M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La question du mode d’accueil des enfants lorsque le congé parental s’achève en cours d’année scolaire est cruciale : le parent risque de perdre son emploi s’il ne réintègre pas son entreprise immédiatement après la fin de son congé.

Même si je partage l’intention des auteurs de cet amendement, je crains que la solution proposée n’entraîne des difficultés organisationnelles importantes pour les entreprises, notamment pour les plus petites d’entre elles.

M. André Reichardt. Nous allons nous en souvenir !

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement en la matière.

M. Jean-Claude Lenoir. Le Gouvernement est bien inspiré ce soir ! (Sourires.)

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mme la rapporteur pour avis a mis le doigt sur les difficultés qui vont se poser. On ne peut évidemment que comprendre la nécessité d’assurer une jonction entre la fin du congé parental et la scolarisation de l’enfant, que j’ai évoquée moi-même tout à l'heure ; je vous ai d’ailleurs proposé une solution.

En revanche, s’agissant du droit du travail, c'est-à-dire des dispositions engageant l’employeur, il est plus difficile d’adopter une mesure sans qu’une négociation avec les partenaires sociaux ait eu lieu.

C’est pourquoi je me vois dans l’obligation d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. En effet, la disposition qu’il comporte ne pourra pas être appliquée dans un certain nombre d’entreprises dans lesquelles il sera tout bonnement impossible de repousser au-delà de trois ans le nombre de mois d’absence du salarié.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Elle se rallie à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Reichardt, Hyest, Courtois, Buffet, Lecerf et Fleming, Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – Au premier alinéa de l’article L. 1225-51 du code du travail, les mots : « au moins un mois » sont remplacés par les mots : « au moins trois mois ».

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement vise à allonger le délai de prévenance de l’employeur d’un mois à trois mois pour la prise du congé parental.

Cette disposition permettra aux entreprises, notamment aux plus petites d’entre elles, dont on vient de parler, où l’absence d’un collaborateur est toujours plus compliquée à pallier, de faciliter leur gestion des ressources humaines internes, en particulier lorsqu’il le second parent fait jouer son droit à un congé parental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le délai d’un mois correspond au droit commun. C’est le cas, par exemple, des congés de paternité et d’accueil de l’enfant.

De plus, selon moi, cette question relève de la négociation entre les partenaires sociaux. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. André Reichardt. Vous n’êtes plus favorable aux petites entreprises ?...

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le sénateur, bien que la mesure que vous proposez soit en apparence positive, elle poserait en réalité plus de difficultés qu’elle ne réglerait de problèmes. Elle pourrait même s’avérer contreproductive pour le salarié. En effet, le choix de recourir au congé parental est souvent lié à la disponibilité d’un mode de garde et les familles s’organisent généralement assez tardivement. Or si vous les obligez à prévenir trop tôt l’employeur, vous allez introduire un manque de souplesse évident dans le système.

Aussi suis-je plutôt défavorable à cet amendement d’autant que, comme l’a souligné Mme la rapporteur pour avis, les partenaires sociaux ont décidé de se saisir de la question de l’harmonisation des droits relatifs aux différents types de congés existants. Laissons-les donc travailler, et nous en reparlerons à l’issue des négociations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mmes Pasquet, Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Si à la fin de chaque année, les comptes visés à l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières de la caisse mentionnée à l’article L. 223-1 du code de la sécurité sociale fait apparaître que l’application de l’article L. .531-4 du même code a permis la réalisation d’économies ou de moindres dépenses par rapport à l’exercice clos de l’année précédente, ces dernières sont prioritairement destinées à revaloriser la prestation partagée d’accueil de l’enfant.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’article 2 a pour objet de réformer le CLCA et d’instituer pour les ménages bénéficiaires un partage de ce complément entre les deux parents, afin d’inciter légitimement les pères de famille à recourir au congé parental. Ainsi, les responsabilités parentales seront partagées de façon plus équilibrée et le retour des femmes à l’emploi sera favorisé.

Cette mesure est positive, mais elle sera – je partage le constat de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin – insuffisante à elle seule.

La reprise d’activité des femmes dépend de facteurs bien variés, à commencer par la possibilité de bénéficier d’une place d’accueil pour les jeunes enfants, principalement dans une crèche publique, puisqu’il s’agit là, vous le savez, mes chers collègues, du mode de garde préféré de nos concitoyens.

La rapporteur de la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale que je suis est particulièrement sensibilisée à cette question : je connais l’impact de ce facteur tant sur la reprise d’activité professionnelle des mères de famille que sur le développement et la sociabilisation des enfants.

Je suis également sensible à la situation économique et financière de la branche famille de la sécurité sociale, qui souffre d’un sous-financement organisé et de l’instauration d’une tuyauterie complexe, qui a provoqué son déficit, alors que ses comptes étaient encore équilibrés voilà peu de temps.

Je suis d’autant plus inquiète que j’ai entendu plusieurs membres du Gouvernement s’engager auprès du patronat, y compris lors de l’université d’été du MEDEF, à compenser l’augmentation des cotisations patronales destinée à financer les retraites par une baisse du financement patronal de la branche famille, voire par sa suppression.

Une telle mesure reviendrait, en quelque sorte, à « sortir » la branche famille de la sécurité sociale, ce qui bouleverserait notre pacte social. Serait-il devenu légitime que les employeurs ne participent plus au financement de la politique familiale ?

Ces craintes ne sont pas sans lien avec l’article 2, puisque l’étude d’impact du projet de loi signale que la réforme du congé parental pourrait entraîner 300 millions d’euros d’économies. Madame la ministre, vous semblez destiner ces économies au financement des places de crèche, mais je partage les doutes exprimés à cet égard par la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Aussi, pour nous assurer que ces sommes seront bien consacrées au financement de la politique familiale, nous proposons de prévoir que les éventuelles économies résultant de l’application de l’article 2 seront prioritairement destinées à revaloriser la prestation partagée d’accueil de l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comme Mme la ministre l’a réaffirmé, le Gouvernement a pris l’engagement que d’éventuelles économies serviraient en priorité au financement de l’accueil de la petite enfance et au développement des modes de garde, conformément au plan d’accueil de la petite enfance présenté par le Premier ministre au mois de juin dernier ; peut-être Mme la ministre pourra-t-elle de nouveau confirmer cet engagement.

Au nom de la commission des affaires sociales, je demande aux auteurs de l’amendement n° 46 de bien vouloir le retirer ; s’il est maintenu, la commission y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Pasquet, je vous le rappelle, l’économie de 200 millions d’euros qui résulterait du partage de la PPAE est seulement hypothétique ; le Gouvernement a donné ce chiffre, de façon assez transparente, mais il ne s’agit que d’une hypothèse fondée sur une anticipation du comportement des parents. Plus précisément, nous avons supposé que 20 % des « seconds parents », c’est-à-dire des pères, demanderaient à bénéficier de ce nouveau congé parental.

À la vérité, nous n’avons aucune certitude sur la manière dont les parents se comporteront réellement, et donc sur le montant exact des économies.

Dans ces conditions, madame Pasquet, plutôt que d’instaurer la règle juridique assez rigide que vous proposez, je trouve préférable de prévoir un suivi régulier des effets de la réforme, à la fois d’un point de vue financier et sur le plan du nombre des bénéficiaires, qui prenne en compte l’évolution des solutions d’accueil des jeunes enfants. Tel est l’objet de l’amendement n° 83, présenté notamment par Mmes Génisson et Tasca, qui sera examiné dans quelques instants.

Je vous le confirme, nous prenons l’engagement de consacrer l’intégralité des économies qui pourraient résulter de cette réforme à la création de places pour la petite enfance ou à la revalorisation des indemnisations du congé parental.

Cela étant, le Gouvernement est plutôt défavorable à l’amendement n° 46.

Mme Isabelle Pasquet. Dans ces conditions, je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 46 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article 3

Articles additionnels après l’article 2

M. le président. L'amendement n° 83, présenté par Mmes Génisson et Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet, chaque année à compter du 1er janvier 2017, un rapport au Parlement décrivant les effets économiques, sociaux et financiers de la réforme introduite par l’article 2 de la présente loi, mis en regard notamment de l’évolution des solutions d’accueil des jeunes enfants. Ce rapport est réalisé avec le concours d’un comité d’experts, dans des conditions définies par décret.

La caisse nationale des allocations familiales et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole collectent et transmettent les données utiles pour la réalisation de ce rapport.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Mes chers collègues, je ne voudrais pas avoir l’air d’être la spécialiste de la demande de rapports… Reste que nous venons d’adopter une modification tout à fait importante du congé parental, fondée en particulier sur le partage de la PPAE entre les parents. Cette réforme modifiera en profondeur les relations à l’intérieur de la famille dans le sens d’un meilleur accueil et d’une meilleure éducation des enfants.

Il est donc important de suivre les effets économiques, sociaux et financiers de cette réforme, notamment au regard de l’évolution des solutions d’accueil des jeunes enfants, comme Mme la ministre vient de le souligner. Il convient également que la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole transmettent les données utiles à la réalisation de ce rapport, qui devra être remis au Parlement chaque année à partir du 1er janvier 2017.

La création d’une PPAE partagée entre les parents est un nouveau droit fondamental ; il est nécessaire, mes chers collègues, de suivre l’évolution de son application !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Un bilan annuel permettra de mettre en regard les effets de la réforme avec le développement des modes de garde. La commission des affaires sociales est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme je l’ai laissé entrevoir voilà quelques instants, cet amendement me convient davantage que le précédent ; le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1225-48 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-48. - Le bénéfice du congé parental d’éducation et la période d’activité à temps partiel sont accordés par période de six mois dans la limite globale de trois ans.

« Ils prennent fin au plus tard au dix-huitième anniversaire de l’enfant. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En principe, le congé parental et le temps partiel de droit ne sont à l’heure actuelle accordés que jusqu’aux trois ans de l’enfant ; le congé doit être pris en une seule fois, pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans.

Or le besoin de diminuer ou de suspendre son activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant ne s’arrête pas après que celui-ci a atteint l’âge de trois ans ; il peut se faire sentir, par exemple, au moment de l’adolescence.

Issu de la recommandation n° 7 de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement prévoit la possibilité de bénéficier du congé parental d’éducation ou du temps partiel de droit jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant, sans modifier la durée totale de ce congé de trois ans.

À titre d’exemple, un parent qui prendrait un an de congé parental à la naissance de son enfant conserverait deux ans de droits, utilisables par fractions jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant.

Ce système suppose que le congé parental et le droit au temps partiel deviennent fractionnables. Ainsi, pour donner davantage de souplesse au dispositif, il est proposé que ce congé puisse être demandé par périodes de six mois, au lieu d’un an au moins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Comme Mme Gonthier-Maurin vient de le signaler, cet amendement correspond à l’une des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il vise à rendre fractionnable le congé parental d’éducation ; la durée totale de trois ans, qui reste inchangée, pourrait être prise par périodes de six mois jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant.

Après une discussion intéressante, la commission des affaires sociales a estimé que cette proposition de réforme du congé parental était utile et répondait à une réelle attente de certains parents. En conséquence, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 9 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, dans la mesure où les partenaires sociaux, dans leur accord du 19 juin 2013 sur l’amélioration de la qualité de vie au travail, sont convenus d’entamer, au cours du premier trimestre de 2014, une réflexion sur l’harmonisation des droits aux différents types de congés parentaux et personnels et sur la portabilité de ces droits. Il me semble prématuré de trancher une question que les partenaires sociaux n’ont pas encore examinée.

Néanmoins, l’opportunité d’instaurer un congé parental fractionnable peut être débattue. En effet, si le dispositif était plus souple, il ferait courir le risque de dilution du congé parental, qui pourrait même devenir un instrument de la réduction du temps de travail, sans lien avec l’objectif poursuivi : faciliter l’accueil d’un enfant pendant ses premiers mois de vie.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission des lois a débattu de cette question. À titre personnel, j’ai plutôt soutenu une position défavorable à l’amendement n° 9 rectifié. En effet, je pense que si des besoins se font jour à d’autres moments de la vie de l’enfant et nécessitent que les parents disposent de temps, il faut les considérer indépendamment du congé parental d’éducation qui, aujourd’hui, dans les esprits et dans les habitudes, concerne les trois premières années de l’enfant.

Au cours de la vie d’un enfant, jusqu’à son adolescence et sa majorité, plusieurs périodes de congé peuvent être nécessaires, qui ne sont pas forcément de six mois, mais, par exemple, de deux ou de trois mois, sans que ces besoins puissent être prévus avant l’âge de trois ans. Une discussion de fond est vraiment nécessaire et l’idée de Mme Gonthier-Maurin, si elle est intéressante, nécessite d’être approfondie en liaison avec les partenaires sociaux.

Si elle était mise en œuvre aujourd’hui, elle risquerait de dénaturer le congé parental dédié aux trois premières années de l’enfant.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson Trois ans de congé parental entre zéro et trois ans de l’enfant, c’est long. Or on sait très bien qu’un enfant peut rencontrer des difficultés dans son parcours scolaire, que ce soit dans le primaire, au collège ou au lycée. Dans ces conditions, pouvoir fractionner le congé parental me semble tout à fait intéressant.

Reste que j’ai entendu les remarques de Mme la ministre. Elle a notamment souligné que des négociations allaient avoir lieu entre les partenaires sociaux ; bien entendu, c’est un argument que l’on peut comprendre.

M. Jean-Claude Lenoir. Il est même fondamental !

Mme Catherine Génisson. Par ailleurs, un problème pourrait se poser en ce qui concerne le partage du congé parental entre les deux parents.

Si, aujourd’hui, je voterai contre l’amendement n° 9 rectifié, c’est certes parce que la mesure en cause nécessite un examen plus approfondi, mais surtout parce qu’elle pourrait être contreproductive du point de vue du partage du congé parental entre le père et la mère. En effet, une succession de congés fractionnés risquerait d’« évacuer » la prise en charge par l’un des deux parents.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’ai écouté avec attention les arguments qui viennent d’être présentés. De fait, on reconnaît qu’une question se pose et qu’elle mérite un examen approfondi. Considérant que nous avons contribué à lancer un débat et un travail de réflexion, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

L'amendement n° 47, présenté par Mmes Pasquet, Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1225-54 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-54. - La durée du congé parental d'éducation est intégralement prise en compte pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. »

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à rédiger l’article L. 1225-54 du code du travail de sorte que la durée du congé parental d'éducation soit intégralement prise en compte pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté, alors que, à ce jour, cette période ne compte que pour moitié.

L’ancienneté est notamment prise en compte pour la détermination du montant de l’indemnité de licenciement. En effet, l’article R. 1234-2 du code du travail dispose : « L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté. »

Il résulte de l’application cumulée de ces deux dispositions que le salarié qui choisit de recourir à un congé parental d’éducation peut voir le montant de ses indemnités de licenciement réduit, ce qui est d’autant plus injuste que ce type de congé est actuellement pris surtout par des femmes ; celles-ci subissent donc indirectement une sanction économique qui, s’ajoutant à d’autres, participe à la dévalorisation du travail des femmes, le réduisant à un travail d’appoint.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. La prise en compte intégrale de la durée du congé parental pour le calcul de l’ancienneté du salarié me paraît une mesure excessive. En outre, compte tenu de son incidence, elle devrait être discutée avec les partenaires sociaux. L’avis de la commission des affaires sociales est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. À vrai dire, les partenaires sociaux ont déjà débattu de cette question, et ils ont rejeté le principe d’une telle extension de la durée de prise en compte du congé parental pour le calcul de l’ancienneté du salarié. Je suis donc également défavorable à l’amendement n° 47.

Par ailleurs, madame Pasquet, je vous rappelle que des accords de branche comportent, s’agissant du calcul de l’ancienneté, des mesures plus favorables que la règle de la moitié.

De même, aux termes d’accords d’entreprise, les salariés en congé parental versent aux régimes AGIRC et ARRCO des cotisations calculées sur la base des rémunérations qu’ils auraient perçues s’ils avaient poursuivi leur activité.

Il existe donc déjà des dispositions avantageuses. Il ne faut pas renoncer à l’idée qu’un jour, les partenaires sociaux les étendront peut-être.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mmes Cohen, Cukierman, Gonthier-Maurin, Assassi, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 1225-55 du code du travail, après les mots : « retrouve son précédent emploi ou » sont insérés les mots : « lorsque l’emploi qu’il occupait n’est plus disponible, ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise les conditions dans lesquelles les parents peuvent, après un congé parental d’éducation, retrouver leur emploi.

L’actuel article L. 1225-55 du code du travail dispose : « À l’issue du congé parental d’éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l’activité initiale mentionnée à l’article L. 1225-52, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. » Pour autant, de nombreux témoignages attestent du fait que les femmes – ce sont les principales concernées – peinent malgré tout à retrouver leur emploi.

Afin de remédier à cette situation, injuste et discriminante, il nous paraît nécessaire de modifier l’article L. 1225-55 du code du travail et de préciser qu’un emploi similaire ne peut être proposé qu’à la condition que l’emploi que la salariée occupait préalablement n’est plus disponible.

En réalité, cette nouvelle rédaction, que nous vous invitons à adopter, est inspirée par la jurisprudence. En effet, dès 1993, la Cour de cassation a estimé que c’est seulement lorsque l’emploi qu’il occupait n’est plus disponible qu’un emploi similaire peut être proposé au salarié à la fin de son congé parental.

Plus récemment, le 19 juin 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirmait cette position, tout en précisant que, même s’il existe une clause de mobilité, ce droit à réintégration dans le poste d’origine demeurait. Elle ajoutait que tout manquement de l’employeur à son obligation légale de réintégrer la salariée dans le poste qu’elle occupait avant son départ en congé justifiait la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par l’intéressée, laquelle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ce contexte, l’adoption de notre amendement accorderait une protection supplémentaire aux femmes. C’est la raison pour laquelle nous espérons, madame la ministre, que vous émettrez un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation. La commission des affaires sociales, n’ayant pas examiné le point en cause, souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le point que vous soulevez, madame Cohen, est d’importance.

Au terme d’un congé parental d’éducation, le salarié doit être réintégré dans l’entreprise soit dans l’emploi qu’il occupait précédemment, soit dans un emploi équivalent. La question me semble aujourd’hui suffisamment encadrée par le code du travail. A fortiori, la jurisprudence de la Cour de cassation, que vous avez à juste raison rappelée, a apporté des précisions. Point n’est donc besoin de rigidifier davantage le droit, ce qui risque d’avoir un effet contreproductif : le salarié pourrait ne se voir proposer d’emploi équivalent qu’à la condition que son emploi d’origine ait été supprimé. Il faut laisser tant à l’entreprise qu’au salarié une large palette de choix.

C’est pourquoi je vous propose d’en rester au droit existant et de simplement réaffirmer le principe d’une réintégration du salarié soit dans le même poste, soit dans un emploi équivalent. J’émets par conséquent un avis défavorable.