compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi et d'une proposition de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :

– du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 juin 2013 ;

– de la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2013.

3

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

4

Organismes extraparlementaires

M. le président. Par lettres en date du 3 juillet 2013, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur appelé à siéger, en remplacement de Jean-Louis Lorrain, au sein :

– du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, en application des articles L. 1418-4 et R. 1418-19 du code de la santé publique ;

– de la Commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique, en application des articles L. 1114-1, R. 1114-5 et R. 1114-6 du code de la santé publique ;

– du Conseil supérieur du travail social, en application de l’article 2 de l’arrêté du 7 juillet 2010.

Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission des affaires sociales a été saisie de ces désignations.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

5

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

Ce rapport a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

6

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 5 juillet 2013 :

– une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L.231 du code électoral (n° 2013-326 QPC) ;

– une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques (n° 2013-331 QPC).

Acte est donné de ces communications.

7

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

feuille de route pour le numérique dans les départements ruraux

M. le président. La parole est à M. Christian Namy, auteur de la question n° 472, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.

M. Christian Namy. Madame la ministre, le déploiement du très haut débit est un enjeu national. Le Président de la République, François Hollande, a fixé pour objectif la couverture intégrale de notre pays à l’horizon 2022.

Dans le département de la Meuse, le conseil général s’inscrit dans cette dynamique. Il a adopté en décembre dernier son schéma directeur territorial d’aménagement numérique, document stratégique qui planifie la montée en débit sur son territoire.

S’il est certain que le déploiement du très haut débit dans toute la France constitue un enjeu financier lourd – il est estimé a minima à 20 milliards d’euros –, c’est d’autant plus vrai pour les territoires ruraux qui sont confrontés à une faible densité de population et à un éparpillement de l’habitat.

Il est donc indispensable de tenir compte des spécificités de ces territoires dans les règles de subventionnement par l’État des investissements des collectivités locales par le biais du Fonds national pour la société numérique.

Or les règles qui viennent de nous être communiquées ne prennent à mon avis pas assez en compte les difficultés financières et la spécificité rurale non seulement de mon département, mais également, de manière générale, des départements ruraux.

Je souhaite par conséquent, en premier lieu, une augmentation du taux de subvention. En Meuse, le coût moyen de la prise s’élève à 2 600 euros dans les zones où le déploiement relève de l’initiative publique. Si le taux de subvention affiché est de 54,5 %, il n’est en réalité que de 41 %, car les règles de calcul du Fonds national pour la société numérique imposent de déduire des prévisions de recettes d’exploitation et prévoient des plafonds.

Par ailleurs, j’invite à la non-extension des zones confiées aux opérateurs privés. Aujourd’hui, le déploiement du très haut débit est confié aux opérateurs privés dans les zones denses, dites zones AMII, et aux réseaux d’initiative publique dans les autres zones. Si l’on confiait de nouvelles zones au secteur privé, on risquerait de concentrer les investissements publics dans les zones les plus isolées. En conséquence, le prix moyen de la prise augmenterait encore, rendant le coût du déploiement plus lourd pour les collectivités locales.

Enfin, je suis favorable à l’éligibilité de la technologie FH-FTTH aux subventions accordées par le Fonds national pour la société numérique. Le conseil général de la Meuse a fait le choix de déployer la fibre optique en deux étapes. Si la partie « collecte » se fera exclusivement par la fibre optique, la partie « desserte » se fera en partie, dans un premier temps, par la technologie FH-FTTH.

Cette technique allie le faisceau hertzien, du point de mutualisation au répartiteur du village, et la fibre optique, du répartiteur au domicile de l’abonné. Elle est donc particulièrement adaptée aux territoires ruraux où des distances importantes, souvent de plusieurs kilomètres, séparent les points de mutualisation des villages raccordés.

Les solutions de mix technologique semblent désormais étudiées par l’État lorsqu’elles favorisent ses objectifs nationaux, si j’en crois les récentes déclarations d’Antoine Darodes, directeur de la mission «Très haut débit ».

Madame la ministre, j’ai bien conscience de la précision et de la technicité de mes questions, mais je crois relayer, au travers de l’exemple de mon département, les préoccupations d’un grand nombre de territoires ruraux qui se mobilisent pour éviter que le numérique ne soit le fondement d’une nouvelle fracture entre les territoires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur Christian Namy, le plan « France Très haut débit », ou FTHD, est l’un des chantiers d’infrastructures les plus ambitieux qu’ait connus la France au cours de ces dernières années.

Comme vous l’avez rappelé, le Gouvernement, fidèle à l’engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale et à l’objectif affiché de permettre à tous les Français d’accéder au très haut débit d’ici à 10 ans, a conçu un plan de déploiement soucieux à la fois d’efficacité et de solidarité.

Plus de 120 millions d’euros ont déjà été engagés depuis la publication du nouveau cahier des charges à la toute fin du mois d’avril, et trente-sept collectivités ont déposé leur dossier technique auprès du Commissariat général à l’investissement.

D’emblée, monsieur le sénateur, je peux vous dire qu’aujourd’hui, concrètement, les dossiers des collectivités locales avancent ; mais je veux revenir sur les deux volets de votre question, pour vous répondre avec précision.

S’agissant du premier volet de votre question, je tiens à préciser que le plan « France Très haut débit » est un plan solidaire qui organise la péréquation territoriale en renforçant l’aide aux territoires les plus ruraux, comme le vôtre. Ce n’est pas seulement un discours, mais une réalité inscrite dans la manière même dont j’ai souhaité concevoir le plan.

Ainsi, pour votre département de la Meuse, le niveau de l’aide apportée par l’État connaît une augmentation significative de près d’un tiers dans le nouveau plan par rapport au précédent : le taux d’aide passe en effet de 42,2 % à 54,4 %.

J’ajoute que le plafond de subventionnement a été substantiellement relevé de 54 %, passant de 367 euros à 566 euros par prise.

Le Gouvernement a parfaitement conscience de l’effort financier très important que représente pour les collectivités, malgré l’augmentation de son soutien, ce défi crucial pour la vie économique, sociale et citoyenne des territoires. Une mobilisation générale de l’ensemble des collectivités territoriales est donc nécessaire pour engager des projets ambitieux. Ce défi appelle des choix exigeants de leur part, mais il est indispensable au maintien de la vitalité de zones rurales. Pour accompagner ces efforts, le plan FTHD met à leur disposition une enveloppe de prêts de plusieurs milliards d’euros à des taux extrêmement attractifs et sur des maturités longues – de vingt ans à quarante ans – qui permettent de lisser financièrement cet effort très important.

Enfin, le Gouvernement se bat en ce moment même auprès de la Commission européenne pour que les prochaines enveloppes des programmes opérationnels des fonds FEDER 2014-2020 puissent soutenir les projets de déploiement d’infrastructures numériques à très haut débit.

Monsieur le sénateur, le second volet de votre question concerne la solution FH-FTTH. Je vous confirme que celle-ci n’est pas, à ce jour, soutenue par le plan « France Très haut débit ». Je connais les contraintes très lourdes de la réalisation des réseaux de collecte en fibre optique dans les zones rurales, parfois isolées, et je comprends aisément qu’il puisse être très tentant de céder à des solutions alternatives moins onéreuses, parfois un peu à l’économie, et apparemment efficaces. Elles sont d’ailleurs habilement proposées par certains opérateurs, notamment en utilisant des technologies hertziennes.

Néanmoins, nous avons la profonde conviction qu’il faut dès aujourd’hui préparer l’avenir : il est nécessaire de déployer des réseaux de fibre optique dans les campagnes afin d’amener dans tous les villages la fibre optique, formidable arme contre l’isolement et la relégation économique. En effet, la fibre optique se joue des distances et laisse entrevoir des potentialités sans limites, ou presque, en matière d’usages. Elle seule offre une solution pérenne, évolutive et d’une grande fiabilité, de nature à développer de nouvelles applications, notamment pour l’éducation, la télémédecine ou les services publics.

De même qu’il était important, hier, de goudronner les routes nationales et départementales irriguant les villages de nos territoires pour rompre l’isolement physique, il est fondamental, aujourd’hui, de déployer des réseaux de collecte en fibre optique vers tous les villages pour neutraliser cet insupportable isolement numérique, aussi appelé « fracture numérique ».

Par ailleurs, je vous précise que la solution FH-FTTH repose sur un raccordement activé de la boucle locale FTTH qui pourrait soulever des interrogations au regard de la réglementation établie par le régulateur indépendant.

Monsieur le sénateur, je sais que les équipes du conseil général de la Meuse ont engagé des discussions avec la mission FTHD, dirigée par Antoine Darodes, qui m’est directement rattachée. Sachez que je veillerai à ce que celle-ci puisse poursuivre l’accompagnement de votre département dans le déploiement de la fibre.

J’ai intégré, depuis des mois maintenant, l’urgence de l’aménagement numérique des territoires. Le rythme d’instruction des dossiers par la mission « Très haut débit » me donne bon espoir de réduire enfin la fracture numérique dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Christian Namy.

M. Christian Namy. Madame la ministre, je reconnais que le plan actuel est meilleur que le précédent. Je salue aussi votre engagement personnel sur ce dossier du tout-numérique, et vous en remercie.

En revanche, s’agissant du taux de subvention, je peux vous dire que les méthodes de calcul ne permettent pas d’atteindre le taux de 54 % dont vous avez fait état : nous sommes largement en dessous.

Ensuite, vous avez remis en cause la technologie FH-FTTH en disant qu’elle n’était pas forcément la meilleure formule aujourd’hui. Je pense au contraire qu’elle permet d’aborder le tout-fibre dans un deuxième temps, d’abord parce qu’elle amène la fibre optique dans tous les foyers de nos communes, ensuite parce qu’elle évite des remplacements à court terme des lignes de cuivre enfouies qui ne sont plus en état. Elle est donc susceptible de fournir à l’abonné le haut débit rapide à un coût raisonnable.

À mon sens, il s’agit donc actuellement de la meilleure solution en milieu rural, compte tenu des capacités financières de nos départements. Nous reverrons ce dossier avec votre collaborateur, mais permettez-moi de vous remercier de ce que vous faites.

gestion des fichiers des hlm de paris

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, auteur de la question n° 89, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

M. Philippe Dominati. Madame la ministre, au mois de février 2012, la CNIL a mis en lumière un fichage massif par Paris Habitat, l’office HLM de Paris, de 125 000 locataires, avec des annotations à caractère privé particulièrement graves : « alcoolique », « chômeur en fin de droits », « séropositif », « n’est pas de nationalité française », « sous chimiothérapie ». Ce fichier pour le moins curieux a été dénoncé par la CNIL.

Nous avons évoqué cette situation à plusieurs reprises, notamment à l’occasion d’une séance de questions d’actualité, voilà un an, pour savoir ce que le Gouvernement comptait faire. À chaque fois, il nous a été répondu que l’affaire suivait son cours.

Aujourd’hui, un an près, je souhaiterais savoir où l’on en est. Un audit devait être réalisé, et je sais qu’une remise en ordre technique a été opérée sur le logiciel. Pour autant, où sont les responsabilités ? Quelles suites le Gouvernement a-t-il donné à cette découverte d’un fichage massif des locataires parisiens, parmi les plus faibles de nos concitoyens, qui ont rarement la possibilité de se défendre ?

Je sais que vous allez m’apporter une réponse technique, mais, au-delà, je voudrais savoir quelle est réellement l’action du Gouvernement pour protéger les plus faibles, pour éviter que ce genre de dérive ne se reproduise et, surtout, pour définir les responsabilités. A-t-on mis la poussière sous le tapis ou a-t-on véritablement recherché les responsables de ce fichage massif ? Madame la ministre, tel est le sens de ma question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur le sénateur, les manquements relevés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, en décembre 2011, lors de sa mission de contrôle du système informatique de Paris Habitat, n’avaient pas de caractère généralisé, puisqu’il s’agissait de cas très isolés d’enregistrements non pertinents, réalisés sans qu’aucune instruction ait été donnée.

En outre, Paris Habitat a engagé un travail de fond afin de répondre aux attentes de la CNIL. Ce travail a été présenté à cette dernière dans un mémoire en réponse, qui a d’ailleurs donné lieu à plusieurs réunions avec les services de la commission et a traduit en engagements concrets la mise en œuvre de cette démarche. Parmi ces engagements, figurait la nomination d’un correspondant informatique et libertés, devenue effective le 8 juillet 2012, en application des procédures définies par la CNIL. Le correspondant exerce sa fonction avec l’indépendance et l’autonomie d’action requises, en cohérence avec son statut.

La réalité de la mise en œuvre de ces engagements a pu être vérifiée lors de contrôles réalisés par les services de la CNIL. En effet, par courrier du 19 juillet 2012, la présidente de cette commission a décidé de procéder à la clôture de la mise en demeure de Paris Habitat. Dans ce courrier, elle a pris acte des mesures prises par Paris Habitat et noté que, dans certains domaines, les mesures prises « vont au-delà de ce qui était exigé dans la mise en demeure ».

En tout état de cause, le maire de Paris a écrit dès le 3 février 2012 aux présidents des trois autres organismes liés à la Ville de Paris, en leur demandant, d’une part, de vérifier sans délai la stricte conformité de leurs pratiques en matière d’enregistrement des données personnelles et, d’autre part, de présenter à leur prochain conseil d’administration les mesures mises en œuvre pour garantir le respect de la loi. La Régie immobilière de la ville de Paris, ou RIVP, la Société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris, ou SIEMP, et la Société de gérance des immeubles municipaux, ou SGIM, devenue ELOGIE, les trois autres organismes concernés, ont réagi très rapidement et indiqué notamment que leurs gardiens n’avaient pas accès au système de gestion.

Des précisions ont été apportées, en particulier en termes de conservation des données et de vigilance rappelée aux équipes quant à l’utilisation, dans les applications de gestion, des éventuels champs libres réservés aux commentaires. Une présentation des mesures existantes a également eu lieu lors des conseils d’administration de ces trois organismes.

Enfin, à la suite du traitement de ce dossier, la CNIL a engagé une concertation nationale avec les acteurs du logement social. « Consciente des problèmes que peuvent rencontrer les bailleurs sociaux » – ce sont ses propres termes – dans l’application de la loi de 1978, la CNIL souhaite faire évoluer sa norme simplifiée et proposer un « pack de conformité », tenant compte des évolutions du métier de bailleur social requises par l’évolution des politiques publiques.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Madame la ministre, votre réponse portait sur les mesures prises dans le champ de compétence de la CNIL et la mise en conformité du logiciel de Paris Habitat. Finalement, si je comprends bien, personne n’est responsable ni coupable du fichage des locataires parisiens.

Sur le plan de la justice, le Gouvernement devrait savoir ce qui s’est passé. La direction de l’entreprise était-elle à l’origine des faits reprochés, ou s’agissait-il de phénomènes isolés résultant d’initiatives individuelles ? Un an après, nous n’en savons toujours rien !

Des instructions ont été données, on a prétendument réagi pour que de tels actes ne se reproduisent plus, mais aucune suite n’a été donnée à cette affaire. En réalité, on a voulu masquer cette action dérangeante. Un organisme public d’HLM gérant 120 000 locataires procède à un fichage individuel de ceux-ci, et il ne se passe rien ! Pour autant, vous prétendez tenir un discours d’exemplarité, en particulier aux jeunes, dans le domaine du numérique, des fichiers et du traitement des données.

Votre réponse est faible, madame la ministre – ce n’est d’ailleurs pas la vôtre, mais celle du Gouvernement. Normalement, le ministre de la justice et le ministre de l’intérieur ont été informés, mais, en réalité, le problème est éludé et on fait en sorte que rien ne se passe !

Je ne peux donc pas me satisfaire de votre réponse.

promotion et soutien de la politique forestière

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, auteur de la question n° 453, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Nièvre dispose d’une ressource forestière abondante sur plus de 225 000 hectares. Le taux de boisement global du département est de 33 %. Les forêts nivernaises sont composées de 180 000 hectares de feuillus dont l’essence majoritaire est le chêne – plus de 66 % – et de 45 000 hectares de résineux, en majorité des douglas plantés dans la seconde moitié du XXe siècle.

Élue d’un département pour lequel la forêt est un bien précieux et la transformation du bois un axe majeur de développement économique, je souhaite aujourd’hui vous interpeller, madame la ministre, sur la nécessité de recréer les outils destinés à mettre en œuvre une politique forestière moderne et ambitieuse. Deux rapports viennent d’être présentés au Gouvernement ; ils sont destinés à alimenter la partie du futur projet de loi d’avenir sur l’agriculture consacrée à la forêt.

Je salue ici le travail de M. Jean-Yves Caullet, qui propose un certain nombre de pistes destinées à sortir la forêt française de l’« immobilisme » dans lequel elle stagnait ces dernières années, ainsi que le travail de la mission interministérielle menée par Christophe Attali, dont le rapport intitulé Vers une filière intégrée de la forêt et du bois prévoit l’élaboration d’un plan national de la forêt et du bois, qui serait la clef de voûte des instruments d’orientation et de conduite de la politique nationale forestière.

Madame la ministre, le Fonds forestier national, ou FFN, fonds d’État, a été supprimé par la loi d’orientation sur la forêt du 9 juillet 2001. Il était destiné à permettre une gestion plus dynamique des forêts françaises et à aider la filière bois à se développer en encourageant le reboisement et en désenclavant les forêts grâce à un meilleur accès des engins de débardage. Il était alimenté par une taxe fiscale et, en tant que compte spécial du trésor, il échappait à l’annualité budgétaire. Cette taxe était versée par les exploitants forestiers et le commerce de première transformation du bois.

Durant cinquante ans, ce fonds, outil essentiel d’une politique forestière nationale stratégique, a parfaitement répondu aux objectifs qui lui étaient assignés : extension forestière – plus de 2 millions d’hectares ont été plantés dont 1,5 million appartient à des propriétaires privés –, développement de pépinières forestières, de routes, de pistes et de cloisonnements permettant une exploitation plus rapide et rentable des forêts, mise en place de système de défense contre les incendies, développement des métiers de la forêt.

Toutefois, des effets pervers se sont également fait sentir : la recherche d’une rentabilité maximale, couplée à un système d’aides spécifiques, a fortement privilégié résineux et peupliers dans beaucoup de régions françaises, créant un déséquilibre entre feuillus et résineux au détriment d’une biodiversité naturelle et indispensable. Le Morvan en est un exemple : il a connu un fort enrésinement dans la seconde moitié du XXe siècle ; sa ressource arrive à maturité et la disponibilité en résineux dans cette région reste supérieure à un volume de 1,1 million de mètres cubes jusqu’en 2040.

L’exploitation actuelle de cette ressource ne s’effectue pas dans des conditions acceptables : les coupes rases, l’artificialisation des forêts et leur fragmentation écologique, aggravées par un exode rural non négligeable, sont à déplorer et menacent nos forêts actuelles. Aujourd’hui, alors que des plantations arrivent à maturité, ces « forêts de rendement » font l’objet d’une exploitation massive dans un contexte caractérisé par l’absence préjudiciable de moyens de contrôle et de réglementation. La question du repeuplement, du renouvellement de la ressource, des conditions de replantation et de l’équilibre des essences reste par ailleurs posée. Depuis 2001, aucune politique forestière n’a réellement été engagée, ni même pensée.

L’engagement de l’État en faveur de la forêt française est indispensable ; il ne s’était jamais démenti, s’appuyant, entre autres, sur des outils fiscaux et des subventions spécifiques. Ces outils, comme le FFN en son temps, constituaient des leviers efficaces permettant de développer une politique forestière durable.

Madame la ministre, est-il envisageable de travailler à la mise en place de nouveaux outils de gestion et de promotion de la filière bois et de la forêt française – comme le « fonds forestier stratégique carbone », proposé par les acteurs du secteur –, basés sur des financements alternatifs appuyés sur les nouveaux enjeux économiques et environnementaux liés à la forêt française ?

Je souhaiterais également savoir si de telles orientations seront inscrites dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, en préparation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Stéphane Le Foll, retenu ce matin au conseil d’administration de FranceAgriMer.

Le Fonds forestier national a été un formidable outil de rénovation de la forêt française entre 1946 et 2000, qui a permis le boisement de plus de deux millions d’hectares de terres abandonnées par l’agriculture et l’amélioration de la desserte. L’accent mis sur les résineux a certes modifié le paysage, mais la France reste un pays de feuillus avec 71 % de sa surface couverte par ces essences.

Les boisements réalisés grâce au FFN alimentent aujourd’hui une filière industrielle très dynamique, répondant à la demande de l’aval qui porte essentiellement sur des sciages résineux. Les actions d’animation territoriale – chartes forestières de territoire et plans de développement de massif – qui touchent un quart de la forêt privée portent sur le renouvellement de ces boisements qui arrivent à maturité et sont exploités, de façon à les remplacer par des peuplements mieux adaptés aux nouvelles conditions climatiques et plus riches du point de vue environnemental.

Les nombreux défis auxquels la forêt française doit faire face sont liés à des demandes économiques, écologiques et sociales de plus en plus appuyées, notamment du fait de la prise de conscience de la place de la forêt et du bois dans la lutte contre l’effet de serre : multifonctionnalité et gestion durable des forêts, intégration des forêts et du bois dans l’économie du carbone, préservation de la biodiversité, défense de l’emploi et aménagement du territoire sont autant de fonctions à développer.

Atteindre ces objectifs suppose, en premier lieu, d’assurer la pérennité de la forêt française par le renouvellement et l’amélioration des peuplements, en prenant en compte les conséquences du changement climatique. La constitution d’un outil financier capable de porter cette politique d’adaptation de la forêt française est donc un préalable.

Lors de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le Président de la République a annoncé, dans la feuille de route pour la transition écologique, le lancement immédiat d’une mission conjointe du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et du ministère du redressement productif, pour la création d’un fonds « bois-carbone » et d’un « comité national filière bois ». Il s’agissait notamment d’étudier la possibilité de mettre en place des financements alternatifs appuyés sur l’économie du carbone.

Le rapport de cette mission, remis récemment, se prononce pour la constitution d’un plan national de la forêt et du bois et la création d’un « fonds stratégique forêt-bois ». La mission confiée par le Premier ministre à M. Jean-Yves Caullet, député de l’Yonne, sur la forêt française et la filière bois conclut dans les mêmes termes.

Cet enjeu est donc bien identifié et fait l’objet de travaux pour sa mise en œuvre dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, actuellement en préparation. Parmi les six axes d’action du volet forestier de ce projet annoncés par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, lors du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois du 6 mai dernier, figure la mise en place d’un fonds stratégique forêt-bois et de son comité de gestion.

Les discussions en cours visent à mettre en place les conditions d’alimentation de ce fonds par diverses sources budgétaires, fiscales et de fonds de concours, de façon à redonner à la politique forestière des moyens en adéquation avec les défis qu’elle doit et souhaite relever.