M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Une accusation grave a été émise par notre collègue Alain Milon quant à la portée de mes propos. Je ne considère en aucune façon les opticiens comme des adversaires ou des ennemis. J’ai même, comme vous tous, beaucoup de proches amis dans cette profession.

Je voudrais évoquer deux points en préalable. Le premier est une question. Cette profession n’est-elle pas en train de se mettre elle-même en danger par la multiplication des surfaces de vente que l’on constate partout en France ?

Mme Catherine Procaccia. C’est pourquoi il faut réguler !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne suis en rien responsable de cette situation. Peut-être est-il nécessaire, pour la profession elle-même, de mener cette réflexion sans que soit portée la même accusation, demain, envers un rapporteur général, des sénatrices, des sénateurs et un texte de loi.

Ma seconde remarque préalable est sans doute désagréable à entendre, mais doit être exposée. Tous les constats, aujourd’hui, indiquent que les prix sont plus élevés en France que dans les pays comparables, et que les marges y sont plus importantes. Il faut le rappeler ! Je ne reviens pas sur cette étude très documentée et largement médiatisée, comportant des chiffres qui, d’ailleurs, ne sont peut-être pas tous exacts. D’autres études viendront, le moment venu, conforter l’idée selon laquelle les prix sont plus élevés en France.

Quel est l’objectif de cette démarche ? Ce n’est en aucune façon de pousser, demain, des opticiens à fermer ! Il s’agit de maîtriser les dépenses de santé – nous en sommes tous d’accord – et, dans le même temps, de réduire le reste à charge pour les personnes qui ont besoin d’équipements chez les opticiens. Comment y parvenir ? Il existe un outil, qui est aujourd’hui en débat : les réseaux de soins.

Cela entraîne une interrogation : pourquoi ces réseaux doivent-ils être fermés ? La réponse est toute simple. Pour qu’un réseau soit efficace, il ne peut rassembler un nombre trop élevé d’opticiens, sinon ce n’est plus un réseau ! (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Husson. Mais si ! C’est dans le rapport ! (M. Jean-François Husson brandit un exemplaire du rapport de l’Assemblée nationale.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le réseau résulte d’une négociation entre un opérateur, c'est-à-dire un organisme complémentaire d’assurance maladie, et les opticiens, dans laquelle chacun doit être gagnant. L’appartenance au réseau doit assurer un minimum de clientèle supplémentaire à ceux qui vont y adhérer.

Pour répondre à des questions qui m’ont été posées, en particulier par des collègues, j’ajoute que dans une ville où sont implantés un très grand nombre d’opticiens, si le réseau est ouvert à tous, tout se passera comme s’il n’existait pas, l’efficacité du dispositif sera perdu et l’objectif visé sera donc manqué.

M. Jean-François Husson. Non, non, non !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Voilà pourquoi, dans ce cas particulier, le texte vise à permettre aux réseaux d’être fermés. Je précise qu’il s’agit non pas d’une obligation, mais d’une possibilité, et qu’il existe à ce jour de nombreux réseaux en France, rassemblant des milliers d’opticiens, qui, pour leur très grande majorité, sont fermés.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela existe déjà, et depuis plusieurs années ! Le texte que nous examinons aujourd’hui va simplement ouvrir cette possibilité aux réseaux ouverts par des mutuelles.

M. le président. Je crois que le Sénat est maintenant éclairé.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je pense en effet que le Sénat est éclairé. Un mot à l’appui des propos du rapporteur : l’objet, l’enjeu, l’ambition de cette proposition de loi c’est de participer à garantir un meilleur accès aux soins à l’ensemble de nos concitoyens, dans des secteurs où la barrière financière, pour des raisons diverses, est souvent importante. C’est le cas en matière d’optique, comme dans d’autres domaines.

Vous rencontrez tous des concitoyens qui vous font part de leur désarroi quant aux prix auxquels ils sont confrontés en matière d’optique et d’audioprothèses ou pour d’autres équipements. Très régulièrement, nous rencontrons des gens qui nous disent connaître des difficultés pour payer une paire de lunettes ou un équipement optique, sans parler des systèmes qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, comme les lentilles.

L’enjeu est ici absolument décisif et je ne suis pas sûre que les pratiques commerciales de certains, qui vendent deux paires de lunettes pour le prix d’une, aillent dans le bon sens. À l’évidence, elles accréditent les soupçons de marges excessives au regard de la réalité de la situation.

Je ne peux donc que venir à l’appui du rapporteur lorsqu’il affirme que les prix constatés en France pour les lunettes, par exemple, sont plus élevés que ceux que l’on relève dans la majorité des pays européens ou voisins.

Pour l’ensemble de ces raisons, les dispositions prévues dans cette proposition de loi me semblent favorables à l’accès aux soins de nos concitoyens.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 19.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UDI-UC.

Je rappelle que la commission émet un avis favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 323 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l’adoption 186
Contre 136

Le Sénat a adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 18, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 324 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l’adoption 189
Contre 137

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’amendement n° 5 rectifié n’a plus d’objet.

Madame Procaccia, l'amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié est retiré.

Monsieur Requier, qu’advient-il de l'amendement n° 10 rectifié ?

M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est retiré.

Monsieur Vanlerenberghe, qu’en est-il des amendements nos 2 et 4 ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Concernant l’amendement n° 2, je vais le retirer, car je sais, comme je l’ai indiqué précédemment, que la HAS n’est pas compétente pour établir un cahier des charges.

Toutefois, nous n’avons pas trouvé de réponse appropriée à une question qui nous paraît fondamentale, à savoir le contrôle médical de certaines conventions.

Le problème ne se pose pas lorsque la profession relève d’un ordre, ce dernier étant compétent pour vérifier que les conventions respectent les règles déontologiques. Mais comment va-t-on faire pour ce qui concerne les audioprothésistes ou les opticiens, par exemple ? Je sais bien qu’il s’agit d’une relation commerciale, mais, en tant que législateurs, nous sommes responsables de la qualité des soins prodigués ou, à tout le moins, de la prestation offerte. J’attends une réponse de Mme la ministre en la matière.

S’agissant de l’amendement n° 4, je comprends la complexité de la question.

Nous avons essayé d’introduire, à la demande de M. le rapporteur général, une clause permettant d’assurer, à la date de la signature d’une convention avec un prestataire, aux adhérents de la mutuelle qu’ils ne perdront aucun avantage acquis par le contrat en cours. Si l’adhérent se rend chez un prestataire agréé, il bénéficie d’une bonification, mais il ne doit pas subir une perte de remboursement ou voir son contrat modifié s’il a recours à un professionnel hors réseau.

Je mesure la difficulté de rédiger une disposition, qui sera, j’en suis convaincu, contournée par tous les juristes dont pourront s’entourer les mutuelles, les assureurs ou les prestataires de tous ordres. Je n’en critique pas le fonctionnement, mais, on le sait, les assurances savent, au travers de petites phrases – que l’on n’a d’ailleurs pas l’habitude de lire ou que l’on ne peut comprendre –, introduire des clauses qui, au final, les dispensent de toute intervention. Cependant, nous devons, en tant que législateurs, protéger les sociétaires pour ce qui concerne les mutuelles ou les adhérents pour ce qui est des autres sociétés d’assurance.

M. le rapporteur général a indiqué qu’il comprenait ma préoccupation, mais qu’il ne pouvait y répondre. J’aimerais connaître la position de Mme la ministre sur ce sujet. Il s’agit d’un point essentiel pour assurer – puisque telle est la volonté du législateur – une meilleure prise en compte des restes à charge des adhérents des complémentaires de santé.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, tout à l’heure, lorsque je vous ai demandé de bien vouloir retirer vos amendements, j’ai déjà précisé la position du Gouvernement en indiquant que, si je partage les objectifs qui sont les vôtres, les dispositions que vous proposez ne permettent pas de les atteindre. Mais je reviens bien volontiers sur les points que j’ai alors évoqués.

Concernant la question de la qualité, un sujet, à l’évidence, très important, la Haute Autorité de santé n’est pas, ainsi que vous l’avez vous-même reconnu, l’organisme qui a la compétence de pouvoir vérifier ou édicter des règles de qualité à destination de l’ensemble des professionnels participant ou susceptibles de participer à un réseau.

La difficulté est réelle : elle tient au fait que les professionnels concernés sont de nature diverse. Une partie d’entre eux seront contrôlés, comme ils le sont aujourd'hui, par les ordres auxquels ils doivent se référer, contrairement à d’autres, tels les opticiens ou les audioprothésistes, qui ont une relation commerciale.

Aussi, il appartiendra au réseau, c'est-à-dire à la mutuelle ou, de façon plus générale, à l’organisme complémentaire, de garantir le respect de règles de qualité des professionnels avec lesquels il aura conclu un accord.

Si une mutuelle ou un assureur a des retours négatifs de la part de certains de ses adhérents concernant tel ou tel professionnel, on peut imaginer qu’il soit amené à rappeler ce dernier à l’ordre, à procéder à des vérifications, voire à demander des modifications, sous peine de radiation.

Toutefois, il nous faut aller au-delà et, dans le cadre du rapport gouvernemental prévu à l’article 3, il nous appartiendra de voir comment nous pourrons, notamment en relation avec l’UNOCAM, avancer en la matière.

Monsieur le sénateur, je ne peux, j’en suis bien consciente, répondre entièrement aux attentes qui sont les vôtres aujourd'hui, mais je puis vous assurer que cette question est une préoccupation du Gouvernement, comme de ceux qui constituent des réseaux. Nous verrons, je le répète, dans le cadre du rapport qui sera remis au Parlement, quelles réponses nous pourrons apporter pour aller, ensemble, de l’avant.

Ensuite, vous vous demandez de quelle manière il serait possible de garantir aux adhérents d’un organisme complémentaire qu’ils ne verront pas, à la suite de la constitution d’un réseau, leurs conditions de prise en charge dégradées.

Vous le savez, – c’est d’ailleurs l’une des difficultés – les contrats des organismes complémentaires sont souvent renouvelés automatiquement. Lorsqu’un organisme complémentaire est conduit à modifier la nature de son contrat, il doit en informer ses adhérents, lesquels ont alors la possibilité, pendant un temps donné, de résilier, sans condition particulière, le contrat qu’ils ont souscrit. Si la constitution de réseaux aboutit à améliorer certaines prestations et à en dégrader d’autres, il va de soi qu’il appartiendra à chaque adhérent de décider si les nouvelles conditions qui lui sont proposées lui conviennent, faute de quoi il résiliera son contrat et, le cas échéant, il adhérera à un autre organisme.

M. le président. Monsieur Vanlerenberghe, avez-vous été convaincu par Mme la ministre ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Presque…

Je vais retirer mes deux amendements, car je vois bien la complexité de la question. Mais sachez, madame la ministre, que, s’agissant de l’amendement n° 2, le contrôle est non pas une prestation, mais le respect d’un cahier des charges.

Mme Marisol Touraine, ministre. Oui !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Suivant que le cahier des charges sera rédigé de telle ou telle façon, que telle ou telle qualité de produit sera proposée, vous risquez d’avoir des surprises. Les référencements sont essentiels dans ce domaine.

Mme Marisol Touraine, ministre. Bien sûr !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. S’il n’y a pas de contrôle du cahier des charges, vous risquez, je viens de le dire, d’avoir des surprises, et bien sûr de nombreuses réclamations. En effet, la diminution du prix implique parfois une baisse de qualité.

Aussi, vous seriez bien inspirée, me semble-t-il, en tant que ministre, de veiller tout particulièrement, avec les organismes qui dépendent de votre ministère, à ce que les conventions ne conduisent pas à un affaiblissement de la qualité de la prestation.

Concernant l’amendement n° 4, je comprends, comme je l’ai déjà souligné, la difficulté de mettre en œuvre la disposition proposée. Il appartiendra à chaque adhérent de résilier son contrat, encore que, dans le cadre des complémentaires santé signées par des branches professionnelles, celui-ci sera totalement tributaire de la branche dans laquelle il travaille. On peut espérer que les acteurs des branches professionnelles, notamment les syndicalistes, s’assureront que les adhérents qui n’iront pas se faire soigner dans les réseaux constitués ne connaîtront pas de baisse de remboursement. Il sera nécessaire de mesurer les effets de cette préconisation dans l’évaluation prévue dans le rapport gouvernemental.

Au bénéfice de ces observations, je retire mes deux amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 2 et 4 sont retirés.

Monsieur Requier, l'amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Milon, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary et Mayet, est ainsi libellé :

Alinéas 9 et 10

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Les conventions souscrites entre une mutuelle ou union relevant du code de la mutualité, une entreprise d'assurances régie par le code des assurances ou une institution de prévoyance régie par le présent code et les professions de santé mentionnées à la quatrième partie du code de la santé publique et dont les rapports sont régis par une convention nationale avec les caisses d’assurance maladie au sens des articles L. 162–5 et L. 162–9 du code de la sécurité sociale ne peuvent comporter de stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations médicaux mentionnés aux articles L. 162–1–7 et L. 162–14–1 du présent code.

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Cet amendement vise à interdire les stipulations tarifaires dans les conventions conclues non seulement avec les médecins, mais avec l’ensemble des professionnels de santé.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après le mot :

médecin

insérer les mots :

ou à un professionnel de santé n'appartenant pas à l'une des professions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 162–14–3 du présent code

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cet amendement vise à exclure du champ du remboursement différencié non seulement les médecins, mais toutes les professions conventionnées par l'assurance maladie. À nos yeux, cette mesure est importante et devrait parachever le bornage de la proposition de loi.

La raison d’être de la proposition de loi est de régir les domaines d’assurance médicale majoritairement désertés par l’assurance maladie – des chiffres ont été abondamment cités à cet égard –, lesquels correspondent souvent à la fourniture de matériels médicaux ; aussi bien, tous les autres domaines, c’est-à-dire ceux qui relèvent à la fois de la fourniture de services et de prestations médicales conventionnées par l’assurance maladie, doivent être exclus de son champ, sous peine de porter une atteinte grave et dangereuse au conventionnement de base.

En commission, on nous a objecté que cet amendement était sans objet, au motif que les professions concernées ne pratiquent pas, à ce jour, de dépassements d’honoraires. Contre cette position soutenue en particulier par M. le rapporteur général, nous avons deux arguments à faire valoir.

D’une part, la situation pourrait changer à l’avenir ; si nous travaillons à encadrer les réseaux de soins, c’est aussi dans un but préventif.

D’autre part, et surtout, le problème n’est pas exclusivement lié à la pratique du dépassement d’honoraires ; il se pose aussi dans le cadre du remboursement de l’acte conventionné à son prix de base.

Prenons l’exemple des masseurs-kinésithérapeutes. Leur convention actuelle avec l’assurance maladie prévoit que l’acte est à seize euros et que le régime de base rembourse 60 % de ce montant, à charge pour les complémentaires de rembourser le reste, ou un peu moins.

Que se passera-t-il si, demain, l’acte de kinésithérapie est soumis au remboursement mutuel différencié ? Hors réseau, et en l’absence de sanctuarisation des remboursements actuels, les 40 % du tarif conventionné remboursés par la mutuelle risquent de fondre comme neige au soleil. C’est extrêmement dangereux, puisque tout le conventionnement de l’assurance maladie serait remis en cause, et avec lui le fondement même d’un système de soins auquel, je le crois, chacune et chacun d’entre nous demeure très attaché.

Ce risque est particulièrement élevé en période de carence de l’offre de soins. La désertification médicale pourrait s’aggraver davantage et les renoncements aux soins se multiplier encore un peu plus.

C’est pourquoi il faut circonscrire précisément le champ de la proposition de loi en excluant du remboursement différencié non seulement les médecins, mais toutes les professions conventionnées, à l’exception des professions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 162–14–3 du code de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’adoption de l’amendement n° 6 rectifié aurait pour effet d’interdire aux organismes complémentaires de conclure avec les chirurgiens-dentistes des conventions portant sur les tarifs. Il me semble que cette mesure serait très préjudiciable aux patients.

Elle le serait d’autant plus que les restes à charge sont élevés en matière de soins dentaires, après des dizaines d’années de désengagement progressif de l’assurance maladie. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a calculé que 3,4 milliards d’euros seraient nécessaires pour porter à 65 % la prise en charge des soins dentaires. Qui peut prétendre que l’assurance maladie en a aujourd’hui les moyens ?

Il me semble essentiel que les OCAM puissent conclure des conventions avec les dentistes, y compris en ce qui concerne les tarifs ; du reste, c’est tout le sens des réseaux de soins, et si cette possibilité n’existait pas nous aurions perdu notre temps cet après-midi.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 6 rectifié.

L’amendement n° 3, présenté par les membres du groupe UDI-UC, tend à interdire la modulation de la prise en charge pour l’ensemble des professionnels de santé autres que les opticiens, les chirurgiens-dentistes et les audioprothésistes.

La liste des professions concernées n’est pas extrêmement longue : infirmières, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes. Or, contrairement aux médecins, ces professionnels ne peuvent pas pratiquer de dépassements d’honoraires ; leurs conventions ne les y autorisent pas. Par conséquent, en ce qui les concerne, il suffit de préciser, comme je l’ai proposé, que les conventions ne comportent pas de stipulations tarifaires liées aux actes et prestations de l’assurance maladie.

En pratique, la modulation ne peut avoir une certaine portée que lorsque les tarifs sont libres. Lorsqu’ils ne le sont pas, les OCAM complètent la prise en charge par la sécurité sociale pour atteindre le tarif de l’assurance maladie, ou s’en rapprocher.

Il m’apparaît donc que l’amendement n° 3 n’a pas d’objet, les faits visés n’ayant aujourd’hui aucune réalité. Sans doute, monsieur Vanlerenberghe, la situation peut-elle évoluer ; mais puisque nous sommes capables de siéger un 24 juillet, nous pourrons siéger un autre 24 juillet pour modifier le dispositif. Toute loi peut connaître une évolution.

Je le répète avec une certaine solennité : j’ai souhaité que cette proposition de loi ne puisse en aucune façon être présentée comme un texte d’opportunité, préparé en réaction à tel ou tel mouvement, mais qu’elle constitue un dispositif cohérent par rapport à l’ensemble des professions de santé.

Aujourd’hui, il ne me semble pas nécessaire de légiférer sur les remboursements différenciés pour des professions que ce mécanisme ne peut pas concerner. Aussi, afin d’assurer la plus grande clarté au texte qui résultera de nos travaux, je demande aux auteurs de l’amendement n° 3 de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Comme M. le rapporteur général, je suis défavorable à l’amendement n° 6 rectifié, qui va à l’opposé de la proposition de loi.

Quant à l’amendement n° 3, je souhaite également qu’il soit retiré.

D’une part, l’idée d’interdire les remboursements différenciés pour l’ensemble des professions ne tient pas compte de la diversité des situations, qui a déjà été signalée.

D’autre part, cet amendement est rédigé en des termes tels qu’il n’atteint pas l’objectif visé par ses auteurs. En effet, il vise les actes médicaux, qui, par définition, ne peuvent pas être pratiqués par des professions paramédicales, lesquelles du reste ne peuvent pas procéder à des dépassements d’honoraires.

Si la situation devait évoluer à cet égard, nous modifierions la loi. Reste, monsieur Vanlerenberghe, que la volonté de ce gouvernement n’est pas de permettre l’inflation des dépassements d’honoraires. Au moment où nous sommes engagés dans la lutte contre les dépassements d’honoraires excessifs de certains médecins, nous n’allons pas permettre que des professionnels n’ayant pas accès aux dépassements d’honoraires aujourd’hui puissent les pratiquer demain ! C’est une question de cohérence.

Au demeurant, monsieur le sénateur, il n’est pas vrai que votre amendement concernerait un ensemble de professionnels. Dans la mesure où les professions paramédicales ne peuvent pas pratiquer de dépassements d’honoraires et où la proposition de loi interdit déjà toute modulation pour ce qui concerne les médecins, l’amendement n° 3, tel qu’il est rédigé, conduirait à une situation dans laquelle seules les sages-femmes seraient concernées par l’interdiction des remboursements différenciés.

Monsieur le sénateur, je vous demande de retirer cet amendement qui ne me semble pas cohérent ; s’il est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote sur l'amendement n° 6 rectifié.

M. Jean-Noël Cardoux. J’avoue être surpris par les avis défavorables émis sur l’amendement n° 6 rectifié ; cette position revient à limiter l’exclusion des remboursements différenciés aux seuls médecins.

Lorsque les représentants des mutuelles ont été reçus par la commission des affaires sociales, j’ai souligné que les médecins n’étaient pas les seuls professionnels de santé avec lesquels les malades pouvaient créer un lien affectif ; c’est le cas aussi, par exemple, avec les infirmiers suivant des malades de longue durée ou avec des kinésithérapeutes.

En imposant des remboursements différenciés, on risque d’éloigner les patients des professionnels de santé auxquels ils sont habitués, alors même que, dans le cadre d’une thérapie, on sait bien que le lien affectif est souvent un facteur de guérison déterminant.

Il m’a été répondu que les opticiens, les audioprothésistes et les prothésistes dentaires étaient les seules professions concernées ; force est de constater que ce n’est pas tout à fait exact.

Par ailleurs, dans le numéro de ce jour du journal Les Échos, M. le rapporteur général annonce qu’il proposera des amendements excluant toutes les professions de santé des remboursements différenciés. Je déplore que sa position ait changé en quelques heures.

J’ajoute que, selon moi, nous commettons une erreur de jugement dès le début. Permettre de meilleurs remboursements dans les trois secteurs que je viens de citer, où la sécurité sociale assure des remboursements insuffisants, c’est un objectif que tout le monde comprend bien.

Seulement, les opticiens, les audioprothésistes et les prothésistes dentaires – je dis bien « prothésistes dentaires » et non pas « chirurgiens-dentistes » parce que les stomatologues sont des médecins et les chirurgiens-dentistes sont des professionnels de santé –, donc ces trois professions ne sont pas des professions de santé.

La meilleure preuve en est que, sur le plan fiscal, elles sont traitées différemment des professions de santé : alors qu’un professionnel de santé est un professionnel libéral assujetti aux bénéfices non commerciaux, les professionnels dont nous parlons sont assujettis, comme les artisans ou les commerçants, aux bénéfices industriels et commerciaux.

En outre, pour accéder aux professionnels de ces trois secteurs, il faut une prescription médicale.

Il y a donc une différence fondamentale entre ces trois professions, qui posent problème du point de vue du niveau des remboursements, et les professions de santé.

Il me semble qu’il aurait suffi de cibler, pour les remboursements différenciés, les trois secteurs qui posent problème, et de laisser aux professions de santé, qui sont des professions libérales, leur liberté d’exercice et leur liberté de contact avec les patients ; car je le répète : bien souvent, le lien affectif avec le patient est une composante importante du traitement.

Pour ma part, je voterai l’amendement n° 6 rectifié.