit commun des sociétés anonymes, notamment aux dispositions relatives aux conventions réglementées. C’est ainsi que, lors de la signature d’une convention entre une SEML et une collectivité territoriale qui en est actionnaire à plus de 10 %, les dispositions des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce relatives aux conventions réglementées sont applicables.

Il en résulte, à défaut de disposition dérogatoire, que les administrateurs intéressés représentant la collectivité territoriale ne peuvent pas prendre part au vote autorisant la signature de la convention. En effet, aux termes de l’article L. 225-20 du code de commerce, les représentants permanents des personnes morales administrateurs sont soumis au même régime que les administrateurs. Dans cette hypothèse, la collectivité territoriale concernée ne peut donc pas participer à la prise de décision.

Il semble toutefois que ce cas de figure ne se présente que dans des cas limités, lorsqu’une seule collectivité territoriale est actionnaire de la SEML au côté d’un actionnaire privé minoritaire.

En outre, toutes les conventions n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 225-38 du code de commerce. En effet, l’article L. 225-39 de ce code précise que « les dispositions de l’article L. 225-38 ne sont pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ».

Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que M. le ministre de l’économie et des finances m’a chargé de vous communiquer ; j’espère que les informations qu’elle comporte répondront à vos légitimes interrogations.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. J’ai peur, monsieur le ministre, que votre réponse ne change pas beaucoup la donne.

Au sein du conseil d’administration de la Compagnie des transports strasbourgeois, nous connaîtrons donc encore les situations ubuesques qui se sont déjà produites : les représentants de la communauté urbaine de Strasbourg et ceux du département du Bas-Rhin étant tous frappés d’exclusion, puisque les deux collectivités sont actionnaires, un seul administrateur – en général celui qui représente le partenaire privé ou la Caisse des dépôts et consignations – peut prendre part au vote.

Je trouve une telle situation un peu étonnante dans la mesure où les sociétés d’économie mixte sont des outils des collectivités territoriales. Sans entrer dans des détails techniques, je tiens à souligner que l’intéressement des administrateurs représentant ces collectivités n’est pas, à mes yeux, de la même nature que celui des administrateurs d’une société privée.

Sans doute, monsieur le ministre, les sociétés d’économie mixte ont-elles un statut privé ; elles sont pourtant non pas des sociétés privées, mais des outils des collectivités territoriales, permettant à ces dernières de faire face à des enjeux dans les domaines, par exemple, du stationnement et du transport public.

Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre, mais je crains qu’elle ne fasse pas avancer les choses, et je regrette que des situations bizarres puissent perdurer.

fiscalité des activités liées au chantier de la ligne à grande vitesse sud europe atlantique

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 676, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Michel Boutant. Monsieur le ministre, je désire attirer l’attention de votre collègue ministre chargé de l’économie et des finances sur les retombées fiscales dont les collectivités territoriales peuvent bénéficier dans le cadre du chantier de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, la LGV SEA.

Les travaux actuellement en cours sur la ligne Tours-Bordeaux, qui touchent très largement le département de la Charente, mais aussi les départements voisins de la Vienne, de la Charente-Maritime et de l’Indre-et-Loire, nécessitent l’installation de chantiers temporaires.

Les sociétés intervenant sur ces chantiers sont, en théorie, soumises à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. Or il s’avère difficile pour les collectivités territoriales de recenser les entreprises – concessionnaires, filiales et sous-traitants – qui concourent aux travaux, et par conséquent de procéder à la répartition de la CVAE.

Par ailleurs, afin de compenser le manque à gagner résultant pour les collectivités territoriales de la disparition de la taxe professionnelle, on a créé, en complément de la contribution économique territoriale, la CET, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER. Or des difficultés se posent aussi à l’égard de cette imposition, les communes concernées par le chantier de la LGV cherchant à savoir qui doit s’acquitter des taxes sur les transformateurs implantés sur la ligne Sud Europe Atlantique.

Enfin, il faut rappeler que la taxe professionnelle intégrait une imposition foncière des entreprises installées pour des chantiers temporaires d’une durée supérieure à trois mois. À ce jour, les collectivités territoriales ne savent pas si ce principe est conservé, et, si oui, selon quelles modalités, dans le cadre de la cotisation foncière des entreprises, la CFE.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m’apporter des précisions sur les modalités d’application de la CVAE, de l’IFER et de la CFE aux activités liées au chantier LGV SEA, ainsi que sur la manière dont ces impositions sont réparties entre les collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur Michel Boutant, M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Vous interrogez le Gouvernement sur les modalités d’assujettissement à la CFE, à la CVAE et à l’IFER des activités liées au chantier de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, ainsi que sur la manière dont ces impositions sont réparties entre les collectivités territoriales.

Comme vous l’avez rappelé, la taxe professionnelle est remplacée depuis le 1er janvier 2010 par la contribution économique territoriale, constituée de deux composantes : la CFE, assise sur les valeurs locatives foncières, et la CVAE, calculée en fonction de la valeur ajoutée produite par l’entreprise.

Conformément aux dispositions des articles 1467 et 1473 du code général des impôts, si une entreprise dispose, pendant la période de référence, d’un bien soumis à une taxe foncière sur les propriétés bâties pour les besoins de son activité professionnelle, elle est redevable d’une CFE établie dans la commune de situation du bien concerné. Le produit de cette cotisation revient à la commune sur le territoire de laquelle le bien est situé, ou le cas échéant à l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Les chantiers mobiles et les bases de génie civil temporaires établis pour la construction des lignes à grande vitesse sont imposés à la CFE selon les règles de droit commun. Aussi bien, toute entreprise exerçant une activité imposable au 1er janvier de l’année d’imposition et disposant sur ces chantiers ou sur ces bases, pendant la période de référence, de biens soumis à la taxe foncière pour les besoins de son activité professionnelle doit intégrer leur valeur locative dans sa base d’imposition à la CFE.

Je rappelle en outre que les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que les chantiers, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

En ce qui concerne la CVAE, conformément au III de l’article 1586 octies du code général des impôts, la valeur ajoutée est imposée dans la commune où le contribuable qui la produit dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois consécutifs.

Par ailleurs, lorsqu’un contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois consécutifs dans plusieurs communes, la valeur ajoutée qu’il produit est imposée dans chacune de ces communes et répartie entre elles au prorata, pour le tiers, des valeurs locatives des immobilisations imposées à la CFE et, pour les deux tiers, de l’effectif qui y est employé. Pour les besoins de cette répartition, lorsque les salariés exercent leur activité dans plusieurs établissements ou lieux d’emploi, ils sont déclarés par l’entreprise dans celui où la durée de leur activité est la plus élevée.

S’agissant enfin de l’IFER prévue à l’article 1519 G du code général des impôts, elle ne vise que les transformateurs électriques relevant des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, au sens du code de l’énergie.

Concrètement, cette imposition porte donc sur les transformateurs électriques appartenant au réseau de transport d’électricité détenu par Réseau de transport d’électricité, ou RTE, et au réseau de distribution, c’est-à-dire au réseau d’alimentation des consommateurs en électricité, qui dépend à 95 % d’Électricité Réseau Distribution France, ou ERDF. Les transformateurs assurant l’alimentation du réseau ferré ne faisant pas partie des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité au sens du code de l’énergie, ils ne sont pas assujettis à l’IFER.

avenir de la brigade des douanes de gap dans les hautes-alpes

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 680, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je désire attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la menace qui semble peser sur la brigade des douanes de Gap.

Établie dans les Hautes-Alpes, cette brigade intervient également dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence. Ses missions consistent à lutter contre les trafics d’ampleur tant nationale qu’internationale ayant cours dans cette zone frontalière, mais aussi contre la délinquance locale. Cette brigade, qui intervient dans des domaines extrêmement variés, est fortement appréciée pour son action dans les Hautes-Alpes et dans les Alpes-de-Haute-Provence. Nous connaissons tous le rôle primordial joué par les douanes dans ce domaine.

Or il semblerait que l’existence de cette brigade soit compromise par un projet de fermeture, ce qui aboutirait à la disparition de tout contrôle douanier sur un très vaste territoire frontalier de 300 kilomètres.

Aussi, monsieur le ministre, je vous demande s’il est toujours envisagé de procéder à une telle suppression, à laquelle – je tiens à le faire savoir – je suis fortement opposé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger M. le ministre de l’économie et des finances sur la situation de la brigade de douane de Gap. M. Pierre Moscovici, retenu à Bruxelles, vous prie de bien vouloir excuser son absence et m’a chargé de vous répondre.

La direction générale des douanes et droits indirects s’est récemment dotée d’un plan stratégique pluriannuel 2013-2018, qui fixe ses grandes orientations : simplification et dématérialisation des procédures, renforcement de la lutte contre les trafics illicites, adaptation de l’organisation de l’action douanière, développement de nouveaux outils de contrôle et d’analyse de risques, poursuite des grands projets fiscaux, renforcement de l’efficacité des fonctions support.

Ce projet stratégique s’inscrit pleinement dans la démarche de modernisation de l’action publique engagée par le Gouvernement, dans laquelle l’ensemble des directions du ministère de l’économie et des finances et du ministère du commerce extérieur jouent un rôle moteur.

Dans ce cadre, et en vue d’atteindre les objectifs ambitieux des services de la douane, dans un contexte de redressement des finances publiques, l’adaptation du réseau à l’évolution des missions a vocation à se poursuivre de manière pragmatique.

Ces éléments étant rappelés, je vous précise, pour répondre à votre question concernant spécifiquement l’avenir de la brigade de surveillance de Gap, que la fermeture de cette dernière n’est absolument pas à l’ordre du jour, compte tenu notamment des enjeux locaux de lutte contre la fraude que vous avez évoqués et auxquels le positionnement géographique de la brigade de Gap permet actuellement de répondre de manière efficace.

Ces propos seront, du moins je l’espère, de nature à rassurer non seulement vous-même, monsieur le sénateur, mais aussi la population des Alpes-de-Haute-Provence et les douaniers de Gap.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Ma réaction sera aussi brève que la question elle-même : je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir rassurés en nous affirmant que cette brigade n’est pas menacée.

Il y avait en effet quelques risques de voir partir les personnels composant cette brigade vers des lieux d’habitat plus concentré, notamment les Bouches-du-Rhône. Or, nous sommes malheureusement habitués, lorsque les services publics s’éloignent de nos deux départements alpins, à ne plus voir personne au bout de quelque temps ! Nous ne connaissons que trop bien une telle dégradation de la situation.

Par conséquent, la réponse que vous nous apportez aujourd'hui tranquillisera nos concitoyens, ainsi que les douaniers de la région de Gap.

besoins de sécurité de la population du val-de-marne

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 646, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

Les statistiques publiées récemment sur la délinquance en 2013 dans le Val-de-Marne affichent une baisse par rapport à l’année précédente, ce dont je me réjouis bien évidemment. Toutefois, avec 86 169 infractions, le niveau de la délinquance reste très élevé, et une telle situation affecte la vie quotidienne de nos concitoyens. Cambriolages en hausse de 62 % depuis 2008, augmentation des vols de voitures : tout cela concourt à développer un sentiment d’insécurité.

Dans le même temps, nous n’oublions pas l’important recul des effectifs de la police nationale imposé avant 2012 par le gouvernement précédent. Bien que des annonces positives aient été faites en matière de créations de postes, la récente promotion de 118 nouveaux gardiens et gradés, en décembre dernier, ne compense pas les 164 départs de l’année 2013.

De nombreux maires du Val-de-Marne ont interpellé M. le ministre de l’intérieur, déplorant l’absence de prise en compte des évolutions démographiques sur le territoire de leur commune. De très fortes disparités se creusent entre commissariats en termes de ratio effectifs-habitants. J’ai en particulier à l’esprit la situation de Villejuif, ville de 60 000 habitants dont certains quartiers sont classés en zone urbaine sensible mais qui ne compte toujours pas de commissariat de plein exercice et reste rattachée à une circonscription de police de près de 150 000 habitants.

D’autres élus demandent le redécoupage des circonscriptions de police, afin d’assurer une meilleure rapidité d’intervention. Tous considèrent la question des effectifs comme vitale pour garantir l’efficacité des actions complémentaires de prévention que les communes et le conseil général développent fortement dans le cadre de leurs missions de protection de la jeunesse.

Enfin, je veux souligner les premiers résultats positifs de la seule zone de sécurité prioritaire, ou ZSP, du Val-de-Marne, située sur le quartier du Bois-l’Abbé, à Champigny-sur-Marne. De l’avis de tous, le renforcement des effectifs de police qui a accompagné cette création a joué un rôle important dans l’amélioration de la situation. Au demeurant, permettez-moi de relayer la demande de cette commune de voir s’élargir le périmètre de la ZSP au quartier sensible des Mordacs, qui lui est contigu. Nous souhaitons également que, au-delà de Champigny-sur-Marne, des villes comme Orly, Valenton ou Villeneuve-Saint-Georges puissent rapidement bénéficier des mêmes dispositions, au regard des difficultés qu’elles rencontrent.

Pour conclure, je souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour répondre aux nombreuses inquiétudes des Val-de-Marnais en matière de sécurité et pour faciliter le retour du droit à la tranquillité pour tous.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, quittant l’uniforme du ministre de l’économie et des finances précédemment endossé, je revêts avec plaisir, pour vous répondre, celui du ministre de l’intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Vous avez très justement souligné les dégâts de la RGPP. Au total, 13 700 emplois de policiers et gendarmes ont été supprimés entre décembre 2007 et décembre 2012, soit une baisse sans précédent.

Le Président de la République a pris un engagement fort : renforcer les moyens humains de la police et de la gendarmerie. Désormais, non seulement les départs à la retraite sont compensés poste pour poste, mais en outre 500 postes supplémentaires de policiers et gendarmes sont créés chaque année.

Nous ne pourrons pas compenser tous les postes détruits, mais ce gouvernement a fait le choix de revenir dans des territoires que la précédente majorité avait, hélas ! abandonnés. Depuis la mise en place de l’agglomération parisienne, la direction territoriale du Val-de-Marne a vu s’échapper 6 % de ses effectifs, alors que Paris en a perdu 11 % et les Hauts-de-Seine 8 %.

Nous ferons tout pour minimiser les effets passés de la RGPP. Ainsi 2 045 gardiens de la paix ont-ils été recrutés en 2013, et 983 d’entre eux viennent de sortir des écoles de formation. Sur ce total, 22 jeunes gardiens de la paix ont rejoint le Val-de-Marne. L’effort sera poursuivi grâce au prochain recrutement de gardiens de la paix souhaité par le ministre de l’intérieur.

D’ores et déjà, la forte mobilisation des services de police de votre département a permis, en 2013, une baisse de 3,7 % des atteintes volontaires à l’intégrité physique, infractions souvent traumatisantes pour les victimes. Les atteintes non crapuleuses décroissent quant à elles de 8,2 %. Par ailleurs, la hausse des cambriolages a été contenue.

Ces résultats ont été permis par une stratégie globale déclinée dans les zones de sécurité prioritaires. Dans celle de Champigny-sur-Marne, centrée sur le quartier du Bois-l’Abbé, sont visés principalement trois types d’infractions : les trafics de stupéfiants, les occupations de halls d’immeubles et les vols avec violences.

Et les résultats sont là ! Depuis la mise en œuvre de la ZSP, les actions de lutte contre les trafics de drogue ont permis de saisir 4 kilogrammes de cannabis, ainsi que 126 221 euros d’avoirs criminels. En 2013, les vols avec violences ont diminué de 47 %, les atteintes volontaires à l’intégrité physique de plus de 46 %, et les atteintes aux biens de plus de 20%.

Cette stratégie porte donc ses fruits. Mais, pour être efficace, le dispositif des ZSP doit être, selon le ministère de l’intérieur, sélectif et dirigé d’abord vers les zones les plus touchées par la délinquance. Même s’il n’est pas envisagé de créer une nouvelle ZSP dans le Val-de-Marne dans les prochains mois, le Gouvernement continuera à porter la plus grande attention à la situation des effectifs de ce département.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez d’apporter.

Je souligne les efforts qui ont été accomplis dans la toute dernière période, notamment avec la création d’une ZSP, qui a permis d’enregistrer les résultats que vous avez soulignés.

Je souhaite simplement indiquer notre souhait de voir corriger les inégalités constatées dans le cadre de la politique conduite par le gouvernement précédent. Je pense en particulier aux villes de banlieue, qui ont beaucoup souffert des diminutions d’effectifs.

Pour ce qui concerne la ZSP créée sur la commune de Champigny-sur-Marne, je rappelle qu’il existe, à côté de cette zone, un quartier d’habitat sensible extrêmement important, qui dépend d’ailleurs également de Paris Habitat-OPH et nécessite le même type d’intervention.

La question posée est donc celle de l’extension de cette ZSP sur ce quartier contigu. Il s’agit non pas d’étendre à l’infini les zones de sécurité prioritaires, mais de faire en sorte qu’elles puissent être mises en place là où on en a le plus besoin.

baisse des limitations de vitesse sur le réseau routier secondaire

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 658, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le projet de baisse de la limitation de vitesse de 90 à 80 kilomètres-heure sur le réseau routier secondaire.

Cette réduction est préconisée par le comité d’experts du Conseil national de la sécurité routière, le CNSR, dans un rapport commandé par son président, qui estime qu’une telle mesure permettrait d’épargner de 350 à 400 vies chaque année si elle s’appliquait sur l’ensemble du réseau concerné.

Or la sécurité routière est une équation complexe, et la vitesse n’est qu’un facteur parmi d’autres de la mortalité sur les routes.

Aussi, avant d’envisager la mise en œuvre d’une telle limitation de vitesse, le Gouvernement pourrait-il indiquer son coût non seulement pour l’État, mais aussi pour les collectivités territoriales, qui auraient la charge de faire modifier l’ensemble des panneaux de signalisation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, vous interrogez le ministre de l’intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, sur les conséquences d’une éventuelle réduction de 90 à 80 kilomètres-heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires.

Permettez-moi de vous le rappeler, l’année 2013 a été une année historique sur le plan de la sécurité routière. Le nombre de tués a diminué de 11 % : jamais les routes françaises n’ont été aussi sûres depuis l’après-guerre. Mais ces chiffres, aussi encourageants soient-ils, ne doivent pas nous faire oublier que 3 250 personnes ont perdu la vie et plus de 70 000 ont été blessées. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de tels chiffres et devons donc continuer à agir avec détermination.

Le Gouvernement a un objectif clair dans ce domaine : parvenir à moins de 2 000 tués par an sur les routes françaises à l’horizon de 2020.

Comme vous l’indiquez, monsieur le sénateur, un accident de la route est souvent dû à de multiples facteurs. Mais la vitesse est la cause principale de 25 % des accidents mortels et intervient comme un élément aggravant lors de nombreux autres accidents.

Dans la lutte contre l’insécurité routière, le Gouvernement a fait le choix de la concertation. Manuel Valls a ainsi réinstallé, voilà un peu plus d’un an, le Conseil national de la sécurité routière, qui n’avait plus été réuni depuis 2008. Cette instance, qui rassemble l’ensemble des acteurs impliqués dans le domaine de la sécurité routière, est chargée de faire des propositions concrètes au Gouvernement.

Le 29 novembre dernier, le comité d’experts du Conseil national de la sécurité routière a présenté aux membres de ce conseil une première proposition de stratégie en vue de réduire encore le nombre d’accidents. Parmi les quatre premières pistes d’action mises en avant par ce comité figure effectivement, comme vous l’avez dit, l’abaissement de la limitation de vitesse de 90 à 80 kilomètres-heure sur les réseaux bidirectionnels, c’est-à-dire sur les routes sans séparateur central.

Les différentes commissions du Conseil national de la sécurité routière examinent actuellement les différentes pistes suggérées par le comité d’experts et débattent de ces dernières. Elles rendront leurs conclusions lors de l’assemblée plénière de ce conseil, le 16 mai prochain.

Le ministre de l’intérieur, qui s’est déjà montré favorable à l’idée d’une expérimentation, fera ensuite examiner par ses services les propositions formulées par le conseil. Ce travail sera naturellement conduit en étroite concertation avec les préfets et les présidents de conseil général.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le coût résultant de la modification de la signalisation routière. Il s’agit là d’une question importante. Tous les éléments d’évaluation des principaux effets de la mesure envisagée seront bien sûr établis.

Nous devons agir résolument pour continuer à améliorer la sécurité sur nos routes. Il ne doit plus y avoir de fatalité à voir les gens mourir ainsi. Pour atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement, toutes les pistes devront être explorées.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Permettez-moi de compléter les informations destinées à être portées à la connaissance de M. le ministre de l’intérieur.

Je prendrai l’exemple du CHU de Rennes, que je connais bien. Le mois dernier, le CHU de Rennes a admis, de nuit, quatre personnes souffrant de traumatismes gravissimes, présentant une alcoolisation excessive ou ayant consommé des substances illicites. Les services de la gendarmerie ont inscrit sur le procès-verbal : « vitesse excessive et consommation d’alcool ». Mais les professeurs en traumatologie et en réanimation disent, quant à eux, que c’est la trop forte consommation d’alcool ou celle de drogue la nuit qui est à l’origine de la vitesse excessive et de la perte de la maîtrise du véhicule. Par conséquent, il serait intéressant que soient uniformisées les méthodes à partir desquelles les rapports de police ou de gendarmerie sont rédigés. Au volant, il faut faire une différence entre excès de vitesse et vitesse excessive consécutive à une consommation d’alcool.

Le CHU de Rennes est à la disposition des services du ministre pour travailler sur cette question.

projet de service militaire adapté (sma) de futuna

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 645, adressée à M. le ministre des outre-mer.

M. Robert Laufoaulu. Malo te mauli ! monsieur le ministre. (Sourires.)

Le service militaire adapté, ou SMA, est un dispositif d’insertion socioprofessionnelle destiné aux jeunes volontaires les plus éloignés de l’emploi au sein des outre-mer. Lancé en 1961 aux Antilles, il a été progressivement étendu à pratiquement tous les départements et collectivités d’outre-mer.

Le succès du SMA est bien réel puisque trois jeunes sur quatre sont insérés à l’issue de leur parcours SMA. C’est la raison pour laquelle il a été décidé en 2009 d’en doubler les effectifs, avec pour objectif d’atteindre 6 000 stagiaires pris en charge annuellement à l’horizon 2016.

Wallis-et-Futuna est une des rares collectivités ultramarines à ne pas avoir de SMA, alors même que nos jeunes ne trouvent pas de débouchés et que l’attrait pour l’armée reste fort parmi eux.

Le Président de la République, lorsqu’il a reçu la délégation de Wallis-et-Futuna à la fin du mois de novembre, a d’ailleurs rendu hommage à l’engagement des Wallisiens et Futuniens dans nos forces militaires.

Voilà quelques années, il avait été envisagé de réserver des places pour les Wallisiens et Futuniens dans le SMA de Périgueux. Mais cela soulevait trop de difficultés. Donc, dès novembre 2008, avant même l’annonce du plan « SMA 6 000 », le gouvernement d’alors avait décidé l’implantation d’un détachement du SMA sur notre territoire, et la chefferie d’Alo à Futuna avait gracieusement accordé des terrains par convention signée en novembre 2009 avec l’État.

Les premières délégations de crédits devaient intervenir dès 2010, mais hélas ! il a été décidé de surseoir au projet, dont la mise en œuvre est depuis lors gelée.

Monsieur le ministre, je sais toute l’importance que vous attachez au système du SMA, dont vous connaissez les résultats extrêmement probants. Votre budget en témoigne puisque vous avez décidé une augmentation substantielle – de l’ordre de 5 % – des moyens accordés au dispositif en loi de finances pour 2014.

Je sais aussi tout l’intérêt bienveillant que vous portez à notre territoire et votre volonté d’aider à son développement. Le rattachement des jeunes Wallisiens et Futuniens aux autres SMA, en particulier à celui de Nouvelle-Calédonie, pose de vrais problèmes, vous le savez.

Dans le cadre du déploiement du dispositif vers l’objectif des 6 000 stagiaires, j’espère de tout cœur, monsieur le ministre, que vous pourrez entendre notre demande de relance et de concrétisation du projet de SMA à Futuna.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous confirme notre grand intérêt pour Wallis-et-Futuna, territoire que j’ai appris à aimer pour m’y être rendu deux fois. Et j’espère bien avoir l’occasion d’y effectuer une troisième visite.

Vous appelez mon attention sur les possibilités offertes aux jeunes Wallisiens et Futuniens pour mener à bien leur projet d’insertion professionnelle, dans le cadre du service militaire adapté.

Comme vous le savez, le SMA comprend sept régiments – les « RSMA » – implantés sur les différents territoires d’outre-mer. Ces RSMA accueillent des jeunes volontaires âgés de 18 à 25 ans qui, peu ou pas qualifiés, sont éloignés du marché du travail. Ainsi, parmi les jeunes accueillis, le SMA compte près de 38 % d’illettrés et 70 % n’ayant pas leur brevet des collèges.

Le SMA est avant tout un dispositif original qui renforce la capacité d’insertion socioprofessionnelle de ces jeunes dans la vie active en développant le goût de l’effort et en permettant l’apprentissage de la vie collective.

Ce dispositif ancien a su s’adapter aux évolutions des besoins des entreprises et des jeunes : en 2013, 5 400 volontaires ont été accueillis sur l’ensemble des outre-mer et 75 % d’entre eux se sont insérés à l’issue de leur parcours au SMA.

En 2016, conformément au plan de doublement des effectifs, ce seront près de 6 000 volontaires – vous l’avez dit – qui devraient bénéficier chaque année d’un parcours au SMA.

Comme vous l’indiquez également, le SMA n’est actuellement pas implanté à Wallis-et-Futuna, pas plus qu’il ne l’est à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, au nord de la Guadeloupe.

Les jeunes volontaires Wallisiens et Futuniens résidant sur le bassin de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, bénéficient néanmoins du dispositif puisqu’ils sont accueillis par le régiment du SMA implanté dans la province Nord de l’île, à Koumac et à Koné. Ces jeunes sont une vingtaine chaque année. Ils sont motivés par les formations professionnelles de la sécurité et du bâtiment. Leur parcours au SMA débouche sur 83 % de sorties positives sur le territoire calédonien.

Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, la création d’un détachement du SMA sur le territoire de Wallis-et-Futuna a été envisagée dès le début des années 2000, avec l’ambition de former, à terme, une cinquantaine de jeunes volontaires. Ce projet ne s’est pas concrétisé jusqu’à présent, principalement en raison de contraintes budgétaires, mais il n’est pas pour autant abandonné.

Je profite de l’occasion pour signaler que le régiment du SMA de Guadeloupe, compte tenu de la proximité de l’île de Saint-Martin avec ce qu’il est convenu d’appeler le continent guadeloupéen, accueille de jeunes Saint-Martinois. Wallis-et-Futuna étant situé à quelque 2 000 kilomètres du continent calédonien, un accord similaire aurait peut-être pu être trouvé, mais ce n’est pas le choix qui a été fait.

La mise en œuvre de ce projet de création d’un détachement du SMA sur le territoire de Wallis-et-Futuna, qui a été différée, est envisageable sous deux conditions : la première, c’est que des ressources budgétaires nouvelles puissent être mobilisées à la fois pour la création de postes d’encadrement et pour les dépenses d’investissement ; la seconde, c’est que le niveau de services de ce détachement soit au moins équivalent à celui qui est actuellement proposé à ces jeunes accueillis au SMA de Nouvelle-Calédonie. J’attache en effet vraiment du prix à ce qu’un tel dispositif puisse proposer un nombre significatif de formations pour renforcer les chances d’insertion des jeunes volontaires.

Dans l’intervalle, je resterai bien sûr très attentif à ce que les jeunes Wallisiens et Futuniens concernés puissent continuer à accéder dans les meilleures conditions au dispositif implanté en Nouvelle-Calédonie.

Je le répète, ce projet est différé, mais il n’est pas abandonné.

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous attendons votre troisième visite à Wallis-et-Futuna ; et j’espère que nous pourrons continuer à approfondir cette question de SMA à Futuna.

Le SMA, dispositif très intéressant et prometteur, permet aux jeunes, grâce aux formations qu’il leur offre, de s’intégrer rapidement sur le marché du travail.

Voilà quelques années, j’avais visité le régiment du SMA de Nouvelle-Calédonie, implanté à Koumac et à Koné. Les jeunes volontaires, en raison des formations qui leur sont dispensées, sont très privilégiés. Si les Wallisiens et Futuniens de Nouvelle-Calédonie y sont accueillis, les jeunes originaires du territoire de Wallis-et-Futuna ne l’intègrent pas facilement. D’où l’intérêt de créer à Futuna un dispositif SMA équivalent en matière de formation à celui de Nouvelle-Calédonie.

M. le président. Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de Mme la ministre déléguée chargée de la famille, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

accessibilité des cabinets médicaux

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 661, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’obligation de mise aux normes des cabinets médicaux pour l’accessibilité aux personnes handicapées à partir du 1er janvier 2015.

Depuis le 1er janvier 2007, les cabinets médicaux nouvellement créés doivent répondre à la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Les locaux doivent être équipés d’aménagements spécifiques, et deux arrêtés de 2006 et de 2007 précisent quels sont les équipements obligatoires.

La mise en conformité des cabinets médicaux existants a été fixée au 1er janvier 2015, et ce quelle que soit leur date de création. Cette mise en conformité va entraîner des travaux importants et soulever des difficultés dans les locaux anciens. Mais les problèmes les plus importants se poseront dans le cas des immeubles collectifs.

Madame la ministre, le professionnel de santé devra-t-il supporter seul le financement ? Il est prévisible que les copropriétaires refuseront de contribuer à financer un aménagement qui ne s’impose qu’à un seul occupant.

En ville, de nombreux cabinets médicaux sont situés en étage, dans des immeubles anciens où il est impossible d’installer un ascenseur. Il avait donc été annoncé que certains cabinets pourraient obtenir des dérogations. Existe-t-il une liste précise de ces dérogations et, si oui, quels en sont les critères ?

Enfin, vous le savez, cette situation entraînera des risques de fermeture anticipée. Compte tenu des dépenses et des contraintes, de nombreux médecins proches de l’âge de la retraite évoquent déjà leur départ. Cette situation va accroître la désertification médicale, y compris dans les villes, avec l’impossibilité de trouver un successeur, puisqu’il sera lui aussi confronté aux mêmes obligations.

Les médecins semblent peu ou pas informés. Que va-t-il se passer si les frais sont prohibitifs, ou en cas de refus des copropriétaires de procéder aux aménagements, ou pour les immeubles, il est vrai en petit nombre, classés monuments historiques ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, qui est actuellement en concertation, justement, sur les mesures que prendra le Gouvernement afin de donner une nouvelle dynamique à la mise en accessibilité.

Vous avez raison de rappeler, madame la sénatrice, que la mise en accessibilité des cabinets médicaux existants a été fixée au 1er janvier 2015 par la loi du 11 février 2005.

Le Gouvernement ne crée donc pas de nouvelles obligations. Il doit faire face à une situation qui est la conséquence du manque de portage politique de la loi de 2005 pendant de trop nombreuses années. La loi de 2005 prévoit déjà plusieurs types de dérogations possibles, notamment lorsque le bâtiment est classé, en cas d’impossibilité technique ou de disproportion manifeste entre les coûts et les bénéfices résultant des travaux à réaliser.

Ces dérogations s’appliquent aux cabinets médicaux et permettent de prendre en compte, par exemple, la question du coût financier des travaux sur l’activité ou bien les situations de refus d’une copropriété d’aménager les locaux. Un guide de l’accessibilité spécifique aux locaux des professionnels de santé est déjà disponible sur le site de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle. Il précise également la nature des dérogations, et je ne peux qu’encourager les représentants des professionnels de santé à diffuser ce dernier.

Par ailleurs, au printemps, sera déposé sur le bureau du Sénat un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans deux domaines : d’une part, l’adaptation des normes de mise en accessibilité afin d’ouvrir ces dernières à tous les types de handicap ; d’autre part, l’introduction dans la loi des agendas d’accessibilité programmée, ou Ad’AP. Tous les gestionnaires d’établissements recevant du public – cela inclut les cabinets médicaux existants – et de systèmes de transports qui ne seront pas en conformité avec la loi s’engageront sur un calendrier précis et resserré de travaux d’accessibilité. La signature d’un Ad’AP permettra de lever le risque pénal auquel seront exposés les intéressés dès l’échéance du 1er janvier 2015, et ce sur toute la durée de l’agenda, en contrepartie, bien sûr, de son respect.

Mme Claire-Lise Campion, sénatrice de l’Essonne et présidente de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, vient de terminer les concertations dans ces deux domaines avec l’ensemble des acteurs afin de recueillir le plus large consensus possible.

Je tiens à appeler chacun à la responsabilité. L’accessibilité des cabinets médicaux est naturellement une condition sine qua non de l’accès aux soins et donc de la santé des personnes handicapées. Nous ne pouvons imaginer de société inclusive sans un accès égal au système de santé, exigence qui est au cœur de notre modèle social.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, si j’ai bien compris votre réponse, il faut attendre le printemps pour obtenir un peu plus de précisions, et les médecins devront signer ces Ad’AP, dont pour ma part je découvre l’existence. Mais je ne suis pas un professionnel de santé, et je vais donc me rapprocher de ma collègue Mme Claire-Lise Campion pour en savoir plus sur les normes d’accessibilité.

Cela étant, peut-être une autre solution aux problèmes d’accessibilité pourrait-elle être envisagée ? Ne pourrait-on concevoir que, pour toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap, les déplacements à domicile des médecins soient automatiquement pris en charge, sans autorisation préalable, dès lors que le cabinet du médecin n’est pas accessible ? Compte tenu du rapport coût-bénéfice des travaux, que vous avez évoqué, ce pourrait être une bonne solution. Je pense donc qu’il y a plusieurs moyens de régler le problème de l’accessibilité.

Mais je veux surtout insister sur un point – c’était d’ailleurs l’esprit de ma question –, à savoir le problème de la désertification médicale. En effet, étant donné les dépenses et les contraintes liées à la question de l’accessibilité, de nombreux médecins proches de l’âge de la retraite songent à arrêter leur activité. Parallèlement, il n’y a pas de médecins repreneurs. En effet, si le cabinet repris est considéré comme un cabinet nouvellement créé, le repreneur ne pourra pas satisfaire aux normes de mise en accessibilité en vigueur depuis le 1er janvier 2007. Voilà qui va freiner l’installation de nouveaux médecins.

Il y a donc un réel problème, pas seulement pour les médecins, mais aussi relativement à leur implantation. Et la question se pose aussi en milieu urbain : ainsi, dans mon département du Val-de-Marne, le président du conseil départemental de l’ordre des médecins évalue à quelque 15 à 20 % la part des cabinets situés en étage et donc non accessibles aux personnes handicapées, et ce dans un territoire qui, compte tenu d’une démographie médicale en chute, connaît une certaine forme de désertification médicale. Il est donc important de progresser sur ce sujet.

projet de création d'une structure innovante pour enfants autistes à saint-andré-le-puy

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 669, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention, et celle du Gouvernement, à la suite de la publication de l’arrêté pris par le directeur général de l’agence régionale de santé de Rhône-Alpes en date du 10 décembre 2013, qui n’a pas retenu le projet de création d’un institut médico-éducatif de 20 places pour enfants autistes à Saint-André-le-Puy.

Je ne comprends toujours pas, et le mot est faible, l’avis défavorable de la commission consultative concernant l’appel à projets, et encore moins l’arrêté de l’ARS, alors que de nouvelles pièces avaient été portées au dossier.

En effet, ce projet a notamment reçu l’avis favorable, depuis de nombreuses années, des services de l’État et de ceux du conseil général de la Loire, ainsi qu’un avis très positif de l’ancienne directrice du handicap et du grand âge de l’ARS Rhône-Alpes, Mme Lejeune. La méthode ABA répond pleinement aux recommandations définies par la Haute Autorité de santé pour le troisième plan Autisme et à celles de l’ARS de la région Rhône-Alpes.

Surtout, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, à l’époque ministre des solidarités et de la cohésion sociale, avait qualifié ce dossier d’exemplaire, après examen par ses services. Elle avait même demandé, dans une lettre datée de mars 2012, au directeur général de l’ARS d’autoriser la création de cet IME. À cet effet, Mme Bachelot-Narquin avait écrit que le budget de l’agence régionale de santé bénéficierait en 2014 d’un abondement exceptionnel de 1,2 million d’euros par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ce qui a été fait, permettant l’ouverture de l’établissement en septembre 2014.

Mme Valérie Létard, que je souhaite associer à cette question, a aussi soutenu ce dossier avec force et conviction.

Aujourd’hui, c’est le travail de plusieurs années qui est remis en cause. Par ailleurs, je ne peux accepter que certains dysfonctionnements de l’État pénalisent les enfants.

J’ai été abasourdi par la réponse du directeur de l’ARS de Rhône-Alpes, M. Christophe Jacquinet – du reste, limogé la semaine dernière - qui, dans une lettre datée du 10 octobre dernier, m’a informé qu’il n’avait pas connaissance du courrier de mars 2012 de Mme Roselyne Bachelot-Narquin...

Enfin, je ne peux accepter que l’abondement qui avait été attribué spécifiquement à ce projet soit transféré à un autre, en l’occurrence celui des Liserons à Saint-Chamond, structure qui se créera désormais à Saint-Étienne.

Pour couronner le tout, M. Christophe Jacquinet demande à l’association ABA de se rapprocher de l’association Les Liserons pour s’arranger avec elle.

Je m’interroge fortement sur le fait que l’on puisse revenir sur la parole et les écrits d’un ministre de la République. À travers lui, c’est bien sûr la parole et les engagements de l’État qui sont remis en question, ainsi que la continuité des décisions prises au plus haut niveau.

Les familles et les élus sont exaspérés par la façon dont les services de l’État ont traité cette affaire.

Ainsi, madame la ministre, je vous demande solennellement de réexaminer ce dossier et de prendre en compte les avis favorables qui ont été émis, afin que ce magnifique projet pour les enfants autistes puisse voir le jour.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, je répondrai de nouveau au nom de Mme Carlotti.

Vous attirez l’attention du Gouvernement sur le projet de création d’un institut médico-éducatif de 20 places porté par l’Association ABA-Apprendre autrement, qui est soutenu par la commune de Saint-André-le-Puy et également appuyé par un courrier de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale en date du 7 mars 2012 adressé à Mme Létard.

La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009 définit, en matière de créations d’établissements médico-sociaux, une procédure qui s’applique à tous. Le principe de continuité gouvernementale exige d’abord que l’actuel gouvernement applique et respecte les lois initiées par le précédent gouvernement et votées par la majorité parlementaire d’alors.

Ce cadre, c’est celui de la nouvelle procédure d’autorisation, qui inclut l’appel à projets. Ainsi, la notification de la CNSA en date du 4 octobre 2012 au directeur général de l’agence régionale de santé de Rhône-Alpes précise, comme il se doit, qu’une enveloppe de 1,2 million d’euros est attribuée en vue de la création d’un IME de 20 places dans le département de la Loire.

La procédure a ensuite suivi son cours, conformément à la loi de 2009, et la commission de sélection d’appel à projets a adopté, à l’unanimité, un classement qui ne place pas le projet défendu par l’association ABA-Apprendre autrement dans le premier tiers.

Je n’ose imaginer qu’elles auraient été les réactions si le Gouvernement avait fait pression pour que la décision finale du directeur général de l’ARS contredise radicalement l’avis de la commission, contrairement à l’esprit et à la lettre de la loi HPST. C’eût été flécher une enveloppe vers une association au mépris de l’avis unanime d’une instance composée de représentants des fédérations, d’associations d’usagers, de personnalités qualifiées et de représentants de l’État.

Le directeur général de l’ARS a ensuite cherché, sa décision prise, une solution consensuelle avec l’ensemble des acteurs.

Ce qui importe pour les enfants autistes et leurs familles, c’est que soit créé dans la Loire un institut médico-éducatif appliquant les recommandations de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ANESM, qui sont le fil rouge du troisième plan Autisme. Marie-Arlette Carlotti s’est assurée auprès du directeur général de l’ARS de Rhône-Alpes que cette structure serait ouverte dans les délais impartis.

Monsieur le sénateur, le troisième plan Autisme se déploie entre 2013 et 2017 et est accompagné par un effort inédit de 205 millions d’euros.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je ne suis pas satisfait de votre réponse, vous vous en doutez. Je tiens à vous rappeler que le dossier technique de Saint-André-le-Puy est opérationnel, puisqu’un terrain de 5 000 mètres carrés a été cédé à l’association ABA en janvier 2010 et qu’un bail emphytéotique de quatre-vingt-dix-neuf ans a été signé le 25 juin 2013. Ce n’est pas le cas de l’association Les Liserons, qui n’a ni localisation ni terrain.

En outre, l’implication des familles est totale, la méthode ABA reconnue et Saint-André-le-Puy permettrait de mutualiser l’IME avec l’école et les associations sportives. Les enfants, qui grandissent, devront-ils encore attendre des années ?

De façon plus générale, et pour conclure, il n’est pas satisfaisant, surtout pour le membre de la délégation française auprès de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que je suis, de devoir constater que la France a été pointée du doigt au Conseil de l’Europe, car elle ne respecte pas le droit des enfants et adolescents autistes à être scolarisés dans des établissements ordinaires.

état sanitaire dégradé du département du nord

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, auteur de la question n° 672, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Delphine Bataille. Madame la ministre, le Gouvernement s’est engagé, à travers le pacte territoire-santé, dans la lutte contre les déserts médicaux, enjeu essentiel pour la région Nord-Pas-de-Calais.

Le directeur général de l’agence régionale de santé reconnaissait voilà quelques semaines qu’il y avait beaucoup à faire dans un contexte de difficultés général, mais se félicitait, dans le même temps, de l’engagement des acteurs locaux et du partenariat avec la collectivité régionale.

Le pacte territoire-santé s’est traduit, en Nord - Pas-de-Calais, par un avenant au programme régional « démographie des professions de santé » arrêté au mois de juin dernier.

Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a dressé, la semaine dernière, un premier bilan très positif de ce pacte, en soulignant la mobilisation de l’ensemble des acteurs dans toutes les régions.

Néanmoins, les résultats restent insuffisants pour le Nord - Pas-de-Calais, et la ministre de la santé y a insisté en précisant que cette région n’a pas suffisamment embrayé pour combler son retard et qu’elle a besoin d’être dynamisée.

Par ailleurs, les mesures visant à renforcer la présence médicale dans les territoires et à majorer les subventions des maisons de santé pluridisciplinaires risquent de se révéler insuffisantes pour résorber la fracture médicale dans le département du Nord, où les zones rurales sont sous-équipées en médecins généralistes, où l’offre de soins est quasi inexistante pour certaines spécialités, comme la pédopsychiatrie, et qui, de manière globale, reste confronté à des enjeux sanitaires et sociaux plus importants qu’au niveau national.

Situé dans une région marquée durablement par l’empreinte industrielle et la reconversion des sites sidérurgiques et miniers, le Nord est confronté à des problématiques spécifiques qui se traduisent notamment par une surmortalité importante et persistante au regard de la moyenne nationale et par une espérance de vie demeurant la plus faible de France.

Ces graves indicateurs révèlent une situation sanitaire de ces bassins industriels ruraux profondément dégradée, malgré un investissement constant en équipement et dans des actions de prévention des collectivités locales, qui traduisent leur souci de résorber la fracture dans l’accès aux soins.

La santé d’une population étant à la fois cause et conséquence des dynamiques territoriales, une approche globale permettant d’agir sur l’ensemble des déterminants de santé est donc nécessaire et doit s’accompagner d’une territorialisation des politiques publiques de santé.

Dans ce contexte, je vous remercie de bien vouloir nous indiquer, madame la ministre, les actions concrètes que le Gouvernement compte entreprendre dans cette mission régalienne, soutenue par l’action des collectivités locales, pour améliorer l’état sanitaire du département du Nord et permettre un rattrapage des inégalités qui touchent sa population plus que les autres, par rapport aux références nationales.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine.

Comme vous le rappelez à juste titre, le Gouvernement s’est engagé très rapidement dans la lutte contre les déserts médicaux avec le lancement, dès la fin de 2012, du pacte territoire-santé. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé était d’ailleurs la semaine dernière à Chalon-sur-Saône, où elle a dressé le bilan national de la première année d’application de ce pacte.

Nous sommes partis du constat que les mesures prises par nos prédécesseurs ont été inefficaces, car ponctuelles et sans cohérence d’ensemble. La force de ce pacte réside donc notamment dans le fait qu’il a été conçu comme un plan global composé de douze engagements concrets interagissant les uns avec les autres.

Un an après l’annonce du pacte, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Des médecins s’installent dans les territoires manquant de professionnels ; 180 praticiens territoriaux de médecine générale ont franchi le pas en 2013. Devant le succès du dispositif, 200 nouvelles installations sont prévues pour 2014. En outre, 591 étudiants ou internes ont opté pour le versement d’une bourse en contrepartie de l’engagement de s’installer dans un désert médical. Cela représente une augmentation de 65 %, et le dispositif sera désormais élargi aux futurs chirurgiens-dentistes.

Des structures d’exercice coordonné maillent le territoire, et la dynamique engagée montre bien que ce cadre d’exercice répond aux attentes des jeunes médecins.

Entre 2012 et 2013, le nombre de maisons de santé a plus que doublé, passant de 174 à 370 ; en 2014, il y en aura plus de 600.

L’accès aux soins urgents en moins de trente minutes sera une réalité en 2014 pour 1 million de personnes supplémentaires, grâce à l’évolution considérable du nombre de médecins correspondants du SAMU : 150 en 2012, 650 en 2014.

De nombreuses autres mesures portent également leurs fruits : réalisation des stages en médecine générale pour les étudiants ; mise en place d’un correspondant « installation » dans chaque ARS ; développement de la télémédecine.

Madame la sénatrice, la dynamique est bien engagée, en Nord - Pas-de-Calais, et en particulier dans le département du Nord que vous connaissez bien : 28 contrats d’engagement de service public, ou CESP, ont été signés, 31 projets de maisons et pôles de santé sont recensés dans le département, dont 7 sont en fonctionnement ; 6 devraient ouvrir rapidement. En outre, un projet de télémédecine pour la prise en charge des plaies complexes est expérimenté sur les zones de Cambrai et de Roubaix.

Un autre projet porte sur la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux dans le sud du département du Nord et l’Artois-Douaisis.

Vous évoquez également la prévention. La région est très mobilisée, avec 300 projets pour près de 8,6 millions d’euros financés par l’agence régionale de santé, sur des thématiques telles que le cancer, les addictions, l’alimentation ou encore la santé mentale.

L’engagement du Président de la République et du Gouvernement dans la lutte contre les inégalités d’accès aux soins est aujourd’hui une réalité. Mme Touraine est confiante quant aux solutions mises en œuvre et quant à l’évolution de la situation des territoires en difficulté.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Vous avez parfaitement ciblé les thématiques de santé qui mobilisent l’énergie des acteurs du département du Nord.

Ma question présentait deux aspects. D’une part, j’insistais sur les facteurs sociaux qui, dans ce département, pèsent plus lourdement que dans le reste du territoire national sur les parcours de soins, et sur les dépenses de santé, qui y sont plus élevées que la moyenne nationale. D’autre part, je soulignais l’existence de disparités cette fois à l’échelle infradépartementale, certains bassins de vie ruraux du sud du département connaissant des facteurs plus élevés.

Face à cette situation, les conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais se sont engagés dans une démarche originale et audacieuse : s’affranchissant des limites administratives, ils ont signé une convention-cadre sur les relations entre l’ARS et les deux départements, traduisant ainsi leur ambition partagée en matière de santé.

Ces deux départements sont très peuplés et engagent 2 500 millions d’euros en dépenses directes de solidarité, dont 1 700 millions d’euros pour le seul département du Nord. Quelque 4 000 agents administratifs sont en charge des politiques sociales, dont 1 000 pour la santé.

De plus, la région Nord – Pas-de-Calais renforce toujours son intervention en termes d’investissements pour les équipements. S’il y a quelque temps encore les patients devaient attendre six mois pour un scanner ou une IRM, ces délais sont aujourd’hui réduits à quinze jours !

Vus de Paris, les chiffres du Nord peuvent sembler correspondre à la moyenne nationale. Toutefois, dans certains territoires isolés, les moyens sont très nettement limités, et le sentiment d’abandon qu’éprouve la population en est encore accru. C’est que la réalité n’est pas la même selon que l’on réside dans la métropole lilloise ou dans la campagne profonde : dans certains villages, il est difficile de trouver un médecin généraliste, madame la ministre !

De surcroît, de nombreuses familles sont dans une précarité telle qu’elles sont peu mobiles et ne peuvent pas toujours se déplacer pour aller là où se trouve un cabinet médical.

Nos concitoyens ne cherchent pas un responsable politique ou administratif, ils demandent une attention globale des pouvoirs publics à leur endroit. À ce titre, il est nécessaire d’affiner le diagnostic territorial pour mieux cibler les besoins et mieux adapter les réponses.

Pour conclure, je souligne que le rôle régulateur de l’État demeure déterminant au sein de ces territoires ruraux. S’il existe une complémentarité entre un État fort et des collectivités décentralisées, l’intervention de l’État reste fondamentale pour permettre un rééquilibrage de l’offre de soins et empêcher la désertification médicale.

Vous l’avez indiqué, madame la ministre, il faudra continuer à veiller, avec l’ARS, à ce que les nouvelles installations de médecins profitent à ces territoires isolés.

modalités de désignation des directeurs des foyers départementaux de l'enfance

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 668, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les modalités de désignation des directeurs des foyers départementaux de l’enfance.

Les services de l’aide sociale à l’enfance ont notamment en charge directe le soutien matériel, éducatif et psychologique des mineurs en situation de danger dans l’ensemble de leur ressort. À cet égard, les foyers départementaux de l’enfance jouent un rôle essentiel dans le dispositif d’évaluation, d’hébergement et d’orientation des mineurs en danger, particulièrement en situation d’urgence.

Ces structures sont, le plus souvent, des établissements sans personnalité morale, intégralement financés via le budget annexe du département et administrés par une commission de surveillance nommée par le président du conseil général. En revanche, la direction de ces établissements relève toujours du pouvoir de nomination de l’autorité compétente de l’État, après avis consultatif du président du conseil général.

En application des dispositions du code de l’action sociale et des familles et de l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986, ce sont donc les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux, relevant de la fonction publique hospitalière, qui ont vocation à être nommés à la tête de ces structures.

Or force est de constater que, dans le cursus actuel de l’école des hautes études en santé publique, l’EHESP, le sujet de l’enfance en danger n’est, malheureusement, que très peu abordé, quand il l’est.

Cette inadéquation des formations, couplée à des fonctions de directeur étroitement liées aux décisions du département, rend ces postes peu attractifs.

Ainsi, en cinq ans, trois directeurs d’établissements sanitaires et sociaux se sont succédé à la tête du village de l’enfance de la Dordogne.

Pour un directeur territorial ayant l’expérience nécessaire et une formation adaptée à la problématique de l’enfance en danger, il n’est pour l’heure pas possible de postuler à ce poste ou d’être proposé par le président du conseil général. Seuls les directeurs d’établissements sanitaires et sociaux issus de l’EHESP peuvent prétendre à une direction de foyer départemental de l’enfance.

Par ailleurs, l’évaluation individuelle des directeurs, la validation de leurs congés et de leur formation continue sont confiées aux services déconcentrés qui, depuis la décentralisation, n’ont plus l’expérience ni la connaissance de la protection de l’enfance.

Dans ce contexte, à la suite de la réaffirmation du rôle central dévolu aux départements par la réforme la protection de l’enfance, il paraît peu cohérent de ne pas confier aux présidents de conseil général le choix de la direction des foyers départementaux de l’enfance placés au cœur du dispositif de protection de l’enfance dont ils ont la responsabilité.

Par ailleurs, le fait de réserver ces postes à un corps ayant essentiellement une formation sanitaire et gestionnaire n’est pas en adéquation avec la nécessité d’assurer aux équipes éducatives de terrain un appui et un pilotage éclairés. Cette problématique a déjà été soulevée, sans qu’une réponse satisfaisante soit apportée pour autant.

Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les clarifications, modifications et précisions réglementaires et législatives que le Gouvernement serait susceptible d’adopter ou de proposer en ce sens ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, vous attirez l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les modalités de désignation des directeurs des établissements départementaux de l’aide sociale à l’enfance, et sur l’opportunité de décentraliser ces nominations.

Cette question, que vous soulevez à juste titre, met en évidence le décalage existant entre la décentralisation de la mission de protection de l’enfance, dévolue aux départements, et le maintien d’une nomination par le ministre des directeurs des établissements chargés de la mise en œuvre de cette même mission.

Je rappelle qu’à ce jour le choix des directeurs des établissements relevant des départements n’exclut pas les conseils généraux, dont l’avis est recueilli avant toute nomination.

Reste que ces personnels dirigeants relèvent du statut particulier des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière, régi par le décret n° 2007-1930 du 26 décembre 2007. Ces nominations échappent, de ce fait, à la compétence du conseil général.

Cette formule se révèle inadaptée en cas de carence de candidature des directeurs formés à l’EHESP pour ce type d’établissements, ou dans la mise en œuvre de la procédure d’évaluation des directeurs des établissements départementaux de l’enfance.

C’est pourquoi le Gouvernement a engagé une réflexion sur ce sujet, dans le cadre de travaux consacrés à la cartographie des postes de direction de la fonction publique hospitalière. Il s’interroge à ce titre sur une évolution du dispositif actuel.

Deux pistes méritent plus particulièrement d’être travaillées : la formation des directeurs au sein de l’EHESP et la diversification du recrutement.

Compte tenu de son caractère généraliste, la formation dispensée par l’EHESP permet aux directeurs d’appréhender toute la diversité des politiques publiques. Cette formation comporte un volet spécialisé sur l’enfance pour les candidats à la direction d’établissements de ce secteur. Toutefois, ces problématiques de formation continue et d’adaptation à l’emploi des directeurs doivent faire l’objet de travaux complémentaires, pour permettre à ces directeurs de mieux appréhender les questions liées à la protection de l’enfance. En tant que ministre de la famille, chargée de ces sujets, j’y suis particulièrement sensible.

Par ailleurs, afin de pallier les vacances de postes de direction préjudiciables à la mise en œuvre des projets d’établissement, il importe de diversifier les voies de recrutement. Les statuts des différentes fonctions publiques permettent d’en ouvrir le champ. Il est ainsi possible de recourir au détachement de fonctionnaires appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de même niveau que les directeurs de la fonction publique hospitalière. Des nominations peuvent également être assurées par la voie du tour extérieur, après examen individuel des candidatures.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui apporte une première solution à la question posée. De fait, vous avez conclu votre propos en indiquant qu’il était possible de recourir au détachement de fonctionnaires appartenant à des corps ou à des cadres d’emploi de même niveau, et que des directeurs pouvaient par ailleurs être choisis par la voie du tour extérieur.

De telles modalités de nomination permettraient de résoudre ce problème si spécifique. Je prends acte de votre volonté en la matière. Nous resterons bien sûr très vigilants concernant les évolutions que vous nous avez indiquées.

déserts médicaux en essonne

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, en remplacement de Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 674, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ne pouvant être présente ce matin, Claire-Lise Campion m’a chargé de poser, à sa place, cette question qui m’intéresse du reste au plus haut point.

Dans l’Essonne, comme sur l’ensemble du territoire national, on constate des inégalités en matière d’accès aux soins et de répartition des professionnels de santé.

À titre d’exemple, dans le sud de ce département, on déplore une situation de sous-effectif des médecins généralistes et spécialistes – dentistes, psychologues, psychiatres, notamment. D’après une étude menée par les services du conseil général, aujourd’hui, un Sud-Essonnien sur quatre rencontre des difficultés pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste, et un sur deux pour obtenir une consultation chez un spécialiste. Pis, un Sud-Essonnien sur cinq aurait même renoncé à se soigner !

Les inégalités pointées à ce titre ont un impact sur l’activité même des médecins qui ont choisi d’exercer dans ces zones sinistrées. Ils doivent en effet faire face à une surcharge de travail, qui touche les praticiens de cinq cantons sud-essonniens sur sept.

L’ARS d’Île-de-France a pour l’heure identifié trois zones d’intervention prioritaires quant à la présence de professionnels de santé. Mais l’avenir laisse augurer une aggravation de la situation, si l’on considère les dynamiques d’implantation, les médecins généralistes comme les spécialistes s’installant de préférence dans les zones aisées et densément peuplées.

D’autres données indiquent que, dans bon nombre de communes, la relève n’est pas assurée, ces territoires perdant, en proportion, plus de médecins que la moyenne de l’Île-de-France. Celle-ci est certes la région française formant le plus grand nombre de médecins, mais elle peine à les retenir. Aussi, la continuité des soins étant menacée, la question du renouvellement se pose de toute urgence.

Aux communes qui éprouvent déjà le manque de professionnels de santé s’ajoutent celles qui, au regard des tendances de la démographie médicale, souffriront à court et à moyen terme des mêmes atteintes. Cet état de fait suscite de grandes inquiétudes.

Faute de trouver une offre de soins de proximité satisfaisante, les Essonniens s’en remettent aux services d’urgence hospitaliers, dont ils louent la qualité et les compétences du personnel. Mais, dans ce domaine également, rien ne semble acquis, des incertitudes pesant actuellement sur le maintien de services, à l’image de l’unité de réanimation du centre hospitalier d’Arpajon.

Dans une délibération du 25 novembre 2013, le conseil général de l’Essonne a exprimé sa volonté de poursuivre et de renforcer sa collaboration avec l’ARS d’Île-de-France pour lutter plus efficacement contre les inégalités sociales et territoriales de santé. Cette volonté se manifeste par la mise en œuvre d’un protocole de travail entre les deux entités, devant déboucher, à terme, sur une convention départementale de santé.

Le Gouvernement, prenant lui aussi le problème à bras-le-corps, a annoncé il y a près d’un an la mise en œuvre d’un pacte territoire-santé comportant douze mesures destinées à la résorption des déserts médicaux et fondées sur la mobilisation et l’incitation des professionnels de santé. Il y affiche des objectifs clairs : adapter la formation et faciliter l’installation des jeunes médecins, transformer les conditions d’exercice des professionnels de santé et investir dans les territoires isolés.

Aussi, Mme Campion demande à Mme la ministre de bien vouloir lui indiquer les mesures mises en œuvre dans le département de l’Essonne au titre de ce pacte territoire-santé, en vue d’enrayer le phénomène de désertification médicale et de pérenniser les services hospitaliers, qui deviennent bien souvent une solution alternative face au manque de praticiens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé à juste titre dans votre question que le Gouvernement, et particulièrement la ministre des affaires sociales et de la santé, s’est engagé très rapidement dans la lutte contre les déserts médicaux, avec l’élaboration du pacte territoire-santé, dont nous venons de célébrer le premier anniversaire.

En Île-de-France comme sur l’ensemble du territoire, la dynamique est bien engagée. Pour le département de l’Essonne, que vous connaissez bien, je vous livre quelques exemples. Trois contrats de praticien territorial de médecine générale y ont été signés en 2013, deux dans le sud du département, dans le canton de Méréville, et un à Vigneux-sur-Seine.

L’accompagnement des professionnels de santé est renforcé grâce à des permanences locales, organisées par l’agence régionale de santé, les unions régionales des professionnels de santé, ou URPS, les ordres et l’assurance maladie.

Je citerai encore création de cinq maisons et pôles de santé pluridisciplinaires, dont l’inauguration de la MSP Le Jariel, à Forges-les-Bains, en novembre 2013, qui résulte d’une forte mobilisation des élus locaux et du soutien de l’ARS.

De nombreux projets sont en cours. Trois doivent ouvrir dans le courant de l’année, dont un en territoire déficitaire : à Corbeil, à Paray-Vieille-Poste et à Boutigny-sur-Essonne.

Vous faites également référence à la situation de certaines structures hospitalières du département. Parmi les mesures du pacte, l’engagement 11 vise à renforcer les coopérations entre les établissements. Une équipe de professionnels de santé travaillant sur deux établissements permet de mieux répartir les ressources, de renforcer le niveau des compétences et d’améliorer l’attractivité des postes offerts.

L’engagement du Président de la République et du Gouvernement dans la lutte contre les inégalités d’accès aux soins est aujourd’hui une réalité. Je suis confiante quant à l’évolution de la situation, en particulier dans les territoires en difficulté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse précise, que je transmettrai à ma collègue Claire-Lise Campion. Je sais l’engagement de Mme Marisol Touraine pour la résorption des déserts médicaux. Beaucoup, toutefois, reste à faire, au vu de l’âge moyen des médecins généralistes aujourd’hui : cinquante-six ans…

Cette question, ainsi que l’a souligné tout à l'heure Delphine Bataille, reste problématique au niveau infradépartemental, avec des territoires désertiques où l’on ne voit pas de solution poindre à l’horizon.

évolution de la législation sur le vin

M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, auteur de la question n° 626, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre, un projet de loi de santé publique va être présenté au Parlement au cours de cette année 2014. Il devrait comporter de nombreuses mesures concernant certains produits de consommation comme le tabac, les aliments gras ou riches en sucre, et l’alcool. Mon intervention portera sur les dispositions concernant le commerce du vin.

Parmi les mesures attendues, ou plutôt redoutées, figurent l’interdiction de parler positivement du vin dans les médias, notamment sur internet, une taxation plus sévère du vin à des fins de santé publique, ou encore un renforcement des mentions sanitaires sur les étiquettes.

Si je soutiens entièrement le Gouvernement dans sa volonté de protéger la santé de nos concitoyens, j’insiste sur la nécessité de ne pas culpabiliser inutilement les consommateurs. Ce n’est pas le simple fait de consommer du vin, mais bien le fait de le consommer de manière abusive ou immodérée, qui emporte des conséquences néfastes sur la santé.

Or, entre des mesures préventives incitant à la modération et des mesures culpabilisantes visant l’arrêt pur et simple de la consommation, il n’y a qu’un pas, que nous serions mal avisés de franchir.

Si durcissement de la législation il doit y avoir, il est primordial qu’il apparaisse de manière claire que ce n’est pas le vin qui est combattu, mais sa consommation excessive.

Il serait contre-productif et préjudiciable pour notre économie d’adopter, pour le vin, les mesures drastiques conçues pour la législation encadrant le tabac. Je vous le demande, monsieur le ministre, et je prends à témoin mes collègues et le président de séance : comment apprécier une bonne bouteille, lors d’un repas convivial, en famille ou entre amis, si sont portées sur l’étiquette les mentions « Ce produit tue » ou « Ce produit provoque des cancers » ?

Adopter ce type de mesures extrêmes aurait de lourdes conséquences économiques pour notre pays. Les élus sont préoccupés par ce possible durcissement de la législation. À titre d’exemple, le chiffre d’affaires de la filière, production et négoce inclus, en Languedoc-Roussillon, où je suis élu, s’élève à plus de 3 milliards d’euros par an, soit 20 % des exportations de la région. Il s’agit d’une activité cruciale pour le territoire, qui compte environ 3 000 entreprises vitivinicoles, 25 000 producteurs et 240 caves coopératives.

Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais que vous vous engagiez aujourd’hui à défendre auprès du ministre de la santé, en cas de modification de la législation encadrant le commerce du vin, un équilibre entre les mesures préventives incitant à la modération de la consommation, et la préservation de l’attractivité du vin, fleuron de notre patrimoine national.

M. le président. Je m’associe volontiers à cette question, mon cher collègue !

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet d’adresser un message rassurant à nos viticulteurs.

Le Gouvernement a toujours été clair : la filière viticole joue un rôle majeur, en particulier dans la balance commerciale de la France. Grâce au vin et aux spiritueux, en effet, notre balance commerciale agroalimentaire est excédentaire.

Au-delà de cette réalité commerciale et économique, les vins français sont emblématiques de notre patrimoine, dont ils constituent un fleuron, vous l’avez dit à juste titre. Si le repas des Français a été inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, c’est aussi parce que le vin y a sa place !

Le Gouvernement mène des politiques de prévention qui ne s’attaquent pas au vin en tant que tel, mais à la consommation excessive de vin, à la consommation abusive d’alcool, dont nous connaissons tous, malheureusement, les conséquences. La consommation de vin, pourvu qu’elle soit modérée et raisonnable, n’est pas en cause. Des repères de consommation ont d’ailleurs été déterminés et sont associés à des recommandations en matière de réduction des risques.

Le Gouvernement est engagé dans plusieurs politiques de prévention, en matière de lutte contre le cancer, contre la drogue et contre les conduites addictives ou en matière d’amélioration de la sécurité routière.

Concernant les questions de santé publique, nous nous devons d’être extrêmement vigilants et responsables. Nous le sommes, en particulier, pour aider les jeunes de notre pays à prendre conscience des dangers d’une consommation excessive. Nous devons donc parvenir à faire évoluer les comportements, dès lors qu’ils mettent en jeu la vie de certains consommateurs, comme de ceux qui croiseraient leur route. Cette vigilance a produit des résultats et doit s’inscrire dans la durée.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement entend continuer à mener des politiques de prévention visant à lutter contre la consommation excessive d’alcool, mais entend tout autant soutenir une filière que nous savons essentielle pour notre économie. Et je ne risque pas d’être démenti par le président du conseil régional de Languedoc-Roussillon ! (Sourires.) C’est pourquoi nous n’avons pas augmenté la fiscalité du vin ni modifié l’encadrement de la publicité qui s’y rapporte. Cet équilibre sera maintenu.

M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin. Je vous remercie, monsieur le ministre. Quel que soit le sujet, toujours plus de prévention ne saurait nuire. Je voudrais cependant vous enjoindre de tordre le cou à cette rumeur persistante, qui se répand partout. Elle n’est pas saine pour le pays. Je suis prêt à vous y aider, comme toutes les forces des territoires concernés. Il est essentiel que vous y parveniez.

L’économie n’est pas toute la vie, mais c’en est une partie. Dans ce domaine, laissez-moi faire un peu la promotion du Languedoc-Roussillon dans le temps qui m’est imparti : aujourd’hui, notre région conforte sa position dans l’exportation du vin, qui progresse de 7 % cette année après une augmentation de 6 % l’année passée. Vous le savez, malheureusement, l’ensemble de nos exportations diminuent de 1,3 %. Autrement dit, monsieur le ministre, nous tenons bon et, si nous tenons bon, c’est grâce à des produits agroalimentaires comme le vin, qui est notre force tout autant que la raison de notre existence économique.

Il ne faut donc pas faire n’importe quoi. Concernant la prévention, tous les acteurs économiques de nos territoires sont prêts à vous aider, mais il vous appartient à vous, en votre qualité de ministre, de tordre le cou à cette rumeur !

convention pluriannuelle d’objectifs des éclaireuses et éclaireurs de france

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 678, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

Mme Mireille Schurch. Ma question s’adressait en effet au ministre de l’éducation nationale…

Le Président de la République a fait de la jeunesse une de ses priorités. M. le ministre de l’éducation nationale a fermement défendu, et à plusieurs reprises, l’idéal laïc et républicain. Pas plus tard que la semaine dernière, M. le Premier ministre a fait de l’engagement associatif une grande cause nationale pour 2014.

Nous sommes donc bien au cœur du sujet avec cette question.

Les Éclaireuses et Éclaireurs de France, branche laïque du scoutisme français, ont été la première association de scoutisme fondée en France, en 1911. Cette association est ouverte à tous, sans distinction d’origine, de situation sociale ou de conviction philosophique et religieuse. Elle vise à former des jeunes citoyens actifs et responsables et constitue ainsi une école de citoyenneté et d’engagement pour les jeunes.

Reconnue d’utilité publique depuis 1925, et complémentaire de l’enseignement public, l’association est en danger en raison d’une possible décision de réduction draconienne de la subvention que lui attribue le ministère de l’éducation nationale dans le cadre de la convention pluriannuelle d’objectifs.

L’histoire de cette association plus que centenaire comme la multitude de ses actions novatrices au service de l’éducation par l’action sont ainsi bafouées. La réduction annoncée de 50 % de son financement remet en cause l’ensemble des interventions de ce mouvement, notamment au sein des écoles, comme la formation des délégués de classe, l’accueil de classes transplantées ou les ateliers d’éducation à la paix et la non-violence. De plus, la qualité de ses actions risque d’être altérée par l’obligation, que provoquerait le manque de moyens, de se séparer des enseignants détachés de l’éducation nationale.

La remise en cause de son financement empêchera, par ailleurs, la participation de ses membres, auprès de nombreuses collectivités locales, au projet de refondation de l’école, si cher à M. le ministre de l’éducation nationale.

Parallèlement, je crois savoir que la plupart des autres associations qui signeront une convention pluriannuelle d’objectifs avec le ministère de l’éducation nationale subissent une baisse de leur subvention qui n’excède pas 10 % du montant de la convention pluriannuelle d’objectifs 2010-2013.

Les Éclaireuses et Éclaireurs de France acceptent, et comprennent, dans le contexte actuel de réduction des dépenses publiques, une baisse de leur subvention de 10 % au maximum. Une diminution de 50 % est d’autant plus inacceptable, et incompréhensible à leurs yeux, que l’évaluation par les services de l’éducation nationale de leurs actions est positive. Je vous précise également qu’il s’agit de la seule association à bénéficier d’une telle force bénévole.

Monsieur le ministre, il serait regrettable qu’un gouvernement de gauche mette en danger l’association centenaire du scoutisme laïque dont la place dans le paysage éducatif est et demeure fondamentale.

Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour sécuriser l’avenir de cette association ? Peut-il lui garantir qu’elle bénéficiera d’une convention pluriannuelle d’objectifs et non d’une convention annuelle ?

Enfin, le Gouvernement peut-il revoir son arbitrage concernant l’attribution des subventions, afin que cette association ne soit pas plus pénalisée que les autres associations d’éducation populaire complémentaires de l’école, qui bénéficient, comme elle, d’une convention pluriannuelle d’objectifs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Vincent Peillon, qui n’a pu être présent ce matin.

Je veux vous dire combien le Gouvernement partage les valeurs que vous avez évoquées – la laïcité, la démocratie, l’ouverture aux autres et la solidarité – et qui sont celles de l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France. À cet égard, je souligne, au nom du Gouvernement, combien nous apprécions l’engagement de cette association dans la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires.

À ce titre, le centre d’accueil et d’animation de La Planche, situé dans un territoire que vous connaissez bien, me semble-t-il, madame la sénatrice,…

M. Guillaume Garot, ministre délégué. … est devenu, je tiens à le dire ici, une référence pour l’accueil des classes de découverte, les séminaires, les séjours et les camps de vacances.

S’agissant de l’accompagnement financier, vous avez rappelé le contexte de redressement des finances publiques dans lequel nous évoluons aujourd'hui. Notre responsabilité est de trouver le juste équilibre entre les besoins que vous avez exprimés et les moyens dont nous disposons pour faire fonctionner au mieux l’école de la République.

Dans ce cadre, des discussions ont été engagées avec les grandes associations complémentaires de l’école qui bénéficient de conventions pluriannuelles d’objectifs, afin de préparer le renouvellement desdites conventions pour la période 2014-2016.

Le ministère de l’éducation nationale a pour ligne directrice de mettre la priorité sur les actions dont le cœur d’activité est l’école plutôt que sur les activités portant sur les temps de loisirs ou l’extrascolaire. Des discussions sont ouvertes sur cette base, et aucun chiffre, je veux le souligner ici, ne sera arrêté tant que celles-ci se poursuivront.

Les dirigeants des Éclaireuses et Éclaireurs de France, à l’instar de ceux de la Jeunesse au plein air, ont été reçus une nouvelle fois au ministère de l’éducation nationale, les 28 janvier et 5 février derniers. Le principe de la reconduction d’une convention pluriannuelle d’objectifs – tel était le sens de votre question – a déjà été acté avec eux. Cet effort – c’en est un ! – témoigne du soutien que nous souhaitons continuer à apporter à ces deux associations pour les années 2014, 2015 et 2016.

Le Gouvernement agit donc pour permettre aux associations d’assurer au mieux leurs missions, tout en tenant compte, vous le comprendrez aisément, madame la sénatrice, des contraintes auxquelles nous sommes tous soumis aujourd'hui.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Je vous remercie, monsieur le ministre, des informations intéressantes que vous m’avez communiquées ce matin et que je transmettrai à l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France. Je note que la convention pluriannuelle d’objectifs n’est pas remise en cause.

M. le ministre de l’éducation nationale a indiqué – je reprends ici ses termes – qu’il veut valoriser et promouvoir le rôle des associations et de l’engagement bénévole dans notre société.

La question des nouveaux rythmes scolaires se pose en ce moment même, et c’est juste après les élections municipales que les collectivités locales se réveilleront, si je puis dire, pour mettre en œuvre ces nouveaux rythmes lors de la prochaine rentrée scolaire. Sur cette question, il est certain que l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France, comme beaucoup d’autres, devront se mobiliser de manière plus forte et plus soutenue.

Vous avez relevé, monsieur le ministre, que le rapport à l’école est au cœur de la décision. Cette association est précisément concernée : présente sur de nombreux territoires, elle est déjà largement sollicitée pour accompagner les collectivités locales dans la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires.

C’est pour cette raison que je veux revenir sur la seconde partie de ma question. Une diminution de sa subvention de 50 % paraît drastique et limiterait d’autant les actions qu’elle conduit avec les collectivités locales, d’autant que ces actions sont, vous le savez, particulièrement soutenues en direction de l’école.

Permettez-moi d’insister sur le fait que cette association compte un très grand nombre de bénévoles. À l’heure où le Gouvernement entend mettre en avant le bénévolat, il serait regrettable que l’association Éclaireuses et Éclaireurs de France subisse une diminution trop importante de ses moyens dans le cadre de la convention pluriannuelle d’objectifs, ce qui la conduirait à priver les collectivités locales de tous ces bénévoles.

fonctionnement du service public de la justice

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 633, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaitais attirer l’attention de Mme la garde des sceaux sur le fonctionnement du service public de la justice dans le département de l’Eure, notamment.

Depuis plusieurs années et, plus particulièrement, ces derniers mois, notre pays fait face à une augmentation de la délinquance, qu’attestent les derniers chiffres pour l’année 2013. Cette hausse concerne tout particulièrement les cambriolages, avec une hausse de 6,4 % en zone urbaine et de 4,7 % en zone rurale, et les vols à la tire, avec une augmentation de 11,5 % en zone rurale et de 12,4 % en zone urbaine.

« La notion de sanctuaire rural et périurbain n’existe plus [...] la délinquance et l’insécurité frappent au cœur de nos territoires, dans la ruralité profonde. » Ce constat n’est pas de moi, il émane du directeur général de la gendarmerie nationale, auditionné le 18 décembre dernier par l’Assemblée nationale. Les Euroises et les Eurois vivent ce constat au quotidien.

Face à cette montée de la délinquance, deux services de l’État doivent être pleinement mobilisés et travailler en étroite collaboration : les forces de l’ordre – police et gendarmerie – et le service public de la justice.

Les forces de l’ordre, bien que disposant de moyens de plus en plus réduits, les obligeant même à limiter l’achat de carburant et les réparations de véhicules, font un travail tout à fait remarquable, mais elles se heurtent malheureusement à la réalité de la réponse pénale.

En effet, on observe que, très souvent, les individus interpellés sont conduits au tribunal, mais aucune poursuite n’est engagée et a fortiori aucune peine n’est prononcée.

Ainsi, pour ne donner qu’une seule illustration de cette situation, un auteur d’infractions dans la ville de Bernay dont je suis maire a été sanctionné à sa quinzième ou seizième comparution devant le tribunal !

Vous le comprendrez, monsieur le ministre, cette situation démotive les forces de l’ordre, qui voient ainsi leur travail réduit à néant, et révolte les victimes. Elle détruit le lien qui unit la justice à nos concitoyens.

Lors de son audition, le directeur général de la gendarmerie nationale disait en ces termes clairs et précis l’inquiétude des forces de gendarmerie : « Les gendarmes sont inquiets, car on prend plus soin des auteurs que des victimes. » Il poursuivait en expliquant ainsi les conséquences de cette situation : « Quand vous relâchez 65 % de ceux qui se sont rendus coupables d’un certain nombre d’exactions, comment voulez-vous que les chiffres baissent ? C’est tout à fait impossible. Vous pouvez multiplier par deux les effectifs de gendarmes […], cela ne changerait rien. »

Pourtant, le Gouvernement ne semble pas mesurer l’ampleur et la réalité de cette situation extrêmement préoccupante : aucune mesure concrète n’est proposée pour y remédier.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Hervé Maurey. Si cette situation perdure, le climat d’incompréhension et même de défiance que nourrissent nos concitoyens, de très nombreux élus locaux, mais également les forces de l’ordre, ne pourra que croître, et vous serez comptable des conséquences qui en résulteront.

Aussi, quelles mesures le Gouvernement entend-il – enfin ! – mettre en œuvre pour faire face à l’évolution préoccupante de la délinquance et garantir la sécurité de nos concitoyens ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de Mme la garde des sceaux, qui n’a pu être présente ce matin pour vous répondre personnellement.

Monsieur le sénateur, évitons tout simplisme, en opposant la police à la justice. Au contraire, il nous faut traiter avec responsabilité ces sujets, qui doivent nous rassembler plutôt que nous diviser.

S’agissant de la politique pénale du Gouvernement, en application de l’article 1er de la loi du 25 juillet 2013 – et cela constitue un véritable progrès pour notre République –, le garde des sceaux n’est plus autorisé à donner des instructions aux parquets, dans le cadre d’affaires individuelles, ni même d’interférer dans les procédures judiciaires.

Par ailleurs, la circulaire du 19 septembre 2012 prévoit que la réponse pénale doit être ferme, juste et adaptée. Il appartient ainsi aux procureurs de la République de mettre en œuvre l’ensemble des modes de poursuite mis à leur disposition par la loi, avec pour principal objectif de prévenir la récidive. Ce qui compte, c’est l’efficacité.

Pour ce faire, il faut certes favoriser la compréhension de la peine et privilégier les mesures de nature à encourager la réinsertion de l’auteur de l’infraction, mais il faut aussi agir avec fermeté lorsque la personnalité de l’auteur et, bien évidemment, la gravité des faits le justifient.

Le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, présenté au conseil des ministres du 9 octobre dernier, prévoit, dans son article 11, la prise en charge effective des victimes.

Sur ce point, je vous rappelle, monsieur le sénateur, que, depuis mai 2012, la ministre de la justice a fait ouvrir plus de 100 bureaux d’aide aux victimes, et tous les tribunaux de grande instance en seront dotés en 2014.

Le texte, qui vous sera bientôt soumis, a été élaboré après de très amples auditions, consultations et expertises. Au travers de ce texte, il s’agit de donner du sens à la peine, de promouvoir des solutions pragmatiques et efficaces, avec l’idée – retenez bien, monsieur le sénateur ! – que la peine doit être individualisée dans son prononcé comme dans son exécution.

L’objectif du Gouvernement est clair : instaurer un suivi et un contrôle véritables du justiciable, afin d’améliorer la sécurité des Français, de diminuer le nombre des victimes et de garantir la réinsertion des personnes condamnées.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, quelles que soient la qualité de la réponse et l’amabilité avec laquelle vous me l’avez transmise, permettez-moi de déplorer l’absence de Mme la garde des sceaux. Sur un sujet concernant la justice et la sécurité, je regrette en effet qu’il revienne au ministre chargé de l'agroalimentaire de représenter le Gouvernement. Cela peut surprendre, pour ne pas dire heurter !

Sur le fond, il n’y avait rien de simpliste dans mon propos. J’ai cité un exemple concret : lorsqu’il faut attendre la dix-septième mise en cause pour sanctionner une personne qui a été déférée quinze ou seize fois – on lui a trouvé à chaque fois une bonne raison de la laisser repartir dans la ville où elle a sévi ! –, on est très loin de la réponse pénale ferme, juste et adaptée que vous avez évoquée, très loin aussi de l’objectif de prévention de la récidive sur lequel vous avez insisté.

Je comprends que vos dossiers quotidiens ne vous permettent pas de vous familiariser avec le terrain, monsieur le ministre, mais telle est la réalité !

Vous dites qu’un texte de loi va améliorer la situation. Mais le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines tel qu’il est rédigé consiste essentiellement à pallier l’absence de places disponibles dans les établissements pénitentiaires. Pour l’instant, je n’y ai malheureusement vu aucune disposition de nature à apporter une meilleure réponse pénale et à lutter contre la récidive. Espérons que le Parlement améliorera le texte qui nous sera présenté par le Gouvernement !

M. Christian Cambon. Très bien !

création de valeur ajoutée dans la filière bois

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 662, adressée à M. le ministre du redressement productif.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, par ma voix, ce sont les professionnels de la filière bois qui lancent un cri d’alarme. Ce secteur d’activité est, en effet, brutalement touché par la hausse du prix des grumes, qu’expliquent les exportations massives de la France vers des pays tiers, en particulier la Chine.

Tout cela est la cause d’un grand gâchis.

C’est d’abord un gâchis économique, car nous nous privons ainsi de la création d’une valeur ajoutée dans ce secteur. En effet, ces grumes sont utilisées par des industries, notamment chinoises, pour fabriquer des meubles et des parquets qui nous reviennent ensuite massivement, et à des prix compétitifs. Voilà donc une valeur ajoutée qui nous échappe.

C’est ensuite un gâchis énergétique, car nous nous privons de ce bois, qui traverse les océans pour aller dans des contrées lointaines, mais qui constitue une partie de la ressource qui nous est nécessaire dans le domaine de l’énergie.

C’est aussi un gâchis au regard de l’économie circulaire, monsieur le ministre, car le bois, planté il y a des dizaines d’années, s’inscrit dans un cycle que l’on connaît bien, mais qui se trouve aujourd’hui compromis.

C’est un gâchis structurel, enfin, car, ironie du sort, comme l’activité des exploitants est soutenue par le Fonds forestier national, au bout du compte, nous subventionnons une activité qui permet à des pays tiers, notamment la Chine, de disposer d’une ressource de qualité, toutes les essences étant concernées, pour mieux nous faire ensuite une concurrence inacceptable.

L’activité du secteur est doublement pénalisée : non seulement les professionnels subissent une hausse très forte et très brutale du prix de la matière première – 25 % en quatre mois, c’est tout à fait considérable –, hausse qu’ils ne peuvent pas répercuter sur les clients, mais encore des produits concurrents aux leurs arrivent sur notre marché à des prix nettement inférieurs.

Nous sommes obligés de constater, monsieur le ministre, que l’Europe se défend mal. Beaucoup de pays ont pris des dispositions pour se protéger. C’est le cas d’un tiers des pays du G8 et de deux tiers des pays du G20. Nous, nous ne faisons rien !

Dès lors, je me tourne vers vous, monsieur le ministre. Parmi les plans de reconquête que vous avez définis pour l’industrie française, le plan Industries du bois, audacieux, volontariste et ambitieux, nous permet d’espérer.

Dans le même temps, il y a urgence à agir. C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre, les dispositions que vous envisagez de prendre pour soutenir cette activité essentielle à nos territoires.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, s’agissant de la situation de l’amont de la filière bois, vous faites le bon diagnostic. La France a le deuxième massif forestier d’Europe, mais son industrie de transformation souffre. L’aval de la filière a connu également des difficultés, notamment dans l’ameublement, et a dû se restructurer. Entre les deux, les scieries, c’est-à-dire l’outil de transformation du bois, cherchent à se développer.

Nous sommes devant un douloureux paradoxe : les grumes, la matière première, remplissent fort à propos les fonds de cales de ces bateaux qui s’en retournent vers la Chine à vide une fois leur cargaison déchargée, pour nous revenir, quelque temps plus tard, sous la forme de parquets ; de telle sorte que, si le bois est bien français, le produit fini est chinois !

Forts de cette constatation, le ministre de l’agriculture et moi-même avons pris des mesures.

Premièrement, il a été décidé de commencer à prendre plus de précautions lors de l’exportation des grumes : des contrôles, phytosanitaires comme douaniers, seront mis en place. C’est dans notre intérêt ! Aujourd’hui, les professionnels de la scierie indiquent ne pas avoir assez de bois à leur disposition, l’essentiel de la ressource partant vers des pays qui en manquent.

Deuxièmement, notre stratégie est de renforcer la compétitivité de l’outil productif des scieries. Nous discutons par exemple de la question de la cogénération dans le cadre de la loi sur la transition énergétique. Les Allemands ont un dispositif assez avantageux en la matière, qui permet aux scieries, y compris celles de petite taille ou de taille moyenne, de profiter d’un tarif d’achat de l’électricité qu’elles produisent à partir des déchets que leur activité génère. Elles réinjectent la somme ainsi obtenue – c’est ce que vous avez appelé l’« économie circulaire », monsieur le sénateur – dans la transformation du bois.

C’est dans cet état d’esprit que nous travaillons. Notre plan sur les industries du bois, je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le sénateur, est assez ambitieux. Dans quelques semaines, nous détaillerons l’ensemble des mesures qu’il comporte, élaborées à partir de la feuille de route que les industriels, qui, chacun dans leur secteur, pilotent ces 34 plans, nous auront fournie. Ce sera l’occasion, pour le Gouvernement, de venir devant les assemblées parlementaires pour en donner les détails, et d’y associer les territoires. Vous en êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, les représentants : voilà qui tombe bien ! Nous reparlerons donc bientôt de ces sujets.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je veux d’abord vous remercier d’avoir pris le temps de venir au Sénat pour répondre à ma question,…

M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est très important !

M. Jean-Claude Lenoir. … d’autant que, je le sais, votre agenda est très contraint.

Je prends acte des informations que vous nous donnez. Reste, malgré tout, qu’il faut certainement envisager des dispositions plus contraignantes.

Il n’est pas normal que, en dépit des règles de l’OMC, des pays se permettent de prendre des dispositions pour protéger leurs propres produits, et que nous n’envisagions même pas de le faire. Je le sais, tout cela est difficile, et toute action en ce sens doit s’inscrire dans le cadre européen. Mais il y a urgence, monsieur le ministre, et je suis convaincu que vous partagez mon point de vue.

J’ajouterai un élément qui concerne une autre de vos casquettes. Vous m’avez répondu en tant que responsable du secteur industriel, mais je veux faire une petite digression sur les aspects énergétiques de la question, qui ont été évoqués dans ma question et dans votre réponse.

Hier s’est tenue à l’Élysée une rencontre, la presse s’en est fait l’écho, entre les autorités françaises et des représentants de groupes industriels mondiaux. Ce fut l’occasion d’affirmer la volonté de rendre la France plus attractive et, surtout, de démontrer que notre pays dispose d’atouts. C’est un objectif que nous ne pouvons que partager. Or, dans la soirée, la chaîne publique France 2 a diffusé un reportage consacré au bois. Les caméras se sont déplacées dans le Jura, où s’est implantée une entreprise suisse de transformation. Le responsable suisse évoquait les contraintes qu’il subissait, et les handicaps de notre pays. Il ne s’agit pas de les cacher : il a parlé, notamment, de la lourdeur de l’administration, sujet qui pourrait nous mener très loin. Mais ce responsable soulignait également un avantage, insuffisamment connu, hélas : le prix de l’énergie en France. Le prix de l’électricité, notamment, est un vrai atout pour notre pays.

Monsieur le ministre, à la faveur de cette question, permettez-moi de vous dire combien nous comptons sur vous et sur votre pugnacité,…

M. Christian Cambon. Vous êtes bien seul, monsieur le ministre !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Pas du tout !

M. Jean-Claude Lenoir. … pour faire valoir que l’électricité, notamment grâce à son origine nucléaire, est un vrai atout pour la France, et qu’il y a d’autres ressources énergétiques, sur lesquelles nous avons de temps en temps l’occasion de nous entretenir, qui peuvent aussi constituer une chance importante pour notre pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur le sénateur, permettez-moi ce trait d’humour, nous ne sommes pas loin de partager ici la définition que donnait Lénine du communisme : le socialisme plus l’électricité. (Sourires.)

La France dispose d’un atout compétitif extraordinaire : le prix de son électricité est le plus bas d’Europe. Dans le débat sur la transition énergétique, nous avons choisi de faire bénéficier de cet avantage notre base productive et industrielle, qui a été très abîmée ces dernières années.

Nous devons diriger une partie de ce bénéfice vers l’industrie, particulièrement celle qui a de gros besoins d’électricité, ou de gaz, d’ailleurs.

Monsieur le sénateur, vous pouvez donc compter non seulement sur ma pugnacité personnelle, mais aussi sur la politique du Gouvernement, pour répondre favorablement à votre préoccupation.

M. Jean-Claude Lenoir. Merci, monsieur le ministre !

préconisations de la commission « mobilité 21 » et réalisation du projet de ligne à grande vitesse paris – orléans – clermont-ferrand – lyon

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 634, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Rémy Pointereau. Ma question s’adressait en effet à M. Cuvillier, ministre délégué chargé notamment des transports. Elle concerne les préconisations rendues le 7 juin dernier par la commission Mobilité 21, chargée de hiérarchiser les grands projets d’infrastructures de transports. Le sujet intéresse donc également M. le ministre du redressement productif, que je remercie d’être présent pour répondre aux quelques questions que je vais lui poser.

Dans ses conclusions, la commission Mobilité 21 préconise de donner une place prioritaire à la rénovation du réseau existant. Tous les acteurs institutionnels s’accordent sur ce point : ils insistent sur l’urgence de rénover, moderniser et électrifier les lignes classiques et les trains du quotidien. Pour le département du Cher, il s’agit de l’électrification de la ligne Bourges - Saint-Amand-Montrond - Montluçon et de la modernisation de la ligne Paris - Orléans - Limoges - Toulouse, ou POLT.

Monsieur le ministre, ces deux lignes, qui font partie des quarante liaisons classées « train d’équilibre du territoire », vont-elles intégrer la prochaine génération de contrats de plan État-régions pour la période 2014-2020, qui doivent permettre de définir les opérations prioritaires à réaliser ?

Ces lignes, je le rappelle, assurent la desserte fine des territoires tout en préparant en amont l’arrivée de la grande vitesse, dans un objectif de raccordement et d’interconnexion avec le projet Paris - Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon, ou POCL.

Parallèlement, et afin de préparer le réseau de demain, la commission Mobilité 21 a hiérarchisé les projets de ligne à grande vitesse, ou LGV. Ainsi, le POCL figure parmi les projets à réaliser à l’horizon 2030. Un courrier du ministre des transports, en date du 21 novembre 2013, nous a confirmé que le préfet de la région Auvergne était le préfet coordinateur de l’étape préliminaire à l’enquête d’utilité publique.

Afin de poursuivre la réalisation du calendrier du projet POCL, pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, quand la synthèse des études complémentaires de l’année de concertation sera rendue par Réseau ferré de France ?

Compte tenu des différentes données sur le degré de saturation de certains tronçons du réseau ferroviaire existant – on peut penser à la ligne nouvelle 1, ou LN1, entre Paris et Lyon et à ses capacités d’évolution –, la commission Mobilité 21 a proposé la mise en place d’un observatoire chargé de déterminer avec précision l’échéance d’une telle saturation.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si l’association TGV Grand Centre Auvergne restera un acteur incontournable de la réflexion, à même de garantir le dialogue entre les élus et de favoriser l’union sacrée autour d’un projet indispensable à l’avenir de nos territoires ? Aura-t-elle un siège au sein de cet observatoire ? Intégrera-t-elle le prochain comité de pilotage ?

Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que ces questions émanent de l’ensemble des élus des départements et régions concernés.

Enfin, concernant la mise en place d’une réserve de précaution de 2 milliards d’euros pour d’éventuels travaux, préconisée par la commission Mobilité 21 et approuvée par le Gouvernement, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous m’indiquiez les projets qui se verront affecter ces financements, lesquels permettront de faire avancer les études et préparer l’avenir de la grande vitesse. Le POCL en fait-il partie ? Si oui, pour quelle étape est-il concerné ?

Je vous remercie par avance de vos réponses, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, avant toute chose, veuillez excuser l’absence de Frédéric Cuvillier. Je tâcherai de répondre le plus précisément possible aux préoccupations que, en tant que président de l’association TGV Grand Centre Auvergne, vous avez exprimées.

Sur la base des recommandations de la commission Mobilité 21, le Gouvernement a souhaité donner la priorité à l’amélioration des réseaux existants. Ce principe sera donc mis en œuvre pour la desserte ferroviaire du Grand Centre.

Ainsi, des moyens significatifs devront être consacrés pour moderniser et renforcer la ligne Paris - Orléans - Limoges - Toulouse, axe majeur du réseau ferré national.

Vous l’avez rappelé, 500 millions d’euros ont été mobilisés par RFF entre 2004 et 2016. L’ambition doit être d’accélérer le programme de rénovation est de modernisation de l’axe à partir de 2016, avec notamment la mise en œuvre d’un programme de renouvellement de plus d’un milliard d’euros dans les dix années suivantes ; il s’agit donc de doubler le rythme d’investissement sur cet axe stratégique pour la desserte du Grand Centre.

S’agissant de la ligne Bourges - Saint-Armand - Montluçon, ligne moins circulée, sa modernisation entre dans le cadre de la prochaine génération des contrats de plan État-régions 2014-2020, qui sont en cours d’élaboration et seront finalisés à l’été 2014. C’est au regard de l’ensemble des priorités à l’échelle régionale et de sa cohérence avec l’horizon de réalisation de la ligne nouvelle à grande vitesse Paris - Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon que sera examinée l’opportunité d’inscrire l’électrification de la ligne.

S’agissant précisément du projet de ligne nouvelle à grande vitesse Paris - Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon, ou POCL, et de son horizon de réalisation, la commission Mobilité 21 l’a classé parmi les secondes priorités, tout en précisant qu’il faisait partie des projets pour lesquels les premiers travaux pourraient être anticipés avant 2030, au regard notamment des enjeux de saturation, travaux qui se voient allouer une enveloppe de 2 milliards d’euros, à côté d’autres projets, comme Montpellier-Perpignan.

C’est pourquoi, afin de préparer au mieux le travail d’actualisation des priorités qui aura lieu tous les cinq ans, le ministre, Frédéric Cuvillier, a demandé la mise en place d’un observatoire de la saturation de l’axe Paris-Lyon, dont la constitution est en cours. C’est en fonction des travaux de cet observatoire que la date de réalisation pourra être précisée.

Dans l’attente, les études de définition du projet doivent se poursuivre, dès que la convention de financement aura été signée par l’ensemble des cofinanceurs. Nous souhaitons que leur avancement permette de converger vers un scénario unique avant la fin de cette année.

Enfin, vous m’interrogez sur les instances de gouvernance des études de la ligne à grande vitesse POCL. Celles-ci associent, aux côtés de l’État et de RFF, les cinq conseils régionaux concernés qui cofinancent les études. Le ministre, Frédéric Cuvillier, est attaché à la mise en place d’une gouvernance resserrée autour des collectivités cofinanceuses des études, qui est la garantie d’un avancement efficace.

Mais cette organisation doit naturellement s’accompagner d’un dispositif de concertation élargi permettant d’associer le plus grand nombre d’acteurs, parmi lesquels figure bien évidemment l’association TGV Grand Centre Auvergne, que vous représentez. Soyez donc rassuré : vous aurez l’occasion d’exprimer le point de vue de l’association préalablement à toute décision sur le projet, et les acteurs que vous représentez seront consultés.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me rassure en tant que président de l’association TGV Grand Centre Auvergne.

Il y a eu une véritable union sacrée de l’ensemble des collectivités locales. Ainsi, 5 régions, 12 départements, 34 parlementaires, 210 collectivités et 18 chambres consulaires se sont mobilisés pour faire avancer ce projet, et 14 000 personnes ont participé au débat public.

Notre Grand Centre Auvergne mérite, me semble-t-il, que ses habitants ne soient plus les oubliés de la grande vitesse. Nous devons, nous aussi, pouvoir contribuer à l’activité économique de notre pays, ainsi qu’à sa compétitivité, à laquelle je vous sais très attaché, monsieur le ministre du redressement productif.

La relance de la croissance passe effectivement par l’investissement dans des projets structurants. Plus on investira dans la modernisation des lignes existantes et l’électrification, avec des entreprises, je l’espère, nationales, pour essayer de desservir plus finement notre territoire, plus nous favoriserons la croissance.

Nous avons donc intérêt à aller assez vite en la matière et à préparer l’arrivée du POCL en essayant de moderniser en amont la ligne POLT et la ligne Bourges - Saint-Armand – Montluçon.

Monsieur le ministre, vous avez proposé de nous recevoir. Je souhaite que nous puissions discuter de ce projet avec vos services, voire avec vous-même, si vous le pouvez.

valoriser le contrat d'apprentissage

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 615, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Christian Cambon. Ma question s’adresse effectivement à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mais elle concerne également M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. En effet !

M. Christian Cambon. Dans la lutte contre le chômage des jeunes, une mauvaise nouvelle vient malheureusement une nouvelle fois assombrir le bilan de l’action du Gouvernement.

Les chiffres publiés par le ministère du travail viennent de faire état d’une baisse de 8 % du nombre d’inscriptions en apprentissage, et ce en l’espace d’une seule année.

Alors que 24 % des jeunes étaient en recherche d’emploi l’an dernier, contre 8 % seulement en Allemagne, la France ne parvient toujours pas à attirer plus de jeunes vers cette filière d’excellence, ce véritable passeport pour l’emploi, qui permet à plus de 70 % des apprentis, voire 100 % dans certaines filières, d’entrer dans la vie professionnelle avec non seulement une formation mais aussi un diplôme.

Comment en est-on arrivé là ? Le Gouvernement semble s’entêter à négliger l’objectif courageux fixé par le Président de la République au mois juillet dernier : atteindre les 500 000 jeunes formés en alternance d’ici à 2017.

Les entreprises, notamment les PME, se plaignent de difficultés de recrutement. Près de 400 000 emplois restent non pourvus, faute d’une formation adéquate. Pourtant, on multiplie les mesures inadéquates qui coûtent des sommes astronomiques sans répondre aux besoins exprimés.

Les emplois d’avenir, qui coûtent bien cher aux contribuables - 2,3 milliards d’euros en 2013 et 3 milliards d’euros en 2014 - font, certes, baisser les statistiques du chômage, mais ils n’apportent que peu de qualification et pas de diplôme. S’adressant aux services publics, aux collectivités et aux associations, ils ne risquent pas de favoriser la croissance portée par les entreprises !

Les contrats de génération, quant à eux, patinent, faute de prise en compte des contraintes des entreprises et du vrai coût financier d’un tel dispositif pour une entreprise petite ou moyenne.

Les emplois francs ont un objectif bien modeste : seulement 10 000 contrats en trois ans.

Enfin, et c’est presque le pire, la « garantie jeune », très éloignée de l’emploi, offre une allocation de 450 euros pour s’insérer dans l’emploi, alors que c’est de formation technique et pratique que les jeunes ont besoin !

En matière d’apprentissage, ce sont plutôt des signes négatifs que le Gouvernement adresse aux jeunes et aux entreprises ayant fait le choix et l’effort de tendre la main à ces derniers pour les insérer dans une formation qualifiante.

En 2014, vous avez décidé une baisse de 20 % du budget de l’apprentissage, en supprimant dans les sociétés de plus de dix salariés la prime à l’embauche de 1 000 euros et en réduisant le crédit d’impôt lié à la présence d’apprentis. Croyez-moi, cette mesure va être durement ressentie ! Et la prime des employeurs qui ont recruté un apprenti en 2013 va diminuer encore sur les deux années à venir.

De surcroît, on déstabilise les efforts que les régions avaient consentis en faveur de l’apprentissage pour les inciter à financer, avec le produit de la taxe, ces fameux contrats d’avenir qui, eux, ne débouchent sur aucune qualification.

Certes, vous vous appuyez sur les vingt régions que vous dirigez, mais vous contraignez ces partenaires essentiels de l’apprentissage à diminuer leurs efforts de financement, privant les centres de formation et les entreprises partenaires de moyens essentiels à leur développement.

Clou de cette politique, le Gouvernement n’a même pas voulu lancer la campagne nationale de promotion de l’apprentissage, pourtant absolument nécessaire pour l’information des jeunes et des familles.

Monsieur le ministre, au moment où le Président de la République, reconnaissant près de deux ans d’erreurs successives et d’échecs en matière de lutte contre le chômage, oriente désormais ses efforts vers les entreprises, au moment où vous-même tenez courageusement un discours très fort en la matière, pouvez-vous nous éclairer sur les conséquences que cette nouvelle priorité aura sur l’apprentissage ?

Cette filière de formation d’excellence, qui permet en Allemagne à 5 millions de jeunes de s’insérer durablement dans la vie professionnelle, va-t-elle enfin devenir en France aussi une priorité nationale et un facteur de croissance pour l’emploi ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Michel Sapin, qui m’a prié de bien vouloir vous transmettre sa réponse à votre interrogation, d’ailleurs légitime !

Quoi que l’on puisse dire, le Gouvernement est très attaché au développement de l’apprentissage, qui a d’ailleurs abondamment démontré son efficacité en termes de qualification et d’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi l’objectif de porter le nombre d’apprentis à 500 000 en 2017, inscrit dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, que Louis Gallois avait inspiré dans son rapport, est central pour l’ensemble du Gouvernement.

Le bilan de l’année 2013 est maintenant connu. Permettez-moi de les reprendre dans le détail.

Le nombre de contrats enregistrés sur l’ensemble de l’année est en effet en recul, de 8,1 %. Ce chiffre doit être lui-même relativisé du fait de la modification du mode d’enregistrement des contrats intervenue en 2012, qui a rendu la procédure plus rapide. De ce fait, des contrats qui auraient été enregistrés au mois de janvier dans le système précédent l’ont été à la fin de l’année 2012. Il faudra donc vérifier avec la correction en glissement si le résultat n’est pas en fait meilleur.

En outre, l’apprentissage étant fortement « calé » sur le calendrier scolaire, la période la plus significative est celle de la campagne 2013-2014, qui court de juin à décembre. Or, sur cette période, la baisse enregistrée est limitée à 4,5 %. Et la baisse du « stock » d’apprentis en fin d’année a été estimée à hauteur de 2,5 % seulement.

Je ne pense donc pas que les propos catastrophistes sur un prétendu écroulement de l’apprentissage soient de mise.

Au demeurant, tout le monde a besoin de l’apprentissage : le Gouvernement, les entreprises, les jeunes. Il n’y a pas de raison de susciter des réticences à l’égard de cette solution.

Pour nous, les petites entreprises, dans lesquelles se trouvent plus de la moitié des apprentis, doivent être rassurées et soutenues.

C’est à cette fin que l’architecture des aides aux employeurs d’apprentis a été modifiée en loi de finances pour l’année en cours. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, réalisé au printemps 2013 pour analyser les économies à proposer, a en effet mis en évidence que ces aides étaient mal ciblées.

C’est pourquoi l’indemnité compensatrice forfaitaire versée sans discernement aux employeurs d’apprentis a été remplacée par une aide ciblée sur les entreprises de moins de onze salariés. (Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme acquiesce.) Ma collègue Sylvia Pinel a raison d’acquiescer, car il s’agit de son secteur : l’artisanat. C’est là où les besoins de formation sont considérables, et les emplois non pourvus ! Et le petit-fils de boucher charcutier de Saône-et-Loire que je suis en sait quelque chose : il manque 3 000 bouchers en France ! Nous les cherchons ? Ils sont là, dans ces petites entreprises, et c’est donc là qu’il faut investir !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Dans le même temps, le crédit d’impôt apprentissage est recentré sur les premiers niveaux de qualification, c'est-à-dire les niveaux V à III, qui sont dominants dans les petites entreprises, mais qui connaissent depuis plusieurs années une baisse du nombre d’apprentis.

Enfin, la réforme de la taxe d’apprentissage en cours de débat au Parlement prévoit qu’une partie plus importante de cette taxe soit fléchée vers l’apprentissage lui-même, notamment par un renforcement des moyens des régions.

Voilà la mobilisation du Gouvernement, monsieur le sénateur. On peut se tromper et avoir besoin de votre éclairage… C’est une cause nationale. Unissons nos efforts et nous réussirons !

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos déclarations. Je préfère votre engagement personnel aux arguties statistiques du ministre du travail sur les chiffres du chômage !

Simplement, ayant moi-même dirigé pendant vingt-huit ans une PME avant de siéger dans cet hémicycle, je sais que tous les chefs d’entreprise, de plus ou de moins de dix salariés, ont besoin d’encouragements, d’aide et de soutien.

Être maître d’apprentissage, prendre l’engagement de former un jeune et d’y consacrer du temps, cela représente une charge très importante, qui peut parfois faire reculer un chef d’entreprise.

Or nous voulons atteindre l’objectif des 500 000 jeunes en apprentissage, au demeurant modeste par comparaison avec les 5 millions de jeunes concernés en Allemagne.

Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à être sensibles à votre discours de mobilisation sur le redressement industriel.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je vous remercie de ces propos, qui me font très plaisir et qui, je l’espère, figureront bien au Journal officiel.

M. Christian Cambon. Je confirme simplement ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous indiquer, monsieur le ministre. Il est vrai que le fait d’être ensemble dans cette Haute Assemblée permet parfois de se dire quelques vérités.

D’ailleurs, vous entendez vous-même des chefs d’entreprise demander des jeunes formés. Alors qu’il y a plus de 3,5 millions de chômeurs dans notre pays, 300 000 à 400 000 emplois ne trouvent pas preneur. Je pense que c’est un vrai scandale national !

L’apprentissage ne peut pas répondre à tous les besoins et à toutes les demandes, mais je pense que c’est une bonne formule qui mérite que tous ensemble nous nous mobilisions, comme vous nous y invitez. Je retiens votre appel, monsieur le ministre, mais je compte sur vous pour plaider, au sein du Gouvernement, une cause que vous défendez fort bien par ailleurs, ce dont je vous remercie

M. le président. Nul doute que cette question sera abordée cet après-midi, avec la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

nouveau cahier des charges du label « tourisme et handicap »

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, auteur de la question n° 666, adressée à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

M. Dominique de Legge. Ma question s’adresse effectivement à Mme le ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, que je remercie d’avoir pu se libérer pour venir me répondre en personne.

Le label « Tourisme et handicap » a été créé en 2001 sur une idée simple : sensibiliser les professionnels et les inciter à accueillir dans les meilleures conditions les personnes handicapées. Le corollaire de cette démarche était, bien évidemment, de permettre aux personnes handicapées d’accéder à des prestations touristiques et de disposer d’informations leur permettant de s’assurer qu’elles seraient accueillies dans les conditions souhaitées.

Pour ne prendre que le cas d’un pays touristique au sujet duquel j’ai été sollicité, celui de la baie du Mont-Saint-Michel, on recense à ce jour à peu près une vingtaine de labellisations. On peut estimer que c’est un bon résultat comme on peut penser qu’il y a là une marge de progression possible, mais peu importe. Ce qui inquiète aujourd'hui les professionnels, c’est le nouveau cahier des charges du label « Tourisme et handicap ».

Le document ne comporte pas moins de vingt-sept pages – je l’ai sous les yeux – et contient je ne sais combien de prescriptions, toutes aussi précises, au millimètre près, les unes que les autres. Ainsi, l’axe de la cuvette des toilettes doit se trouver à 50 centimètres du mur arrière… Je connais un hôtel qui devra refaire ses salles de bain, remises pourtant à neuf il y a tout juste deux ans ! Les campings qui, jusqu’à présent, n’étaient astreints qu’à proposer un hébergement ou deux, en fonction de leur taille, doivent désormais proposer un pourcentage par rapport au nombre de places total, et ce indépendamment de la réalité de la demande.

À la page 16 du document, on peut lire que « les girons de marches des escaliers hélicoïdaux doivent permettre un appui complet du pied du côté le plus large ». Quid des bâtiments anciens ou des monuments classés ? À la page 17, on nous explique que « la zone d’accueil doit être immédiatement repérable grâce à un positionnement cohérent par rapport à la porte principale »…

La multiplication de mesures de ce type risque de décourager un certain nombre de professionnels à s’engager dans la démarche de mise aux normes et, surtout, d’en inciter d’autres à sortir du dispositif à l’occasion de la révision des labels, ce qui diminuerait d’autant les possibilités pour les personnes handicapées d’accéder à ces équipements.

Madame le ministre, quelles sont les raisons qui ont conduit votre ministère à revoir ce cahier des charges et dans quelles conditions peut-on le rendre plus acceptable, dans l’intérêt non seulement des professionnels, mais aussi des personnes handicapées elles-mêmes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, le label « Tourisme et handicap » a été créé dès 2003, bien avant la publication de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, afin de favoriser le tourisme des personnes en situation de handicap.

Il était l’aboutissement de deux ans de travaux menés en concertation avec les professionnels du tourisme et les associations de personnes handicapées. Il a pour objectifs, d’une part, d’identifier des structures offrant une accessibilité réelle de leurs prestations, garantie par leur conformité à un référentiel d’accessibilité adapté à chaque type d’activité, d’autre part, d’apporter une information objective et vérifiée aux personnes handicapées quant à l’accessibilité des sites marqués.

Cette démarche, volontariste et pédagogique, rassemble aujourd’hui plus de 5 200 établissements labellisés. Elle ne doit cependant pas être confondue avec la mise en accessibilité prévue par la loi de 2005, qui se décline dans un ensemble de textes d’application. De nombreuses normes d’accessibilité ont été directement inspirées des critères du label, mais en imposant des exigences plus élevées.

Après la publication des textes réglementaires, il s’est révélé indispensable, pour la crédibilité du label, que celui-ci soit au moins au niveau de la loi. Un important travail de refonte du cahier des charges a donc été mené. Les quotas de chambres adaptées que vous évoquez sont la traduction d’une exigence réglementaire à laquelle les hôtels existants ont l’obligation de se soumettre avant 2015.

Dans le cadre de ces travaux de refonte, de nouveaux critères ont également été définis, qui traduisent le souhait de progresser vers une société plus inclusive. Le label propose aujourd'hui des référentiels d’accessibilité tant pour des équipements devant répondre à des normes très détaillées, comme les hôtels, que pour des équipements pour lesquels il n’existe aucune prescription précise en dehors d’une obligation générale, comme certaines parties des campings ou les pontons de pêche. Attribué pour une durée de cinq ans, le label garantit, par des contrôles quinquennaux, le maintien du niveau d’accessibilité dans le temps.

Je vous rappelle également que le Gouvernement, ayant tiré les conséquences d’un rapport remis lors de la précédente mandature, mais jamais publié, a ouvert une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, en se fixant deux objectifs : la création d’agendas d’accessibilité programmée et l’adaptation des normes.

Le cahier des charges du label sera ajusté afin de tenir compte de ces évolutions et de ne pas devenir, comme vous le craignez, rédhibitoire pour les professionnels.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Madame la ministre, vous faites état de plus de 5 200 établissements labellisés, mais je crains que ce nombre n’aille pas en augmentant dans les années à venir, bien au contraire !

Le Président de la République s’est engagé en faveur d’un choc de simplification. Il est toujours difficile de simplifier, et c’est particulièrement vrai lorsque l’on aborde la question de l’accessibilité pour les personnes handicapées. Pour autant, nous ferions bien d’aller vers moins de normes, et de veiller plutôt à ce que les normes existantes soient véritablement opérantes et appliquées. Il faudrait changer de logique et passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat.

Madame le ministre, j’ai examiné de près ce cahier des charges : à force de tout vouloir normaliser au centimètre près, sur une base purement technique, on risque de perdre de vue l’objectif fixé il y a dix ans au moment de la création du label.

Pour rester sur une note optimiste, puisque vous nous annoncez une concertation, je forme le vœu que celle-ci soit l’occasion de revenir à un peu plus de bon sens, à un peu moins de normes et à davantage d’efficacité !

fiscalité et cognac

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 651, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.

M. Daniel Laurent. Madame le ministre, je souhaite relayer les préoccupations de la filière Cognac, eu égard aux règles de fiscalité applicables en matière de stocks et d’imposition des viticulteurs lors de la transmission des entreprises. Je suis certain que cette question est préoccupante dans de nombreuses régions, qui rencontrent les mêmes contraintes, mais pour d’autres alcools.

Concernant le stockage, la mise en vieillissement est inhérente à l’activité viticole, le Cognac étant un produit à cycle long. Afin que la viticulture se réapproprie son stock, les professionnels ont travaillé à la mise en place de réserve de gestion, l’activité de bouilleur de cru, et plus encore celle de vendeur direct, engageant au stockage.

Permettez-moi un petit aparté sur le statut particulier des bouilleurs de cru, pour souligner que celui-ci doit être préservé, car il fait partie intégrante de notre patrimoine. En effet, des inquiétudes se font jour quant aux conditions de détention ou de location des alambics, qui représentent souvent un lourd investissement, à la valorisation du travail et à la qualité de la production.

Pour en revenir au stockage, il s’agit d’un investissement de plusieurs générations qui, compte tenu de la lourdeur de la fiscalité, devient de plus en plus difficile à réaliser. En effet, le stock est considéré comme un bien dont l’assiette de base d’appel de la fiscalité ne se déprécie pas, comme cela peut être le cas pour des biens immobiliers. Cette situation engendre des problèmes très importants en matière de succession.

Tant que les stocks restent dans l’actif d’une société, la cessation d’activité d’un actionnaire n’a pas d’incidence. Il en va de même si les stocks restent dans une société créée pour cette activité. Mais, dès lors que les stocks constituent un actif de succession, ils peuvent être taxés aussi fortement que s’il s’agissait d’une vente. Quelle aberration que de vendre des stocks pour payer le droit d’en détenir, alors qu’ils font partie de l’outil de travail du vendeur direct !

Dans tous les cas, que la succession ait lieu dans le cadre familial ou non, les droits de succession sont dus et varient selon le degré de parenté.

À ces droits de succession, l’administration ajoute l’impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée, la CSG, et la TVA, ce qui fait que le solde dû par l’héritier peut s’élever à plus de 50 % du volume de stock pour une succession dans un cadre familial et à plus de 80 % dans le cas d’une succession hors cadre familial !

Un stock viticole détenu par un bouilleur de cru ne devrait-il pas être valorisé à son prix de revient lors d’une mutation à titre gratuit et tant que ce stock reste sous le contrôle du service des douanes, la fiscalité intervenant lors de la mutation à titre onéreux ? Il s’agit non pas d’exonérer les professionnels de l’imposition, mais de permettre la pérennité des entreprises.

Alors que, sur le site internet, et pour expliquer le statut d’entrepositaire agréé, l’administration des douanes prévoit que, « conformément aux directives européennes, pour éviter aux entreprises d’avoir à faire une avance de trésorerie importante en attendant de récupérer les droits au moment de la vente au consommateur final, leur paiement est reporté le plus tard possible dans la chaîne de distribution », cette même administration ne prévoit rien pour faciliter la pérennité des entreprises de la filière Cognac.

La fiscalité des stocks de Cognac est un problème régional. La taille des exploitations est en hausse constante, les stocks augmentent donc en proportion. Dans les successions, même familiales, les abattements sont souvent utilisés pour transmettre le foncier et le matériel, le stock ne venant qu’en dernier lieu.

La fiscalité du Cognac est très lourde puisqu’elle est appuyée sur la valeur vénale. Elle n’est pas appelée dans des transactions entre entrepositaires agréés, mais, dès lors qu’un héritier exerce une autre activité, il n’est plus considéré comme pouvant bénéficier d’une suspension de droits.

Cette règle rend les successions de plus en plus complexes, et nombre d’héritiers s’endettent pour pouvoir indemniser leurs collatéraux et continuer à exercer leur profession de producteur de Cognac.

Madame le ministre, le Gouvernement envisage-t-il des propositions de réforme fiscale sur ces points afin d’assurer la pérennité et l’avenir de notre économie régionale, mais aussi nationale, car, comme je l’ai souligné, d’autres secteurs sont concernés par cette question ?

La profession attend une réforme fiscale afin d’apporter de la lisibilité au système et davantage de simplification.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Bernard Cazeneuve.

Les difficultés liées à la transmission des entreprises appartenant à des viticulteurs qui cessent leur activité sont aujourd’hui très largement prises en compte par les services de la Direction générale des douanes et droits indirects.

C’est ainsi que les viticulteurs produisant du Cognac et détenant en suspension de droits d’accises un stock de vin ou d’alcool disposent d’un statut fiscal spécifique, celui d’entrepositaire agréé, conformément à l’article 302 G du code général des impôts. À ce titre, ils bénéficient notamment d’une dispense de cautionnement pour la détention de leurs produits.

En cas de cessation d’exploitation en raison d’une cessation d’activité ou du décès du viticulteur, les successeurs qui reprennent les stocks de vin ou d’alcool ont deux possibilités.

Soit ils peuvent continuer à détenir ces produits en suspension dans leur propre entrepôt fiscal suspensif des droits d’accises, s’ils ont déjà le statut d’entrepositaire agréé en tant que viticulteurs. Dans ce cas, aucun droit ne sera dû à l’occasion de ce transfert. Si le successeur est lui-même récoltant, il pourra également continuer à bénéficier de la dispense de caution pour ses produits.

Soit ils peuvent acquitter les droits afférents aux alcools à l’occasion de leur sortie de l’entrepôt fiscal suspensif du viticulteur qui cesse son activité, s’ils ne disposent d’aucun statut fiscal.

Il est vrai que les droits d’accises et la cotisation sécurité sociale dus à l’occasion de cette transmission peuvent être élevés. Ils sont effectivement calculés en fonction du volume d’alcool pur des produits et non sur leur valeur vénale. Toutefois, tout successeur conserve la possibilité d’opter pour le statut fiscal adapté afin de lui permettre de détenir les produits en suspension sans avoir à acquitter l’ensemble des droits à l’occasion de la transmission.

Enfin, je souhaiterais préciser que les services des douanes et droits indirects peuvent également étudier la mise en place de facilités de paiement afin de permettre aux personnes rencontrant des difficultés d’acquitter les droits.

Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, de la volonté du Gouvernement de ne pas faire obstacle à la transmission de ces patrimoines.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse positive mais réaliste par rapport à la situation que je viens de décrire.

J’ai toutefois le sentiment que la question de la fiscalité trop lourde qui s’applique aux stocks n’est pas suffisamment prise en compte. J’ai compris que vous étiez d’accord sur la dispense de caution pour transfert, ce qui est une bonne chose, mais c’est surtout en matière de transmission ou de vente que la fiscalité est trop importante et pénalise les entreprises. Les facilités de paiement, si elles sont opportunes, ne suffisent pas.

Je vous demande donc de prendre en considération d’une façon plus concrète et plus déterminante cette question importante pour nos territoires locaux.

frais de repas des ouvriers du bâtiment et assiette des cotisations sociales

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 665, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget .

M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, ma question a effectivement été transmise à M. Cazeneuve, mais je suis très heureux que vous le remplaciez aujourd'hui, car les sujets auxquels elle renvoie, qui touchent au commerce et à l’artisanat, concernent aussi votre ministère.

Le Gouvernement a décidé de mettre en place le pacte de responsabilité, et cette démarche me semble essentielle pour créer de l’emploi dans nos territoires. Ce sont bien les TPE et les PME, les très petites, petites et moyennes entreprises, qui sont à même de créer de nouveaux emplois ; ce sont elles qu’il faut écouter et aider.

Ma question va justement dans le sens d’une meilleure prise en compte de la réalité de ces entreprises, notamment dans le bâtiment, source de nombreux emplois dans nos territoires ruraux. Elle est concrète et pragmatique : je veux parler ici de la possibilité pour les artisans et les ouvriers du bâtiment qui travaillent dans les communes rurales de bénéficier d’une pause déjeuner et de repas chauds.

Pour bien me faire comprendre, je prendrai l’exemple d’une entreprise de peintres en bâtiment qui emploie plusieurs ouvriers vivant dans différentes communes sur un chantier de rénovation situé sur une commune encore différente. Ces ouvriers se retrouvent le matin à l’entreprise et partent ensemble dans le même véhicule sur le chantier distant de quelques kilomètres. À l’heure du repas, partageant le même véhicule, que peuvent-ils faire ? Il leur est difficile de rentrer chez eux, puisque leur temps de pause n’est pas extensible. Ils sont alors amenés à prendre leur déjeuner au restaurant dans une commune proche du chantier.

Dans ce cadre, c’est souvent l’employeur qui règle directement les frais de ces déjeuners au restaurateur.

En pareille situation, les contrôleurs de l’URSSAF considèrent que les ouvriers ne sont pas en situation de déplacement et qu’en conséquence la prise en charge par l’entreprise des frais de restaurant constitue un avantage en nature qu’il convient de réintégrer dans l’assiette des cotisations et non en frais professionnels. Ils s’appuient pour cela sur l’arrêté du 10 décembre 2002 qui ne donne aucune précision sur la notion de « déplacement ».

Alerté par des entreprises et des restaurants du Finistère, j’ai sollicité une réunion avec les représentants départementaux et régionaux du contrôle, les représentants de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, et ceux de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, l’UMIH. De cet échange il est ressorti effectivement qu’aucune disposition légale n’encadrait « les petits déplacements ».

Sans base légale, cette appréciation a de multiples conséquences pour les hommes et les femmes qui travaillent dans nos territoires ruraux. Elle pénalise les ouvriers, qui ne peuvent pas prendre de repas chaud s’ils ont un chantier proche du siège social de leur entreprise – à une distance qui reste à l’appréciation de vos services. Elle a en outre des conséquences importantes pour les restaurants qui travaillent principalement pour cette clientèle, car ils ne peuvent pas accueillir les entreprises domiciliées dans la commune où ils sont eux-mêmes implantés.

Ma question est donc simple, madame la ministre : pourrait-on envisager une clarification de la règle fiscale en vigueur, qui, sans nuire aux finances publiques, permettrait aux travailleurs des TPE et PME de nos territoires ruraux de mieux vivre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Bernard Cazeneuve.

Je partage votre propos introductif sur la nécessité d’accompagner et de soutenir l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises. J’aurai d’ailleurs l’occasion prochainement de présenter à votre assemblée un projet de loi en leur faveur.

Les employeurs du secteur du bâtiment bénéficient de diverses possibilités de prise en charge des frais de repas de leurs salariés, assorties d’un régime social favorable, particulièrement en situation de déplacement professionnel.

D’une manière générale, lorsqu’un salarié prend un repas hors de l’entreprise et que l’employeur règle directement le restaurateur, la somme correspondante est considérée comme un avantage en nature, donc un élément de rémunération soumis aux cotisations sociales. Ces cotisations peuvent être évaluées sur la base d’un forfait ou sur la base de la somme réellement versée. De même, lorsque l’employeur verse au salarié une indemnité pour financer ses repas, l’avantage en espèces correspondant est soumis aux cotisations et contributions sociales.

Néanmoins, ces règles ne s’appliquent pas aux salariés en situation de déplacement professionnel ni à ceux qui travaillent sur un chantier hors des locaux de l’entreprise, tels que les ouvriers du bâtiment ; dans ces situations, des règles plus favorables sont déjà prévues.

Ainsi, la prise en charge des frais de repas par l’employeur dans les situations de déplacement professionnel n’est pas soumise aux cotisations sociales lorsque la somme est inférieure à 8,70 euros par repas. Cette disposition s’applique chaque fois que le salarié est dans l’impossibilité de rejoindre son lieu de travail habituel : déplacements temporaires, chantier. En effet, la prise en charge a alors pour objet de compenser la dépense supplémentaire occasionnée par ce déplacement.

Dans le secteur du bâtiment, les employeurs bénéficient en plus de la possibilité d’opter pour une déduction forfaitaire spécifique de 10 % sur les salaires au titre des frais professionnels. Applicable aux professions listées à l’annexe IV du code général des impôts, ce dispositif permet à l’employeur, lorsqu’il paie directement au restaurateur le prix du repas de ses salariés en déplacement, de ne pas tenir compte de cet avantage dans l’assiette des cotisations sociales ; le dispositif est présenté dans une circulaire du 19 août 2005.

Aussi la réglementation sociale en vigueur concernant la prise en charge des frais de repas par les employeurs du secteur du bâtiment permet-elle déjà de répondre de manière précise à la pluralité de situations des salariés concernés, tout en préservant autant que possible les droits des assurés et les recettes de la protection sociale, qui sont réduits par ces mécanismes d’exclusion d’assiette.

S’agissant du secteur du bâtiment en particulier, le dispositif de déduction permet donc de tenir compte des situations particulières, comme celle que vous avez évoquée - même si le ministère du budget et le mien sont disposés à étudier plus particulièrement la question précise que vous avez soulevée.

Dès lors, il n’est pas envisagé d’assouplir cette réglementation, qui est stable depuis de nombreuses années et qui s’applique uniformément sur l’ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie, madame la ministre, de la clarté de votre réponse. Cependant, elle ne me satisfait qu’à moitié, puisque vous ne répondez pas véritablement à la question de la prise en charge des frais de repas pour l’ensemble des ouvriers – il est vrai que cela concerne essentiellement ceux du bâtiment – et, surtout, vous ne prenez pas en compte la notion de « déplacement ». Celle-ci est appréciée de manière très subjective par vos services, comme, malheureusement, j’ai dû le constater à plusieurs reprises.

L’interprétation plus restrictive qui est faite de cette notion dans certains départements entraîne parfois des conséquences assez lourdes. Le fait que les ouvriers ne puissent pas prendre leur repas dans le restaurant de la commune où ils travaillent au motif qu’elle est trop proche du siège de leur entreprise les oblige, en pratique, à revenir aujourd'hui à la gamelle. C’est une dégradation des conditions de travail qui est tout de même très inquiétante, et je souhaite que la réflexion sur ce sujet soit poursuivie.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet du scrutin n° 146 sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité à la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 : M. Pierre Jarlier a été déclaré comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Conventions internationales

Adoption en procédure d'examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

traité d’extradition avec le pérou

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République du Pérou
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République du Pérou, signé à Lima le 21 février 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité d’extradition entre la République française et la République du Pérou (projet n° 205, texte de la commission n° 352, rapport n° 351).

(Le projet de loi est adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République du Pérou
 

groupe aérien européen

 
Dossier législatif : projet de loi portant approbation du deuxième protocole d'amendement à l'accord relatif au groupe aérien européen
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation du deuxième protocole d'amendement à l'accord relatif au groupe aérien européen, signé à Londres le 1er mars 2012, dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi portant approbation du deuxième protocole d’amendement à l’accord relatif au groupe aérien européen (projet n° 656 [2012-2013], texte de la commission n° 354, rapport n° 353).

(Le projet de loi est adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi portant approbation du deuxième protocole d'amendement à l'accord relatif au groupe aérien européen
 

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale
Discussion générale (suite)

Formation professionnelle

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (projet n° 349, résultat des travaux de la commission n° 360, rapport n° 359 et avis n° 350).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter, au nom du Gouvernement, le projet de réforme relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Ce texte est porteur de réformes d’ampleur, cohérentes, qui marquent l’aboutissement de négociations et de concertations réussies.

Avant d’apporter des éléments de réponse à quelques critiques partielles, afin d’éviter toute forme de caricature sur tel ou tel aspect du texte, je souhaiterais exposer la philosophie d’ensemble de celui-ci, en deux temps.

En premier lieu, il faut souligner à quel point ces réformes sont fondatrices, ou plutôt refondatrices, construisant de nouveaux équilibres autour d’acteurs « matures » : l’individu et l’entreprise dans notre système de formation professionnelle, les partenaires sociaux dans notre démocratie sociale.

En second lieu, je veux dire que la liberté laissée à ces acteurs ne peut fonctionner que dans le cadre de solidarités fortes, autour d’une régulation territoriale, professionnelle et nationale. C’est vrai pour la formation professionnelle, pour la démocratie sociale, pour notre système d’inspection du travail.

Je ne crains pas de l’affirmer, le texte qui vous est présenté ici est fondateur, ou plutôt – disais-je – refondateur. Les sujets qu’il aborde ne sont pas nouveaux : ils ont fait l’objet de nombreuses réformes, parfois trop nombreuses… Mais nous avons l’ambition de revenir aux fondements des politiques concernées, en les repensant à l’aune des enjeux que nous connaissons aujourd’hui et des équilibres nouveaux qui peuvent être construits avec des acteurs ayant gagné en maturité.

Dans le champ de la formation professionnelle, la loi dite « Delors » de 1971 a été décisive. Elle est en elle-même l’expression du consensus politique qui peut se nouer sur ces questions. Portée par un homme de gauche, issue d’un accord entre le patronat et les syndicats, mise en œuvre par le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, elle a été à l’origine du développement de la formation professionnelle dans notre pays. Nombre de ses objectifs demeurent d’actualité et guident la réforme présentée aujourd’hui : je pense, par exemple, à l’élévation du niveau de qualification comme facteur de compétitivité ou à la promotion sociale et professionnelle.

Mais on ne peut pas penser aujourd’hui le système de formation professionnelle comme en 1971.

Au début des années soixante-dix, l’effort de formation des entreprises était légèrement supérieur à 1 % de la masse salariale ; il est passé à près de 3 % aujourd’hui, mais il connaît une érosion depuis le début des années quatre-vingt-dix.

Au début des années soixante-dix, seulement 7 % de la population avait le baccalauréat et 20 % d’une génération réussissait cet examen, contre plus de 75 % aujourd’hui.

Au début des années soixante-dix, surtout, on connaissait le plein emploi, alors qu’aujourd’hui le chômage est une réalité durable.

Ce sont là autant de raisons pour refonder la formation professionnelle sur des bases nouvelles, reposant sur l’autonomie et la liberté, celles de l’individu pour construire son parcours, d’une part, celles de l’entreprise pour investir dans la formation et dans les compétences, d’autre part.

Bien entendu, l’apport majeur de la réforme est le compte personnel de formation, entièrement portable et transférable : il suivra l’individu tout au long de sa vie, lui permettant de faire des choix là où la formation n’était souvent qu’une obligation à la main de l’employeur.

Par son financement renforcé, parce qu’il peut se combiner aux autres dispositifs de formation, parce qu’il est un élément de négociation avec l’employeur, parce qu’il redonnera l’envie de se former, le compte personnel de formation ramène la personne sur le devant de la scène et met une partie de son destin entre ses mains.

Mais le changement qu’il induit est plus profond encore.

En attachant les droits à la personne et non plus au poste de travail, le compte personnel de formation est un levier de ce que l’on appelle, en termes académiques, la sécurisation des parcours professionnels.

Puisque l’univers de l’emploi est mouvant et que les emplois se succèdent au cours d’une vie, nous voulons que la formation professionnelle soit présente et mobilisable à tout instant, surtout lorsqu’une fragilité survient, par exemple sous la forme d’un licenciement. Et si ce n’est pas une fragilité, mais une opportunité, qui surgit – une promotion à saisir –, l’enjeu est le même : la formation doit être accessible et permettre de convertir l’esquisse d’un rêve en une réalité tangible.

Peu importe les cases, les cloisons ou les statuts : les droits à la formation les enjamberont grâce au compte personnel de formation. Au centre, il y aura désormais le choix de chacun.

Le DIF, le droit individuel à la formation, avait ouvert la voie, trop timidement. Le nouveau compte personnel de formation représente un pas immense. Il est la réponse sociale au changement économique et outille les salariés dans l’économie moderne.

Sur ces travées, vous êtes nombreux à rêver depuis longtemps de la sécurité sociale professionnelle. Nous en construisons aujourd’hui une composante essentielle, centrée sur chaque travailleur et garantie collectivement.

Du côté des entreprises, la réforme vise à faire de la formation professionnelle un investissement reposant sur le développement des compétences. Tel est l’objet de ce texte : passer d’une obligation formelle de financer à une obligation réelle de former.

Cela signifie que la formation professionnelle sera demain davantage un objet de discussion et d’implication des acteurs. Le changement du système est aussi un changement d’esprit.

Ce changement suppose des acteurs forts, ce qui m’amène à la présentation du titre II de la réforme.

Pour poursuivre la refondation de notre démocratie sociale, il nous faut des acteurs en mesure de dialoguer, c’est-à-dire reconnus, légitimes et donc forts : reconnus parce que légitimes, légitimes parce que responsables, responsables parce que forts, forts parce que capables d’obtenir des avancées par le compromis. Voilà la mécanique vertueuse du dialogue social à la française.

Cette mécanique a aujourd’hui besoin d’aller plus loin, pour asseoir la légitimité et la représentativité du patronat, d’une part, pour apporter plus d’efficacité et de transparence dans le financement des acteurs sociaux, d’autre part.

Le texte apporte ainsi les compléments nécessaires à la réforme de la représentativité syndicale, dont je n’oublie pas qu’elle a été engagée par Gérard Larcher. Sur ce sujet également, nous sommes des forces politiques différentes, mais nous pouvons nous entendre sur la nécessité d’accorder une légitimité suffisante à la négociation sociale.

Bien souvent, notre pays est caricaturé comme le pays du conflit social. Le conflit social existe, bien évidemment. Personne ne peut nier les divergences d’intérêts, ni la nécessité de les dépasser, au bénéfice de tous, en élaborant des compromis qui soient non seulement solides économiquement et socialement, mais aussi de nature à permettre à chacun de garder la tête haute – je pense notamment aux représentants syndicaux qui retournent devant leur base après avoir signé un accord.

Contrairement aux idées reçues, notre pays a connu une diminution très importante de la conflictualité dans les entreprises. La négociation collective est intense dans les branches et dans les entreprises, tous les syndicats signent des accords.

Dans une société marquée par l’individualisme, il en faut, du courage, pour endosser la responsabilité de parler au nom de ses camarades et collègues ; il en faut, du dévouement, pour essayer d’améliorer sans cesse le sort du collectif.

Bien des représentants du patronat le savent, être patron, c’est non pas régner sans partage, mais avoir la responsabilité d’une équipe et d’un dialogue. Ceux-là ont compris que le dialogue social n’est pas une perte de temps ou d’argent, mais plutôt un facteur d’efficacité de l’entreprise et de notre économie.

Nous rendrons service à ces acteurs de la démocratie sociale, souvent trop peu considérés, en renforçant leur légitimité, en fondant leur représentativité sur des bases désormais claires, y compris du côté patronal – c’était une lacune de notre système –, en rendant leur financement plus transparent, en particulier en reconnaissant que, au-delà du socle essentiel que constitue l’adhésion, les missions d’intérêt général qu’exercent les syndicats et les organisations patronales doivent être financées dans un cadre clair.

Il en va de même pour les comités d’entreprise. Nous avions eu l’occasion d’en parler ici avec Mme Procaccia il y a quelques mois. Madame la sénatrice, je m’étais engagé à revenir vers vous avant les calendes de mars : je suis au rendez-vous !

Mme Catherine Procaccia. C’est vrai !

M. Michel Sapin, ministre. La refondation que traduit ce texte ne sera fructueuse que dans un cadre de garanties collectives, de solidarités, de régulations, qui doivent s’exprimer à trois niveaux : territorial, professionnel et national.

Je commencerai par évoquer les solidarités et régulations territoriales en matière de formation professionnelle.

Ce point est essentiel, pas seulement parce que nous sommes au Sénat. Les réformes proposées ont une forte résonance territoriale ; c’est là qu’elles prendront leur force et toucheront leurs destinataires.

Un ancrage territorial fort sera tout d’abord assuré par l’achèvement de la décentralisation de la formation professionnelle des personnes privées d’emploi, mais aussi du pilotage de l’apprentissage et du service public de l’orientation.

L’espace régional est reconnu comme celui de la mise en cohérence, en complémentarité, de toutes les interventions, au-delà même de celles de la collectivité régionale.

C’est ainsi que se construiront les réponses adaptées à chaque territoire, à chaque bassin d’emploi, à chaque tissu économique et social. Ce point me paraît fondamental.

En effet, la formation professionnelle est gage d’insertion si et seulement si elle est adaptée aux besoins en compétences – toujours spécifiques – d’un territoire : quelle localisation de l’offre de formation ? Quelles formations prioritaires ? Quelle adaptation aux besoins des publics et à ceux des entreprises du territoire ? Comment incarner un service public de l’orientation qui soit bien identifié par tous, capable de répondre aux demandes, mais aussi d’aller chercher les jeunes qui ne poussent pas sa porte ? Si ces questions concernent tous les acteurs, les réponses sont à construire territorialement, en cohérence avec les stratégies de développement économique.

Au-delà du territoire, la réforme de la formation professionnelle repose aussi sur des solidarités et des garanties collectives au niveau professionnel, dans la branche, ou au niveau interprofessionnel. Il ne s’agit pas de laisser l’individu seul avec ses doutes et ses projets. Le compte personnel de formation n’est pas un « chèque formation » que le salarié ou le demandeur d’emploi devrait mobiliser seul.

C’est pourquoi la réforme affirme le droit à la qualification, donne corps au conseil en évolution professionnelle, élargit l’accès à la validation des acquis de l’expérience. En effet, à notre époque, l’enjeu n’est plus seulement d’obtenir un diplôme, mais bien de se former tout au long de la vie.

Au fond, la réforme porte un message que l’on peut résumer ainsi : vive la deuxième chance, et même la troisième ou la quatrième ! Être brillant – ou non – à 20 ans ne signifie plus qu’on le sera encore – ou toujours pas – à 50 ans…

C’est ainsi que nous pourrons, me semble-t-il, remettre en marche l’ascenseur social !

Les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, ne seront pas les abandonnées de cette réforme. La mutualisation au bénéfice des très petites entreprises est renforcée de manière inédite, et le débat à l’Assemblée nationale a permis de conforter les outils de mutualisation au profit des PME. Les fonds mutualisés de la formation professionnelle seront affectés plus fortement à des enjeux relevant de l’intérêt général et pour lesquels une régulation publique est légitime : l’accès à un premier niveau de qualification, la progression et la promotion professionnelles, le retour à l’emploi durable.

Du territoire, il est encore question dans la réforme de la démocratie sociale. Les acteurs sociaux, dans l’entreprise, dans les branches, dans les régions, doivent être renforcés pour pouvoir négocier sur une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences adaptée aux enjeux territoriaux. Je crois notamment que la prise en compte de l’espace régional est un défi à relever pour le renforcement des partenaires sociaux, afin que ceux-ci puissent répondre efficacement aux enjeux de la réforme : compte personnel de formation, apprentissage, formations prioritaires.

Je veux encore vous parler de solidarités territoriales en abordant le titre III de la réforme, qui concerne notamment l’inspection du travail.

L’inspection du travail est elle-même enracinée sur le territoire, au point que son organisation est entièrement territoriale : cette organisation repose sur la section.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis pour dissiper d’éventuelles craintes : la section de l’inspection du travail est évidemment préservée. Elle est et restera la réponse de proximité pour un salarié qui n’a pas été payé ou dont les droits sont bafoués, mais aussi pour une entreprise en quête d’un conseil pour répondre de manière adéquate à une situation.

Cela étant, nos territoires sont parfois bien peu de choses face aux grands mouvements économiques que sont la mondialisation, la liberté de circulation au niveau européen, l’éloignement des lieux de décision par rapport aux lieux de production.

Je pense, par exemple, aux fraudes au détachement de travailleurs étrangers ou à la sous-traitance en cascade. L’effet de ces montages complexes et illicites est double : la concurrence déloyale et le dumping social mettent sur le flanc nos entreprises et détruisent nos emplois ; parallèlement, ces montages exploitent des travailleurs étrangers qui ne demandent qu’à améliorer leur sort et se trouvent précipités dans des situations de travail sans protection, avec une rémunération indécente et des conditions de travail insupportables.

Il nous faut nous organiser, adapter notre inspection du travail au monde du travail du XXIe siècle et apporter les bonnes réponses au meilleur niveau. À côté de la section, niveau confirmé de proximité, des unités régionales de contrôle et un groupe national de contrôle sont créés par la réforme. Ils faciliteront le travail collectif, avec les autres corps de contrôle. Surtout, les inspecteurs vont pouvoir remonter les cascades de sous-traitance, disposer de moyens nouveaux et donc agir plus efficacement pour la protection de tous les travailleurs et pour l’égalité de concurrence entre toutes les entreprises.

Il m’est arrivé d’aller sur des chantiers. J’y ai vu des travailleurs venus de pays de l’est de l’Europe. Je mesure les situations de concurrence déloyale et leur potentiel de destruction de la cohésion nationale et européenne. Nous allons combattre ces situations et protéger ces travailleurs, comme les entreprises qui payent leurs cotisations, respectent le droit du travail et créent de l’emploi en France. Tel est le sens du service public de contrôle du travail, tel est le sens d’une politique régalienne ! Nous ne laisserons pas choir nos entreprises et nos travailleurs, au motif que seul le marché gouvernerait et que nous serions peu de choses face à la délinquance internationale.

Vous le percevez, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je vous présente est porteur de réformes puissantes et ambitieuses.

Je souhaite néanmoins apporter quelques éléments de clarification, en réponse à certaines interrogations sur tel ou tel aspect du projet de loi dont l’écho m’est parvenu.

S’agissant, d’abord, de la méthode, les trois volets de la réforme ont été bien préparés et, dans l’ensemble, bien accueillis.

Ainsi, un large accord national interprofessionnel a été conclu sur la formation professionnelle, preuve que le dialogue social est la bonne méthode pour réformer la France. Une grande concertation a été conduite entre l’État, les régions et les partenaires sociaux sur le compte personnel de formation. Une concertation approfondie a été menée sur la réforme de l’apprentissage avec plus d’une trentaine d’organisations, à l’automne dernier. De très nombreux échanges avec les partenaires sociaux ont eu lieu sur la question de la démocratie sociale et de son financement. Un dialogue intense est à l’œuvre depuis près de deux ans sur la réforme de l’inspection du travail : j’ai personnellement présidé cinq comités techniques ministériels, et de multiples réunions de concertation ont été organisées lieu aux niveaux national, régional ou local. Le dialogue est donc partout dans cette réforme !

Pour autant, comme toutes les grandes réformes, celle-ci suscite des questionnements, toujours légitimes, auxquels je veux maintenant apporter quelques éléments de réponse. Elle soulève aussi parfois – plus rarement – des doutes, voire des oppositions, relevant de deux registres diamétralement opposés.

Pour certains, cette réforme ne changerait en fait rien, ou pas grand-chose ; elle serait inodore et sans saveur. Selon ces tenants d’un changement plus profond, nous proposerions de « faire du neuf avec du vieux » ou, pour reprendre une formule bien connue, nous prétendrions « tout changer pour que rien ne change ».

Pour d’autres, davantage convaincus des vertus de notre système actuel, cette réforme serait, au contraire, porteuse de trop grands changements, de bouleversements dangereux ou d’effets pervers redoutables.

Face à ces deux critiques assez classiques, que tout oppose et qui ne peuvent se rejoindre que dans une posture stérile de rejet, on peut se demander où se situe la vérité de notre ambition. Je me propose de répondre à cette question sur chacun des sujets abordés par le texte.

Pour ce qui concerne la réforme de la formation professionnelle, j’entends parfois dire que nos ambitions sont vaines et que le système restera cloisonné et complexe, que sa gestion demeurera opaque, que les partenaires sociaux ne donneront pas davantage la priorité, dans leurs actions, aux publics présentant les besoins les plus importants, que le compte personnel de formation ne sera qu’un DIF à peine renforcé, passant de 120 à 150 heures… À l’opposé, j’entends parfois s’exprimer une vision catastrophiste de la réforme, qui produirait tant de changements qu’elle réduirait l’effort de formation des entreprises ou qu’elle empêcherait les PME de continuer à former leurs salariés.

Eh bien toutes ces allégations sont inexactes !

Le compte personnel, c’est le décloisonnement et la porte d’entrée unique vers tous les dispositifs existants. Il représente, pour le salarié ou le chômeur ayant besoin de formation, une simplification considérable du système actuel, dont l’opacité est remise en cause du fait que le financement de la démocratie sociale et celui de la formation professionnelle seront désormais totalement séparés.

La différence entre le compte personnel de formation et le DIF est criante puisque, en plus d’être portable tout au long de la vie et d’être le support d’abondements complémentaires, le CPF disposera de moyens multipliés par plus de cinq par rapport au DIF, dont les financements n’étaient d’ailleurs pas dédiés. Près de 1 milliard d'euros sera consacré à la formation des salariés au titre de leur compte personnel, auquel s’ajouteront 300 millions d’euros pour la formation des demandeurs d’emploi via le CPF. C’est ainsi que la réforme oriente les fonds mutualisés vers les demandeurs d’emploi, en augmentant de plus de 50 % la contribution du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels aux formations qui leur seront destinées.

Comme il s’agit de débusquer une fois pour toutes les approximations et les erreurs, je veux dire un mot de l’apprentissage. Là encore, nous sommes accusés, par certains, de ne rien faire, et, par d’autres, de trop réformer…

Je tiens à redire clairement que le Gouvernement est extrêmement attaché au développement de l’apprentissage, lequel a abondamment fait les preuves de son efficacité en termes de qualification et d’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi l’objectif de porter le nombre d’apprentis à 500 000 en 2017 a été inscrit dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Le bilan de l’année 2013 est maintenant connu. Certes, la tendance est à la baisse, mais la diminution observée sur la période la plus significative, allant de la rentrée de juin à décembre, ne s’élève qu’à quelque 4 %. Cette situation n’est pas satisfaisante, évidemment, mais il faut avant tout y voir le signe d’une conjoncture hésitante, dans un contexte de réduction engagée du chômage des jeunes.

Pour progresser, les petites entreprises, qui accueillent plus de la moitié des apprentis, doivent être rassurées et soutenues. C’est dans ce but que l’architecture des aides aux employeurs d’apprentis a été ciblée sur elles et sur les premiers niveaux de qualification.

Surtout, le texte qui vous est présenté apporte des modifications importantes pour donner corps à l’ambition de développement de l’apprentissage.

En effet, la réforme de la taxe d’apprentissage qu’il poursuit permettra d’orienter davantage de financements vers l’apprentissage, sans remettre en cause le libre choix des entreprises en termes d’affectation de cette taxe.

Par ailleurs, des dispositions sont prévues pour sécuriser les apprentis et leurs employeurs, via l’accompagnement des centres de formation d’apprentis et la prévention des ruptures, ainsi que grâce à la nouvelle possibilité de conclure un contrat d’apprentissage dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, qui est une innovation remarquable.

Mme Christiane Demontès et M. Jean-Claude Leroy. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Pour ce qui concerne la réforme de l’inspection du travail, les critiques qui s’expriment s’opposent entre elles sur certains points. Pour certains, nous affaiblirions l’inspection du travail en la mettant au pas pour satisfaire les revendications patronales. D’autres, à l’inverse, craignent que nous ne renforcions les pouvoirs de contrôle des inspecteurs, au détriment des entreprises.

À nouveau, où est la vérité ? Elle est dans l’équilibre de ce texte.

Ne rien changer serait condamner l’inspection du travail à une forme de fossilisation, à rester figée dans un format qui n’a jamais changé depuis sa création. Il faut conserver l’inspecteur du travail généraliste actif dans sa section de proximité, mais y adjoindre une organisation collective plus efficace.

Quant aux pouvoirs de l’inspecteur, ils sont garantis et augmentés, dans des cadres qui existent dans d’autres corps d’inspection : la liberté de décision de donner des avertissements ou des conseils plutôt que d’intenter ou de recommander des poursuites est confortée ; le responsable hiérarchique n’aura pas plus demain qu’il ne l’a aujourd'hui le droit de dessaisir l’agent d’un dossier ou de le changer d’affectation, ni de lui donner un ordre sur le contenu d’une décision ; les agents auront toujours une liberté d’organiser et de conduire des contrôles – sur les chantiers, dans les entreprises, ce sont eux qui continueront de décider, de constater, de dresser le procès-verbal, en toute indépendance, une indépendance d’ailleurs désormais gravée dans la loi, grâce à l’adoption d’un amendement important à l’Assemblée nationale.

Mettre en place une inspection indépendante, mais sachant s’organiser de manière à lutter collectivement contre la grande délinquance ou les grands risques : telle est l’ambition de la réforme, qui y ajoute un mouvement exceptionnel de promotion professionnelle, puisque les contrôleurs sont appelés à être transformés en inspecteurs dans les dix années qui viennent.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, un texte d’une telle ampleur ne peut satisfaire chacun sur tous les points, mais il en est de même des avancées que les partenaires sociaux obtiennent grâce à des compromis et qui ne peuvent satisfaire toutes leurs revendications. C’est un texte de progrès, qui instaure de nouveaux équilibres et apporte de nouvelles réponses aux enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Les forces qui croient au progrès le savent au fond d'elles-mêmes : chaque progrès est une conquête, rien ne vient jamais d'un seul coup. Ce texte fait de nombreux pas en avant, que je vais maintenant détailler.

Le pas puissant d'un texte produit par et dans le dialogue : donnons un signe fort en démontrant que cette méthode est la seule qui permette de réformer notre pays, et qu'elle est au fond acceptée et souhaitée par tous !

Le pas en avant d'un texte qui réforme la formation professionnelle comme elle ne l'a pas été depuis la loi Delors de 1971 et qui, pour quarante ans peut-être, refonde le système. Nous avons ici l'occasion d’écrire une page de l’histoire économique et sociale de la France.

Le pas décidé d'un texte qui affronte les déséquilibres du système : 50 % des salariés des entreprises qui en emploient plus de 1 000 ont accès à la formation, contre 30 % des salariés des entreprises qui en emploient moins de dix et 20 % des chômeurs. Une telle situation n’est plus admissible.

Le pas léger d'un texte qui simplifie le paysage complexe de la formation en créant une contribution unique de 1 % de la masse salariale tout en ramenant le nombre d'organismes collecteurs de près de 200 à une vingtaine au niveau national et à un par région.

Le pas important d'une loi qui crée le compte personnel de formation universel, portable et attaché à la personne.

Le pas résolu d'un texte qui remplace une obligation de financer par une obligation de former, en pariant sur la responsabilité des acteurs.

Le « pas après pas » qui achève de transférer à la région les compétences en matière de formation professionnelle, constituant ainsi un bloc homogène de compétences, au plus près du tissu économique et de ses besoins en savoir-faire.

Le pas décisif d'une réforme qui prend acte que la compétition mondiale se joue désormais majoritairement sur le terrain des compétences et des connaissances. Cette réforme doit donc encourager et donner envie à chacun de progresser d'un niveau.

Le pas d'une réforme qui règle le sujet resté pendant de la représentativité patronale – une question épineuse depuis bien longtemps –, selon un mécanisme clair et pertinent, fondé sur l'adhésion et un socle de critères communs à la représentativité syndicale.

Le pas de la transparence des mécanismes de financement du dialogue social, de manière à dissiper les fantasmes et les soupçons, ainsi qu'à assumer le fait que la démocratie sociale a un coût et que la démocratie politique s'honore à le garantir.

Enfin, le pas résolu, après deux ans de dialogue, vers la réforme d'une inspection du travail confrontée au changement du monde.

Face à autant de grands et de petits pas, je me félicite d’avoir maintenant avec vous un débat qui s'annonce riche et intéressant, comme il le fut à l'Assemblée nationale. Je ne peux que vous engager à réserver un accueil favorable à ce texte, pour lui permettre d'entrer en vigueur rapidement et favoriser ainsi une mise en œuvre fluide de ces réformes d'ampleur qui supposent l'intervention non seulement de textes réglementaires, mais aussi de négociations, en particulier dans les branches et les entreprises.

J'en terminerai en adressant un mot de remerciement à vous tous qui allez contribuer à ce débat. Je salue en particulier la présidente de la commission des affaires sociales, Mme David, qui comme toujours, malgré des délais très resserrés, a œuvré pour la qualité des travaux en commission. Je salue aussi la commission des finances et son rapporteur pour avis, M. Patriat, qui connaît parfaitement tous ces sujets, notamment la formation professionnelle et l'apprentissage, ainsi que, bien entendu, M. Claude Jeannerot, dont chacun connaît ici la maîtrise des dossiers, le sens de la pédagogie et l’humeur toujours égale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, plus de quarante ans après l'examen, au mois de juin 1971, des lois Delors qui ont bâti notre régime de formation professionnelle et d'apprentissage, je pourrais faire miens les propos alors prononcés à cette même tribune par celui qui me précédait dans la fonction de rapporteur, notre ancien collègue Adolphe Chauvin. Il émettait, selon ses propres termes, une « protestation solennelle » concernant les conditions d'examen de ces quatre textes,…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Déjà à l’époque !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. … jugeant, au vu des délais imposés à l'Assemblée nationale et au Sénat, qu'il était « parfaitement déraisonnable de faire travailler le Parlement dans de pareilles conditions ». (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Si le célèbre avis reçu de son neveu Tancrède par le Guépard était qu'il fallait que tout change pour que rien ne change, on constate au contraire ici qu'il faut que rien ne change pour que tout change (Sourires.) : rien ne change, malheureusement, sur le plan de la procédure parlementaire et de l'urgence dans laquelle nous sommes contraints d'examiner les projets de loi ;…

Mme Isabelle Debré. Tout à fait d’accord !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. … en revanche, grâce à ce texte, tout change dans les principes du système de formation professionnelle français.

Comme vous l’avez bien expliqué, monsieur le ministre, il était en effet urgent que la formation professionnelle redevienne un levier de qualification de tous les actifs, et donc un facteur de compétitivité pour nos entreprises et de sécurisation des salariés dans leurs parcours professionnels.

Ce texte est fidèle à l'objectif que Jacques Chaban-Delmas avait fixé en 1971 à la réforme dont il était l'initiateur : « donner à chacun une deuxième, voire une troisième chance, au cours de son existence professionnelle ».

Ce n'est pas là l'unique volet de ce projet de loi, qui comporte également d'importantes mesures visant à accroître la légitimité des acteurs du dialogue social, au niveau national comme à celui de la branche, achevant ainsi l’œuvre engagée par la réforme de la représentativité syndicale de 2008. Il poursuit également la réforme de l'inspection du travail, qui voit ses capacités d'action renforcées.

Son élaboration, précédée de la négociation et de la signature, par la majorité des partenaires sociaux, d'un accord national interprofessionnel, traduit l'engagement du Gouvernement en faveur d'une démocratie sociale vivante et respectée dans son domaine de compétence, défini à l'article L. 1 du code du travail. La preuve est ainsi apportée de la complémentarité des démocraties sociale et parlementaire, cette dernière restant bien sûr souveraine, mais se trouvant enrichie de cet apport essentiel.

Sans revenir sur l'ensemble des dispositions du projet de loi – le ministre en a fait une présentation exhaustive –, j'aimerais insister sur plusieurs innovations majeures de ce texte, pour lesquelles j'entrevois une pérennité comparable aux mesures de 1971, celles qui visaient – rappelez-vous – à construire la « nouvelle société ».

Les limites du modèle français de formation professionnelle sont bien connues. Tous les diagnostics réalisés ces dernières années – je pense au rapport remis en 2007 au nom de la mission commune d’information sénatoriale par notre collègue Jean-Claude Carle et notre ancien collègue Bernard Seillier ou à celui d’avril 2012 de notre collègue Gérard Larcher – mentionnent de nombreuses inégalités d'accès selon le niveau de formation initiale ou encore la taille de l'entreprise et l'inefficacité d'une partie des dépenses engagées en raison de l'obligation fiscale de financement du plan de formation.

Vous l'avez sans doute observé, les recommandations des rapports que j’ai cités sont convergentes : supprimer l'obligation légale afin que la formation redevienne, pour les entreprises, un investissement à part entière et mettre en place un compte individuel de formation attaché à chaque individu, et non à son statut. Ce projet de loi, mes chers collègues, en est la traduction. La réflexion mérite d'ailleurs d'être poursuivie pour que, d'un point de vue comptable, la formation figure un jour en haut de bilan, et ne soit plus considérée comme une charge.

À l'article 1er, le compte personnel de formation marque une rupture forte avec les outils de formation tels qu'ils ont été conçus jusqu'à présent et constitue – reconnaissons-le – une avancée réelle par rapport au droit individuel à la formation institué en 2004, qui est resté, malheureusement, inabouti. Plafonné à 150 heures – contre 120 heures pour le DIF – et alimenté à hauteur de vingt-quatre heures par an, le compte personnel de formation aura une validité permanente jusqu'au départ à la retraite de son bénéficiaire.

Surtout, les droits devront être utilisés pour financer des formations qualifiantes. À cette fin, le CPF s'articulera avec des abondements complémentaires, pour permettre de suivre des formations longues.

Vous l'avez compris, contrairement au DIF, le compte personnel de formation bénéficiera d'un financement dédié versé par les entreprises et défini dans le cadre de la refonte de l'obligation légale de financement.

En effet, les partenaires sociaux se sont accordés pour transformer l'obligation de dépenser, adoptée en 1971, en une obligation de former.

En lieu et place de l'obligation de financement du plan de formation et des divers dispositifs professionnalisants, une contribution au taux unique de 1 % de la masse salariale, contre 1,6 % aujourd'hui, est instaurée par l'article 4. Elle sera entièrement mutualisée selon plusieurs usages.

J’en ai la conviction, ce pari visant à responsabiliser les entreprises sera couronné de succès : en moyenne, elles consacrent déjà plus de 2 % de leur masse salariale à leur plan de formation. Le taux réduit applicable aux très petites entreprises est maintenu et la mutualisation en leur faveur renforcée.

Contrairement à ce que certains prétendent, les PME ne sont pas les laissées pour compte de cette réforme – je le souligne avec force –, puisqu’un nouveau versement mutualisé est institué au titre de leur plan de formation . Aujourd'hui, reconnaissons que le système est tellement peu redistributif que les PME de dix à quarante-neuf salariés financent à hauteur de 50 millions d’euros par an la politique de formation des entreprises de plus grande taille.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Pour les demandeurs d'emploi, le CPF sera une clé pour bénéficier de formations longues, auxquelles ils ont difficilement accès aujourd'hui, en particulier grâce à 300 millions d'euros de ressources supplémentaires.

Dans le même temps, le projet de loi procède à une clarification bienvenue de la répartition des compétences en matière de formation et de gouvernance régionale et nationale du système. En se voyant confier l'organisation et le financement du service public régional de la formation professionnelle, la région en devient le véritable chef de file. Elle pourra mettre en œuvre, dans le respect du droit communautaire, un service d'intérêt économique général.

Au niveau national, le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles – le CNEFOP – se substituera aux instances existantes. Au niveau régional, un comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles – le CREFOP – rassemblera toutes les parties prenantes pour adapter les politiques de formation, notamment le CPF, aux besoins des territoires.

L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, n'est pas oubliée : le patrimoine actuellement détenu par l'État qui est mis à sa disposition pourra, dans certaines conditions, être transféré aux régions. Sur ce point, le texte a connu des avancées à l'Assemblée nationale, mais il peut encore être amélioré. Nous nous y emploierons ensemble.

Ce texte contient de nombreuses autres mesures, toutes d’importance, sur la formation professionnelle, visant notamment à encourager le dialogue social dans l’entreprise à ce sujet. Il élargit également l’accès à la formation pour les personnes en insertion par l’activité économique. Enfin, il contribue à la modernisation de l’apprentissage en sécurisant le parcours des apprentis, en rationalisant le processus de collecte de la taxe d’apprentissage et en garantissant que son produit aille prioritairement à l’apprentissage.

Je ne développe pas ces points pour l’instant, car nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détail lors de la discussion des articles et des amendements.

Venons-en maintenant au deuxième volet du projet de loi, relatif à la démocratie sociale.

L’article 16 tend à définir les règles de la représentativité patronale et vient ainsi combler un vide juridique préjudiciable à la légitimité du dialogue social.

Cette réforme résulte, d’une part, de la position commune signée le 19 juin 2013 par la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF et l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, et, d’autre part, du protocole d’accord conclu le 30 janvier dernier entre ces trois organisations et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, l’Union nationale des professions libérales, l’UNAPL, et l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES. Le projet de loi fixe ainsi un cadre global pour établir la représentativité des organisations patronales aussi bien au niveau des branches professionnelles qu’au niveau national interprofessionnel ou multiprofessionnel.

Il prévoit que la mesure de l’audience sera fondée non sur une élection, mais sur le nombre d’entreprises adhérentes, comme l’a fort bien expliqué M. le ministre.

Il définit par ailleurs des règles spécifiques en cas d’adhésion d’une organisation de branche à plusieurs organisations qui ont vocation à devenir représentatives au niveau national et interprofessionnel. La multi-adhésion n’est pas rare au niveau des branches. Ainsi, le Conseil national des professions de l’automobile, le CNPA, adhère à la fois au MEDEF, à la CGPME et à l’UPA.

Le projet de loi maintient cette liberté, mais prévoit que l’organisation de branche devra affecter une part déterminée de ses entreprises adhérentes à chacune des organisations de niveau national et interprofessionnel. Cette part ne pourra être inférieure à un seuil fixé par décret, seuil que le projet de loi encadre dans une fourchette comprise entre 10 % et 20 %.

Le texte définit également le droit d’opposition patronale à l’extension d’une convention ou d’un accord, et instaure quatre dispositifs ambitieux pour accélérer la restructuration des branches professionnelles.

L’article 18 institue un fonds paritaire afin de rendre transparent le financement des partenaires sociaux et de mettre ainsi un terme à un climat délétère de suspicion. Leur financement sera maintenu au même niveau qu’aujourd’hui, mais les circuits seront simplifiés, rendus publics et mieux contrôlés.

Je présenterai un amendement de la commission tendant à ce que toutes les organisations qui bénéficieront de financements du fonds paritaire soient informées des projets de décision et de délibération relatifs à la répartition de ces crédits.

L’article 19 traite de la transparence des comptes des comités d’entreprise, question sur laquelle notre commission s’est penchée en octobre dernier. Le projet de loi reprend l’essentiel des dispositions du texte que nous avions alors adopté sur proposition de son rapporteur, Catherine Procaccia, et il emporte par conséquent notre pleine adhésion.

Le troisième et dernier volet a pour objet une réforme de l’inspection du travail, sans doute la plus importante et la plus ambitieuse depuis des décennies. Je veux saluer ici l’engagement du Gouvernement, tout particulièrement celui du ministre du travail, dans l’élaboration d’un projet qui est, j’en suis convaincu, porteur de progrès. Pourtant, il fédère contre lui des critiques émanant des deux bords de l’hémicycle, qui me semblent méconnaître les garanties qu’apporte ce projet de loi équilibré.

Certains dénoncent une réforme qui porterait atteinte aux principes essentiels fondant l’inspection du travail, comme l’indépendance et la liberté dans les suites données à un contrôle. Je rappellerai tout d’abord que l’Assemblée nationale a consacré ces principes dans le code du travail, répondant ainsi à une demande des agents.

En outre, les futurs responsables d’unité de contrôle seront des inspecteurs comme les autres, chargés d’assurer, notamment dans la mise en œuvre des actions collectives, l’animation et l’accompagnement des agents de contrôle placés sous leur autorité. En somme, ce lien ne sera pas plus attentatoire à la liberté des agents que ne l’est celui qui existe aujourd’hui entre les inspecteurs et les contrôleurs au sein d’une section d’inspection.

Enfin, le risque de chevauchement des compétences, lors d’un contrôle commun, entre les agents des unités de contrôle territorialisées, des unités régionales de contrôle et du groupe national de contrôle d’appui et de veille me semble essentiellement théorique. En pratique, les structures régionales et nationales agiront évidemment en concertation avec les agents de terrain ; elles se concentreront surtout sur les chantiers et les entreprises mobiles, pour lutter contre le fléau du travail illégal, tandis que chaque agent de contrôle demeurera libre de déterminer quelles suites il entend donner à ses contrôles.

D’autres, à l’inverse, soulignent les risques d’arbitraire que ferait courir la réforme à l’encontre des employeurs. Je veux rappeler que si la procédure de sanction administrative est engagée par l’agent de contrôle, c’est le directeur de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi, qui prendra la décision de sanctionner l’employeur, après l’avoir invité à présenter ses observations dans un délai d’un mois. L’agent de contrôle ne sera donc pas juge et partie ; des contre-pouvoirs existeront au sein même de la DIRECCTE et les droits de la défense seront respectés. Toute sanction pourra être contestée devant le juge administratif dans les conditions de droit commun. De même, la transaction pénale sera engagée par le directeur de la DIRECCTE, mais nécessitera l’homologation préalable du procureur de la République. Quant aux plafonds des amendes administratives, ils sont cohérents avec ceux que prévoit actuellement le code du travail.

Monsieur le ministre, nous devrons ensemble faire œuvre de pédagogie pendant l’examen de ce texte au Sénat afin de dissiper les inquiétudes que suscite cette réforme. Je considère pour ma part, je l’ai dit, que le texte qui nous est proposé est équilibré : il donne de nouveaux pouvoirs à l’inspection du travail pour mieux défendre les intérêts élémentaires des travailleurs, tout en respectant les droits des employeurs et les principes de l’État de droit. Nous présenterons néanmoins un amendement visant à améliorer encore l’information des agents de contrôle lorsque la procédure de transaction pénale est engagée.

Je vois donc une grande cohérence dans ce projet de loi, qui répond tout à la fois aux besoins des salariés et à ceux des entreprises françaises. Une formation professionnelle efficace, adaptée aux besoins de l’économie et redevenue un outil de qualification et de promotion sociale, un dialogue social marqué par la légitimité de ses acteurs et la transparence de leurs financements, une inspection du travail efficace et impartiale : cela ne correspond-il pas aux exigences de notre économie et, plus largement, de notre société ?

La commission des affaires sociales n’a pas semblé le croire puisque, contre l’avis de son rapporteur, elle n’a pas adopté de texte sur ce projet de loi lors de sa réunion du mercredi 12 février dernier. Elle avait néanmoins auparavant adopté les cinquante-trois amendements que je lui avais proposés. Nos débats porteront donc sur le texte du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Claude Jeannerot, rapporteur sur le fond, vient de nous décrire en détail les enjeux du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. J’approuve ses conclusions, aussi irai-je pour ma part droit au but s’agissant de ce que j’estime être les principales vertus de ce texte et des raisons qui ont conduit la commission des finances a en recommander également l’adoption dans le cadre de sa saisine pour avis, sous réserve des quelques modifications, pour la plupart de forme, qu’elle a proposées.

La question de l’opportunité de la saisine pour avis de la commission des finances s’est d’emblée posée en raison de l’ampleur de la réforme proposée et des modifications profondes apportées au financement de la formation professionnelle, dont les chiffres ont été présentés, à l’organisation des organismes paritaires et à la collecte de la taxe d’apprentissage, au périmètre de compétences et de financement de la formation professionnelle par les régions et, enfin, au financement des organisations syndicales et patronales.

L’examen de ce projet de loi montre que, malgré la diversité des questions traitées, il se dégage une cohérence d’ensemble et trois objectifs majeurs, en tous cas trois qualités essentielles qu’il convient de reconnaître au texte, à savoir la simplification, la clarification et l’optimisation.

J’ai plus particulièrement considéré que les cinq articles qui justifiaient la saisine pour avis de la commission des finances répondaient à ces trois objectifs.

Ainsi, l’article 9 vise à simplifier le dispositif de collecte de la taxe d’apprentissage, à clarifier le circuit de répartition du produit de cette taxe et à en optimiser la gestion. Monsieur le ministre, pour avoir présidé une grande région française, vous êtes parfaitement au fait de ce sujet de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Pour leur part, les articles 9 bis et 9 ter, adoptés par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement pour remédier à la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs alinéas de l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013, tendent également à répondre à ces trois objectifs en réformant la taxe d’apprentissage.

De son côté, l’article 15 prévoit la compensation par l’État des transferts de compétences aux régions prévus aux articles 6 et 11 en matière d’apprentissage et de formation professionnelle. Là encore, l’achèvement du processus de transfert aux régions de ces compétences va dans le sens de la simplification, de la clarification et de l’optimisation.

Enfin, il en va de même de l’article 18, qui vise à réformer le financement des organisations syndicales et patronales en créant un fonds paritaire dont les ressources émaneront des employeurs, des organismes paritaires et de l’État.

Il faut saluer ces avancées, qui mettent en application la plupart des recommandations que j’avais formulées l’an dernier, au nom de la commission des finances et avec votre accord, monsieur le ministre, pour une réforme de la collecte et de la répartition du produit de la taxe d’apprentissage ; j’en tire tout de même une petite fierté ! (Sourires.)

Dans ce rapport, nous avions appelé à une réforme profonde et urgente, dans le respect des trois principes de simplification, de décentralisation et de paritarisme. Je rappellerai maintenant quelles étaient nos principales préconisations.

Nous recommandions tout d'abord de simplifier, de clarifier et d’homogénéiser la collecte en rationalisant le réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage, les OCTA, en réduisant leur nombre, en créant une « tête de réseau » des organismes collecteurs et en instaurant une comptabilité analytique obligatoire, ainsi que des conventions d’objectifs et de moyens.

Nous avions ensuite proposé d’introduire un pilotage régional dans la répartition de la taxe d’apprentissage en fonction des priorités de formation définies, par exemple, au travers du contrat de plan régional de développement de la formation professionnelle, le CPRDFP.

Nous avions enfin recommandé d’associer l’ensemble des acteurs en introduisant le paritarisme dans la collecte et la répartition des fonds, de fusionner la taxe d’apprentissage avec la contribution de développement de l’apprentissage, la CDA, et de recentrer la taxe d’apprentissage vers le financement de l’apprentissage en augmentant la place des régions dans la gouvernance de la répartition des fonds, notamment en leur confiant la gouvernance des fonds non affectés par les entreprises, en coordination avec l’État et les partenaires sociaux. Il s’agit bien là de paritarisme !

Il faut se féliciter que l’essentiel de ces recommandations ait été mis en œuvre par le Gouvernement, d’abord par le biais de la loi de finances pour 2014, ensuite dans la loi de finances rectificative pour 2013 et enfin au travers du présent projet de loi. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, saisie pour avis, a émis un avis favorable à l’adoption de ce texte.

Pour autant, comme je l’ai annoncé en introduction, je présenterai, au nom de la commission des finances, quatre amendements : le premier de fond, le deuxième de précision et les deux derniers purement rédactionnels.

Je m’arrêterai quelques instants sur les deux premiers amendements, portant sur l’article 9, qui réforme profondément les modalités de collecte et de répartition de la taxe d’apprentissage et opère une rationalisation du réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage aux niveaux national et régional, ramenant leur nombre de 147 à une vingtaine à l’échelle nationale – les OPCA nationaux de branches professionnelles ou interprofessionnelles seront agréés pour remplir les fonctions d’OCTA – et à un par région, soit 46 au total.

À l’échelon régional, une seule chambre consulaire sera habilitée à collecter et à reverser les fonds affectés de la taxe d’apprentissage, selon des modalités définies dans le cadre d’une convention conclue avec les autres chambres consulaires de la région. Cela va dans le sens de la simplification, de la clarification et de l’optimisation que j’évoquais tout à l'heure.

De plus, l’article 9 instaure une procédure nouvelle associant la gouvernance régionale, en particulier le conseil régional, aux termes de laquelle les OCTA procèderont dorénavant à l’affectation des fonds dits « libres », non affectés par les entreprises. Vous avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre, que le principe de la liberté d’affectation des fonds était maintenu, mais qu’une partie de ces derniers serait affectée ensuite.

Nous avons estimé – il s’agit là d’un point de désaccord entre nous – que la rédaction retenue dans le projet de loi était perfectible. En effet, elle ne précise pas si les versements effectués par les organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage doivent être ou non réalisés conformément aux observations et aux propositions issues de la concertation organisée par la région. En un mot, les préconisations de la région fondées sur les besoins du territoire seront-elles respectées par les OCTA ? Cette procédure n’offre pas de lisibilité sur le point de savoir si les propositions de la région et des partenaires sociaux seront prises ou non en considération.

Notre premier amendement aura donc pour objet de clarifier les conditions de répartition des fonds du solde du quota non affectés par les entreprises en renforçant le rôle de la gouvernance régionale.

Aussi je suggère que, à l’issue d’une concertation sur la proposition des organismes de collecte, la région décide de la répartition des fonds dits « libres » qui ne sont pas affectés par les entreprises. Je sais que le Gouvernement ne sera pas nécessairement favorable à cet amendement, mais je préfère défendre ici cette position quelque peu « maximaliste », quitte à me rallier, lors de la discussion des articles, à une solution de repli permettant aux organismes de collecte de continuer à procéder à leurs propres versements, par décision motivée si les versements en question ne sont pas conformes aux recommandations émises par la région.

Un deuxième amendement aura pour objet d’étendre aux organismes de collecte de la taxe d’apprentissage l’application des dispositions introduites sur l’initiative du Sénat dans la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie et visant à instaurer la conclusion d’une convention triennale d’objectifs et de moyens entre les organismes de collecte paritaires agréés et l’État ainsi que leur évaluation et la publication triennale d’un bilan.

Pour conclure, j’aborderai très rapidement les deux autres articles faisant l’objet de notre saisine pour avis.

Les articles 9 bis et 9 ter visent à remédier aux conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013 ayant censuré, parce qu’insuffisamment précis, plusieurs alinéas de l’article 60, portant réforme de la taxe d’apprentissage, de la loi de finances rectificative pour 2013, relatifs aux règles d’affectation du produit de la taxe d’apprentissage. En un mot, le Conseil constitutionnel a jugé que cette affectation ne pouvait relever parfois de la loi et parfois du règlement, et qu’il fallait statuer une fois pour toutes.

Il faut se souvenir que les dispositions de l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013 opéraient la fusion de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage et posaient de nouvelles règles d’affectation du produit. Ainsi, une « première fraction », dont le montant est au moins égal à 55 % du produit de la taxe due, était affectée aux régions, tandis que les modalités d’affectation du produit de la taxe d’apprentissage d’une « deuxième fraction », dénommée « quota », attribuée aux centres de formation d’apprentis et aux sections d’apprentissage, étaient renvoyées au pouvoir réglementaire.

C’est sur ce dernier point que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article 60, estimant que le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence.

Aussi les deux articles 9 bis et 9 ter du présent projet de loi prévoient-ils de réintégrer les dispositions censurées en veillant à préciser dans la loi le taux – 21 % – de la fraction du quota de la taxe d’apprentissage réservée au développement de l’apprentissage et celui – 23 % – du hors quota au titre des dépenses réellement exposées en vue de favoriser les formations technologiques et professionnelles initiales.

De facto, la part régionale du produit de la taxe d’apprentissage s’établira à 56 %, et je m’en réjouis. Il était nécessaire d’introduire ces dispositions dès maintenant, afin de permettre à toute la chaîne des acteurs de l’apprentissage de préparer l’application de cette réforme pour le 1er janvier 2015.

L’article 15, quant à lui, prévoit la compensation par l’État des transferts de compétences aux régions, dont le coût est estimé entre 150 millions et 200 millions d’euros. Monsieur le ministre, il faudra que le Gouvernement soit plus précis et explicite sur la question du financement de ce transfert de compétences. Les régions doivent savoir sur quels types de recettes de compensation elles pourront compter pour 2015 et les années suivantes. Il s’agit d’un sujet rémanent, si j’en juge par les différents textes de loi que nous allons examiner d’ici à cet été !

Enfin, je terminerai par l’un des articles emblématiques de ce projet de loi, à savoir l’article 18, relatif à la réforme et à la modernisation du financement du paritarisme.

La philosophie générale du dispositif est de passer d’un système opaque et illisible de financements éclatés entre différentes sources, principalement liées à la gestion paritaire d’organismes, à un système transparent de financement du coût du dialogue social, centralisé dans un nouveau fonds paritaire. Il s’agit d’instaurer un financement mutualisé à coût constant avant et après la réforme.

Si la réforme doit normalement être neutre pour les entreprises, il faut souligner que le budget global de ce nouveau fonds paritaire devrait dépasser 140 millions d’euros, dont près de 30 millions d’euros de subventions de l’État. Là encore il conviendra, dès le projet de loi de finances pour 2015, de s’assurer que cette dotation budgétaire réponde à ces mêmes impératifs de simplification, de clarification et d’optimisation que j’ai évoqués.

Enfin, monsieur le ministre, je présenterai, à titre personnel et avec quelques-uns de mes collègues, un certain nombre d’amendements n’entrant pas dans le cadre de la saisine de notre commission.

Au bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard. (Ah ! sur diverses travées.)

M. Michel Sapin, ministre. Attention, monsieur Desessard, on est toujours populaire au début, mais ensuite… (Sourires.)

M. Jean Desessard. Je le sais bien, monsieur le ministre !

Nous examinons aujourd’hui le projet de loi issu de l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, l’ANI. Formation professionnelle, démocratie sociale, inspection du travail : voilà des sujets qui auraient mérité mieux qu’un débat parlementaire précipité.

Mme Catherine Procaccia. On est tous d’accord !

M. Jean Desessard. Le Gouvernement a fait le choix d’engager la procédure accélérée pour l’examen de ce projet de loi. On comprend mal cette volonté d’agir aussi vite, on voit mal où se situe l’urgence. Des délais aussi courts pour l’examen d’un tel texte nuisent grandement à la qualité de nos travaux et témoignent, monsieur le ministre, d’un manque de considération pour les parlementaires.

M. Jean Desessard. Les gouvernements se suivent,…

M. Henri de Raincourt. Mais ne se ressemblent pas !

M. Jean Desessard. … ne se ressemblent pas (Exclamations amusées.), mais il y a une constante : ils utilisent les mêmes méthodes à l’égard du Parlement.

M. Henri de Raincourt. C’est faux ! C’est totalement faux !

M. Jean Desessard. Sur le fond, la première partie du projet de loi, relative à la formation professionnelle, traite d’un sujet central. Le montant élevé de la dépense nationale pour la formation professionnelle et l’apprentissage témoigne de l’importance de ce sujet : 32 milliards d’euros en 2011, soit 1,6 % du PIB, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Les entreprises sont de loin les premiers financeurs – à hauteur de 43 % – et les montants alloués ont progressé de 3,1 % par rapport à 2010. L’État est le deuxième contributeur, avec 15 % de la dépense, malgré une baisse de 1,1 % des crédits alloués. Ensuite viennent les régions, qui assument 14 % de la dépense totale.

Les fonds sont donc là, mais il existe de grandes disparités entre les bénéficiaires. Selon une étude de l’INSEE de 2012, si 51 % des 25-54 ans en emploi ont suivi une formation pour raisons professionnelles dans l’année, seuls 27 % des chômeurs de cette même classe d’âge ont pu bénéficier d’une telle formation.

De grandes disparités existent également au sein même du monde du travail : selon la même étude, dans la catégorie des actifs occupant un emploi, 66 % des diplômés de niveau supérieur à bac+2 ont suivi au moins une formation professionnelle dans l’année, contre 25 % des personnes sans diplôme. Les inégalités sont ainsi très fortes, et la formation professionnelle profite peu ou pas suffisamment à ceux qui en ont le plus besoin.

Que les choses soient claires, la formation doit naturellement profiter à l’ensemble des salariés, y compris aux cadres. Améliorer ses compétences en permanence permet une adaptation aux nouvelles techniques et une transmission du savoir au sein de l’entreprise dont chacun bénéficie. Mais la formation doit aussi être rendue plus accessible aux chômeurs et aux précaires, afin de leur permettre d’apprendre un nouveau métier et de développer des compétences nouvelles.

La formation professionnelle est également – on l’oublie parfois – un moteur de développement personnel et d’épanouissement des individus, un moyen de préparer l’avenir s’accompagnant du plaisir d’apprendre.

Adaptation aux nouvelles technologies, réinsertion et réorientation des chômeurs et précaires, épanouissement : la formation professionnelle recouvre tous ces aspects et il nous faut trouver, ensemble, le juste équilibre.

Je le disais, la formation professionnelle est un outil d’adaptation aux changements de la société qui permet de se former aux nouvelles technologies et aux nouveaux métiers. Dans cette perspective – j’insiste sur ce point, monsieur le ministre, et j’y reviendrai au cours du débat –, il faut concevoir une démarche prospective à l’échelon national, et pas simplement dans les régions, pour identifier les métiers de demain et les techniques qu’ils mobiliseront, afin d’anticiper le changement plutôt que de le subir.

Si l’on doit préparer l’émergence des métiers de demain, il ne faut pas pour autant oublier ceux d’hier. Chaudronniers, ébénistes, tailleurs de pierre : tous ces professionnels se raréfient, alors qu’ils sont demandés. Une politique de formation cohérente doit nécessairement prendre en compte ces métiers et assurer leur pérennité. S’agissant de créneaux étroits, cela nécessite une coopération entre régions.

Par ailleurs, dans notre monde aux ressources de plus en plus limitées, nous devons faire preuve de volontarisme pour orienter nos modes de production vers la proximité, vers l’économie énergétique. Pour cela, nous avons besoin de techniciens compétents dans les domaines des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique des bâtiments, du recyclage des déchets. La formation professionnelle a tout son rôle à jouer dans la transition écologique : elle doit devenir un outil pour accompagner les mutations.

Le compte personnel de formation constitue un premier pas important vers la formation pour tous que nous appelons de nos vœux. Il est directement attaché au salarié, qui le conservera tout au long de sa carrière et en bénéficiera dès son entrée dans le monde du travail, indépendamment de sa situation et de son entreprise. Le détenteur du compte, s’il suit des heures de formation en dehors de son temps de travail, ne sera pas tenu d’en informer son employeur, ni d’obtenir son accord.

Je vous félicite, monsieur le ministre : ce dispositif représente une avancée réelle par rapport au droit individuel à la formation, dont le bénéfice était ouvert aux seuls salariés ayant un an d’ancienneté et subordonné à l’accord de l’employeur et dont la portabilité entre deux emplois posait parfois problème.

Néanmoins, le volume horaire du CPF reste faible : 150 heures sur sept ans et demi. Cette durée peut-elle vraiment permettre à un individu de suivre une formation qualifiante en vue de se réorienter en cours de carrière ?

En particulier, ce faible volume horaire est encore loin de permettre à des personnes éloignées de l’emploi de repartir sur de nouvelles bases. De fait, le CPF, comme aujourd’hui le DIF, risque d’être utile principalement aux salariés déjà qualifiés qui ont besoin d’une mise à niveau sur une nouvelle technologie, plutôt qu’aux personnes qui en auraient le plus besoin : les chômeurs, les précaires, les seniors…

Monsieur le ministre, l’augmentation de 600 millions à 900 millions d’euros des fonds consacrés aux demandeurs d’emploi est-elle suffisante ? Nous aurons l’occasion d’en débattre.

Malgré ces insuffisances, qu’il nous reviendra de combler, nous tenons, nous écologistes, à saluer la mise en place du CPF. Nous considérons cette réforme comme une première étape majeure vers un droit universel à la formation tout au long de la vie. (M. le ministre acquiesce.)

M. Jean Desessard. En ce qui concerne la démocratie sociale, le projet de loi réforme la représentativité des organisations syndicales et patronales, ainsi que leur financement.

Nous nous réjouissons que l’Assemblée nationale ait inclus dans le dispositif du projet de loi les acteurs dits du « hors champ ». Au demeurant, cette appellation est trompeuse, car les acteurs en question ne sont absolument pas marginaux. Économie sociale et solidaire, agriculture, professions libérales : telles sont les activités du « hors champ », qui représente un tiers de l’activité économique et des emplois en France.

Concernant la transparence des comptes des comités d’entreprise, l’obligation d’établissement et de certification des comptes, en fonction de seuils fixés selon la taille du comité, est une mesure équilibrée permettant un meilleur contrôle de l’utilisation des fonds.

À cet égard, monsieur le ministre, je constate que vous avez tenu l’engagement que vous aviez pris, en octobre dernier, devant notre assemblée, lors de l’examen de la proposition de loi visant à établir un contrôle des comptes des comités d’entreprise présentée par Mme Procaccia : en effet, vous nous aviez alors assuré que les dispositions de cette proposition de loi seraient reprises dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui.

M. Michel Sapin, ministre. Promesse tenue aux calendes de février, et non aux calendes grecques ! (Mme Catherine Procaccia rit.)

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Dont acte !

M. Jean Desessard. J’arrive maintenant, monsieur le ministre, à la question qui fâche : la réforme de l’inspection du travail, à laquelle nous sommes fortement opposés. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

Mme Françoise Laborde. C’est là que le bât blesse !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je n’ai donc pas réussi à vous convaincre !

M. Jean Desessard. Sur la forme, tout d’abord, on comprend mal la nécessité de faire figurer un chapitre sur l’inspection du travail dans un projet de loi traitant de la formation professionnelle.

M. Jean Desessard. Où est le rapport ?

M. Henri de Raincourt. Il n’y en a aucun !

M. Jean Desessard. Il s’agit clairement d’un cavalier législatif !

Mme Isabelle Debré. Même pas masqué !

M. Jean Desessard. Cette réforme verticale, imposée, est très mal vécue par les inspecteurs du travail, qui craignent une remise en cause de leur indépendance.

M. Jean Desessard. Cette indépendance est pourtant consacrée par l’article 6 de la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail sur l’inspection du travail. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous donner lecture de cet article, au cas où vous ne l’auriez pas consulté.

M. Michel Sapin, ministre. Cette indépendance est affirmée par le projet de loi, au cas où vous ne l’auriez pas consulté !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. En effet !

M. Jean Desessard. « Le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue. »

M. Michel Sapin, ministre. C’est la moindre des choses !

M. Jean Desessard. Mais le projet de loi prévoit une refonte de la hiérarchie au sein de l’inspection du travail, avec la création d’unités de contrôle, régionales et locales, dans lesquelles des « responsables d’unité de contrôle », des RUC, choisis parmi les inspecteurs, auront carte blanche pour imposer leurs méthodes aux autres agents.

Monsieur le ministre, les inspecteurs du travail ont-ils donc démérité, pour qu’on veuille ainsi les encadrer ? En quoi n’ont-ils pas rempli leurs missions ? Nous en apprendrons certainement davantage au cours de ce débat…

Nous pouvons aussi craindre que la création d’environ 200 postes de responsable ne conduise fatalement à une diminution sensible des effectifs présents sur le terrain, au détriment du respect de la réglementation sociale.

En outre, la possibilité donnée aux directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de prononcer des sanctions administratives nous pose problème, dans la mesure où les DIRECCTE sont également chargées de la lutte contre le chômage. Dès lors, que se passera-t-il le jour où une entreprise d’un secteur jugé stratégique ne respectera pas le droit du travail ? Les sanctions lui seront-elles appliquées de la même manière qu’à une autre ? On peut se poser la question.

M. Jean-Noël Cardoux. Elles ne le seront pas !

M. Jean Desessard. Aussi bien sur le fond que sur la forme, nous nous opposons à cette réforme hâtive et dangereuse, qui remet en cause l’indépendance de l’inspection du travail. Nous appelons de nos vœux son report, ainsi qu’un dialogue social apaisé au sein de cette administration, qui permette de déboucher sur des solutions consensuelles et acceptées par les intéressés.

En définitive, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre jugement sur le projet de loi est donc mitigé : si nous nous réjouissons de la mise en place du compte personnel de formation, l’article 20, relatif à l’inspection du travail, ne nous donne pas satisfaction. Dans ces conditions, le groupe écologiste ne peut être favorable au projet de loi dans sa rédaction actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Henri de Raincourt. Quel suspense !

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, une fois de plus, la procédure accélérée ayant été engagée, nous sommes saisis dans l’urgence d’un texte fondamental, sans disposer du recul ni des évaluations suffisants. Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que je ne partage pas votre autosatisfaction sur la méthode employée. Du reste, je me réjouis que le même avis ait été exprimé par M. Desessard et par M. le rapporteur, qui mérite un sérieux coup de chapeau pour avoir écrit son rapport en une nuit !

Mme Isabelle Debré. C’est vrai !

M. Jean-Noël Cardoux. Compte tenu de ce contexte extrêmement difficile, notre groupe votera très probablement contre le projet de loi.

Nous déplorons que, une fois de plus, le Gouvernement ait compliqué le dispositif en ajoutant dans le projet de loi de nombreuses mesures étrangères à l’ANI. Il avait déjà agi de la sorte ; le voilà qui persévère !

Malgré les dénégations que vous nous avez opposées en commission, monsieur le ministre, nous persistons à soutenir que ce projet de loi est un texte fourre-tout.

En outre, les partenaires sociaux n’ont pas été saisis, comme le prévoit l’article L. 1 du code du travail, pour toutes les dispositions hors ANI. Il y a bien eu une concertation, mais pas de véritable saisine.

En vérité, monsieur le ministre, les expériences précédentes auraient dû être méditées.

Je pense d’abord au contrat de génération et aux modifications apportées au temps partiel, imparfaitement conçus et que vous cherchez à améliorer à l’article 10.

Je pense ensuite au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, un dispositif compliqué que vous envisagez d’abandonner dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Je pense aussi aux emplois d’avenir, dont nous avions beaucoup discuté et que, bien timidement et après coup, vous avez ouverts au secteur marchand.

Je pense enfin à la clause de désignation prévue dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui a été invalidée à deux reprises par le Conseil constitutionnel, et à la TVA anti-délocalisations, que la majorité a supprimée dès son arrivée au pouvoir avant de la rétablir sous une autre forme pour financer le CICE.

À chaque fois, en raison de l’engagement de la procédure accélérée, nous avons été obligés de travailler dans l’urgence. Bien que souvent d’accord avec certains objectifs, nous avons mis en garde la majorité et avancé des propositions d’amélioration constructives. Après les avoir rejetées, le Gouvernement s’en inspire aujourd’hui, sans clairement l’admettre, pour modifier à la marge ses dispositifs.

Confrontés aujourd’hui à la même nécessité de travailler dans l’urgence et sans recul, nous regrettons que le Gouvernement ne se soit pas borné à transcrire l’ANI approuvé par les partenaires sociaux. Nous déplorons surtout qu’il n’ait pas pris le temps de travailler avec beaucoup plus de recul. Du reste, que la CGT et la CGPME – un syndicat de salariés et un syndicat d’employeurs, et non des moindres – n’aient pas signé l’accord est une preuve de son imperfection !

La principale impression que le projet de loi nous inspire est qu’il s’agit d’un texte d’affichage, préparé dans l’urgence et reposant sur cette simple équation : une baisse des charges sociales des entreprises, assurément très nécessaire dans le contexte actuel, contre un dialogue social réussi. Au-delà de ce principe, le fond des problèmes n’est pas totalement abordé.

À la vérité, ce projet de loi est hétéroclite, complexe et souvent incompréhensible ; surtout, ses conséquences financières ne sont pas évaluées et aucune régulation ultérieure n’est prévue.

Avant d’entrer dans les détails de ce tableau un peu noir, il faut tout de même que je souligne certains aspects positifs du projet de loi. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues de la majorité, ne soyez pas inquiets : je reviendrai ensuite sur les aspects négatifs ! (Sourires.)

Mme Christiane Demontès. Nous vous faisons confiance pour cela !

M. Jean-Noël Cardoux. Au nombre des points sur lesquels nous sommes d’accord figure le compte personnel de formation, que l’article 1er prévoit de substituer au droit individuel à la formation. Nous soutenons également le renforcement du dialogue social au sein des entreprises, prévu à l’article 2, et la simplification résultant du fait qu’il n’y ait plus que deux taxes. Nous nous félicitons que les formalités administratives soient considérablement allégées par l’article 4 et que la transparence dans le financement du dialogue social soit améliorée par l’article 18.

Nous sommes très favorables à toutes ces dispositions. Du reste, je remercie M. le rapporteur d’avoir cité, parmi ceux qui, par le passé, ont travaillé sur ces sujets, nos collègues Gérard Larcher et Jean-Claude Carle, qui sont un peu les initiateurs de ces réformes : cela montre que nous pouvons avoir des convergences sur certains problèmes de fond.

Pourquoi donc a-t-il fallu que le Gouvernement ajoute dans le projet de loi des dispositions hors ANI ?

En ce qui concerne les comités d’entreprise, nos collègues Catherine Procaccia et Caroline Cayeux avaient présenté une proposition de loi dont la teneur est pratiquement identique à celle du projet de loi. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir laissé vivre cette proposition de loi ?

À propos de l’inspection du travail, nous sommes relativement d’accord avec les mesures visant à modifier sa gouvernance et son organisation, mais pas avec les sanctions qui sont prévues. Cela étant, la plupart des syndicats de salariés sont vent debout contre ce projet de réforme.

Quant à la présence dans le projet de loi d’ajustements au temps partiel, assurément nécessaires, et au contrat de génération, elle illustre le caractère hétéroclite du texte que je viens de dénoncer.

La réforme qui fâche, c’est l’apprentissage. Je ne développerai pas énormément ce point, car Jean-Claude Carle, qui est un éminent spécialiste en la matière, le fera tout à l’heure au nom de notre groupe. Je constate simplement, tout en vous donnant crédit de votre bonne foi, monsieur le ministre, que l’apprentissage est simplement considéré, dans ce texte, comme une variable d’ajustement financier par rapport aux besoins des régions et du Gouvernement.

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !

Mme Isabelle Debré. Si, c’est vrai !

M. Jean-Noël Cardoux. Pour ne pas vous décevoir, chers collègues, passons maintenant rapidement en revue les points négatifs, à propos desquels nous proposerons un certain nombre d’amendements.

Pour ce qui concerne le compte personnel de formation, vous ne disposez ni d’un recul financier suffisant ni d’une évaluation du financement, corrélativement à la baisse de la collecte. On diminue le montant de la taxe, qui passera grosso modo de 1,6 % de la masse salariale à 1 % et 0,9 %. Cela engendrera des baisses de ressources pour les OPCA, lesquels, comme l’ont dit certains orateurs, avaient besoin d’être remis en cause concernant l’utilisation de leurs excédents. Néanmoins, c’est une opération hasardeuse, dans la mesure où le fameux fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels est financé en partie par le basculement des excédents des OPCA au-delà de 35 %.

Par ailleurs, dans la mesure où le financement de l’employeur a été sanctuarisé à hauteur de 0,20 % de la masse salariale, qu’arrivera-t-il si le fonds paritaire ne peut plus faire face aux besoins de formation ?

J’en reviens donc toujours à ma petite logique comptable ! Il aurait été utile de dresser un tableau d’emplois et de ressources, dans le cadre d’une réflexion prospective nuancée par toutes les réserves qui s’imposent, afin de mettre en place cette réforme avec une plus grande humilité, c'est-à-dire en étalant la réduction du montant de la taxe sur une, deux ou trois années.

On estime aussi que la formation des demandeurs d’emploi est insuffisante. Les sommes qui y seront consacrées passeront de 600 millions à 900 millions d’euros. Sur ce point, au reste anecdotique, permettez-moi de vous reprendre, monsieur le ministre : il s’agit non pas d’une augmentation de plus de 50 %, mais de 50 % exactement.

M. Jean Desessard. C’est la guerre des chiffres ! (Sourires.)

M. Jean-Noël Cardoux. Cette augmentation de 300 millions d’euros se fera au détriment du parcours de sécurisation professionnelle, je l’ai déjà dit en commission. C’est la raison pour laquelle notre groupe proposera un amendement visant à porter, pour les demandeurs d’emploi, dans le cadre des abondements prévus par le texte, à 250 heures le plafond du CPF.

Nous estimons que la mutualisation en faveur des TPE et des PME est insuffisante, même si l’Assemblée nationale a introduit un amendement visant à redonner du grain à moudre aux entreprises de plus de cinquante salariés. Toutefois, le problème des entreprises employant de cinquante à deux cents personnes n’est pas réglé.

Concernant la représentativité patronale, l’article 16 est contesté. Certaines organisations ont rejeté ce texte, tout en éprouvant un sentiment de frustration, ce qui n’est pas sain. Il aurait été nécessaire d’avoir un peu plus de recul.

J’évoquerai également les incertitudes liées à la participation des « hors champ ». Vous avez traité cette question extrêmement rapidement, par voie de convention négociée dans l’urgence, ce qui prouve bien que ce cas n’avait pas été suffisamment étudié en amont.

M. Jean-Noël Cardoux. Ces « hors champ » seraient consultés sur les problèmes de financement du dialogue social et des formations. Surtout, on ne sait pas actuellement s’ils seront associés, avec voix délibérative, au comité en question. J’attends confirmation de ce point, monsieur le ministre.

Quant à la décentralisation, nous ne la contestons pas. Nous constatons simplement que l’État se désengage totalement du financement, en particulier en supprimant les contrats d’objectifs et de moyens État-région. Selon moi, il aurait été également nécessaire de lisser dans le temps ce désengagement, pour permettre aux uns et aux autres de s’y habituer. Qui plus est, malgré la fusion de deux institutions, vous instaurez une gouvernance nationale et régionale complexe, avec une représentation limitée, puisque, dans les COPIDEF et les CREFOP, un certain nombre de partenaires ne sont pas associés. Je pense en particulier aux chambres consulaires, tout au moins dans les CREFOP, qui sont des comités consultatifs, et aux départements, qui sont chefs de file en matière de handicap, d’insertion et de RSA. Il aurait été tout à fait naturel de les associer aux organes de réflexion sur la formation de ces publics.

S’agissant des trois listes de formations qualifiantes, elles seront relativement complexes à mettre en œuvre. Dans le cadre du choc de simplification que le Gouvernement entend mettre en avant, une telle mesure aurait nécessité une réflexion préalable. J’espère que, compte tenu des incertitudes liées au financement, il ne s’agit pas d’un obstacle supplémentaire destiné à écarter du dispositif certains bénéficiaires du CPF.

En outre, comme l’écrit M. le rapporteur dans son rapport, et comme l’ont souligné certains intervenants au cours des auditions que nous avons menées, prétendre que les OPCA vont complètement changer de mentalité représente un vrai pari, compte tenu des incertitudes pesant sur le financement. Certes, une telle évolution est tout à fait souhaitable, et il convient de sortir d’une logique de collecte forcée et d’adopter une logique d’offre à l’égard des partenaires sociaux et des entreprises. Toutefois, êtes-vous sûr qu’une telle évolution sera aussi rapide et immédiate que vous l’affirmez ? Vous connaissez aussi bien que moi, dans ce domaine, la force d’inertie des intervenants. Je nourris donc quelques doutes sur ce sujet. Il aurait été certainement nécessaire d’aller un peu plus loin dans l’analyse prospective, afin d’instaurer des garde-fous plus importants.

Pour ce qui concerne la réorganisation de l’inspection du travail, nous n’y sommes pas opposés, je l’ai déjà dit. Gérard Larcher avait d’ailleurs préconisé une réforme de l’organisation des inspections du travail. En revanche, donner des pouvoirs exorbitants, avec des amendes pouvant aller jusqu’à 10 000 euros par salarié si l’employeur ne respecte pas une décision d’arrêt temporaire de travaux ou d’activité, c’est faire peser une épée de Damoclès sur les entreprises. Surtout, par une procédure exorbitante du droit commun, les inspecteurs du travail pourraient, pour les besoins de leurs missions, non seulement prendre connaissance, au siège de l’entreprise, comme ils le faisaient auparavant, de certains documents, mais aussi les emporter avec eux. Une telle mesure ne s’inscrit pas dans le cadre d’un dialogue constructif, même s’il est nécessaire de contrôler les sociétés qui ne respecteraient pas le droit du travail.

Supprimer de telles dispositions serait de nature à rassurer les entreprises quant aux intentions du Gouvernement.

J’en viens au temps partiel. Chacun se rend bien compte que seulement deux ou trois branches – les autres jouant probablement la montre – ont accepté de négocier les accords en question, qui déstructurent des secteurs d’activité complets, notamment celui des services à la personne. Je pense en particulier aux municipalités confrontées à la modification des rythmes scolaires. En la matière, il faut prendre le temps de réfléchir, pour améliorer la situation.

Je le répète, l’apprentissage a été sacrifié. Il servira désormais de variable d’ajustement. Et je n’oublie pas que la formation des personnes handicapées fait désormais l’objet d’un désengagement total de l’État !

Vous en conviendrez, voilà une longue liste de critiques ! À mon avis, ce texte a été bâti trop vite, sans recul suffisant. Ce point de vue est corrélé par le fait que, malgré mon peu d’appétence pour le dépôt d’amendements, notre groupe a été amené à déposer presque quatre-vingts amendements, ce qui est tout de même symptomatique de l’insatisfaction engendrée par ce texte. En effet, après avoir terminé nos auditions, nous nous sommes rendu compte que de nombreux problèmes n’étaient pas abordés par le projet de loi.

Je terminerai en disant que nous avons voulu, au vu des nombreux points positifs de ce texte, ouvrir la porte à des amendements de sagesse, malgré les sujets qui fâchent comme l’apprentissage ou l’inspection du travail. Je le reconnais volontiers, le sentiment de frustration de certaines organisations patronales au sujet de la représentativité mérite d’être pris en compte. Voilà pourquoi, à la fin de l’examen de l’article 16, nous proposerons un amendement visant à donner un peu de temps au temps et à attendre l’échéance de 2017, qui permettra d’obtenir la « photo de la représentativité patronale ». Un comité de suivi pourrait être établi et ces deux années mises à profit pour que les partenaires sociaux rediscutent, évoluent et, surtout, essaient de se comprendre. Car bien souvent, il s’agit uniquement d’un problème de compréhension ! À mon avis, vous feriez un geste d’apaisement en acceptant cet amendement.

Par ailleurs, s’agissant du temps partiel, compte tenu des blocages que ce sujet implique, nous pourrions peut-être envisager de redemander aux négociateurs de l’ANI d’arrondir le texte et de répondre aux frustrations observées dans certains secteurs.

Dans ces conditions, je ne vois vraiment pas comment le groupe UMP pourrait voter ce texte.

M. Henri de Raincourt. Cela paraît difficile !

M. Jean-Noël Cardoux. Au demeurant, nous observerons l’évolution du débat.

Pour conclure, monsieur le ministre, puisque j’ai fait référence au pacte de compétitivité, je vous propose maintenant un pacte de responsabilité. Fort des expériences passées que j’ai citées, je vous invite à prêter une oreille attentive à nos propositions, dans le cadre d’un dialogue constructif, qui devrait toujours s’établir entre la majorité et l’opposition. Plutôt que de rejeter certaines initiatives du Sénat en les marginalisant, pourquoi ne pas établir entre nous, Gouvernement et Sénat, un pacte de responsabilité, afin de ne plus travailler dans l’urgence et de nous donner le temps de la réflexion ?

Mme Isabelle Debré. Bonne idée !

M. Jean-Noël Cardoux. Je suis tout à fait dans l’air du temps en formulant une telle proposition. Désormais, la balle est dans votre camp ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. Magnifique !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la position que je vais soutenir ne vous surprendra pas, puisque c’est celle que nous avons défendue à l’Assemblée nationale.

Je me concentrerai sur le sujet de la formation professionnelle, mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe s’apprêtant à traiter de manière plus approfondie les questions relatives au dialogue social.

Ce texte comporte énormément de points positifs.

Nous sommes très favorables au compte personnel de formation, qui vise à créer un droit attaché à la personne, et non au contrat de travail. Vous le savez, c’est une évolution que nous souhaiterions voir élargie à l’essentiel des droits sociaux.

Nous sommes également favorables, étant adeptes de la décentralisation, au principe de responsabilisation des régions. Nous aurions même aimé que vous alliez beaucoup plus loin dans cette logique, monsieur le ministre, en confiant une responsabilité pleine et entière aux régions, notamment pour gérer les fonds de la formation professionnelle, tandis que les partenaires sociaux auraient été simplement associés à l’élaboration et l’évaluation des plans et programmes de formation. Il s’agit d’ailleurs là d’un point de divergence fondamental, qui explique que nous soyons très réservés sur l’ensemble du texte. Jean-Louis Borloo s’est d’ailleurs beaucoup exprimé à ce propos.

Sur le fond, nous ne partageons pas le principe selon lequel la formation professionnelle relève uniquement de l’initiative des partenaires sociaux, le législateur étant lié par leur accord. Cette vision était juste dans les années soixante-dix, quand le chômage constituait un phénomène marginal. Il était alors logique de consacrer l’essentiel des moyens à l’adaptation des salariés à leurs postes de travail. Tel n’est plus le cas aujourd'hui, les enjeux contemporains de la formation professionnelle relevant fondamentalement de l’intérêt général et, donc, du législateur.

Ces enjeux, vous les connaissez. Premièrement, il s’agit de lutter contre les inégalités, comme l’a évoqué Jean Desessard. L’école ne les corrige plus et la formation professionnelle, finalement, les aggrave, celle-ci bénéficiant essentiellement aux personnes les plus qualifiées. Deuxièmement, il convient de lutter contre le déclassement et l’exclusion liés au chômage de longue durée. Troisièmement, il faut s’adapter aux secteurs d’avenir, identifiés par les investissements d’avenir.

En d’autres termes, ce que nous aurions souhaité, c’est non pas l’évolution d’un système mutualisé vers un système incitatif, mais au contraire un système où la mutualisation tiendrait une plus grande place, le législateur définissant prioritairement les orientations de la formation professionnelle. De fait, la philosophie de ce texte nous pose problème.

Une autre difficulté réside dans le fait que le projet de loi ne remédie pas complètement aux trois grandes insuffisances de la formation professionnelle.

Première insuffisance : nous dépensons beaucoup – 32 milliards d’euros – pour de maigres résultats. Le problème, ce n’est pas de dépenser beaucoup, ce n’est pas non plus que les grandes entreprises consacrent le double de leurs obligations légales à la formation professionnelle. Le vrai problème, c’est la faiblesse des résultats, notamment pour les salariés les moins qualifiés.

Ce n’est pas parce qu’on va réduire de 70 % l’obligation de financement des plans de formation et qu’on va augmenter de 0,1 point la mutualisation des fonds – en la portant de 0,8 % à 0,9 % – qu’on va améliorer la situation. Nous aurions préféré qu’on mette réellement l’accent sur la qualité des formations. Or le texte ne contient rien sur la certification des organismes de formation – ce point est régulièrement soulevé – et ne prévoit aucun accompagnement des PME pour les aider à mieux identifier leurs besoins et les organismes qui sont capables d’y répondre. Il contient très peu de mesures relatives à l’évaluation ; même si le CNEFOP, dans sa structure même, est un bon outil de concertation, il n’a a priori pas du tout vocation à faire de l’évaluation.

Deuxième insuffisance : si je m’en réfère au rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, la formation professionnelle ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les personnes sans qualification ou les moins qualifiées ainsi que les demandeurs d’emploi. Ce sont pourtant eux, nous en conviendrons tous ici, qui devraient être prioritaires. Ce public est presque totalement absent de ce texte. En réalité, le compte personnel de formation bénéficiera à ces personnes, mais de manière marginale – de manière collatérale, irai-je jusqu’à dire –, et non principalement. Si l’on avait voulu qu’il en soit ainsi, il aurait fallu abonder le compte personnel de formation de manière inversement proportionnelle au niveau de qualification initiale des personnes. Il aurait même fallu le surabonder pour les personnes en situation de chômage de longue durée. Pareillement, il aurait fallu quasiment doubler les crédits du congé individuel de formation, identifié dans la plupart des rapports comme un système extrêmement efficace pour les demandeurs d’emploi. Or tel n’est pas le cas. Nous vous proposerons donc plusieurs amendements directement tirés du rapport de l’IGAS.

Troisième insuffisance, notée également dans la plupart des rapports, dont celui de M. Jeannerot : nous sommes confrontés à un problème de redistribution entre les financeurs puisque ce sont les petites entreprises qui payent pour les grosses. Demain, ce sera un peu chacun pour soi. On ne voit pas vraiment quels avantages en retireront les PME, qui sont justement celles que nous devons aujourd’hui le plus aider – cela a été dit par l’ensemble des membres du Gouvernement. Alors qu’il est nécessaire de les faire grossir, ce sont précisément elles qui sont les plus insatisfaites de cet accord, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre. Cela nous pose un problème, parce qu’elles ne sont pas accompagnées dans le cadre de ce plan. D’ailleurs, certains de nos collègues de l’Assemblée nationale ont plutôt tendance à considérer que cet accord est un beau cadeau qui a été fait aux grandes entreprises.

Pour résumer notre position, nous sommes assez réservés sur ce texte, qui ne répond que de manière extrêmement marginale aux orientations politiques que défend le groupe UDI-UC. Par conséquent, nous serons très attentifs au contenu du débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi, singulièrement les articles relatifs à la formation professionnelle destinés à transposer l’accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, est d’une grande complexité tant les sujets sont techniques. Ce n’en est pas pour autant une question inintéressante.

En travaillant sur le sujet, j’ai pu mesurer combien parler de la formation professionnelle, c’est en réalité parler des conditions de travail des salariés. C’est aussi parler des discriminations en raison de l’âge, du genre, des classes sociales et de la taille des entreprises qui emploient les salariés, c’est parler de la transparence comme de la démocratie, trop souvent absente, c’est parler de la précarité, des conséquences néfastes des temps partiels et des contrats précaires. Enfin, sans vouloir dresser de listes exhaustives, c’est parler du partage des richesses dans l’entreprise, du rôle des travailleurs, de leur reconnaissance, de la manière dont ils sont ou non reconnus dans les entreprises, de la responsabilité sociale de ces dernières envers celles et ceux qui créent des richesses.

Vous le savez, monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen défendent, avec d’autres – des économistes et des syndicalistes, notamment –, l’idée d’un élargissement de la sécurité sociale, afin que cette dernière protège nos concitoyens contre tous les risques ; une sécurité sociale rénovée et renforcée qui répondrait aux besoins des femmes et des hommes de notre pays, de leur naissance jusqu’à leur mort, une sécurité sociale qui assurerait plus qu’aujourd’hui les risques professionnels et où la solidarité et la mise en commun auraient vocation non plus seulement à indemniser le chômage, mais bel et bien à permettre aux salariés de ne plus connaître le chômage.

Ce projet ambitieux, nous le nommons sécurité d’emploi et de formation quand d’autres l’appellent sécurité sociale professionnelle. Bien qu’il porte deux noms différents, il s’agit bel et bien d’un projet commun, celui d’agir simultanément sur deux leviers : la sécurisation de l’emploi et le renforcement du droit effectif à la formation initiale et professionnelle, de telle sorte que celle-ci protège les salariés des aléas économiques.

Force est de constater, monsieur le ministre, que, si à de nombreuses reprises nos vocabulaires se sont croisés ou se répondent, nous divergeons sur les mesures qu’il convient de prendre. Alors que, pour nous, la sécurité des parcours professionnels passe inéluctablement par l’interdiction des licenciements boursiers, par l’instauration d’une fiscalité du capital plus forte, par la modulation des cotisations sociales en fonction de la politique sociale et d’emploi des entreprises, bref, par un renforcement de la responsabilité sociale des entreprises, vous faites quant à vous le pari inverse.

J’en veux pour preuve que le Gouvernement a été le premier à instaurer une taxe sur les retraites pour financer la dépendance, plutôt que de créer, comme nous le proposions, une taxe sur les revenus financiers des entreprises.

J’en veux également pour preuve la manière dont vous avez permis, à l’occasion de la loi dite de « sécurisation de l’emploi », aux dirigeants d’entreprises de licencier sans motif économique les salariés qui refuseraient d’appliquer les accords de compétitivité, imaginés hier par Nicolas Sarkozy et Mme Parisot.

J’en veux encore pour preuve la manière dont vous avez imposé un allongement de la durée de cotisations sociales pour accéder à la retraite quand, dans le même temps, vous réduisiez les cotisations patronales sur la branche famille.

La réalité, c’est qu’il ne suffit pas de déclarer vouloir sécuriser l’emploi pour le faire réellement. La proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle en est un exemple de plus. Or comment garantir la sécurité des parcours professionnels sans s’attaquer à la racine du mal, c’est-à-dire sans combattre réellement et de front les conséquences désastreuses du capital et de son appétit sur le travail et les salariés ?

Certains, au MEDEF et parfois même à gauche, hélas ! semblent n’avoir, pour relancer notre économie, qu’un seul mot, celui de la réduction des coûts. Des coûts qui, soyons clairs, sont toujours salariaux ou sociaux. Ceux-là ne s’intéressent jamais à un autre coût, bien plus préoccupant à nos yeux, celui du capital.

Voilà peu, une étude a été menée par des économistes du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques, le CLERSÉ, à la demande de la CGT et de l’Institut de recherches économiques et sociales, l’IRES. Cette étude ne manque pas d’intérêt : elle montre que ce surcoût du capital est considérable. À titre d’illustration, en 2011, il représentait en France, pour l’ensemble des sociétés non financières, 94,7 milliards d’euros. Or cette captation par les actionnaires et les dirigeants des richesses produites dans les entreprises n’est pas sans conséquence sur la question de la formation professionnelle. Ces sommes accaparées pourraient utilement être consacrées à la recherche, à la modernisation des outils productifs, à l’investissement et à la formation des salariés.

Ces sommes colossales, qui ne servent aujourd’hui qu’à enrichir une minorité et à alimenter la bulle spéculative, manquent en réalité à l’économie réelle et privent les entreprises des moyens dont elles ont besoin pour se développer et réussir les innovations de demain. Cette ponction du capital nous prive en fait des outils dont nous avons besoin pour faire en sorte que les entreprises soient demain plus compétitives. Cette compétitivité retrouvée ne passera que par l’innovation et celle-ci suppose, outre un renforcement massif des moyens dédiés à la recherche et à l’investissement, des salariés formés aux techniques de pointe et aux enjeux de demain, notamment environnementaux.

En ce sens, parler de formation professionnelle, c’est parler inéluctablement du partage des richesses. De la même manière qu’hier, pour financer la protection sociale, le législateur a imaginé une ponction sur les richesses produites, nous sommes convaincus que, pour assurer un haut niveau de formation, il faut réduire la part de ces richesses qui alimentent le capital, il faut penser une nouvelle contribution sociale, mutualisée et solidaire, pour financer la formation professionnelle, soit l’inverse de ce qui est proposé dans le projet de loi. Car, ne l’oublions pas, sous prétexte d’instaurer un taux unique de contributions patronales, vous réduisez celui-ci de 1,6 % de la masse salariale à 1 % !

Comme s’il était possible de former plus et mieux avec des ressources réduites. Nous en doutons ! D’autant que cette mesure profitera aux entreprises les plus grandes, qui, non contentes de bénéficier d’une réduction notable de leur obligation de financement, pourront désormais faire le choix de ne plus mutualiser une partie de celui-ci, au détriment bien entendu des salariés des petites entreprises. Sans doute s’agit-il ici d’une anticipation de ce que sera le « pacte de responsabilité », à savoir des cadeaux faits au patronat, sans contreparties réelles.

La création de la sécurité sociale professionnelle que nous souhaitons bâtir repose également sur un principe d’universalité totale, de telle sorte que l’ensemble de nos concitoyens, en activité ou privés d’emploi, puissent acquérir des droits individuels et entièrement transférables leur garantissant l’absence de périodes de chômage.

En la matière, je dois dire que certaines dispositions prévues à l’article 1er sont salutaires. Je pense par exemple au fait que, contrairement aux dispositions actuellement en vigueur, les droits accumulés sur le compte personnel de formation le seront tout au long de la vie professionnelle et non uniquement pour une période de deux ans.

De la même manière, nous apprécions le fait que, comme nous l’avions proposé en 2009 et lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation des parcours professionnels, vous ayez supprimé la disposition qui privait les salariés licenciés pour faute de la possibilité de conserver les droits accumulés au titre de leur droit individuel à la formation.

Pour autant, cela ne suffit pas à assurer réellement la formation de tous les salariés. Les salariés à temps partiel, qui sont les plus fragilisés économiquement, qui sont les plus soumis aux risques économiques et qui, dans l’immense majorité des cas, sont des femmes, continueront demain à être soumis à la règle de la proratisation, qui veut que les salariés à temps partiel ne puissent accéder qu’à des droits partiels en matière de formation. Maintenus dans la précarité, ces salariés demeureront parmi ceux qui peineront encore demain à accéder à la formation professionnelle. Des salariés que ce projet de loi n’épargne d’ailleurs pas, en repoussant de plusieurs mois, sans doute jusqu’à l’adoption du pacte de responsabilité, la règle de l’interdiction des contrats à temps partiel inférieurs à vingt-quatre heures.

Nous demeurons également inquiets quant au champ réel que recouvre le projet de loi. En effet, dans sa rédaction actuelle, il prévoit que les salariés qui ont perdu leur emploi pourront prétendre à la portabilité des droits acquis. La notion de perte ayant un caractère involontaire, nous sommes conduits à nous interroger sur le sort qui sera réservé aux salariés qui auront démissionné ou qui auront, de leur plein gré ou de manière plus ou moins contrainte, signé une rupture conventionnelle.

De la même manière, le projet de loi prévoit que le compte personnel de formation sera ouvert aux demandeurs privés d’emploi, sans préciser si cette expression inclut ceux qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi ou qui ne perçoivent aucune indemnisation. Ces derniers sont quasiment plus nombreux que les chômeurs inscrits et indemnisés.

Assurer à toutes et à tous un droit effectif à la formation professionnelle tout au long de la vie suppose d’élever nos ambitions collectives et de faire confiance aux salariés. Dans cet esprit, nous refusons que les employeurs puissent avoir leur mot à dire sur le contenu des formations ; ils ne disposent d’aucune compétence en la matière. C’est aux pouvoirs publics, en lien avec les professionnels de la formation, avec les représentants des employeurs et des salariés, de définir quelles formations peuvent ou non être éligibles. La ligne doit être claire : favoriser l’accès aux formations les plus qualifiantes, de telle sorte qu’elles constituent une opportunité pour les salariés.

Assurer à toutes et à tous un droit effectif à la formation professionnelle tout au long de la vie suppose également de lever l’ensemble des freins que rencontrent les salariés. Je pense par exemple au fait que les employeurs puissent s’opposer à ce que le salarié se forme dès lors que la formation se déroule pendant le temps de travail.

Nous le savons pourtant toutes et tous, il est bien plus difficile de se former en dehors du temps de travail, après des journées professionnellement déjà bien remplies. D’autant que se pose la question terriblement concrète, mais réelle, de la conciliation des formations en dehors du temps de travail avec la vie privée et familiale. Malheureusement, la société est telle que, là encore, ce sont les femmes qui subissent cette double peine. C’est pourquoi, au groupe CRC, nous défendons l’idée que l’utilisation du compte personnel de formation soit impérativement individualisée. Autrement dit, il appartient au salarié et à lui seul de décider de la formation qu’il entend poursuivre et des conditions de sa réalisation.

Au regard des éléments que je viens de soulever, vous devinez, monsieur le ministre, combien nous aurions souhaité que vous alliez plus loin, par exemple en supprimant la référence à un plafond d’heures cumulables sur le compte personnel de formation ou même en organisant une portabilité totale du congé individuel de formation, dont le mécanisme ne fait l’objet d’aucune mesure.

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots de l’articulation que vous proposez entre l’État et les régions.

Comme vous et avec celles et ceux qui, dans les régions, ont la responsabilité d’animer les politiques régionales en matière de formation, nous sommes convaincus de la pertinence de cet échelon. Pour autant, il nous semble important de réaffirmer que la formation professionnelle doit rester dans un cadre national, afin que chacun puisse bénéficier d’un égal accès à la formation.

Nos craintes en la matière sont importantes, car le projet de loi confie aux régions des missions en matière de formation professionnelle qui ne sont pas les leurs aujourd’hui. Ainsi, lorsqu’il est prévu que les régions assument l’information et l’orientation en matière de formation professionnelle tout au long de la vie, faut-il comprendre que l’orientation scolaire leur sera transférée ? Qu’adviendra-t-il des centres d’information et d’orientation, les CIO ? Parties prenantes du service public national de l’orientation, ils contribuent à garantir aux jeunes une information et des formations de qualité.

Notre crainte en la matière est que, demain, les CIO soient intégrés dans une logique de guichet unique, avec le risque que, par le biais de conventions entre les régions et différents acteurs, cohabitent des structures publiques et des structures privées, sans que les rectorats et l’éducation nationale puissent s’assurer de la qualité des informations prodiguées ou des formations proposées.

Je pourrais évidemment poursuivre sur le rôle des régions en matière de formation professionnelle, mais, le temps m’étant compté, j’y reviendrai lors de l’examen des articles.

Pour conclure – trop rapidement compte tenu du peu de temps qu’il me reste –, je tiens à vous exprimer, monsieur le ministre, notre opposition aux dispositions relatives à l’inspection du travail. Il s’agit d’une opposition de forme et de fond.

En intégrant cette question dans le projet de loi, censé transcrire dans la loi un accord national interprofessionnel, vous agissez comme d’autres le faisaient hier et que nous condamnions ensemble. Vous prenez appui sur un texte qui est le fruit d’une négociation et d’un accord pour imposer une mesure qui, vous le savez, n’a pas fait l’objet d’une concertation et est loin de faire l’unanimité. À tout le moins, vous auriez dû, comme vous l’avez fait avec les élections prud’homales, séparer des sujets qui n’ont rien à voir entre eux.

M. Jean Desessard. Bien sûr ! Bravo !

Mme Laurence Cohen. Quant au fond, nous sommes sceptiques, pour ne pas dire inquiets.

Si nous ne refusons pas l’idée que les inspecteurs puissent disposer demain de plus de pouvoirs, nous sommes opposés à la réorganisation qui accompagnerait cette montée en puissance. La disparition des sections d’inspection du travail actuelles et la création d’unités de contrôle au sein desquelles la répartition des entreprises et des secteurs géographiques sera confiée à un responsable, couplée à un renforcement de l’autorité hiérarchique sur les pouvoirs de contrôle des inspecteurs et contrôleurs du travail, nous font craindre à terme la disparition de l’autonomie d’action des inspecteurs et contrôleurs qui leur permettait d’agir librement, en dehors de toute pression, et notamment sur la base des informations transmises par les salariés eux-mêmes. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe CRC, j’ai déposé un amendement de suppression de ces dispositions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les insuffisances que nous avons constatées, nos craintes quant à certaines dispositions et notre opposition à d’autres nous conduiront, à moins qu’une part significative de nos amendements ne soit adoptée – j’ai bon espoir qu’il en soit ainsi, car il y a toujours un esprit constructif dans cet hémicycle –, à voter contre le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le niveau élevé du chômage et l’accélération des mutations économiques doivent nous conduire à considérer le développement des compétences et des qualifications comme un outil majeur de l’accès, du maintien ou du retour à l’emploi des personnes et de la compétitivité des entreprises.

Le potentiel humain est la principale richesse de nos entreprises et sa valorisation peut en faire un véritable moteur de la croissance. Pourtant, force est de constater que notre système de formation est complexe, cloisonné et opaque, en un mot : inefficace. Ce constat, nul ne peut le contester. N’oublions pas que l’architecture actuelle de notre système de formation professionnelle date de 1971 et de la loi Delors, à une époque où le chômage n’existait presque pas. Il s’agissait alors de faciliter la promotion professionnelle et sociale, de donner en quelque sorte une seconde chance à tous les salariés qui n’avaient pas bénéficié d’une solide qualification au cours de leur formation initiale. Aujourd’hui, les besoins ne sont plus les mêmes, et si de nombreuses réformes ont permis quelques adaptations, aucune réforme globale n’a jamais été entreprise.

De nombreux rapports ont pourtant mis en évidence la nécessité de faire évoluer un système qui montre ses limites, en passant d’une logique de dépense à une logique d’investissement et en répondant aux besoins de sécurité et de promotion professionnelles des salariés. La France souffre en effet d’une inadéquation structurelle entre les compétences disponibles sur le marché du travail et les besoins nécessaires à la relance de son économie. Selon une étude parue en mars 2012, cette inadéquation produirait, à l’horizon de 2020, 2,3 millions d’actifs n’ayant pas les qualifications nécessaires, alors que 2,2 millions d’emplois seront non pourvus faute de compétences disponibles, avec un risque élevé que cette pénurie n’entraîne une délocalisation des activités concernées.

Malgré un financement considérable – 32 milliards d’euros –, le système profite surtout aux salariés qui en ont le moins besoin, c’est-à-dire aux salariés les plus qualifiés et à ceux issus des grandes entreprises. Les chiffres sont à cet égard éloquents : 56,5 % des ingénieurs et des cadres, contre seulement 32,4 % des ouvriers et 53 % des salariés dans les entreprises de plus de 1 000 employés, contre 29 % dans les très petites entreprises accèdent à une formation.

Nous le voyons bien, le système ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins des salariés les plus vulnérables et les moins qualifiés. Selon un récent rapport, particulièrement critique, de l’Inspection générale des affaires sociales, seul un chômeur sur cinq bénéficierait d’une formation. C’est dans cet esprit que le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux d’engager une négociation en vue de réformer en profondeur la formation professionnelle. L’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier a jeté les bases du texte que nous examinons aujourd’hui.

Monsieur le ministre, nous saluons donc votre initiative d’avoir associé les partenaires sociaux, conformément aux vœux du Président de la République, qui affirmait : « Il n’y aura pas de loi dans le domaine de la vie économique et sociale qui pourrait être votée par le Parlement sans qu’il y ait eu une phase de dialogue et de concertation. » Nous devons bien évidemment nous en réjouir.

Après les emplois d’avenir, les contrats de génération et la sécurisation de l’emploi, le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale est un outil supplémentaire pour lutter contre le chômage et favoriser le retour à l’emploi. Cette réforme doit permettre « de renouer avec l’esprit de la loi Delors, qui prônait la promotion sociale des individus », comme l’a rappelé le Président de la République en ouverture de la deuxième conférence sociale. Il fallait surtout une réforme globale qui place l’individu au centre du dispositif et qui permette de passer d’une obligation de payer à une obligation de former. La formation doit être considérée comme un investissement et non plus comme une dépense.

La mesure phare de ce texte réside dans la mise en place du compte personnel de formation, créé par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Le CPF constitue un outil privilégié dans la réforme de notre système de formation. Ce dispositif permettra enfin à un grand nombre de salariés et de demandeurs d’emploi de se former. Surtout, il sera attaché à la personne et non plus au contrat de travail. Par ailleurs, l’augmentation du plafond à 150 heures, qui représentent le minimum horaire pour une formation qualifiante, est une avancée significative.

Nous saluons également la mise en place d’un entretien professionnel pour l’ensemble des salariés ainsi que la création du conseil en évolution professionnelle. Le texte prévoit également un bilan tous les six ans des actions accomplies et une sanction de l’employeur qui n’aura pas rempli ses obligations.

Toutes ces innovations vont dans le sens d’une meilleure sécurisation des parcours professionnels et apportent de nouvelles garanties aux travailleurs.

Concernant la gouvernance du système, la compétence de la région est enfin réaffirmée et renforcée. Elle sera dorénavant le véritable chef de file de la formation professionnelle, et plus seulement un financeur. Elle sera aussi chargée de la formation des personnes handicapées, des détenus et des Français établis hors de France, elle organisera les actions de lutte contre l’illettrisme et les formations pour acquérir le socle minimal de connaissances. La région devient l’échelon pertinent pour l’élaboration d’un service public régional de l’orientation et de la formation professionnelles tout au long de la vie, ce qui permettra d’améliorer le service rendu aux usagers par une meilleure prise en compte des besoins des entreprises et des territoires.

En matière d’apprentissage, il faut, à mon avis, aller plus loin. Une véritable réforme de l’apprentissage exige surtout une nécessaire valorisation de cet outil, qui souffre toujours aujourd’hui d’une image négative. Encore trop souvent considéré comme une « voie de garage », l’apprentissage constitue pourtant un véritable rempart contre le chômage. En effet, 60 % des apprentis décrochent un CDI à la fin de leur contrat d’apprentissage. Si nous voulons atteindre le niveau de l’Allemagne, où 60 % des entreprises ont recours à l’apprentissage, il nous faudra redoubler d’efforts.

S’agissant du deuxième volet portant sur « la démocratie sociale », nous en partageons l’essentiel et surtout l’esprit, à savoir la volonté de clarification : clarification dans le domaine de la représentativité des organisations patronales, du financement de la démocratie sociale, avec la création d’un fonds abondé à la fois par l’État et les entreprises, et enfin des comités d’entreprise. Sur ce dernier point, les mesures proposées renforceront, j’en suis sûre, la légitimité de ces instances sur lesquelles pèse depuis trop longtemps un climat de suspicion. Il fallait en finir avec une réglementation opaque, propice à une gestion inefficace dénoncée à maintes reprises par la Cour des comptes.

Enfin, nous comprenons que la réforme de l’inspection du travail ait pu susciter quelques inquiétudes, et je m’interroge effectivement sur l’opportunité d’introduire ce volet dans un projet de loi sur la formation professionnelle. Peut-être aurait-il été préférable de se pencher sur le sujet à l’occasion de l’examen d’un texte spécifique.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Absolument !

Mme Françoise Laborde. Pour autant, je sais que vous travaillez à cette réforme depuis un an et demi et que les amendements adoptés à l’Assemblée nationale ont réaffirmé l’indépendance des agents de contrôle, telle que prévue par la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail. Le texte précise désormais que les inspecteurs « disposent d’une garantie d’indépendance dans l’exercice de leurs missions » et qu’ils sont « libres d’organiser et de conduire des contrôles à leur initiative » et de décider « des suites à leur apporter ».

Monsieur le ministre, parce que ce projet de loi fait de la formation un levier de promotion sociale et professionnelle, un outil contre le chômage et un investissement indispensable à la relance de l’économie nationale, le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est très important et très attendu. Après la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui avait notamment pour objet de limiter l’impact des difficultés conjoncturelles des entreprises sur l’emploi, le présent projet de loi vise à faire de la formation professionnelle un levier de qualification pour tous les actifs. Ce texte relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale est issu en partie de l’accord national interprofessionnel conclu le 14 décembre dernier.

Avant d’en venir au contenu du projet de loi, je voudrais formuler deux remarques.

La première concerne la méthode utilisée par le Gouvernement, fondée sur la concertation et le dialogue social. N’en déplaise à certains, l’exercice de la démocratie sociale est non pas un frein, mais bien une force. Le fait que cet ANI ait été signé par la majorité des partenaires sociaux et non par l’ensemble ne le rend absolument pas illégitime. C’est le principe même de la démocratie, qu’elle soit politique ou sociale.

La seconde remarque porte sur le travail parlementaire. J’entends bien ceux qui déplorent la contrainte de temps qui a pesé sur l’examen de ce texte. Il est indéniable que nous avons dû travailler rapidement. Je veux d’ailleurs ici saluer le travail – l’exploit, oserais-je dire – réalisé par Claude Jeannerot. Dans ce temps contraint, notre rapporteur a su organiser toutes les auditions nécessaires et nous présenter un rapport de très grande qualité et très pédagogique – tous les membres de la commission des affaires sociales l’ont précisé – sur des sujets parfois très techniques. Toutefois, mes chers collègues, je me souviens d’autres textes pour lesquels cela a été bien pire. Souvenez-vous de la réforme des retraites de 2010 ou, auparavant, de la réforme « Hôpital, patients, santé, territoires » de 2009, dont l’examen, oserais-je le dire, a été particulièrement ubuesque.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Oui !

Mme Christiane Demontès. Venons-en au fond du projet de loi.

Plus de quarante ans après la loi fondatrice de 1971, dite « loi Delors », le système de formation professionnelle se caractérise par sa complexité et son cloisonnement. N’est-ce pas, monsieur le président ?

Mme Christiane Demontès. Son financement, qui s’élève à 32 milliards d’euros par an, demeure d’une opacité aussi totale que néfaste. Pourtant, tout le monde en convient, la formation professionnelle est un outil essentiel de la gestion des ressources humaines des entreprises. Le texte que nous examinons vise à refaire de la formation professionnelle un levier de qualification de tous les actifs et donc un facteur de compétitivité pour nos entreprises et de sécurisation des salariés dans leur parcours professionnel.

Aujourd’hui, le constat que nous pouvons dresser laisse apparaître que la formation professionnelle est faiblement qualifiante et ne représente que 11 % des formations suivies. En outre, je le rappelle, il existe d’importantes disparités. Ainsi, l’accès à la formation est bien souvent conditionné par la taille de l’entreprise : 53 % des salariés d’entreprises de plus de mille salariés en bénéficient, contre 29 % seulement dans une entreprise de moins de dix salariés.

Cette disparité affecte aussi les catégories socioprofessionnelles : 56,5 % des cadres y accèdent, contre 32,4 % des ouvriers. Cela ne signifie pas, comme le dit M. Desessard, que nous ne voulons pas que les cadres ne bénéficient pas d’une formation ; nous voulons qu’un plus grand nombre d’ouvriers y aient accès.

Cette disparité existe aussi selon le sexe, puisque seulement 15 % des femmes accèdent à une formation qualifiante,…

Mme Chantal Jouanno. C’est vrai !

Mme Christiane Demontès. … contre 22 % des hommes ; ma collègue Catherine Génisson y reviendra plus précisément.

Enfin, alors que lutter contre le chômage est une nécessité, en 2011, seuls 20 % des demandeurs d’emploi ont entamé une formation.

Mme Chantal Jouanno. Tout à fait !

Mme Christiane Demontès. En définitive, ce système renforce les inégalités et a une efficience toute relative.

Malgré plus de 13,7 milliards d’euros consacrés annuellement à la formation par les entreprises – soit bien plus que les obligations légales –, les enjeux prioritaires ne trouvent que peu de réponses satisfaisantes. Sans doute la complexité de notre système participe-t-elle de ce bilan. Je pense non seulement aux divers taux de contribution, mais aussi à la multiplicité des collecteurs ; j’y reviendrai tout à l’heure. Tout cela freine considérablement l’accès à la formation, pénalise nos concitoyens, nos entreprises et donc notre société.

En la matière, réformer, c’est faire de la formation professionnelle un instrument mobilisable à chaque instant, et il s’agit là d’une véritable révolution. Ainsi, l’article 1er a-t-il pour objet d’instaurer le compte personnel de formation. À la différence du droit individuel à la formation, encore attaché au statut professionnel, le CPF est attaché à la personne, quelle que soit sa situation au regard de l’emploi, et ne pourra être utilisé sans l’accord du titulaire. Le compte personnel de formation sera ouvert à tous les actifs dès l’âge de seize ans et aura une validité permanente jusqu’au départ à la retraite. Ce compte sera opposable pour acquérir le socle de connaissances et de compétences.

Mes chers collègues, ayons toujours à l’esprit que, dans notre pays, plus de deux millions de personnes sont illettrées et ne disposent pas des savoirs de base indispensables au quotidien et à l’accès à l’emploi. Via l’entretien professionnel, le salarié deviendra acteur de son devenir. Il ne sera plus dépendant des volontés de son employeur et pourra négocier la nature et la qualité de ladite formation. Il disposera donc d’un véritable pouvoir de choix de formation.

Ce compte sera crédité, cela a été dit, à hauteur de 2 heures par mois dans une limite de 120 heures, puis de 1 heure par mois jusqu’au plafond de 150 heures. Au-delà, il pourra être complété – j’y insiste en direction de nos collègues de l’opposition – par abondements supplémentaires, soit une centaine d’heures pour les salariés n’ayant pas connu d’évolution de leur situation professionnelle durant les six dernières années. Ce volume d’heures pourra également être revu à la hausse dans le cadre d’un accord d’entreprise ou de branche. S’ajoutent les heures que pourront prendre à leur charge les divers financeurs. Enfin, le financement du CPF est garanti au moyen du versement, par l’employeur, de 0,2 % de la masse salariale.

À travers l’ANI, les partenaires sociaux se sont accordés pour transformer l’obligation de dépenses en une obligation de former. Aujourd’hui, le financement de la formation par les entreprises est soumis à des taux très divers selon leur taille. La mutualisation par les OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, est parfois faible en faveur de ceux qui ont le plus besoin de formation, c’est-à-dire les salariés des plus petites entreprises. Le projet de loi institue une contribution au taux unique de 1 %, qui sera entièrement mutualisée au sein des OPCA.

Pour être allée, comme vous tous, à leur rencontre, j’entends bien la crainte des dirigeants de PME de voir la formation professionnelle diminuer au sein de leur entreprise. Je veux néanmoins rappeler qu’aujourd’hui le système est tellement peu redistributif que les PME de moins de cinquante salariés financent à hauteur de 50 millions d’euros par an la politique de formation des entreprises de plus grande taille. Pour autant, dans certaines régions, la mutualisation fonctionne mieux en faveur des petites entreprises, et il faudra être vigilant pour que cela puisse se poursuivre. L’évolution des missions des OPCA doit les conduire à développer une véritable offre de service à destination des entreprises, particulièrement des PME, partout sur le territoire.

Le conseil en évolution professionnelle est un service gratuit répondant à un cahier des charges national, mis en œuvre à l’échelon régional, qui doit apporter un appui aux personnes ayant besoin d’un conseil pour leur orientation professionnelle. Les cinq organismes cités dans le projet de loi chargés de ce conseil sont bien sûr incontestables. Néanmoins, il est important que les régions puissent s’appuyer sur d’autres organismes compétents, là où ils existent, comme les cités des métiers, les maisons de l’emploi, les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, mais aussi les services de l’éducation nationale comme les centres d’information et d’orientation, qui peuvent contribuer eux aussi au service public régional de l’orientation. En se voyant confier l’organisation et le financement du service public régional de la formation professionnelle, la région en devient le chef de file.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi maintenant d’évoquer ici l’importance des articles 3 et 10 concernant la réforme du financement de l’insertion par l’activité économique.

Les mesures prises au sein du projet de loi ont pour objet d’adapter les dispositions existantes du code du travail en vue de l’entrée en vigueur de la réforme du financement des structures d’insertion par l’activité économique dans le courant de 2014. Cette réforme du financement de l’IAE se traduira par la généralisation, en 2014, d’une seule modalité de financement à toutes les structures d’insertion par l’activité économique : l’aide au poste d’insertion.

La loi de finances pour 2014 a supprimé le taux de prise en charge financière spécifique des contrats uniques d’insertion et des contrats d’accompagnement dans l’emploi conclus en ateliers et chantiers d’insertion, les ACI, auparavant fixé à 105 % du SMIC. Pour les ACI, l’aide au poste se substituera donc aux aides actuellement accordées via les contrats aidés à compter des embauches conclues à partir du 1er juillet 2014. Dans ce nouveau cadre, les embauches financées par aide au poste seront réalisées dans toutes les structures d’insertion par l’activité économique sous la forme de contrats à durée déterminée d’insertion.

L’article 10 permet aussi de garantir la continuité des parcours d’insertion dans les ateliers et chantiers d’insertion et les structures d’insertion par l’activité économique.

Les possibilités de recrutement par les collectivités territoriales et de dérogation individuelle à la durée hebdomadaire de travail qui existent actuellement pour les contrats aidés sont transposées pour les contrats à durée déterminée d’insertion en structures d’insertion par l’activité économique, afin de garantir la continuité des parcours d’insertion proposés aux personnes éloignées de l’emploi, quel que soit le support contractuel des embauches. Lors de l’examen en séance d’un amendement du député Christophe Cavard déposé à l’Assemblée nationale, un alinéa sur les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification a été inséré, dont l’objet est de préciser que les GEIQ peuvent bénéficier d’une reconnaissance dans des conditions fixées par décret.

Le projet de loi que nous examinons crée donc les conditions de l’accès à la formation pour les salariés des structures de l’insertion par l’activité économique à travers les périodes de professionnalisation et de préparation opérationnelle à l’emploi.

Monsieur le ministre, la question de l’agrément pour les structures d’insertion par l’activité économique n’est pas abordée dans le texte de loi. Néanmoins, je ne doute pas qu’une solution puisse être trouvée dans les prochains mois afin que tous les salariés de l’IAE et leur structure employeuse puissent bénéficier, dans des conditions adaptées à leur parcours, de cet agrément.

Certains articles du projet de loi concernent l’apprentissage. M. le rapporteur pour avis, François Patriat, qui l’a évoqué tout à l’heure, a rédigé un rapport sur ce sujet. Force est de constater qu’un certain nombre de ses préconisations sont reprises dans le texte : le contrat d’apprentissage en contrat à durée indéterminée ou la clarification des missions des centres de formation d’apprentis, les CFA, transférés aux régions. Désormais, en lien avec le service public de l’emploi, notamment les missions locales, ces centres assisteront les jeunes dans la recherche d’un employeur. Ils chercheront aussi à résoudre les difficultés sociales et matérielles parfois très pénalisantes pour les apprentis. Ces dispositions, je n’en doute pas, seront de nature à sécuriser employeurs et apprentis et permettront d’atteindre l’objectif de 500 000 apprentis en 2017.

Je veux insister sur l’enjeu qu’il y a pour l’apprentissage de permettre aux jeunes d’atteindre le premier niveau de qualification. Les évolutions de ces dernières années, qui ont vu l’apprentissage se développer dans les niveaux de qualification supérieure, ne doivent pas se substituer aux formations préparant à une première qualification.

La gouvernance, en matière de formation professionnelle, a besoin d’être clarifiée et simplifiée : l’article 14 du projet de loi crée le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, qui remplace le CNE, le CRE et le CPNFPE – vous savez tous de quoi il s’agit. (Sourires.) J’évoquerai aussi la dévolution des biens immobiliers de l’AFPA. M. le rapporteur en a d’ailleurs parlé. Nous avons déposé des amendements pour préciser les conditions de leur transfert aux régions. Je veux me réjouir de l’attention que le Gouvernement et vous, monsieur le ministre du travail, portez à ce grand organisme de formation professionnelle installé dans tout l’Hexagone. La question immobilière trouve une réponse dans ce projet de loi, et je m’en réjouis.

Mon collègue Georges Labazée reviendra dans la suite de nos débats sur le rôle des régions dans le pilotage et le financement de la formation professionnelle. Par ailleurs, je laisserai le soin à Patricia Schillinger d’évoquer le titre II relatif à la démocratie sociale. Pour ma part, je conclurai mon intervention avec le titre III, qui est consacré à l’inspection et au contrôle et qui, nous le sentons bien, fait débat au sein de notre assemblée.

Mes chers collègues, la bataille de l’emploi, c’est aussi la bataille du travail et de sa qualité.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

Mme Christiane Demontès. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux coûts que suscitent pour la collectivité les accidents du travail et les maladies professionnelles ainsi qu’aux 12 milliards d’euros que représentait cette branche de la sécurité sociale en 2011 – Jean-Pierre Godefroy pourrait nous en dire beaucoup plus sur ce sujet.

Ainsi, à travers les articles 20 et 21, le Gouvernement a décidé de se doter des moyens permettant de veiller au respect des droits des travailleurs. Les services de l’inspection du travail sont réorganisés dans un sens plus collectif et plus efficace. L’indépendance des agents est garantie et leurs pouvoirs d’intervention élargis. Quant au dispositif de sanction des infractions, il est amélioré, tout comme le contrôle de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Nous venons de le voir, le projet de loi frappe par sa cohérence et par sa portée innovante. Attendu par l’ensemble des partenaires sociaux et par nos concitoyens, il s’inscrit dans un monde en mouvement nécessitant adaptation et non pas renonciation.

C’est sur la base des valeurs fortes que nous défendons, la justice, la responsabilité et la liberté, que le projet de loi met en œuvre une série de réponses aux enjeux majeurs que sont la formation professionnelle et la démocratie sociale.

Malgré les divergences exprimées par nos collègues de l’opposition, ainsi que par les membres de certains groupes de la majorité sénatoriale, j’espère que nos débats contribueront à rapprocher nos positions et que nous pourrons, ensemble, enrichir encore le présent texte. Celui-ci constitue en effet une avancée de premier ordre pour notre histoire sociale et, surtout, pour chaque femme et chaque homme de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Patriat, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Patricia Schillinger. Bravo !

(M. Charles Guené remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur la question de l’apprentissage. Toutefois, en préambule et en complément des éléments qui ont déjà été présentés par M. Cardoux, je formulerai quelques remarques d’ordre général sur l’organisation de la formation professionnelle et sur le texte que le Gouvernement nous présente aujourd’hui.

Les réformes de la formation professionnelle se succèdent à échéance régulière : 2004, 2009, 2013...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Certes !

M. Jean-Claude Carle. Or les constats qui président à son évolution sont toujours les mêmes.

Tout d’abord, notre système se caractérise par son iniquité. La formation ne profite pas prioritairement à celles et ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les demandeurs d’emploi et les travailleurs les moins qualifiés. Les évaluations montrent que, plus le salarié a cessé tôt sa formation initiale, moins grandes sont ses chances de la compléter par la suite.

Ensuite, la formation professionnelle se caractérise par sa complexité et son opacité. Il y a un très grand nombre de prestataires de formation. Il y a un très grand nombre de dispositifs de formation existants. Cette complexité est d’ailleurs un vecteur d’iniquité, dans la mesure où le choix d’une formation appropriée et l’accès à son financement relèvent d’un véritable parcours du combattant qui conduit à écarter les moins qualifiés.

J’avais déjà dressé ce constat en 2007, en élaborant mon rapport sur la formation professionnelle. J’avais alors dénoncé un système caractérisé par ce que j’appelais les « trois C » : la complexité, le cloisonnement et – le troisième n’est pas des moindres – les corporatismes. Mme Demontès en a cité les deux premiers. Je la gratifie donc d’une bonne note ! (Sourires.)

Mme Christiane Demontès. Merci, cher collègue ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Claude Carle. Ces « trois C » ont des effets dévastateurs. Des priorités consensuelles s’égarent dans la complexité, se contredisent dans les corporatismes et s’immobilisent dans les cloisonnements.

Face à ces trois maux affligeant notre système de formation professionnelle, je préconisais trois remèdes centrés sur la personne, les partenariats et la proximité – ce que j’appelais les « trois P ».

Je préconisais que la personne, plus que son statut, soit désormais au centre de la politique de formation professionnelle, afin qu’un sens concret et un contenu effectif soient donnés au concept de formation tout au long de la vie.

M. Jean-Claude Carle. Je préconisais que les partenariats soient systématisés et organisés autour de chefs de file identifiés, afin de rendre possible une meilleure allocation des moyens.

Je préconisais enfin que la proximité soit sans cesse renforcée, afin de favoriser l’accès de tous à la formation et de répondre aux besoins et aux diversités des territoires.

Mme Christiane Demontès. C’est fait également !

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous repreniez trois de mes propositions : premièrement, en créant le compte personnel de formation – je l’appelais, pour ma part, « compte épargne formation », mais la terminologie n’a pas beaucoup d’importance ; deuxièmement, en mettant fin à une partie du financement des organisations syndicales par les fonds dédiés à la formation professionnelle ; troisièmement, en réduisant le nombre des organismes collecteurs.

La création d’un compte personnel de formation attaché à la personne représente une réelle avancée. Néanmoins, le plus dur reste à faire : résoudre les problèmes de gouvernance et de financement.

À mon sens, la gouvernance doit être assurée à trois niveaux : tout d’abord, au niveau de l’État, qui doit être garant de l’équité sur l’ensemble du territoire ; ensuite, au niveau de la région, qui doit être l’acteur principal de la cohérence et de la stratégie ; enfin, au niveau du bassin d’emploi et de formation, qui doit être le principal levier d’action.

Concernant les questions de financement, je ne reviendrai pas sur ce que M. Cardoux a déjà présenté. Je formulerai une remarque d’ordre général : la formation professionnelle n’est dans bien des cas qu’un palliatif tardif et extrêmement coûteux à une formation initiale défaillante. La priorité, aujourd’hui, c’est de s’attaquer à la racine du mal.

Les difficultés que rencontre la formation professionnelle pour répondre aux demandes de ceux qui en ont le plus besoin prennent leurs racines au début de la formation initiale. La recherche en éducation a établi que la petite enfance est la seule période appropriée pour poser les fondations du succès de tous les élèves et lutter efficacement contre les inégalités sociales. Tous les pays qui ont cherché à rationaliser la dépense publique ont investi davantage sur les enseignements précoces. Ils présentent aujourd’hui des taux de diplomation dans le supérieur plus élevés que la France et ont prémuni leur jeunesse contre le fléau du chômage. À cet égard, je rappellerai quelques chiffres.

Parmi les 150 000 jeunes qui sortent de notre système éducatif sans diplôme et sans qualification, un élève sur deux était en échec scolaire précoce et a redoublé son cours préparatoire.

Mme Christiane Demontès. Mais pour vous, la maternelle ne sert à rien !

M. Jean-Claude Carle. Par ailleurs, je souligne que 40 % de nos élèves entrent en sixième sans savoir bien lire ni compter, et que ce sont entre 15 % et 20 % de nos jeunes qui sortent du système éducatif en situation d’illettrisme.

Nous ne répéterons jamais assez que le premier problème de la formation professionnelle, c’est la défaillance de notre formation initiale.

J’en viens à l’apprentissage, qui, aujourd’hui, me semble en danger.

Premièrement, je suis frappé depuis plusieurs années que l’intelligence de la main ne soit pas reconnue à sa juste valeur. Notre pays continue de hiérarchiser les formes d’intelligence, et le développement de l’apprentissage pâtit incontestablement de cette représentation. Nos voisins allemands ont fait de l’apprentissage une filière d’excellence : cela explique certainement que le chômage des jeunes soit trois fois plus faible en Allemagne qu’en France.

Deuxièmement, la gauche semble, pour des raisons idéologiques, faire de l’enseignement indifférencié un véritable sanctuaire. Cela explique certainement qu’il n’y ait pas eu, cette année, de campagne nationale de promotion de l’apprentissage.

Troisièmement, je le dis clairement, je suis persuadé que l’objectif fixé par le Président de la République d’inverser la courbe du chômage à la fin de l’année 2013 a largement nui aux entrées en apprentissage.

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Claude Carle. La majorité a préféré recourir massivement à des « emplois d’avenir », dont la pérennisation me semble loin d’être évidente. A contrario, nous aurions pu créer nombre d’emplois durables grâce à l’apprentissage.

Certes, monsieur le ministre, dans les discours, nous sommes tous d’accord pour développer l’apprentissage. Le Président de la République a fixé un objectif de 500 000 jeunes formés en alternance, c’est-à-dire en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, en 2017. Mais il y a la réalité !

Le nombre d’entrées en apprentissage a reculé de 8 % en 2013 par rapport à 2012. C’est le repli le plus important que notre pays ait connu en la matière depuis dix ans. En d’autres termes, l’entrée en apprentissage se portait mieux au plus fort de la crise économique !

Vous êtes responsable de cette tendance puisque c’est le gouvernement auquel vous appartenez qui, depuis juin 2012, a raboté de 950 millions d’euros les aides accordées à l’apprentissage.

Vous avez supprimé, dans les sociétés de plus de dix salariés, la prime à l’embauche de 1 000 euros.

Vous avez raboté le crédit d’impôt lié à la présence d’apprentis.

Vous avez diminué, en 2013, le montant de la prime versée aux employeurs, durant les deux années de formation qui suivent le recrutement des apprentis.

Sur le budget pour 2014, la plus grande économie opérée a été faite sur l’apprentissage, via une réduction des aides de l’ordre de 550 millions d’euros.

Cependant, j’en conviens, il faut également tenir compte d’un problème de fond : l’éducation nationale ne s’est jamais emparée de la question de l’apprentissage. J’avais déjà dit à Thierry Repentin – solidarité savoyarde oblige (Sourires.) – que ses adversaires étaient moins sur les travées du Sénat qu’au ministère de l’éducation nationale. Oui, mes chers collègues, le principal frein au développement de l’apprentissage, c’est l’éducation nationale ! Je citerai quelques exemples.

L’une des premières décisions du ministre de l’éducation nationale a été de réduire la portée du dispositif d’initiation aux métiers en alternance, le DIMA, et de le rendre quasiment inopérant.

Par ailleurs, tant que le classement des collèges reposera sur le taux de passage en seconde, l’apprentissage ne sera pas valorisé. Il s’agit là d’un frein important à son développement.

En outre, tant que les dispositifs d’information et d’orientation que sont l’application d’affectation des élèves sur le net, ou AFFELNET, et le site admission post-bac, ou APB, ne mentionneront pas l’offre de formation par apprentissage, il sera difficile de développer ce dernier.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Claude Carle. J’ai déposé un amendement tendant à garantir cette information, et j’espère qu’il sera adopté.

De surcroît, le présent texte supprime les contrats d’objectifs et de moyens. Cela signifie que l’État se désengage totalement de la politique de l’apprentissage et qu’il ne sera donc plus en mesure de piloter le système.

M. Michel Sapin, ministre. Mais cette politique dépend des régions !

M. Jean-Claude Carle. Dès lors qu’il n’y a plus de politique nationale de l’apprentissage, je vois mal comment l’objectif, fixé par le Président de la République, de 500 000 jeunes formés en alternance en 2017 pourrait être atteint.

La diminution du nombre de collecteurs de la taxe d’apprentissage, qui répond à l’objectif de régionalisation de la politique d’apprentissage, est à mon sens une bonne chose.

M. François Patriat, rapporteur pour avis. Ah ! merci !

M. Jean-Claude Carle. Toutefois, à terme, nous devrions tendre vers un seul contrat d’alternance, un seul mode de financement et une organisation capable de disposer d’une vision globale de la formation tout au long de la vie. Cela signifie peut-être, au niveau de l’État, un seul ministre en charge des questions de formation initiale, de formation continue et d’emploi.

En conclusion, je veux souligner que la formation est le levier principal de la cohésion républicaine et que, sans elle, la France ne saurait affronter son avenir : celui de la croissance et du progrès. Nous ne pouvons plus tolérer qu’un jeune sur quatre qui sort du système éducatif pousse non la porte d’une entreprise ou d’une administration mais celle de Pôle emploi.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Et ils la poussent de plus en plus longtemps, cette porte !

M. Jean-Claude Carle. L’amélioration de la performance et de l’équité de notre système de formation est un enjeu considérable pour notre pays. Comme le disait John Fitzgerald Kennedy, « une seule chose est plus coûteuse que la formation permanente, c’est l’absence de formation ».

On dénonce souvent la manne financière de la formation professionnelle, et il est vrai que le budget que notre pays alloue aux formations initiale et professionnelle est extrêmement important. Mais ce qui doit nous réunir aujourd’hui, c’est moins la question des moyens que nous y consacrons que celle de l’efficacité et de l’équité de ce système. Il est temps de mettre un terme à un système de formation qui vit par défaillances successives du maillon précédent. La véritable réforme de la formation commence avec le cycle des apprentissages fondamentaux, tel que l’avait défini Lionel Jospin dans la loi de 1989.

Je ne puis achever mon intervention sans saluer le travail accompli par Claude Jeannerot. Si nous n’avons pas toujours le même avis et les mêmes positions, nous partageons à coup sûr la volonté d’améliorer une situation, qui n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Gérard Roche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Chantal Jouanno ayant exposé notre position concernant la formation professionnelle, je me concentrerai sur le reste du projet de loi, dont le champ est très large, peut-être même un peu trop. La formation professionnelle étant un sujet à part entière, les autres aspects auraient sans doute pu faire l’objet de textes distincts.

C’est donc une question de méthode qui est posée : est-il lisible de mélanger des sujets qui relèvent de l’article L. 1 du code du travail, qui traite de la concertation avec les organisations paritaires, avec des thèmes qui n’en ressortissent pas ? Il s’agit également d’une question politique : une fois de plus, nous devons légiférer à marche forcée et, surtout, en changeant le moins de choses possible.

J’en viens au fond.

Le thème le plus consensuel de ce texte est l’organisation de la transparence des comptes des comités d’entreprise. Cette mesure, nous la réclamions de longue date. Elle avait été adoptée ici même dans le cadre de la proposition de loi de Mme Procaccia. Il n'était pas compréhensible que seul le comité d’entreprise échappe aux obligations de transparence des comptes.

Dans le même ordre d’idées, nous ne pouvons que souscrire aux mesures de transparence du financement des organisations représentatives.

Les autres volets sont plus problématiques. Certes, l’inscription dans la loi de critères de représentativité des organisations patronales est un progrès. Il était singulier que seule la représentativité des syndicats soit clairement définie par la loi, alors que celle du patronat ne l’était que par la jurisprudence. Mais, à bien y regarder, le progrès n’est que formel, puisque les critères retenus ne changent rien au paysage patronal actuel. Le critère qui évalue la représentativité en fonction du nombre d’entreprises adhérentes est sans aucun doute le plus contesté. Est-il satisfaisant sur le plan de la légitimité démocratique ? Sans doute pas complètement. En ce domaine, ne devrions-nous pas nous inspirer de la représentation parlementaire des États fédéraux ou de l’élection des chambres consulaires ? Telle est notre conviction, et nous déposerons un amendement tendant à transposer ce système à la représentativité patronale.

Nous franchissons un cran supplémentaire dans l’inquiétude avec la question de l’apprentissage, ainsi que M. Carle vient de le souligner.

Nous ne pouvons que souscrire à l’objectif fixé par le Gouvernement de parvenir à 500 000 apprentis d’ici à 2017, ce qui équivaudrait presque à un doublement des effectifs. Comment toutefois concilier un tel volontarisme avec la suppression de l’aide à l’embauche d’un jeune en alternance pour les PME, avec la division par deux, dans la loi de finances pour 2014, du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, avec la réduction drastique de l’indemnité compensatrice forfaitaire accordée aux entreprises de plus de dix salariés s’investissant dans l’apprentissage et avec la suppression de passerelles entre l’école et l’apprentissage en fin de troisième ? De plus, cela a déjà été signalé, l’apprentissage est cannibalisé par les emplois d’avenir et les contrats de génération.

Les résultats sont là : le nombre de jeunes entrés en apprentissage en 2013 a reculé de 8 % ! Le projet de loi relatif à la formation professionnelle ne semble pas devoir corriger le tir, bien au contraire : 380 millions d’euros sont retirés aux CFA au profit des régions. Or l’efficacité du système repose en grande partie sur le lien tissé par les CFA avec les entreprises. En conséquence, nous déposerons une série d’amendements visant à remédier à cette situation.

Autre sujet qui fâche : la réforme de l’inspection du travail. Elle apparaît dans ce projet de loi comme un cavalier législatif, comme M. Desessard l’a souligné. Schématiquement, le texte pose trois problèmes, qui résonnent entre eux.

Le premier concerne la nature des pouvoirs qui sont conférés aux inspecteurs du travail. Ils doivent être définis de manière à concilier contrôle et liberté d’entreprendre. Au regard de cet impératif, la possibilité de prononcer des amendes administratives ou l’élargissement du dispositif d’arrêt temporaire ne nous semblent pas exorbitants, s’ils sont bien encadrés. En revanche, beaucoup plus problématique au regard de l’intelligence économique est le droit pour les inspecteurs de se faire communiquer tous les documents « nécessaires à l’accomplissement de leur mission ». Ce pouvoir est trop largement défini pour ne pas receler une part de danger. Nous proposerons donc un amendement visant à l’encadrer.

Le deuxième problème touche à l’organisation hiérarchique de l’inspection. Les agents craignent que la création d’unités de contrôle ne porte atteinte à leur indépendance réelle. A contrario, les entreprises, qui craignent, comme vous le savez, l’arbitraire de certaines décisions de l’inspection, doutent de l’efficacité de cette réorganisation.

Le troisième problème n’est tout simplement pas abordé dans le texte : il s’agit des moyens financiers et humains du corps. Pourtant, c’est une clef essentielle.

Tout cela ne permet pas d’avoir une vision claire des perspectives que l’on entend donner à l’inspection du travail. Autrement dit, il eût été préférable de préparer un texte spécifique, assorti du temps nécessaire à son examen. Nous demanderons donc la suppression de l’article en question et le report de la discussion concernant l’inspection du travail.

Le groupe UDI-UC se positionnera sur tous ces sujets en fonction du sort qui sera réservé à ses propositions.

Enfin, je tiens à mon tour à remercier Claude Jeannerot de la qualité du travail d’analyse qu’il a accompli dans des conditions difficiles. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

(M. Jean-Claude Carle remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale vise à dynamiser la lutte contre le chômage en en constituant l’une des clefs de voûte.

Le système fonctionne actuellement sur l’héritage de la loi fondatrice de 1971, mais se révèle aujourd’hui inadapté. Une évolution s’impose donc, malgré le constat de la bonne productivité horaire des salariés français, qu’il faut rappeler. Cette productivité horaire, qui nous place notamment devant les salariés allemands et nettement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, résulte non seulement des compétences indéniables et reconnues des travailleurs français – en témoigne l’ouverture, dans le Nord, d’une nouvelle chaîne de production par Toyota, qui a embauché 500 contractuels en vue de la construction d’une nouvelle voiture –, mais aussi de leur crainte de perdre leur emploi. Cette crainte, que connaît près d’un salarié sur quatre, est encore accrue par la crise économique que nous connaissons.

La loi de 1971, dite « loi Delors », a rendu possible les promotions individuelles de qualité en instaurant l’obligation pour les entreprises de financer la formation professionnelle des salariés. Mais le fameux ascenseur social, dont cette loi a été l’un des moteurs, se trouve dorénavant ralenti. Ce dysfonctionnement rend nécessaire une réforme de fond intégrant les mutations que connaît notre économie dans une « société en mouvement mondialisé ».

Destiné aux salariés, le système ne tient pas assez compte des publics précaires, des demandeurs d’emploi et de leurs besoins, ainsi que des exigences du marché du travail en termes de qualification, de mobilité et d’évolution permanente. Au sein même de l’entreprise, les salariés les moins qualifiés n’ont que peu accès à la formation professionnelle. En outre, le financement du système de formation se révèle très complexe, dans la mesure où une multitude d’intervenants et de règles en brouillent la compréhension et l’utilisation.

La formation professionnelle est une véritable richesse pour l’entreprise et doit être considérée comme un investissement et non plus comme une obligation.

Au-delà de la simple question de la formation professionnelle, ce texte a pour vocation de répondre aux exigences légitimes de démocratie sociale. Grâce à ce projet de loi, nous approfondissons le sujet de la représentativité des partenaires sociaux, en particulier de la représentativité patronale, quand la loi Larcher a clarifié celle des organisations syndicales.

Le compte personnel de formation constitue la mesure phare de la réforme et illustre notre attachement à la promotion professionnelle de la personne, et non plus au seul statut du salarié, lequel peut avoir connu ou être amené à subir des accidents de parcours. Ces derniers ne remettront plus en cause les droits acquis une fois pour toutes et ne feront plus obstacle à l’acquisition de nouvelles compétences professionnelles.

Au-delà de cette mesure, le projet de loi aborde avec cohérence l’ensemble des sujets relatifs à la formation professionnelle et à la démocratie sociale ainsi que des thèmes qui prêtent à débat, tels que la réforme de l’inspection du travail.

Au vu de l’ambition du projet de loi, je souhaite évoquer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en rappelant des constats qui nous sont déjà familiers. Mais, après tout, la pédagogie n’est-elle pas l’art de la répétition ?

Mme Catherine Génisson. Les femmes subissent encore aujourd’hui une triple peine, qui débute dès la formation initiale et se poursuit au sein du monde du travail.

Tout d’abord, en matière d’orientation scolaire, alors qu’elles ont en moyenne de meilleurs résultats que les hommes durant la formation initiale, moins de 43 % des femmes obtiennent un baccalauréat scientifique, contre près de 65 % des hommes. Les filles représentent en outre moins d’un tiers des inscrits en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques.

Ensuite, bien que le taux d’activité des femmes ait fortement augmenté depuis trente-cinq ans, il demeure inférieur de près de 9 points à celui des hommes.

Enfin, les inégalités en termes de salaires perdurent, avec un salaire moyen inférieur de 27 % à celui des hommes sur l’ensemble des temps de travail, de plus de 23 % parmi les cadres du secteur privé et semi-public et de plus de 18 % chez les ouvrières, ainsi qu’une rémunération de près de 33 % inférieure chez les dirigeantes d’entreprises.

Ces constats sont le résultat d’inégalités entre les femmes et les hommes non seulement dans leur orientation au moment de la formation initiale, mais aussi lors de l’accès à la formation professionnelle. Ainsi, la formation professionnelle demeure discriminante pour les salariés peu qualifiés comme pour les employés à temps partiel, qui n’y accèdent que peu. Or les femmes représentent plus de 80 % des emplois à temps partiel, ainsi qu’une majorité des emplois peu qualifiés.

Seules les femmes relevant de la catégorie des cadres bénéficient de plus de possibilités de formation professionnelle que leurs homologues masculins, mais elles demeurent minoritaires, ne constituant que moins de 40 % des effectifs de la catégorie. Les femmes les moins qualifiées, majoritaires dans l’entreprise, ont, elles, bien peu accès à la formation professionnelle. À âge égal, trente-cinq ans, une femme bénéficie de deux fois moins de chances qu’un homme d’accéder à une formation professionnelle.

Le compte personnel de formation s’applique au prorata des heures travaillées, ce qui pose problème pour de nombreux emplois à temps partiel, majoritairement exercés par des femmes. Dans les faits, 15 % des formations suivies par les femmes sont qualifiantes, certifiantes ou diplômantes, contre 25 % de celles que suivent les hommes, alors que le taux d’emploi des femmes, près de 60 %, reste bien inférieur à celui des hommes, qui dépasse 68 %.

Les problèmes de mobilité, de garde d’enfant, de prise en compte des tâches domestiques constituent encore des facteurs discriminants négatifs pour l’accès aux formations professionnelles des femmes. L’examen du texte à l’Assemblée nationale a toutefois apporté des améliorations dans la prise en compte de ces sujets.

Le temps partiel, encore trop souvent subi, et exercé à plus de 80 % par les femmes, reste un sujet prégnant. La loi relative à la sécurisation de l’emploi a permis de définir un plancher hebdomadaire de temps de travail de vingt-quatre heures, assorti d’un certain nombre de dérogations, qui avaient donné lieu à de vastes débats.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé, avec Mme la ministre des droits des femmes, à produire au premier semestre de 2014 une évaluation des conséquences de ces dérogations. Nous attendons ce rapport avec intérêt.

Le champ d’application de ces dispositions n’est pas toujours aisé à définir. Néanmoins, vous nous avez indiqué en commission qu’un accord de branche, dans le cadre de la restauration rapide, venait d’être signé sur cette question. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

L’application de ces dispositions au secteur de l’emploi à domicile réclame une réflexion collective. Nos collègues Dominique Watrin et Jean-Marie Vanlerenberghe mènent d’ailleurs une mission d’information sur l’emploi à domicile ; nous attendons avec impatience les conclusions de ce rapport.

Il me semble intéressant de considérer que nous sommes au cœur du sujet de la formation professionnelle pour ce type d’emploi. En effet, même si l’emploi à domicile permet d’assurer l’accompagnement de la perte d’autonomie de personnes âgées ou handicapées et répond, à ce titre, à des horaires contraints, il me semble important de réfléchir à l’extension du périmètre de compétences des personnes qui travaillent dans ce domaine, car ces emplois peuvent aussi valoriser la richesse de l’expérience de vie des personnes accompagnées. En la matière, il nous faut explorer des champs d’investigation importants.

Au-delà de cette question, l’accès au compte personnel de formation se définit au prorata du nombre d’heures travaillées. Dès lors, il importe de pouvoir en améliorer l’égalité d’accès tant pour les hommes que pour les femmes, par rapport au plancher de vingt-quatre heures.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué en commission que le plafond-socle pourrait être abondé grâce à des dispositifs complémentaires. À ce titre, je me réjouis de l’amendement de notre collègue Claude Jeannerot, qui propose une « proratisation » au regard des heures travaillées. Cet amendement, que nous voterons avec grand plaisir, monsieur le rapporteur, vise à autoriser la mise en place, au travers d’un accord collectif, de dispositions plus favorables sur le modèle de ce que certaines branches ont prévu aujourd’hui pour le droit individuel à la formation.

Pour conclure, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir pris en compte ces cas particuliers, où le dialogue social peut se révéler complexe, et poursuivi ainsi les discussions avec les partenaires sociaux, en vue d’assurer la mise en œuvre des véritables avancées qui feront de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité et inscriront demain nos discussions d’aujourd’hui dans les « archives du parcours de notre société vers le chemin de l’égalité pleine et entière ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est important. Il transpose un accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle, traite de démocratie sociale et de représentativité patronale, réorganise l’inspection du travail, prévoit des dispositions sur le contrôle des comptes des comités d’entreprise que vous aviez demandé à votre majorité de repousser ici même il y a deux mois, revient sur le temps partiel ainsi que sur le contrat de génération. Tous ces sujets sont abordés dans un seul projet de loi qu’il nous est, en outre, demandé d’examiner en une seule lecture.

En 2009, nous avions passé trois jours entiers à examiner le texte relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie soumis à la commission spéciale que je présidais et dont notre collègue Jean-Claude Carle était rapporteur. Le texte sur la démocratie sociale nous avait occupés toute une journée ; seul l’examen de ma proposition de loi visant à établir un contrôle des comptes des comités d’entreprise n’avait pris qu’une matinée. Bref, il est facile de faire les comptes. Aussi m’est-il difficile de comprendre les raisons pour lesquelles un ministre qui prône en permanence le dialogue social nous demande de bâcler le travail sur des sujets aussi importants.

Si, depuis l’adoption de la loi de 2007 de modernisation du dialogue social, les syndicats répètent que démocratie sociale et démocratie parlementaire se complètent, vous nous donnez l’impression, monsieur le ministre, de sacrifier en permanence la seconde. Dès lors, comment vous étonnez que le Conseil constitutionnel revienne régulièrement sur vos textes ou que vous soyez obligé de faire un texte fourre-tout pour corriger des lois que vous nous avez fait voter il y a peu et, déjà, dans l’urgence ? C’est cette urgence non justifiée que je dénonce ici, à l’instar de mes collègues, car je ne nie pas qu’il y ait de bonnes choses dans ce texte.

Mme Catherine Procaccia. Je commencerai naturellement par évoquer le contrôle des comptes des comités d’entreprise.

Les dispositions que vous proposez reprennent aussi fidèlement que ma proposition de loi les conclusions du groupe de travail tripartite animé par la Direction générale du travail.

Mme Catherine Procaccia. Qui plus est, ce contrôle s’appliquera bien, comme je le proposais, à tous les comités d’entreprise, quelle que soit leur structure juridique, y compris aux comités d’entreprise des industries électriques et gazières. Cependant, certains anciens élus de ces grands comités d’entreprise issus de ces ex-entreprises publiques mis en cause par la justice ou par la Cour des comptes m’ont fait savoir que ces dispositions ne suffisaient pas. Je leur réponds aujourd'hui que légiférer en la matière constitue déjà un grand pas et que nous pourrons en faire d’autres ultérieurement. Aussi voterai-je cet article.

J’apprécie également l’instauration dans le code du travail des règles de représentativité patronale, même si celles-ci sont imparfaites. En 2008, j’avais regretté que seule la représentativité salariale soit traitée.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

Mme Catherine Procaccia. À l’époque, mener de front ces deux réformes aurait été impossible, d’autant qu’il est complexe de mesurer l’audience des organisations patronales.

Ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil des réformes déjà engagées par Gérard Larcher, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, trois ministres avec lesquels j’ai beaucoup travaillé. Je ne suis donc pas vraiment perdue quant au contenu.

S’agissant de la formation professionnelle, beaucoup de choses ont été dites, que je ne répéterai pas. J’espère sincèrement que le compte personnel de formation ne se révélera pas aussi difficile à gérer que le droit individuel à la formation.

Vouloir réorienter les actions vers ceux qui en ont le plus besoin, tel était déjà l’objectif annoncé par le président Sarkozy en 2009 dans son discours de Valence. Mais moi qui ai commencé ma carrière professionnelle en mettant en application, dans une entreprise, la loi de 1971 citée par notre rapporteur Claude Jeannerot, moi qui ai testé tant de formations, qui se sont révélées surtout utiles aux finances de l’organisme qui les proposait, je dirai que, malheureusement, rien n’a changé en quarante ans : trop d’argent continue et continuera à être dépensé pour rien, parce que la notion de qualité ou d’efficacité n’existe toujours pas. Vous dites, monsieur le ministre, que la loi actuelle marquera les quarante ans à venir ; j’espère que cela ne se fera pas sans contrôle !

Les récentes révélations sur des gigantesques escroqueries de faux organismes de formation dans la région d’Île-de-France – plus de 4 millions d’euros ! – démontrent la fragilité d’un système incontrôlé dans les faits. Des milliers de témoignages existent sur ces formateurs incompétents, sur les fausses feuilles d’émargement et sur ces formations écourtées chaque jour, mais bel et bien facturées à temps plein.

La formation professionnelle est devenue un monstre complexe qui s’auto-alimente et entraîne une complexité réglementaire.

Le rapport remis par l’IGAS, en août 2013, suggérait d’ailleurs, à l’instar de ce que font nos partenaires étrangers, une démarche de certification et de contrôle, qui n’apparaît pas dans ce texte.

Évoquons maintenant la réforme de l’inspection du travail.

Grâce au cycle suivi à l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, j’ai une approche assez concrète de la réforme des « agents de contrôle ». Ce cycle, qui intègre, grâce à Gérard Larcher, des parlementaires, permet de travailler avec des directeurs des ressources humaines, des juristes du droit du travail, des syndicalistes et des directeurs ou inspecteurs du travail, à Marcy-L’Étoile, là où ces derniers sont formés.

Cette approche est complétée par mon passé dans une entreprise qui voyait débarquer très régulièrement des inspecteurs. Depuis que je suis parlementaire, j’ai pu mesurer combien mon entreprise était exemplaire, et, rétrospectivement, je comprends la notion d’acharnement. Il était bien plus confortable pour les inspecteurs de surveiller pendant des mois, bien au chaud, le pointage de 2 000 cols blancs que de vérifier les chantiers de travaux publics au pied de notre immeuble.

Loin de moi l’idée de stigmatiser tous les agents de contrôle, mais lorsque des directeurs du travail expliquaient que leurs inspecteurs refusaient d’aller vérifier les conditions de travail dans des entreprises susceptibles d’être amiantées, cela m’a troublée et marquée à tout jamais. C’est pourquoi je proposerai un amendement visant à encadrer le délai dans lequel un inspecteur garde une entreprise dans son giron.

Si mes propos montrent jusqu’à présent que je reconnais des avancées dans le projet de loi, il n’en sera pas de même s’agissant des dispositions relatives à l’apprentissage. J’y retrouve là le paradoxe français ou, pis, la schizophrénie de la gauche, qui déclare que l’apprentissage et l’alternance sont des voies d’excellence et qui, dans les faits, discrimine ce cursus professionnalisant. Je ne reviendrai pas sur les explications formulées par notre collègue Jean-Claude Carle à propos des mesures mises en place en faveur de l’apprentissage ou, plutôt, contre l’apprentissage. Au moment où le Sénat va recevoir, comme chaque année, les meilleurs apprentis de France, comment voulez être crédible, alors qu’il n’a jamais été aussi difficile de trouver un maître de stage et que les centres de formation d’apprentis sont au bord de la faillite ?

Enfin, dans la loi de 2009, nous avions fixé des règles d’indemnisation pour les stagiaires. Aussi, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles une proposition de loi relative aux stages sera soumise au vote de l'Assemblée nationale. Dans le cadre de la loi de 2009, nous avions également évoqué les problèmes réguliers qui se posent en matière de droit du travail. J’interviens sur cette question depuis de nombreuses années, et j’ai pu aussi constater que les bonnes intentions se traduisaient souvent par des effets inverses à ceux qui sont recherchés.

Pour ma part, j’attendrai avec intérêt vos réponses, monsieur le ministre, et je mesurerai les avancées lors de nos débats pour me positionner définitivement sur le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, Claude Jeannerot, et notre rapporteur pour avis, François Patriat.

Depuis sa prise de fonctions, le Gouvernement accorde une place centrale au dialogue social dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques en matière d’emploi, de travail et de formation professionnelle. En témoigne, une fois de plus, le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui renforce la légitimité des partenaires sociaux. Aussi, je me réjouis du texte qui nous est aujourd’hui présenté, car il met l’accent, une nouvelle fois, sur le dialogue social.

Issu de l’accord national interprofessionnel signé le 14 décembre dernier par l’ensemble des organisations syndicales et patronales, à l’exception de la CGT et de la CGPME, le projet de loi fait donc l’objet d’un large consensus. Il transforme en profondeur l’organisation de la formation professionnelle, en instaurant un compte personnel de formation et en réformant son financement, dont celui de l’apprentissage.

Mon intervention portera essentiellement sur la démocratie sociale. Celle-ci est essentielle et doit permettre de clarifier les responsabilités de chacun, de respecter les acteurs sociaux et de promouvoir la culture de la négociation et du compromis.

Ce projet de loi est crucial, car il vise à renforcer la démocratie sociale en termes de représentativité et de transparence. Pourquoi ce texte conforte-t-il notre démocratie sociale ?

Tout d’abord, il apporte des ajustements aux dispositions de la loi du 20 août 2008, qui traite de la représentativité syndicale et pose des règles en matière de représentativité patronale.

Contrairement aux organisations de salariés, aucun texte n’encadre actuellement l’établissement ni l’exercice de la représentativité patronale. L’article 16 du projet de loi définit – enfin ! – un cadre juridique. Les critères de représentativité patronale fixés sont calqués sur ceux qui sont déjà applicables aux syndicats, tels que le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière,... Ainsi, les organisations patronales seront habilitées à négocier et signer des accords si elles remplissent plusieurs critères, le principal d’entre eux étant l’audience, qui sera appréciée en fonction du nombre d’entreprises adhérentes : au moins 8 % des adhérents aux organisations professionnelles dans une même branche. La prise en compte du nombre d’adhésions plutôt que du résultat d’un suffrage représente un véritable progrès.

Ensuite, il reconnaît les organisations professionnelles qui représentent les employeurs dans les secteurs de l’agriculture, des professions libérales et de l’économie sociale, à savoir, respectivement, la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, l’UNAPL, l’Union nationale des professions libérales, et l’UDES, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire. Pendant longtemps, ces organisations « hors champ » n’ont pas eu la capacité de signer des accords interprofessionnels et demandaient à voir leur représentativité reconnue. C’est maintenant chose faite. Ce texte est donc porteur d’une réelle avancée quant à la représentativité patronale.

En matière syndicale, il constitue aussi un véritable progrès, car il assouplit les règles de désignation des délégués syndicaux lorsque l’organisation syndicale représentative ne dispose d’aucun candidat ayant recueilli 10 % des suffrages sur son nom propre, une mesure dont on peut se féliciter.

S’agissant de la réforme du financement des organisations syndicales et patronales, je salue la volonté de transparence en la matière. Leur financement évolue pour laisser plus de marge de manœuvre au dialogue social.

Ce texte a trois objectifs : la transparence quant à l’origine des fonds et leur répartition, la clarification des financements résultant de politiques publiques et, enfin, la justification par les partenaires sociaux des missions d’intérêt général qu’ils assument.

Ainsi, les financements du paritarisme et de la formation professionnelle ont été déliés.

Le dialogue social et sa mise en œuvre seront financés par une cotisation versée par l’ensemble des entreprises et assise sur la masse salariale, ainsi que, éventuellement, par une contribution des organismes paritaires. Les missions d’intérêt général seront payées par l’État. La formation syndicale, l’information et l’animation des salariés exerçant une activité syndicale seront, quant à elles, cofinancées par les contributions de l’État et des entreprises.

Après concertation avec les partenaires sociaux, le texte prévoit l’instauration d’un fonds paritaire mutualisé, qui sera créé par accord entre les organisations représentatives à l’échelon national et interprofessionnel.

Concernant le financement des comités d’entreprise, de nouvelles règles de transparence et de contrôle vont être mises en place. Les grands comités d’entreprise doivent présenter des comptes certifiés et installer « une commission des marchés », chargée de choisir les fournisseurs et les prestataires. Les comités d’entreprise de plus petite taille présenteront des comptes simplifiés ou ultra-simplifiés.

On critique depuis longtemps le nombre élevé de branches professionnelles dans notre pays. Il est vrai que près d’un millier de branches existent aujourd’hui : elles sont 255 dans le domaine agricole et 687 dans le reste du secteur privé. Le Gouvernement les restructure donc et prévoit d’en réduire le nombre.

Pour conclure, je tiens à dire que le présent texte introduit un système plus juste et plus efficace, car il favorise l’accès de tous, en particulier des moins qualifiés, qui sont aussi les plus éloignés de l’emploi, à la formation professionnelle. C’est l’un des objectifs majeurs du Gouvernement qu’il tend à atteindre ; on ne peut que s’en féliciter. Nous savons combien est essentielle la démocratie sociale, que le projet de loi vise à transformer, sécuriser, améliorer.

Il était urgent de réformer en profondeur notre système de formation professionnelle, afin d’en faire un véritable levier de la sécurisation de l’emploi et de la compétitivité de nos entreprises. Il fallait le faire, le Gouvernement l’a fait ! Je vous en remercie, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera tout particulièrement sur la formation des travailleurs handicapés et sur l’articulation du présent texte avec la loi de 2005.

Une grande loi sur la formation, annoncée comme l’expression d’une ambition pour « former plus ceux qui en ont le plus besoin », à savoir les travailleurs les moins qualifiés et les demandeurs d’emploi, semblerait pouvoir répondre aux difficultés des travailleurs handicapés. Seraient-ils la cible privilégiée du présent texte ? Je n’en suis pas sûr.

Lors de chaque examen d’un texte de loi, je me pose les mêmes questions : quels sont les moyens qu’il consacre à son ambition ? Quelles sont les mesures de simplification qu’il prévoit ? Quelles sont les répercussions budgétaires pour les collectivités territoriales des dispositions qu’il introduit ?

Qu’il me soit donc permis de relater les difficultés des personnes en situation de handicap. (M. le ministre discute avec Mme Christiane Demontès.)

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Le ministre n’écoute pas !

M. René-Paul Savary. Ceux qui sont victimes d’un handicap sensoriel, dont la surdité, peuvent en effet être concernés par mes propos. (Rires sur les travées de l’UMP.)

Mme Patricia Schillinger. Le ministre peut faire deux choses à la fois !

M. René-Paul Savary. En Champagne-Ardenne, une région dynamique, le taux de chômage des personnes handicapées est malheureusement au-dessus de la moyenne et leur besoin de qualification particulièrement important. En effet, 85 % des demandeurs d’emploi de cette population ont un niveau inférieur ou égal au niveau 5, contre 68 % pour l’ensemble des chômeurs. Notons également que le nombre d’apprentis handicapés dans les centres de formation en alternance de cette région ne représente que 0,5 % de ceux qui les fréquentent.

Malgré l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, l’OETH, et dans un contexte économique particulièrement difficile – cela n’a échappé à personne –, la hausse du nombre des demandeurs d’emploi handicapés est supérieure à celle subie par le tout public. Cela traduit bien la dégradation de la situation des personnes handicapées dans le monde du travail.

À mon sens, le projet de loi ne prend pas suffisamment en compte cette sous-qualification, facteur de refus d’embauche. Avec ce texte, que vont devenir les accords de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement en faveur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, accords qui, en outre, sont déjà négociés avec les partenaires sociaux ?

Aucune amélioration significative n’est proposée pour simplifier un dispositif qui donne des résultats encore trop modestes ou pour atteindre le taux de 6 % de travailleurs handicapés dans les effectifs des établissements de plus de vingt salariés. Le niveau de qualification, notamment, n’est pas adapté. Nulle part dans le projet de loi il n’est fait allusion aux commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, instance essentielle, au sein des maisons départementales des personnes handicapées, pour l’attribution de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la RQTH.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir envisagé de rapprocher, voire de fusionner, Pôle emploi et Cap emploi ? La création d’un guichet unique pour l’accueil des travailleurs handicapés aurait contribué à ce que la société porte sur le handicap un regard empreint d’une plus grande solidarité.

Le projet de loi fait de l’orientation un service public. C’est, me semble-t-il, une bonne chose. L’échelon régional paraît également pertinent, s’il en a les moyens. Or la rédaction de l’article 15 est claire : la compensation du transfert de compétence se fait à l’euro près. Les départements connaissent bien cette règle, censée compenser le transfert des allocations individuelles de solidarité.

Mme Isabelle Debré. On voit le résultat !

M. René-Paul Savary. En effet, elle a clairement plombé leur budget !

On peut donc être inquiet pour les budgets des régions, qui sont déjà exsangues, pour un certain nombre d’entre elles, avec les compétences qu’elles exercent actuellement. Auront-elles les marges de manœuvre nécessaires pour mener une politique ambitieuse, alors que la dernière loi de finances a baissé leur dotation globale de fonctionnement de 184 millions d’euros pour 2014 ? On voit bien la limite de l’exercice.

Je souhaite m’attarder sur un autre élément.

La phase de préorientation est déterminante dans la prise en charge d’une formation, tout particulièrement pour les travailleurs en situation de handicap. La réponse est souvent complexe, et les centres de préorientation accueillent des travailleurs reconnus handicapés, dont l’orientation professionnelle présente des difficultés particulières non résolues. Le territoire national, monsieur le ministre, est loin d’être entièrement couvert par ce type de structure. Qui va les prendre en charge ? Les agences régionales de santé, au nom de l’État ? Les régions ? On le voit, là encore, des précisions s’imposent.

Quant aux établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, ils sont un lieu d’emploi privilégié et permettent à un public en difficulté de travailler en milieu protégé. Où est donc la cohérence ? Quelle valeur ajoutée apportera leur transfert aux départements, voulu par la prochaine loi de décentralisation ?

M. Bruno Retailleau. Absolument !

M. René-Paul Savary. Je vois que mes propos sont partagés par des présidents de conseil général.

Mme Françoise Férat. Pas seulement par eux !

M. René-Paul Savary. Je suis sûr que M. le rapporteur, notamment, y sera particulièrement sensible... (Sourires.)

En conclusion, trop d’imprécisions subsistent encore. Il est vraiment dommage de ne pas avoir exploré davantage de pistes pour la simplification du système et de ne pas avoir envisagé de meilleure articulation avec la loi sur le handicap. Cette dernière date de 2005. Il semble nécessaire de l’actualiser, en tenant compte de l’expérience acquise et des mutations en cours. Ce texte pourrait donc bien être une occasion manquée, sauf si vous consentiez, monsieur le ministre, à prendre en compte certains amendements tendant à améliorer le dispositif prévu par le texte initial. Il est encore temps ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois qu’il n’est pas nécessaire de revenir dans cette discussion générale qui se termine sur le fait que le secteur de la formation professionnelle souffre d’un enchevêtrement de compétences et de cofinancements, qui a nui à son efficacité. Beaucoup de nos collègues sont déjà intervenus sur ce point.

L’article 11 tend à clarifier et à rationaliser les instances et les outils qui font le lien entre l’État et les régions. C’est une bonne chose, que je salue, et dont je voudrais souligner quelques aspects.

Le texte prévoit de transférer aux régions les compétences actuellement détenues par l’État en matière de validation des acquis de l’expérience et de formation des publics spécifiques, tels que les Français établis hors de France et les personnes sous main de justice. Je m’attarderai sur cette dernière population, dont on ne parle jamais.

Les régions Aquitaine et Pays de la Loire ont déjà expérimenté ce dispositif.

Mme Catherine Deroche. C’est vrai !

M. Georges Labazée. Ces deux collectivités organisent et financent la formation des détenus depuis le 1er janvier 2011. Plusieurs dispositions législatives vont leur permettre de prolonger l’expérience, avant de faire entrer le dispositif dans le droit commun.

Pour ces deux collectivités, ce choix légitime s’inscrit dans la suite logique d’un partenariat ancien avec l’administration pénitentiaire. Il répond au souhait d’apporter une plus-value grâce à la maîtrise des savoir-faire dans ce domaine. Dans la région Aquitaine, par exemple, la compétence en matière de formation professionnelle a été optimisée en direction de ce public.

Pour ces deux régions, le pari est réussi.

M. Michel Sapin, ministre. Oui !

M. Georges Labazée. Désormais, tous les acteurs sont convaincus qu’un pilotage de proximité améliore la cohérence et la coordination de l’ensemble des dispositifs.

Quatre établissements pénitentiaires en Pays de la Loire et sept en Aquitaine, tous en gestion publique, sont concernés par le dispositif. Les actions de formation recouvrent d’abord la formation en détention. Mais les régions ont également décidé d’aller au-delà du seul public détenu, en proposant l’ensemble des programmes régionaux de formation continue aux personnes bénéficiant d’un aménagement de peine, ce qui permet à ces dernières de suivre une formation hors les murs. Cette décision a donc pour conséquence de mieux articuler le « dedans » et le « dehors » de la prison. L’objectif est bien de construire une continuité de parcours de formation pendant et après la période de détention et de faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des personnes sortant de prison.

J’en reviens au texte qui nous occupe. Ses articles 12, 13 et 14 prévoient de rationaliser les instances et les outils faisant le lien entre l’État et les régions.

L’article 12 dessine les contours du conseil en évolution professionnelle. Les régions devront assurer la coordination sur leur territoire des acteurs de l’orientation professionnelle, avec une politique de labels. Une convention annuelle entre l’État et la région, passée dans le cadre du contrat de plan des formations, définira les conditions de coordination des compétences respectives.

L’article 13 prévoit une clarification du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles, créé en 2009. Je salue le fait que les partenaires sociaux, déjà parties prenantes à l’élaboration du contrat, puissent dorénavant le signer. Cette signature lui conférera un poids politique supplémentaire.

Enfin, l’article 14 simplifie la gouvernance tant sur le plan national que régional de la formation professionnelle et de l’emploi.

L’article 15, que certains ont évoqué, a été amendé en séance à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, afin de tenir compte de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Cette disposition essentielle pose le principe et fixe les modalités des transferts qui devraient figurer dans le projet de loi de finances initiale pour 2015.

Tout à l’heure, mon collègue René-Paul Savary rappelait que l’État procède à des transferts de compétences aux collectivités locales depuis une dizaine d’années.

M. René-Paul Savary. Et ça ne s’arrange pas !

M. Georges Labazée. Avouez que cette pratique transcende les gouvernements successifs, cher collègue.

M. René-Paul Savary. Ce n’est pas une raison !

M. Georges Labazée. Évitons donc de nous accuser mutuellement.

Mme Isabelle Debré. Cela a commencé sous la gauche !

Mme Catherine Deroche. Et ça ne va pas en s’arrangeant !

M. Georges Labazée. L’important est que les ressources attribuées seront équivalentes – cela figure dans le texte – « aux dépenses consacrées par l’État, à la date du transfert, à l’exercice des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts. »

Pour les charges de fonctionnement, le calcul sera fondé sur « la moyenne des dépenses actualisées constatées […] sur une période d’au moins cinq ans précédant le transfert de compétences. » Auparavant, on avait des mécanismes jouant année après année. Là, il s'agit de blocs de cinq ans ; cela permettra, j’en suis persuadé, une meilleure maîtrise.

Pour l’Association des régions de France, la fusion des régions n’est pas forcément le chiffon rouge que l’on agite, monsieur le rapporteur pour avis.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission des finances. En effet !

M. Georges Labazée. Il s’agit avant tout d’un renforcement des capacités budgétaires et des moyens, ne serait-ce que par comparaison avec les régions espagnoles, même si celles-ci subissent la crise. J’ai longtemps siégé au sein du conseil régional d’Aquitaine. Avec ses quelque 600 000 habitants, la Navarre dispose de dix fois plus de moyens que ma région. Ce sont les processus de régionalisation qui en ont décidé ainsi.

C’est donc un texte complet que nous examinons aujourd'hui. Il vise à créer des compétences, dans une logique d’efficacité, mais également à mettre fin à un tel enchevêtrement et à accompagner les transferts de compensations financières.

Nous remercions le Gouvernement de son initiative et nous voterons évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, autant le reconnaître d’emblée, il y a de bonnes choses dans ce texte. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Ah ! C’est bien de le reconnaître !

M. Bruno Retailleau. Attendez un peu, chers collègues de la majorité… Loin de moi l’idée de chanter les louanges du Gouvernement ! (Sourires.)

Mme Christiane Demontès. Nous profitons de chaque instant ! (Nouveaux sourires.)

M. Bruno Retailleau. Je vais m’empresser de rééquilibrer mon propos. En effet, il y a un problème de cohérence dans ce projet de loi, qui aborde tellement de sujets, d’ailleurs souvent intéressants.

Les dispositions de ce texte vont de l’accord national relatif à la formation professionnelle au financement de la démocratie sociale, en passant par l’inspection du travail ou l’apprentissage. À l’instar de plusieurs collègues, j’aimerais revenir sur ce dernier point, ô combien important.

Voilà vingt mois, lors de son élection, le Président de la République avait indiqué vouloir « réenchanter le rêve français », en insistant, à juste titre, sur la nécessité de faire des jeunes une grande cause nationale. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Je donnerai trois chiffres.

Premièrement, 1 900 000 jeunes âgés de quinze ans à vingt-neuf ans ne sont ni en situation d’emploi, ni en formation, ni à l’école.

Deuxièmement, selon un sondage, seuls 17 % de nos jeunes voient l’avenir de manière prometteuse. Nous avons sans doute la jeunesse la plus pessimiste au monde.

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vous avec vous qu’elle va trouver des raisons d’être optimiste !

M. Bruno Retailleau. Troisièmement, le nombre des premières inscriptions à Pôle emploi a bondi de plus de 37 % en 2013.

Ainsi, ceux qui ont vingt ans aujourd'hui pourraient reprendre à leur compte la phrase célèbre que Paul Nizan écrivait en 1931, au creux de la grande crise : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Voilà où en est la jeunesse française !

Monsieur le ministre, je ne céderai pas à la facilité d’imputer la responsabilité de cette véritable plaie nationale à telle ou telle majorité, à tel ou tel gouvernement. Les causes en sont profondes, et elles sont lointaines.

Toutefois, il y a un élément nouveau : en 2013, le nombre d’apprentis a dégringolé, avec une baisse de 8 %, soit une chute historique depuis huit ans. Nous devons nous en émouvoir, car c’est dramatique !

L’apprentissage est une filière de réussite, d’épanouissement. Tant de jeunes Français rejetés par le système scolaire traditionnel ont pu trouver le chemin d’une réussite professionnelle grâce à l’apprentissage. Ainsi, 82 % de ceux qui ont suivi cette voie ont trouvé un emploi à l’issue de leur formation et, parmi ceux-là, 60 % sont en contrat à durée indéterminée.

En Allemagne, le système dual a fait la preuve de son efficacité.

Mme Isabelle Debré. Bien sûr !

M. Bruno Retailleau. Dans ce pays, trois fois moins de jeunes sont au chômage, et il y a trois fois plus d’apprentis ! Nous le voyons, l’apprentissage est une filière d’excellence. Il faut absolument la préserver. (M. René-Paul Savary applaudit.)

M. Bruno Retailleau. La dégringolade des chiffres de l’apprentissage doit nous interpeller. Est-elle due au hasard ? Non ! À la conjoncture ? Sans doute un peu, mais pas seulement : en 2009, au pic de la crise, le nombre de contrats d’apprentissage signés en moins était de 10 000 ; l’an dernier, il était de 24 000.

La conjoncture n’explique donc pas tout. La chute des chiffres de l’apprentissage tient aussi aux choix de ce gouvernement, et notamment à ses choix financiers. Le Gouvernement a choisi de mettre le paquet – passez-moi l’expression, mes chers collègues – sur des contrats aidés, à hauteur de 3,6 milliards d’euros en loi de finances. En outre, cela vient d’être rappelé il y a quelques instants par Jean-Claude Carle, la plus grosse économie – 550 millions d’euros – a été faite au détriment de l’apprentissage.

Vous auriez pu présenter un texte exprimant une vision, et non une réforme technique. Or vous avez choisi de désosser petit à petit l’apprentissage.

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Retailleau. M. Peillon a opté pour la suppression de la passerelle entre l’apprentissage et l’école, dans ce qu’on appelle le préapprentissage. Puis, il y a eu une réduction drastique du crédit d’apprentissage, avec une quasi-suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire en loi de finances rectificative. À présent, on s’attaque à la collecte, qu’il fallait du reste réformer.

Il faut s’interroger sur les motivations du Gouvernement. Monsieur le ministre, quelles sont les raisons qui vous poussent à attaquer au fil des textes l’apprentissage ? Des « raisons idéologiques dépassées », comme le soulignait Ségolène Royal à propos de Vincent Peillon ?

M. Bruno Retailleau. Il fallait évidemment une réforme, mais pas n’importe laquelle. Oui à la régionalisation, cher monsieur Patriat, mais non au désengagement de l’État !

Il aurait fallu, par exemple, que les régions soient liées en termes de résultats et que l’on puisse proportionner les transferts financiers aux résultats obtenus par elles. Il aurait sans doute aussi fallu mettre l’entreprise, c'est-à-dire les branches professionnelles, au cœur du pilotage des formations. Peut-être aurait-il fallu enfin faire sauter le verrou entre l’éducation nationale et l’apprentissage qu’évoquait tout à l’heure Jean-Claude Carle et qui est en train d’ankyloser l’apprentissage en France !

Monsieur le ministre, une autre réforme était possible, je le crois. Elle l’est toujours, d'ailleurs. Elle implique des choix sans doute moins dogmatiques, plus pragmatiques, plus en lien peut-être avec la nouvelle économie de l’offre.

À mes yeux, l’apprentissage n’est ni de droite ni de gauche. C’est simplement l’un des outils qui pourraient redonner demain un peu d’espoir à notre jeunesse, et elle en a bien besoin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je laisse à chacun le soin d’apprécier les différentes interventions, dont celle du dernier orateur, sénateur de Vendée, donc de l’île d’Yeu. Je lui adresse un salut particulier à cet égard. (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Tout s’explique !

M. Michel Sapin, ministre. Il y a d’autres connaisseurs dans cet hémicycle, monsieur le sénateur. (Nouveaux sourires.)

Je souhaite apporter quelques éléments de réponse, même si je reviendrai plus en détail sur les différents volets du texte au cours de la discussion des articles.

Certains orateurs ont évoqué le caractère « large » du projet de loi ; pour ma part, je parlerais plutôt de diversité. Par ailleurs, j’essaierai de le montrer dans quelques instants, diversité ne signifie pas incohérence. Au contraire : c’est même ce qui fait la force de ce texte.

Je souhaiterais remercier l’ensemble des orateurs. Je ressens, et je le dis sincèrement, un intérêt réel de tous les groupes pour les sujets abordés et les propositions formulées dans ce texte, qu’aucun intervenant n’a d’ailleurs condamné dans son intégralité.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

M. Michel Sapin, ministre. Chacun a même souligné les dispositions qui lui paraissaient conformes à ses propres souhaits, à ses réflexions, voire à ses propositions antérieures.

J’ai donc perçu, non une atmosphère de contradiction pour la contradiction, mais une volonté de débattre de manière constructive d’un sujet sérieux : développer la formation professionnelle au service des individus et de notre économie. Je tenais à le souligner et à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs.

Bien entendu, j’ignore ce que sera le vote de chacun au final. Je crains les positionnements parfois automatiques, même si je peux les comprendre, m’étant moi-même livré à de semblables contorsions en d’autres temps. (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Faute avouée est à demi pardonnée ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Toutefois, je souhaite que nous conservions le plus possible cet état d’esprit constructif lors de la discussion des articles, afin de rester à l’écoute les uns des autres et de pouvoir retenir le plus grand nombre possible de vos propositions.

J’ai entendu une critique, que je peux comprendre – d’ailleurs, je vous prie de bien vouloir m’excuser de la situation –, quant à la rapidité avec laquelle vous êtes invités à travailler sur le projet de loi. Je connais les débats sur la procédure accélérée et les arguments que l’on avance à cet égard, selon que l’on appartient à la majorité ou à l’opposition.

Sans doute eût-il été préférable de procéder autrement, afin de permettre aux membres de la commission et, d’une manière générale, à l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de travailler dans de meilleures conditions.

M. Jean Desessard. Vous avez raison.

M. Michel Sapin, ministre. Néanmoins, ce n’était pas possible, car il y avait urgence, à cause non pas de l’engagement de la procédure accélérée en soi, mais bien de la situation. Je pense évidemment à la question du chômage, mais pas seulement. En effet, et cela fait consensus ici, l’une de nos difficultés réside dans l’inadéquation et l’inadaptation de notre système de formation professionnelle, voire dans son incapacité à répondre aux besoins de notre pays.

Chacun sait qu’une formation professionnelle mieux adaptée constitue un plus, non seulement pour l’individu, mais également pour la compétitivité de notre économie.

En effet, la vraie compétitivité de notre économie se trouve dans l’intelligence, dans l’innovation, dans la compétence de celles et de ceux qui constituent la seule véritable richesse de nos entreprises : les femmes et les hommes qui y travaillent. Ce n’est pas dans l’abaissement à tout prix du coût du travail, même si on peut évidemment le réduire, ou dans l’alignement sur le salaire ou le niveau de protection sociale les plus bas de l’Union européenne que nous trouverons une solution !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. D’ailleurs, chacun dans cet hémicycle en est parfaitement conscient.

La clef du succès consiste à mettre en valeur ce qu’il y a de plus profond et de plus innovant dans notre société et chez nos compatriotes : un niveau de connaissances et de compétences élevé pour apporter un plus tant à l’économie qu’au devenir professionnel de l’ensemble des publics concernés. C’est grâce à une formation professionnelle adaptée que nous remettrons en marche l’ascenseur social, devenu, aux dires de certains, un « descenseur » social. Il en va de même pour la compétitivité : chaque entreprise doit trouver dans la compétence de ceux qui y travaillent la ressource principale pour faire face à l’économie ouverte dans laquelle nous vivons.

Il y avait donc urgence à agir. Les partenaires sociaux se sont saisis du sujet, parce que nous le leur avons demandé, en application de l’article L. 1 du code du travail, bien connu ici, puisqu’il trouve sa source dans une proposition du sénateur Gérard Larcher.

Le processus a été lancé au mois de juin dernier, et j’ai adressé un courrier aux organisations représentatives concernées au mois de juillet suivant. Dans cette lettre, je leur demandais d’achever la négociation avant la fin du mois de décembre, ce qu’elles ont fait puisque, à la mi-décembre, un accord était trouvé.

J’entends certains objecter qu’il manque deux signatures, ce qui serait une preuve d’imperfection ! Non, c’est la preuve que l’ensemble des partenaires n’a pas pu prendre en compte toutes les propositions, côté patronal ou côté syndical. D’ailleurs, les deux parties portent des jugements positifs sur bien des aspects de l’accord lui-même. Je respecte les positions des uns et des autres, mais la meilleure solution ne naît pas forcément du consensus absolu ; elle résulte de l’attitude respectueuse de ceux qui, ne signant pas tout, saluent néanmoins les personnes qui ont pris la responsabilité d’accepter des propositions et d’avancer.

En décembre dernier, un texte a donc été signé. Les partenaires sociaux souhaitent, tout comme le Gouvernement, que l’ensemble des propositions soient applicables au 1er janvier 2015, qu’il s’agisse du compte personnel de formation, que vous avez tous salué comme étant une grande innovation, de ses modes de financement ou des nouveaux modes de financement de la formation professionnelle. Un grand nombre de partenaires signataires nous ont d’ailleurs demandé de faire principalement attention à ce que les mesures entrent en application non pas le 1er janvier 2016, mais dès le 1er janvier 2015, ce qui n’est pas si simple à mettre en œuvre.

C’est pourquoi ce projet de loi doit être adopté avant la fin du mois de février de cette année, car il faut aussi tenir compte du temps nécessaire à la publication des décrets. Certes, ces derniers sont déjà très largement élaborés, mais ils doivent avant toute chose se fonder sur le texte de loi lui-même, d’autant, vous le savez, qu’une partie des dispositions qu’ils contiennent prend appui sur des négociations de branche ou d’entreprise.

C’est notre démocratie qui le veut, la seule façon pour que ce projet, fruit d’une négociation devant se traduire par un texte de loi, puisse être applicable au 1er janvier 2015 était de mettre le Parlement sous pression, et je vous présente une nouvelle fois mes excuses à cet égard. D’aucuns diront que ce n’est pas une raison suffisante, mais c’est une explication de la bonne foi du Gouvernement vis-à-vis de l’Assemblée nationale comme du Sénat.

Je reporte, évidemment, à la discussion des articles l’exposé de mes arguments les plus précis et décisifs sur les différents points qui ont été abordés. Néanmoins, je salue ici l’ensemble des interventions.

Tout d’abord, bien sûr, au sein du groupe socialiste, comme au sein du groupe RDSE, je remercie celles et ceux, notamment Georges Labazée, qui ont apporté leur soutien à l’ensemble du texte comme à chacune de ses dispositions. On oublie trop souvent d’exprimer sa reconnaissance à ceux qui vous soutiennent absolument. Je me plie, quant à moi, avec plaisir à cet exercice, en souhaitant que nous puissions poursuivre ainsi ce travail jusqu’à son terme.

De l’autre côté de l’hémicycle, je veux également saluer les interventions du groupe UMP. Les différents orateurs qui se sont exprimés sont tous de très bons spécialistes de ces sujets ou d’une partie d’entre eux. Quoi de surprenant, d'ailleurs, puisque, par définition, les sénateurs, et plus encore les sénatrices, disposent d’une connaissance universelle ? (Sourires.)

Je remercie donc MM. Cardoux et Carle, Mme Procaccia, M. Savary évidemment, et même M. Retailleau ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) C’est ce dernier qui a été, de mon point de vue, le plus injustement critique sur la question de l’apprentissage, mais nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur ce point.

Tous ont fait preuve d’un certain degré d’ouverture et ont manifesté leur volonté, à l’instar de Mme Procaccia, d’attendre la fin du débat avant de fixer leur vote. C’est selon moi une bonne manière de procéder sur des sujets d’une telle nature.

Je reviendrai, bien sûr, sur la question de l’apprentissage, qui a été beaucoup soutenu ou critiqué. Je reviendrai également sur certaines dispositions pouvant faire débat. Je pense, en particulier, à l’inspection du travail, un sujet qui a été abordé par beaucoup d’entre vous.

Je remercie également le groupe UDI-UC. Madame Jouanno, je comprends que vous attendiez beaucoup du débat qui s’ouvre devant nous. J’ai bien noté votre préoccupation au sujet de la qualité de la formation dispensée par un certain nombre d’organismes. C’est l’un des thèmes qu’aborde ce texte : l’article 21 du projet de loi vise à accorder des pouvoirs nouveaux à mon administration pour mieux contrôler et mieux sanctionner le manque de qualité des formations.

Peut-être pourrions-nous renforcer ces capacités de contrôle ? Nous débattrons de ce point dans les heures à venir, mais, quoi qu’il en soit, les décisions prises devront être raisonnables du point de vue bureaucratique et administratif. Nous pourrions sur ces sujets aussi faire preuve d’une grande ouverture d’esprit. Je rends hommage également à M. Vanlerenberghe, qui est un très grand spécialiste de cette question.

En ce qui concerne le groupe CRC, madame Cohen, j’ai senti votre intérêt, y compris pour un certain nombre de concepts. Le compte personnel de formation n’est pas né de nulle part, il est aussi le fruit des réflexions conduites au Parlement, notamment dans vos rangs. Vous avez manifesté, sur tous ces sujets, la volonté d’améliorer le texte. Nous étudierons attentivement l’ensemble de vos amendements.

Enfin, les membres du groupe écologiste, comme beaucoup d’entre vous ici, ont fait preuve d’un grand degré d’ouverture.

Mme Isabelle Debré. Jean Desessard est le seul membre de son groupe présent !

Mme Christiane Demontès. Il est le groupe écologiste à lui tout seul !

M. Jean Desessard. Les autres sont en formation ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Un groupe peut être représenté par une seule personne, madame Debré ! Je remercie donc d’autant plus M. Desessard de sa disponibilité et de son engagement.

Nous reviendrons très vite sur la question du compte personnel de formation, qui a suscité de nombreuses interrogations : 120 heures, 150 heures ? Un plafond de 150 heures est-il suffisant ou non ?

On ne peut pas comparer les 120 heures d’hier aux 150 heures d’aujourd'hui. Les 120 heures du droit individuel à la formation, le DIF, étaient – passez-moi l’expression – un « plafond-plafond » : on allait jusqu’à 120 heures, et c’était terminé. Les 150 heures du nouveau dispositif sont, si j’ose dire, un « plafond-socle » : on va jusqu’à 150 heures, et ensuite on s’appuie sur ce socle pour obtenir des compléments d’heures, en fonction de la situation de chacun. Évidemment, les chômeurs, les personnes les moins qualifiées, tout comme celles qui sont en situation de handicap – cette préoccupation a été exprimée – en auront plus. Des dispositifs permettront de venir abonder le plafond de 150 heures en ce sens.

Qu’il me soit permis d’apporter une précision. Dans la mesure où nous travaillons, vous l’avez tous souligné, avec un budget contraint, nul n’a demandé davantage d’argent pour la formation professionnelle. Chacun a plutôt tendance à considérer que d’importants moyens sont déjà consacrés à celle-ci. On s’interroge plutôt sur la meilleure utilisation possible des crédits. Toutefois, prenez-y garde, si vous permettez à tout le monde de franchir le plafond des 150 heures, il y aura moins d’argent pour les publics spécifiques !

J’entends qu’un amendement sera défendu afin de passer à 250 heures, pour tous. Très bien ! Dans ce cas, les cadres les prendront et ce sera autant d’argent en moins pour ceux qui auraient eu besoin d’un abondement spécifique et auraient pu bénéficier de 300, de 500 ou de 1 000 heures, car les besoins sont importants, et il faut du temps pour se former.

Soyons donc vigilants, car le mécanisme est simple : au fur et à mesure que l’on ajoute des heures, l’on augmente les dépenses, dans une période où personne n’a envie de demander plus aux entreprises, à l’État ou aux régions, lesquelles contribuent déjà beaucoup. Nous découpons, si je puis utiliser cette image pour illustrer mon propos, des tranches à l’intérieur d’un même gâteau : en augmentant la part de ceux qui sont les mieux servis, on diminue d’autant la part de ceux qui en ont le plus besoin !

En ce qui concerne l’inspection du travail, j’ai senti que vous éprouviez, tous, certaines préoccupations. Le dispositif n’est pas un cavalier. Une administration capable de contrôler l’application des lois, tout particulièrement l’appréciation de cette loi, est une administration en cohérence avec le reste du texte. J’en dirai plus au cours de l’examen des amendements.

Quoi qu’il en soit, je veux d’ores et déjà affirmer que je n’ai nullement l’intention de remettre en cause l’indépendance de l’inspection du travail. Ma responsabilité, en tant que ministre, est que cette institution, déjà centenaire, soit toujours efficace dans cent ans.

Or, en l’espace d’un siècle, bien des choses ont bougé. La protection du salarié n’est plus une question qui s’envisage seulement dans une entreprise ou sur un territoire. Elle nécessite d’être capable de lutter contre des atteintes aux droits beaucoup plus diffuses et complexes, beaucoup plus organisées qu’auparavant, avec une véritable délinquance, qui trouve ses racines parfois au-delà de nos frontières, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs. Il suffit d'ailleurs que je cite la question des travailleurs détachés pour que chacun comprenne ici à quoi je fais allusion.

Un inspecteur du travail seul, dans son coin, ne peut pas lutter contre des mécanismes aussi lourds. Mon souhait – je reviendrai sur ce point –, est de conserver à l’inspection du travail ses qualités actuelles, à savoir la proximité et son indépendance intégrale, tout en organisant autrement ses moyens pour lui permettre de lutter contre la grande délinquance, y compris en lui accordant des pouvoirs plus importants ou différents pour qu’elle puisse s’adapter aux nouvelles situations. Voilà ma conviction.

J’ai entendu vos remarques, mais je ne souhaite pas que perdure un procès que je trouve d’autant plus injuste que ceux qui me l’intentent ne le font pas toujours de bonne foi. Le ministre que je suis n’a pas pour mission de remettre en cause l’indépendance de l’inspection du travail. Au contraire, il a la charge de faire en sorte que cette administration œuvre de manière efficace, dans un monde qui a changé, tout comme les modalités d’atteinte aux droits des salariés et des travailleurs. Si cette institution n’évolue pas, c’est la protection des salariés qui risque d’être mise en cause.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter à cette heure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission des affaires sociales se réunira à dix-neuf heures trente pour la suite de l’examen des amendements.

M. le président. Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale
Discussion générale (suite)

6

Organisme extraparlementaire

M. le président. Par lettre en date du 18 février 2014, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger, en remplacement de Mme Catherine Deroche, au sein du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, en application des articles L. 1418-4 et R. 1418-19 du code de la santé publique.

Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission des affaires sociales a été saisie de cette désignation.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

7

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la géolocalisation est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

8

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale
Article 1er (début)

Formation professionnelle

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale.

Titre Ier

FORMATION PROFESSIONNELLE ET EMPLOI

Chapitre Ier

Formation professionnelle continue

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le quatrième alinéa de l’article L. 6111-1 est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

– après le mot : « travail », sont insérés les mots : « et jusqu’à la retraite » ;

– sont ajoutés les mots : « qui contribue à l’acquisition d’un premier niveau de qualification ou au développement de ses compétences et de ses qualifications en lui permettant, à son initiative, de bénéficier de formations » ;

b) Les quatre dernières phrases sont supprimées ;

c) Les 1° à 3° sont abrogés ;

2° Le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie est ainsi rédigé :

« Chapitre III 



« Compte personnel de formation



« Section 1



« Principes communs



« Art. L. 6323-1. – Un compte personnel de formation est ouvert pour toute personne âgée d’au moins seize ans en emploi ou à la recherche d’un emploi ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelles ou accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.



« Par dérogation au premier alinéa du présent article, un compte personnel de formation est ouvert dès l’âge de quinze ans pour le jeune qui signe un contrat d’apprentissage sur le fondement du second alinéa de l’article L. 6222-1.



« Le compte est fermé lorsque la personne est admise à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite.



« Art. L. 6323-2. – Le compte personnel de formation est comptabilisé en heures et mobilisé par la personne, qu’elle soit salariée ou à la recherche d’un emploi ou accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, afin de suivre, à son initiative, une formation. Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire. Le refus du titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute.



« Art. L. 6323-3. – Les heures de formation inscrites sur le compte demeurent acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son titulaire.



« Art. L. 6323-4. – I. – Les heures inscrites sur le compte permettent à son titulaire de financer une formation éligible au compte, au sens des articles L. 6323-6, L. 6323-15 et L. 6323-20.



« II. – Lorsque la durée de cette formation est supérieure au nombre d’heures inscrites sur le compte, celui-ci peut faire l’objet, à la demande de son titulaire, d’abondements en heures complémentaires pour assurer le financement de cette formation. Ces heures complémentaires peuvent être financées par :



« 1° L’employeur, lorsque le titulaire du compte est salarié ;



« 2° Son titulaire lui-même ;



« 3° Un organisme collecteur paritaire agréé ;



« 4° Un organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation ;



« 5° L’organisme mentionné à l’article L. 4162-11, chargé de la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité, à la demande de la personne, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ;



« 6° L’État ; 



« 7° Les régions ;



« 8° L’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 ;



« 9° L’institution mentionnée à l’article L. 5214-1.



« Art. L. 6323-5. – Les heures complémentaires mobilisées à l’appui d’un projet de formation sur le fondement du II de l’article L. 6323-4 sont mentionnées dans le compte sans y être inscrites. Elles ne sont pas prises en compte pour le calcul du plafond mentionné à l’article L. 6323-10.



« Art. L. 6323-6. – I (nouveau). – Les formations éligibles au compte personnel de formation sont les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences défini par décret.



« II. – Les autres formations éligibles au compte personnel de formation sont déterminées, dans les conditions définies aux articles L. 6323-15 et L. 6323-20, parmi les formations suivantes :



« 1° Les formations sanctionnées par une certification enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles prévu à l’article L. 335-6 du code de l’éducation ;



« 2° Les formations sanctionnées par un certificat de qualification professionnelle mentionné au 3° de l’article L. 6314-1 et à l’article L. 6314-2 du présent code ;



« 3° Les formations sanctionnées par les certifications inscrites à l’inventaire mentionné au cinquième alinéa du II de l’article L. 335-6 du code de l’éducation ;



« 4° Les formations concourant à l’accès à la qualification des personnes à la recherche d’un emploi et financées par les régions et les institutions mentionnées aux articles L. 5312-1 et L. 5214-1 du présent code.



« III (nouveau). – L’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience mentionnée à l’article L. 6313-11 est également éligible au compte personnel de formation, dans des conditions définies par décret.



« Art. L. 6323-7. – La durée complémentaire de formation qualifiante prévue à l’article L. 122-2 du code de l’éducation dont bénéficie le jeune sortant du système éducatif sans diplôme est mentionnée dans son compte personnel de formation.



« Art. L. 6323-8. – I. – Chaque titulaire d’un compte a connaissance du nombre d’heures crédité sur ce compte en accédant à un service dématérialisé gratuit. Ce service dématérialisé donne également des informations sur les formations éligibles.



« II. – Un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé : “système d’information du compte personnel de formation”, dont les modalités de mise en œuvre sont fixées par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, permet la gestion des droits inscrits ou mentionnés sur le compte personnel de formation.



« Ce traitement intègre la possibilité, pour chaque titulaire du compte, de disposer d’un passeport d’orientation, de formation et de compétences, qui recense les formations et les qualifications suivies dans le cadre de la formation initiale ou continue ainsi que les acquis de l’expérience professionnelle, selon des modalités déterminées par décret.



« III. – Le service dématérialisé mentionné au I et le traitement automatisé mentionné au II sont gérés par la Caisse des dépôts et consignations.



« Art. L. 6323-8-1 (nouveau). – Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles assure l’évaluation de la mise en œuvre et de l’utilisation du compte personnel de formation et la rend publique par un rapport présenté au Parlement.



« Section 2 



« Mise en œuvre du compte personnel de formation pour les salariés



« Sous-section 1 



« Alimentation et abondement du compte



« Art. L. 6323-9. – Le compte est alimenté en heures de formation à la fin de chaque année et, le cas échéant, par des abondements supplémentaires, selon les modalités définies par la présente sous-section.



« Art. L. 6323-10. – L’alimentation du compte se fait à hauteur de vingt-quatre heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures, puis de douze heures par année de travail à temps complet, dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures.



« Lorsque le salarié n’a pas effectué une durée de travail à temps complet sur l’ensemble de l’année, l’alimentation est calculée à due proportion du temps de travail effectué.



« Art. L. 6323-11. – La période d’absence du salarié pour un congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, de présence parentale, de soutien familial ou un congé parental d’éducation ou pour la durée de l’absence du salarié due à une maladie professionnelle ou un accident de travail est intégralement prise en compte pour le calcul de ces heures.



« Art. L. 6323-12. – Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le salarié n’a pas bénéficié, durant les six ans précédant l’entretien mentionné au II de l’article L. 6315-1, des entretiens prévus au I du même article et d’au moins deux des trois mesures mentionnées aux 1°, 2° et 3° du II dudit article, cent heures de formation supplémentaires sont inscrites au compte et l’entreprise verse à l’organisme paritaire agréé pour collecter sa contribution due au titre de l’article L. 6331-9 une somme forfaitaire, dont le montant est fixé par décret en Conseil d’État, correspondant à ces cent heures.



« Dans le cadre des contrôles menés par les agents mentionnés à l’article L. 6361-5, lorsque l’entreprise n’a pas opéré le versement prévu au premier alinéa du présent article ou a opéré un versement insuffisant, elle est mise en demeure de procéder au versement de l’insuffisance constatée à l’organisme paritaire agréé.



« À défaut, l’entreprise verse au Trésor public un montant équivalent à l’insuffisance constatée majorée de 100 %. Les deux derniers alinéas de l’article L. 6331-30 s’appliquent à ce versement.



« Art. L. 6323-13. – Le compte personnel de formation peut être abondé par un accord d’entreprise ou de groupe, un accord de branche ou un accord conclu par les organisations syndicales de salariés et d’employeurs signataires de l’accord constitutif d’un organisme collecteur paritaire agréé interprofessionnel, portant notamment sur la définition des formations éligibles et les salariés prioritaires, en particulier les salariés exposés à des facteurs de pénibilité, les salariés occupant des emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques et les salariés à temps partiel.



« Art. L. 6323-14. – Les abondements supplémentaires mentionnés aux articles L. 6323-12 et L. 6323-13 n’entrent pas en compte dans les modes de calcul des heures qui sont créditées sur le compte du salarié chaque année et du plafond mentionnés à l’article L. 6323-10.



« Sous-section 2



« Formations éligibles et mobilisation du compte



« Art. L. 6323-15. – I. – Les formations éligibles au compte personnel de formation sont les formations mentionnées aux I et III de l’article L. 6323-6. Sont également éligibles au compte personnel de formation les formations mentionnées au II du même article qui figurent sur au moins une des listes suivantes :



« 1° La liste élaborée par la Commission paritaire nationale de l’emploi de la branche professionnelle dont dépend l’entreprise ou, à défaut, par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et les organisations syndicales de salariés signataires d’un accord constitutif de l’organisme collecteur paritaire des fonds de la formation professionnelle continue à compétence interprofessionnelle auquel l’entreprise verse la contribution qu’elle doit sur le fondement du chapitre Ier du titre III du présent livre ;



« 2° Une liste élaborée par le Comité paritaire interprofessionnel national de l’emploi et de la formation, après consultation du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles ;



« 3° Une liste élaborée par le comité paritaire interprofessionnel régional de l’emploi et de la formation de la région où travaille le salarié, après consultation des commissions paritaires régionales de branches, lorsqu’elles existent, et concertation au sein du bureau du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles mentionné à l’article L. 6123-3 dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.



« Les listes mentionnées aux 1° et 2° recensent les qualifications utiles à l’évolution professionnelle des salariés au regard des métiers et des compétences recherchées ; elles recensent notamment les formations facilitant l’évolution professionnelle des salariés exposés à des facteurs de pénibilité et susceptibles de mobiliser leur compte personnel de prévention de la pénibilité mentionné à l’article L. 4162-1.



« I bis (nouveau). – Les listes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du I sont actualisées de façon régulière.



« II. – Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles et l’organisme gestionnaire mentionné à l’article L. 6323-8 sont destinataires des listes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du I du présent article.



« Art. L. 6323-16. – Les formations financées dans le cadre du compte personnel de formation ne sont pas soumises à l’accord de l’employeur lorsqu’elles sont suivies en dehors du temps de travail.



« Lorsqu’elles sont suivies en tout ou partie pendant le temps de travail, le salarié doit demander l’accord préalable de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation et l’employeur lui notifie sa réponse dans des délais déterminés par décret. L’absence de réponse de l’employeur vaut acceptation. L’accord préalable de l’employeur sur le contenu de la formation n’est toutefois pas requis lorsque la formation est financée au titre des heures créditées sur le compte personnel de formation en application de l’article L. 6323-12, ou lorsqu’elle vise les formations mentionnées aux I et III de l’article L. 6323-6, ainsi que dans des cas prévus par accord de branche, d’entreprise ou de groupe.



« Sous-section 3



« Rémunération et protection sociale



« Art. L. 6323-17. – Les heures consacrées à la formation pendant le temps de travail ouvrent droit au maintien de la rémunération du salarié dans les conditions définies à l’article L. 6321-2.



« Art. L. 6323-18. – Pendant la durée de la formation, le salarié bénéficie du régime de sécurité sociale relatif à la protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.



« Sous-section 4 



« Prise en charge des frais de formation



« Art. L. 6323-19. – I. – Les frais pédagogiques et les frais annexes afférents à la formation du salarié qui mobilise son compte personnel de formation, pendant son temps de travail ou hors temps de travail, sont pris en charge par l’employeur lorsque celui-ci, en vertu d’un accord d’entreprise conclu sur le fondement de l’article L. 6331-10, consacre au moins 0,2 % du montant des rémunérations versées pendant l’année de référence au financement du compte personnel de formation de ses salariés et à son abondement.



« En l’absence d’accord mentionné au premier alinéa du présent article, les frais de formation du salarié qui mobilise son compte sont pris en charge, selon des modalités déterminées par décret, par l’organisme collecteur paritaire agréé pour collecter la contribution mentionnée aux articles L. 6331-2 et L. 6331-9.



« II. – Lorsque le salarié mobilise son compte personnel de formation à l’occasion d’un congé individuel de formation, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels prend en charge le financement des frais pédagogiques associés au congé individuel de formation, selon les modalités déterminées au 4° de l’article L. 6332-21.



« III. – Les prises en charge mentionnées au présent article se font dans la limite du nombre d’heures inscrites sur le compte personnel de formation du salarié.



« Section 3



« Mise en œuvre du compte personnel de formation pour les demandeurs d’emploi



« Sous-section 1



« Formations éligibles et mobilisation du compte



« Art. L. 6323-20. – I. – Les formations éligibles au compte personnel de formation sont, pour les demandeurs d’emploi, les formations mentionnées aux I et III de l’article L. 6323-6. Sont également éligibles les formations mentionnées au II du même article qui figurent sur au moins une des listes suivantes :



« 1° La liste arrêtée par le Comité paritaire national de la formation professionnelle et de l’emploi mentionnée au 2° du I de l’article L. 6323-15 ;



« 2° Une liste élaborée par le comité paritaire interprofessionnel régional de l’emploi et de la formation de la région dans laquelle le demandeur d’emploi est domicilié après diagnostic et concertation au sein du bureau du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles et consultation des commissions paritaires régionales de branches, lorsqu’elles existent. Cette liste est élaborée à partir du programme régional de formation professionnelle pour les personnes à la recherche d’un emploi financé par la région et les institutions mentionnées aux articles L. 5312-1 et L. 5214-1. Le comité paritaire interprofessionnel régional peut, eu égard à la situation de l’emploi dans la région, ajouter ou, par décision motivée, retrancher des formations par rapport à ce programme régional. À défaut d’adoption de cette liste, les formations figurant sur le programme régional de formation professionnelle pour les personnes à la recherche d’un emploi financé par la région et les institutions mentionnées aux mêmes articles L. 5312-1 et L. 5214-1 sont éligibles. Cette liste est actualisée de façon régulière.



« II. – Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles et l’organisme gestionnaire mentionné à l’article L. 6323-8 sont destinataires des listes mentionnées aux 1° et 2° du I du présent article.



« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.



« Art. L. 6323-21. – Lorsqu’un demandeur d’emploi bénéficie d’un nombre d’heures inscrites sur son compte personnel de formation suffisant pour suivre une formation, son projet est réputé validé au titre du projet personnalisé d’accès à l’emploi prévu à l’article L. 5411-6.



« Dans le cas contraire, l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 ou l’une des autres institutions en charge du conseil en évolution professionnelle mobilise, après validation du projet de formation, les financements complémentaires disponibles prévus au II de l’article L. 6323-4.



« Sous-section 2



« Prise en charge des frais de formation.



« Art. L. 6323-22. – Les frais pédagogiques et les frais annexes afférents à la formation du demandeur d’emploi qui mobilise son compte personnel sont pris en charge par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, dans la limite du nombre d’heures inscrites sur le compte personnel de formation du demandeur d’emploi, et selon les modalités déterminées au 4° de l’article L. 6332-21. » ;



3° Au 4° de l’article L. 1233-68, au cinquième alinéa de l’article L. 1233-69, à la fin de l’article L. 2323-37, au premier alinéa des articles L. 6324-7 et L. 6324-9 et aux articles L. 6325-24 et L. 6523-1, les mots : « droit individuel à la formation » sont remplacés par les mots : « compte personnel de formation » ;



4° Le troisième alinéa de l’article L. 1233-67 est ainsi rédigé :



« Après l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, le salarié peut mobiliser le compte personnel de formation mentionné à l’article L. 6323-1. » ;



5° Au deuxième alinéa de l’article L. 2241-6, les mots : « la portabilité du droit individuel à la formation, » sont remplacés par les mots : « les abondements supplémentaires du compte personnel de formation, » ;



6° Au premier alinéa de l’article L. 5212-11, après les mots : « de l’entreprise », sont insérés les mots : « , l’abondement du compte personnel de formation au bénéfice des personnes mentionnées à l’article L. 5212-13 » ;



7° L’article L. 6312-1 est ainsi modifié :



a) Au 2°, après le mot : « notamment », sont insérés les mots : « par la mobilisation du compte personnel de formation prévu à l’article L. 6323-1 et » ;



b) Le 3° est abrogé ;



c) Les 4° et 5° deviennent les 3° et 4° ;



8° L’article L. 6331-26 est abrogé.



bis (nouveau). – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :



 Après le 2° de l’article L. 114-12-1, il est inséré un 3° ainsi rédigé :



« 3° L’organisme chargé de la gestion du système d’information du compte personnel de formation mentionné au III de l’article L. 6323-8 du code du travail, dans le cadre de la gestion de ce compte ; » 



2° Au second alinéa du I de l’article L. 133-5-3, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « , l’organisme chargé de la gestion du système d’information du compte personnel de formation mentionné au III de l’article L. 6323-8 du code du travail » ;



3° À la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 133-5-4, les mots : « aux assurances sociales » sont remplacés par les mots : « en matière d’assurances sociales, de prévention de la pénibilité, de formation ».



II. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2015.



III. – Les droits à des heures de formation acquis jusqu’au 31 décembre 2014 au titre du droit individuel à la formation obéissent au régime applicable aux heures inscrites sur le compte personnel de formation par le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail à compter du 1er janvier 2015. Ces heures peuvent être mobilisées jusqu’au 1er janvier 2021, le cas échéant complétées par les heures inscrites sur le compte personnel de formation, dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures et dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Leur utilisation est mentionnée dans le compte personnel de formation.



Elles ne sont prises en compte ni pour le calcul du plafond, ni pour le mode de calcul des heures créditées sur le compte mentionnés à l’article L. 6323-10 du code du travail.



IV (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport, avant la fin de l’année 2015, sur les conditions de la mise en œuvre du droit à la formation initiale différée.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, depuis quarante-trois ans, aucune loi n’a pleinement réformé le système de la formation professionnelle. Depuis 1971, il y a bien eu des réformes partielles, mais c’est la première fois que le Gouvernement entreprend une remise à plat de ce système, afin de le réadapter aux nouvelles exigences de notre époque.

Les derniers chiffres connus nous disent que, en 2011, près de 13,7 milliards d’euros ont été consacrés par les entreprises à la formation professionnelle et à l’apprentissage, ce qui représente en moyenne 2,8 % de leurs masses salariales, donc des sommes au-dessus du fameux « 1 % ».

Avec les financements de l’État – 4,7 milliards d’euros –, des régions – 4,5 milliards d’euros – et de l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle, ce sont près de 32 milliards d’euros qui sont consacrés, chaque année, à cet enjeu national. Pourtant, nous constatons au quotidien les défaillances du système, qui ne parvient plus à répondre correctement aux problématiques de développement économique que nous connaissons dans nos territoires.

Ainsi, les dépenses consacrées aux jeunes ont diminué de 5 %, alors qu’il s’agit d’un public fragilisé dans son insertion professionnelle. Autre exemple, les dépenses de formation professionnelle au sein des entreprises de moins de dix salariés ont reculé de 7 %.

La proposition du Gouvernement de mettre en place un compte personnel de formation, ou CPF, est une très bonne chose. Elle rétablira un juste équilibre entre les salariés, les syndicats et le patronat et humanisera les relations au travail.

Désormais, l’accès à la formation professionnelle ne sera plus lié à un statut, à un emploi ou au bon vouloir de l’entreprise, mais à la personne : à l’instar d’une carte d’identité, elle suivra celle-ci tout au long de sa vie, lui permettant de créer son propre parcours professionnel.

Plus encore, ce compte personnel de formation prend en considération les dommages représentés par la perte d’un emploi ou une réorientation, car, là où le taux de formation des chômeurs est aujourd’hui très faible – 20,3 % seulement d’entre eux accèdent à des formations qualifiantes –, ils pourront demain, grâce au compte personnel de formation, qui est, je le rappelle, de 150 heures, être en position plus forte pour accéder à une formation.

Ainsi, le compte personnel de formation donne aux individus une plus grande autonomie dans leurs choix professionnels. Il doit permettre d’acquérir une qualification correspondant aux besoins économiques prévisibles de nos territoires.

Dans ce nouveau cadre législatif, l’État, les régions et les entreprises sont des facilitateurs au service des parcours professionnels des travailleurs de notre pays. Tous les demandeurs d’emploi y auront accès, les apprentis dès l’âge de seize ans, les personnes en situation de handicap et les détenus.

En ce qui concerne les temps partiels subis, nous devrons être vigilants, afin que la comptabilisation des heures disponibles pour de la formation soit faite de manière équitable et permette à ces salariés de se former et de trouver des emplois à temps plein, s’ils le désirent.

Mes chers collègues, je conclurai en vous disant que je viens d’une région, la Lorraine, qui a pris des dispositions en termes d’organisation pour mieux accompagner les salariés lourdement frappés par la crise.

Sur une base de confiance mutuelle et de respect, les entreprises, les partenaires sociaux, Pôle emploi et la région se sont regroupés afin de définir un principe simple : « Une formation égale un emploi ». Dès lors, ce principe a imposé la mise en place d’un portefeuille de compétences individuel à la disposition des Lorrains, qui est comme une boussole pour avancer dans son parcours professionnel.

À titre personnel, je me réjouis de la mise en place de ce compte personnel de formation au niveau national. Certes, l’intitulé change – le portefeuille est devenu un compte personnel –, mais l’esprit est le même : garantir la justice pour chacun et l’égalité pour tous.

En conséquence, je partage l’esprit de cet article et soutiens l’ensemble de ce projet de loi au service des travailleurs.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er de ce projet de loi a pour objet d’organiser la mise en œuvre du compte personnel de formation, en en posant les principes et les modalités essentielles de fonctionnement. Il supprime donc le droit individuel à la formation, le dispositif qui prévaut aujourd'hui et qui présente de sérieuses insuffisances.

Le contexte économique et social actuel et les injonctions de compétitivité et de flexibilité fragilisent les travailleurs, notamment les moins qualifiés. De nombreuses réformes sont intervenues ces dernières années, sans que jamais le système soit remis en question ni repensé dans sa totalité. Il persiste une forte quantité d’emplois dits « non qualifiés », qui concernent environ cinq millions de salariés.

La France a deux fois plus de salariés faiblement qualifiés que l’Allemagne, selon les statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. Il s’agit donc de s’attaquer précisément aux inégalités d’accès aux formations continues qui constituent le cœur du problème de l’efficacité du marché du travail français. Le rapport de 2008 de la Cour des comptes pointe sévèrement les insuffisances d’un système qui peine à répondre à ses enjeux prioritaires.

Améliorer significativement la formation continue, c’est, comme je l’ai souligné dans la discussion générale, travailler à un projet de sécurité d’emploi et de formation, aussi appelé « sécurité sociale professionnelle », avec garantie des qualifications.

Certains éléments de l’article 1er de ce projet de loi vont dans le bon sens. La mobilisation du DIF, le droit individuel à la formation, était restée très faible et la durée des actions était souvent limitée, de l’ordre de 22,5 heures en moyenne. La part des formations qualifiantes y était de surcroît minime. La mise en œuvre du compte personnel de formation marque quelques avancées par rapport au DIF. Cependant, nous nous voyons dans l’obligation d’opposer nos réserves quant à certains aspects de cet article 1er.

Nous réaffirmons que les salariés doivent pouvoir accéder à un plus haut niveau de qualification et de compétence lorsqu’ils le souhaitent. La création du compte personnel de formation doit être pour le travailleur l’occasion d’évoluer et de gagner en compétence. Or le taux d’accès à la formation qualifiante des adultes en France est le plus bas de toute l’Europe, puisque, selon l’INSEE, il représente seulement 11 % des formations suivies. Le système reste marqué par de très fortes disparités dans l’accès à la formation.

Ces disparités dépendent d’abord de la taille de l’entreprise : plus celle-ci est grande et plus les salariés ont accès à une formation. Ainsi, seuls 29 % des salariés bénéficient de la formation dans les entreprises de moins de dix salariés. Le projet de loi prévoit cependant que les entreprises de plus de 300 salariés ne soient pas dans l’obligation de mutualiser leur contribution à la formation professionnelle, ce qui accentuerait encore la disparité d’accès à la formation pour les petites et moyennes entreprises.

Ces disparités varient également selon les catégories socioprofessionnelles : les ouvriers ont deux fois moins de chances que les cadres d’être formés, alors que les métiers à faible qualification sont ceux qui requièrent le plus de formation, car ils sont plus facilement précarisés.

Un clivage marque aussi l’accès à la formation selon le sexe : d’après les données de l’enquête Adult Education Survey 2012, si les femmes ont presque autant accès que les hommes à la formation continue, elles ont plutôt tendance à se former dans les catégories des cadres et des professions intermédiaires, tandis que les hommes sont plus nombreux à se former dans les catégories des employés et des ouvriers.

Enfin, on observe des disparités en fonction du statut dans l’emploi : comparé à celui des actifs, le taux d’accès des demandeurs d’emploi à la formation professionnelle reste trop faible.

Par ailleurs, les besoins en termes de formation ne sont pas les mêmes selon les publics. Une personne disposant d’un emploi stable n’a pas les mêmes besoins qu’une personne en situation précaire.

Nous serons particulièrement attentifs à la protection des salariés à temps partiel, qui accusent le plus grand déficit de formation, mais qui sont en même temps ceux qui en ont le plus besoin. En effet, travailler à temps partiel ne signifie pas que le salarié ne doit pas être compétent, tout au contraire. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut prêter une attention toute particulière à ces catégories.

Qui plus est, cela a été dit tout à l'heure, ces contrats touchent majoritairement les femmes, dont les perspectives de carrière sont minées par un accès réduit à la formation.

Parce qu’elle n’est que rarement qualifiante, la formation proposée aux travailleurs précaires n’est pas une fin en soi et n’apparaît pas toujours comme un moyen de progression professionnelle ou une réponse à un besoin, comme le montre l’enquête « Formation emploi » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ.

Si cet article 1er est un premier pas qui respecte l’esprit de ce projet de loi, il en trahit la lettre et reste pour nous insatisfaisant. C’est pourquoi, sous réserve de l’adoption de nos amendements, nous ne voterons pas cet article 1er.

M. le président. L'amendement n° 157, présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le deuxième alinéa de l’article L. 6111-1 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , dispensées par des prestataires agréés dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. Cet agrément garantit que les formations dispensées dans le cadre de la formation professionnelle continue le sont par des professionnels qualifiés et sont effectivement diplômantes ou qualifiantes. » ;

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Mes chers collègues, avec cet amendement, nous entrons directement dans le vif du sujet. D’ailleurs, comme vous l’avez souligné dans votre réponse aux orateurs à la fin de la discussion générale, monsieur le ministre, vous avez bien compris que la qualité de la formation était pour nous un point extrêmement sensible et important de ce texte.

Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, ce qui nous pose problème, ce n’est pas tant le niveau de financement actuel de la formation professionnelle que la faible qualité des formations, une faiblesse que soulignent la plupart des rapports.

Deux difficultés se posent. La première est liée au foisonnement des organismes prestataires. On en dénombre près de 60 000, quand l’Allemagne n’en a que 4 000. Cette situation résulte d'ailleurs des conditions définies à l’origine, puisque, depuis 1971, on considère que le jeu du marché suffira à faire le ménage parmi ces organismes et qu’une simple déclaration, un simple enregistrement suffira.

Cela dit, la répartition de l’offre de formation n’est pas très équitable, puisque 1 % des organismes prestataires cumulent 44 % du chiffre d’affaires.

La seconde difficulté, soulignée, je le répète, dans nombre de rapports, a trait à la qualité de ces formations. Les services de l’État ont identifié des situations de conflit d’intérêts entre les organismes prestataires et les financeurs, dont les chefs d’entreprise. On a vu nombre de reportages sur des stages plus ou moins loufoques de psychothérapie transpersonnelle, de thérapie holotropique ou de formations « course en sac à patates », dont je ne discerne toujours pas exactement le contenu. (Sourires.)

Ces difficultés sont d’ailleurs liées aux conditions initialement posées, puisque la définition que donne le code du travail, en son article L. 6111-5, de ce qui peut être considéré comme formation professionnelle est extrêmement large. De surcroît, aucune certification n’a réellement été mise en place, et les systèmes de labellisation ou de certification pullulent.

On observe d’ailleurs une certaine convergence dans les différents rapports portant sur la formation professionnelle quant à la nécessité de mettre en place une certification des organismes prestataires. Une telle mesure permettrait justement de faire le ménage parmi ces organismes.

C'est notamment une préconisation du rapport, réalisé sous la présidence de Jean-Claude Carle, en 2007, par la mission commune d’information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, ainsi que du rapport, unanimement salué, de Gérard Larcher sur la formation professionnelle. C'est également en partie l’objet de la recommandation n° 26 du rapport de l’IGAS sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi et de la proposition n° 17 du rapport d’information de l'Assemblée nationale de janvier 2014.

Il faudra sans doute du temps pour mettre en place une telle certification, mais l’amendement que je vous propose est extrêmement simple : il prévoit une certification des organismes prestataires dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame Jouanno, vous exprimez une préoccupation que nous partageons : celle du contrôle de la qualité des formations. Pour ce faire, vous proposez de substituer au système déclaratif actuel un système d’agrément.

Sur le principe, on ne peut qu’adhérer à votre proposition. Néanmoins, sur le plan pratique, l’adoption d’une telle disposition entraînerait des complications que ce texte, en l’état des choses, ne peut porter.

Je m’engage, ma chère collègue, à insérer dans le projet de loi une disposition tendant à renforcer le contrôle de la qualité du processus de formation. L’adoption de votre amendement, tel qu’il est rédigé et à cet endroit du texte, n’est en tout cas pas envisageable.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Nos interventions respectives lors de la discussion générale nous ont déjà permis, madame Jouanno, d’entamer une discussion entre nous sur ce sujet !

Nous partageons la préoccupation de contrôler la qualité des formations que vous exprimez. Comme je vous l’indiquais, c'est la raison pour laquelle nous instituons, à l’article 21 du projet de loi, des mesures de contrôle et des sanctions qui n’existent pas aujourd'hui. Ainsi, nous pourrons mettre un terme à certaines dérives, y compris sectaires. Vous avez mentionné certaines formations dont on voit bien qu’elles n’ont que peu de liens avec la qualification des salariés...

Votre amendement tend à mettre en place un système d’agrément. Or cette disposition, véritablement maximaliste, revient à faire délivrer par l’administration une autorisation préalable. Il ne me semble pas que, dans tous les rapports qui pointaient le problème de la qualité de la formation, figurait une telle proposition, ne serait-ce que parce que cette mesure poserait un problème de compatibilité avec le droit européen. En effet, cela reviendrait à soumettre à autorisation la création d’une activité dans le domaine de la formation.

Je vous propose donc, comme vient de le faire M. le rapporteur, qui avait certainement lu dans mes pensées (Sourires.), d’introduire, après l’article 3, un amendement, actuellement en cours de rédaction, pour prendre en compte votre préoccupation, sans aller toutefois jusqu’à l’agrément.

Par ailleurs, je vous invite à prêter attention à un point. Vous indiquez, dans le texte de votre amendement, que l’agrément ne pourrait être donné qu’à des formations diplômantes ou qualifiantes, ce qui est extrêmement limité. D’autres formations peuvent être utiles, dont il faudrait tout de même vérifier la qualité intrinsèque.

Sous le bénéfice de ces observations et compte tenu de mon engagement à déposer un amendement prenant en compte vos préoccupations, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, votre proposition me paraît raisonnable. Il me semble utile de mettre en place un système de contrôle, sans toutefois aller jusqu’à l’agrément, qui me paraît à moi aussi très contraignant.

Néanmoins, j’aimerais savoir si nous disposons d’une estimation sur le nombre d’emplois découlant des 32 milliards d’euros investis dans la formation. En effet, on évoque souvent le nombre d’emplois créés par secteur – je pense notamment à l’industrie automobile. Monsieur le ministre, qu’en est-il du secteur de la formation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, vous me posez une question très précise, à laquelle je ne peux, pour le moment, répondre. Je m’engage à vous transmettre au plus vite les éléments de réponse que mes services, qui se sont déjà attelés à la tâche, m’apporteront.

M. le président. Madame Jouanno, l'amendement n° 157 est-il maintenu ?

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le ministre, nous ne connaissons pas du tout la nature de l’amendement que vous allez déposer, contrairement à notre rapporteur, qui est apparemment visionnaire ! Par conséquent, nous n’avons pas eu non plus l’occasion de l’étudier en commission. Il nous est donc difficile de retirer notre amendement.

Certes, nous souhaitons mettre en place un système d’agrément, mais nous avons également prévu que les conditions de mise en œuvre seraient définies par un décret en Conseil d’État. Ayant occupé vos fonctions – évidemment pas au même niveau que vous –, je sais que la rédaction d’un décret laisse une grande liberté d’appréciation.

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Comme nous ne connaissons pas la proposition qui sera faite, il me paraît sage de voter cet amendement.

Pour notre part, nous avons déposé l'amendement n° 195 qui vise à exclure les habilitations n’ayant qu’une vocation professionnelle de la liste des formations habilitées à être financées par le compte personnel de formation. Il nous semble important de manifester notre exigence de qualification pour les formations professionnelles dispensées dans ce cadre. Par cohérence, nous voterons donc l’amendement proposé par Mme Jouanno, en souhaitant que le nôtre soit également adopté.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Qu’il soit bien clair que l’amendement n° 157 de Mme Jouanno vise non pas uniquement les formations correspondant au compte personnel de formation, mais toutes les formations.

Monsieur Watrin, je comprends votre préoccupation. Vous souhaitez des formations qualifiantes et diplômantes pour le compte personnel de formation. Toutefois, il existe d’autres types de formations, comme celles qui sont relatives à l’adaptation à un poste. L’adoption de cet amendement aboutirait à exiger un agrément pour toutes les formations, ce qui serait extrêmement lourd.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous apporter cette précision pour vous permettre de bien appréhender l’ensemble du dispositif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 147 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 189
Contre 156

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° 278 rectifié, présenté par M. Patriat et Mme D. Gillot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L’article L. 6311-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'État, les collectivités locales, les établissements publics, et en particulier les établissements publics d'enseignement du second degré et les établissements publics d'enseignement supérieur, les établissements d'enseignement privés, les associations, les organisations d'employeurs, de salariés et familiales, ainsi que les entreprises, concourent à assurer la formation professionnelle continue. »;

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Cet amendement a pour objet de mieux faire reconnaître la contribution de l’appareil de formation public à la formation professionnelle continue, en précisant les catégories d’établissements d’enseignement qui y participent : les établissements publics secondaires et les établissements publics d’enseignement supérieur.

Les établissements publics d’enseignement du second degré interviennent dans la formation continue, essentiellement via les GRETA, ou groupes d’établissements. Pour ce qui concerne la formation continue dans l’enseignement supérieur, les universités, les écoles d’ingénieurs publiques et le Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, ont ainsi formé en 2011 quelque 448 000 stagiaires, pour un chiffre d’affaires qui atteint 409 millions d’euros.

Toutefois, si leur contribution est déjà essentielle dans les faits, ces établissements ne se voient pas encore pleinement reconnus par tous les acteurs comme des opérateurs à part entière de la formation professionnelle continue. À titre d’exemple, les annexes aux projets de loi de finances transmis chaque année au Parlement ne mentionnent toujours pas les universités et les écoles d’ingénieurs dans les grands prestataires publics de formation continue, aux côtés de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, du CNAM et des GRETA.

Dans les faits, cette faible reconnaissance se traduit par des difficultés pour l’orientation de certains publics bénéficiaires de la formation continue, comme les demandeurs d’emploi, vers ces opérateurs publics, et ce malgré la qualité de leur offre de formation.

La portée de cet amendement, qui a pour objet de mieux faire reconnaître l’effort du service public d’enseignement secondaire et supérieur en matière de formation continue, ne relève donc pas seulement du symbole. Il a pour objectif de dynamiser la contribution, déjà réelle, mais encore insuffisante, de notre appareil de formation public, en poussant à sa réforme et à son ouverture à tous les publics.

Pour l’enseignement supérieur, cet amendement tend à marquer la reconnaissance dans le code du travail de l’évolution souhaitée par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui a désormais reconnu la formation tout au long de la vie comme l’une des missions des universités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Notre collègue François Patriat propose de mentionner, dans le code du travail, la liste des acteurs qui concourent à la politique de formation professionnelle, et l’on voit bien la portée symbolique d’une telle énumération.

Si l’on peut souscrire à la volonté de réaffirmer le rôle de l’enseignement secondaire et supérieur dans la formation professionnelle, on mesure aussi les inconvénients d’une telle disposition. D’une part, celle-ci tend à figer la situation, et, d’autre part, l’exhaustivité qu’elle suppose est problématique si l’on oublie de citer un certain nombre d’acteurs pourtant majeurs dans le système de formation.

Par conséquent, malgré tout l’intérêt qu’il peut présenter, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Patriat, si je comprends bien votre préoccupation, vous souhaitez voir affirmé le rôle éminent que les établissements publics d’enseignement supérieur ont à jouer dans le dispositif de la formation professionnelle. À l’Assemblée nationale, nous avons déjà examiné des amendements ayant le même objet.

Soyez assuré que, pour le Gouvernement, ces établissements ont, effectivement, un rôle considérable à jouer ! D'ailleurs, certains d’entre eux le jouent dès aujourd'hui. C’est particulièrement vrai en région parisienne, notamment dans le cadre de l’apprentissage.

Toutefois, l’objet de l’article L. 6311-1 du code du travail est de fixer l’objet de la formation professionnelle continue, et non la liste des acteurs qui y contribuent.

Comme vient de le souligner M. le rapporteur, le risque que tend à faire courir votre amendement est double : un certain nombre d’autres acteurs potentiels de la formation professionnelle continue pourraient être oubliés, et votre liste, qui n’a pas vocation à être exhaustive, pourrait être interprétée comme étant limitative. J’ajoute que, pour l’heure, de telles dispositions figurent dans des décrets, laissant penser qu’il peut s'agir de dispositions de caractère réglementaire…

Pour toutes ces raisons, monsieur Patriat, le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de votre amendement.

M. le président. Monsieur Patriat, l'amendement n° 278 rectifié est-il maintenu ?

M. François Patriat. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’entends bien vos arguments.

Toutefois, à vous écouter, il ne faudrait pas faire mention du rôle particulier que jouent les établissements publics d’enseignement, en dépit de leur efficacité, de leur renommée et du nombre de stagiaires qu’ils forment, au prétexte que la liste des acteurs de la formation professionnelle continue ne serait pas exhaustive.

Je le regrette, car un certain nombre de demandeurs d’emploi ignoreront la possibilité de se former dans ces établissements. C’est dommage pour l’avenir ! Au demeurant, je n’empêche personne de déposer d’autres amendements pour compléter la liste !

Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 278 rectifié est retiré.

L'amendement n° 89 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Vial, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le dernier alinéa de l’article L. 6314-1 est ainsi rédigé :

« 3° Soit ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche. » ;

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Il s’agit d’un amendement de cohérence, beaucoup plus simple que les deux amendements qui viennent d’être présentés.

Les partenaires sociaux ont prévu que, parmi les formations qualifiantes éligibles au compte personnel de formation, figurent les certificats de qualification professionnelle de branche ou interbranches.

L’article L. 6323-6 du code du travail relatif aux formations éligibles au CPF faisant référence à l’article L. 6314-1 du code du travail, il convient de modifier ce second article, afin que les certificats de qualification professionnelle interbranches soit reconnus au titre des formations qualifiantes, conformément à la volonté des partenaires sociaux exprimée dans l’accord national interprofessionnel, l’ANI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement est, en effet, très simple : il vise à prendre en compte les certificats de qualification professionnelle, les fameux CQP, interbranches dans le cadre du compte personnel de formation.

Cette précision ne me semble pas inutile. J’émets donc, au nom de la commission, un avis favorable.

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Avec ce premier amendement présenté par le groupe UMP, nous commençons bien !

En effet, si l’on peut déduire de la rédaction actuelle de l’article L. 6314-1 du code du travail, qui vise les certificats de qualification professionnelle, sans autre précision, que les deux types de certificats sont visés, cet amendement tend à apporter une confirmation bienvenue, qui permet d’éviter toute erreur d’interprétation.

L’avis du Gouvernement est donc favorable. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, je ne suis pas sûre que nous commencions si bien que cela ! En effet, nous pensons que la volonté d’étendre les formations qualifiantes éligibles au CPF aux certificats de qualification professionnelle interbranches pose un problème.

Actuellement, les CQP n’ont pas de niveau reconnu par l’État qui leur permette d’être prises en compte à l’extérieur de la branche. Il s'agit donc de formations professionnelles qui ne sont pas « exportables » dans d’autres branches professionnelles, ce qui réduit leur portée et leur intérêt, particulièrement si l’on considère que la formation doit être un tremplin pour permettre aux salariés de réorienter leur propre vie professionnelle.

Parfois, les CQP s’apparentent à des formations « maison », dont l’intérêt est plus important pour les employeurs que pour les salariés. Si elles peuvent se justifier au regard des besoins d’une entreprise donnée, elles ne présentent que peu d’intérêt pour les salariés sur le plan de la formation tout au long de la vie.

Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 6323-1-... – Le compte personnel de formation est ouvert aux salariés des trois fonctions publiques. Des accords entre l’État et les collectivités d’une part et les partenaires sociaux d’autre part en assurent la mise en œuvre.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le projet de loi ne prévoit pas pour l’instant que les fonctionnaires des trois fonctions publiques – fonction publique de l’État, fonction publique hospitalière et fonction publique territoriale – puissent bénéficier du compte personnel de formation.

C’est dommage, mais il semble, monsieur le ministre, que vous en soyez conscient. (M. le ministre acquiesce.)

D'ailleurs, vous avez déclaré, lors de votre audition par la commission des affaires sociales du Sénat, après l’avoir fait devant celle de l’Assemblée nationale, que, si le CPF n’est pas pour l’instant ouvert aux fonctions publiques, « le Gouvernement va engager des négociations avec les partenaires sociaux pour qu’il en soit ainsi. Il y a des carrières qui alternent passages dans le public et le privé. La portabilité n’est pas encore effective à cet égard. Elle a vocation à le devenir. Quant au cas des indépendants, il nécessitera des négociations avec les partenaires sociaux. »

Vous exprimez donc bien le souhait que le compte personnel de formation soit ouvert à l’ensemble de la fonction publique. Toutefois, ayant engagé la procédure accélérée sur le projet de loi, vous n’avez pas eu le temps de rencontrer l’ensemble des syndicats de la fonction publique pour mettre en application cette ouverture. Cela dit, la gentillesse avec laquelle vous avez expliqué qu’il était nécessaire d’achever l’examen du texte avant la fin du mois de février m’empêche de critiquer le recours à la procédure accélérée, quand bien même je serais tenté de le faire… (Sourires.)

Monsieur le ministre, traiter la fonction publique à part, en ne lui ouvrant pas dès maintenant le CPF, donne l’impression d’un texte quelque peu décousu. C’est dommage, d’autant que le passage entre le public et le privé est aujourd'hui beaucoup plus fréquent, comme vous l’avez vous-même expliqué, et qu’il est même encouragé.

Cet amendement vise donc simplement à poser dès aujourd'hui le principe que le compte personnel de formation est ouvert à la fonction publique. Bien sûr, monsieur le ministre, la définition des modalités de l’application de ce principe vous revient, par décret, après discussion avec les syndicats de la fonction publique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement a un grand mérite : celui de nous rappeler le caractère universel du compte personnel de formation.

C’est un droit ouvert à tous puisque, à terme, un fonctionnaire qui quittera la fonction publique pour le privé pourra être accompagné de son compte personnel de formation. Toutefois, le présent texte vise à modifier les dispositions du code du travail, lequel n’a pas vocation à organiser le statut des fonctionnaires.

Je vous assure que l’ouverture de ce droit aux fonctionnaires sera consacrée ultérieurement, dans le cadre qui convient, et ne puis donc que vous inviter à retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Desessard, vous avez en partie répondu à la question que vous aviez vous-même posée.

Comme vous le savez, le compte personnel de formation a une vocation universelle. Dans le texte que nous examinons aujourd'hui, il concerne la totalité des salariés du privé. Cependant, deux grandes catégories de travailleurs ne sont pas encore concernées à cet instant : les indépendants et les fonctionnaires.

Pour ce qui concerne les entrepreneurs indépendants, il faudra, à terme, mettre en place le droit au CPF. Cela nécessitera une négociation particulière avec les partenaires sociaux. Cette négociation va s’ouvrir, sous la houlette de la ministre chargée de ces questions.

S'agissant des fonctionnaires, cette façon de procéder, en deux temps, a toujours existé. Ainsi, avant d’être applicable à la fonction publique, après les négociations menées au sein de cette dernière, le DIF, le droit individuel à la formation, n’a d'abord concerné que les seuls salariés.

Monsieur Desessard, le problème, ce n’est pas le recours à la procédure accélérée. Il est naturel de traiter les fonctionnaires à part, ne serait-ce que parce qu’ils relèvent d’un code différent de celui des salariés du privé. Comme vous le savez aussi, les dispositions concernant la fonction publique ont un caractère législatif plus large que celles qui concernent les salariés du privé, raison pour laquelle nous ne pourrions d'ailleurs pas étendre le CPF aux fonctionnaires par décret : le dispositif devra être décrit plus précisément encore dans le code de la fonction publique.

Oui, la fonction publique sera concernée, non pas aux calendes grecques – il est dommage que Mme Procaccia ne soit pas là… (Sourires.) –, mais très rapidement néanmoins, puisque ce chantier est d'ores et déjà inscrit à l’agenda social : il est prévu que le Gouvernement et les organisations syndicales en discutent dans les semaines qui viennent. Je pense que nous aurons à nous prononcer sur ces dispositions d’ici à la fin de l’année.

Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait de votre amendement.

Par ailleurs, pour conquérir plus encore votre bienveillance, et pour vous montrer combien mes services travaillent rapidement, j’en profite pour vous indiquer que, d’après la Fédération de la formation professionnelle, ce sont entre 75 000 et 80 000 salariés en équivalents temps plein – pardon pour cette approximation – qui travaillent dans le domaine de la formation professionnelle.

Mme Chantal Jouanno. Pour 60 000 organismes ?

M. Michel Sapin, ministre. Aussi, madame Jouanno, on peut penser qu’un certain nombre des 60 000 organismes que vous évoquez n’emploient qu’un seul salarié !

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 26 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous remercie de la rapidité de votre réponse, de la précision de vos chiffres et de la qualité de votre argumentaire en ce qui concerne ma proposition.

Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.

L'amendement n° 292, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16, première phrase

Supprimer les mots :

ou accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles

II. - Après l’alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. - Un décret précise les conditions dans lesquelles le compte personnel de formation des travailleurs handicapés accueillis dans un établissement et service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles fait l’objet d’abondements en heures complémentaires. »

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour suivre avec beaucoup d’attention l’ensemble des débats parlementaires, vous savez que je me suis engagé, à l’Assemblée nationale, à proposer une rédaction plus adaptée et plus précise des dispositions concernant les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, que l’un d’entre vous a évoqués dans la discussion générale.

Il convient d’expliciter le bénéfice du compte personnel de formation des travailleurs handicapés accueillis dans les ESAT. Ces travailleurs sont des actifs – cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant…

Un décret est indispensable pour préciser les conditions dans lesquelles les financements spécifiques existant pour la formation de ces travailleurs, qui font l’objet de dispositifs particuliers, pourront venir abonder le CPF, au-delà du plafond de cent cinquante heures. Pendant la période passée en ESAT, le contrat de soutien ne permet pas d’acquérir des heures inscrites au compte, mais il peut fédérer des abondements spécifiques de différents financeurs.

En conséquence, il est proposé de supprimer la mention des travailleurs en ESAT à l’alinéa 16 de cet article. En effet, cette mention n’est pas nécessaire pour préciser que ces travailleurs ont droit à disposer d’un compte personnel de formation, et elle n’est pas suffisante pour prévoir les modalités spécifiques applicables à ces derniers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de cohérence juridique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 292.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 191, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 16, deuxième phrase

Après les mots :

ne peut être mobilisé qu’

insérer les mots :

à l’initiative et

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L'alinéa 16 de l'article 1er prévoit que le compte personnel de formation ne peut être mobilisé qu'avec l'accord de son titulaire, précisant ensuite – je cite – que « le refus du titulaire du compte de le mobiliser ne constitue pas une faute ».

En premier lieu, ne faut-il pas rappeler que le compte personnel de formation, parce qu'il est censé garantir l'autonomie de choix du salarié dans la mobilisation de ses heures de formation, doit être mobilisable non pas avec l'accord, mais sur l'initiative du salarié ?

Rappelons aussi, par ailleurs, que le compte personnel de formation constitue un dispositif censé être entièrement au bénéfice du salarié. Il doit donc permettre à ce dernier d'acquérir des droits mobilisables quand il le souhaite pour avoir accès à une formation qualifiante et, surtout, d’être à l’initiative de cette formation – il s'agit là d’un point très important.

Bien que l'article 1er prévoie que l'accord de l’employeur n’est plus nécessaire dès lors qu'il s'agit d'une formation en dehors du temps de travail, nous regrettons que cet accord conditionne encore la réalisation de formations pendant le temps de travail.

Le projet de loi est présenté comme devant mener le salarié vers plus de qualification ; pour autant, la rédaction de cet alinéa semble suspendre ce droit à l'initiative de l’employeur.

Or nous savons tous que, dans leur emploi, les salariés sont souvent soumis à des pressions, qui pourraient les faire renoncer à leurs droits. Qu'en est-il en particulier des salariés les plus précaires, qui ont le plus besoin de formation, mais qui ne se sentent pas toujours légitimes pour en demander une à leur patron ? Le compte personnel de formation n'est-il pas censé être une opportunité pour ces personnes ?

Dans une période qui fragilise les salariés, nous ne pourrions les en blâmer. Toutefois, si, comme nous le défendons, le texte prévoyait que le compte de formation peut être seulement mobilisable par l'employé et non par l'employeur – celui-ci dispose déjà, dans le champ de ses prérogatives, du plan de formation –, le salarié ne subirait aucune pression et serait libre de mobiliser son droit à la formation quand il le souhaite et pour la formation de son choix.

En effet, l'avantage principal du compte personnel de formation est qu'il offre à la personne la faculté élargie de peser réellement sur son projet de formation et de l'orienter à sa guise, de manière à s'améliorer dans son métier ou à se former dans un autre secteur s'il souhaite réorienter sa carrière professionnelle.

C'est son choix, et le compte personnel de formation doit ainsi relever de l'initiative personnelle. C'est pourquoi nous défendons, au travers de cet amendement, l’attribution de l'initiative de la formation au salarié et non à l'employeur.

Je sais que nous avons eu ce débat en commission et que l’on nous a reproché d'être redondants, mais cela vaut peut-être mieux que de maintenir dans le texte initial une contradiction. En effet, on nous dit à l’alinéa 16 que le salarié peut suivre, sur son initiative, une formation, et il est précisé ensuite que le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire, ce qui semble signifier, au contraire, que l’initiative ne revient pas au salarié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, il me semble pourtant que l’alinéa 16, c’est – passez-moi l’expression – ceinture et bretelles !

Vous voulez être certain que le CPF n’est mobilisé qu’à l’initiative du salarié. Soyez rassuré à cet égard : la première phrase de l’alinéa 16 l’exprime explicitement, en précisant : « À son initiative ». On ne fait qu’indiquer ensuite, ce qui va de soi, je vous le concède, que c'est avec l’accord exprès du titulaire du compte. Toutefois, de mon point de vue, répéter une fois encore « à son initiative » ne renforcerait pas le texte.

Je vous demanderai donc de retirer cet amendement ; à défaut, j’exprimerai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 191 est-il maintenu ?

M. Dominique Watrin. Dans notre esprit, il s'agit non pas de renforcer le texte, mais de lever une contradiction qui est nette : dire « à l’initiative », ce n’est pas comme dire « avec l’accord ». Ou alors, monsieur le rapporteur, il faut supprimer la phrase qui pose problème !

Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 133 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Vial, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il veille à garantir l’équité d’informations délivrées auprès des jeunes sur les formations professionnelles permettant un choix de poursuite d’études en apprentissage ou par la voie scolaire.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Dans la discussion générale, nous avons longuement parlé, les uns et les autres, de l'apprentissage, des problèmes auxquels il est confronté et, surtout, de la dévalorisation dont il fait l’objet dans l’esprit du grand public et des parents depuis de nombreuses années.

Cet amendement est une déclaration d’intention, mais aussi de clarification sur les voies de formation qui s'offrent au titulaire d’un compte personnel de formation. Nous voudrions lancer un message pour mettre fin à la dévalorisation symbolique de l’apprentissage dans le système d’orientation et garantir un minimum de neutralité dans la présentation de l’apprentissage auprès des jeunes.

En effet, même si cela n’est pas la règle, on peut constater dans certaines académies que l'apprentissage est en quelque sorte considéré comme une voie de garage, un vœu de recensement, à l’instar du redoublement ou du choix d’un établissement hors académie. En gros, quand on ne sait pas vraiment quoi faire d’un élève, on l’oriente vers l'apprentissage…

Dans d’autres académies, sur les fiches destinées à enregistrer le choix d’orientation de l’élève, on procède à des sur-cotations ou à des sous-cotations, selon que l’élève choisit la voie professionnelle et l’apprentissage. D’autres académies, encore, ne mentionnent pas l’apprentissage comme un choix possible d’orientation.

Certes, je sais bien que M. le rapporteur nous a indiqué en commission qu’un tel amendement n’avait pas grand lien avec le compte personnel de formation, mais je ne suis pas tout à fait d’accord : il n’y a pas que l’apprentissage pour les jeunes qui sortent des écoles et qui sont orientés ; il existe aussi un apprentissage de haut niveau, qui peut conduire à des masters.

Compte tenu de la dévalorisation que j’ai soulignée au début de mon propos, je crois que plus on affirmera que l'apprentissage est une voie d’excellence dans la formation des jeunes, plus on contribuera à le réhabiliter dans l’esprit du grand public et des parents.

Mes chers collègues, si vous adoptiez un tel amendement, vous feriez donc œuvre utile en faveur de l'apprentissage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Notre collègue Jean-Noël Cardoux souhaite mettre à profit le compte personnel de formation pour informer les jeunes sur les formations professionnelles par apprentissage.

Je comprends son intention, mais il n'y a pas d’articulation entre cette disposition et le compte personnel de formation, qui, par nature, est destiné à tous les actifs. Le lien avec la formation initiale et avec l’apprentissage ne me semble pas évident. Il faudrait en effet avoir exercé une activité professionnelle pour accumuler des droits.

Ne nous trompons pas sur l’objet du CPF, qui n’est pas un outil d’information. Il me semble donc que les auteurs de cet amendement pourraient reporter leur proposition à l’article 12, qui vise le service public régional de l’orientation et le conseil en évolution professionnelle. Si une ouverture est possible, c'est là qu’elle se situe.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je souhaiterais persuader M. Cardoux que nous avons la même préoccupation que lui, mais que l’emplacement du texte où il veut introduire cet amendement n’est pas, selon nous, le plus approprié.

Nous pourrons revoir cette question à l’article 12 : vous y avez déposé des propositions d'amendement auxquelles je me déclarerai favorable, afin de faciliter l’orientation et l’information pour tout ce qui relève de l’alternance et de l'apprentissage.

Simplement, le lien avec le compte personnel de formation est un peu artificiel : le CPF ne finance pas l’apprentissage, qui est alimenté par un autre dispositif ; on ne va pas, si je puis dire, « pomper » les droits au compte personnel pour financer l'apprentissage.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 192, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

, que celle-ci résulte du terme d’un contrat, d’un licenciement, d’une démission ou de la conclusion d’une rupture conventionnelle

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’alinéa 17 de l'article 1er, dans sa rédaction actuelle, précise que le salarié peut garder le bénéfice des heures de formations inscrites sur son compte personnel de formation « en cas de perte d'emploi ».

Pour nous, le texte ainsi rédigé est insuffisant, car nous ne sommes pas certains qu’il couvre aussi les salariés ayant fait le choix de démissionner. En effet, cette notion de « perte d'emploi » présuppose qu'il s'agit d'une rupture du lien contractuel indépendante de la volonté du salarié. Autrement dit, seuls les salariés qui seraient involontairement privés de leur emploi pourraient prétendre au bénéfice de la portabilité du compte personnel de formation.

C'est du moins une question que nous posons, et nous craignons que les salariés qui souhaitent démissionner puissent se trouver désavantagés par cette rédaction.

En effet, la démission du salarié est souvent motivée par un désir d'évolution en termes de carrière, soit dans sa branche, soit dans un secteur différent. À ce titre, il a d'autant plus besoin des heures de formation dûment acquises, qui lui permettront d'accompagner son changement de poste ou de favoriser sa reconversion professionnelle. Le salarié qui démissionne doit donc pouvoir bénéficier, comme le salarié licencié, de la portabilité de ses heures de formation.

Le projet de loi prévoit à juste titre, dans l'exposé des motifs, l'universalité du compte personnel de formation, qui doit être accessible à tous les salariés à partir de quinze ou seize ans, et ce jusqu'à la retraite, quels que soient les changements de statuts.

Pour que cette portabilité soit effectivement universelle, il semble donc qu’il faille inscrire clairement dans la loi que la portabilité demeure effective pour les salariés qui n'auraient pas perdu leur emploi, mais qui auraient mis, de manière volontaire, un terme à celui-ci.

L'amendement que nous défendons vise donc à préciser le texte en ce sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous sommes ici dans le domaine de la sémantique et des précisions rédactionnelles. Monsieur Watrin, vous souhaitez indiquer dans le projet de loi que les heures inscrites sur le compte personnel de formation restent acquises dans tous les cas de rupture d’un contrat de travail.

Je veux vous rassurer sur ce point : cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi ; les heures de formation inscrites sur le compte demeureront acquises, selon les termes de l’alinéa 17, « en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son titulaire ». Cela correspond aussi bien à un licenciement ou à une rupture conventionnelle qu’à une démission ; que la perte d’emploi résulte d’une initiative du salarié ou de l’employeur ne change rien.

Mes chers collègues, le spectre des situations possibles est entièrement couvert, et je vous invite donc à retirer votre amendement ; sinon, mon avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je ne veux pas répéter l’argumentation de M. le rapporteur, qui me paraît très pertinente.

Monsieur Watrin, vous aurez la preuve a contrario de la justesse de nos propos lorsque nous vous demanderons de repousser des amendements visant à affirmer, par exemple, que le salarié serait privé du droit aux heures de formation en cas de faute lourde. Dans tous les cas, on conserve son compte personnel de formation et on peut l’utiliser quelle que soit la cause de la perte d’emploi ou du changement de situation professionnelle.

Le texte du projet de loi satisfait totalement votre amendement, et j’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 192 est-il maintenu ?

M. Dominique Watrin. La précision que j’attendais a été apportée au cours de la séance et figurera donc au Journal officiel.

Aussi, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 192 est retiré.

L'amendement n° 75 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Vial, Reichardt, Mayet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cependant, en cas de faute lourde, les heures portées au crédit du compte personnel de formation au titre de l’exécution du contrat de travail qui a donné lieu à licenciement pour ce motif sont débitées du compte.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à débiter du compte personnel de formation les heures qui y sont inscrites en cas de faute lourde du salarié. Cela correspond tout simplement à la retranscription des dispositions de l’ANI du 14 décembre dernier, donc à la volonté des partenaires sociaux, et au rétablissement de ce qui existait pour le DIF.

Un amendement similaire, semble-t-il, a été présenté à l’Assemblée nationale ; il a été rejeté, monsieur le ministre, au motif qu’il serait difficile de déterminer quelles heures devraient être ainsi soustraites du CPF. Selon moi, c’est tout simple : il s’agit des heures inscrites au compte personnel de formation au titre du contrat de travail qui a été rompu pour faute lourde.

Je rappelle que la faute lourde, dans la gradation des sanctions qui peuvent être infligées à un salarié, est de loin la plus importante. Excédant la faute grave, elle est peu souvent mise en application.

Dans un souci d’équité, il serait bon de rétablir cette disposition pour le compte personnel de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, j’aimerais vous convaincre ! (Sourires.)

Vous avez raison : cette disposition était prévue dans l’ANI, mais elle est contraire à l’esprit du compte personnel de formation. Ce compte, nous l’avons indiqué à de multiples reprises, est attaché à la personne et non à son statut professionnel. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un salarié a pu commettre une faute à un moment donné de son parcours qu’il doit perdre les droits qu’il a acquis auparavant par son travail. Ses droits doivent justement le suivre tout au long de sa vie active pour respecter l’esprit du dispositif.

Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Vous opérez, monsieur le sénateur, un parallélisme avec le DIF, mais les modes de financement de celui-ci n’étaient pas les mêmes que ceux du compte personnel de formation. Avec le CPF, on acquiert des droits ; le système n’est pas lié à l’entreprise.

Je comprends l’idée qui sous-tend cet amendement : l’entreprise où une faute grave a été commise ne devrait pas avoir à financer la formation du salarié licencié par elle pour faute grave. Cependant, dans le système que nous avons retenu, les relations au sein de l’entreprise et les droits à la formation sont totalement disjoints, ces derniers étant strictement attachés à la personne. C'est la raison pour laquelle la situation qui prévalait avec le DIF n’a plus de raison d’être avec le CPF.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 193, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’alinéa 21 de l’article 1er prévoit que, lorsque la durée de la formation choisie est supérieure au nombre d’heures inscrites sur le compte personnel de formation, le titulaire du compte peut lui-même l’abonder en heures complémentaires pour assurer la formation souhaitée. Nous sommes opposés à une telle possibilité.

En effet, si l’idée de permettre aux salariés d’accéder plus facilement à une formation professionnelle est légitime, elle ne peut reposer sur les capacités financières des salariés.

Pourquoi, me direz-vous, quand on sait qu’un plafond de 150 heures ne permet pas d’accéder à une formation longue et réellement qualifiante, ne pas prévoir que le salarié peut abonder lui-même son compte, lui accordant ainsi une grande marge de manœuvre dans l’utilisation de son droit ?

Nous partons du constat, largement établi, d’un accès à la formation actuellement très inégal : les ingénieurs et les cadres ont un taux d’accès à la formation de 56,5 %, presque deux fois plus élevé que celui des ouvriers, qui n’est que de 32,4 %.

Permettre au salarié d’abonder lui-même son compte personnel de formation, c’est maintenir le statu quo qui permet aux salariés des professions les plus qualifiées, et donc les mieux rémunérées, d’avoir un accès prioritaire à la formation, quand ce sont les salariés des professions les plus précaires et les moins qualifiées qui en ont le plus besoin.

Permettre au salarié d’abonder lui-même son compte personnel de formation, c’est oublier que l’accès à la formation professionnelle ne doit en aucun cas reposer sur un quelconque critère financier, qui sera forcément désavantageux pour les salariés les moins bien lotis financièrement. Ce serait donc favoriser une certaine frange de salariés au détriment d’autres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, je vous suivrais sur cet amendement si l’on faisait de cette possibilité une obligation pour le salarié. Or il s’agit au contraire de lui offrir une liberté de choix, bien que celle-ci dépende également, j’en conviens, de ses capacités financières.

Il paraît préférable de laisser le système se développer dans un cadre de co-construction volontaire, en laissant une place au souhait de l’intéressé. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 193.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 194, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 30

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 31

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. L. 6323-6. – I. – Les autres formations…

III. – Alinéa 36

Remplacer la référence :

III

par la référence :

II

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Ce qui nous pose problème à l’alinéa 30, monsieur le ministre, c’est le fait que les formations « permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences » soient éligibles au compte personnel de formation.

Nous sommes opposés non seulement à l’idée même d’un socle commun de connaissances et de compétences au sein de la formation initiale, que nous considérons comme une approche réductrice des missions essentielles de l’école, mais aussi à ce que des formations dispensées dans le cadre professionnel au titre du CPF visent à acquérir des compétences qu’il revient à l’école de transmettre, sous des formes différentes, bien entendu, selon les âges et les personnes concernées.

En tout état de cause, si ce socle fait défaut, il nous semble qu’il est de la responsabilité de l’employeur de former ses employés afin que ces derniers puissent lire, écrire et compter correctement. Pour ce faire, il dispose de la prérogative du plan de formation. À nos yeux, de telles formations, qui ne relèvent pas de la qualification professionnelle mais sont essentielles à la sécurité et à l’efficacité du salarié, ne doivent pas être imputées sur le compte personnel de formation, celui-ci étant strictement réservé à des formations professionnelles qualifiantes destinées à permettre au salarié de gagner des compétences dans son métier ou dans un autre domaine.

À titre d’illustration, je rappellerai que l’employeur dispose d’une obligation de moyens et de résultat en matière de sécurité au travail. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur la manière dont pourrait évoluer la jurisprudence. Un salarié ne sachant pas lire correctement peut ne pas respecter une consigne élémentaire de prudence et exposer sa vie ou celle de ses collègues à un risque certain. Dans ce cas, l’employeur peut être considéré comme responsable, les juges estimant qu’il n’a pas mis en œuvre tous les moyens pour que les consignes soient comprises et assimilées. Mais si, demain, un employeur peut avancer l’idée qu’un salarié a commis une imprudence parce qu’il ne savait pas lire et qu’il avait refusé une formation lui permettant d’acquérir ce socle de connaissance, qu’adviendra-t-il de cette obligation de résultat ?

Selon toute vraisemblance, le risque est grand d’inverser la logique actuelle et de faire peser finalement sur les salariés les moins formés, notamment ceux qui n’ont pas bénéficié d’une formation initiale suffisamment achevée, une forme de responsabilité jusque-là partagée avec l’employeur. Cela constituerait à nos yeux un revirement majeur de jurisprudence que nous ne saurions accepter.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer l’alinéa 30 de l’article 1er. La formation destinée à savoir lire, écrire et compter est indiscutablement un vrai sujet aujourd'hui, mais elle ne saurait s’imputer sur le compte personnel de formation, sauf à en travestir l’objectif premier.

M. le président. L'amendement n° 225, présenté par Mme Blandin, M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Après les mots :

d'acquérir le socle

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je suis très sensible à l’argumentaire que vient de développer ma collègue Cécile Cukierman. Dans l’hypothèse où son amendement ne serait pas adopté et l’alinéa 30, supprimé, le présent amendement pourrait constituer une solution de repli.

Si le compte personnel de formation est une véritable avancée vers le droit universel à la formation, la rédaction actuelle de l’alinéa 30 de l’article 1er nous laisse très perplexes. En effet, celle-ci précise que « Les formations éligibles au compte personnel de formation sont les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences défini par décret. »

Mais de quel socle parle-t-on ?

La récente loi de refondation de l’école de la République, promulguée en juillet 2013, prévoit un nouveau socle commun dit « de connaissances, de compétences et de culture » qui sera défini par décret après avis du Conseil supérieur de programmes. Ce nouveau socle se substituera à celui qui avait été institué en 2005 et qui définissait, entre autres, ce que nul n’était censé ignorer en fin de scolarité obligatoire, à savoir la maîtrise de la langue française, la pratique d’une langue vivante étrangère, la maîtrise des techniques de l’information et de la communication.

Notre amendement a donc pour but de lever l’ambiguïté injustifiée liée à la coexistence de deux socles dans nos textes et dans l’esprit des usagers de l’école et de la formation professionnelle.

Vous l’avez compris, à la lumière des arguments avancés par Cécile Cukierman, je suis favorable à la suppression de l’alinéa 30, mais, en tout état de cause, je pense qu’il convient d’éviter la coexistence de deux socles, car il sera difficile de savoir lequel est le bon ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 90 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Vial, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Remplacer les mots :

par décret

par les mots :

par le comité observatoires et certifications du comité paritaire national pour la formation professionnelle et l’emploi prévu à l’article L. 6123-5

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise en quelque sorte à « redonner la main » aux partenaires sociaux.

Ces derniers ont prévu expressément que les formations éligibles au CPF sont obligatoirement des formations qualifiantes conduisant à une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles – RNCP –, à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranches, à une certification inscrite à l’inventaire mentionné au sixième alinéa de l’article L. 335-6 du code de l’éducation, à la qualification des demandeurs d'emploi ou au socle de connaissances et de compétences mentionné au point 4.4 de l’ANI du 5 octobre 2009.

Dans une logique de simplification, il me paraît souhaitable d’épargner au pouvoir réglementaire le soin de ratifier par un décret ces précisions élaborées par les partenaires sociaux. Cela irait en outre dans le sens du « choc de simplification » que les uns et les autres essayent de mettre en place actuellement.

M. le président. L'amendement n° 279, présenté par M. Patriat, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 30

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que les formations qualifiantes incluses dans les programmes régionaux de formation professionnelle financés par les régions

II. - En conséquence, alinéa 35

Supprimer les mots :

les régions et

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Il s’agit, par cet amendement, d’englober dans les formations éligibles au CPF les formations qualifiantes issues des programmes régionaux de formation, élaborés en concertation avec les acteurs locaux, notamment les partenaires sociaux.

Cet amendement est donc très simple !

M. Michel Sapin, ministre. Mais il n’est pas anodin !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. L'amendement n° 194 tend à supprimer la possibilité de suivre, grâce au CPF, des formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences.

Je rappelle que cette disposition, qui est issue de l’ANI, permettra aux salariés les moins formés d’accéder, sur leur initiative, aux connaissances de base qu’ils n’ont jamais pu acquérir.

Je rappelle aussi que ces formations sont opposables à l’employeur et pourront être suivies sur le temps de travail. Il me paraît donc important de les maintenir dans le périmètre du CPF.

Je rappelle enfin que les partenaires sociaux – j’anticipe sur les deux amendements suivants – ont décidé de définir ce socle avant la fin du premier semestre 2014 : nous y sommes presque.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 194.

Par l’amendement n° 225, Jean Desessard propose que puisse être acquis, par le biais du CPF, le socle de connaissances de l’éducation nationale. Soyons clairs : tel n’est pas l’objet de cet article.

Les partenaires sociaux ont défini leur propre socle de connaissances et de compétences, qui ne se confond pas avec celui que l’éducation nationale est chargée de fournir et qui a vocation à être acquis à l’issue de la scolarité obligatoire. Ces deux socles sont de nature différente.

La formation professionnelle ne peut, à elle seule, combler les insuffisances de la formation initiale ou y parer. Elle doit, au contraire, mettre l’accent sur les compétences aujourd’hui indispensables à l’exercice d’une activité professionnelle. Ainsi, les partenaires sociaux vont probablement intégrer dans le socle l’aptitude à travailler en équipe – cela ne s’apprend pas à l’école (Marques d’étonnement sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.) –, la maîtrise des outils informatiques et bureautiques et, le cas échéant, la pratique d’une langue étrangère.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 225.

Monsieur Cardoux, pour justifier votre amendement n° 90 rectifié, vous nous expliquez que les partenaires sociaux doivent pouvoir faire leur affaire de la définition du socle et qu’il est donc inutile que cela passe par un décret.

Il me semble évident qu’il appartient aux partenaires sociaux de définir ce socle. Je l’ai dit, ils se sont engagés à le faire avant la fin du premier semestre. Néanmoins, il faut un décret pour conférer une valeur juridique à ce qu’ils auront décidé, et je ne doute pas que le Gouvernement s’appuiera sur les travaux des partenaires sociaux pour rédiger ce décret.

J’en arrive à l’amendement de notre collègue et ami François Patriat. Je comprends que, en tant que président de région, il défende cet amendement qui vise à ce que les formations figurant au programme régional de formation soient éligibles au CPF sans avoir à figurer sur l’une des listes élaborées par les partenaires sociaux. Il y a là une proposition de cohérence et de simplicité.

Il reste que le dispositif retenu par le projet de loi s’inscrit dans un équilibre entre la responsabilité territoriale et la responsabilité des partenaires sociaux. À cet égard, le programme régional de formation me paraît bien pris en compte pour la formation des demandeurs d’emploi puisqu’il constituera le fondement de la liste élaborée par les partenaires sociaux au niveau régional. Le texte va d’ailleurs très loin : si ces derniers décident de retrancher de ce programme une formation que vous aurez habilitée en Bourgogne, mon cher collègue, ils ne pourront le faire que sur décision motivée, expliquant en quoi la situation de l’emploi – et elle seule – dans la région le justifie.

Je ne crois pas qu’il soit opportun de remettre en cause cet équilibre, qui me paraît indispensable au vu de l’entrecroisement de la responsabilité territoriale et de celle des branches et des partenaires sociaux dans la formation des demandeurs d’emploi.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’espère que l’argumentation parfaite du rapporteur aura su convaincre M. Patriat de retirer son amendement n° 279.

S’agissant des amendements présentés par Mme Cukierman et M. Desessard, je voudrais que les choses soient claires : il existe deux socles, le socle de connaissances et de compétences – dont nous parlons ici – et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation.

M. Jean Desessard. C’est le socle de simplification ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Si vous voulez ! (Nouveaux sourires.)

En tout cas, l’adoption de l’amendement n° 194 reviendrait à priver un salarié de son droit d’utiliser, sur son initiative, le compte personnel de formation pour acquérir le socle entendu comme savoir écrire, lire et compter.

Je suis allé en Bretagne pour rencontrer les salariés de l’entreprise Gad. Croyez-moi, ce n’était pas si simple de discuter avec les gars de chez Gad ! Quoi qu'il en soit, j’ai appris que 40 % d’entre eux, après plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années, sont soit restés en situation d’illettrisme, soit entrés en situation d’illettrisme. Ce n’est pas normal ! Et vous voudriez les priver de la possibilité d’utiliser leur compte ? Ce n’est évidemment pas l’objectif de votre amendement, madame Cukierman, mais c’en serait la conséquence.

Il est très important, monsieur Cardoux, que le socle soit élaboré en étroite concertation avec les partenaires sociaux. Toutefois, si nous voulons qu’une définition soit arrêtée au bout du compte et que ce dispositif entre rapidement en application, il me semble nécessaire d’agir par décret.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'amendement n° 194.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, nous ne commettons aucune confusion entre les socles et n’avons nullement la volonté d’empêcher les salariés d’accéder aux formations que vous évoquez. Nous pensons simplement que ces formations devraient être prises en charge par l’employeur.

Je ne remets pas non plus en cause les chiffres que vous avez donnés. L’illettrisme touche toutes les régions, pas seulement la Bretagne, et chacun peut constater de telles situations dans son département, qu’il s’agisse de personnes ayant suivi une formation initiale en France ou d’étrangers ne maîtrisant pas notre langue.

À travers cet amendement, nous entendons soulever une question : dès lors qu’il s’agit de savoirs indispensables, essentiels – y compris en termes de sécurité, comme je l’ai montré –, ont-ils vocation à entrer dans le champ du compte personnel de formation, censé permettre d’élever la qualification du salarié ? Leur acquisition ne devrait-elle pas plutôt être prise en charge dans un autre cadre ?

Ce serait faire un faux procès à notre groupe – vous ne l’avez du reste pas fait, monsieur le ministre – que de prétendre que nous refuserions aux salariés la possibilité d’accéder à toujours plus de savoir. Un salarié qui sait lire, écrire et compter est un salarié qui sait se défendre et qui saura se construire. Le seul point qui nous oppose, c’est le cadre dans lequel cette formation doit être prise en compte.

Ne vous méprenez pas, monsieur le rapporteur : je pense qu’il est très important de savoir travailler en équipe, mais cet apprentissage me paraît faire partie des missions essentielles de l’éducation nationale : c’est ce qui est indiqué dans tous les documents d’accompagnement des programmes.

Cet exemple, comme celui de l’illettrisme, nous conduit à nous interroger sur la capacité de notre système de formation initiale à doter nos jeunes de ces savoirs de base qui sont indispensables au vivre-ensemble et à la vie professionnelle. Une grande partie d’entre eux quitte en effet le système scolaire sans les maîtriser. Mais il s’agit sans doute d’un autre débat.

Pour notre part, nous estimons que faire peser cet apprentissage sur le compte personnel de formation du salarié ne revient pas à poser le problème dans les bons termes. C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.

Mme Maryvonne Blondin. Je voudrais aussi apporter mon témoignage, comme vous l’avez fait, monsieur le ministre, sur les salariés de Gad. Nous avons été fort surpris de constater que beaucoup d’entre eux ne savaient plus lire et encore moins écrire. Cette formation doit pouvoir être assurée et, dès lors, la suppression de l’alinéa 30 n’est pas pertinente.

Vous évoquiez tout à l'heure, madame Cukierman, les consignes de sécurité pour les salariés. Sachez que, chez Gad, ces consignes prenaient la forme de pictogrammes, afin de contourner la difficulté posée par l’illettrisme. Ainsi, sans que cette solution soit pleinement satisfaisante, les consignes de sécurité étaient tout de même respectées.

Nous devons néanmoins nous efforcer de faire en sorte que ces sites industriels ne recourent plus à de tels biais. Pour se former à un nouvel emploi, il faut d’abord apprendre à lire et à écrire !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Il me semble que nos collègues communistes ne contestent nullement la réalité de la situation que vous décrivez, mais ils vont plus loin en refusant que le compte personnel de formation serve à combattre l’illettrisme. Car enfin, s’il s’agit de combattre l’illettrisme, c’est un grand plan national qu’il faut mettre en place !

Nous ne savons pas encore ce que sera ce socle de connaissances et de compétences : nous devons attendre le décret. Toutefois, je partage l’idée selon laquelle il ne revient pas au CPF de permettre aux salariés d’acquérir les connaissances essentielles – lire, écrire, compter –, car l’illettrisme est un problème social, collectif, et non individuel. Il serait même malheureux qu’une personne en vienne à utiliser son compte personnel de formation pour apprendre à lire et à écrire !

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Je voudrais remercier M. le rapporteur et M. le ministre de l’immense compréhension dont ils font preuve à l’égard de mon amendement. Il s’agit, ont-ils expliqué, d’un bon amendement, justifié, dont la portée est importante,… mais qui ne mérite pas d’être retenu car il irait trop loin ! (Sourires.)

En d’autres termes, je suis beaucoup compris, mais peu écouté !

Monsieur le ministre, je regrette que le non-cumul strict des fonctions et des mandats ne vous permette plus d’être le président de la région Centre ; sans doute ce dernier aurait-il accueilli différemment mon amendement. (Nouveaux sourires.)

Devant autant de compréhension… et d’ingratitude, je vais retirer mon amendement, en espérant bénéficier d’un peu plus de mansuétude pour les suivants.

M. le président. L’amendement n° 279 est retiré.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'amendement n° 194.

Mme Laurence Cohen. La lutte contre l’illettrisme est un sujet important, qui nous rassemble. C’est plutôt sur la manière d’y remédier que nos opinions diffèrent.

Ma collègue Cécile Cukierman a fort bien présenté notre position, mais je tiens à la réaffirmer pour éclairer le sens de notre amendement.

Il existe effectivement un problème d’illettrisme, qui touche des populations diverses sur l’ensemble du territoire.

Dès lors, nous nous interrogeons : en prévoyant que les travailleurs ayant du mal à maîtriser les savoirs élémentaires – lire, écrire et compter – devront puiser dans leur compte personnel de formation pour les acquérir, ne leur inflige-t-on pas une forme de double peine ? Ne leur signifie-t-on pas que cette situation, loin d’être un problème de société résultant de facteurs nombreux, ne tient qu’à eux ?

Ne risque-t-on pas, en outre, de creuser encore les inégalités sociales ? En effet, si j’ai bien compris, un travailleur disposant d’un socle de compétences normal pourra se former davantage et accéder à des formations qualifiantes, alors que celui qui est en bas de l’échelle devra puiser dans son compte personnel pour acquérir des savoirs élémentaires, sans bénéficier d’aucune solidarité de la part de son employeur ni de la société.

En définitive, je trouve qu’on soulève une bonne question – certains salariés ne maîtrisent pas les connaissances élémentaires –, mais qu’on n’y apporte pas une bonne réponse.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. À propos d’un amendement aussi important, il faut être très précis. L’illettrisme n’est pas l’analphabétisme : l’analphabète ne sait pas déchiffrer, tandis que l’illettré sait lire, ou l’a su, mais ne comprend pas ce qu’il lit.

De fait, il est parfois difficile de reconvertir et de réinsérer dans la société certains travailleurs qui, ayant acquis la maîtrise de la lecture et de l’écriture durant leur scolarité primaire, l’ont perdue faute de pratique régulière pendant dix, quinze ou vingt ans ; ceux-là se retrouvent en grande difficulté lorsqu’ils doivent suivre une formation professionnelle pour retrouver leur place dans la société, par exemple après un licenciement.

À mes yeux, il est important que le principe de la formation tout au long de la vie soit compris des travailleurs, surtout de ceux qui n’ont pas reçu une formation initiale très solide ; nous devons faire preuve de pédagogie à leur égard pour qu’ils comprennent la nécessité de continuer, grâce à leur compte personnel de formation, à pratiquer la lecture et l’écriture, dont la maîtrise est la condition de toute reconversion professionnelle.

Monsieur le ministre, je pense même que, ultérieurement, nous pourrons envisager de donner à ceux qui n’ont pas eu une formation initiale très longue un compte de formation tout au long de la vie plus important qu’aux autres.

M. Jean Desessard. Bonne idée !

Mme Chantal Jouanno. Nous avons justement déposé un amendement qui le prévoit !

M. Alain Néri. Aujourd’hui, ce sont les moins formés qui bénéficient le moins de la formation continue. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous devons étudier la possibilité de donner aux plus défavorisés un temps de formation plus long. Donner plus à ceux qui ont eu moins, ce serait une mesure d’égalité !

Mme Chantal Jouanno. Absolument ! C’est de la discrimination positive !

M. François Patriat. C’est l’Évangile selon saint Néri ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. J’ai écouté avec intérêt les avis de M. le rapporteur et M. le ministre sur l’amendement n° 279, mais je n’ai pas été convaincu par les arguments qu’ils ont opposés au président du conseil régional de Bourgogne. Puisque, malheureusement, celui-ci a retiré son amendement, qu’il soit permis au premier vice-président du conseil régional d’Alsace de le reprendre !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 279 rectifié, présenté par M. Reichardt, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 279.

Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 225.

M. Jean Desessard. Dans quelques années, on se demandera comment nous avons pu voter un pareil dispositif !

M. le rapporteur fait valoir que le socle de connaissances et de compétences défini par les partenaires sociaux est distinct du socle en vigueur dans l’éducation nationale. Soit, mais allez expliquer aux citoyens qu’il y a deux socles, dont les noms sont quasiment les mêmes : le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, prévu à l’article L. 121-1-1 du code de l’éducation, et le socle de connaissances et de compétences, prévu ici, à l’alinéa 30.

Je sens que, pour comprendre en quoi consiste exactement la différence, il va falloir suivre une formation et entamer sensiblement le petit capital de son compte personnel ! (Sourires.)

Il y a quelques instants, monsieur le ministre, à propos d’un amendement de M. Cardoux, vous avez admis que le législateur pouvait ne pas s’en tenir strictement à ce que prévoit l’ANI. Il est vrai que le rôle du législateur est de dépasser la lettre pour s’attacher à l’esprit de l’accord.

Que les partenaires sociaux définissent un socle de connaissances et de compétences distinct de celui fixé par l’éducation nationale, et qui comporte des savoir-faire particuliers, fort bien ; mais le législateur peut parfaitement prévoir que ce socle inclut celui de l’éducation nationale.

Il serait tout de même plus simple de reprendre le socle de l’éducation nationale et de l’élargir par décret à des connaissances et des compétences qui correspondent au monde du travail. Ainsi, une personne qui a besoin d’acquérir des compétences élémentaires pourrait le faire. Au demeurant, je suis d’accord pour qu’on accorde un plus grand nombre d’heures à ceux dont la formation initiale est la plus faible.

Au lieu de cela, on s’apprête à établir une distinction entre deux socles dont les contenus sont très voisins, de surcroît en leur donnant des noms presque identiques : un socle culturel et un socle social. Dans quelques années, je le redis, on se demandera comment une telle aberration législative a pu être possible !

J’insiste : pourquoi ne pas reprendre le socle de l’éducation nationale et l’élargir aux compétences différentes qui sont nécessaires dans le monde du travail ? Toutes les formations seraient ainsi éligibles au compte personnel de formation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Monsieur Desessard, je tiens à dissiper tout malentendu, car l’enjeu est important : ce débat n’est pas théologique, et il ne s’agit pas seulement de savoir si nous sommes fidèles aux stipulations de l’ANI.

Dans la discussion générale, notre collègue Jean-Claude Carle a rappelé que 150 000 jeunes sortent chaque année de l’appareil scolaire sans diplôme ni qualification. En d’autres termes, une part importante de ceux qui arrivent sur le marché du travail ont été en situation d’échec scolaire. Voulez-vous vraiment, ceux-là, les replonger dans cette situation en les soumettant à nouveau au processus d’acquisition du socle de connaissances de l’éducation nationale ?

M. Jean Desessard. Je n’ai pas dit cela !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les partenaires sociaux souhaitent, au contraire, un socle qui soit en relation avec la pratique professionnelle que ces jeunes commencent d’acquérir. C’est pourquoi ce socle inclut notamment le travail en équipe, les connaissances bureautiques et la maîtrise d’une langue étrangère.

Ainsi défini, le processus de formation ne rappellera pas aux intéressés le cadre scolaire dans lequel ils ont été en échec. (M. Jean-Claude Carle acquiesce.) Il est important que ces jeunes passent à autre chose, et qu’ils aient une nouvelle chance dans un cadre différent de la scolarité traditionnelle !

M. Jean Desessard. Je suis bien d’accord !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Telle est, mon cher collègue, la raison du dispositif prévu par le projet de loi.

M. Jean Desessard. J’ai contesté les appellations des socles, qui sont presque les mêmes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 225.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 279 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :

Alinéa 32

Compléter cet alinéa par les mots :

ou par des licences ou certifications européennes

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 80 rectifié est présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet.

L'amendement n° 160 est présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 32

Compléter cet alinéa par les mots :

ou une partie de cette certification, sous réserve qu’elle soit clairement identifiée sur la fiche du répertoire correspondante

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié.

M. Jean-Noël Cardoux. L’amendement n° 80 rectifié, qui s’inscrit dans un objectif de simplification, tend à assurer aux bénéficiaires du compte personnel de formation un accès plus large aux formations qualifiantes. Il s’agit de leur permettre d’obtenir une certification en plusieurs séquences, un peu comme les étudiants de l’université acquièrent chaque année un degré supplémentaire d’une formation à tiroirs.

Le compte personnel de formation vise à permettre aux personnes de se former pour obtenir une qualification professionnelle reconnue, inscrite au répertoire national des certifications professionnelles.

Or les formations qualifiantes sont pour la plupart longues – elles durent environ 400 heures –, alors que le compte personnel de formation comprend 150 heures. Afin de prendre en compte cette contrainte pour le salarié, mais aussi les problèmes d’organisation des entreprises, nous proposons que, grâce à la procédure d’abondement, la certification puisse être acquise par séquences.

C’est pourquoi nous prévoyons de rendre éligibles au CPF les formations sanctionnées par une partie de certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles. Bien sûr, cette partie de certification devrait être décrite sur la fiche relative à celle-ci telle qu’elle est enregistrée au répertoire.

Avec un étalement dans le temps des formations, la mise en œuvre du CPF se trouverait facilitée, sans que soit dénaturé son objectif qualifiant, la vie des entreprises ne serait pas déséquilibrée et le salarié pourrait suivre une formation en plusieurs étapes.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 160.

Mme Chantal Jouanno. Je fais mien l’argumentaire de M. Cardoux, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 290, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 32

Compléter cet alinéa par les mots :

ou permettant d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire, visant à l’acquisition d’un bloc de compétences

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement vise à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements identiques nos 80 rectifié et 160, préoccupations qui sont d’ailleurs partagées par le député Gérard Cherpion, que j’ai aperçu tout à l’heure dans les tribunes.

Ces deux amendements identiques tendent à ouvrir le CPF à des certifications partielles. S’il s’agit d’une excellente initiative, la rédaction proposée ne me paraît pas suffisamment ajustée pour être acceptée. C’est pourquoi le Gouvernement présente l’amendement n° 290, dont l’objectif est identique, mais qui permet d’encadrer la notion de certification partielle, évitant ainsi le risque de dérive qui aurait pu tuer cette bonne idée.

Ainsi, le compte personnel pourra favoriser l’accès à des certifications partielles, capitalisables dans le temps, ce qui permettra d’accéder progressivement à une qualification complète.

À mes yeux, cet amendement répond très exactement et peut-être plus précisément aux préoccupations qui sont les vôtres, madame Jouanno, monsieur Cardoux. Je ne peux donc que vous demander de bien vouloir retirer vos amendements au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces trois amendements prévoient l’obtention, grâce au CPF, d’une partie de certification enregistrée au RNCP. C’est une idée intéressante, que je partage.

Mme Chantal Jouanno. Génial ! (Sourires.)

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous avons eu l’occasion de nous en expliquer, madame Jouanno.

Toutefois, la rédaction retenue par le Gouvernement me semble plus aboutie. Je vous propose donc de retirer vos amendements, madame Jouanno, monsieur Cardoux, de façon à permettre l’adoption de l’amendement n° 290, qui répond pleinement, me semble-t-il, à vos souhaits.

Mme Chantal Jouanno. Je retire l’amendement n° 160, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 160 est retiré.

En est-il de même s’agissant de l’amendement n° 80 rectifié, monsieur Cardoux ?

M. Jean-Noël Cardoux. Je salue l’esprit d’ouverture de M. le ministre et de M. le rapporteur, conforme à ce qu’ils ont affirmé à la fin de la discussion générale. Comme Mme Jouanno, je me range à la formulation proposée par M. le ministre et je retire également mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 80 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 290.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 293, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 33

Supprimer les mots :

au 3° de l'article L. 6314-1 et

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à supprimer une référence redondante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 293.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 195, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Compléter cet alinéa par les mots :

à l’exclusion des habilitations mentionnées au même alinéa

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. J’ai déjà évoqué cet amendement dans le cadre de l’examen de l’amendement n° 157, défendu par Mme Jouanno.

L’amendement n° 195 a pour objet d’exclure de la mobilisation du compte personnel de formation les habilitations mentionnées à l’article L. 335-6 du code de l’éducation.

En effet, ledit article fait simultanément référence aux certifications et aux habilitations. Si les certifications, du moins certaines d’entre elles, ont un caractère diplômant, ce n’est évidemment pas le cas des habilitations, lesquelles, par principe, ont une portée bien plus réduite. Avec les habilitations, il s’agit tout au plus de permettre aux salariés d’être plus performants sur leur poste de travail, de s’adapter à de nouvelles situations professionnelles et, parfois même, d’accéder à des formations en matière de sécurité.

Vous en conviendrez, mes chers collègues, rien ne justifie que les salariés soient de fait contraints de mobiliser des droits personnels pour assurer une formation qui relève logiquement de la responsabilité de l’employeur, et de lui seul.

Or il nous semble que l’alinéa 34 de l’article 1er crée une ambiguïté en la matière puisque, s’il ne fait référence qu’aux certifications, l’article du code de l’éducation auquel il renvoie mentionne également les habilitations.

Afin de lever toute incertitude en la matière, nous proposons d’exclure explicitement les habilitations des formations finançables par le biais du compte personnel de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’observation présentée par notre collègue Dominique Watrin m’a conduit à réfléchir, car elle pose une vraie question.

Il est vrai que l’habilitation n’est pas stricto sensu un processus qualifiant, comme c’est le cas, en particulier, du CPF. Néanmoins, elle peut permettre à quelqu’un de sortir d’une situation de chômage et de progresser dans sa vie professionnelle en effectuant une transition professionnelle, voire une reconversion. Il me semble donc difficile d’exclure l’habilitation du champ du CPF.

À mes yeux, nous ne pouvons guère avoir, sur cette question, de véritables certitudes et il y a sans doute là matière à débat. Toutefois, à ce stade, il me semblerait dommage d’interdire une telle possibilité. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 195.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Compléter cet alinéa par les mots :

ou engagées dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.

L'amendement n° 28, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 35

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les formations concourant à acquérir un socle de connaissances et de compétences dans les filières métiers de la transition écologique et énergétique, définies par décret après consultation du Conseil national de la transition écologique.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rendre éligibles au compte personnel de formation les formations dans les filières d’avenir de la transition écologique et énergétique. Ces « nouveaux métiers » peuvent être à la source de milliers d’emplois non délocalisables.

Afin d’engager la transition écologique de l’économie, il est nécessaire de favoriser un accès à la formation professionnelle dans ces filières. La liste des formations éligibles serait définie par décret, après consultation du Conseil national de la transition écologique, qui détient une forte expertise dans ce domaine.

Monsieur le rapporteur, afin d’éviter tout malentendu entre nous, je précise que je perçois parfaitement la différence entre le socle de l’éducation nationale, qui s’inscrit dans le cadre de la formation initiale, et le socle correspondant à des apprentissages plus pratiques, tournés vers l’entreprise. Je ne nie pas cette distinction, que je vous remercie d’ailleurs d’avoir rappelée.

Malgré tout, j’estime que l’utilisation quasiment des mêmes termes dans l’un et l’autre cas est source de confusion. C’est pourquoi il me semblerait préférable d’avoir recours à des termes nettement différents et explicites, tels que « socle de la formation professionnelle », pour bien marquer le distinguo avec le socle relevant de la formation initiale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je partage le sentiment de notre collègue Jean Desessard pour ce qui concerne l’enjeu que représente la transition écologique et énergétique. Bien sûr, il s’agit d’une problématique capitale pour notre économie, mais c’est aussi le cas de nombreux autres domaines. Vouloir s’engager dans un listage, qui serait nécessairement limitatif, ne me paraît pas opportun.

Pour toutes ces raisons, et sans nier la pertinence d’une telle proposition, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je comprends bien la logique que vous venez de développer, monsieur le rapporteur. Je comprends également la logique qui est la vôtre, monsieur le ministre, en vous ralliant à l’avis de M. le rapporteur. (Sourires.)

Pour autant, le compte personnel de formation – M. le ministre me démentira le cas échéant –, c’est 1 milliard d’euros sur un total de 32 milliards d’euros… On me fait comprendre que c’est un peu plus, mais la différence doit être marginale. En considérant que l’ordre de grandeur est bien celui-là, il reste tout de même 31 milliards d’euros !

Or, au cours de la discussion générale, vous nous avez rappelé que notre pays souffrait d’une inadéquation de la formation aux enjeux de demain. Il convient en effet de rendre les salariés aptes à travailler, compétitifs et qualifiés, ne serait-ce que pour qu’ils puissent trouver un emploi. Il s’agit donc de déterminer quelles filières sont porteuses d’avenir et créatrices d’emplois. Eh bien, c’est notamment le cas de la filière écologique !

Certes, on peut très bien ne pas partager ce point de vue. Mais je sais que vous le partagez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je sais que les socialistes embrassent également l’idée que la transition énergétique et écologique est une nécessité, qui devra s’imposer. Du reste, des écologistes ne sont-ils pas, avec des socialistes, au Gouvernement ? (Sourires.)

Ainsi, avec cet amendement, nous nous contentons de traduire ce que vous-mêmes avez dit. Nous croyons en l’avenir et nous sommes ensemble au Gouvernement pour le réussir. Nous proposons donc d’adapter la formation professionnelle et de faire en sorte que les salariés puissent occuper les postes de demain, ceux de la transition écologique. Et on nous répond que ce n’est pas possible… Cela pose tout de même un problème !

Comment réussirons-nous à réaliser cette adéquation entre la formation professionnelle et les métiers de demain que vous appelez vous-mêmes de vos vœux ? Vous nous dites qu’on ne peut pas le préciser ici parce qu’il serait vain de dresser une liste.

Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous m’avez indiqué très rapidement, ce dont je vous remercie, le nombre de personnes travaillant dans la formation professionnelle : 80 000. Puisque celle-ci mobilise au total 32 milliards d’euros, cela fait, en gros 400 000 euros par personne, même s’il faut aussi, évidemment, prévoir des locaux, etc.

Vous m’expliquez qu’il est n’est pas question de flécher le milliard d’euros du CPF vers la transition écologique et énergétique, par exemple. Mais quand pourrons-nous, au Parlement, discuter du fléchage de tout cet argent vers les formations qualifiantes pour ces métiers d’avenir ?

Vous me dites que, dans le cas présent, pour le CPF, ce n’est pas possible parce que la liste serait trop longue et nécessairement incomplète. Soit ! Pourtant, il ne s’agit que de 1 milliard d’euros ! Comment fera-t-on pour les 31 milliards d’euros restants ? Pourquoi discutons-nous de cette question aujourd'hui si nous n’avons pas de réponse, si nous ne fixons pas les axes permettant de tracer le devenir de la formation professionnelle ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Le risque, quand on ne répond pas précisément sur un amendement, c’est d’être interrogé de nouveau. Mais le risque que je prends maintenant en vous répondant, monsieur Desessard, c’est de vous relancer ! (Sourires.)

Je n’ironiserai pas sur le fait que vous voulez créer un troisième socle, le socle écologique…

M. Jean Desessard. Je suis assez d’accord… (Nouveaux sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Comme si deux socles ne suffisaient pas à la complexité du sujet !

Votre préoccupation quant à la valorisation des métiers et, donc, des formations dans les domaines écologique et énergétique, nous la partageons, et pas seulement parce que nous sommes ensemble au Gouvernement : nous la partageons par conviction. Nous l’avons d’ailleurs prouvé à l’Assemblée nationale, en acceptant, sur ce sujet, une série d’amendements déposés par M. Baupin sur différents articles du texte.

Simplement, il faut faire très attention. Nous traitons ici de la vocation généraliste et interprofessionnelle de la formation, ce qui n’empêchera pas, bien entendu, d’introduire par la suite des définitions plus précises, y compris pour évoquer les filières des métiers de la transition écologique et énergétique.

C’est la raison pour laquelle cet amendement ne paraît pas nécessaire, en particulier à cet endroit du texte. D’autres articles devraient vous permettre, monsieur Desessard, d’affirmer votre préoccupation d’une formation aux métiers de la transition écologique et énergétique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Carle et Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 35

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les formations visant à acquérir un socle de connaissances et de compétences défini par des branches professionnelles et donnant accès à une certification.

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la formation professionnelle ne bénéficie pas à celles et ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les moins diplômés, en particulier ceux qui ne maîtrisent pas même les fondamentaux et sont en situation d’illettrisme, voire d’analphabétisme, tels certains de ces salariés que vous avez rencontrés en Bretagne, monsieur le ministre. On observe de semblables situations dans de nombreux secteurs, notamment celui de la propreté.

Il se trouve que j’ai visité un centre de formation de Veolia, ce qui m’a permis de constater le travail remarquable qui est fait pour permettre à des gens qui sont très éloignés de l’emploi d’acquérir ces fondamentaux.

Certaines branches ont construit des référentiels des compétences clés en situation professionnelle, sur la base de celui qui est proposé par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme et la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

Le présent amendement vise à ce que les entreprises et les OPCA – organismes paritaires collecteurs agréés – puissent financer ces parcours par les dispositifs de périodes de professionnalisation et du compte personnel de formation. Il s’agit de faire en sorte que la formation professionnelle profite à ceux qui en ont le plus besoin et qui sont souvent les plus éloignés de l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Voilà un amendement dont je crains qu’il ne vienne brouiller un peu plus le débat concernant la définition des socles... (Sourires.)

Les formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences définies par les partenaires sociaux sont déjà, par principe, éligibles au compte. Certaines branches, comme celle de la propreté, que vous avez citée, ont défini leur propre socle. Le présent article ne fait pas disparaître les socles propres à ces branches et celles-ci pourront continuer à les financer.

À titre personnel, je ne suis pas convaincu que le compte personnel de formation, qui, comme cela a été rappelé tout à l’heure, doit relever de l’initiative du salarié, en soit le financeur approprié. Un tel socle me paraît ressortir à l’adaptation au poste de travail et donc sans doute davantage au plan de formation.

Reconnaissons que ce point fait débat puisque, en commission, on a enregistré une égalité de voix. C’est ce qui me conduit à m’en remettre, en son nom, à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. N’étant pas confronté à ce problème d’égalité des voix, je peux, moi, dire que le Gouvernement dans son ensemble est défavorable à cette mesure. (Sourires.)

D’emblée, quand il a été question de deux socles, certains ont trouvé que c’était déjà beaucoup. Néanmoins, il a ensuite été proposé d’en créer un troisième : le socle écologique. Maintenant ce sont potentiellement 700 socles supplémentaires qui sont envisagés, puisqu’il existe 700 branches professionnelles. Bien sûr, monsieur Carle, ce n’est pas ce que vous proposez. Vous avez d’ailleurs cité les bons exemples, ceux des branches où le travail entre les partenaires sociaux a d’ores et déjà permis de définir un certain nombre d’éléments de base nécessaires à l’exercice d’une profession.

Comme je le disais tout à l'heure à M. Desessard, je préfère que l’on maintienne ce qu’ont prévu les partenaires sociaux, c’est-à-dire un socle généraliste. Il appartiendra ensuite à chaque branche de le préciser en proposant l’inscription des formations en question dans les listes qui sont prévues à cet effet et dont nous parlerons dans quelques instants.

C’est donc au nom du « choc de simplicité » que je demande au Sénat de rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Carle. Je n’entrerai pas dans la guerre des socles, entre celui de l’éducation nationale, celui du CPF, celui des branches. Ce qui compte, c’est que ces salariés qui éprouvent des difficultés à trouver un emploi parce qu’ils ne maîtrisent pas les fondamentaux puisent en trouver un. Cet amendement va dans ce sens.

Alors, c’est vrai, il faudra ensuite simplifier. Je rappelais tout à l’heure que le système de formation professionnelle devait compenser les insuffisances de l’éducation nationale. Il faut bien reconnaître que le socle de connaissances n’est peut-être pas parfaitement adapté aux besoins des entreprises.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. J’avoue que l’argumentation de M. le rapporteur et de M. le ministre me laisse assez perplexe si je compare leurs propos à ceux qui ont été tenus précédemment en réponse à M. Desessard.

Monsieur le rapporteur, vous avez notamment expliqué qu’intégrer dans le compte personnel de formation les mêmes enseignements que ceux qui ont été dispensés quelques années auparavant par l’éducation nationale, au risque de reproduire in fine les mêmes échecs, n’était pas souhaitable. Ce que propose Jean-Claude Carle est tout à fait différent : il propose précisément de remettre à niveau des gens qui étaient en situation d’échec scolaire, mais parallèlement à une formation qualifiante, afin de leur permettre d’acquérir le minimum de connaissances nécessaire pour entrer dans la vie active, de choisir un métier que les branches auront choisi de développer.

Monsieur le rapporteur, je vous opposerai un contre-argument. Vous nous dites que ces jeunes seraient été dégoûtés de vivre un second échec ; a contrario, les formateurs auront réussi à motiver ceux à qui ils auront démontré la corrélation qui existe entre une formation qualifiante débouchant sur une activité rémunératrice et permettant de rentrer dans la vie active après une nécessaire remise à niveau de leurs connaissances de base en orthographe, en lecture et en compréhension. Voilà la vérité !

Il nous est arrivé à tous – à moi le premier –, lorsque nous étions encore sur les bancs de l’école, de nous demander pourquoi on nous enseignait telle ou telle matière, à quoi telle compétence pourrait bien nous servir par la suite. C’est là que le décrochage peut survenir. En revanche, si l’intéressé se rend compte que l’amélioration de ces savoirs de base qu’il n’a pu acquérir suffisamment au cours du premier cycle peut déboucher sur une formation qualifiante qui assurera son entrée dans la vie active, alors, ce compte personnel de formation s’avérera utile.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Même si l’on tourne toujours un peu autour de la même problématique, la proposition qui est faite est plutôt régressive et j’approuve ce qu’a dit M. le rapporteur sur cette question. Une fois de plus, la démonstration paraît faite que le socle commun de compétences et de connaissances peut être variable d’une branche professionnelle à l’autre. Aussi, on ne peut que s’interroger une fois encore sur le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Par ailleurs, cet amendement témoigne de ce que nous avons dénoncé au cours de nos précédentes interventions, à savoir que le socle commun de compétences répond effectivement à un besoin légitime du salarié pour son épanouissement personnel, mais également et surtout aux besoins des employeurs et des entreprises. La preuve en est qu’il est proposé que ce soient notamment les employeurs qui définissent les compétences minimales devant composer ce socle. Or, si ces connaissances sont indispensables, elles doivent être acquises au plus vite et sans condition : elles relèvent donc, comme l’a souligné le rapporteur, spécifiquement des plans de formation de l’entreprise, non du CPF. Celui-ci, pour être utilisé, implique une démarche volontaire du salarié.

Cela suppose d’ailleurs que ce dernier ait acquis suffisamment de droits pour obtenir sa formation. Car une autre question, dont il n’a pas été fait état, entre en ligne de compte : seul le salarié qui a acquis suffisamment de droits peut avoir accès à une formation ; celui qui n’en a pas acquis n’y a pas accès.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 35

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les formations imposées à titre personnel par la réglementation au titre d’une obligation de formation conditionnant la poursuite de leur exercice professionnel.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a introduit une obligation de développement professionnel continu – DPC – des professionnels médicaux et paramédicaux.

Les seuls financements prévus pour le DPC sont exclusivement réservés aux médecins et aux professionnels libéraux. Jusqu’à présent, les professionnels médicaux ou paramédicaux salariés pouvaient réaliser leur obligation de DPC en mobilisant les droits acquis au titre du DIF. La suppression de celui-ci entraîne une impossibilité pour le professionnel de santé de mobiliser les heures de son « compteur » du compte personnel de formation pour remplir son obligation annuelle de DPC. Cet amendement a pour objet de pallier cette impossibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit là toujours du même débat et je me retrouve pleinement dans les propos que Mme Cohen a tenus à l’instant.

Il est question, dans cet amendement, de l’éligibilité au CPF des formations liées au développement professionnel continu des professionnels médicaux et paramédicaux salariés.

Le champ du CPF, tel qu’il a été défini par les partenaires sociaux, est bien la formation qualifiante. Il convient de ne pas perdre de vue cet enjeu, car l’accès limité à des formations qualifiantes est l’une des principales lacunes de l’actuel système français de formation professionnelle. C’est la raison pour laquelle, en commission, j’ai indiqué qu’il ne me semblait pas opportun de l’élargir au DPC. Toujours est-il que celle-ci s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Les raisons qu’a avancées M. le rapporteur, avant de devoir émettre un avis de sagesse, me permettent de donner, au nom du Gouvernement, qui n’est pas confronté à un problème d’égalité de votes, un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 196, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 35

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les formations mentionnées aux 3° et 4° qui ne sont pas enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles doivent être conformes à des normes de qualité définies par décret. Elles font l’objet d’une évaluation triennale réalisée selon des modalités fixées par décret.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de notre amendement précédent.

En effet, l’article L. 6323-6 du code du travail, tel qu’il résultera sans doute de l’adoption de ce projet de loi, précise les formations qui sont éligibles au compte personnel de formation et qui, par voie de conséquence, pourront être financées par la mobilisation des heures accumulées sur ce compte.

Si les certifications enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles ne nous inquiètent pas quant à leur qualité, nous avons quelques craintes s’agissant des formations mentionnées au 3° et 4° de ce même article, à savoir les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l’État et créés après avis d’une instance consultative paritaire, qui y figurent de droit, ainsi que certains certificats de qualification professionnelle.

En effet, bien que certaines d’entre elles soient soumises à un avis de la Commission nationale de la certification professionnelle, l’exigence de qualité que nous souhaitons accorder à ces formations, dans l’intérêt des salariés, nous conduit à proposer qu’elles répondent à des normes de qualité arrêtées par décret.

Afin de ne pas figer la situation, et pour que les formations puissent évoluer dans le temps, de manière à assurer aux stagiaires en formation professionnelle des formations toujours plus utiles et actualisées, nous proposons que ces normes, comme les formations, fassent l’objet d’une évaluation triennale.

M. le président. L'amendement n° 239 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Hue, Mazars, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 36

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 6323-6-1. – Les formations mentionnées aux 3° et 4° du II de l’article L. 6323-6 qui ne sont pas enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles doivent être conformes à des normes de qualité définies par décret. Elles font l’objet d’une évaluation triennale réalisée selon des modalités fixées par décret.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Nous le savons bien, si la plupart des formateurs accomplissent leur tâche avec honnêteté, la profession compte aussi des brebis galeuses. Les témoignages de salariés ou d’entreprises qui ont fait appel à des formateurs totalement incompétents – pour ne pas dire plus – sont malheureusement encore trop nombreux.

Aussi cet amendement vise-t-il à garantir la qualité et le sérieux des formations qui ne sont pas inscrites au répertoire national des certifications professionnelles, notamment leur caractère qualifiant, et à prévoir un processus d’évaluation.

M. le président. L'amendement n° 277 rectifié, présenté par M. Patriat et Mme D. Gillot, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 36

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 6323-6-1. – Les formations mentionnées aux 3° et 5° du II de l’article L. 6323-6 qui ne sont pas enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles doivent être conformes à des normes de qualité définies par décret. Elles font l’objet d’une évaluation quinquennale réalisée selon des modalités fixées par décret.

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Cet amendement étant quasi identique à celui que vient de défendre Mme Laborde, je considère qu’il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ces amendements ont pour objet d’introduire un critère de qualité obligatoire pour les formations éligibles au CPF et qui ne sont pas inscrites au RNCP.

Ce n’est pas parce que des formations ne sont pas inscrites à ce registre qu’elles ne font l’objet d’aucun contrôle. Je rappelle – et nous y reviendrons plus tard – que les régions exercent un contrôle sur les formations figurant au plan régional de formation. Il en va de même pour Pôle emploi et les services du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Je pense d’ailleurs que M. le ministre pourra apporter aux auteurs de ces amendements toutes assurances sur la réalité et l’effectivité de ces contrôles, sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter une obligation spécifique.

Voilà pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Nous sommes un peu dans la ligne de la discussion que nous avons eue avec Mme Jouanno sur l’amendement n°157, dont l’adoption aura pour effet de renforcer les contrôles par le biais d’un agrément portant sur toutes les formations, et pas seulement sur celles qui seront comptabilisées dans le compte personnel de formation.

C’est la même préoccupation qui s’exprime à travers ces trois amendements : celle de la qualité des formations et de la capacité à en vérifier la conformité à des normes définies par décret. Je pense que l’amendement que je présenterai après l’article 3 permettra de répondre à cette préoccupation.

Oui, madame Laborde, il existe effectivement des formateurs de piètre qualité, qui dispensent de pseudo-formations s’avérant totalement inutiles, bien qu’elles puissent être très onéreuses pour l’entreprise. C’est pourquoi il serait bon que l’entreprise ait, de son côté, un peu conscience de la nécessité de ne pas dépenser en vain son argent.

Du reste, la suppression de l’obligation de dépenser, qui aboutissait parfois à un gâchis épouvantable, incitera les entreprises à se préoccuper de la qualité de la formation.

Le défaut des trois amendements proposés, et dont l’origine est de caractère universitaire, puisque les formations délivrées par les universités sont toutes obligatoirement inscrites au RNCP, est de préjuger que l’enregistrement d’une formation au RNCP est un gage de qualité, ce qui jette le soupçon sur les formations qui n’y figurent pas.

Je ne pense pas que ce soit la bonne réponse aux préoccupations sur la qualité des formations. Il faut des mécanismes de contrôle renforcés, et ce sera l’objet de l’amendement que je vous proposerai.

Au bénéfice de ces explications, j’invite les auteurs de ces amendements à bien vouloir les retirer, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 239 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 277 rectifié n’a plus d’objet.

L'amendement n° 238 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Hue, Mazars, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 36

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... – Les formations des marins délivrées en application de la convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille sont également éligibles au compte personnel de formation, dans des conditions fixées par décret.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L’article 1er pose les principes généraux du compte personnel de formation au titre duquel les nouveaux droits acquis sont attachés et ouverts à la personne du salarié dès son entrée dans la vie professionnelle et jusqu’à sa retraite.

Cet amendement a pour objet de compléter l’article relatif aux formations éligibles au compte personnel de formation pour que les marins puissent conserver leur employabilité tout au long de leur carrière.

Les marins sont soumis à des obligations spécifiques en matière de formation déterminées par la convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille. Cette convention impose notamment d’importantes obligations en matière de revalidation quinquennale des titres, brevets et certificats dont doivent être titulaires les marins pour pouvoir exercer leur métier et qui peuvent varier selon le type de navigation.

Nous souhaitons que les exigences de formation imposées aux marins par la convention internationale de 1978 puissent être éligibles au compte personnel de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Madame Laborde, vous proposez de rendre la formation des marins éligible au compte personnel de formation.

Le compte personnel de formation, que le salarié peut mobiliser à son initiative, ainsi que nous l’avons maintes fois souligné, n’a pas vocation à permettre de suivre les formations nécessaires à l’adaptation au poste de travail, car il ne s’agit pas alors d’un processus qualifiant. Il ne me paraît pas justifié de faire une exception pour les marins, quelle que soit l’estime que nous leur portons.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 197, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette durée complémentaire n’est pas prise en compte pour le calcul du plafond mentionné à l’article L. 6323-10.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. En l’état actuel du projet de loi, le compte personnel de formation est soumis à un plafond au-dessus duquel le salarié ne peut plus accumuler aucun droit.

Ce plafond, qui a été fixé à 150 heures, nous paraît insuffisant pour garantir aux salariés – notamment les plus éloignés de leur formation initiale ou ayant une formation initiale limitée – l’accès à des formations qui soient réellement qualifiantes.

Tenant compte de cette réalité, le projet de loi intègre le CPF dans le droit à la formation initiale différée, reconnu par l’article L. 122-2 du code de l’éducation. Ainsi, tout jeune sorti du système éducatif sans diplôme pourra bénéficier d’une durée complémentaire de formation qualifiante qui sera mentionnée dans le CPF.

Or, à la différence de ce qu’il en est pour certains droits également mentionnés dans le CPF, le projet de loi ne précise à aucun moment si cette durée complémentaire est ou non prise en compte dans la détermination du plafond de 150 heures.

Partant de ce constat et considérant que tout doit être mis en œuvre pour accroître les droits à la formation de celles et ceux qui en ont le plus besoin – préoccupation, qui, je le crois, est partagée sur toutes les travées –, nous demandons que la loi précise clairement que cette durée complémentaire, qui est une chance pour les jeunes salariés en manque de formation initiale, ne doit pas être prise en compte dans la détermination du plafond d’heures pouvant être cumulées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cette précision me paraît très utile, car elle lève tout malentendu. L’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. C’est en effet une précision tout à fait bienvenue : avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 197.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 294, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 38, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et sur les abondements complémentaires susceptibles d'être sollicités

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer l’information des titulaires d’un compte personnel de formation en prévoyant que le service dématérialisé géré par la Caisse des dépôts devra pouvoir les renseigner sur les abondements complémentaires – de l’État, de la région, de l’OPCA, de Pôle emploi, etc. – auxquels ils pourront faire appel, selon leur situation professionnelle, s’ils souhaitent financer une formation dépassant 150 heures.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 198, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 40

Après les mots :

et de compétences,

insérer les mots :

consultable exclusivement par le bénéficiaire,

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Les alinéas 39 et 40 de l’article 1er prévoient la création d’un « système d’information du compte personnel de formation » qui permet au titulaire de « disposer d’un passeport d’orientation, de formation et de compétences, qui recense les formations et les qualifications suivies » ainsi que « les acquis de l’expérience professionnelle ».

Cet alinéa ne précise à aucun moment si l’employeur a accès à ce passeport de formation ou si son usage est strictement réservé au titulaire du compte. Ce silence nous paraît être source de difficultés potentielles pour les salariés car, si d’aventure l’employeur y avait accès, il disposerait de moyens de pression sur son personnel. Cela ne nous semble pas acceptable.

Le passeport peut être un outil intelligent au service des salariés pour qu’ils puissent retracer leur parcours professionnel, consulter leur acquis de compétences et disposer de la validation de leurs formations. Ils pourront également y consulter les formations éligibles et se renseigner sur celles-ci.

En revanche, ce passeport ne doit pas pouvoir être un outil permettant aux employeurs de discriminer les salariés, soit dans leur progression professionnelle, soit dans l’accès à de nouvelles formations, ou tout simplement dans l’accès à l’emploi. C’est pourquoi il nous semble important de préciser que seuls les salariés peuvent accéder à ce passeport.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, vous proposez que le passeport d’orientation, de formation et de compétences ne soit consultable que par le salarié. C’est une bonne disposition, qui permet en particulier de protéger absolument la vie privée. Pour cette raison précise, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Une fois encore, le Gouvernement émet un avis favorable sur un amendement du groupe CRC. Les précisions ici proposées sont extrêmement utiles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 199, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 42

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 6323-8-1. – Tous les ans, à compter du 1er juin 2015, le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle remet au Parlement un rapport évaluant, la mise en œuvre et l’utilisation du compte personnel de formation.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Sur l’initiative de députés, l’Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que le « Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles assure l’évaluation de la mise en œuvre et de l’utilisation du compte personnel de formation et la rend publique par un rapport présenté au Parlement ».

Cette disposition nous semble particulièrement importante dans la mesure où l’évaluation des politiques publiques en matière de formation professionnelle est de nature à garantir aux publics concernés, c’est-à-dire aux salariés, des dispositifs performants.

Pour autant, la rédaction actuelle ne nous satisfait que partiellement en ce qu’elle ne précise pas le cadre dans lequel ce rapport sera remis. En particulier, elle n’indique pas la date de remise du premier rapport et ne précise pas si celui-ci sera unique, occasionnel ou régulier.

Afin de remédier à ces imprécisions, nous proposons une nouvelle rédaction de cet alinéa, prévoyant que le premier rapport est rendu public à compter du 1er juin 2015, puis est publié tous les ans, afin que la représentation nationale et les partenaires sociaux disposent d’éléments complets et récents sur le nombre de formations proposées et réalisées, leur nature et les conditions d’utilisation du compte personnel de formation.

Nous bénéficierons ainsi d’informations précises et précieuses pour, le cas échéant, faire évoluer le dispositif légal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mme Cohen nous propose un rythme annuel pour la présentation de ce rapport. Cela nous semble une précision utile, et l’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’ai plaisir à donner aussi un avis favorable sur cet amendement de Mme Cohen.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 201, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 48

Supprimer deux fois les mots :

à temps complet

II. – Alinéa 49

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’alinéa 49 de l’article 1er dispose : « Lorsque le salarié n’a pas effectué une durée de travail à temps complet sur l’ensemble de l’année, l’alimentation [de son compte personnel de formation] est calculée à due proportion du temps de travail effectué. » Il prévoit donc une proratisation des heures travaillées prises en compte pour la formation lorsque celles-ci sont effectuées dans le cadre d’un contrat à temps partiel.

En fait, le dispositif qui nous est proposé n’est pas particulièrement innovant, car il reprend une contrainte injuste que la gauche avait, dans son ensemble, dénoncée lors de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie en 2009.

Pour notre part, nous demeurons opposés à toute distinction entre travail à temps complet et travail à temps partiel. Selon la logique qui sous-tend le présent texte, parce qu’un salarié travaillerait moins, il aurait un moindre accès à la formation, son compte personnel de formation étant alimenté au prorata des heures travaillées.

Cette disposition s’avère totalement injuste et inefficace pour mener à bien une réforme visant à la sécurisation de la formation professionnelle pour tous les publics, comme entend s’y employer le Gouvernement. En effet – nous avons déjà eu l’occasion de le signaler –, ce sont les salariés à temps partiel qui souffrent le plus d’un déficit de formation, car ils exercent les emplois les plus précaires et les plus fragilisés.

Par ailleurs, selon les chiffres de l’INSEE de 2012, près de 80 % des contrats à temps partiel sont conclus par des femmes. Proratiser l’alimentation du compte personnel de formation revient donc à complexifier l’accès des femmes non qualifiées à la formation. Or seulement 29 % des salariées peu qualifiées ont accès à la formation, contre 81 % de leurs collègues cadres, d’après les chiffres du Centre d’études et de recherches sur les qualifications. En outre, nombre de ces femmes peu qualifiées travaillent à temps partiel. Contrairement à leurs collègues qualifiées, elles ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour déléguer une partie de leur charge familiale, et leurs contraintes personnelles sont un frein au suivi d’une formation. Leur permettre de créditer leur compte personnel de formation dans les mêmes conditions que leurs homologues à temps complet, c’est leur offrir une possibilité réelle d’émancipation par le travail et la qualification.

Nous nous opposons donc à la proratisation et, au travers de cet amendement, proposons de la supprimer, afin de permettre aux salariés exerçant une activité à temps partiel d’accumuler des droits à la formation identiques à ceux des salariés à temps plein et de sécuriser leur parcours professionnel. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 200, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 48

Supprimer les mots :

jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures, puis de douze heures par année de travail à temps complet, dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’alinéa 48 dispose : « L’alimentation du compte personnel de formation se fait à hauteur de vingt-quatre heures par année de travail à temps complet, jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures, puis de douze heures par année de travail à temps complet, dans la limite d’un plafond total de 150 heures. »

Les membres du groupe CRC s’opposent à la limitation des droits à la formation par la fixation d’un plafond d’acquisition des droits, d’autant que, en dépit des modifications et améliorations apportées par l’Assemblée nationale, l’obtention d’un quota raisonnable d’heures de formation prend, vous en conviendrez, beaucoup de temps – il faut à peu près sept ans pour alimenter un compte de 150 heures –, alors que la durée des formations réellement qualifiantes, on le sait, est rarement inférieure à 150 heures.

L’instauration d’un tel plafond compliquerait encore davantage la possibilité de suivre une formation réellement qualifiante sans avoir recours à des abondements extérieurs, lesquels complexifient l’accès à la formation pour tous les publics et entraînent des inégalités de traitement, alors que, précisément, le droit à la formation devrait s’inscrire dans un service public national, garant de l’égalité des droits.

Nous ne pouvons accepter que figurent dans la loi des conditions qui restreignent le droit effectif à la formation pour toutes et tous. Or tel est le cas de cette disposition, qui réduit les possibilités pour les salariés de capitaliser les heures de formation sur leur compte durant de longues années pour enfin, quand ils le souhaitent, avoir accès à une formation longue et qualifiante.

Au même titre que la gestion du contenu du compte personnel de formation est laissée à l’initiative personnelle du salarié, la gestion de la formation continue via ce compte devrait aussi, selon nous, être laissée à son appréciation, et cela dans la durée.

C’est pourquoi nous souhaitons supprimer la mention d’un plafond total de 150 heures.

M. le président. L'amendement n° 240 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Hue, Mazars, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 48

Après les mots :

puis de

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

vingt-cinq heures par année de travail à temps complet et à temps partiel jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent cinquante heures.

II. – Alinéa 49

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La plupart des salariés à temps partiel occupent des emplois précaires, sont souvent très peu qualifiés et surreprésentés parmi les travailleurs percevant de bas salaires. Contrairement à ce que certains chefs d’entreprise prétendent, les activités à temps partiel ne constituent pas un mode d’intégration dans le marché du travail pour les catégories qui en sont le plus éloignées. Malheureusement, elles s’installent trop souvent dans la durée. Or ce sont précisément les salariés qui les exercent qui ont le plus besoin de se former.

Le présent amendement vise tout simplement à permettre aux salariés à temps partiel d’alimenter leur compte personnel de formation de la même façon que les salariés à temps plein : ils pourraient ainsi atteindre les 150 heures en six ans.

M. le président. L'amendement n° 156, présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 48

Supprimer les mots :

, dans la limite d'un plafond total de cent cinquante heures

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. La portée politique de cet amendement, qui, je le précise, est lié à l’amendement n° 155 que nous présenterons ultérieurement, est importante. Nous tenons à ce projet de loi, mais la notion de « plafond-socle », ainsi que vous l’appelez, qui serait commun à tous les salariés est assez compliquée à comprendre et soulève des difficultés.

En effet, 150 heures, ce sera beaucoup pour les cadres ou les salariés dont le niveau de qualification est élevé. Plus de 68 % des cadres bénéficient de formations. De plus, 75 % de ces formations sont inférieures à 20 heures, selon les données de l’INSEE du mois d’octobre 2013.

À l’inverse, ce plafond sera trop bas pour les salariés les moins qualifiés, tout particulièrement les demandeurs d’emploi qui, eux, ont peu accès à la formation professionnelle, puisque les fonds qui leur sont destinés ne représentent que 12 % du montant total alloué à la formation. En outre, selon les chiffres relatifs au CIF-CDD, dans 52 % des cas, les formations sont supérieures à 800 heures.

Certes, ce plafond-socle pourra être abondé, mais ce sera au cas par cas.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer dès maintenant ce plafond-socle de 150 heures. Lors de l’examen de l’amendement n° 155, nous suggèrerons de constituer le CPF de manière différenciée en fonction du niveau de qualification initiale des salariés.

M. le président. L'amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Alinéa 48

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce plafond est porté à deux cent cinquante heures pour les demandeurs d'emploi et les titulaires du revenu de solidarité active.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Notre amendement est plus modeste que celui que vient de présenter Chantal Jouanno, puisqu’il vise simplement à porter de 150 à 250 heures le plafond d’alimentation du compte personnel de formation pour les demandeurs d’emploi et les titulaires du revenu de solidarité active.

Je ne reviendrai pas sur les besoins évidents de formation des personnes éloignées de l’emploi, et il n’est pas certain que le plafond de 250 heures soit suffisant, même s’il est bien plus satisfaisant que celui de 150 heures.

J’insisterai plutôt sur le procédé que nous préconisons.

Bien sûr, il n’est pas question d’augmenter les charges des entreprises. Mais nous le verrons dans la suite de l’examen du présent texte, un abondement est prévu, essentiellement assuré par trois grands acteurs suivants : Pôle emploi, les régions et les entreprises.

Lors des travaux de la commission, M. le rapporteur a affirmé que, par définition, les demandeurs d’emploi pouvaient difficilement alimenter leur compte de formation, lequel devait de toute façon être plafonné à 150 heures. Je ne pense pas que ce soit une vue de l’esprit.

Comme j’y ai déjà fait référence, bien souvent, les demandeurs d’emploi de longue durée sont des salariés âgés ayant fait l’objet de licenciements économiques en raison de la brusque fermeture de l’entreprise dans laquelle ils travaillaient. L’actualité récente en témoigne régulièrement. Ces salariés, en raison de la longue durée de leur carrière, ont pu parfaitement capitaliser un quota d’heures supérieur au plafond de 150 heures. Par conséquent, il serait judicieux de leur permettre de comptabiliser ces heures et de les utiliser pour retrouver un emploi à la suite d’une formation qualifiante pouvant dépasser les 150 heures.

En outre, l’adoption du présent amendement leur éviterait un véritable parcours du combattant, car, actuellement, au-delà de ce plafond, de nouvelles formalités administratives doivent être effectuées auprès des régions, formalités complexes et rébarbatives pour des personnes éloignées de l’emploi.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Demontès, Génisson, Schillinger, Printz, Alquier, Campion, Claireaux, Emery-Dumas, Ghali et Meunier, MM. Labazée, Cazeau, Daudigny, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Poher, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Sauf accord de branche ou d’entreprise prévoyant l’alimentation du compte selon les modalités définies à l’alinéa précédent, lorsque le salarié

La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. L’article 15 de l’accord national interprofessionnel dispose : « [Le] crédit d’heures est calculé à due proportion du temps de travail sur la base de 20 heures par an pendant les six premières années, puis 10 heures par an pendant les trois années suivantes pour les bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée à temps plein, soit 150 heures en neuf ans. »

À la suite de l’adoption d’un amendement déposé par sa commission des affaires sociales, l’Assemblée nationale a modifié le dispositif de la façon suivante : la base de calcul est deux heures par mois, soit 24 heures par an, jusqu’à 120 heures, puis une heure par mois, soit 12 heures par an jusqu’à 150 heures. Par conséquent, le plafond de 150 heures serait atteint en sept ans et demi et non en neuf ans.

Faut-il améliorer encore le système ? Oui, manifestement.

À ce propos, les amendements que nous examinons soulèvent deux questions.

Tout d’abord, faut-il supprimer ou élever le plafond, ce qui reviendrait à limiter l’abondement, voire à en exonérer les institutions et organismes divers cités dans le projet de loi, mais aussi les employeurs ?

On peut imaginer qu’ainsi, en dix ou quinze ans, les salariés ou les demandeurs d’emploi atteindront le nombre d’heures nécessaire à une formation qualifiante. Mais c’est oublier les évolutions technologiques rapides, les besoins des entreprises et la volonté des salariés d’améliorer leur situation professionnelle ou simplement de décrocher un emploi.

De surcroît, s’agissant des demandeurs d’emploi et des allocataires du RSA, qui va financer et abonder le compte ?

La seconde question concerne les salariés à temps partiel. À 80 % des femmes, ce sont souvent eux qui ont le plus besoin de formation – tous les orateurs l’ont évoqué lors de la discussion générale. Ils subissent fréquemment cette situation de temps partiel. Faible qualification, travaux pénibles, bas salaires, horaires décalés, conditions de vie difficiles : c’est la multiple peine !

Le Parlement, notamment le Sénat, doit jouer pleinement son rôle. Nous ne pouvons pas nous contenter de valider l’accord des partenaires sociaux – un consensus s’est dégagé sur ce point sur l’ensemble de nos travées – et les députés ont d’ailleurs décidé d’accélérer le rythme d’acquisition des heures.

S’agissant du temps partiel, l’ANI comporte une faiblesse, car il ne prend pas en compte les difficultés spécifiques des salariés concernés.

C’est la raison pour laquelle nous proposons, par le biais de l’amendement n° 8 rectifié, que des accords de branche et d’entreprise puissent prévoir une alimentation du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel selon des modalités semblables à celles qui sont applicables aux salariés à temps complet.

Nous entendons ainsi rétablir l’égalité entre les salariés en matière de formation, empêcher une discrimination qui frappe une nouvelle fois surtout les femmes et, enfin, favoriser le développement du dialogue social au sein des branches et des entreprises.

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Après le mot :

année

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

: s’il a effectué une durée de travail au moins égale à vingt-quatre heures par semaine, l’alimentation est calculée à la hauteur de vingt-quatre heures par année de travail jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures puis de douze heures par année de travail dans la limite d’un plafond de cent cinquante heures ; s’il a effectué une durée de travail inférieure à vingt-quatre heures par semaine, l’alimentation est calculée, arrondie à l'heure supérieure, à due proportion du temps de travail effectué avec un minimum de six heures par an.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à favoriser l’alimentation du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel.

Le CPF représente, je le disais tout à l’heure, un milliard d’euros sur les 32 consacrés à la formation professionnelle. On m’a dit que ce chiffre n’était pas tout à fait exact, mais n’ayant pas obtenu de précision supplémentaire, je conserve mes données. Donc 31 milliards d’euros sont dédiés à la formation professionnelle.

Mais je ne sais pas si tout est bien clair. Je croyais que le compte personnel de formation visait à assurer une formation de nature citoyenne pour se recycler, se réorienter. Dans ces conditions, on ne doit pas tenir compte du nombre d’heures. Il devrait s’agir d’un droit citoyen, ouvert à quiconque, y compris aux personnes ayant élevé leurs enfants pendant dix ans. Je suis d’ailleurs surpris de l’absence de réaction à cet égard…

Cela étant, je constate que les partenaires sociaux raisonnent de manière utilitariste. Le principe est un peu celui de l’assurance : j’ai travaillé, donc j’ai droit à une assurance chômage ; à l’inverse, je n’ai droit à rien.

Savez-vous, mes chers collègues, à quoi cette question me fait penser ? Je songe aux jeux vidéo consistant à accumuler des « vies » : « tic, tic ! », on devient de plus en plus costaud ! Ici, c’est la même chose. J’ai bien travaillé : « tac, tac ! », j’obtiens des heures de formation et je deviens encore plus fort. En revanche, lorsque je ne travaille pas : « touc, touc ! », je galère et je perds des compétences. (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Vous avez donc le temps de jouer aux jeux vidéo !

M. Jean-Pierre Caffet. C’est un encouragement à l’oisiveté, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, comment justifier un tel système ? Quelle peut en être la logique, au regard des objectifs que vous avez énoncés ?

L’heure tourne, et je crains de ne pas avoir le temps de faire une belle explication. Mais je vais m’efforcer de trouver un raccourci !

Mme Christiane Demontès. Trouvez ! Trouvez !

M. Jean Desessard. Le CPF, assorti de fortes restrictions, a avant tout pour finalité d’adapter les actifs à l’emploi. Mais les personnes qui sont au chômage ou qui subissent des situations de précarité ne sont pas favorisées. On le voit très bien, les uns souhaitent ajouter des dispositions par branche, les autres des heures par-ci, un plafond ou un seuil par là… On peine à cerner la logique de ce compte personnel de formation, qui n’est pas totalement déterminé. S’agit-il d’un outil au service des entreprises et des partenaires sociaux ? S’agit-il au contraire d’un compte personnel citoyen ?

M. Michel Sapin, ministre. Top ! Vous avez épuisé vos vies, monsieur Desessard ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Exactement, monsieur le ministre, j’ai épuisé mon temps, et je vous en vois ravi ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. L'amendement n° 202, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Compléter cet alinéa par les mots :

, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord d’entreprise, de groupe ou de branche

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Face à cette nouvelle prestation de M. Desessard, je reste presque…

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Sans voix !

M. Michel Sapin, ministre. Sans vie !

Mme Laurence Cohen. … presque subjuguée ! (Sourires.)

Mes chers collègues, vous l’avez remarqué, le sort réservé aux salariés exerçant un emploi à temps partiel, pour qui le droit à la formation demeure proratisé au temps de travail, ne nous satisfait pas. Plusieurs sénateurs siégeant sur d’autres travées, notamment Mme Demontès, ont d’ailleurs émis les mêmes critiques.

Nous avons eu l’occasion de dire combien cette règle s’apparente à une double pleine : non seulement ces salariés sont contraints de vivre dans des conditions difficiles, mais ils ne bénéficieront que de droits à la formation réduits ! Cette situation est d’autant plus scandaleuse que certains employeurs ou certaines branches professionnelles se sont fait fort d’embaucher le plus de salariés possible à temps partiel, pour réduire les coûts salariaux et sociaux.

Toutefois – nous ne l’ignorons pas –, après une négociation avec les organisations syndicales, d’autres employeurs peuvent avoir fixé des règles dérogatoires plus favorables, permettant aux salariés à temps partiel d’accumuler autant d’heures, et au même rythme, que leurs collègues disposant d’un temps plein.

Afin d’éviter que ces employés soient sanctionnés, que la loi réduise leurs droits, et conformément au principe de faveur que nous avons toujours défendu, nous vous proposons de compléter l’alinéa 49 afin d’introduire clairement la précision suivante dans le présent texte : si un accord comporte des règles dérogatoires plus favorables, ces dernières demeurent applicables.

M. le président. L'amendement n° 296 rectifié, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Compléter cet alinéa par les mots :

, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord d'entreprise, de groupe ou de branche qui prévoit un financement spécifique à cet effet, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 296 rectifié et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, cet amendement, très proche de celui que vient de présenter Mme Cohen, me semble à même de satisfaire l’ensemble des préoccupations que les orateurs successifs viennent d’exprimer, notamment en apportant une juste réponse à la question des salariés à temps partiel.

À mon sens, il tend à assurer les sécurités juridiques et financières indispensables, ce qui n’est pas nécessairement le cas des autres amendements présentés – je pourrai y revenir, si vous le souhaitez.

Aux termes du projet de loi, l’alimentation du compte personnel de formation doit être calculée, pour les salariés à temps partiel, au prorata du temps de travail effectué. Le présent amendement vise précisément à autoriser la mise en œuvre par accord collectif – de branche, d’entreprise, etc. – de dispositions plus favorables, comme celles que certaines branches ont déjà instaurées à ce jour au titre du droit individuel à la formation. Un financement spécifique devra être prévu via les accords en question.

J’en viens aux avis de la commission sur les huit autres amendements en discussion.

L’amendement n° 200, présenté par Mme Cohen, vise à supprimer le plafond du CPF. Il a été indiqué à plusieurs reprises qu’une telle disposition serait contraire à l’accord. Par ailleurs, comme M. le ministre l’a rappelé, des abondements complémentaires pourront être assurés pour transformer ce plafond en plancher.

M. Michel Sapin, ministre. Et même en socle ! C’est plus solide qu’un plancher ! (Sourires.)

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Tout à fait, monsieur le ministre !

Une telle disposition permettrait d’aller plus loin. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l’amendement n° 201.

L’amendement n° 156 tend, lui aussi, à supprimer le plafond du CPF. La commission émet donc également un avis défavorable.

L’amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Cardoux, a déjà fait débat en commission. Il vise à relever à 250 heures le plafond du CPF pour les demandeurs d’emploi et les titulaires du RSA. Je le répète, cette proposition est tentante. Elle traduit en tout cas une intention généreuse. Néanmoins, elle est parfaitement inapplicable : comme Jean Desessard nous l’a utilement rappelé, les droits au CPF ne sont acquis qu’au titre des périodes d’activité. Autrement dit, un demandeur d’emploi n’acquerra pas de nouveaux droits durant ses phases d’inactivité. En revanche – j’insiste sur ce point –, il pourra utiliser des abondements supplémentaires et complémentaires, notamment pour suivre une formation qualifiante. C’est là tout l’intérêt du CPF !

Pour ces raisons, je vous demande, monsieur Cardoux, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Inutile de dire que je souscris tout à fait aux intentions des auteurs de l’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Demontès, au nom du groupe socialiste. Les salariés à temps partiel ne doivent pas être partiellement formés. Ce sont même parfois eux qui ont le plus besoin de formation ! Cela étant, je demande le retrait de cet amendement au profit de celui que je viens de présenter, et qui, je le répète, tend à garantir une sécurité juridique et financière plus grande. Nous ne nous rejoignons pas moins pleinement dans l’esprit !

L’amendement n° 30, présenté par Jean Desessard, a pour objet d’alimenter le CPF sur la base d’un temps plein pour les salariés travaillant au moins vingt-quatre heures par semaine. Je n’ai pas besoin d’argumenter longuement pour émettre un avis défavorable. Chacun le comprendra, ces enjeux ayant déjà été largement débattus.

Enfin, l’amendement n° 202, présenté par Mme Cohen, est très proche du dernier amendement que j’ai défendu. La commission y est favorable, à condition qu’il soit, comme celui-ci, complété par les mots : « qui prévoit un financement spécifique à cet effet, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État ». Il sera ainsi identique.

M. le président. Madame Cohen, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

Mme Laurence Cohen. J’y souscris, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 202 rectifié, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, identique à l’amendement n° 296 rectifié et ainsi libellé :

Alinéa 49

Compléter cet alinéa par les mots :

, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord d’entreprise, de groupe ou de branche qui prévoit un financement spécifique à cet effet, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Michel Sapin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’émettrai un avis global.

Nous en sommes parvenus aux dispositions relatives au fameux « plafond-socle ».

Tout d’abord, je vous rappelle la nouveauté que ce dispositif présente par rapport au précédent, à savoir les fameuses 120 heures du DIF. Celles-ci constituaient un plafond au sens strict : c’étaient 120 heures et rien d’autre ! A contrario, les 150 heures du CPF seront le minimum auquel les salariés auront droit. S’y ajouteront les fameux mécanismes de supplément et de complément, permettant de définir des priorités individualisées.

En d’autres termes, hier, avec le DIF, le gâteau était plus petit, et il était nécessairement inférieur à 120 heures. Aujourd’hui, le gâteau est plus grand, et se divise en une part utilisable automatiquement – jusqu’à 150 heures – et une autre qui vient la compléter, au-delà de ce quota.

Je répète la remarque que j’ai formulée en ouvrant la discussion générale, car tous n’y ont pas été nécessairement attentifs : étant donné que la quantité de fonds est fixée à un niveau constant, plus le plafond est rehaussé – et a fortiori s’il est supprimé –, plus vous privez les publics prioritaires de la possibilité des abondements.

M. Michel Sapin, ministre. Plus vous augmentez la part automatique, plus vous limitez la part « priorisée » ! Ayez bien cet élément en tête pour comprendre le dispositif !

Certes, d’aucuns peuvent souhaiter aider particulièrement les bénéficiaires du RSA, ou tel ou tel public prioritaire. Mais de telles mesures joueraient précisément en défaveur de ces personnes !

Maintenons bien le dispositif tel qu’il a été souhaité par les partenaires sociaux, et tel qu’il a été fixé par l’accord : le plafond-socle de 150 heures permet de protéger les moyens mobilisés en complément, en vue d’accompagner les publics prioritaires.

M. Desessard a souligné que ce dispositif ne devait pas être trop compliqué pour les demandeurs d’emploi. À Pôle emploi, il y aura toujours un conseiller pour aider les uns et les autres à déterminer leurs suppléments ou leurs compléments de formation, au-delà des 150 heures acquises au cours des périodes d’activité.

En conséquence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur tous les amendements qui visent soit à faire « sauter » le plafond, soit à l’élever à des niveaux conduisant à priver les publics prioritaires des ressources financières que l’accord en question leur réserve.

S’y ajoute un second débat, lui aussi très intéressant, quoique d’une autre nature : celui du temps partiel. Les salariés à temps partiel pourront-ils bénéficier de droits supplémentaires, et non simplement des droits calculés au prorata du nombre d’heures travaillées ?

Pour répondre à cette question, plusieurs amendements ont été déposés. Le Gouvernement souscrit aux préoccupations exprimées par leurs auteurs.

À ce titre, je privilégie l’amendement n° 196 rectifié, défendu par M. le rapporteur, et auquel l’amendement présenté par Mme Cohen – devenu le n° 202 rectifié – est désormais identique. J’invite les auteurs des autres amendements à s’y rallier en retirant leurs amendements.

En résumé, le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous les amendements qui tendent à faire « sauter » d’une manière ou d’une autre le plafond des 150 heures, et un avis favorable sur l’amendement n° 196 rectifié, dont l’adoption permettrait de répondre aux préoccupations de tous.

M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 201 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 200.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 240 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 240 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote sur l'amendement n° 156.

Mme Chantal Jouanno. Je souhaite simplement répondre, en quelques mots, à M. le ministre. Pour nous, faire « sauter » le plafond permet précisément, à crédits constants, de donner moins aux plus qualifiés et plus au moins qualifiés.

M. Michel Sapin, ministre. Non !

Mme Chantal Jouanno. Tel est le sens du dispositif que nous défendons, via la combinaison des amendements nos 155 et 156.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. le ministre a insisté sur l’importance du plafond. Il a expliqué que s’il autorisait son dépassement,…

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas à moi d’autoriser quoi que ce soit !

M. Jean Desessard. … ce serait au détriment des plus défavorisés, car l’enveloppe globale de un milliard d’euros est constante.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est mécanique !

M. Jean Desessard. Pouvez-vous expliquer cette mécanique à quelqu’un qui peine à la comprendre, monsieur le ministre ?

Par exemple, que se passerait-il si quelqu’un disposait de 170 heures sur son compte personnel de formation ?

M. Alain Néri. C’est votre cas, mon cher collègue ? (Sourires.)

M. Jean Desessard. Oh, sur le mien, il ne reste pas grand-chose, et pourtant, j’en aurais bien besoin pour comprendre ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le ministre, j’ai bien noté votre opposition au dépassement du plafond. Pouvez-vous me l’expliquer ? J’avais compris qu’il serait bon pour nos concitoyens de disposer de plus de temps et de pouvoir suivre des formations plus longues…

Effectivement, les métiers sont de plus en plus complexes, de nouveaux apparaissent, auxquels nos concitoyens ne sont pas formés. De surcroît, des licenciements brutaux se produisent dans certaines régions et j’avais bêtement compris qu’il serait positif, pour des personnes ayant travaillé vingt-cinq ans dans une société, de pouvoir bénéficier d’une formation longue leur permettant de retrouver un emploi dans un autre secteur. C’est pourquoi j’ai souscrit à l’idée d’élever le plafond.

Toutefois, vous nous avez indiqué qu’il était préférable de maintenir le plafond, car, à défaut, ces personnes dans le besoin seraient dans l’impossibilité de bénéficier de cette mesure. Je ne comprends plus, et je vous demande de m’expliquer ce mécanisme.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. Mme Jouanno a soulevé deux points contradictoires. Elle a évoqué une enveloppe fermée, puis elle a demandé d’ajouter des heures au plafond-socle. Tous les bénéficiaires du CPF en profiteraient donc.

Mme Chantal Jouanno. Non, c’est pour les chômeurs !

Mme Christiane Demontès. C’est pourtant ce qu’il ressort de vos propos ! Vous voulez augmenter le socle pour tout le monde ! Dès lors, il reste moins à répartir dans l’enveloppe !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Non ! Nous proposons de l’élever pour certains et de l’abaisser pour d’autres !

Mme Chantal Jouanno. Vous confondez avec un autre amendement ! Et l’amendement n° 156 est complété par l’amendement n° 155. Ne soyez pas de mauvaise foi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C’est très simple, c’est de l’algèbre. Au sein de l’enveloppe fermée, on attribue plus d’heures à ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi et moins d’heures à ceux qui en sont le plus proches, comme les cadres, et qui ont moins besoin de formation. Il s’agit d’un mécanisme simple, que nous vous présenterons ultérieurement, lors de l’examen de l’amendement n° 155, qui est complémentaire à celui-là.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Comprenons-nous bien, afin d’éviter de dynamiter de l’intérieur le dispositif du compte personnel de formation, auquel chacun dans cette enceinte est favorable. Le risque est bien réel.

Madame Jouanno, votre amendement n° 156 vise à supprimer les mots « , dans la limite d’un plafond total de cent cinquante heures ». Vous souhaitez donc faire « sauter » le plafond pour tout le monde. C’est clair.

Mme Chantal Jouanno. Cet amendement ne se comprend que combiné avec l’amendement n° 155 !

M. Michel Sapin, ministre. Pour l’instant, nous discutons de l’amendement n° 156 !

Si le plafond est supprimé, il n’y a plus aucune limite pour ceux qui vont utiliser très facilement le dispositif, c'est-à-dire les cadres. Ils vont en bénéficier au maximum.

Mme Chantal Jouanno. Vous ne pouvez pas ne pas prendre en compte l’amendement n° 155, qui est complémentaire de celui-là !

M. Michel Sapin, ministre. Le dispositif proposé en l’espèce est clair, il tend à faire « sauter » le plafond pour tout le monde !

Les cadres pourraient donc utiliser l’enveloppe sans limite. Or la somme affectée au CPF a été calculée par les partenaires sociaux de façon qu’une partie du milliard d’euros – il existe, certes, des abondements – soit automatiquement utilisée par tous ceux qui le souhaitent, dans la limite de 150 heures.

Une autre partie a été laissée de côté pour bénéficier, à leur demande, aux publics prioritaires : jeunes, demandeurs d’emploi, travailleurs peu qualifiés ; des mécanismes spécifiques visent aussi les personnes les moins qualifiées.

Nous en sommes tous d’accord : le jeune sans qualification, le demandeur d’emploi qui doit acquérir une qualification, le travailleur le moins qualifié qui doit améliorer sa qualification non seulement pour progresser, mais aussi parfois pour se protéger des restructurations qui frappent toujours les plus faibles et les moins formés sont bien les publics que nous voulons privilégier.

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Michel Sapin, ministre. Si vous élevez le plafond, a fortiori si vous le supprimez, ce sont ceux-là qui verront disparaître leur capital et qui ne pourront pas l’utiliser quand ils demanderont à en bénéficier pour compléter leur formation.

Tel est le mécanisme conçu, madame Jouanno, par les partenaires sociaux.

Mme Chantal Jouanno. Je vous ai fait part de mon appréciation sur les partenaires sociaux !

M. Michel Sapin, ministre. Ils ont rédigé en ce sens et signé l’accord national interprofessionnel. Je considère que des partenaires sociaux qui discutent font preuve d’intelligence et de connaissance du sujet.

M. Alain Néri. Et d’expérience !

M. Michel Sapin, ministre. C’est donc ainsi qu’ils ont conçu le CPF et c’est ainsi que, en tant que ministre du travail, je le défends devant vous, parce que je suis aussi le garant du respect de l’équilibre d’un accord conclu entre les partenaires sociaux ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C’est un peu réducteur !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 148 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 209
Pour l’adoption 52
Contre 157

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Demontès, l'amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

Mme Christiane Demontès. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié est retiré.

Monsieur Desessard, l’amendement n° 30 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président !

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 202 rectifié et 296 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Il reste deux cent quatre-vingts amendements à examiner.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale
Discussion générale

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 19 février 2014, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (n° 349, 2013-2014) ;

Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 359, 2013-2014) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 360, 2013-2014) ;

Avis de M. François Patriat, fait au nom de la commission des finances (n° 350, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 19 février 2014, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART