Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

M. Alain Dufaut, Mme Catherine Procaccia.

1. Procès-verbal

2. Rappels au règlement

Mme Catherine Morin-Desailly, M. le président.

MM. Jacques Mézard, le président.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.

3. Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles. – Discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique ; MM. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois ; Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable ; Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

MM. Christian Favier, Michel Mercier, Jacques Mézard.

Suspension et reprise de la séance

4. Questions cribles thématiques

budget européen

MM. Simon Sutour, Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes.

MM. Éric Bocquet, Thierry Repentin, ministre délégué.

MM. André Gattolin, Thierry Repentin, ministre délégué.

MM. Jacques Mézard, Thierry Repentin, ministre délégué.

MM. Jean Bizet, Thierry Repentin, ministre délégué.

MM. Jean Arthuis, Thierry Repentin, ministre délégué.

Mme Bernadette Bourzai, M. Thierry Repentin, ministre délégué.

MM. Philippe Dallier, Thierry Repentin, ministre délégué.

MM. Richard Yung, Thierry Repentin, ministre délégué.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

5. Mise au point au sujet de votes

MM. René-Paul Savary, le président.

6. Retrait d’une question orale

7. Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : Mme Hélène Lipietz, MM. Jean-François Husson, Jean-Jacques Hyest, Edmond Hervé, Mme Isabelle Pasquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Pierre-Yves Collombat, Ronan Dantec, Jean-Claude Gaudin, Gérard Collomb, Hervé Marseille, Gérard Larcher, François Patriat, Roger Karoutchi, Roland Ries, Louis Nègre, le président, Vincent Eblé, Philippe Dallier, Alain Richard, Mme Élisabeth Lamure, MM. Jean-Noël Guérini, Philippe Dominati, Philippe Kaltenbach, Philippe Bas, Bernard Cazeau, Roland Povinelli, Mme Samia Ghali.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

8. Dépôt d’un rapport

9. Renvoi pour avis

10. Communication du Conseil constitutionnel

11. Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Clôture de la discussion générale.

Exception d’irrecevabilité

Motion n° 263 rectifiée de Mlle Sophie Joissains. – Mlle Sophie Joissains, MM. Gérard Collomb, René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois ; Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; MM. René-Paul Savary, Ronan Dantec, Mme Éliane Assassi, M. Jacques Mézard. – Rejet.

Question préalable

Motion n° 649 de Mlle Sophie Joissains. – Mlle Sophie Joissains, MM. François Patriat, le rapporteur, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique ; MM. Pierre-Yves Collombat, Ronan Dantec. – Rejet.

Demande de renvoi à la commission

Motion n° 58 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme Marylise Lebranchu, ministre. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

Mme Catherine Procaccia.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, mes chers collègues, ce rappel au règlement, qui s’appuie sur l’article 29 bis de notre règlement, concerne l’organisation de nos travaux.

Aujourd’hui, jeudi 30 mai, nous nous apprêtons à débuter l’examen d’un projet de loi important pour nos collectivités territoriales, important pour nos territoires, et donc important pour la Haute Assemblée !

Avant tout, je regrette que nous commencions l’examen d’un texte aussi important un jeudi matin. Je sais bien que cela devient récurrent ces derniers temps, puisque même la discussion d’un texte aussi important que le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe avait débuté un jeudi, à seize heures. Nous continuerons toutefois à dénoncer cette organisation de nos travaux.

Il faut également rappeler que cet examen n’a pas débuté dans les meilleures conditions en commission des lois, et ce pour deux raisons.

Premièrement, il avait été convenu que certains articles du projet de loi seraient analysés au fond par d’autres commissions. Cette méthode n’est pas nouvelle et ne pose a priori aucun problème, à une condition toutefois : cette analyse doit avoir lieu en amont du travail d’élaboration du texte par la commission des lois.

Mercredi 15 mai, cependant, alors que la commission des lois devait établir son texte, nous avons constaté que les autres commissions n’avaient pas encore pu rendre leurs avis ! La commission des lois s’est donc trouvée en situation de devoir se prononcer sur des articles qu’elle n’avait pas analysés.

Cet écueil aurait dû être évité. Il aurait pu l’être si un calendrier adapté avait été établi. Une fois de plus, le Gouvernement contraint le Sénat à travailler dans la précipitation, y compris en commission.

Deuxièmement, il n’est pas souhaitable qu’une commission soit contrainte de siéger jusqu’à trois heures du matin pour élaborer son texte. Il s’agit, me semble-t-il, d’une première au sein de la Haute Assemblée, et c’est une innovation dont nous nous serions bien passés !

Ce ne sont pas là de bonnes conditions de travail ; elles le sont d’autant moins lorsque la commission est conduite ainsi à travailler en effectif réduit.

Chacun connaissait bien l’ampleur du débat que ce texte suscitait. L’organisation des travaux en commission aurait dû être prévue en conséquence.

En outre, notre groupe s’interroge une fois de plus sur l’organisation de nos travaux en séance publique. Entre les semaines où le Sénat ne siège pas le mardi après-midi et les semaines sénatoriales où l’on examine pourtant des textes gouvernementaux, sans parler des jours où le groupe socialiste inscrit dans son espace réservé les textes électoraux du Gouvernement, plus personne n’y comprend rien ! (M. Philippe Dallier s’exclame.)

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas une première !

Mme Catherine Morin-Desailly. Je tiens à rappeler que l’article 48 de la Constitution et l’article 29 bis de notre règlement sont clairs à ce sujet : seules deux semaines de séance sur quatre sont réservées, par priorité, à l’examen des textes gouvernementaux !

Enfin, mesdames les ministres, je regrette que le Gouvernement ait fait le choix de scinder en trois textes distincts cette réforme des collectivités. Certes, un texte global aurait été très lourd et difficile à appréhender, mais il aurait permis d’avoir une vision globale des perspectives qui attendent chaque niveau de collectivités. Nous regrettions déjà un tel découpage en 2010, lors de la précédente réforme ; nous le dénonçons également aujourd’hui.

L’inconvénient d’un tel découpage est flagrant dans ce projet de loi. Il va en effet nous contraindre à légiférer sur les métropoles, les grandes zones urbaines, sans corrélation avec nos territoires ruraux, voire en en faisant abstraction.

La réflexion sur l’avenir et l’organisation de nos territoires ne peut avancer sans une complémentarité nécessaire et évidente des secteurs urbains et ruraux. Envisager de réformer l’un sans prendre l’autre en considération au même moment est donc une erreur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, au nom du groupe du RDSE, j’entends formuler un rappel au règlement concernant l’application de l’article 40 de la Constitution.

Il s’agit d’un problème récurrent, que nous signalons régulièrement. Sur le texte qui instituait le binôme comme sur ce texte, des décisions ont été prises que notre groupe considère unanimement comme arbitraires.

Nous ne remettons évidemment pas en cause le texte de l’article 40, que j’ai sous les yeux et que nous connaissons tous, mais bien la jurisprudence de son application,…

M. Michel Delebarre. Absolument !

M. Jacques Mézard. … parce que, compte tenu de l’importance du projet de loi qui est ici soumis à discussion et de la nécessité d’aborder certains sujets touchant, bien sûr, aux questions de ressources financières, certaines décisions sont incompréhensibles – je pèse mes mots – et ont été prises trop rapidement.

J’entends bien que le nombre d’amendements, l’urgence et l’accélération de la procédure qui vient d’être décrite rendent ces décisions difficiles. Mais alors, en cas de difficulté, le doute, comme en matière pénale, doit bénéficier à celui qui dépose l’amendement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. C’est juste !

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Sans prétendre répondre exhaustivement à votre intervention, je vous informe que le président de la commission des finances se propose de faire établir un recueil d’information sur l’application de l’article 40. Je lui demanderai de faire une communication à ce sujet lors de la prochaine conférence des présidents.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas ce recueil qui nous intéresse, mais la façon dont l’article 40 est appliqué !

M. le président. C’est bien pour cela, mon cher collègue, que je ne prétendais pas vous fournir une réponse exhaustive.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je suis en total accord avec ce que vient de déclarer M. Jacques Mézard.

Hier, sur l’initiative de notre collègue Pierre-Yves Collombat, nous nous sommes penchés sur cette question et avons décidé, à l’unanimité de la commission, d’engager une démarche : une délégation de la commission, composée de représentants des six groupes de la Haute Assemblée, va demander un entretien à M. le président de la commission des finances afin de comprendre pourquoi, dans certaines situations concrètes, l’article 40 nous a été opposé sans que nous comprenions très bien pourquoi.

En effet, notre procédure est ainsi faite que, dès lors que l’article 40 est invoqué, il n’existe pas de possibilité de recours.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est inadmissible !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous avons choisi d’engager cette démarche afin de nous expliquer à ce sujet, à la suite de quoi notre commission pourra se saisir à nouveau de cette question, et éventuellement vous saisir, monsieur le président, de manière que l’on puisse trouver des solutions.

Madame Morin-Desailly, nous avons travaillé sur ce texte avec beaucoup d’énergie et, je dirai, beaucoup de passion. Nous avons reçu cinquante élus en auditions publiques. M. le rapporteur René Vandierendonck en a entendu cinquante autres, au cours d’auditions ouvertes aux membres de la commission.

Les représentants de trois commissions, ici présents, MM. Jean Germain, Claude Dilain et Jean-Jacques Filleul, ont beaucoup travaillé. Je suis très heureux que nous ayons passé beaucoup de temps sur ces questions passionnantes. Je suis également très heureux que les commissions du Sénat s’apprêtent à vous proposer, à la suite de leurs travaux, des améliorations à nos yeux importantes de ce texte.

Notre objectif est d’imprimer notre marque par le texte du Sénat, parce que nous sommes au contact quotidien des élus et des collectivités locales.

Il est vrai que nous avons travaillé une fois très tardivement, madame Morin-Desailly. Toutefois, hier soir, nous avons achevé nos travaux à minuit et demi : vous voyez ainsi que la sagesse progresse toujours. (Sourires.) Si les débats ont été longs, et je crois que chacun ici peut en témoigner, c’est qu’ils ont été passionnants !

On ne peut donc pas dire que le débat, dans nos commissions, ait été bâclé. Il ne le sera pas ici non plus, et c’est mieux pour notre démocratie et nos collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

3

 
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (suite)

Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles

Discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (projet n° 495, texte de la commission n° 581, rapport n° 580, avis nos 593, 598 et 601).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, c’est avec d’autant plus de plaisir que je m’adresse à vous ce matin que, ce faisant, je m’adresse à travers vous à la France des territoires et, ainsi, à l’ensemble des Français.

Ma première remarque sera, à la suite de ces rappels au règlement, pour souligner que le travail de votre commission des lois et des commissions saisies pour avis a été extrêmement important.

Tout en entendant les regrets quant au partage en trois de ce projet de loi, je mesure, en observant le nombre d’heures que les sénatrices et les sénateurs ont passé en commission, le nombre d’auditions menées et l’ampleur des travaux engagés jusqu’à hier soir, qu’il n’aurait vraisemblablement pas été possible humainement, physiquement, et démocratiquement, de débattre de l’ensemble du texte. Ce projet gardera donc son unité, mais sera discuté par chapitres.

Je remercie en tout cas les uns et les autres d’avoir participé à un travail de fond extrêmement intéressant qui va nous permettre, je l’espère, de disposer dans quelques jours d’une première partie de projet à transmettre à l’Assemblée nationale.

Je ne veux pas aborder ce texte et ses objectifs sans le resituer dans le cadre de ce que nos concitoyens attendent de leurs élus, évidemment, et de leurs collectivités territoriales, certainement. L’enjeu de ce projet de loi n’est pas, comme je l’ai malheureusement lu ici ou là, d’ouvrir un champ clos aux rivalités de nos associations d’élus.

Il n’est pas, non plus, comme je l’ai lu également, de permettre aux différents niveaux de collectivités de se disputer des compétences et d’élargir leur champ d’action aux dépens les unes des autres. Les compétences locales ne sont pas des trophées, et vos travaux le montrent largement. Nos débats ne sont surtout pas des débats de rapports de forces.

L’objectif prioritaire de ce texte – vous l’avez rappelé dans vos différents écrits –, c’est de renforcer les libertés locales et de les mobiliser au service de notre redressement. Et notre engagement comme nos échanges ne doivent pas faire l’objet de fausses interprétations.

Les élus de France sont plus que jamais engagés auprès de chaque Français, quelle que soit sa situation, auprès de chaque créateur, de chaque entrepreneur et de chaque agriculteur pour que soit donnée à chacun la chance d’une vie meilleure, d’une réussite, la garantie d’une cohésion sociale, la perspective d’une société en redressement.

Parce que la crise nous frappe et que ses conséquences durent, en France comme ailleurs, nous avons plus que jamais besoin de cet extraordinaire réseau d’élus, dont la très grande majorité est engagée bénévolement auprès de nos compatriotes.

Ce texte doit donc être l’occasion de rappeler avec force que les discours de défiance à l’égard des élus n’ont pas de sens et qu’ils ne sont pas acceptables. Ceux-ci mettent en danger l’effort consenti pendant ces trente années de décentralisation, de progrès, de développement et de démocratie dans nos territoires.

Le Président de la République et le Premier ministre ont voulu associer, dès le début de cette mandature, les élus de France au redressement du pays. Notre pays, démobilisé, comme beaucoup d’autres en Europe, par la gravité de la crise et les ravages du chômage, a sans aucun doute besoin d’un engagement déterminé de ses élus.

Nous le savons tous ici, il n’y aura pas de succès dans la bataille pour l’emploi, ni de redressement, sans la mobilisation de tous les élus sur les territoires.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte que j’ai l’honneur de porter veut dire cette vérité, la nécessité absolue de cette mobilisation des élus, que vous avez magnifiquement illustrée avec les états généraux de la démocratie territoriale. Il veut dire également que chaque territoire de France, urbain, rural ou littoral, est non seulement lieu de vie et de travail, mais aussi facteur de création de richesses.

Chaque territoire de France doit contribuer et peut contribuer à la croissance. À l’inverse, chaque territoire qui se sentirait oublié ou éloigné serait vecteur de la perte de confiance que nous combattons tous.

Si, parfois, nos engagements politiques nous séparent, nous partageons tous la volonté d’agir là où nous sommes pour faire en sorte que la spirale du dynamisme de notre pays redevienne spirale de confiance.

Autorisez-moi à citer Gaston Defferre, qui, le 27 juillet 1981, lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, commença son intervention par ces mots : « Ouvrons les yeux, regardons autour de nous. En quelques années, tout a changé : les sciences, les techniques, les moyens de transmission, de communication, aussi bien en ce qui concerne l’information que la culture, les modes de vie, les aspirations des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, oui, vraiment tout a changé. »

Un peu plus de trente années nous séparent de ce discours ; la vie de nos concitoyens a encore changé. Leurs besoins sont forts, notamment en matière de services, et nous leur en proposons de plus en plus.

Les Français parcourent en moyenne cinquante kilomètres par jour pour se rendre de leur résidence à leur lieu de travail. Il nous a fallu répondre au besoin de mobilité. Et, au-delà de la seule amélioration des transports en commun, plus souples, avec des horaires plus cadencés et des moyens de transport plus confortables, nous avons dû être attentifs à la localisation du logement, des services, des emplois.

Les femmes sont entrées de plain-pied dans la vie active. La natalité française est l’une des plus fortes d’Europe. Aussi a-t-il fallu non seulement développer et adapter les modes de garde, mais aussi progresser dans leur contenu, dans l’éveil des enfants.

Nous devons tous, acteurs publics issus de l’État ou des communes, des intercommunalités, des départements, des régions et de toutes les collectivités, relever un défi majeur : permettre l’innovation, la création des entreprises de demain, le développement des entreprises d’aujourd’hui, tout en assurant la cohésion sociale par l’entretien du lien que fonde la République entre nous tous.

Le Président de la République, en lançant l’offensive pour la croissance et l’emploi, l’emploi et l’insertion des jeunes, a affirmé : « L’offensive, c’est de préparer la France de demain, de lui faire prendre de l’avance, de la mettre en tête dans les domaines les plus essentiels pour son avenir, de promouvoir un modèle fondé sur la performance économique, mais aussi sur la responsabilité sociale, environnementale. »

M. François Marc. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le nouveau modèle français doit s’écrire sereinement.

Depuis bien longtemps, tout ne relève plus de l’État. Depuis trente ans, les collectivités ont parfaitement tenu leur rôle, en assumant les responsabilités que leur ont proposé, en 1981, les pères de la décentralisation. Désormais, nombre de réformes sont conduites dans les territoires ou en émergent, avec l’ambition de faire en sorte que chaque citoyen de France puisse vivre et travailler là où il le souhaite.

Il faut donc aujourd’hui tirer les conséquences de trente ans d’une décentralisation qui a témoigné des aptitudes particulières des collectivités : réactivité, souplesse et adaptation.

Depuis 1982, la décentralisation a d’abord été consacrée aux transferts et donc à la construction de nombreux équipements – collèges, lycées, crèches, équipements culturels et sportifs, transports en commun, équipements pour l’assainissement et la voirie –, qui sont aujourd’hui considérés comme de bon niveau. D’ailleurs, la qualité des services de nos territoires fait des envieux !

Il ne s’agit pas cette fois de transférer de nouveaux équipements, de nouveaux personnels, toujours plus nombreux, mais bel et bien de repenser ensemble, de redéfinir et de simplifier l’intervention publique, en allant dans le sens de la lisibilité, de l’efficacité et de l’efficience.

La mission du ministère dont j’ai la charge est de mettre en cohérence les missions de l’État avec les compétences des collectivités locales, en garantissant que la réforme de l’État et la décentralisation avancent à un même rythme sur des lignes convergentes.

Certes, l’exercice est complexe, mais il est décisif pour l’avenir des collectivités, car la présence territoriale de l’État, tout comme la simplification des normes, conditionne largement la capacité d’action des collectivités.

L’action publique est aujourd'hui, me semble-t-il, décriée, alors qu’elle n’a jamais été aussi utile. L’action publique est un facteur décisif de compétitivité et d’attractivité pour notre pays, autant qu’un facteur de cohésion et de justice.

C’est pourquoi il faut réaliser aujourd’hui un effort important pour restaurer la légitimité de l’action publique, qui naîtra sans doute d’un dialogue plus clair entre l’État et les collectivités territoriales.

Il n’est pas acceptable d’opposer, comme je l’ai aussi lu, les collectivités locales à l’État. Laisser croire que les collectivités sont à l’origine de la dette publique et de tous les maux du pays n’est pas juste.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Non !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La question est bien plus profonde que cela, plus grave : c’est celle du sens donné à la puissance publique, au travers de sa bonne organisation et de son efficacité. Il s’agit non pas de décrire les doublons, mais de s’engager dans un partage rationnel des rôles.

Nous devons conjuguer action publique locale et action publique nationale. Les collectivités locales doivent être responsabilisées dans leurs compétences et l’État doit être mieux centré sur ses missions fondamentales que sont l’éducation, la justice, la sécurité et la protection sociale.

Je suis profondément attachée à la décentralisation, mais avec un État fort, déterminé, engagé sur le territoire national, mais aussi en Europe, en faveur de la reconquête de l’industrie, du développement, de l’économie des savoirs, de la connaissance, de la créativité et de la jeunesse de ce pays.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai, madame la ministre, ce n’est pas incompatible ! C’est complémentaire !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pendant trente ans en effet, les collectivités se sont forgé une solide expérience. Leurs nouveaux pouvoirs ont permis de rompre avec l’uniformité de l’action publique sur les territoires. Non seulement les compétences décentralisées ne sont pas exercées partout de la même manière, mais, en plus, les expériences des uns nourrissent les projets des autres.

Nombre de politiques publiques marquantes de ces dernières décennies ont d’abord été des expérimentations conduites par quelques pionniers volontaires : je pense aux transports régionaux, aux aides à la pierre ou encore au revenu de solidarité active.

La qualité de vie dans notre pays doit beaucoup à la clause générale de compétence sans laquelle nous n’aurions pas inventé les services d’aide à domicile, les nouvelles mobilités, les programmes les plus innovants de réinsertion dans nos quartiers, les innovations économiques.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Depuis trente ans, l’article 72 de notre Constitution et le code général des collectivités territoriales tracent le cadre d’une action plurielle et égalitaire au service de nos populations.

Il ne saurait être question aujourd’hui de réduire les responsabilités locales, car, chacun le sent bien, c’est la mobilisation commune de l’État et des collectivités locales qui permettra de sortir de la crise économique que traverse notre pays. Soutien des PME, formation des jeunes, logement, enseignement supérieur, recherche, culture, environnement, écologie : c’est ensemble, État et collectivités, que nous serons à la hauteur des attentes des Français pour relever ces défis.

Dès sa prise de fonctions, le Gouvernement a choisi de préparer ce texte. Mais, il a décidé de dresser auparavant, soit au cours des mois de mai, juin, juillet et d’août, le bilan de ces trente années. Il en a tiré quelques principes, qui sont au cœur de la réforme de modernisation de l’action publique qu’il a adoptée en conseil des ministres le 10 avril dernier.

« Au plan territorial, notre pays, d’histoire et d’État, ne progresse durablement que dans l’équilibre. » Il s’agit d’une citation d’Edmond Hervé, qui a rédigé récemment avec Jacqueline Gourault, que je salue une nouvelle fois, un rapport d’information au nom de la délégation aux collectivités territoriales, et qui avait publié, le 28 juin 2011, une importante contribution au bilan des trente ans de la décentralisation.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce rapport d’information revient sur quelques idées reçues et analyse les progressions législatives opérées depuis trente ans.

Au nombre des idées reçues figure le fait que notre système compte trop d’échelons et soit devenu illisible. Le Gouvernement a fait le choix de la clarification. J’ai entendu vos doutes sur les moyens d’y parvenir, et je souhaite en discuter avec vous ; Anne-Marie Escoffier prendra, dans les jours à venir, toute sa part dans ce débat complexe.

Je veux toutefois revenir, si vous le permettez, sur quelques propositions que vous avez formulées voilà deux ans.

La première proposition est intitulée : « Faire vivre les principes constitutionnels. »

Vous ne trouverez pas de velléité centralisatrice dans ce projet de loi. Notre réforme s’appuie, au contraire, sur la responsabilisation de tous, les régions, les départements, le bloc communal et les communes, qui deviennent les chefs de file, conformément à l’ambition de rationalisation contenue dans la réforme constitutionnelle de 2003 conduite sous l’autorité de Jean-Pierre Raffarin et qui n’a pas pu être traduite dans la loi.

Dans cet esprit, le projet du Gouvernement voulait combiner trois principes majeurs – la clarification et la simplification des compétences, la libre administration des collectivités, quels que soient leur taille et leur positionnement géographique, et la non-tutelle d’une collectivité sur une autre –, tout en gardant à l’esprit deux enjeux fondamentaux, le principe de subsidiarité et l’expérimentation, devenue, depuis les textes portés par Jean-Pierre Raffarin, la délégation de compétence.

Votre commission des lois a sensiblement modifié l’économie du projet de loi initial, mais, comme je l’ai indiqué précédemment, c’est l’essence même du débat démocratique que les jours à venir permettront de nourrir encore.

Le rapport d’information de la délégation prévoyait aussi de renforcer le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, notamment en rendant obligatoire et effective la conférence des exécutifs régionaux et départementaux.

Vous le voyez, vos propositions, qui avaient été adoptées à l’unanimité, ont inspiré la réforme : c’est ainsi que le Gouvernement a conçu la conférence territoriale de l’action publique, dont nous discuterons ultérieurement.

Vous proposiez également d’affirmer la priorité de la relation contractuelle entre l’État et les collectivités. C’est tout l’objectif du Gouvernement et de ce que nous décrivions sous l’appellation : « pacte de gouvernance territoriale ». Sans doute parviendrons-nous à un accord sur ce sujet au cours des débats.

Le 4 septembre dernier, un mois avant la conclusion des états généraux de la démocratie territoriale, lors d’une réunion publique préparatoire dans la Drôme, M. le président du Sénat lui-même avait annoncé son ambition de créer un « pacte de gouvernance territoriale » et des « instances de coordination des différents échelons territoriaux pour organiser la clarification des compétences ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous proposons d’en discuter au travers d’un amendement, qui ne vise pas exactement à rétablir notre proposition d’origine ; j’espère – je le dis en souriant parce que nous sommes encore ce matin tous remplis d’enthousiasme – que nous pourrons parvenir à un accord sur ce point.

Permettez-moi de revenir sur la proposition n° 5 de la délégation sénatoriale : moderniser le département.

Dans le projet de loi qui nous occupera ces prochains jours, le département devient le chef de file pour la mise en œuvre des compétences fondamentales pour le pays. Les missions précises qui lui incomberont en matière de solidarité territoriale notamment figurent dans le deuxième texte, qui sera examiné, si vous le souhaitez bien évidemment, dès l’automne prochain.

Dans ce texte, la mission stratégique de la région sera renforcée, ce qui répond à votre proposition n° 14. Là encore, votre analyse et votre philosophie rejoignent celles du Gouvernement.

Vous avez beaucoup évoqué la modernisation de la fiscalité locale. Après un entretien avec le président de la commission des finances, le rapporteur général, lui aussi, m’a récemment parlé de cette question, que nous aborderons ultérieurement.

La recherche de nouvelles ressources pour les régions et les départements, la recherche d’un dispositif de financement national des allocations de solidarité, le vaste chantier de la péréquation, aussi bien verticale qu’horizontale, tout ce travail est engagé, qui verra son aboutissement dans quelques semaines. Plusieurs d’entre vous participent, dans le cadre de leur mandat exécutif local, aux groupes de travail mis en place pour aboutir à des évolutions dès le projet de loi de finances pour 2014.

Tout ne sera pas prêt, mais nous aurons déjà bien avancé en prenant en compte, en particulier, les travaux déjà réalisés sur la nécessaire révision d’un certain nombre de bases cadastrales.

M. François Marc. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez également voulu valoriser les atouts de la coopération entre collectivités, retenir des critères qualitatifs pour définir de grands ensembles urbains, donner aux chambres régionales des comptes des fonctions d’évaluation. Rien, dans vos propositions, ne heurte notre projet.

Vous abordez également la question cruciale de la fonction publique territoriale. Celle-ci constitue le levier majeur de toute politique locale. J’espère que les garanties que nous apporterons aux agents seront de nature à les rassurer sur la stabilité de leur situation et sur la préservation de leurs acquis. À cet égard, je me suis engagée, il y a quelque temps, sur l’autorisation du Premier ministre, à déposer un texte sur la fonction publique le 13 juillet prochain. En effet, il est temps, grand temps que nous rappelions à l’ensemble des citoyens qui l’auraient oublié que ce sont les fonctionnaires qui portent les valeurs républicaines et que les fonctionnaires territoriaux, en particulier, ont un rôle essentiel à jouer aux côtés des élus.

Ces fonctionnaires m’ont beaucoup interrogée sur les conditions des transferts. Quelques-uns des derniers articles du projet de loi devraient rassurer ceux qui ont besoin de l’être et, surtout, assurer la perpétuation de leur dynamisme, aux côtés de celui des élus. (M. Jean-Claude Gaudin s’exclame.)

Enfin, vous aviez demandé à reprendre l’initiative législative pour les textes à thème unique, au nom d’une bonne efficacité des travaux parlementaires ; je salue votre clairvoyance.

À cet égard, j’ai l’honneur de vous confirmer publiquement que les deux propositions de loi issues des états généraux de la démocratie territoriale, portant respectivement sur l’évaluation des normes et sur l’exercice des mandats locaux, seront inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale des 4 et 18 juillet prochain. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bonne nouvelle !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le président de la commission des lois, vous nous l’aviez demandé, et nous l’avons fait ! Vous le voyez, nous tenons nos engagements.

J’avais déjà communiqué la nouvelle à M. le président du Sénat, qui l’a accueillie avec satisfaction, et, à la demande du Premier ministre, je vous la confirme ce matin, monsieur le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est normal que vous ayez réservé à M. le président du Sénat la primeur de la nouvelle !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’en viens maintenant au contenu de la réforme, que, du reste, vous connaissez déjà par cœur.

Comme j’ai pu le constater à chacune de mes auditions ou en discutant avec les uns et les autres, l’unité de notre République est au cœur de vos préoccupations. Je vous le confirme, l’unité n’est pas mise à mal par ce projet. Cela étant, l’unité n’est pas l’uniformité, et ce projet de loi a pour objectif de reconnaître la diversité et la capacité des territoires à s’organiser en tenant compte de leurs spécificités. Que l’on ne s’y trompe pas, c’est un élément de simplification, et non de complexité supplémentaire. Il s’agit de prévoir une organisation adaptée, au plus près des réalités locales.

En fait, nous sommes tous animés par la même conviction, celle que nos territoires sont des lieux de démocratie, d’énergie, de vitalité, d’innovation et de croissance. Au moment où il faut redresser la France, c’est dans nos régions, nos départements et nos communes que nous trouverons les gisements pour l’investissement, pour la formation et pour l’innovation que nous devons chercher.

Le premier pilier de la présente réforme consiste précisément à reconnaître le dynamisme farouche des élus locaux à trouver des solutions aux défis à relever, quelles que soient les caractéristiques de leur territoire.

C’est pourquoi nous avons voulu réaffirmer les chefs de file. Ainsi, notre texte confirme le rôle essentiel des régions de France en matière de développement économique, de formation professionnelle et de transports, en leur transférant encore un peu plus de compétences dans ces domaines.

M. François Patriat. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Alors que la Cour des comptes vient de publier un rapport faisant état des difficultés que rencontre le service public de l’éducation, nous avons un challenge extraordinaire à relever pour assurer l’avenir de chaque jeune, quel que soit l’endroit où il vit. Il y va des enfants de France !

Certes, notre école est de grande qualité. L’école de la République restera sans doute, pour beaucoup, un grand modèle. Cependant, les présidents de région ont souvent attiré notre attention sur le fait que l’orientation d’un enfant, en particulier lorsque les moyens de sa famille ne sont pas très importants, est souvent fonction de la géographie, et non de son projet personnel.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Je le confirme !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, pour certains jeunes, l’éloignement de tel ou tel centre de formation signifie l’impossibilité d’y accéder.

Nous devons relever ce défi majeur, pour nos quartiers comme pour nos grandes zones rurales. Par conséquent, je souhaite que nous repensions l’éducation, avec les présidents des régions de France et l’ensemble des élus intéressés, de manière à la mettre en accord avec la carte des formations initiales, avec celle de la formation professionnelle, comme avec les besoins des entreprises. Chaque jeune de France doit avoir droit à son projet personnel ; ne l’oublions jamais !

Le projet de loi confirme le rôle de chefs de file des départements en matière de cohésion sociale, fonction essentielle. Nous voulons que leur action en la matière complète la solidarité existant entre les territoires. En effet, comme je le disais au début de mon propos, aujourd'hui, en France, certaines communes et communautés rurales se sentent, à l’instar de nos quartiers, éloignées, voire oubliées. Pour satisfaire à leurs demandes de services publics, à leur attachement à la présence de la République sur leur territoire, il faudra sans doute conjuguer les efforts des départements et ceux des autres collectivités.

Je ne crois pas que la région puisse assumer seule la responsabilité, très lourde, du schéma d’aménagement et de développement durable du territoire, lequel concerne le développement économique, l’enseignement supérieur et la recherche, l’énergie ainsi qu’une partie de la préservation de la biodiversité. Elle ne pourra assurer seule l’aménagement de chaque petite commune de France.

Le sentiment d’abandon que nous constatons étant sans doute le plus dangereux que nous puissions aujourd'hui rencontrer sur les territoires de France, il faudra que les départements se saisissent de cette question, conjointement avec les régions. Je leur fais confiance pour le faire !

Les chefs de filat réécrits, les maires confortés dans leur rôle – celui de signataire des permis de construire comme celui d’interlocuteur pour le citoyen –, comment ne pas aborder avec enthousiasme ce que nous avions appelé la « conférence territoriale de l’action publique » ?

On ne peut pas agir ou réagir de la même façon dans une région où il y a de grandes villes et dans une région où il n’y en a pas, dans une région périphérique, une région maritime ou une région montagnarde. Si les défis qui s’y posent sont les mêmes – en bref, l’accès aux droits pour chaque citoyen –, nos moyens sont fonction de la géographie ou de l’histoire du territoire.

Contrairement à ce que certains ont affirmé, l’objectif de la conférence territoriale de l’action publique que nous avions prévue dans ce texte – et dont votre commission des lois a proposé une nouvelle rédaction – n’est pas d’imposer une sorte d’organisation des services publics à la carte ni un recul de la République en termes d’égalité de l’accès à ces services : il s’agit de prendre en compte cette diversité. Du reste, si nous encadrons strictement chacune des compétences, si nous ne laissons pas les collectivités s’organiser librement, il nous faudra revenir devant vous pour un nouveau projet de loi de décentralisation, à chaque grand changement, technologique ou autre, à chaque crise ou, à l’inverse, à chaque amélioration de la situation.

Notre objectif est donc d’essayer de disposer d’un texte qui permette, d’une part, aux élus locaux de France en charge des services publics territoriaux de pouvoir s’organiser entre eux pour que les grandes compétences soient exercées de manière partagée, simple et efficace et, d’autre part, à chaque citoyen de savoir qui fait quoi en termes de développement économique, de formation professionnelle, de services publics ou d’aménagement du territoire.

Notre idée est simple – c’est aussi celle de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside Mme Gourault – : permettre aux élus locaux de déterminer ensemble quelle compétence doit s’appliquer sur tel ou tel territoire.

Par exemple, les régions doivent-elles, au-delà des grandes stratégies de filière, de la gestion des pôles de compétitivité et des grands échanges européens sur les pôles mondiaux, s’occuper également de l’immobilier d’entreprise ? Sans doute pas ! Cependant, comment les départements ou les collectivités territoriales organisées en intercommunalités pourraient-ils assumer cette compétence, sinon par un accord passé entre les exécutifs ?

Pour ma part, je crois en les élus de France, et je leur fais confiance pour trouver des accords. On me dit parfois que ce sera long et difficile. Néanmoins, la réalité est là et, aujourd'hui, dans certaines régions de France, de tels accords existent d'ores et déjà.

Quelle que soit la dénomination qui sera, au final, retenue pour cette conférence des exécutifs – pacte de confiance, pacte de gouvernance… –, Anne-Marie Escoffier et moi-même souhaitons que les échanges que nous aurons permettent de discuter de sa mise en place.

J’en viens au deuxième pilier de la réforme : la reconnaissance du fait urbain, à laquelle le Président de la République et le Premier ministre s’étaient engagés, et à laquelle le texte accorde beaucoup de place.

Nous avons en France de grandes villes – sans doute beaucoup moins forte que d’autres grandes villes européennes –, qui doivent être reconnues comme telles.

Cela étant, pour rassurer les auteurs des rappels au règlement qui ont été effectués en début de séance, il est hors de question que nous vous disions tout à coup que la croissance, la compétitivité de la France, la création de valeur ajoutée, l’augmentation de notre PIB ne dépendront, au fond, que des métropoles.

Chaque territoire de France est une source importante de création de valeur.

M. François Marc. En effet !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans chaque territoire de France, le citoyen doit se sentir épaulé par la République, via les services publics locaux ou nationaux.

Chaque territoire de France participera, pour sa part, au redressement de la France. Si nous oubliions un seul instant qu’en 2030 ou en 2050 le niveau de dépendance alimentaire, agro-alimentaire et la place de la France en Europe et dans le monde dépendront de la compétitivité de son agriculture, nous commettrions une faute majeure ! Nous devons donc être aux côtés de chaque territoire de France.

Cependant, consacrer le système métropolitain, c’est reconnaître une réalité.

Au travers de nos lectures, il nous est d'abord apparu que la métropole-monde qu’est l’Île-de-France a un rôle extrêmement important à jouer, bien évidemment en Europe, mais aussi, comme me l’a rappelé il y a peu M. le sénateur Karoutchi, dans le monde entier. Dans ces conditions, le Grand Paris a besoin de se structurer davantage. Paris Métropole – association d’élus de toutes tendances politiques, où l’État n’était pas représenté – a travaillé pendant des mois sur ce sujet.

M. Philippe Dallier. Pour quoi faire ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je rends d'ailleurs hommage au responsable actuel de ce dossier, M. Laurent, maire de Sceaux.

M. Gérard Larcher. Nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes !

M. Philippe Dallier. En effet, nous ne sommes pas d’accord !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si le statut proposé par ces élus souffre d’une rédaction quelque peu complexe, nous avons partagé leurs constats. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Roger Karoutchi. Ah ! les constats !…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je sens que ce sujet va être animé ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

Pourquoi la première couronne n’est-elle pas parvenue, avec les autorités de l’État – elle aurait aussi pu le faire seule –, à une meilleure écriture de son schéma départemental de coopération intercommunale ? Aujourd'hui, il importe que nous nous attaquions à ce chantier, les départements de la zone dense autour de Paris étant les seuls de France à n’avoir pas été réunis pour réécrire leur schéma départemental. Je pense que cela doit être réparé.

Ce chantier est bien évidemment intéressant pour les citoyens et, en premier lieu, pour les élus. Nous vous proposerons de travailler à ce sujet ensemble. En tout état de cause, ce qui nous est apparu le plus important est le rôle que doit jouer la région d’Île-de-France par rapport à Grand Paris Métropole.

Une inquiétude a souvent été exprimée, que l’on peut résumer ainsi : la dévolution de compétences importantes à Grand Paris Métropole, c'est-à-dire Paris et une couronne, en matière par exemple de logement, ne représenterait-elle pas un danger pour la troisième ou pour la quatrième couronne, lesquelles risqueraient alors de n’être protégées ni des promoteurs…

M. Gérard Larcher. On s’en occupe ! Rambouillet est protégé…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … ni d’une certaine inorganisation, qui créerait des difficultés pour les populations ?

Sur la base des contrats de développement territorial, qui résultent, eux aussi, d’initiatives transpartisanes, on peut se dire que, si la région doit conserver un important schéma de l’habitat,…

M. Roger Karoutchi. De logement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … il pourrait être opportun d’avoir recours, dans la zone dense, à une autorité opérationnelle chargée de conduire un certain nombre d’opérations de construction de logements, de manière à éviter que ne surgissent les problèmes redoutés par certains.

Le travail de très bonne facture qui a été réalisé sur le transport et sur la question encore aiguë du logement doit nous permettre de régler un certain nombre de problèmes posés à la population et aux visiteurs de l’Île-de-France.

Je n’ai pas eu l’impression, en écoutant les uns et les autres,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … que l’idée de créer une autorité opérationnelle du logement conduisait à une remise en cause du rôle de la région. Je n’entre pas davantage dans les détails, car nous aborderons cette question de façon plus approfondie dans la discussion des articles ; je pressens d’ailleurs qu’elle motivera un engagement fort sur toutes les travées de cette assemblée.

Parallèlement, nous nous engagerons à ce que le Grand Paris Express soit réalisé ; c’est une condition, comme le Premier ministre l’a réaffirmé.

En matière de construction et de rénovation de logements, ainsi que d’équilibre des logements sociaux, nous proposons que la région élabore un schéma régional d’habitat et d’hébergement, qui fixe les objectifs globaux et la déclinaison territoriale, et que la métropole du Grand Paris élabore un plan ; je ne pense pas que quiconque puisse être mis en difficulté.

Le deuxième grand chantier est celui du Grand Lyon, ou de la métropole lyonnaise. À cet égard, je salue l’accord qui a été conclu entre les élus de Lyon et du département du Rhône pour trouver une solution permettant l’équilibre du Grand Lyon.

Quelques petites questions restent à régler dans la discussion des articles, en ce qui concerne notamment les transferts financiers. Quoi qu’il en soit, le projet soutenu par les deux exécutifs locaux – le département du Rhône et le Grand Lyon –, qui s’appuie, d’une part, sur la territorialisation réussie des services du département dans l’agglomération lyonnaise et, d’autre part, sur des conférences locales des maires concluantes au sein du Grand Lyon, a permis à l’agglomération lyonnaise de retrouver une dynamique.

Le Gouvernement a évalué ce projet, s’assurant notamment des garanties d’égalité et de constitutionnalité ; nous essayerons de trouver un accord sur les quelques questions qui nous séparent encore.

En ce qui concerne les métropoles de France, la question la plus complexe est sans doute celle d’Aix-Marseille-Provence. Aix-Marseille-Provence, c’est d’abord un territoire extraordinaire ! (M. le rapporteur acquiesce.) Grande porte méditerranéenne dans l’histoire, il a peut-être un peu de mal à être aujourd’hui la grande porte méditerranéenne dont ont besoin la République, l’État français et l’Europe.

Ce territoire est aussi un grand lieu d’investissement pour l’État : je pense en particulier au port, Fos-sur-Mer, à l’aéroport, au projet ITER et à Gardanne. Ces grands chantiers, l’État les a conduits avec enthousiasme, mais ils ont aussi créé un certain nombre de difficultés. En effet, plusieurs établissements publics intercommunaux s’occupent du transport et du logement. C’est ainsi que, matin et soir, la circulation est difficile dans cette grande agglomération ; ce problème pourrait être assez facilement résolu.

Comme je l’ai fait observer aux élus en souriant, Aix-Marseille-Provence est un véritable bijou, de l’or en barre ! M. le sénateur-maire Jean-Claude Gaudin se souvient certainement que, lorsque nous avons réuni à Marseille les quarante-deux présidents des parlements du bassin méditerranéen, leur enthousiasme pour cette grande porte méditerranéenne était évident.

Aujourd’hui, il nous semble que nous sommes d’accord avec tous les maires sur le diagnostic : une coordination des actions est nécessaire en matière de développement économique, de transport, de logement, d’environnement, d’enseignement supérieur et de recherche.

L’université d’Aix-Marseille, véritablement très grande et qui va devenir sans doute l’une des plus grandes, a récemment reçu le soutien du Gouvernement. Si nous avons besoin d’elle, c’est aussi parce qu’elle accueillera de nombreux étudiants d’autres pays, permettant ainsi à la France d’être plus forte en Europe et dans le monde, notamment dans le bassin méditerranéen.

Responsables tous convaincus, nous devons examiner toutes ces grandes questions à propos desquelles nous sommes d’accord sur le plan du diagnostic. Comment procéder ? Deux solutions s’opposent ; nous en débattrons dans quelques jours.

Pour sa part, le Gouvernement estime que les grandes compétences que je viens d’énumérer peuvent être gérées par un seul établissement public intercommunal : la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Nous avons envie de voir cette grande région se développer ! Or le Gouvernement considère que le souci de simplification plaide en faveur de cette solution.

Par un décret signé du Premier ministre, l’État a mis à la disposition de ce grand ensemble une mission de préfiguration qui permettra, d’une part, d’identifier les priorités et, d’autre part, d’élaborer des propositions de projets avec les élus volontaires et avec la société civile.

Il faudra prendre une décision. Elle est certes difficile et je comprends les maires : il est toujours compliqué d’abandonner un établissement public de coopération intercommunale dans lequel on se sent bien et d’envisager, de façon abstraite, la façon dont on travaillera dans l’avenir.

À tous les maires de cette grande aire, je veux simplement faire remarquer que la création des conseils de territoire, également prévue pour le Grand Lyon, nous permettra de retrouver, sur le périmètre de chaque ancienne intercommunalité, la plupart des compétences des actuels établissements publics de coopération intercommunale. Non seulement les maires auront droit à la parole et pourront faire des propositions, mais ils participeront à la gestion des compétences de proximité auxquelles ils tiennent tant.

Naturellement, il est difficile d’imaginer ce que seront ces conseils, puisque le droit actuel ne prévoit leur existence sur aucun territoire. En tout cas, notre proposition permettrait aux maires de gérer l’avenir de leur territoire et d’être maîtres de leur espace.

Pardonnez-moi d’entrer dans les détails, mais il s’agit du dossier le plus compliqué. L’idée que le plan local d’urbanisme, le PLU, pourrait être élaboré au niveau de la grande aire métropolitaine a pu faire peur, en tout cas poser question. Nous considérons aujourd’hui que, pour régler ce point complexe, il suffit de prévoir que, sur le périmètre de chaque ancienne intercommunalité, le conseil de territoire concevra son PLU, après quoi on additionnera les plans pour constituer un grand schéma d’aménagement de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Avec cette organisation, je pense que non seulement les maires ne perdront pas leur place, mais que cette place sera même enrichie. En effet, les maires continueront de gérer les compétences de proximité qu’ils exercent parfaitement aujourd’hui, mais ils devront aussi s’inscrire dans un grand projet d’avenir. Ce projet, les populations de cette grande aire urbaine en ont besoin ! Elles rencontrent des problèmes de déplacement et souffrent de la crise économique un peu plus durement que les autres.

C’est pourquoi nous souhaitons que la métropole d’Aix-Marseille-Provence voie le jour aussi vite que possible – je sais que la commission des lois a proposé des dates. Une fois qu’elle sera mise en place, l’État s’engagera pour que les grands équipements dont je viens de parler soient non seulement confortés, mais encore davantage soutenus. Il sera présent pour aider financièrement Aix-Marseille-Provence à devenir la grande métropole méditerranéenne dont nous avons besoin.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je sais que le conseil général des Bouches-du-Rhône, par exemple, est viscéralement attaché à ce que cette grande aire métropolitaine soit un peu, dans l’avenir, le flambeau du bassin méditerranéen.

Deux hypothèses sont possibles, comme le savent le maire du Grand Lyon et le président du conseil général du Rhône, qui viennent de conclure un accord.

M. Jean-Claude Gaudin. À Lyon, ils sont riches !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Soit on n’avance pas et le bassin méditerranéen s’organisera autour de Francfort, Lyon, Montpellier, Sète, Barcelone et Valence. Soit on avance, et Barcelone et Valence auront leur place, mais la grande porte méditerranéenne de la France sera Aix-Marseille-Provence.

L’Europe elle-même a besoin de cette grande porte méditerranéenne, comme l’a souligné le président du Parlement européen lors du sommet des présidents des parlements de l’Union pour la Méditerranée.

J’espère que les débats nous permettront d’avancer vers la mise en place de cette grande métropole méditerranéenne. Comme je l’ai dit récemment aux maires de cette région, c’est difficile, mais cela vaut le coup !

Cette grande métropole, les populations l’attendent et la France en a besoin. Quand la République fait un constat, elle doit faire des propositions ; avec ce projet de loi, le Gouvernement avance les siennes. Le projet d’Aix-Marseille-Provence, c’est sans doute un moment difficile, mais un moment d’enthousiasme, un moment extraordinaire porteur d’avenir !

J’attire votre attention sur le fait, signalé récemment par le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, que nous avons peut-être peu de temps. C’est pourquoi nous devons prendre aussi vite que possible nos responsabilités.

Le projet de loi vise aussi à améliorer l’intégration intercommunale. Dans un monde où l’action publique se complexifie, où les compétences se chevauchent et où les financements se croisent, une coopération préalable entre les différents niveaux de collectivités territoriales est le seul moyen de réunir les conditions d’une clarification de notre paysage institutionnel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à revenir sur les articles de presse qui sont parus et sur les reportages radiophoniques et télévisés qui ont été diffusés, pour vous dire à quel point je les ai trouvés choquants. À ceux qui suggèrent que les associations d’élus ne penseraient qu’à leur propre existence, nous devons rappeler que l’action publique est assurée à plus de 60 % par les élus de tous les territoires.

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous devons leur répondre en expliquant à chacun que nous ne supportons plus d’entendre que les intercommunalités de France, en créant moult emplois supplémentaires, auraient été à l’origine d’une gabegie. C’est faux : les intercommunalités ont répondu aux besoins des habitants de ce pays !

On oublie toujours de préciser que, si des emplois ont été créés ici ou là, c’est parce que de nouveaux services sont fournis aux populations. Je pense à la petite enfance, dont j’ai parlé tout à l’heure, mais aussi à l’environnement et à la gestion des déchets, toutes activités qui n’existaient pas il y a quelques années. Lorsque les intercommunalités ont pris en charge ces responsabilités, elles ont eu besoin, en effet, de recruter des fonctionnaires. Du reste, j’estime que les passages en régie, en concession ou en affermage ne sont pas forcément des sources d’économie.

Je le répète, je suis fermement persuadée qu’il n’y a aucune gabegie, et j’ai été choquée d’entendre qu’on le prétendait.

Je pense que nos élus ont envie d’entendre que plus de 400 000 d’entre eux sont bénévoles et qu’ils sont tous les jours sur les territoires pour accompagner des populations dans des situations difficiles. Je veux souligner aussi qu’ils sont prêts à relever tous les défis de l’avenir : les défis de la compétitivité hors coût et de la réindustrialisation du pays, à laquelle les régions et les métropoles participeront, mais aussi le défi de l’écologie. Au cours de ce débat, nous aurons peut-être à aborder un certain nombre de sujets qui ne l’ont pas encore été, ce qui permettra d’enrichir encore le projet de loi.

Reste enfin le défi de la démocratie locale. Certains craignent que, avec la métropolisation, la démocratie ne s’éloigne des citoyens. À cet égard, je tiens à souligner que la métropolisation telle que nous la vivons n’est pas celle de la stratégie de Lisbonne. Il n’est pas question, pour nous, de provoquer la création de quelques métropoles très fortes qui concentreraient les compétences et le dynamisme, les autres territoires étant abandonnés. Le système métropolitain doit respecter les espaces interstitiels que sont les communautés de communes rurales. De ce point de vue, je pense que la France fonctionne bien grâce à son polycentrisme.

En revanche, sur le plan de la démocratie, il est vrai que les compétences transférées aux intercommunalités sont importantes. Il faudra examiner toutes les questions qui se posent ; personnellement, avec l’appui du Premier ministre, je suis prête à y répondre au cours des débats.

Pour conclure ce propos trop long, je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir passé des heures et des heures à écouter les élus locaux de France et à rechercher des compromis dans un souci de clarification et de simplification.

Au fond, ce projet de loi est celui de l’action publique au XXIe siècle. Il ne servirait à rien que l’État s’engage dans une modernisation profonde de l’action publique et que la fonction publique soit porteuse de valeurs républicaines pour des services d’État repensés afin de correspondre aux impératifs du XXIe siècle si nous n’avions pas souligné, tout au long des heures que nous avons passé à travailler ensemble, que l’action publique, au fond, est une : mise en œuvre par les maires, par les présidents des intercommunalités, par les présidents des régions et par les présidents des départements, elle est toujours celle de la République !

Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours du débat qui s’ouvre, c’est tout simplement de la République et des citoyens que nous allons parler, ainsi que de ceux qui ont décidé de consacrer une partie de leur vie à l’action publique locale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, affirmons-le d’emblée, l’examen de ce texte était à la fois attendu et redouté. Redouté, parce que nous allions savoir s’il s’agissait bien d’un projet de loi de décentralisation, où l’ensemble des volets seraient discutés selon un calendrier parlementaire arrêté. Attendu, parce qu’on se doutait bien, monsieur le président du Sénat, que le moment était enfin venu de donner une suite positive aux engagements pris par le Président de la République lors de la clôture des états généraux de la démocratie territoriale, pour répondre aux attentes prioritaires des élus, venus ici même. Elles concernaient notamment la simplification des normes et le problème lancinant du statut de l’élu local. Avec l’inscription des deux propositions de loi d’initiative sénatoriale à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, vous avez apporté, mesdames les ministres, des réponses qui étaient extrêmement attendues. Je tiens à nouveau à vous en remercier.

Nous commençons donc par discuter d’un texte relatif aux métropoles et à l’organisation de l’action publique territoriale. Était-ce l’ordre d’examen souhaité par le Sénat ? Nous n’en ferons pas mystère : ce n’est pas l’ordre que nous aurions retenu.

M. Jean-Claude Gaudin. Ça, c’est sûr !

M. Philippe Dallier. Assurément !

M. René Vandierendonck, rapporteur. L’important, cependant, est de pouvoir conserver un ordonnancement complet, sans oublier que les différentes articulations se retrouveront, puisqu’elles seront datées.

En la matière, j’entends encore le tout nouveau président de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, M. Jean-Pierre Raffarin, affirmer, ceux qui étaient là s’en souviennent, dans son discours d’investiture : « Il existe une pensée du Sénat en matière de décentralisation. » Effectivement, votre rapporteur et la commission des lois n’ont eu qu’un seul guide : retrouver – Edmond Hervé, qui est plus que légitime à s’exprimer sur le sujet, le rappellera également –, le corps de doctrine partagé, non hémiplégique, qui prévalait dès la création, en 2010, à Nice, de la première métropole. Un certain nombre de publications ont permis de lui donner corps, notamment le rapport d’information intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale, de Mme Gourault et de M. Krattinger (M. le rapporteur brandit un exemplaire dudit rapport d’information), dans lequel je me suis plongé.

L’avantage, c’est que tous ceux qui étaient là en 2009 sont encore là aujourd’hui ! Ça aide quand on est un jeune sénateur, ballotté…

M. René Vandierendonck, rapporteur. … dans un Paris-Roubaix de la décentralisation (Sourires.), qui recèle des secteurs pavés en pagaille, y compris au point de départ, à Compiègne, où il est toujours possible de faire un faux départ en raison d’irrecevabilité. (Sourires. – Mme Jacqueline Gourault et M. Roger Karoutchi applaudissent.)

Dès lors, balisons le terrain, en repérant quelques-uns des secteurs pavés. La liste que je m’apprête à vous donner n’est pas exhaustive. Mais nous aurons toute la discussion pour les évoquer, Mmes les ministres m’ayant affirmé d’entrée de jeu, je leur en donne acte, que le texte proposé par le Gouvernement…

Mme Isabelle Debré. … n’était pas bon !

M. René Vandierendonck, rapporteur. … était parfaitement amendable par le Sénat. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Bon courage !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Vous n’allez pas être déçus, mes chers collègues !

Pour autant, n’allons pas faire porter au Gouvernement la responsabilité de la nécessité du chef de file. (M. le rapporteur brandit une nouvelle fois le rapport « Faire confiance à l’intelligence territoriale » en regardant les travées de l’UMP.) J’ai de bonnes lectures, n’est-ce pas…

M. René Vandierendonck, rapporteur. N’allons pas non plus faire porter au Gouvernement la responsabilité de la composition minimale nécessaire à la conférence territoriale de l’action publique ou la recherche, par voie conventionnelle, sur un principe de stricte égalité entre les parties, et sans subordination d’une collectivité sur l’autre, d’une organisation de l’action publique. Je peux vous dire où, quand et comment plusieurs parmi vous sont intervenus et ont écrit sur ces sujets. En la matière, il faut tout de même être clair !

Empruntons donc quelques secteurs pavés,…

M. Gérard Larcher. C’est le Paris-Roubaix !

M. René Vandierendonck, rapporteur. … au nom, bien sûr, de la commission.

Le premier d’entre eux est celui du chef de file. La Cour des comptes estimait, en 2009, que « la notion de chef de file est apparue comme un instrument d’ordre et de mise en cohérence », qui permet de « remédier […] à l’éclatement des compétences décentralisées et à l’intangibilité de leur répartition ».

Ainsi, la notion de chef de file permet d’introduire une meilleure coopération entre les collectivités territoriales, en favorisant une coordination de leurs compétences et de leurs politiques publiques sur un territoire donné.

Pourtant, nous avons pu le constater en commission des lois, cette notion est encore mal comprise. Nous nous sommes donc tournés non seulement vers l’article 72, alinéa 5, de la Constitution,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. … mais aussi vers la décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2008 sur la loi relative aux contrats de partenariat, qui précise de façon non équivoque que le chef de file « organise » – et non « détermine » (M. Roger Karoutchi opine.) – les modalités de l’action commune de plusieurs collectivités territoriales. Selon le rapport sénatorial, il joue un rôle d’impulsion, mais ne dessaisit en aucun cas qui que ce soit de la compétence dont il est titulaire. (Bravo ! au banc des commissions.) Son rôle est d’organiser sur une base strictement égalitaire une coordination et une coopération entre collectivités. Je voulais insister avec force sur ce point, qui a été, pour la commission des lois, un secteur pavé important.

Un autre secteur pavé est le pacte de gouvernance territoriale. Quand la décentralisation se met en marche, c’est une victoire de l’émancipation, la fin de la tutelle aux « incapables majeurs », comme on disait à l’époque. (Sourires.) Aujourd’hui, il est évident que plusieurs personnes, et pas seulement dans cette enceinte, ont interprété – je ne dis pas que c’était prémédité – les mesures du pacte de gouvernance comme un système de bonus-malus laissant augurer, au mieux, qu’on était passé « de la tutelle à la curatelle ». (Nouveaux sourires. – Mme Sophie Joissains applaudit.)

Sur ce point, la commission des lois, je tiens à le dire sans équivoque, tout en reconnaissant la nécessité d’une conférence territoriale allégée, mais dont la composition minimale, monsieur Mézard, tiendrait compte, notamment, de la représentation du monde rural, a estimé, en vertu du principe de libre organisation, que cette conférence territoriale pouvait faire le choix de décider ou non de l’opportunité, par voie de convention, d’organiser une compétence. La commission a mis de côté, hier soir, la question du chef de file sur la compétence tourisme, se demandant si la sagesse n’était pas, finalement,…

M. Jean-Claude Gaudin. … de laisser aux communes !

M. René Vandierendonck, rapporteur. … comme cela a été fait en 2010 – vous le constatez, monsieur Gaudin, j’ai de bonnes références –, de conserver des compétences partagées, comme pour le sport et la culture. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)

J’en viens aux métropoles. Les travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation disent de manière non équivoque – M. Hervé s’en fera tout à l’heure l’écho – qu’il faut se fier, si possible, à une approche fonctionnelle de la métropole et du rôle qu’elle joue par rapport au degré d’intégration des compétences intercommunales et du projet de territoire, celui-ci ne s’arrêtant d’ailleurs pas nécessairement aux frontières de l’EPCI. Par exemple, il y a 88 000 habitants de la région Nord–Pas-de-Calais qui habitent en dehors du territoire de la métropole, mais qui y travaillent. (M. Gérard Larcher opine.)

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est ça une métropole. Cela suppose à la fois une certaine taille critique – vous l’avez tous dit – et un certain degré d’intégration des fonctions urbaines et des compétences. Au sens de la DATAR, une métropole doit pouvoir « relever les enjeux de la compétitivité internationale en Europe ». En effet, même si je suis le premier à penser que c’est bien dans le développement de l’innovation liée à la recherche et à l’enseignement supérieur que se trouvent les gisements d’emploi de demain, j’estime qu’une telle exigence de compétitivité économique doit se conjuguer, j’insiste beaucoup sur ce point, avec une exigence de cohésion sociale.

Lorsque je suis à Roubaix, il ne faut pas croire qu’on m’arrête dans la rue pour me demander ce que je compte faire pour ce qui concerne la métropole lilloise.

M. Gérard Larcher. La question est pourtant là !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Dans la mesure où nous avons aujourd’hui dans la métropole lilloise des pôles de compétitivité et, à côté, des quartiers d’habitation résultant de la politique de la ville, on peut se demander quelles conditions permettront à la croissance de la métropole d’être « inclusive », pour reprendre un terme utilisé à Bruxelles,…

M. Roger Karoutchi. Le Président n’a pas dû écouter Bruxelles !

M. René Vandierendonck, rapporteur. … c'est-à-dire d’avoir des retombées sur la population locale ? J’insiste sur cette double intégration, économique et sociale, très importante pour comprendre le débat sur la métropolisation. À cet égard, je remarque que, dans le projet de loi, la seule métropole bénéficiant d’un « m » majuscule soit celle de Lyon. C’est certainement calligraphique !

M. Philippe Dallier. On est bien d’accord !

Mlle Sophie Joissains. On est d’accord ! Finalement, il n’y a pas de problème !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Nous aurons un débat sur le nombre des métropoles, sujet qui constitue, en soi, un secteur pavé. Hier, j’ai été autorisé par la commission des lois à déposer un amendement visant à retenir un nombre limité de métropoles que le Sénat a toujours appelé de ses vœux, tout en permettant un ajustement.

Pour que la question de la métropole dite de droit commun se pose dans de bons termes, celle-ci doit rester une intercommunalité à part entière. Si elle est de droit commun, il n’est pas question, aux yeux de la commission des lois, de prévoir une automaticité de sa création, la loi décidant d’attribuer ou non le statut de métropole. Excepté Paris, Lyon et Marseille, nous souhaitons que les métropoles de droit commun soient créées suite à un accord des communes membres à la majorité qualifiée. Je tenais à le préciser car ce point a également fait l’objet d’une discussion extrêmement longue en commission des lois hier soir.

S’agissant de Paris (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Claude Gaudin. Paris, Paris, Paris !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Je vais vous mettre à l’aise : M. Dallier possède un allié auquel il ne s’attendait pas nécessairement. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Il s’agit de M. Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, que nous avons entendu dans le cadre des auditions organisées par la commission. M. Claudy Lebreton refuse, et la commission le rejoint sur ce point, un démantèlement obligatoire des compétences du département destinées à être transférées, à la demande, aux métropoles, estimant qu’une délégation ou un transfert de compétences ne peut se faire que sur une base conventionnelle ? Néanmoins, il admet qu’une formule d’intégration, comme celle que vous défendrez, monsieur Dallier,…

M. Philippe Dallier. Mais oui, monsieur le rapporteur !

M. René Vandierendonck, rapporteur. … a également sa cohérence.

M. René Vandierendonck, rapporteur. En attendant, j’attire votre attention sur le fait que le choix fait par le Gouvernement, à savoir un syndicat mixte, n’interdit pas une évolution future, tout en priorisant et recentrant sur le logement les compétences du Grand Paris-métropole. Ce choix me paraît parfaitement judicieux.

Le maire de Lyon rappelait que, chaque année, sa communauté urbaine – elle l’est encore à ce jour – produit 10 000 logements et que si la fameuse unité urbaine de Paris adoptait, elle aussi, ce rythme, la production de logements s’en trouverait plus que doublée.

Dans la mesure où le logement est une priorité absolue pour la future métropole, cela doit nous motiver pour permettre sans délai la mise en œuvre de sa compétence pour l’élaboration d’un programme local de l'habitat et permettre effectivement à ce syndicat mixte de pouvoir fonctionner dans les meilleurs délais, en dépit de l’irrecevabilité qui lui a été opposée dans sa formule transitoire.

Mlle Sophie Joissains. C’est ce que nous voulons à Marseille !

M. René Vandierendonck, rapporteur. J'y arrive !

Concernant la métropole de Lyon, la commission a unanimement estimé que l’exemple lyonnais devait être sinon suivi, à tout le moins étudié et faire l’objet d’une réflexion complémentaire.

Mesdames les ministres, tard dans la soirée, hier, il est apparu en commission que sur deux catégories de dispositions en particulier, à savoir le régime électoral à terme et les modalités concrètes de fonctionnement financier, il était absolument nécessaire et indispensable que le Gouvernement rencontre officiellement et ensemble MM. Collomb et Mercier, quels que soient les contacts que vous ayez pu avoir antérieurement. C’est la condition pour que la commission puisse continuer à avancer et c’est pourquoi je vous le demande solennellement en son nom.

S'agissant de Marseille, nous avons œuvré avec pragmatisme et essayé d’accorder un délai supplémentaire à la concertation. Pour ne pas qu’on puisse dire que le Sénat s'attribue le beau rôle, je tiens à préciser que nous avons agi en parfait accord avec les ministres ici présentes, que je remercie, qui ont accepté que cette concertation prenne la forme d’une conférence des maires constituée dès la promulgation de la loi. L’objectif est de faire en sorte qu’Aix-Marseille-Provence, à l’instar de la métropole de Lyon, collectivité territoriale sui generis respectant les communes membres, devienne un établissement public de coopération intercommunale sui generis où seules les strictes compétences de caractère stratégique lui seraient déléguées. En revanche, les compétences non stratégiques seront exercées par les maires en leur qualité de représentant du conseil de la métropole. L’ensemble de ce dispositif sera élaboré, madame Joissains, en étroite concertation avec les maires. Il s’agit là de garantir, avec la participation effective de l’ensemble des maires, un haut niveau de déconcentration des compétences opérationnelles au niveau des conseils de territoires.

Je vous remercie, mesdames les ministres, et vous aussi, monsieur le président Sueur,…

M. Jean-Claude Gaudin. Il a beaucoup aidé !

M. René Vandierendonck, rapporteur. … d'avoir permis que cet objectif soit atteint grâce aux efforts à nul autre pareils que vous avez déployés.

Enfin, monsieur Collombat, sans que nous empiétions sur les deux prochains textes de décentralisation, dont le calendrier d’examen est désormais fixé, nous avons mis en chantier, avec l'accord du Gouvernement, que je remercie, une disposition très attendue par l’ensemble de nos collègues, à savoir le développement d'un nouveau concept de pôle métropolitain qui s'intéresserait au tissu rural.

Pour conclure, monsieur le président, je veux dire que ce texte n’a pas pour but de galvauder le concept de métropole. En revanche, pour valoriser la croissance du fait métropolitain, nous avons tenu à y introduire une disposition dérogatoire aux règles de constitution des communautés urbaines en supprimant la seule condition de seuil démographique afin de permettre aux actuelles communautés d'agglomération de se transformer en communautés urbaines et de remplir ainsi leur fonction de « métropoles régionales ».

Pour ce faire, mesdames les ministres, encore faut-il que vous conceviez que les moyens financiers nécessaires pour une telle réforme de l'aménagement du territoire ne soient pas déduits de l’enveloppe normée de la dotation globale de fonctionnement, qui enregistre une baisse. Ce serait élégant. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste ainsi que sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. Roger Karoutchi. Nous sommes les seuls à applaudir !

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, rapporteur pour avis.

M. Roger Karoutchi. Il faudrait que cela reste dans la même tonalité !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je vais m’y employer, monsieur Karoutchi. Néanmoins, chacun son style !

M. Roger Karoutchi. Chacun est libre !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Merci !

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de plusieurs dispositions du présent projet de loi et c’est donc sur celles-ci que j'insisterai plus particulièrement.

Auparavant, je souhaite formuler plusieurs observations de portée générale, sans revenir bien entendu sur les brillantes explications de notre collègue René Vandierendonck. À cet égard, je dois bien dire que les secteurs pavés étaient quand même moins nombreux et moins difficiles pour la commission des affaires économiques, même si elle n’a guère pu emprunter l’autoroute… (Sourires.)

Mesdames les ministres, au nom de la commission des affaires économiques, je vous décerne un satisfecit. Vous avez eu le courage de présenter ce projet de loi en dépit de nos oppositions internes et de nos contradictions. Je ne parle pas de l'opposition entre la droite et la gauche, je parle de la vision et de l’opinion défendues par chacun, l’une et l’autre quelque peu influencées selon le lieu d’où l’on s’exprime.

C'est donc un acte de courage que d'avoir enfin essayé de trancher, ce qui n'est pas simple.

Bien sûr, René Vandierendonck l’a dit, et même si les deux autres textes ont d’ores et déjà été déposés et que l’ensemble forme un tout, vous l’avez rappelé tout à l’heure, nous aurions préféré qu'un seul projet de loi nous soit soumis. Le fait d’avoir scindé celui-ci a rendu moins lisible la réforme.

Nous ne pouvons que nous réjouir que cette partie du projet de loi consacre le fait métropolitain. À l’heure où plus de 60 % de la population française réside dans une aire urbaine de plus de 100 000 habitants et où la métropolisation constitue un enjeu pour tous les pays européens, le projet de loi permet de renforcer les compétences des métropoles françaises.

Vous ne vous étonnerez pas que je me félicite particulièrement de la consécration de la métropole de Paris, rebaptisée, à juste titre, me semble-t-il, Grand Paris Métropole par la commission des lois.

Nul n’ignore le poids économique de la région d’Île-de-France, première région économique française. Elle regroupe par exemple 8 des 71 pôles de compétitivité français et l’un des premiers au niveau européen. La création de cette métropole est dans la droite ligne des initiatives lancées depuis 2009 dans le cadre de Paris Métropole, syndicat que je connais bien puisqu’il a été créé à Clichy-sous-Bois.

Dans le cas de Lyon, l’article 20 du projet de loi prévoit la constitution d’une collectivité territoriale à statut particulier, la métropole de Lyon, résultant de la fusion de la communauté urbaine et, sur le périmètre métropolitain, du département du Rhône. Motif de satisfaction, nos collègues Gérard Collomb et Michel Mercier ont exprimé ici, courageusement, une vraie vision de l’avenir de la métropole lyonnaise. Je me réjouis que le Gouvernement soutienne la démarche engagée par nos collègues.

Pour ce qui concerne Marseille, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, instituée à l’article 30, constitue un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le périmètre excède celui de la communauté urbaine de Marseille puisqu’elle est issue de la fusion de six EPCI.

Nous le savons tous, ce projet rencontre une vive opposition. Pour ma part, je salue la détermination du Gouvernement : quand l’intérêt général, non seulement d’une région et d’un territoire, mais également de la France, puisque nous sommes là à la porte de la Méditerranée, est en jeu, il est indispensable que l’État intervienne.

Les nombreuses auditions organisées par la commission des lois ont révélé les choses. Eugène Caselli, président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, a en effet souligné l’absence de projets communs à Marseille et une situation marquée par « six autorités organisatrices de transport, une balkanisation des zones d’activité et des zones commerciales » et l’absence de « cohérence territoriale ».

Compte tenu de l’enjeu que vous avez rappelé, madame la ministre, cette situation justifie le projet porté par le Gouvernement.

Je formulerai une dernière remarque sur l’équilibre général du projet de loi. Comme René Vandierendonck y a fait allusion, ce texte n’est peut-être pas allé, sur certains points, assez loin dans la logique de rationalisation de l’organisation administrative.

L’exemple francilien l’illustre. Compte tenu de ce qui est proposé, on peut se poser la question des départements de la petite couronne.

M. Philippe Dallier. On doit se la poser !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Je ne dis pas cela uniquement pour faire plaisir à mon collègue et voisin Philippe Dallier, mais il est tout de même troublant que non seulement le président de l’Assemblée des départements de France lui-même, mais également l’ancien et l’actuel président du conseil général de la Seine-Saint-Denis soulèvent cette question.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Il est quand même assez rare de voir un président de conseil général s’interroger sur la pertinence de son département.

La commission des affaires économiques s’est donc saisie pour avis de plusieurs articles du projet de loi : l’article 3, qui désigne des collectivités chefs de file ; les articles portant sur les différentes métropoles, à savoir l’ article 12 sur Grand Paris Métropole, l’article 20 sur la métropole de Lyon, l’article 30 sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence et l’article 31 sur les métropoles de droit commun, pour ce qui concerne les compétences des métropoles qui relèvent du périmètre de la commission ; l’article 13, que la commission des lois a délégué au fond à notre commission, qui porte sur l’élaboration par le conseil régional d’Île-de-France d’un SRHH, un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement ; les articles 18 et 19, qui portent sur le quartier d’affaires de la Défense ; enfin, l’article 45, supprimé par la commission des lois, qui limitait à un le nombre d’établissements publics fonciers d’État par région.

Je reviendrai sur l’ensemble de ces dispositions.

S’agissant de Grand Paris Métropole, la commission des affaires économiques souligne les modifications apportées par la commission des lois à l’article 12, qui ont recentré les actions de ce nouvel établissement public sur la priorité du logement, qui est un enjeu majeur en Île-de-France.

L’article 12 prévoit que Grand Paris Métropole élabore un plan métropolitain qui devra être compatible avec le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, et tenir compte du SRHH, prévu à l’article 13.

Je me suis interrogé sur la pertinence de ces deux nouveaux documents de planification distincts et sur le lien entre l’un et l’autre. Au terme de nos travaux et de nos auditions, et après avoir notamment entendu les acteurs du logement qui saluent ces deux dispositions, j’estime que le dispositif prévu par le projet de loi est cohérent et équilibré : le schéma régional sera établi dans le respect des compétences de la métropole tandis que le plan métropolitain tiendra compte du schéma régional.

La commission des affaires économiques se félicite de la détermination du Gouvernement, par le biais de ce projet de loi, à apporter une réponse en termes de gouvernance à l’enjeu majeur que constitue le logement en Île-de-France. Je rappellerai seulement deux chiffres, que j’évoque souvent du haut de cette tribune, pour illustrer la crise du logement dans cette région.

En premier lieu, on construit uniquement – j’insiste sur cet adverbe – 37 000 logements par an, alors qu’il en faudrait 70 000.

En second lieu, en 2011, la région d’Île-de-France concentrait 60 % des recours engagés au titre de la loi DALO en matière de logement et près de 75 % en matière d’hébergement.

Le dispositif proposé dans le projet de loi constitue donc une vraie réponse en termes de gouvernance.

Comme le soulignait Mme Schurch hier à cette même tribune, la gouvernance à elle seule ne suffit pas (Mme Éliane Assassi opine.), il faut des moyens. Il faut aussi, à mon sens, une volonté politique. Je vais être un peu dur, mais l’importance de l’enjeu le justifie. C’est bien de faire un plan, mais s’il n’est pas réalisé, si, localement, des obstructions graves gênent la résolution du problème, alors, et je n’ai pas peur de dire ici, il faudra sans doute réfléchir à la mise en place de contraintes supplémentaires pesant sur les communes en matière de permis de construire, sans quoi les documents de planification n’auront que peu d’intérêt. (M. le président de la commission des lois applaudit.) Merci !

M. Roger Karoutchi. Vous vous mettez en forme ! Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut savoir ce que l’on veut.

M. Roger Karoutchi. Il faut aussi du soutien !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Cela m’aide ! (Sourires.)

J’en viens aux articles 18 et 19 qui concernent le quartier d’affaires de la Défense. J’ai abordé ces deux articles presque la fleur au fusil…

M. Roger Karoutchi. Pourquoi la fleur au fusil ?

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Je connaissais mal le dossier, je l’avoue. J’ai cru qu’il s’agissait d’articles de clarification et de simplification, de peu d’importance.

Et puis, après avoir travaillé sur le dossier, après avoir écouté différents avis, je me suis aperçu qu’il ne s’agissait pas de simples dispositifs de clarification. La situation est extrêmement difficile. (M. Roger Karoutchi opine.)

Le quartier de la Défense est le premier quartier d’affaires européen, avec près de 2 500 sièges d’entreprise et 150 000 salariés. Vous le savez, c’est une opération d’intérêt national depuis 1958 (M. Roger Karoutchi opine de nouveau.), date à laquelle a été créé l’Établissement public d’aménagement de la Défense, l’EPAD. Mais la gouvernance de cette opération a été modifiée en 2007. (M. Roger Karoutchi opine encore.)

La loi de 2007 a déconnecté les activités d’aménagement des activités de gestion, à la suite d’un premier rapport de la Cour des comptes.

Cette loi a donc mis en place un établissement public local de gestion – alors que l’aménagement est national –, l’Établissement public de gestion de la Défense, l’EPGD, habilité à gérer les ouvrages et espaces publics mis à sa disposition ou qui lui sont transférés. Ces deux possibilités sont inscrites dans la loi de 2007.

Plus de six ans après, on constate que les objectifs de la loi ne sont pas atteints (M. Roger Karoutchi le confirme.), et d’importantes difficultés juridiques subsistent. Je ne sais pas pourquoi je vous regarde sans cesse, monsieur Karoutchi, mais n’ayez crainte, je ne vous tiens pas pour responsable. (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Cela ne fait rien, je connais bien le dossier,…

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. C’est sûrement pourquoi je vous regarde !

M. Roger Karoutchi. … et j’en parlerai tout à l’heure (M. Roger Karoutchi regarde sa montre.)… sans doute vers vingt heures. (Sourires.)

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Et je ne suis pas le seul à affirmer que les objectifs n’ont pas été atteints. Je suis appuyé en cela par la Cour des comptes. Si vous vous intéressez à ce sujet, je vous invite à lire son rapport, qui est assez édifiant.

Il y a une bagarre juridique entre les deux établissements publics, l’EPGD et l’EPAD – devenu EPADESA –, qui s’opposent quant à l’interprétation des dispositions de la loi et au devenir des biens transférés ou mis à disposition de l’EPGD.

Un procès-verbal, un simple procès-verbal, allais-je dire, signé en décembre 2008, dans des conditions que je qualifierai de « surprenantes »,…

M. Roger Karoutchi. Allons bon !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. … est le cœur du problème. Ce document, dont la nature juridique est sujette à caution – là encore, je ne fais que citer la Cour des comptes – a introduit de l’insécurité juridique et la question de la légalité de certaines de ses clauses est soulevée. La situation actuelle est marquée par un vrai blocage : l’État a engagé plusieurs contentieux contre des délibérations prises par l’EPGD.

Les articles 18 et 19 apportent une réponse à cette situation, qui, il faut le souligner, nuit à l’attractivité du site. Je crains que ces différends ne soient très préjudiciables à l’attractivité du site. Bien évidemment, on ne peut plus faire aujourd’hui de l’aménagement comme on le faisait en 1958 (M. Roger Karoutchi opine.), lorsqu’il n’y avait rien sur le terrain, ou seulement quelques pavillons.

Par le biais de ces articles, les frais de remise en état des équipements publics sont mis à la charge de l’EPGD, et donc – c’est là que le bât blesse – des collectivités locales, à savoir les communes de Courbevoie et de Puteaux ainsi que le conseil général des Hauts-de-Seine. Il s’agit de sommes importantes, au moins 100 millions d’euros.

Mme Isabelle Debré. C’est un plancher !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. En effet. Je crains, en écoutant les uns et les autres, que ce ne soit plus, voire beaucoup plus. (M. Philippe Dominati s’exclame.) Nous considérons toutefois que les trois collectivités territoriales, qui ont largement bénéficié des retombées du site de la Défense, ont les moyens financiers d’assumer cette remise en état.

Si les articles 18 et 19 constituent donc une avancée, il convient néanmoins, mesdames les ministres, de réfléchir à l’avenir du site de la Défense à moyen et long termes. Selon moi, la problématique se pose en termes simples : ou bien l’État a encore une vision d’aménagement de caractère national, qui justifie une opération d’intérêt national ; ou bien l’État considère que l’aménagement est terminé et alors, dans des conditions qui seront certainement difficiles, y compris du point de vue technique, puisqu’il s’agit d’une dalle, il faudra en venir à des situations de droit commun.

Je ne m’attarderai pas sur les dispositions relatives aux métropoles de Lyon et de Marseille que j’ai évoquées précédemment, même si je souligne la volonté d’apaisement de la commission des lois qui a repoussé d’un an la mise en place de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

J’en viens donc aux métropoles de droit commun, dont l’article 31 prévoit la rénovation du statut, issu de la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales.

Pour ma part, je me réjouis du relèvement par la commission des lois du double seuil démographique de la constitution des métropoles. Comme l’a indiqué M. le rapporteur de la commission des lois, il faut éviter « la métropolisation de l’ensemble du territoire ».

La commission des lois a aussi utilement supprimé la possibilité pour l’État de déléguer aux métropoles de droit commun ses compétences en matière de DALO ou d’hébergement, et le transfert automatique aux métropoles de compétences des départements, lui préférant le simple conventionnement. Je ne peux que l’approuver.

J’en termine, mes chers collègues, par l’article 45 du projet de loi, qui a été supprimé par la commission des lois. Cet article disposait qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul établissement public foncier d’État par région, les établissements publics locaux n’étant donc pas touchés. Dont acte. Je n’ai pas d’avis sur ce sujet.

Toutefois, la commission des affaires économiques souhaite que cet article soit réintroduit pour la région d’Île-de-France, où le problème est majeur. Sans m’étendre sur ce sujet à cet instant, je tiens à signaler que la situation qui prévaut en Île-de-France est complexe, injuste et en tout cas non solidaire.

Pour conclure, la commission des affaires économiques estime donc que le texte comprend, pour les articles dont elle s’est saisie, des avancées importantes, telles que la consécration du fait métropolitain ou les réponses apportées à la grave crise du logement en Île-de-France et à la situation de blocage qui existe actuellement à La Défense. J’ose donc espérer que, au terme de nos débats, notre Haute Assemblée adoptera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, permettez-moi avant toute chose de saluer l’enthousiasme de notre rapporteur et le travail formidable qu’il a réalisé.

La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi puisqu’il touche à plusieurs aspects importants de son champ de compétence.

Elle s’est saisie des articles 3, 4 et 5 qui organisent la coordination entre les collectivités territoriales, que ce soit par la désignation de collectivités chefs de file, par la création des conférences territoriales ou par la mise en place d’un pacte de gouvernance.

Ces articles posent la question de l’équilibre entre la reconnaissance du fait métropolitain, qui est légitime, et la prise en compte du monde rural, qui ne l’est pas moins. Or le découpage du texte initial – excusez-moi d’y revenir, madame la ministre – a pu donner l’impression d’un oubli du monde rural. (Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique acquiesce.) J’y reviendrai.

Notre commission s’est aussi saisie de l’article 31, qui modifie le régime des métropoles, et de l’article 35, lequel concerne le transfert à l’établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre des pouvoirs de police en matière d’assainissement et de collecte de déchets.

La commission des lois nous a par ailleurs délégué au fond trois articles qui relèvent de notre compétence « transports » : les articles 15 à 17 sur le Syndicat des transports d’Île-de-France et la Société du Grand Paris.

Avant d’examiner en détail ces articles, notre commission vous a entendu, madame la ministre, et a procédé à un échange de vues général sur l’architecture de la réforme.

Si ce projet de loi ne constitue pas une révolution pour l’action publique locale, je m’en tiendrai à l’importance qu’il y a, à mes yeux, d’aboutir à une réforme utile.

Ce projet de loi, tel qu’il est présenté, comporte de réelles avancées pour la démocratie territoriale. Il améliore concrètement l’efficacité et la lisibilité des interventions des collectivités. C’est dans cet état d’esprit que nous avons examiné le texte.

Dans cette perspective, le travail réalisé par la commission des lois nous a semblé décisif, notamment en supprimant tout ce qui pouvait apparaître comme de nouvelles rigidités pour l’action des élus locaux. Elle a par exemple rendu plus souple l’organisation des conférences territoriales. Elle a aussi supprimé le pacte de gouvernance territoriale. Ce montage complexe était composé d’un ensemble de schémas d’organisation. Les élus, comme leurs services, auraient dû consacrer un temps considérable à son élaboration et à sa négociation, pour une plus-value incertaine par rapport aux schémas existants.

La commission des lois a, enfin, modifié les domaines de compétences des différents chefs de file, dans un souci de cohérence et de réalité.

Comment interpréter, en effet, le choix initial du Gouvernement qui faisait du bloc communal le chef de file de la qualité de l’air ? Hormis les plus grandes d’entre elles, les communes et les intercommunalités n’auraient pas eu les moyens d’assumer une telle charge. Notre commission se félicite donc de la nouvelle rédaction de l’article 3 adoptée par la commission des lois.

Cet exemple est malheureusement emblématique de l’oubli des réalités du monde rural, qui est le grand absent de ce texte. La reconnaissance du fait urbain est nécessaire, indispensable,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. … et je l’appelais de mes vœux depuis longtemps. Mais elle ne saurait se faire indépendamment du monde rural, ou, pire encore, à son détriment.

C’est cette approche qui a conduit notre commission à adopter, à la quasi-unanimité, deux amendements visant à combler ces manques.

Le premier amendement intègre à la liste des membres de la conférence territoriale un représentant des communes rurales par département. La présence d’un représentant des communes de moins de 50 000 habitants par département, actuellement prévu, ne suffira pas à garantir la prise en compte des enjeux spécifiques du monde rural, tout le monde en convient aujourd’hui.

Le second amendement vise à créer, sur le même modèle que les pôles métropolitains, des pôles ruraux d’aménagement et de coopération.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. Cet outil devrait permettre la poursuite des démarches engagées par les pays et l’approfondissement des dynamiques territoriales existantes. Je pense notamment à la contractualisation nationale, régionale et départementale ; à l’emploi des fonds européens ; ou encore à la solidarité en matière d’ingénierie. Il s’agit aussi de permettre à la ruralité de vivre dans des espaces de projets modernes et innovants, impliquant les habitants et l’ensemble des acteurs locaux.

Notre compétence en matière de transports nous a également conduits à nous saisir d’un autre projet, tout aussi consensuel au sein de notre commission : je fais référence à la dépénalisation du stationnement payant (M. Louis Nègre applaudit.)

M. René Vandierendonck, rapporteur. Enfin !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. … et sa transformation en service public décentralisé.

Le stationnement est au cœur des politiques de mobilité durable.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. Or son cadre juridique actuel empêche la mise en place de politiques ambitieuses dans ce domaine. Plusieurs rapports récents, dont celui de notre collègue Louis Nègre, l’ont constaté.

Le caractère pénal de la sanction implique tout d’abord un montant uniforme des amendes sur l’ensemble du territoire – il est aujourd’hui de 17 euros. Ce montant paraît peu dissuasif dans certains territoires très denses, comme les grandes villes dans lesquelles les tarifs de stationnement sont élevés, alors qu’il est excessif dans de petites communes.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Bravo !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. Ensuite, ces infractions ne peuvent aujourd’hui être sanctionnées que par des agents de la police nationale ou municipale assermentés à cet effet. Or leur nombre et leurs moyens ne leur permettent pas de remplir cette mission de façon satisfaisante. Il en résulte, il faut le dire, un sentiment d’impunité pour nombre de conducteurs.

Le circuit du recouvrement des amendes, enfin, est complexe. Il a été critiqué dans le rapport annuel de la Cour des comptes de 2010.

Ces dysfonctionnements sont connus et dénoncés depuis longtemps. Il était temps d’agir. (M. Louis Nègre opine.). C’est pourquoi la commission du développement durable vous proposera deux amendements en ce sens.

En ce qui concerne l’article 31, qui procède à la refonte du régime des métropoles « de droit commun », notre commission a émis un avis favorable à son adoption sans modification, car elle est satisfaite des améliorations que lui a apportées la commission des lois.

Le caractère volontaire de la création des métropoles, la souplesse introduite dans le transfert de certaines compétences du département à la métropole, le maintien à l’État des compétences en matière de logement qui relèvent de la solidarité nationale, l’élargissement des compétences économiques de la métropole et l’instauration d’une conférence métropolitaine des maires : voilà autant de modifications qui méritent d’être approuvées.

Par ailleurs, cette refonte du régime des métropoles « à dimension européenne » s’accompagne, à l’article 40 du projet de loi, dont votre commission ne s’est pas saisie pour avis, d’un élargissement du régime de la communauté urbaine aux villes qui n’atteignent pas le seuil démographique pour sa création, abaissé par la commission des lois à 400 000 habitants, mais qui exercent néanmoins certaines fonctions de commandement qui en font de véritables « métropoles régionales ». L’équilibre ainsi atteint entre métropoles, grandes ou moyennes, me paraît satisfaisant pour nos territoires. Monsieur le rapporteur et cher René Vandierendonck, il est très important d’avoir accepté d’aller dans ce sens. Une communauté d’agglomération forte qui rayonne sur son territoire pourra, si elle le souhaite, devenir une communauté urbaine. Il importe de travailler en réseau avec les grandes métropoles européennes.

J’en viens enfin aux articles 15 à 17 du projet de loi, pour lesquels notre commission a été saisie au fond.

L’article 15 résulte d’un mauvais découpage du texte initial en trois, et notre commission vous proposera donc sa suppression. En revanche, les articles 16 et 17 procèdent à une coordination utile pour l’organisation des transports en Île-de-France.

À l’origine, le réseau de transport public du Grand Paris, vous vous en souvenez, a été conçu de façon très indépendante, voire déconnectée du réseau existant géré par le Syndicat des transports d’Île-de-France.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. Le précédent gouvernement avait voulu reprendre la main sur l’organisation des transports dans la région, en se substituant aux collectivités de toutes sortes.

Très rapidement, les limites de la création d’un réseau parallèle au réseau existant sont apparues. Un protocole d’accord a été signé entre l’État et la région en janvier 2011, reprenant des éléments communs à la fois au projet du Grand Paris et à Arc Express, le projet défendu par les collectivités de la région.

Le projet du Nouveau Grand Paris, présenté par le Premier ministre le 6 mars dernier, confirme cette approche. Il englobe, d’une part, des mesures d’amélioration du réseau existant et, d’autre part, le Grand Paris Express.

Cette approche intégrée impose une coordination effective, chacun le comprend aujourd’hui, entre le STIF et la Société du Grand Paris. Le STIF doit pouvoir s’exprimer, par exemple, sur le « coût de possession » de l’infrastructure une fois qu’elle est réalisée, ou sur les exigences de sécurité relatives à son exploitation... Or la loi relative au Grand Paris est quasiment muette à ce sujet.

Il convenait dès lors de combler ces lacunes.

L’article 16 du projet de loi précise que les missions du STIF, maître d’ouvrage « de droit commun » en matière de transports, s’exercent dans la limite non seulement des compétences de RFF, Réseau ferré de France, ou de la RATP, comme cela est déjà prévu, mais aussi de celles de la Société du Grand Paris. Il s’agit de prendre acte de la création de la Société du Grand Paris et de son rôle en matière d’investissement dans le domaine des transports en Île-de-France.

De manière complémentaire, l’article 17 modifie la loi relative au Grand Paris, afin d’associer davantage le STIF aux démarches réalisées par la Société du Grand Paris, et ce pour trois bonnes raisons : tout d’abord, pour suivre l’élaboration du ou des dossiers d’enquête publique précédant la déclaration d’utilité publique des projets d’infrastructures du Grand Paris ; ensuite, pour participer à l’élaboration de l’ensemble des documents établis par le maître d’ouvrage ; enfin, pour accompagner chaque étape du processus d’acquisition des matériels roulants, dont le STIF est le financeur.

Cette coordination devra se faire dans les meilleures conditions possibles pour ne pas allonger les délais de mise en œuvre des différentes étapes du projet. Pour avoir découvert celui-ci dans le cadre de l’examen de cette loi, je crois que les deux parties prenantes, que j’ai rencontrées, partagent le même objectif et la même volonté d’avancer en commun. Une association le plus en amont possible du STIF devrait en outre permettre d’éviter un certain nombre de blocages.

La commission vous propose donc d’adopter ces deux articles tels qu’ils nous sont proposés par le Gouvernement. L’enjeu du projet du Grand Paris est considérable – faut-il le rappeler ? Il doit désormais avancer rapidement dans de bonnes conditions, madame la ministre.

Au total, le texte du Gouvernement, largement modifié par la commission des lois, est porteur de progrès pour notre démocratie territoriale : il clarifie le rôle des différents acteurs territoriaux et recherche une cohérence accrue entre leurs interventions. Il se place en outre dans un contexte, que j’approuve, de confiance en l’intelligence des territoires et des élus.

Aussi, la commission du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi, sous réserve, bien sûr, des amendements qu’elle vous présente. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, rapporteur pour avis.

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en préambule, je reprendrai la dernière phrase du rapporteur M. Vandierendonck, qui, après avoir exposé la position de la commission des lois sur le présent texte, avait ajouté : « Avec quel budget ? »

En tant que maire et président d’une agglomération, j’aurais beaucoup à dire, certainement comme d’autres, sur le fond du projet de loi. Mais partageant à 100 % les propos de René Vandierendonck, j’aborderai directement les dispositions financières ou ayant des incidences financières.

Comment peut-il en être autrement alors que, chaque jour, la question des finances publiques est abordée dans notre pays ? Comment peut-il en être autrement alors que de nombreuses collectivités territoriales ne savent plus comment préparer leur budget ? Comment peut-il en être autrement eu égard aux annonces qui sont faites sur la restriction de l’aide de l’État aux collectivités territoriales dans les années à venir ?

La commission des finances a souhaité se saisir pour avis des dispositions financières ou ayant des conséquences financières.

Premièrement, j’aborderai l’achèvement de la carte intercommunale francilienne

L’article 10 du projet de loi prévoit la couverture intégrale par des EPCI à fiscalité propre de l’ensemble des départements de la petite couronne francilienne, qui n’étaient pas concernés par la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le projet de loi prévoyait que ces EPCI regroupent au moins 300 000 habitants ; la commission des lois a abaissé ce seuil à 200 000. Il prévoyait également un seuil minimum de 200 000 habitants pour les EPCI de la grande couronne inclus dans le périmètre de l’aire urbaine de Paris ; cette condition a également été supprimée par la commission des lois.

L’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France va entraîner une hausse de la dotation d’intercommunalité,…

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. … comme cela a été le cas pour l’achèvement de la carte intercommunale dans le reste de la France. On peut évaluer cette hausse à 75 millions d’euros, lissée sur les années 2015 et 2016. (M. Roger Karoutchi opine.)

En ce qui concerne la péréquation, l’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France pourrait avoir un impact sur le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France. En tout état de cause, celui-ci serait limité. Quant aux conséquences sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, elles n’ont pu être évaluées, du fait du trop grand nombre d’inconnues pesant sur la future carte intercommunale. (M. Roger Karoutchi opine de nouveau.)

Deuxièmement, j’évoquerai la création de Grand Paris Métropole. L’article 12 du projet de loi crée un établissement public, dénommé « Grand Paris Métropole », comprenant la ville de Paris et « les établissements publics de l’unité urbaine de Paris ».

Concernant le financement de cet établissement, il est prévu qu’il disposera « des ressources que lui attribuent ses membres, d’une dotation de fonctionnement et d’un fonds d’investissement métropolitain conformément aux dispositions qui seront fixées par une loi de finances ».

Le Gouvernement n’a pu me présenter une évaluation du montant à financer, dans la mesure où celle-ci suppose une connaissance de l’étendue des compétences exercées.

M. Roger Karoutchi. Effectivement.

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Pour ce qui est des contributions des membres, elles devraient être fixées dans les statuts de Grand Paris Métropole.

M. Philippe Dallier. Ça tombe bien, il n’y a plus d’argent !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Ensuite, s’agissant de la dotation de fonctionnement, le directeur général des collectivités locales m’a assuré qu’elle n’était pas assimilable à la dotation globale de fonctionnement, dans la mesure où Grand Paris Métropole ne sera pas un EPCI à fiscalité propre mais relèvera de la catégorie des syndicats mixtes.

M. Roger Karoutchi. Alors là !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Ces crédits ne formeront donc pas une dotation d’intercommunalité et n’entraîneront pas une augmentation de la dotation d’intercommunalité de l’ensemble des EPCI. Ils n’entreront pas non plus dans le périmètre de l’enveloppe normée.

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Enfin, il est prévu que la métropole de Paris bénéficie d’un fonds d’investissement métropolitain. Le Gouvernement n’a pu m’indiquer précisément l’objet de ce fonds et ses modalités de financement. Il pourrait s’agir d’un fonds financé localement, par les collectivités concernées,…

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. … mais il n’est pas exclu qu’il soit, au moins en partie, abondé par l’État.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Et c’est normal !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, sur cet article, la commission des finances vous proposera un amendement de précision.

Troisièmement, je traiterai du fonds de péréquation des départements franciliens.

L’article 14 du présent projet de loi tendait, à l’origine, à créer un fonds de péréquation propre aux départements de la région d’Île-de-France, doté de 60 millions d’euros.

La commission des lois, et je l’en remercie, a délégué à la commission des finances l’examen de cet article au fond. Néanmoins, « à titre conservatoire [et] afin de marquer sa nette opposition aux modalités du fonds », elle a supprimé l’article 14 ! (M. le rapporteur sourit.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Pour sa part, la commission des finances a considéré que le principe d’une péréquation propre à l’Île-de-France se justifiait, du fait des grandes inégalités qui y règnent.

MM Jean-Pierre Caffet et Vincent Eblé. Très bien !

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est indispensable !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Exact !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Toutefois, les modalités proposées par le Gouvernement n’étaient pas acceptables : le déséquilibre entre critères de ressources et de charges conduisait à ce qu’un seul département bénéficie de près des trois quarts des versements du fonds.

M. Roger Karoutchi. Monsieur Dallier ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. La commission des finances a également estimé que l’examen de cette question pourrait utilement être reporté en loi de finances, ce qui permettra de connaître les résultats du groupe de travail entre l’État et les départements sur le financement des allocations de solidarité,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. … et de faire en sorte qu’une véritable concertation entre les départements concernés ait lieu. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. La commission des finances a donc souscrit à la suppression de cet article.

Quatrièmement, je me pencherai brièvement sur le quartier de la Défense.

Les articles 18 et 19 du présent texte visent à régler les conséquences des relations conflictuelles entre deux établissements publics compétents sur le site de La Défense. La question qui a intéressé la commission des finances est celle de la répartition, entre ces deux établissements, des frais de remise en état des biens. En effet, dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi tend à mettre ces obligations à la charge des collectivités qui financent l’un des établissements.

Les conséquences financières de ces deux articles n’ayant pas été explicitées, je vous proposerai un amendement prévoyant la remise d’un rapport au Parlement pour l’informer des coûts réels de remises en état du site de La Défense.

Cinquièmement, il convient de s’arrêter sur les métropoles de droit commun, dont l’article 31 vise à modifier le régime de droit commun.

La création des métropoles augmentera le volume de la dotation d’intercommunalité, dans la mesure où certaines communautés d’agglomération deviendront des métropoles et bénéficieront de dotations par habitant plus élevées. La DGCL, la Direction générale des collectivités locales, évalue ce coût à 36 millions d’euros sur la base des seuils prévus par le projet de loi initial, c’est-à-dire en supposant que les communautés d’agglomération concernées deviennent métropoles. Ce coût pèsera sur la dotation de compensation de la DGF des établissements publics de coopération intercommunale.

La commission des lois a rehaussé le seuil démographique à partir duquel un EPCI peut devenir métropole. Il est désormais fixé à 450 000 habitants pour une aire urbaine de 750 000 habitants, ce qui diminue le nombre d’agglomérations éligibles. Elle a également assoupli les conditions exigées pour former une communauté urbaine.

Néanmoins, l’introduction de ces nouvelles dispositions ne devrait pas modifier l’impact financier précédemment estimé, dès lors que les communautés d’agglomération décideraient de devenir métropoles ou communautés urbaines, dans la mesure où leurs dotations d’intercommunalité respectives sont désormais calculées de la même manière.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Sixièmement, la métropole de Lyon constitue un point particulier, au sujet duquel la commission des finances s’est saisie de cinq articles. Nous avons examiné ces dispositions avec beaucoup d’attention, considérant qu’il s’agissait du projet le plus abouti et certainement le mieux ficelé, ce travail ayant été accompli – quelle horreur ! – grâce à un accord entre des parties d’origines politiques différentes.

Mme Colette Mélot. C’est vrai !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une collectivité territoriale à statut particulier qui remplace la communauté urbaine de Lyon et – sur le territoire de cette dernière – le département du Rhône. La commission des lois a décidé d’avancer la date de sa création du 1er avril au 1er janvier 2015.

La création de la métropole de Lyon rend nécessaire l’adaptation des règles fiscales et financières et a pour but de permettre à cette agglomération de bénéficier à la fois des ressources d’un EPCI à fiscalité propre de type métropole et des ressources d’un département.

Néanmoins, les recettes et dépenses relatives aux compétences départementales exercées par la métropole de Lyon seront identifiées dans un budget annexe, pour lui permettre de participer, au titre de ses seules recettes et dépenses départementales, aux mécanismes de péréquation départementaux.

La création de cette métropole n’entraînera pas de coût supplémentaire au titre de la dotation d’intercommunalité, dans la mesure où Lyon bénéficie déjà du régime des communautés urbaines. Elle nécessite cependant un certain nombre d’ajustements techniques. C’est pourquoi l’article 29 précise que le Gouvernement est habilité à déterminer, par voie d’ordonnance, les règles financières, fiscales et budgétaires applicables à la métropole de Lyon.

En effet, les modalités de répartition de certaines dotations ou impositions départementales entre les deux collectivités ne sont pas fixées dans le présent projet de loi. Faute d’une répartition précise de ces recettes, il est techniquement impossible de calculer les potentiels fiscal et financier des deux nouvelles collectivités. Aussi, la DGCL n’a pu fournir aucune simulation ni hypothèse de travail concernant les effets de la création de cette nouvelle collectivité sur les mécanismes de péréquation départementaux.

Enfin, l’article 20 prévoit les modalités d’évaluation et de compensation des transferts de charges entre la métropole de Lyon et le département du Rhône. Ces compensations visent non seulement à assurer la neutralité budgétaire des transferts mais aussi à éviter tout risque de tutelle d’une collectivité sur l’autre.

Mes chers collègues, la commission des finances vous proposera plusieurs amendements à ce titre, notamment pour faire apparaître clairement certaines recettes de la métropole de Lyon et pour adapter plusieurs dispositions à la nouvelle date retenue par la commission des lois pour la création de cette entité.

L’article 22 du présent texte modifie le code général des impôts : il s’agit d’adaptations techniques permettant à la nouvelle collectivité de bénéficier à la fois des impositions de type intercommunal et départemental.

L’article 29 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives rendues nécessaires par la création de la métropole de Lyon. L’ordonnance en question devra préciser les règles s’appliquant à celle-ci, notamment en matière de finances et de fiscalité locales. En particulier, il est prévu qu’elle fixe les modalités de partage de diverses dotations – la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ou DCRTP, la garantie individuelle des ressources, etc. – ainsi que les modalités de calcul des potentiels fiscal et financier de la métropole.

La commission des finances vous présentera un amendement tendant à préciser que le financement de tout organisme institué par la loi en conséquence de la création de la métropole de Lyon sera pris en charge exclusivement par les deux collectivités concernées.

Étant donné l’originalité de ce projet de loi et les nouvelles formes de calcul des transferts – notamment avec l’intégration de l’épargne nette, qui constitue une recette extrêmement dynamique, contrairement aux ressources que transfère généralement l’État –, il serait anormal que le ministère ne puisse pas recevoir le plus rapidement possible et en même temps MM. Collomb et Mercier. Cette méthode permettrait évidemment d’avancer plus rapidement. De fait, ce dossier, en tout point exemplaire, mérite d’être traité avec le plus grand soin, car il pourrait servir de modèle à beaucoup d’autres.

M. Philippe Dallier. Par exemple à Paris ?

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Septièmement, j’évoquerai la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

L’article 30 du présent texte prévoit la création de cette métropole, issue de la fusion de six EPCI existants.

S’agissant des aspects fiscaux et financiers, une dotation d’intercommunalité dérogatoire et incitative est prévue pour la première année. En effet, il s’agit d’appliquer le régime des fusions tel qu’il était en vigueur avant la loi de finances pour 2013 : la première année de sa création, la dotation d’intercommunalité serait calculée en fonction de la population et de la dotation d’intercommunalité par habitant la plus élevée par habitant perçue l’année précédente parmi les EPCI préexistants.

La commission des finances a jugé que ce régime dérogatoire n’avait pas lieu d’être et que la métropole d’Aix-Marseille-Provence devait se voir appliquer les règles de droit commun pour le calcul de sa dotation d’intercommunalité la première année suivant la fusion.

En conséquence, elle vous proposera un amendement allant dans ce sens, qui aurait pour effet de limiter l’augmentation de la dotation d’intercommunalité des EPCI du fait de la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence à 15 millions d’euros, au lieu des 34 millions d’euros prévus par le projet de loi. Ainsi, le montant à financer par les autres EPCI sera moins élevé. J’y reviendrai tout à l’heure. L’État, s’il veut faire de l’aménagement du territoire, peut contribuer au financement ; il n’est pas normal qu’il prélève les sommes nécessaires sur la dotation des autres collectivités territoriales !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. Exact !

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Huitièmement et enfin, les articles 43, 44 et 55 forment un ensemble particulier.

L’article 43 adapte les dispositions relatives à la dotation d’intercommunalité. L’article 44 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre les mesures techniques propres à compléter et à préciser les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables. L’article 55 précise les modalités de compensation financière des transferts de compétences à titre définitif inscrits dans le projet de loi. À ce stade, nous n’avons pas d’observation particulière à formuler à ce propos.

En revanche, au terme de cet aperçu des articles relatifs aux finances, je tiens à récapituler l’ensemble des conséquences financières de ce projet de loi, en particulier pour ce qui concerne les collectivités territoriales.

Tout d’abord, l’achèvement de la carte intercommunale – hors petite couronne francilienne –, au titre de la loi de 2010, représente un coût de 75 millions d’euros pour 2013 et de 100 millions d’euros en 2014. (M. Roger Karoutchi opine.)

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. En la matière, le présent projet de loi ajoute une charge de 37,5 millions d’euros par an pour 2015 et 2016, au titre de la petite couronne. Au titre de la grande couronne le montant était à l’origine de 5 millions d’euros par an, mais la commission des lois a supprimé ces crédits pour l’année 2015.

Ensuite, concernant la création des métropoles, j’ai déjà indiqué que Grand Paris Métropole constituait un sujet spécifique qui, a priori, ne pèserait pas sur l’enveloppe globale.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est gratuit !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Cependant, la métropole d’Aix-Marseille-Provence représentera, pour 2016, 34 millions d’euros, à prélever, en l’état actuel du texte, sur les dotations globales.

Pour la métropole de Lyon, ce coût est neutre.

M. Michel Mercier. En effet, puisque nous sommes d’accord !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Enfin, pour les métropoles et communautés urbaines, ces sommes s’élèvent à 18 millions d’euros pour 2015 comme pour 2016.

Au total, le présent projet de loi pèsera sur les dotations d’intercommunalité pour un montant global que j’évalue à 145 millions d’euros, répartis sur les années 2015 et 2016. Cette estimation se fonde sur le texte tel qu’il résulte des travaux, très poussés, de la commission des lois avec qui, je le répète, la commission des finances a travaillé en parfaite osmose.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, quand on additionne la réduction de 1,5 milliard d’euros des crédits destinés aux collectivités territoriales – mesure récemment annoncée –, la péréquation horizontale et verticale, l’achèvement des schémas départementaux d’intercommunalité,…

M. Roger Karoutchi. Les collectivités n’en peuvent mais !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. … que je viens de mentionner, on aboutit à un total d’environ 250 millions d’euros. (MM. Gérard Larcher et Roger Karoutchi opinent.) Aux yeux de la commission des finances, il n’est pas possible d’imputer une somme si lourde sur la DGF des collectivités territoriales, sauf à plonger ces dernières dans de grandes difficultés.

M. Gérard Larcher. Bien sûr !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Il nous paraîtrait donc normal que, dans les semaines à venir, une discussion s’amorce avec le Gouvernement pour déterminer ce qui, dans ce domaine, relève de l’aménagement du territoire et ce qui relève de la décentralisation. Il convient en effet de distinguer les crédits qui doivent être prélevés sur l’enveloppe globale des collectivités et les sommes qui doivent être imputées sur le budget de l’État !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Exactement !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Gérard Larcher. C’est bien la question : qui finance ?

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Un effort, qui est à fixer – 150 millions ou 200 millions d’euros –, doit être fourni par le Gouvernement. Eu égard à la masse du budget, ce ne sont tout de même pas les collectivités territoriales qui creusent le déficit de la France !

À mon sens, il faut débattre de cette somme, faute de quoi le présent projet de loi pourrait être gravement handicapé, alors même que, jusqu’à présent, les commissions des lois et des finances du Sénat ont travaillé dans un souci de clarté, de bonne compréhension et de mise en mouvement, à l’opposé même de toute hostilité résolue. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’UMP. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Roger Karoutchi. J’espère que nous pourrons applaudir de la même manière !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Parlons vrai ! L’amitié qui nous lie depuis longtemps m’y autorise, mesdames les ministres. Car parler vrai est une marque d’amitié et de respect.

Nous avons voulu que ce texte fût profondément changé. Nous avons demandé, au lieu de l’avant-projet initial, trois textes plus courts, plus simples et plus percutants. Nous l’avons dit clairement, et le Gouvernement a avancé dans cette direction.

Pourquoi cela ? Parce qu’un triple impératif s’impose à tous : simplicité, clarté, lisibilité. Finalement, la question est tout simplement de savoir ce que nous voulons. Et ce que nous voulons pourrait tenir en trois ou quatre phrases, peut-être moins.

Premièrement, nous voulons la solidarité territoriale, qui implique l’action des communes, au cœur de notre conception de la démocratie et de la République (M. Roland Povinelli et Mlle Sophie Joissains applaudissent), et des départements, en première ligne, avec des difficultés, pour la solidarité sociale et territoriale. Les propos de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances nous montrent bien qu’il faut aller vers plus de justice et de péréquation. Cela ne sera pas facile, mais c’est un chemin sur lequel nous devons nous engager fermement.

Deuxièmement, il nous faut des régions plus fortes, avec plus de pouvoirs, plus de moyens et plus de liberté financière et fiscale. (M. François Patriat opine.)

M. Ronan Dantec. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non pas pour le plaisir, mais pour l’économie et pour l’emploi ; c’est ce qui préoccupe aujourd'hui nos concitoyens.

Comparons avec d’autres pays d’Europe. Si, dans tel ou tel pays, on a plus de facilité à créer des PME, à les aider, si les collectivités territoriales peuvent plus aisément prendre une participation – nous devons aller en ce sens, et c’est urgent –, c’est parce qu’il y a non seulement des politiques nationales, mais également des politiques régionales fortes.

Nous voulons donc des régions fortes pour l’économie et pour l’emploi !

M. François Patriat. Parfaitement !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Troisièmement, nous voulons les métropoles du futur, les communautés du futur. En disant cela, nous pensons aux aires urbaines. Comme M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques l’a indiqué avec force, il nous faut des logiques cohérentes, mais dans le respect des communes, car l’intercommunalité est au service des communes et du bien commun.

Il nous faut ces métropoles du futur. Mais j’ajoute que l’on pourrait évoquer « la solidarité des régions fortes et des communautés fortes ».

Mesdames les ministres, pour nous, les « communautés fortes », cela signifie les métropoles, les communautés urbaines et les communautés de communes.

En effet, autant il est important de structurer le monde urbain, autant il est essentiel de poursuivre le chemin qui a fait que les communautés de communes sont partout dans notre pays aujourd'hui. Cela a été une grande innovation : pour mettre en œuvre des stratégies de développement, ces communautés sont aujourd'hui irremplaçables. Mais ce qu’il faut, c’est que les communautés urbaines et les communautés de communes rurales dans les petites et moyennes communes se donnent la main. Aujourd'hui, dans un bassin de vie, dans un bassin d’emploi, il n’y a pas l’urbain et le rural ! (Mme Bernadette Bourzai et M. Louis Nègre applaudissent.) Ça change ! Regardez la démographie de notre pays : elle change ! Tout marche ensemble.

Solidarité communes et départements, régions fortes pour l’emploi, l’économie et les PME, métropoles du futur en lien étroit avec toutes les communautés de notre pays… voilà ce que nous voulons. Pour cela, il faut des textes courts, simples, percutants. Et nous allons y contribuer.

C’est pourquoi le texte que propose la commission des lois – il a été remarquablement exposé par M. René Vandierendonck, qui a beaucoup travaillé et qu’il convient de féliciter (Marques d’approbation.) – est, pour le titre Ier, très différent du vôtre. Et il repose sur une philosophie différente. Autant s’en expliquer.

Quelle est notre philosophie ? J’ai commencé par dire simplicité. Madame la ministre, il existe des conseils régionaux ; très bien. Il existe des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ; très bien. Il existe ou existera des conseils de développement ; très bien. Faut-il en plus une conférence territoriale, peuplée de quantité de personnes qui seront là à devoir donner des avis sur une multitude de schémas ? Cela va créer un embrouillamini (M. Vincent Capo-Canellas s’exclame.) et des complications à n’en plus finir où l’on ne comprendra plus rien ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – Mmes Muguette Dini et Évelyne Didier ainsi que M. Roland Povinelli applaudissent également.)

Madame la ministre, si nous avons dit que la conférence territoriale était utile, c’est parce qu’elle permet à quelques responsables de se réunir, comme en Bretagne, où cela se passe remarquablement. Mais point n’est besoin d’une loi ! En vertu de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de nombreux autres textes, les présidents de département et de région peuvent se parler, se réunir, se concerter…

Préférons donc une structure souple permettant tout simplement le dialogue.

Pourquoi s’encombrer d’une telle multitude de schémas ? Que l’on sache ce que chacun fait et de quoi chacun est le chef de file !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. S’il faut d’abord donner des avis sur chaque projet de compétence, puis soumettre ces avis à des délibérations dans toutes les collectivités concernées et faire en sorte que les délibérations se coagulent en un pacte… on n’en finira jamais !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut de la simplicité, de la clarté et de la lisibilité. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – Mme Muguette Dini et MM. Roland Povinelli et Rachel Mazuir applaudissent également.) Voilà pourquoi nous avons réécrit le titre Ier.

M. Roland Povinelli. Enfin quelqu’un d’intelligent ; ça change un peu !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Venons-en aux compétences des communes. Voyez-vous, nous sommes autant attachés aux communes qu’aux départements et aux régions.

On lit que les communes sont cheffes de file en matière de « mobilité durable » (Marques d’ironie sur plusieurs travées de l'UMP.) – nous avons reçu les maires des petites villes ; comment voulez-vous que les communes rurales puissent être cheffes de file en matière d’aviation ou de transports ferroviaires ? – et de « qualité de l’air » ! (Même mouvement.) Mais enfin, mesdames les ministres, d’où cela peut-il sortir ? Vous savez bien que l’air est une substance qui ne connaît pas les frontières entre les communes, ni entre les collectivités locales ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – MM. Roland Povinelli et Jean-Noël Guérini applaudissent également.)

M. Gérard Longuet. C’est scandaleux ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le Sénat de la République vous propose donc de dire que les communes ont une responsabilité majeure en matière de services de proximité et de services publics de proximité ; je pense que chacun comprendra cela. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. Roland Povinelli. Sueur au ministère !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mes chers collègues, avec les rapporteurs, nous avons également veillé tout particulièrement au volet consacré aux métropoles. Nous avons refusé l’inflation en la matière, parce qu’il ne faut pas croire qu’un mot résoudrait tout.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous avons veillé à faire en sorte qu’il puisse y avoir des dispositions particulières pour Strasbourg, dont le rôle européen est manifeste, pour Lille-Roubaix-Tourcoing – par pudeur, M. le rapporteur n’a pas insisté sur ce point, mais je me permets de le faire –, dont le rôle frontalier est important et dont le rayonnement est très sensible, ainsi que pour Paris, Lyon et Marseille.

Pour Paris, je salue les efforts de Jean-Jacques Filleul, qui a beaucoup parlé de la métropole, et de Claude Dilain. Nous avons voulu, là aussi, des solutions simples et pratiques. Comment demander à des élus qui ont délibéré longuement pour bâtir des intercommunalités de tout refaire quelques mois plus tard ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est impossible.

En outre, il nous paraît tellement nécessaire, comme l’a souligné M. le Premier ministre, de lutter contre ce que j’appellerais les « intercommunalités de confort ». Si vous avez, d’un côté, des villes pauvres avec des villes pauvres et, de l’autre, des villes riches avec des villes riches, c’est le contraire de la solidarité.

Tous nos rapporteurs, et je les salue une nouvelle fois, ont insisté sur la nécessité d’une simplification. Nous avons un problème : le logement. Attaquons-nous à cela en priorité. Il faut donc que tout soit mis en œuvre afin de pouvoir construire tous les logements nécessaires dans cette entité de l’Île-de-France, si chère au cœur de tous les Français.

Nous avons beaucoup discuté de Marseille, d’Aix-en-Provence et des Bouches-du-Rhône. Il y a eu beaucoup de dialogue. Je salue tous les élus qui se sont impliqués. Là encore, il faut reconnaître l’attachement des élus à la commune, cellule de base de la démocratie. Il y a une volonté et une nécessité d’avancer dans la concertation. L’État joue son rôle lorsqu’il dit qu’il faut aller de l’avant. Mais il y a encore du travail à faire pour que l’on puisse se réunir sur ce dossier. Je sais que vous vous êtes beaucoup dépensée à cet égard, madame la ministre. Je sais aussi que le Gouvernement continuera de travailler. J’appelle de mes vœux une initiative du Gouvernement et du Premier ministre, afin de répondre à des attentes qui sont aussi financières. Il faut se donner les moyens de la vaste perspective à laquelle nous aspirons tous, même s’il n’y a pas accord aujourd'hui sur les modalités.

Je tiens à saluer le travail remarquable qui a été accompli par Michel Mercier et Gérard Collomb s’agissant de Lyon. Ce qui est intéressant dans le projet relatif à Lyon, et ce qui eût peut-être aussi été intéressant dans ce qui s’est passé récemment en Alsace, même si cela n’a pas donné le résultat escompté,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … c’est le fait de croire que, si la loi peut changer les choses, il y a aussi des initiatives locales qui doivent être prises en compte et qui vont changer le paysage.

Je pense à Edmond Hervé, ici présent, qui a été le premier maire de France à prôner l’articulation entre une ville-centre, une agglomération et un pays rennais, ainsi qu’une taxe professionnelle unique, condition pour créer les solidarités. C’est une expérience qui a porté ses fruits.

Je souhaite que l’expérience qui va naître à Lyon et dans le Rhône porte aussi ses fruits, parce que c’est, j’en suis persuadé, l’une des voies du changement.

Mesdames les ministres, si nous faisons un autre texte, nous le faisons bien entendu à partir du vôtre. Et la discussion loyale qui va s’engager nous permettra d’avancer, parce que le Sénat de la République aura dit ce qu’il porte en lui !

Pour finir, je dirai que nous voulons – c’est un point très important pour nous tous – la clarté et la séparation des pouvoirs.

MM. Gérard Longuet et Roger Karoutchi. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Finalement, ce qui prédomine dans le texte qui nous a été présenté, c’est une certaine confusion des pouvoirs.

M. Gérard Larcher. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Or nous ne voulons pas de la confusion des pouvoirs ! Nous voulons œuvrer ensemble, en disciples de Montesquieu, pour cette séparation et cette clarté des pouvoirs qui fera que la décentralisation continuera d’être une espérance, une condition de l’efficacité pour notre pays. Ce qui compte, ce ne sont pas les formes, mais les objectifs : l’emploi, l’économie, la solidarité, en un mot tout ce qui nous permet de vivre ensemble dans les meilleures conditions les uns avec les autres, l’État et les collectivités, dans la clarté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l’UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission de lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis sa création en avril 2009, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a élaboré près de vingt-cinq rapports et procédé à de multiples auditions sur un ensemble très divers de thèmes intéressant les collectivités locales, les politiques locales et la décentralisation.

Je veux associer les deux anciens présidents de la délégation, Alain Lambert et Claude Belot, à cet important travail, et rendre hommage à Edmond Hervé, qui a réalisé une synthèse, que nous avons publiée récemment, de l’ensemble du travail de la délégation et de toutes ses propositions. Je remercie René Vandierendonck et Mme la ministre d’avoir montré combien les travaux de la délégation pouvaient enrichir les discussions législatives en cours, comme celles à venir.

La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation combine à la fois une visée stratégique et un regard concret, car nous sommes tous les élus de territoire.

Dans son champ de compétences, la délégation articule les tendances longues de la décentralisation et les besoins actuels des collectivités. D’où le pragmatisme et la technicité de ses débats, le caractère concret de ses propositions et le caractère généralement consensuel de ses conclusions – ce qui est bien sûr très important.

Je soulignerai quelques lignes de force à prendre en compte dans le débat sur le projet de loi.

Le premier point est la prégnance des questions de gouvernance.

La décentralisation reste une création en développement à la croisée de l’évolution de l’État unitaire et du besoin de plus en plus accentué de politiques de proximité. Actuellement, les questions les plus sensibles ne tournent plus autour des transferts de compétences, même si les problèmes liés au financement des compétences transférées restent cruciaux. Ce qui est essentiel, en l’état actuel de la décentralisation, c’est la clarification des compétences – ce point a déjà été évoqué – et la coordination des acteurs.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Absolument !

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. La délégation a toujours mis l’accent sur ces deux lignes directrices. Il est justifié, dans ces conditions, d’avoir le débat que nous avons aujourd’hui sur la décentralisation et l’action publique, la notion d’action publique prenant ici tout son sens.

Le deuxième point, qui me paraît très important, est la diversité des cultures territoriales.

L’un des faits les plus régulièrement constatés dans les débats de la délégation est la diversité des cultures territoriales et la demande du respect de ces dernières : ce qui est bon pour la Bretagne ne fonctionne pas nécessairement en région Centre ;…

M. Ronan Dantec. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. … ce qui est acquis à Lyon ne peut pas être appliqué tel quel à Marseille. Je pourrais multiplier les exemples.

Dès lors, pragmatisme et souplesse sont les maîtres mots de notre délégation : il ne faut pas enfermer les collectivités dans des schémas susceptibles de rester lettre morte en raison de la diversité des réalités locales, il faut « faire confiance à l’intelligence territoriale ». En d’autres termes, il est nécessaire de mettre des outils à la disposition des collectivités et leur laisser le soin de se saisir de ceux qui correspondent à leurs besoins.

Le troisième point est, bien sûr, la légitimité de l’ensemble des collectivités territoriales.

Tous les niveaux de collectivités possèdent, à l’heure actuelle, une incontournable légitimité. Chacune, dans son champ d’action privilégié, bénéficie d’une pertinence qu’il serait vain de mettre en cause en fonction de modèles étrangers non transposables ou de concepts technocratiques impraticables.

On ne peut pas faire progresser la décentralisation et résoudre les problèmes du moment sans respecter toutes les collectivités, à commencer par les communes, échelon de base de la démocratie française. (Mlle Sophie Joissains et M. Roland Povinelli applaudissent.)

Pour autant, il appartient au législateur de préparer les évolutions à long terme de l’organisation territoriale, notamment en consolidant les intercommunalités et en permettant la création de collectivités territoriales nouvelles là où le besoin s’en manifeste ; nous voyons d’ailleurs apparaître des communes nouvelles. C’est pourquoi la création de la métropole lyonnaise en tant que collectivité territoriale constitue une initiative emblématique, d’autant qu’elle simplifie le paysage.

Le quatrième point, qui a été cité fréquemment par les orateurs précédents, est l’évolution profonde des dynamiques territoriales.

L’économie de notre pays, qui traverse une phase très difficile, est de surcroît en pleine recomposition territoriale. Le fait urbain est une réalité et il apparaît comme la figure centrale de l’économie. L’organisation administrative doit en tenir compte, mais sans que cela aboutisse à complexifier les compétences, et sans dénier aux instances existantes leur légitimité et leur pertinence. Cette quadrature du cercle appelle une certaine différenciation du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales, et justifie l’approche pragmatique et diversifiée du projet de loi en ce qui concerne les métropoles.

Le cinquième point est la permanence d’un développement territorial équilibré.

La pérennité des différentes composantes de la ruralité – je dis bien « des différentes composantes de la ruralité », car on ne fera plus croire à personne qu’il y a une ruralité et une urbanité (Très bien ! au banc des commissions.) ; ceux qui ne cessent de vouloir opposer la ruralité et l’urbanité sont, passez-moi l’expression, « à côté de la plaque » ! (Très bien ! et applaudissements au même banc.) – reste un enjeu crucial.

Comme il a été dit à plusieurs reprises, toute démarche législative qui ne prendrait pas à un moment ou à un autre du débat le soin de veiller à ce que les ruralités soient respectées, considérées comme des territoires à part entière, complémentaires des zones plus urbaines – ne sont-elles pas des chances pour l’urbanité ? Évidemment la réciproque est aussi vraie puisque les ruralités ne peuvent pas vivre sans l’urbanité – serait un échec. Je sais que les prochains textes que nous examinerons traiteront de tous ces aspects. Il est néanmoins important de rappeler ici cette vérité première.

Les propositions adoptées par notre délégation, depuis sa création, sont largement présentes dans le texte que nous examinons aujourd’hui.

J’insisterai simplement sur quelques principes : la non-tutelle d’une collectivité sur une autre ; la mise en œuvre dynamique de la notion de chef de file ; la mise en place d’une procédure de constat de carence en cas d’inertie de la collectivité habilitée à exercer une compétence obligatoire ; la gestion coordonnée des compétences partagées au sein de conférences territoriales regroupant les représentants de l’ensemble des catégories de collectivités ou des catégories de groupements de collectivités concernées.

S’agissant de l’intercommunalité et de l’organisation territoriale, la délégation s’est prononcée en faveur d’incitations tendant à faire de l’intercommunalité l’échelle privilégiée pour l’aménagement opérationnel et pour l’administration du droit des sols, notamment par la mise en place de services d’instruction mutualisée des autorisations d’urbanisme pour le compte des communes.

Elle s’est également prononcée en faveur d’incitations tendant à encourager la vision de l’urbanisme à l’échelle intercommunale, le maire conservant dans tous les cas la signature des permis de construire.

Par ailleurs, la délégation s’est prononcée en faveur d’un réexamen des critères de création des métropoles en fonction de l’objectif d’organiser le fait métropolitain autour de convergences économiques et structurelles, et pas seulement démographiques.

Qu’il me soit permis, à ce point du débat, de souligner que l’on n’a pas assez mesuré les effets importants de la sémantique. On a peut-être trop parlé de « métropoles » pour des réalités différentes (M. Ronan Dantec opine.), car il n’y a que quelques grandes métropoles en France. Nous les connaissons tous : ce sont les métropoles qui structurent notre territoire et qui sont à l’échelle européenne, voire internationale.

Par souci de différenciation, j’ai proposé d’appeler « communautés métropolitaines » les métropoles d’équilibre à l’intérieur du territoire. (M. Ronan Dantec opine de nouveau.) Cela éviterait de véhiculer l’idée fausse que ce texte aurait pour ambition de créer des grosses villes partout, au détriment de la campagne. Selon moi, la sémantique et la pédagogie, en politique, revêtent une importance considérable.

Avant de conclure, je veux dire que nous ne devons pas oublier les filières de la fonction publique territoriale.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Sans elle, l’action n’est pas possible. Nous devrons donc veiller, à un moment où à un autre des textes, à une meilleure fluidité entre les filières.

La délégation est également favorable, sur le principe, à l’intensification de la portée des dispositifs de péréquation. Mon collègue sénateur de l’Indre-et-Loire et maire de Tours a bien exposé tout à l’heure les problèmes financiers.

En tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, il me reste à préciser que l’immense travail accompli par cette délégation, ainsi que celui qui est réalisé par la commission des lois, me donne l’espoir que le texte résultant de cette première lecture au Sénat sera « construit » et aura, tout en respectant les grandes lignes fixées par le Gouvernement, sa propre originalité, voire sa propre nature, sa propre essence, sa propre « couleur ».

Je le rappelle à un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, ce projet de loi se situe aussi dans le prolongement de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui initiait déjà les métropoles et les intercommunalités, aspect du texte qui avait rencontré une quasi-unanimité ; c’est l’autre versant, dont je ne parle plus, bien sûr, qui posait problème.

Il importe donc que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, produise un texte à la fin de la première lecture de ce projet de loi – c'est ce qu’attendent les élus locaux –, car le bicamérisme doit toujours être une réalité tangible. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Christian Favier. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons commencer l’examen de ce texte sans regretter les conditions de sa rédaction et les modalités de son étude par la Haute Assemblée. Nous y reviendrons plus en détail lors de l’examen de la motion de renvoi en commission que nous avons déposée et qui sera défendue par la présidente de notre groupe, Éliane Assassi.

Cependant, force est de constater que les ambitions et la méthode employée par le Gouvernement se situent bien loin de la nouvelle étape de décentralisation qu’attendent nos concitoyens et les centaines de milliers d’élus locaux.

Et pourtant l’expérience de la réforme de 2010, qui traduisait la volonté du Président de la République de l’époque et de la majorité de droite de mettre au pas les collectivités locales, aurait dû vous alerter. Car chacun se souvient ici combien cette mauvaise réforme a pesé dans le basculement à gauche du Sénat.

M. Roger Karoutchi. Remerciez-nous !

M. Christian Favier. Mes chers collègues, qu’il semble loin le temps où notre assemblée décidait il y a presque deux ans d’engager les états généraux de la démocratie territoriale !

L’ensemble des groupes avait alors décidé de soutenir la proposition du président du Sénat, Jean-Pierre Bel, de préparer une réforme en se tournant résolument vers les élus locaux pour qu’ils expriment leurs besoins et leurs attentes. En confiance, 20 000 d’entre eux répondirent ainsi à notre questionnaire et des dizaines d’associations et de syndicats nous firent parvenir des contributions.

Puis, après l’élection présidentielle et le changement de majorité qui s’ensuivit, chacun d’entre nous se souvient des rencontres départementales que nous avions organisées et pendant lesquelles les prises de parole furent libres et exigeantes.

Enfin, plusieurs centaines d’élus locaux participèrent aux ateliers et à la séance plénière à Paris.

Tous ont exprimé leur désarroi devant les réformes entreprises, les contraintes réglementaires de toutes sortes, le manque de moyens freinant leurs initiatives.

Tous ont demandé le respect de chaque niveau de collectivité, un statut de l’élu local, un cadre rénové précisant les missions de chacun pour améliorer les coopérations nécessaires aux développements de leurs actions, pour que les intercommunalités restent des outils entre les mains des communes, et ne soient donc pas des instruments d’intégration visant à leur disparition.

Ouverts à l’éventualité de nouveaux transferts de compétences, tous ont insisté sur la nécessité d’opérer une stabilisation globale.

Enfin, tous se sont mis d’accord pour affirmer le rôle primordial de nos communes dans la vie sociale et politique de la République et la nécessité d’une nouvelle étape de décentralisation centrée sur les droits et libertés locales, comme cela avait été le cas avec les premières lois de décentralisation en 1982, tout en attendant une présence forte de l’État à leurs côtés pour assurer la cohérence d’ensemble et l’égalité entre les territoires et les citoyens qui y vivent.

Tous ont manifesté le souci d’un développement équilibré de nos territoires.

Malheureusement, madame la ministre, force est de le constater, le texte que vous soumettez à notre examen est éloigné de ces préoccupations, de ces attentes clairement exprimées.

C'est non pas de décentralisation dont il est ici question, mais, au contraire, de déstabilisation de nos administrations locales, d’effacement des communes et des départements au profit des régions, des intercommunalités et des métropoles, comme l’avait suggéré la commission Balladur et comme avait commencé à le faire la réforme de décembre 2010.

Nous nous sommes toujours opposés à une telle perspective, nul ne sera étonné de notre désaccord aujourd’hui. Certes, le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, ne porte pas sur l’ensemble des mesures que vous comptez mettre en œuvre. En effet, devant l’ampleur des mécontentements, vous avez préféré scinder votre texte en trois plutôt que de revoir votre copie. Cependant, les deux autres projets de loi ont été déposés, et nul ne peut ignorer leur contenu.

Aujourd’hui, vous nous proposez donc un texte partiel, à la cohérence imparfaite, si ce n’est qu’il couvre finalement les aspects les plus centralisateurs de vos propositions, celles qui doivent sans doute répondre à des exigences venues d’ailleurs. Je pense aux fameuses réformes de structure que vous vous êtes engagée auprès de l’Europe à mettre en œuvre afin de réduire encore la dépense publique.

Plutôt que de partir logiquement de la commune pour éventuellement adapter l’architecture des structures locales et de leurs relations, de commencer en fait par les fondations, vous avez préféré partir d’en haut, du toit, pour imposer votre vision. De cette façon, même si vous n’arriviez pas à faire adopter les autres mesures contenues dans les deux textes suivants, l’essentiel serait assuré.

Ainsi, vous avez décidé d’instaurer une conférence territoriale de l’action publique, placée sous l’égide de la région et vous proposez qu’elle soit chargée de régenter l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre au niveau départemental et communal, par le biais des pactes de gouvernance et autres schémas sectoriels.

On le voit, c’est la porte ouverte aux transferts à la carte entre l’État et les régions, en prenant le risque de mettre à mal l’unicité de la République.

En concentrant ainsi tous les pouvoirs en un seul lieu, vous mettez fin aux principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales (Mlle Sophie Joissains applaudit.) et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Certes, le texte de la commission, et nous nous en félicitons, a remis en cause cette conférence territoriale, la libre coordination en son sein des politiques publiques avec l’État et le pacte de gouvernance.

Cependant, les conférences territoriales ont été maintenues alors qu’elles n’ont plus lieu d’être, si ce n’est pour pouvoir par la suite développer leurs missions. On le voit bien, ce sont les premiers pions avancés, anticipant des évolutions futures.

Il existe dans notre droit des conférences des exécutifs qu’il suffirait de démocratiser et de développer, y compris au niveau départemental, pour en faire des lieux de coopération et d’harmonisation des politiques locales. Mais, à vos yeux, leur tort est sans doute qu’elles respectent trop les collectivités territoriales qui les composent et, surtout, qu’elles ne peuvent rien imposer d’en haut.

Car c’est cette volonté de pilotage unique qui semble vous animer en permanence, à la différence d’une véritable visée décentralisatrice qui s’attacherait au contraire à rechercher le développement des coopérations.

En atteste la conception du chef de filat que le texte de la commission maintient et qui s’apparente davantage à une compétence exclusive attribuée à un niveau de collectivités. Cette compétence pourra être mise en œuvre avec d’autres, mais sera pilotée par une seule. Je ne suis pas sûr que cette conception du chef de filat soit la même que celle qui a été portée par M. le rapporteur. Voilà donc l’essentiel de l’ambition de ce texte : concentrer les pouvoir locaux et hélas ! les éloigner des citoyens.

C’est on ne peut plus clair avec l’affirmation des métropoles dans notre paysage institutionnel local.

Dans ces vastes territoires urbains, madame la ministre, votre projet prépare la fusion des communes et des départements par le transfert programmé de l’essentiel de leurs compétences à des structures administratives éloignées des citoyens et véritables monstres technocratiques.

Une telle concentration de pouvoirs ferait de ces territoires des lieux dérogatoires à plus d’un titre, risquant de mettre à mal l’unité nationale.

Si la commission n’était pas revenue sur le seuil de leur création, ces territoires métropolitains auraient pu absorber 5 000 communes et concerneraient près de 30 millions d’habitants. C’est dire l’enjeu de leur création, qui risque de modifier en profondeur notre paysage institutionnel.

Si l’urbanisation de nos territoires et la métropolisation de certains constituent des phénomènes incontestables, faut-il pour autant les accélérer et bouleverser l’ordonnancement des collectivités territoriales de la République ?

Il y aura alors, ne nous le cachons pas, contradiction entre ces phénomènes portés par la mondialisation financière de notre économie et notre action publique en faveur d’un développement équilibré du territoire national.

En effet, ces territoires métropolisés sont appelés, pour se développer, à agir comme de véritables trous noirs absorbant l’essentiel de l’énergie des capacités de développement autour d’eux. Doit-on encore accélérer ce mouvement ? (M. Ronan Dantec s’exclame.)

C’est prendre le risque d’une France des territoires à plusieurs vitesses, avec des territoires métropolitains où se concentreraient l’essentiel de la richesse et tous les autres, qui devraient se contenter des miettes.

Dans le même temps, au sein même de ces territoires métropolitains, nous craignons le développement d’inégalités sociales et territoriales dangereuses pour la cohésion sociale. Ce sont des phénomènes que nous pouvons observer partout dans le monde.

Dans le même esprit, doit-on accompagner les phénomènes de métropolisation en imposant une nouvelle carte administrative pour un pilotage central de ces nouveaux territoires ?

Doit-on favoriser, par la présidentialisation renforcée des exécutifs locaux, la constitution de ce qu’on pourrait appeler de nouvelles baronnies locales, détenues par des élus au quatrième niveau ? (M. Ronan Dantec s’exclame de nouveau.)

Nous ne le pensons pas. On ne construit pas l’avenir en niant son histoire ; on ne construit pas du collectif en niant l’individualité.

Or la France des territoires, celle de la décentralisation, repose sur la cohérence de l’action conjointe des communes, des départements et des régions, dans un équilibre qui, reconnaissons-le, a permis à la démocratie locale de progresser ces trente dernières années et aux services publics locaux d’apporter à nos concitoyens une écoute, une protection et une capacité d’innovation auxquelles ils sont aujourd’hui très attachés. Ce sont, à nos yeux, de véritables atouts. Pourquoi vouloir aujourd’hui fragiliser cela ?

Mme Éliane Assassi. À cause de l’Europe et de M. Barroso !

M. Christian Favier. Surtout en cette période de crise traversée par notre pays, alors que les collectivités territoriales jouent quotidiennement un rôle essentiel d’amortisseur social, comme tous le reconnaissent. (Mlle Sophie Joissains et M. Christian Cambon applaudissent.)

Pourquoi vouloir éloigner les citoyens des lieux de décision, alors que la demande sociale est à plus de proximité et de transparence ?

Pourquoi vouloir privilégier la technocratie au détriment des services publics locaux ? (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Notre conception du développement national, plaçant l’humain au centre de nos préoccupations, est fort éloignée de ce que vous nous proposez avec ce projet de loi et reste tout aussi distante du texte de la commission qui, s’agissant des métropoles, ne vise qu’à ralentir le processus, et non à le remettre en cause comme nous le souhaiterions.

Par ailleurs, comme votre propre texte, madame la ministre, celui de la commission n’apporte rien en termes de renforcement de la démocratie locale.

Finalement, votre réforme annoncée comme étant l’acte III de la décentralisation ne constitue aujourd’hui qu’un nouvel acte de concentration des pouvoirs ! Elle ne répond pas aux besoins pour un développement harmonieux de nos territoires, auxquels nous restons tous très attachés.

Et pourtant, il faut le dire, le statu quo ne peut être de mise : oui, nous avons besoin d’une nouvelle étape de décentralisation !

Ce nouvel âge de la décentralisation que nous appelons de nos vœux doit répondre à trois enjeux majeurs.

D’abord, celui de développer la démocratie locale en donnant plus de place aux citoyens dans la délibération collective de proximité.

Pour y parvenir, il faut d’urgence un statut de l’élu qui permette au plus grand nombre d’exercer des responsabilités électives – et je pense tout particulièrement aux salariées.

Il faut donc inscrire de nouveaux droits dans le code du travail et créer les conditions d’un véritable retour à l’emploi, il faut, dans le même temps, limiter le cumul des mandats, y compris local, en nombre et en durée. Il faut aussi donner davantage de place aux élus en déprésidentialisant les exécutifs locaux et en renforçant le rôle des élus, de la majorité comme de l’opposition, au sein des assemblées délibérantes.

Dans le même mouvement, il faut créer et institutionnaliser la concertation et la consultation régulière des habitants eux-mêmes.

En outre, et c'est un engagement qu’il aurait fallu tenir, il faut donner le droit de vote à tous les résidents. (Exclamations et sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Christian Favier. Il faut aussi augmenter le pouvoir d’intervention des assemblées délibérantes locales pour renforcer leur capacité à répondre aux besoins et aux attentes des habitants.

Pour y parvenir, chacune doit disposer de la compétence dite générale, lui permettant d’intervenir dans le cadre des intérêts du territoire et des habitants qu’elle représente. Aussi, nous entendons privilégier le développement de coopérations volontaires de projets, dans le cadre d’une confiance renforcée dans l’intelligence locale, sous contrôle d’une démocratie locale revivifiée.

Il faut ainsi respecter chaque niveau de collectivités, sans en ajouter de nouveau, en créant les conditions de leur coopération régulière, en institutionnalisant leurs relations, mais en les fondant toujours sur le volontariat. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Enfin, pour que toutes ces mesures ne soient pas un jeu de dupes, il faut évidemment doter les collectivités territoriales des capacités financières leur permettant d’intervenir pour répondre aux besoins et assurer la sauvegarde de leur territoire.

Cette autonomie financière est intimement liée à une réelle autonomie fiscale, pour permettre, aux élus, de lever les impôts au regard des besoins et, aux citoyens, de mesurer l’impôt qu’ils versent au regard des services que la communauté leur rend. C’est un véritable enjeu démocratique.

Ces perspectives de réforme que nous portons, profondément décentralisatrices, citoyennes et sociales, permettent de mesurer ce qui nous sépare encore de votre texte et de ceux qui suivent.

Alors que notre monde se développe de plus en plus sous la forme de réseaux collaboratifs et que notre société recherche les coopérations multiples, la construction qui nous est proposée, hiérarchisée, fondée sur un pouvoir concentré entre quelques mains, est finalement profondément archaïque. Nous portons une tout autre vision.

Nous regrettons que les conditions de mise en place de cette réforme ne nous aient pas permis de travailler plus sérieusement avec le Gouvernement pour parvenir à une vision partagée, décentralisatrice et progressiste, plus conforme aux combats menés par la gauche depuis des décennies.

Au cours de nos débats – si débats il devait y avoir –, nous défendrons des amendements constructifs offrant une alternative à vos propositions et une série d’amendements de repli pour essayer de corriger quelques oublis ou anomalies.

Il va de soi que l’adoption de nos amendements de contre-proposition serait, seule, de nature à nous faire adopter ce texte.

Nous comptons sur la sagesse des membres de la Haute Assemblée, représentant les collectivités locales de la République, pour modifier profondément ce texte qui, malgré les avancées réalisées par la commission des lois, est, en l’état actuel, encore bien trop éloigné des intérêts de nos collectivités.

Nous voulons promouvoir un tout autre acte décentralisateur, et c’est dans cet esprit que nous abordons ce débat essentiel pour la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d’abord souhaiter bon courage à Mmes les ministres (Sourires.), car le chantier dans lequel elles se sont engagées n’est pas facile, et ne l’a jamais été.

En effet, dans notre pays, la rénovation de nos institutions locales et leur adaptation aux réalités présentes est un chantier permanent, toujours extrêmement difficile à conduire, et ce non pas pour une question d’égoïsme ou d’attachement à des mandats ou à des positions, comme on le dit trop souvent, mais pour des raisons bien plus profondes : les Français et les Françaises sont viscéralement attachés à leurs institutions locales et à leurs communautés locales ; leurs existences sont, pour ainsi dire, consubstantielles. Changer ces institutions, c'est en quelque sorte changer ses tripes !

Lorsque l’on veut toucher à l’organisation des collectivités locales, le problème n’est donc pas celui du refus du changement, mais celui de l’adaptation nécessaire de sa propre identité.

Il faut donc beaucoup de courage, et de ténacité, aussi. Il faut encore savoir que l’on n’arrive jamais là où on le voulait. Mais il convient aussi, toujours, de restituer la nécessaire rénovation de nos institutions locales dans le temps et de regarder ainsi les quelques pas qui peuvent être faits. Ce texte, avec les deux suivants, vous conduira à un port que personne ne connaît encore.

Je comprends que tout faire figurer dans le même texte serait revenu à le tuer. Vous avez fait le partage que vous avez pu et c'est à nous de replacer ce projet de loi dans la perspective des trois épisodes que nous vivrons.

J’ai moi-même eu l’occasion de défendre un texte – ce n’était pas très facile – et l’on est parvenu à un résultat qui était très mauvais pour les uns, pas si mauvais que cela pour d’autres. Je vois aujourd'hui qu’il en reste quelque chose. Ce texte-là a donc permis de progresser d’un pas. Nous allons essayer d’en faire de nouveaux.

Je voudrais dire quelques mots du cadre général, puis vous parler – vous le comprendrez – de ce que nous proposons, le maire de Lyon, Gérard Collomb, et moi-même et peut-être avec votre soutien, pour Lyon.

Je remercie le président et le rapporteur la commission des lois du Sénat d’avoir su faire en sorte que nous nous sentions à l’aise pour travailler, donner nos avis et, ce faisant, avancer. Mais je leur sais surtout gré d’avoir affirmé des idées simples, permanentes, pratiques et concrètes dont, en premier lieu, celle de liberté.

Et la liberté ne va jamais sans la responsabilité. Quand on est élu local, on se sent libre de prendre telle ou telle position, mais on la prend en responsabilité, c’est-à-dire avec la responsabilité de tous ceux qui nous ont élus et qui attendent des résultats de notre part.

Je me félicite de la position que la commission des lois a adoptée sur le titre Ier du texte ; en effet, c'est la liberté qui en sort gagnante, avec son corollaire, la responsabilité des élus locaux. C'est à eux de faire et, selon les cas, ils feront, ou ne feront pas ! Nous n’avons pas d’autre maître que le suffrage universel qui, à un moment donné, nous dit si nous avons eu raison, ou si nous n’avons pas fait ce qu’il fallait…

Vous avez également affirmé la prééminence de la méthode conventionnelle, c'est-à-dire celle de l’accord local. Nous n’allons pas vous dire le contraire ! C'est parce que nous avons passé un accord local que, pour notre part, nous pourrons essayer d’avancer.

Vous avez dit des choses toutes simples, par exemple, qu’il n’y a pas de collectivité supérieure à une autre. C'est vrai, et il faut toujours rappeler que chacune de ces collectivités a son utilité et que la commune a un rôle particulier à jouer.

Il est impératif de sortir de l’opposition, à la fois stérile et infondée, entre le rural et l’urbain. Dans un pays comme le nôtre, selon le jour ou la semaine, on passe de l’un à l’autre – ou l’on est l’un et l’autre – si bien que l’on ne peut opposer ces deux mondes, qui ont besoin l’un de l’autre ! La ruralité se développe si les villes vont bien. Et les villes ont besoin d’un espace rural qui soit capable de leur apporter, à tout le moins, des territoires de développement.

Bien entendu, vous avez choisi, pour ce premier texte, d’affirmer le fait métropolitain et d’essayer de l’organiser. Nous en sommes d’accord, mais veillons tout de même à ne pas galvauder le terme de métropole.

On ne peut pas tout appeler métropole, sauf à s’exposer au même problème que celui des chefs-lieux de canton avec leurs bureaux de poste ! Si toute ville veut demain être une métropole, honnêtement, cela peut faire plaisir, mais cela n’a aucun sens. Quelques métropoles jouent des rôles particuliers, exercent des fonctions particulières – il s’en trouve peut-être cinq ou six en France –, mais on ne saurait les multiplier à l’envi.

Comment ce texte peut-il s’appliquer à Lyon ? Lorsque Gérard Collomb et moi vous avons proposé, mesdames les ministres, d’aller vers l’instauration d’une métropole à Lyon – la Métropole de Lyon –, cela correspondait, pour moi, à une volonté déjà ancienne, que j’avais manifestée à plusieurs reprises. Nous pouvions donc nous rejoindre sur ce point.

Nous sommes assez différents pour nous entendre. D’ailleurs, pour s’entendre, pour dialoguer, il faut être différent : si l’on est pareil, on peut monologuer, mais cela ne revient pas au même…

Sur ce point, nous avons donc fait les efforts nécessaires pour nous entendre. C'est une bonne chose, et nos concitoyens n’attendent rien d’autre de nous. Que l’on ait des différences, oui ! Mais que l’on soit prévoyant et capable d’organiser l’avenir.

C'est ainsi qu’aujourd'hui nous vous demandons, certes, de nous laisser faire, mais en nous guidant, en nous orientant, en veillant à éviter les chausse-trapes ou les oublis.

Alors oui, c'est un projet formidable que de construire cette métropole. D'abord, elle existe déjà ! Ce n’est pas nous qui allons la construire… Lyon, depuis longtemps, est une très grande ville, une ville autonome. Peut-être a-t-elle toujours secrètement regretté que la capitale soit Paris – il fait tellement meilleur chez nous que l’on voit bien que la capitale pourrait être ailleurs ! (Sourires.) –, mais elle ne l’est pas devenue, pour toutes sortes de raisons historiques.

Nous avons aussi une habitude : nous ne demandons rien à la capitale.

M. Gérard Longuet. Vous ne serez donc pas déçus !

M. Michel Mercier. Pour le moindre projet, on voit les uns obtenir trente millions d’euros, les autres quinze millions d’euros… Quant à nous, parce que nous nous sommes déjà mis d’accord, nous vous servons une métropole toute faite, et nous n’aurons rien ; d’ailleurs, nous ne demandons rien !

Nous savons très bien que ce ne sont pas les quelques millions que l’on obtiendrait qui nous rendraient meilleurs, ou plus forts.

M. Gérard Longuet. Il faut donner à ceux qui en ont besoin !

M. Michel Mercier. Mais nous n’empêchons pas les autres de demander ! (Sourires.) Simplement, nous ne nous donnons pas pour modèle.

Aujourd'hui, la République peut s’appuyer sur la diversité. En définitive, le véritable ennemi de l’unité de la République, c'est l’uniformité. On peut avoir une belle, une grande métropole à Lyon, un projet extraordinaire, sans pour autant l’imposer aux autres. (Applaudissements au banc des commissions.)

Tout reste à faire, et c'est ce qui est formidable.

Pour la communauté urbaine, prendre la place du département n'est cependant pas une victoire. En réalité, c'est un énorme boulot qui incombera aux élus de cette communauté urbaine…

M. Michel Mercier. Alors qu’ils ont une culture faite de projets, notamment de projets d’urbanisme, ils devront désormais s’occuper des plus pauvres, des exclus. Voilà qui requiert une nouvelle culture, mais c'est cela qui est intéressant.

M. le président. Merci de bien vouloir terminer, mon cher collègue.

M. Michel Mercier. Évidemment, on essayera de faire au mieux.

Il reste cependant encore quelques points – de tout petits – qui ne vont pas. Par exemple, s’agissant des transferts financiers, vous nous dites que les ressources doivent assurer, le moment venu, la compensation intégrale des charges transférées. Quel beau programme, mesdames les ministres !

On va donc transférer le RSA – le revenu de solidarité active – et la ressource affectée, sachant que celle qui nous vient de l’État ne couvre que 27 % de la charge. J’interroge le directeur général des collectivités locales : où trouve-t-on le reste ? Dans notre projet politique, et pas dans le texte… C'est bien entendu la même chose pour toutes les compétences sociales que l’on transfère.

Ainsi, le principe d’une compensation des transferts de compétence qui est écrit dans le texte ne correspond pas à la réalité, car il n’y a pas les recettes qui vont avec.

M. le président. Cher collègue, vous connaissez les règles : vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Michel Mercier. Mais, ce temps, je vous le rendrai, monsieur le président. (Rires.) Je ne sais pas quand, mais je vous le rendrai, et avec intérêt ! (Nouveaux rires.) Il me suffira de m’inscrire dans un débat et de ne pas intervenir !

Je veux terminer sur notre SDIS, le service départemental d'incendie et de secours, qui marche bien et qui doit continuer ainsi ; n’allons surtout pas le casser. J’observe simplement que les communes de la métropole n’ont jamais été membres du SDIS en tant que telles, parce que c’est la communauté urbaine qui exerce cette compétence. Jamais les communes de la métropole n’ont versé de taxe au SDIS, parce que c'est la communauté urbaine qui paye. Or, à l’article 25, alinéa 38, vous voulez les faire payer. Quel vilain cadeau pour saluer l’avènement de la Métropole de Lyon !

Alors oui, ce projet est formidable. Oui, j'ai envie de voter votre texte. Alors aidez-nous à le voter ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. Jean-Claude Lenoir. Vive la capitale des Gaules !

M. Jacques Mézard. Et le Primat des Gaules…

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tenais à rendre hommage au rapporteur de la commission des lois, qui a fait un travail d’« honnête homme », au meilleur sens du terme.

Chers collègues, sommes-nous toujours dans le pays de Descartes ? La Ve république est-elle celle de la raison ?

In limine, en abordant la discussion de ce texte, je voudrais dire que deux vers de Boileau me sont venus régulièrement à l’esprit : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » et « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ». (Sourires.)

Remis le 5 mars 2009, le rapport Balladur avait pour titre : Il est temps de décider. Nous sommes à la mi-2013, une alternance s’est produite et, si une chose me paraît claire, c’est que citoyens et élus locaux sont encore plus qu’hier plongés dans un abîme d’incompréhension et d’indifférence toujours plus grand face à la complexité de notre organisation territoriale, une organisation dont personne ne peut sérieusement soutenir qu’elle est devenue plus performante et rationnelle ces dernières années.

Existe-t-il une vision d’ensemble de la modernisation de l’action publique territoriale ? J’en doute.

Moderniser, cela doit signifier rendre les institutions plus efficaces au meilleur coût pour les contribuables tout en assurant, comme le disait le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, une meilleure solidarité entre les territoires. Il faut donc plus de simplicité et une compréhension facilitée pour nos concitoyens.

Est-ce le cas quand on commence par s’abstenir de définir un cadre global d’action avant de décliner ensuite les différents volets ? C’est bien de consulter toutes les associations d’élus, mais les ministres successifs le font depuis longtemps et l’on connaît, depuis tout aussi longtemps, les positions respectables mais figées de ces associations. Madame la ministre, s’il s’agit d’un projet de loi, au Gouvernement d’assumer ses responsabilités comme le firent, en 1982, Pierre Mauroy, Premier ministre, et Gaston Deferre, ministre de l’intérieur et de la décentralisation !

Comment peut-on avancer rationnellement et avec bon sens quand, un jour, un texte est examiné qui traite des ressources financières, que, plusieurs années plus tard, vient en discussion un autre texte traitant cette fois des transferts de compétences entre l’État et les collectivités et qu’un autre texte, après ou avant, est relatif aux compétences de chaque strate territoriale ou à la définition de ces strates ?

On arrive même à cette absurdité que, sur le même objet, trois textes différents peuvent être en navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale, comme c’est le cas en ce moment.

Je prendrai un autre exemple : le fameux « binôme », successeur du non moins illustre « conseiller territorial », exige un redécoupage cantonal qui sera le plus souvent déconnecté des intercommunalités, dont la carte n’a pas été suffisamment rationalisée.

Il est très difficile, certes, de modifier l’organisation territoriale. Difficile, car il s’agit d’un meccano très complexe dont les pièces sont indissociables : définition et structure des collectivités locales, répartition et harmonisation de leurs compétences et, fondamentalement, ressources financières.

Les articles de la Constitution relatifs aux collectivités seraient-ils gravés définitivement dans le marbre ?

Considérons que c’est le cas en l’état, puisque, à supposer qu’il existe un projet, réunir une majorité de trois cinquièmes est un exercice plus que délicat. Il faut donc impérativement s’inscrire dans l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre, dans l’existence constitutionnelle des communes, des départements et des régions, dans la notion de libre administration et, telle qu’elle figure dans le cinquième paragraphe de l’article 72 de la Constitution, dans celle de concours de plusieurs collectivités pour l’exercice d’une compétence. Quant à la fin de ce paragraphe, quelque peu floue, est à l’origine de l’exégèse sur la définition du « chef de file », résultante d’une formulation transactionnelle qui aurait plu au défunt président Edgar Faure.

Les quatre principes dégagés par le Président de la République peuvent nous convenir : clarté entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes dans l’exercice de leurs compétences, confiance entre les partenaires de l’action publique, cohérence pour conforter la logique des blocs de compétence et démocratie.

Le problème, c’est la déclinaison de ces excellents principes. Qu’attendons-nous, nous ? Un ciselage de la décentralisation ! Il est encore des morceaux de compétence partagés entre certains services de l’État et les collectivités. Il convient de finir le travail et donc d’achever certains transferts. En sens inverse, la question des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, mérite aussi d’être réexaminée. Il faut également avancer sur la question de la compensation du coût des transferts de compétences.

Nous voulons, nous, une simplification dans tous les domaines. Les états généraux ont mis en évidence la question des normes : trop de lois, de règlements, de contraintes administratives, de blocages, d’enterrement de projets, et, au bout du compte, la lassitude des élus.

S’agissant de l’architecture territoriale, comment les citoyens et même nombre d’élus peuvent-ils aujourd’hui s’y retrouver entre communes, intercommunalités, syndicats mixtes, sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales, cantons, arrondissements, pays, départements, régions ?

Au nom de la démocratie et de la pseudo-concertation, on veut multiplier les schémas, les conférences, les comités de pilotage, les hauts conseils, dans tous les domaines. Le comble, d’ailleurs, serait l’instauration d’un haut conseil des territoires : que deviendrait notre Sénat ?

M. Christian Cambon. N’est-ce pas précisément ce qu’ils veulent ?...

M. Jacques Mézard. Arrêtez cette inflation pseudo-démocratique, madame la ministre ! Nous sommes en désaccord profond avec vous sur la question des cumuls : vous voulez le non-cumul des mandats pour les parlementaires et affichez votre volonté de maintenir les cumuls horizontaux. Toutefois, à force de multiplier les organismes de réflexion, de concertation, à force d’absence de décision, je comprends qu’avec le non-cumul horizontal il nous faudra plus d’élus qu’il n’y a d’électeurs et donc encore plus de professionnels de la politique !

M. Jacques Mézard. Oui, nous attendons une simplification et une clarification des compétences. Oui, nous devons faciliter les fusions de collectivités à tous les niveaux, c’est le bon sens, cher collègue François Patriat ; oui à de plus grandes et plus fortes régions. Mais n’oublions pas que le succès de la loi Chevènement sur l’intercommunalité a largement reposé sur des enveloppes de dotation globale de fonctionnement...

M. Philippe Dallier. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. … et que cela est plus difficile à mettre en œuvre en période de vaches maigres.

M. Philippe Dallier. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, votre projet de loi suit depuis l’origine un parcours chaotique. Il inaugure le système de la scissiparité législative (Sourires.), reproduction cellulaire législative originale.

Vous annonciez, le 25 septembre dernier : « Nous voulons un seul texte de loi. Il est écrit, il est prêt. Son but : organiser le qui fait quoi ? ». Nous connaissons la suite et le parcours du combattant qu’a connu ce texte. Nous avons entendu, début mars, le Président Hollande faire confiance au Sénat pour apporter à ce texte tous les aménagements nécessaires, pour bien répartir les compétences, définir les chefs de file, faire émerger les métropoles.

Le Sénat a réécrit le texte ; je salue le travail du rapporteur et du président de la commission des lois. En fait, ce texte est devenu un projet de loi sénatorial. (Sourires.) C’est une originalité. Le restera-t-il ? Sachez que nous sommes prêts, madame la ministre, à faire la même chose sur le non-cumul.

Nous considérons que le Sénat a amélioré le texte initial.

Pour ce qui est des métropoles, et j’en termine rapidement, monsieur le président, il est évident que Paris, Lyon et Marseille justifient que le fait métropolitain soit conforté. À cet égard, la présence ce matin des maires de Lyon et de Marseille dans l’hémicycle témoigne de l’importance du cumul. Ces métropoles sont indispensables au développement de tous les territoires, de par leur rayonnement national et européen et leur capacité à jouer un rôle moteur.

En revanche, comme Michel Mercier, nous sommes réservés quant à la multiplication des métropoles sur tout le territoire. Ce serait d’ailleurs une curieuse façon de procéder à l’évaporation du département.

Nous restons sceptiques sur la pertinence des conférences territoriales, en raison de la question de leur compatibilité avec l’article 72 de la Constitution et des difficultés qui en découleraient.

Enfin, s’agissant de la spécialisation des compétences, il n’est de meilleure conclusion que de se reporter au travail de Gaston Defferre, à une époque où l’État assumait ses responsabilités sans se noyer dans les consultations forcément contradictoires et paralysantes. L’article 3 de la loi du 7 janvier 1983 sur la répartition des compétences entre collectivités et État disposait que « chaque domaine de compétence ainsi que les ressources correspondantes » devaient être « affectés en totalité soit à l’État, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions. »

Cet objectif législatif n’a pas été respecté. Il a été dévoyé par tous les gouvernements successifs à travers nombre de dérogations législatives spéciales ultérieures ! Tirons tous ensemble la leçon de cette malheureuse expérience.

En tout cas, et j’en termine tout fait, notre groupe votera ce texte en fonction de l’évolution du débat et nous espérons, madame la ministre, que l’on fera confiance au travail réalisé par le Sénat. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste, du groupe UDI-UC et du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (suite)

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Questions cribles thématiques

budget européen

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le budget européen.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 ; il importe donc que chacun respecte son temps de parole.

La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la négociation du cadre financier de l’Union européenne pour la période 2014-2020.

De l’avis général, le Président de la République a bien négocié lors du Conseil européen de février dernier, compte tenu d’un contexte très difficile et fortement contraint, les États membres ayant les yeux rivés sur leur solde net.

Nous aurions, bien sûr, préféré un accord plus ambitieux, mais ce résultat préserve l’essentiel et ouvre de nouvelles perspectives dans des domaines clés. Je pense notamment à la recherche, à l’interconnexion des réseaux, à l’emploi des jeunes et à la création de la catégorie des « régions en transition », qui concernera dix régions françaises.

Cela ne veut pas dire que nous ignorons les zones d’ombre, comme les moyens encore insuffisants accordés au programme Erasmus ou au Fonds européen d’aide aux plus démunis. Mais, sur ces points, le dernier mot n’a peut-être pas été dit.

En effet, le traité de Lisbonne, je le rappelle, a consacré le rôle du Parlement européen dans l’élaboration du cadre financier pluriannuel. Certes, le Parlement européen avait déjà un rôle important puisque, en pratique, il fallait un accord interinstitutionnel pour mettre en œuvre ce qu’on appelait les « perspectives financières ». Maintenant, les traités indiquent expressément que le cadre financier pluriannuel est soumis à l’approbation du Parlement européen, statuant à la majorité des membres qui le composent. Le Parlement européen a donc pleinement son mot à dire.

Cela m’a conduit à mettre ce sujet à l’ordre du jour d’une réunion conjointe des commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui s’est tenue en présence des membres français du Parlement européen.

Nos discussions ont fait ressortir un très large soutien, pour ne pas dire un soutien unanime, aux demandes du Parlement européen : une clause de flexibilité pour mieux mobiliser les crédits, une clause de révision à mi-parcours pour réévaluer les besoins et, enfin, une négociation pour doter à l’avenir le budget européen d’authentiques ressources propres. En effet, tant que le budget européen sera financé, pour l’essentiel, par des prélèvements sur les budgets nationaux, nous aurons toujours les mêmes difficultés à développer des politiques européennes.

Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre, la position du Gouvernement à l’égard de ces demandes, la manière dont vont se dérouler les discussions avec le Parlement européen, ainsi que les probabilités qu’un accord soit trouvé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président de la commission des affaires européennes, vous avez rappelé les conditions dans lesquelles le cadre financier pluriannuel a été négocié, le 8 février dernier. Le contexte était très difficile. Nous avons dû faire face à des gouvernements conservateurs, qui ne souhaitaient pas que l’Europe soit dotée d’un vrai budget, et avaient pour base de négociations un montant de 820 milliards d’euros.

Nous avons dû user de toute notre force de conviction pour donner des moyens à l’Europe et orienter son budget vers la croissance et la solidarité, en faisant passer ce montant à 960 milliards d’euros.

C’est maintenant une phase de négociation avec le Parlement européen qui s’ouvre. Nous voulons concrétiser les acquis de ce budget – l’augmentation des dépenses en faveur de la recherche et du développement, du mécanisme d’interconnexion pour l’Europe –, pérenniser le programme européen d’aide aux plus démunis, et engager la lutte contre le chômage des jeunes, notre priorité.

Nous souhaitons donc créer les conditions d’un accord du Parlement européen, et abordons de manière positive les échanges que nous avons avec lui. Je tiens, monsieur le sénateur, à vous indiquer la position du Gouvernement sur les conditions que pose en quelque sorte le Parlement européen.

Premièrement, nous sommes favorables à une clause de révision générale, qui pourrait être mise en œuvre au milieu de l’année 2017. Une telle révision devrait porter à la fois sur le volet « dépenses » et sur le volet « recettes », les deux étant liés.

Deuxièmement, lors du Conseil européen de février dernier, le Président de la République a défendu une clause de flexibilité maximale, ce qui est une demande du Parlement européen.

Troisièmement, nous soutenons pleinement la mise en place d’une feuille de route claire et précise sur l’ensemble du système de financement de l’Union, y compris les corrections, rabais et chèques. Nous souhaitons, avec vous, que le champ exploré s’étende à d’autres ressources propres que les seules TVA et taxe sur les transactions financières, que soit prévu un calendrier précis, avec une échéance au 1er janvier 2017, et que le Conseil soit responsabilisé sur ces questions.

Tout en tenant compte des conditions et des rapports de force politiques en Europe, nous avons bon espoir de pouvoir élaborer, sous la présidence irlandaise, le meilleur budget possible, un budget orienté vers la croissance et l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, pour la réplique.

M. Simon Sutour. Je fais le même souhait que vous, monsieur le ministre, mais le voir se réaliser sous la présidence irlandaise est peut-être un peu optimiste ! Il faut y travailler ; nous avons un peu plus d’un mois pour y parvenir.

À mon sens, il est positif que, pour la première fois, les parlements aient à se prononcer. (M. le ministre marque son approbation.) Le traité de Lisbonne requiert l’approbation, et non la codécision, du Parlement européen sur ces questions.

Les parlements nationaux profitent de cette nouvelle procédure pour dire leur mot. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. Tout cela me semble positif.

Je voudrais insister sur un des points que vous avez développés, monsieur le ministre. Il faut à tout prix que les crédits affectés aux régions en transition soient maintenus, voire augmentés. Ils représentent, pour l’heure, une somme de 3 milliards d’euros. Les régions françaises le demandent. Comme vous l’avez indiqué, dix régions françaises, qui n’étaient pas concernées pour la période 2007-2013, pourront l’être pour la période 2014-2020.

Je vous remercie, monsieur le ministre, et vous souhaite bon courage dans votre action !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, les chiffres publiés par Eurostat à la fin de la semaine dernière attestent une augmentation dramatique du chômage des jeunes au sein de l’Union européenne.

Près de 23 % des Européens âgés de quinze à vingt-quatre ans sont aujourd’hui sans emploi. Dans près de trois quarts des régions d’Europe, le taux de chômage des jeunes représente au moins le double du taux de chômage total.

Confrontée à une situation sociale explosive – 6 millions de jeunes de moins de vingt-cinq ans sont sans emploi –, l’Union européenne a jeté, en février dernier, les bases d’un dispositif destiné à lutter contre le chômage des jeunes. Dans son futur budget 2014-2020, elle prévoit à cette fin une enveloppe de 6 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros seraient issus du Fonds social européen.

Ces sommes devraient permettre de financer une « garantie pour la jeunesse », censée proposer à tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans une offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage, ou bien un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi.

Parallèlement à la mise en place de ce dispositif communautaire, je constate que plusieurs États membres passent des accords bilatéraux. C’est ainsi que l’Espagne et le Portugal se sont entendus ces dernières semaines avec l’Allemagne, pour coopérer étroitement dans la lutte contre le chômage de leurs jeunes.

Il y a deux jours, nous avons à notre tour dévoilé une initiative du même type, en commun avec nos voisins allemands. Au cours de la présentation de ce projet, le Président de la République a insisté sur l’urgence à mobiliser très rapidement les fonds européens prévus.

Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser trois questions.

Quelle est l’originalité du dispositif que nous voulons mettre en place avec l’Allemagne ? A-t-il vocation à être étendu à l’ensemble de l’Europe ? Comment s’articulera-t-il avec les décisions qui doivent être prises à ce sujet lors du sommet européen des 27 et 28 juin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, l’emploi des jeunes est la priorité nationale. Nous tentons, sous l’impulsion du Président de la République, d’en faire une priorité européenne.

Les ministres français et allemand des affaires sociales, M. Michel Sapin et son homologue, Mme Ursula von der Leyen, ont pris une initiative en ce sens cette semaine. Ils ont discuté ensemble de ce que la presse a présenté comme un « New Deal » franco-allemand pour la lutte contre le chômage des jeunes. Ce plan pourrait s’articuler autour de trois points, que je veux vous indiquer très précisément. Ils s’inscrivent dans la ligne des propositions que la Commission a formulées dans son paquet pour l’emploi des jeunes, en décembre 2012.

Il s’agit, tout d’abord, de la création d’une ligne de crédit spéciale pour stimuler la création d’emploi dans les petites entreprises, que pourrait mettre en place la Banque européenne d’investissement. La BEI a, d’ailleurs, été recapitalisée à hauteur de 10 milliards d’euros, à la suite de l’adoption du pacte de croissance voulu par la France, en juin 2012.

Ensuite, la création d’une Europe de l’alternance est proposée, afin de stimuler la mobilité des apprentis. Pour cela, nous avons suggéré d’élargir le dispositif Erasmus aux jeunes apprentis, qui ne peuvent y prétendre aujourd’hui.

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous allons porter cette ligne de 8 milliards d’euros à 12 milliards d’euros sur la période 2014-2020.

M. Jean Arthuis. Excellent !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Enfin, la création d’entreprise par les jeunes devra être encouragée, par un accès facilité au crédit et grâce aux pépinières européennes, qui soutiendront ces initiatives. Les réseaux Erasmus et EURES seront développés.

Comme vous le voyez, il s’agit d’outils mis en place à l’échelon européen, et qu’il nous faut pleinement mobiliser.

Je vous indique également, monsieur le sénateur, que nous souhaitons mobiliser le plus rapidement possible la ligne de 6 milliards d’euros proposée dans le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020. Pour créer un effet de levier, nous désirons concentrer cette somme sur les années 2014 et 2015, plutôt que l’étaler sur sept ans, afin de nous placer aux côtés de la jeunesse qui attend un emploi en Europe, et l’aider à trouver cet emploi en Europe.

Je pense que le Président de la République ne manquera pas d’évoquer ce sujet ce soir, à l’issue de son entretien avec Mme Merkel. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse détaillée.

Cependant, je voudrais vous faire part d’un certain scepticisme face à cette multiplication d’initiatives nationales. Ces dernières, d’ailleurs, semblent irriter le commissaire européen à l’emploi, qui préférerait que la « garantie jeunesse » soit d’abord mise en œuvre.

J’ai tendance à penser que ces initiatives, prises sous la houlette de nos partenaires allemands, s’inspirent trop facilement du modèle d’outre-Rhin, dont le faible taux de chômage des jeunes serait l’une des grandes réussites, grâce, en particulier, à l’efficacité du dispositif d’apprentissage allemand.

Différentes études, y compris en Allemagne, ont pourtant montré les limites de ce système, qui semble avoir pour grand avantage de rapporter aux employeurs plus qu’il ne leur coûte, et de permettre, surtout, d’attirer des jeunes de pays européens en crise.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le ministre, depuis 2008, le budget annuel de l’Union européenne et, surtout, les cadres financiers pluriannuels dont il découle relèvent du domaine de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil. C’est l’une des grandes avancées du traité de Lisbonne.

Le problème tient au fait que nous nous retrouvons face à une anomalie démocratique : les cadres financiers pluriannuels sont toujours déterminés pour une période de sept ans, distincte de la durée des mandats au Parlement, soit cinq ans.

Ainsi, le cadre financier pluriannuel, dont les institutions européennes devraient accoucher, avec les difficultés que l’on connaît, dans les semaines qui viennent, fixera un cap extrêmement contraignant à l’assemblée européenne qui sera renouvelée, elle, en mai 2014.

À cette aberration de nature politique s’en ajoute une autre, de nature économique. En effet, on peut se demander s’il n’est pas absurde, vu l’évolution très rapide de nos sociétés et de nos économies, de prétendre bâtir une planification à horizon aussi lointain.

Je souhaite soulever un autre problème, celui de la fongibilité qui semble s’être établie au sein des grands chapitres du budget européen. Je pense notamment à la politique agricole commune, où on envisage la fongibilité des crédits entre la partie consacrée aux subventions agricoles, qui sont récurrentes et versées automatiquement, chaque année, et la partie budgétaire, dédiée au développement rural et au verdissement de la PAC. Il est évident que la seconde partie mettra beaucoup de temps à produire des effets. Compte tenu de l’étroitesse du budget voté, il y a donc de fortes chances que les subventions agricoles prennent le dessus, et que l’on ne soit pas en mesure de financer les changements structurels que la politique agricole commune mériterait.

Ainsi, monsieur le ministre, ma question est double. Premièrement, ne pensez-vous pas qu’il serait temps de faire passer la durée du programme pluriannuel de sept à cinq ans, et de faire élaborer ce dernier au cours des deux premières années d’une nouvelle mandature du Parlement européen ?

Deuxièmement, n’est-il pas urgent de se doter de garde-fous au sein des grands chapitres budgétaires de l’Union, entre les dépenses récurrentes, prévisibles et constantes tout au long du programme, et les politiques de transformation du modèle économique et social européen, qui renvoient à une montée en charge plus progressive ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, Simon Sutour a rappelé tout à l’heure avec insistance que le traité de Lisbonne accordait, ce dont nous nous réjouissons, des pouvoirs plus importants au Parlement européen, notamment pour l’approbation du cadre financier pluriannuel. Il nous revient, bien évidemment, de garantir la légitimité démocratique des grands choix budgétaires de l’Union, et je me réjouis donc que ce traité ait conforté la place du Parlement européen dans le cadre institutionnel européen.

Nous devons néanmoins conjuguer ces garanties démocratiques avec la nécessité d’une programmation pluriannuelle de l’Union européenne dans la durée, afin de définir le sens de ses grandes actions. Ce cadre financier fixe de grandes orientations pour sept ans, vous l’avez rappelé. Cette durée, longue, est aussi la condition d’une prévisibilité optimale des engagements, donc d’investissements cohérents à moyen et à long terme.

Ce cadre est l’un des facteurs qui expliquent le succès des grandes politiques européennes telles que la politique de cohésion, la PAC, que vous avez citée, ou encore la politique de la recherche.

Le nouveau Parlement européen aura toutefois son mot à dire sur les orientations de la politique budgétaire de l’Union européenne : d’une part, les budgets annuels doivent être approuvés en codécision chaque automne et, d’autre part, selon les dispositions de la clause de révision à mi-parcours de 2007, que la France accepte, le Parlement européen aura la possibilité, s’il le désire, de revoir le contenu du budget, en lien avec le Conseil et la Commission.

Concernant la fongibilité, vous savez que la possibilité de réaffecter des sommes programmées dans une rubrique vers une autre existe, mais encadrée et limitée par les plafonds du cadre financier. L’un des principaux atouts de cette règle est qu’il garantit le respect, sur une période longue, des grandes orientations politiques que fixe le cadre. Cela n’est en rien contradictoire avec une bonne utilisation de l’argent disponible, grâce à la flexibilité applicable aux marges sous plafond entre années et entre rubriques. La France accepte cela, ce n’est pas le cas de tous les pays. En outre, permettez-moi de rappeler que la mise en œuvre de cette flexibilité dans le cadre du budget annuel se fera avec l’accord du Parlement européen, qui sera codécideur.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.

M. André Gattolin. Merci, monsieur le ministre, pour toutes ces précisions. Je me permets tout de même d’insister : à mon sens, il serait plus conséquent de définir une programmation à cinq ans, qui serait ainsi en cohérence avec les mandats politiques. Les pays de l’Union européenne ont tous aujourd’hui abandonné la planification, pour certains il y a quelques années, pour d’autres dès les années quatre-vingt, précisément en raison de la difficulté de bâtir des plans quinquennaux ! Établir des plans septennaux apparaît donc particulièrement compliqué.

Enfin, concernant la question de la fongibilité, je vous remercie de votre vigilance. Travaillant actuellement sur le dossier du programme de soutien à la surveillance de l’espace, je sais que la Commission européenne suggère déjà de retirer 45 millions d’euros au programme Galileo, pourtant éminemment stratégique, afin d’essayer de financer l’ensemble de la politique de soutien à la surveillance de l’espace. La volonté de la Commission de mettre en œuvre la fongibilité, souvent à l’encontre de la volonté des États et des politiques, est inquiétante et présente des risques. Nous devons effectivement être très vigilants.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a deux manières d’aborder l’accord auquel est parvenu le Conseil européen de février 2013 sur le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne pour les années 2014 à 2020.

On peut d’un côté se réjouir de ce succès, puisque, après un premier échec en novembre 2012, les Vingt-Sept sont enfin parvenus à s’entendre. Mais on peut aussi considérer qu’il n’y a aucune raison de s’en réjouir, puisque cet accord prévoit, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, un budget en baisse, bien loin d’être à la hauteur des enjeux.

Nous sommes très favorables à la construction européenne et très conscients des difficultés que traversent actuellement nombre d’États membres, dans ce contexte de crise exceptionnelle. Nous restons convaincus que nous ne pourrons en sortir qu’à l’aide d’un budget européen ambitieux, et non au rabais.

Les députés européens, toutes tendances confondues, ont fait part de leur mécontentement, menaçant de ne pas adopter ce budget. Ils demandent, avant toute décision pour l’avenir, le déblocage de 11,2 milliards d’euros dès cette année afin de faire face aux impayés de 2012, qui mettent en péril notamment les crédits dédiés aux jeunes.

Peut-être l’Europe est-elle victime de l’austérité qu’elle a elle-même imposée depuis plusieurs années ? Si la Commission semble prête à sortir de cette logique, en accordant un délai supplémentaire aux États membres menacés d’une procédure pour déficit excessif, il n’en reste pas moins que les rabais et les autres calculs égoïstes nuiront à long terme à l’ensemble des États européens.

Nous voulons, nous, que soit donnée une véritable impulsion à l'Europe, que le Président de la République a d’ailleurs initiée : le retour de la croissance et de l’emploi nécessite un budget européen significatif.

Monsieur le ministre, quels progrès pouvons-nous espérer sur la question des ressources propres ? Comment permettre à ce nouveau cadre financier de réorienter la politique européenne en faveur de la croissance ? Comment, dans le même temps, œuvrer à l’émergence d’un gouvernement économique européen, ce que souhaite désormais la France ? (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur Mézard, je connais à la fois l’engagement de votre groupe sur les questions européennes et l’attention que vous portez, comme élu local, à la bonne consommation des fonds européens.

Or, souvent, dans ces dossiers un peu complexes, le diable est dans le détail. Il existe toutefois des solutions que l’on ne perçoit pas toujours sans une analyse précise.

Le mécanisme du cadre financier pluriannuel, tel qu’il a été adopté, garantira, en dépenses engagées, sur la période allant de 2014 à 2020, 50 milliards d’euros supplémentaires par comparaison avec la période de 2007 à 2013. Nous avons en effet placé des « cliquets » à la consommation qui permettent à nos pays d’engager plus d’argent sur un certain nombre de lignes budgétaires, celles qui sont consacrées à la croissance et à l’emploi, rassemblées dans la rubrique 1a, que je vous invite à consulter. Il s’agit de la recherche et de l’innovation, avec une augmentation de 40 %, du développement des infrastructures, avec 140 % d’augmentation par rapport à la période 2007 – 2013, et encore des infrastructures de transport, de développement de l’énergie et des télécoms, dont je sais qu’elles sont un secteur important pour les territoires de France et d’ailleurs. Cette rubrique recouvre également le programme « Erasmus pour tous », dont les crédits passeront de 8 milliards d’euros à 12 milliards d’euros, au bénéfice de la jeunesse de l’Union européenne.

Alors, bien entendu, cela nous conduit à nous demander si notre Europe se dotera un jour d’une ressource propre, au-delà de l’affectation de la TVA et, je l’espère, d’une partie du produit de la taxe sur les transactions financières. La France porte cette proposition. Elle est certes isolée, mais moins aujourd’hui qu'elle ne l’était il y a encore un an.

Peut-être verrons-nous dans les jours prochains, sinon dans les prochaines heures, certains chefs d’État ou de gouvernement rejoindre la France dans l’ambition de voir l’Union européenne se doter d’un budget assis sur des ressources propres. J’en forme devant vous le vœu, et je dispose peut-être de quelques informations qui me conduisent à l’optimisme ! (Mme Bernadette Bourzai, MM. Richard Yung et André Gattolin applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.

M. Jacques Mézard. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos propos et de l’annonce sur laquelle vous les avez conclus. Vous nous confirmez très clairement la volonté de la France d’aller vers des ressources propres et vous laissez entendre que nous commencerions à être écoutés. Il s’agit là d’un changement fondamental, indispensable pour l’avenir de l’Europe.

Je vous remercie également d’avoir rappelé l’intérêt que notre groupe portait à l’Europe et le fait aussi qu’en tant qu’élus locaux nous avons un intérêt tout particulier à suivre le développement des crédits européens. C’est d’ailleurs, entre autres raisons, ce qui justifie notre attachement au cumul des mandats ! (Sourires.)

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Bien vu ! (Nouveaux sourires.)

M. Roger Karoutchi. C’est bien amené !

M. Jacques Mézard. Mais, au-delà, je vous remercie de nous avoir confirmé que les dépenses engagées seront supérieures à ce qu’elles avaient été dans la dernière période, depuis 2007. Je sais que vous y serez particulièrement attentif. Il est en effet important que nous puissions aller plus loin, en particulier sur la recherche, l’innovation et les infrastructures, parce que c’est cela qui montrera à nos concitoyens que l’Europe présente un avantage réel et qu’il est indispensable de toujours mieux la construire.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, sur l’initiative du Parlement européen, qui remplit là pleinement le rôle qui lui est dévolu par les traités, une vraie négociation est engagée avec le Conseil sur le budget 2013 et le cadre financier pluriannuel 2014-2020.

Comme toute négociation, elle est longue et difficile. Pour la première fois, toutefois, le budget européen ne se décide pas à huis clos. C’est un bon point pour la démocratie et un bon point pour la crédibilité des institutions européennes. À ce titre, nous tenons à saluer les propositions équilibrées et courageuses des eurodéputés, en particulier des membres du parti majoritaire, le Parti populaire européen, sous l’autorité de son président, M. Joseph Daul.

Nous souhaiterions tout d’abord, monsieur le ministre, connaître votre objectif en ce qui concerne le calendrier de la négociation. Visez-vous un accord sur le cadre financier pluriannuel avant l’été, comme semble le souhaiter la présidence irlandaise ?

Les conséquences de la négociation du budget européen sur la réforme de la PAC seront importantes, notamment en termes de calendrier. Comment les anticipez-vous ? La nouvelle PAC entrera-t-elle en vigueur en 2014 ? Pourrait-il y avoir un accord politique sur la réforme de la PAC avant le vote définitif du cadre financier pluriannuel ?

Par ailleurs, le gouvernement français a déclaré que l’essentiel de la PAC était préservé.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Oui !

M. Jean Bizet. Or, ce n’est pas tout à fait vrai,…

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Si !

M. Jean Bizet. … puisque l’agriculture, dans son ensemble, perd, et ce n’est pas négligeable, 52 milliards d’euros.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Non !

M. Jean Bizet. Pour la France, la baisse est de 10 % et les pertes du premier pilier ne sont pas compensées au niveau où vous l’avez laissé entendre, ou, plus exactement, comme l’ont laissé entendre le Président de la République lui-même et le ministre de l’agriculture, qui ont été assez affirmatifs sur le sujet. La contrepartie est en effet non pas de 1 milliard d’euros par an mais de 1 milliard d’euros sur sept ans.

Dans ces conditions, comment comptez-vous préserver notre politique d’installation des jeunes ? Comment allez-vous soutenir le verdissement, auquel nous sommes tous favorables, mais qui nécessite un accompagnement des producteurs ? Les financements disponibles pour la gestion des crises seront-ils suffisants ?

Les agriculteurs français, monsieur le ministre, ont besoin de connaître ces orientations ainsi que de disposer d’un échéancier et d’un budget clairs. Je vous remercie par avance de votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Il est difficile dans le temps qui m’est imparti de vous répondre à la fois sur les négociations du budget pluriannuel et sur la PAC. Je vais donc aller à l’essentiel.

La position de la France quant aux demandes exprimées par le Parlement européen afin de trouver un accord nous donne bon espoir. La France a, de surcroît, accepté, il y a quelques jours, l’adoption du budget rectificatif demandé par le Parlement européen, qui souhaitait « solder » les dépenses du passé, estimées à 11,2 milliards d’euros. Après vérification des comptes, nous sommes tombés d’accord sur 7,3 milliards d’euros dès cette année. La France va donc verser un chèque de 960 millions d’euros à l’Union européenne, au titre de sa quote-part de ces dépenses du passé.

Les discussions avec le Parlement européen nous conduisent à être optimistes quant à une adoption du budget de l’Union européenne, sans doute durant la session de ce mois de juillet. C’est ma conviction, mais, bien entendu, personne, aujourd’hui, ne peut assurer que les choses se passeront bien ainsi.

La France, notamment, a fait preuve d’une grande ouverture afin de trouver un accord. Dans le cadre financier pluriannuel, il y a en effet des avancées qui sont pour nous essentielles, notamment la politique liée à l’emploi des jeunes et à la lutte contre le chômage. Faute d’accord, si nous ne votons pas le budget, nous n’aurons ni avancées ni plan d’aide alimentaire aux plus démunis.

En ce qui concerne la PAC, sachez, monsieur Bizet, que le retour attendu de la PAC pour les agriculteurs français sera assuré au niveau obtenu pour la période allant de 2007 à 2013. Simplement, mais vous connaissez excellemment ces sujets, certaines sommes seront réaffectées entre le premier et le deuxième pilier, qui sera renforcé par rapport à ce que nous obtenions par le passé.

Que recouvre le verdissement ? Toutes les adaptations de la politique agricole qui sont permises par le second pilier, c'est-à-dire la rotation des cultures, les prairies permanentes, les surfaces d’intérêt écologique, comme les haies. Ces indications sont présentes, aujourd’hui, dans le règlement que nous sommes en train de discuter en trilogue. Stéphane Le Foll, qui négociait encore en début de semaine durant une réunion informelle à Dublin, m’a assuré que nous étions proches d’un accord sur la partie agricole dès cette année, pour une application au 1er janvier 2015, 2014 étant une année de transition.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses. Je me permettrai, n’y voyez aucune malice, de considérer malgré tout que, si mes questions étaient claires, vos réponses l’étaient un petit peu moins…

Sur la partie budgétaire, par exemple, vous avez évoqué effectivement l’impasse de 11,2 milliards d’euros, héritée de la période précédente. Pour le moment, seuls 7,1 milliards ou 7,2 milliards d’euros ont été sécurisés, il en manque donc quelques-uns !

Pour ce qui concerne la politique agricole commune, le compte n’y est pas.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Mais si !

M. Jean Bizet. Le rattrapage de 1 milliard d’euros pour le deuxième pilier n’est pas annuel ; il porte sur sept ans, comme je l’ai précisé. Les agriculteurs français ont donc tout lieu d’être inquiets.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Non !

M. Jean Bizet. L’agriculture française ne sera pas aussi bien accompagnée par les fonds européens sur la période 2014-2020 que sur la période précédente. C’est qu’elle se trouve confrontée à une concurrence intra-européenne, avec l’augmentation de plus en plus importante des charges et des normes, notamment en matière environnementale - je ne dis pas que cette situation date de 2012,…

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je vous le concède !

M. Jean Bizet. … mais l’accumulation commence à devenir préoccupante -, et à une concurrence avec les pays tiers rendue plus intense encore du fait du manque de compétitivité découlant du surcroît de charges subies par les professions agricoles. (M. René-Paul Savary applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, le Conseil européen qui s’est tenu les 7 et 8 février dernier est parvenu à un accord sur le cadre budgétaire pluriannuel 2014-2020, au terme d’âpres discussions pour contenir l’évolution des crédits, notamment des dépenses administratives.

La Commission européenne a dû accepter de réduire sa proposition, qui était d’un peu plus de 63 milliards d’euros, à 61,6 milliards d’euros. Les chefs d’État et de gouvernement ont exercé une pression forte sur la Commission européenne pour qu’elle réduise ses dépenses administratives, notamment les frais de personnel, qui comptent pour 75 % du total de ces dépenses.

Pour mener à bien cette mission délicate, la Commission propose de porter la durée du temps de travail hebdomadaire de 37,30 heures à 40 heures, sans compensation salariale, et de relever l’âge légal de départ à la retraite de soixante-trois ans à soixante-cinq ans. Ces mesures doivent être engagées dans les plus brefs délais pour réduire de 54 % les frais de personnel d’ici à 2018.

Monsieur le ministre, je souhaite connaître la position du gouvernement français sur ce sujet. Pouvez-vous nous confirmer qu’il soutient l’augmentation de la durée du temps de travail hebdomadaire pour l’ensemble des 50 000 fonctionnaires européens ainsi que le relèvement de l’âge légal du départ à la retraite ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le souligner, le cadre financier pluriannuel a été négocié dans des conditions très difficiles dans la mesure où plusieurs pays voulaient s’en tenir à un budget de 820 milliards d’euros. Après discussion, nous sommes parvenus à 960 milliards d’euros.

Nous considérons en effet que l’Europe doit se doter d’un budget qui lui permette d’agir concrètement à l’égard des pays qui plaident aujourd'hui en faveur d’une relance par l’économie. Toutefois, cela signifie que nous devons en quelque sorte négocier des efforts pour toutes les parties prenantes.

Je le dis ici, nous voulons que la fonction publique européenne soit forte et de qualité, car la mise en place de politiques structurelles cohérentes en dépend aussi.

C’est ce à quoi nous nous attachons dans le cadre des négociations en cours sur le statut de la fonction publique européenne. Il est indispensable que la Commission européenne elle-même, qui avait proposé une hausse de plus de 10 % de la rubrique des dépenses administratives, ne s’exonère pas des efforts qu’elle demande aux fonctions publiques nationales, des efforts que la France réalise, me semble-t-il, en parfaite conformité avec ses responsabilités. C’est ce que nous avons plaidé, lors de la négociation du cadre financier pluriannuel.

C’est dans ce contexte qu’est engagée, depuis quelques semaines, une réforme de la fonction publique européenne, et un accord devrait aboutir d’ici au vote du budget, en juillet prochain ; c’est en tout cas ce que nous espérons.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour la réplique.

M. Jean Arthuis. Je veux rendre hommage au Gouvernement pour le courage qu’il manifeste en proposant de porter l’âge légal de départ à la retraite de soixante-trois à soixante-cinq ans et d’augmenter la durée du temps de travail hebdomadaire de 37,3 heures à 40 heures. (Rires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Monsieur le ministre, je vous assure du soutien de l’UDI-UC.

Je me suis étonné des commentaires du Président de la République lorsque la Commission européenne a fait connaître ses recommandations pour permettre à la France de respecter la trajectoire et de ramener ses déficits publics sous le seuil de 3 % du PIB.

Dans un souci de cette cohérence qui est une autre des vertus du Gouvernement –, il serait peut-être souhaitable d’ouvrir des négociations dans notre pays pour revoir la durée du temps de travail hebdomadaire dans les trois fonctions publiques et peut-être d’être audacieux s’agissant de la réforme des retraites et de l’âge légal de départ. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, ma question porte sur le budget de la future politique agricole commune dans le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Par ailleurs, j’évoquerai aussi la politique de cohésion. Ces deux politiques étant les plus visibles de l’Union européenne, elles sont naturellement au cœur des préoccupations de nos territoires.

Le gouvernement français, à l’instar des gouvernements des vingt-six autres États membres, est entré depuis le 13 mai dernier dans un trilogue entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen, y compris pour ce qui concerne la politique agricole commune.

Je relève que M. Bizet pose, de manière inlassable, d’ailleurs, la question du montant du budget de la PAC à chaque fois qu’une séance de questions cribles thématiques lui en fournit l’occasion. En tant qu’ancienne députée européenne, membre de la commission de l’agriculture et du développement durable, je veux lui dire que tout le monde savait à Bruxelles que les crédits de la PAC allaient décroître sur la période 2007-2013.

Comme M. Cazeneuve vous l’avait fait observer à de nombreuses reprises, cher collègue, je vous rappelle que le montant dévolu à la PAC correspond exactement au montant de la dernière année, en l’occurrence celle de 2013, multiplié par sept.

Il fallait donc se préparer à cette évolution, et je pense que la France a particulièrement bien tiré son épingle du jeu, en obtenant 1 milliard d’euros supplémentaire pour le développement rural.

Monsieur le ministre, qu’en sera-t-il du développement rural au titre du cadre stratégique plurifonds qui sera désormais le nôtre ? Par ailleurs, comment peut-on s’assurer que les zones rurales pourront accéder dans de bonnes conditions au Fonds européen de développement régional, le FEDER, et au Fonds social européen, le FSE ?

Enfin, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir plaider en faveur du Fonds européen d’aide aux plus démunis, auquel il manque manifestement 1 milliard d’euros. (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Madame la sénatrice, votre question me permet de réaffirmer à l’intention de tous vos collègues qui m’ont interrogé sur les questions agricoles que les retours espérés pour la France au titre de la politique agricole commune seront, pour la période 2014-2020, identiques à ceux qui avaient été actés pour la période 2007-2013, c'est-à-dire 47,6 milliards d’euros au titre du premier pilier et 8,8 milliards d’euros au titre du deuxième pilier, ce dernier étant renforcé dans la prochaine programmation. Vous y serez sensible, madame la sénatrice, en tant que défenseur inlassable de la montagne, car cela signifie que des massifs seront plus aidés que par le passé.

À nos yeux, une bonne enveloppe était la condition nécessaire pour pouvoir moderniser et réformer la PAC, en la rendant plus juste, notamment au profit des jeunes agriculteurs et des petites exploitations d’élevage notamment, et plus verte aussi, afin de répondre à ce qui correspond aussi à une demande de la société.

S’agissant du développement rural, dont vous savez qu’il relève autant de la PAC que de la politique de cohésion, le renforcement du deuxième pilier de la PAC, avec le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, y contribuera directement.

Quant à la politique de cohésion, nous nous sommes attachés à faire en sorte que la prochaine programmation permette l’action conjointe de tous les fonds structurels, qu’il s’agisse du FEDER, du FSE, du FEADER ou du FEAGA, le Fonds européen agricole de garantie.

Vous m’avez interrogé sur la question des régions en transition, une innovation que le gouvernement précédent n’avait pas souhaité défendre.

M. Simon Sutour. C’est vrai !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ces régions en transition ont dorénavant la garantie d’obtenir des aides d’un montant supérieur.

Enfin, vous souhaitez, madame la sénatrice, que le Fonds européen d’aide aux plus démunis soit réévalué de 1 milliard d’euros.

Vous auriez pu rappeler que le Conseil européen avait pris la décision de le supprimer au 31 décembre 2013. C’était écrit noir sur blanc ! Le Président de la République française a demandé en février dernier que les associations caritatives qui œuvrent à nos côtés sur les territoires puissent bénéficier de ce fonds. Il a été pérennisé à hauteur de 2,5 milliards d’euros, et nous sommes ouverts à la demande du Parlement de le porter à 3,5 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour la réplique.

Mme Bernadette Bourzai. Je salue la détermination du Président de la République et du Gouvernement, la vôtre et celle de Stéphane Le Foll, qui, dans le trilogue agricole, mène, me semble-t-il, de façon tout à fait magistrale, des négociations dans l’intérêt de l’agriculture française et, plus particulièrement, des secteurs qui en ont le plus besoin.

Pour ma part, j’estime que la répartition des aides doit être plus juste pour les populations des zones défavorisées et des zones d’élevage.

Je vous remercie des éléments de réponse que vous m’avez apportés quant au Fonds européen d’aide aux plus démunis. La commission des affaires européennes a adopté, ce matin, une proposition de résolution pour faire de 2014 l’année de lutte contre le gaspillage alimentaire. Certes, il faut produire, mais il faut aussi respecter les produits agricoles et les consommer convenablement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Comme l’a dit mon collègue Jean Bizet, nous nous réjouissons de l’engagement réaliste et responsable du Parlement européen, en particulier celui de nos collègues du PPE. La négociation budgétaire, qui a été difficile, peut paraître complexe, mais elle conforte la démocratie européenne, dans l’esprit du traité de Lisbonne.

Je ne reviendrai pas sur le niveau du budget, en baisse – certes, de manière moindre qu’on aurait pu le craindre –, mais c’est le résultat, il faut bien l’accepter, de la crise économique que traversent la plupart des pays européens.

Cette situation ne doit pas nous faire douter de l’avenir. Plus que jamais, nous devons afficher nos convictions européennes et notre ambition politique pour l’Europe, en maintenant l’objectif d’un budget plus élevé à terme, lorsque cela sera possible, mais, peut-être et surtout, plus efficace.

Le Gouvernement évoque, de manière assez incantatoire, le retour à la croissance. Je m’interroge, car je ne comprends pas bien quelles en sont les conséquences en matière budgétaire, et pour cause.

Le Gouvernement est-il l’avocat d’une politique de stimulation de la dépense au niveau européen ? Défend-il des programmes qui conforteraient la croissance potentielle ? Soutient-il des projets transfrontaliers à forte plus-value ? Il me semble qu’il serait nécessaire de s’entendre avec nos partenaires européens sur ces questions, en préalable à toute utilisation des financements européens.

Par ailleurs, dans la négociation en cours sur le budget, le Parlement européen a mis sur la table des propositions concrètes et courageuses. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ces propositions.

Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à accepter une clause de revoyure, qui est une manière d’adapter le budget européen à l’évolution de la situation économique ?

Êtes-vous prêt à accepter plus de flexibilité ou de fongibilité dans la gestion des crédits ?

Enfin, êtes-vous prêt à garantir une gestion rigoureuse, grâce, par exemple, à une révision générale des politiques publiques adaptée au niveau européen ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je me réjouis, moi aussi, que nous ayons adopté un budget de 960 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Même si vous estimez que c’est encore insuffisant, je vous rappelle que Nicolas Sarkozy avait accepté un budget de 860 milliards d’euros. Nous avons donc obtenu 100 milliards de plus que ce qui était prévu par la majorité précédente. Je me devais d’apporter cette précision.

Vous évoquez, s’agissant de la relance des dépenses, ce qui serait selon vous la méthode incantatoire du Gouvernement.

Je veux vous répondre très précisément que, lors du premier sommet européen qui s’est tenu en juin 2012, le Président de la République, François Hollande, a acté un pacte de relance qui a permis de recapitaliser la Banque européenne d’investissement à hauteur de 10 milliards d’euros. Celle-ci va ainsi pouvoir accorder aux différents États des prêts à hauteur de 60 milliards d’euros pour les années 2013, 2014 et 2015. La France en bénéficiera à hauteur de 21 milliards d’euros.

Je vous le dis à vous, élus de la République, sur ces trois années, 7 milliards d’euros seront accordés tous les ans aux collectivités locales pour financer tous les projets d’accompagnement sur vos territoires. Nous avons également demandé à la BEI qu’elle accorde des prêts aux petites et moyennes entreprises qui ne trouvent plus de fonds disponibles dans les banques classiques.

Comme je l’ai déjà précisé tout à l'heure, une ligne budgétaire de 6 milliards d’euros, dont nous allons essayer de concentrer la consommation sur les années 2014 et 2015, a également été créée pour accompagner les politiques à destination de la jeunesse.

Quant aux grands travaux d’interconnexion – je pense, par exemple, au canal Seine–Nord ou à la grande liaison ferroviaire entre la France et l’Italie –, ils bénéficieront, après arbitrage, d’une augmentation budgétaire de 140 %. C’est que tout le monde est intéressé. En effet, derrière ces grands travaux, il y a de l’emploi non délocalisable. Nous en avons besoin, pour l’économie française et pour une relance à l’échelle de l’Europe !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.

M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, alors que les élections européennes auront lieu l’an prochain, il me semble que tous les sénateurs sont inquiets du résultat qui pourrait sortir des urnes, non seulement en France, mais aussi dans tous les pays européens.

On le voit, le sentiment anti-européen progresse de manière très inquiétante.

Mme Cécile Cukierman. La faute à qui ?

M. Philippe Dallier. Nous devons nous interroger sur les raisons de cette progression.

Nous devons aussi faire preuve de pédagogie et de responsabilité.

M. Dominique Watrin. Refondez l’Europe !

M. Éric Bocquet. Revoyez les bases !

Mme Cécile Cukierman. Changez de politique ! Il faut une Europe sociale !

M. Philippe Dallier. La pédagogie est nécessaire pour que nos compatriotes comprennent mieux ce à quoi sert l’Europe, ce que nous faisons du budget européen, et pour qu’ils soient davantage conscients du fait qu’elle les a beaucoup protégés lors de la crise de 2008-2009.

Comme l’a indiqué Jean Arthuis, il faut aussi que l’administration de Bruxelles accepte de faire des économies. Comme moi, vous avez lu la presse et vous avez vu que cette dernière faisait l’objet de nombreux commentaires très négatifs. Beaucoup de nos concitoyens trouvent que des efforts doivent également être faits à ce niveau.

Mes chers collègues, telles sont les évolutions que j’appelle de mes vœux pour que le sentiment pro-européen puisse progresser de nouveau. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ma question porte sur le financement de la garantie pour la jeunesse.

Cette politique vise, je le rappelle, à aider les États membres à proposer aux jeunes Européens un emploi, une formation, un contrat d’apprentissage ou un stage dans les quatre mois qui suivent leur sortie du système scolaire ou la perte de leur emploi.

Nous considérons tous, je pense, que cette initiative est bienvenue, voire fondamentale. Comme M. Bocquet l’a rappelé, presque 25 % des jeunes Européens sont au chômage, soit un sur quatre ! Six millions de jeunes sont concernés, et presque 7,5 millions si l’on prend en compte ceux qui sont en périphérie, en quelque sorte. Ce chômage des jeunes, c’est évidemment le cancer qui ronge notre société de l’intérieur.

Le cadre financier pluriannuel, que vous avez évoqué, monsieur le ministre, a prévu de doter la garantie pour la jeunesse d’un budget de 6 milliards d’euros entre 2014 et 2020. Ce montant paraît élevé mais, si on le rapporte au nombre d’années et de jeunes concernés, on aboutit à une somme d’environ 150 euros par jeune chômeur et par an. (M. le ministre marque son scepticisme.) Bien sûr, ce calcul peut être critiqué, mais il permet de disposer d’un ordre de grandeur.

Le Président de la République propose de mobiliser « tout de suite, avant même que le cadre financier ne soit en place pour 2014, une partie de ces fonds ».

Comment comptez-vous procéder pour mobiliser une partie de ces fonds avant que le budget ne soit voté ? Ce sera ma première question.

Ma deuxième question porte sur le financement de cette politique – aspect d'ores et déjà abordé, mais sur lequel je souhaiterais davantage de précisions.

Cette semaine, le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, a déclaré…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Richard Yung. … qu’une partie de la taxe sur les transactions financières devait être affectée à ce financement. Que pense le Gouvernement de cette proposition ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, le Gouvernement rejoint votre préoccupation relative à tous les dispositifs devant être mis en place pour que l’ensemble des pays se mobilisent dans la lutte contre le chômage, qui gangrène, hélas ! une partie du territoire européen. Je dis bien « une partie », car les situations sont inégales d’un pays à l’autre. Ainsi, dans certains pays de l’Union européenne, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans est, aujourd'hui, supérieur à 50 %. Heureusement, la France n’en est pas là !

Pour la première fois dans l’histoire du budget de l’Union européenne, nous avons souhaité créer une enveloppe affectée à cette mobilisation. Cette enveloppe sera dotée de 6 milliards d’euros, que nous souhaitons consommer le plus rapidement possible.

Pour obtenir un « effet masse », ces crédits seront ciblés sur les régions enregistrant les taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans les plus importants, c’est-à-dire supérieurs à 25 %. Cela permettra à huit régions françaises et à l’ensemble de nos territoires d’outre-mer, où, malheureusement, le chômage est plus important, d’émarger à ces sommes disponibles.

Nous souhaitons également que ces crédits soient consommés dès le 1er janvier 2014, sous réserve que le budget soit adopté d’ici à cette date.

Pour « faire masse », nous souhaitons aussi restreindre la consommation de ces 6 milliards d’euros sur les deux seules années 2014 et 2015, plutôt que de l’étaler sur sept ans.

Telle est la conviction de la France, qui doit désormais entraîner l’adhésion d’autres pays. Peut-être certains la rejoindront-elle sur cette ambition dès cette fin d’après-midi…

Du reste, ces 6 milliards d’euros s’ajoutent au budget du programme Erasmus, lequel va passer de 8 à 12 milliards d’euros, tandis que le profil des jeunes susceptibles de bénéficier du programme sera élargi, notamment aux apprentis, qui, jusqu’ici, n’avaient pas droit à la mobilité financièrement aidée par l’Union européenne.

Sachez enfin que, dans notre pays, la garantie pour la jeunesse, à savoir l’engagement de chacun des États à proposer une formation professionnelle, un emploi ou un stage aux jeunes n’ayant aucune possibilité de trouver un emploi dans un délai de quatre mois suivant leur sortie du système scolaire, sera mise en œuvre en septembre prochain, à titre expérimental, dans dix départements – sous l’autorité de Michel Sapin –, avant d’être élargie les années suivantes, avec un objectif de 100 000 jeunes bénéficiaires.

M. Simon Sutour. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour la réplique.

M. Richard Yung. L’idée de concentrer les moyens sur les deux premières années de l’exercice 2014–2020 procède de la bonne approche. Si cette concentration est juridiquement réalisable, ce que vous avez certainement vérifié,…

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Elle est soumise à l’accord des États !

M. Richard Yung. … je la soutiendrai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur le budget européen.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet de deux votes.

Lors du scrutin n° 240 sur l’ensemble du projet de loi portant refondation de l’école de la République, notre collègue Alain Fouché a été déclaré comme votant contre, alors qu’il ne souhaitait pas prendre part au vote.

En outre, lors du scrutin n° 243 sur l’ensemble de la proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, M. Alain Fouché a été déclaré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.

6

Retrait d’une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 442 de Mme Françoise Férat est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (suite)

Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Hélène Lipietz.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, que je tiens à féliciter pour son travail, mes chers collègues, figurez-vous que j’ai depuis de nombreuses années une jupe-culotte qui fut très à la mode en son temps, même à la pointe de l’élégance, comme vous vous en doutez… (Sourires.) Digne adepte de Diderot, j’y suis très attachée ; malheureusement, la jupe-culotte s’est usée.

M. Roger Karoutchi. Forcément !

Mme Hélène Lipietz. Ne pouvant me résoudre à en changer, je n’ai eu d’autre choix que de la rapiécer. En bonne écologiste, j’ai donc récupéré du tissu d’un vieux canapé et j’ai réparé un premier trou. Seulement, de fil en aiguille, cette vieille jupe-culotte s’est transformée intégralement en quelques mois, au point que l’on peine aujourd’hui à y trouver trace du tissu d’origine.

Mme Hélène Lipietz. La réforme dont nous débutons l’examen me fait beaucoup penser à ce vêtement : on rapièce une structure usée, vieille au mieux de trente ans - « reliftée » par les intercommunalités il y a vingt ans - au pire, de deux cents ans, et l’on obtient un vêtement qui n’est guère portable dans le monde…

Pourtant, les maîtres mots du Gouvernement pour cette réforme sont porteurs de sens : confiance, clarté, cohérence ; sans oublier le plus important, démocratie. Las ! Au lieu d’un projet ambitieux et surtout cohérent, riche d’une réflexion sur l’État moderne adapté à la France du XXIe siècle, on nous propose découpée une timide tentative pour améliorer quelques points. Entre la France du Marseillais Defferre et celle d’aujourd’hui, entre le centralisme français et l’envol des libertés des territoires à travers l’intercommunalité, nos gouvernements n’ont pas su réfléchir globalement pour agir territorialement.

Résultat : un projet de loi qui traite des métropoles, mais surtout pas des régions qui les abritent, des départements ou encore des communes qui vont se trouver agglomérées, de force ou volontairement, dans une métropole. Sans compter les lacunes déjà relevées par la commission des lois, et qui ont été en partie rappelées au début de la discussion générale.

Si la biodiversité des métropoles est assurée par l’existence de quatre structures différentes, cette richesse juridique ne rassure pas sur la capacité des métropoles françaises à affronter les enjeux européens, sans parler des enjeux mondiaux, en particulier sur le plan écologique. Je pense notamment aux problèmes liés à la concentration des pouvoirs politiques, sociaux et économiques dans des zones urbaines dont il faut rappeler qu’elles vivent grâce à des territoires nourriciers en hommes, en eau et, bien sûr, en aliments.

Les écologistes défendent une réforme ambitieuse des collectivités territoriales, fondée sur quatre principes. Le premier est la démocratie, colonne vertébrale sur laquelle se greffent les trois autres : efficacité et rationalité de l’organisation territoriale, solidarité des territoires, simplicité et lisibilité pour les citoyens.

Ces quatre notions fondamentales doivent s’appuyer sur des régions fortes et à taille européenne, des intercommunalités adaptées aux réalités humaines, dont les métropoles, et une organisation rationalisée et performante des territoires ruraux.

Or les auteurs du présent projet de loi nous convient à examiner uniquement les métropoles, de sorte que toute réflexion d’ensemble et de conceptualisation est impossible.

J’ajoute que, si nous devons donner aux métropoles, fait humain incontournable, les moyens de leur cohérence, il ne faut pas pour autant se laisser emporter par la fascination pour une labellisation qui ferait de la métropole le territoire de demain, sans tenir compte des habitants d’aujourd’hui.

À la vérité, le projet de loi va recréer les cités-États de la fin du Moyen Âge italien. Mes chers collègues, nous aurons bientôt des doges métropolitains, élus par l’aristocratie des élus territoriaux pour au moins six ans ! (Sourires.)

Pour nous, écologistes, il est inimaginable que les conseils métropolitains ne soient pas élus au scrutin universel direct. Il faut en décider, ici et maintenant ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

Mme Hélène Lipietz. Mes chers collègues, j’en appelle au souvenir des plus anciens d’entre vous. En tant que personnes morales décentralisées, les régions ont été instituées par la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions, mais sous la forme d’établissements publics, avec peu de compétences et toujours sous la tutelle du préfet.

Mme Hélène Lipietz. C’est l’article 59 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qui a réalisé la transformation des régions en collectivités territoriales de plein exercice. Toutefois, la vraie naissance de la région, le début de son travail autonome, était reportée au 16 mars 1986, date de l’élection au suffrage universel direct des conseillers régionaux.

Mes chers collègues, pourquoi ne pas faire dès 2014 ce que nous avons été capables de faire en 1982 ?

M. Ronan Dantec. Absolument !

Mme Hélène Lipietz. Sur un plan démocratique, le suffrage universel direct est essentiel pour faire accepter les métropoles. Lorsque l’on confie des pouvoirs aussi importants, lorsqu’on bouleverse ainsi les rapports de gouvernance des territoires, il faut donner aux citoyens le choix des gouvernants et susciter, par des élections, un débat public autour des projets métropolitains !

À quoi serviront demain les élections municipales à Paris, à Lyon ou à Marseille, si c’est la métropole qui doit décider après-demain ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Roland Povinelli applaudit également.) Où sera le lien entre le vote et la gouvernance pendant six ans ?

L’élection au suffrage universel, c’est maintenant ! Sinon, la porte sera ouverte à toutes les dérives dans la gouvernance, mais aussi dans les urnes, ainsi qu’à l’établissement de potentats locaux.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est juste !

Mme Hélène Lipietz. Je parle de potentats potentiels, mais aussi de potentats fantasmés, conduisant à la montée du Front national.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas dire aux citoyens que la démocratie est possible, mais demain : pour la démocratie, il n’est jamais trop tôt ! Du reste, je suis sûre que les écologistes ne sont pas les seuls à se préoccuper de la démocratie. Seulement, l’habitude, voire peut-être aussi le conformisme ou le souci de préserver des mandats locaux, rend certains un peu timides.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ma chère collègue, c’est la première fois qu’il va y avoir un fléchage et deux listes sur le même bulletin : on ne peut pas réclamer la réforme d’un système qui n’a pas encore été mis en œuvre !

M. Roger Karoutchi. Chère collègue, n’écoutez pas le doge Sueur ! (Sourires.)

Mme Hélène Lipietz. Monsieur Sueur, dans le cas de Lyon, on voit bien que la métropole sera mise en place, oui, mais en 2020, pas en 2016 !

Mes chers collègues, il faut vaincre notre timidité et faire confiance non seulement aux territoires, mais surtout aux citoyens et aux citoyennes. Osons la démocratie dès la création des métropoles !

La démocratie, c’est sans doute aussi la séparation des pouvoirs au sein des collectivités territoriales. Or le projet de loi n’aborde absolument pas cette question : y reviendrons-nous ultérieurement ?

Si notre histoire nous a habitués à organiser des territoires urbains et ruraux pourtant continus comme autant de structures administratives indépendantes, nous devons maintenant raisonner en termes d’interdépendance des territoires, non en termes de millefeuille de structures. Entre les territoires urbains et ruraux, il faut sauvegarder et favoriser les solidarités par l’interdépendance aussi bien que l’interdépendance par les solidarités !

Pour cela, les citoyens doivent être le moteur de l’évolution, y compris à travers leurs associations, afin qu’il n’y ait pas de rejet de la future loi. En effet, l’action publique dépend aussi de la qualité de la relation avec le monde associatif, situé au plus près des intérêts des citoyens – pour le coup, cette question sera traitée dans un autre texte. Faire évoluer la notion de pays et les organes citoyens tels que les conseils de développement serait un premier pas dans ce sens.

Mais le statut général des métropoles ne doit pas simplement être affaire de démocratie. Au lieu de se quereller sur la pertinence d’un seuil, pourquoi ne pas proposer l’introduction de critères qualitatifs et d’objectifs ? Pourquoi ne pas inciter les territoires urbains à se rassembler démocratiquement autour d’un projet commun et d’une vision de long terme, lorsqu’ils désirent pouvoir se glorifier du titre de « métropole » ?

Approfondir les compétences de chef de file des régions dans les domaines stratégiques et environnementaux et confier aux communes la responsabilité de la démocratie de proximité sont deux autres moyens de restaurer cohérence et confiance dans l’action publique territoriale et d’éviter que l’on n’ait à parler de métropoles d’un côté et, de l’autre, du désert rural français.

Cet exposé des problèmes que le projet de loi pose aux écologistes n’est qu’un survol ; nous préciserons nos positions métropole par métropole. Pour l’heure, nous tenons à affirmer que les métropoles, hyper-centres d’attractivité économique, ne doivent pas occulter les réalités historiques, sociales, écologiques et surtout humaines des territoires alentour. Ces territoires attendent de nous une loi équilibrée qui ne les écrase pas, mais qui réaffirme la responsabilité de chacun, notamment celle des métropoles, pour un aménagement du territoire équilibré. Mes chers collègues, ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de loi soumis à notre examen était très attendu sur nos travées. Il y a plusieurs raisons à cela.

D’abord, dans la mesure où le projet de loi touche aux collectivités territoriales dont nous sommes l’émanation par le suffrage des grands électeurs et dont nous connaissons les problèmes pour y être quotidiennement confrontés, il nous concerne bien évidemment au premier chef.

Ensuite, parce que nous devons aujourd’hui rechercher des solutions adaptées à la fois aux besoins et aux enjeux de nos territoires, nous sommes nombreux à avoir placé beaucoup d’espoirs dans ce projet de loi, sur lequel je ne doute pas, mesdames les ministres, que votre majorité travaillait depuis longtemps.

Le 5 octobre dernier, lors des états généraux de la démocratie territoriale, ici même, le Président Hollande affirmait : « Les pays qui réussissent le mieux dans la compétition mondiale sont ceux qui sont capables de fédérer tous les acteurs dans un même projet. » Une telle déclaration pouvait laisser plein d’espoir le plus incrédule. Mettre à contribution les territoires et servir leur dynamique de développement et leur attractivité auraient pu et dû constituer le fil conducteur d’un projet de décentralisation fédérateur.

Au lieu d’une loi-cadre fixant l’ambition d’un nouvel acte fort, audacieux et « entraînant » de la décentralisation, vous « saucissonnez » le texte en trois morceaux, pour procéder finalement à une forme inédite de projet à la découpe, en reportant, qui plus est, à une date relativement incertaine la troisième partie. Le projet est peut-être vidé de sa force, sinon de sa substance…Mais je n’ose le croire.

Le Gouvernement avait pourtant tout en main pour porter une réforme d’envergure : une majorité absolue à l’Assemblée nationale, une majorité, certes aux contours variables, au Sénat, une écrasante majorité dans les régions, une majorité dans les départements et de nombreuses villes… Presque les pleins pouvoirs, en somme ! Encore eût-il fallu faire preuve du courage indispensable à qui veut bousculer certaines situations ou certains droits acquis !

Le plus tristement ironique dans cette histoire, c’est qu’à ne vouloir brusquer personne le Gouvernement a tout de même réussi à déplaire à sa propre majorité sénatoriale, qui ne s’est pas privée, on l’a entendu, à l’occasion de la discussion du projet de loi que nous abordons, de le réécrire en bonne partie.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a fait son travail !

M. Jean-François Husson. Dans son souci de satisfaire tout un chacun, le Gouvernement réussit ainsi la prouesse de mécontenter presque tout le monde.

Pourtant, le Président Hollande avait bien résumé, à Dijon, en mars 2012, les besoins de notre pays en termes de décentralisation : « Nous définirons les bases du pacte de confiance et de solidarité entre l’État et les territoires. […] Il faut donner une plus grande lisibilité à notre organisation. […] Il est nécessaire de garantir le niveau de dotation de l’État aux collectivités locales. » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Colette Mélot. C’était la campagne électorale !

M. Jean-François Husson. Eh oui !

La France a un double défi à relever : clarifier les compétences des collectivités et de l’État, sans dépenser plus. J’ai tendance à penser que c’est en période de crise que les grands talents se révèlent. Le Gouvernement me semble aujourd’hui laisser passer une nouvelle occasion de se montrer talentueux, ce que je regrette.

Chacun s’accorde sur la nécessité de redéfinir clairement le rôle et les fonctions respectives de l’État et des collectivités locales : un État stratège et garant des dynamiques d’équilibre entre les territoires et, pour les collectivités, une articulation nécessaire, par exemple, entre les pôles urbains et les territoires qui s’y attachent et les entourent. Tels doivent être les fondements de nos travaux.

L’examen de ce texte doit permettre de travailler sur cette approche fonctionnelle de nos territoires, et faire fi, pour mieux les transcender, des limites et périmètres « administratifs ». Les fonctionnalités observées et celles de l’avenir, dont nous traçons les perspectives, pourront alors trouver leur traduction dans un cadre d’actions favorisant la performance territoriale dans les ensembles identifiés que constituent notamment les aires urbaines, lesquelles regroupent villages et villes et traduisent des bassins de vie homogènes dans leurs fonctions.

Mais le Gouvernement a jugé bon de nous soumettre un projet « à la découpe » qui, d’une certaine manière, scinde ces différents enjeux. Comment voulez-vous, mesdames les ministres, que le Parlement se prononce lucidement sur l’émergence ou la création de métropoles, privé qu’il est de la connaissance exacte et précise du projet susceptible d’émerger pour les autres collectivités ? Certes, des annonces ont été faites. Toutefois, considérant les tergiversations du Gouvernement sur ce texte au cours des six derniers mois, je crains de ne pouvoir me fier à la parole de l’État sur le moyen terme.

En fait de choc de simplification, appelé de ses vœux par le Président de la République, je crains plutôt un choc de complexification. Un bel exemple a été exposé ce matin à cette tribune par le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur.

Quelles sont donc les avancées proposées pour encourager la créativité dans les métropoles et pour les agglomérations ? On assiste aujourd’hui à une querelle de chiffres sur les seuils. À quelle réalité de terrain cela correspond-il ? Les méthodes employées risquent de freiner les initiatives et d’éloigner encore des enjeux les habitants, qui n’ont que faire d’une quelconque logique administrative ou cartographique.

Il nous faut au contraire exploiter le rôle moteur des métropoles, qui sont en quelque sorte, avec les agglomérations, le réacteur des territoires, afin de leur permettre de travailler ensemble, et avec leur bassin de vie élargi. Ce partenariat entre les territoires, sans complexification administrative superflue, assurerait un réel développement dans nos régions, emportant de façon équilibrée zones urbaines et rurales dans une belle et même dynamique.

Il est nécessaire aujourd’hui d’encourager l’initiative, la mutualisation des actions et le travail en réseau.

Le pôle métropolitain, par exemple, se fonde sur un constat lucide et réaliste de l’évolution des liens possibles entre territoires. Le pôle métropolitain est aujourd’hui un territoire de vie.

Le rôle incontournable des agglomérations n’est plus à démontrer. Nous devons leur permettre d’aller plus loin. Elles doivent assumer clairement un rôle structurant, qui entraîne, se nourrit et rayonne sur l’ensemble du territoire.

Mes chers collègues, ce projet de loi devait reposer sur quatre grands principes – confiance, clarté, cohérence et démocratie –, énoncés par le Président de la République en octobre dernier. Force est de le reconnaître aujourd’hui, ces principes ne sont ni mis en œuvre ni reconnus dans le texte qui nous est proposé.

Un avis de gros temps, si ce n’est de tempête, sur nos collectivités a été lancé et aucune amélioration ne se profile à l’horizon. J’en veux pour preuve, notamment, le bulletin d’alerte annonçant une baisse de 4,5 milliards d’euros, d’ici à 2015, des concours financiers et des dotations de l’État aux collectivités.

C’est assurément un mauvais coup porté à ces collectivités, au sein desquelles, entendez-le, la colère gronde. Vous devez le reconnaître, cet acte III de la décentralisation est, dans ce contexte, et en l’état actuel des choses, un acte manqué ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’enthousiasme suscité par ce qu’il est convenu d’appeler « l’acte III de la décentralisation » – je ne sais d’ailleurs pas pourquoi – est pour le moins mitigé, c’est un euphémisme.

M. Gérard Larcher. Enthousiasme maîtrisé, en tout cas !

M. Jean-Jacques Hyest. Dans la bonne tradition socialiste, on omet de citer toutes les réformes intervenues depuis 1982. Vous-même, monsieur le président de la commission de lois, n’avez-vous pas soutenu, quand vous étiez secrétaire d’État aux collectivités territoriales, un projet de loi de décentralisation…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La loi ATR !

M. Jean-Jacques Hyest. On l’a oubliée. Pourtant, la loi relative à l'administration territoriale de la République avait apporté son lot de progrès.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Elle a créé les communautés de communes !

M. Jean-Jacques Hyest. Les communautés de villes, elles, n’avaient pas résisté, et il avait fallu attendre la loi Chevènement pour les voir réapparaître, sous une autre forme.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il avait fallu sept ans de maturation !

M. Jean-Jacques Hyest. J’imagine que cette loi Chevènement a constitué l’acte II de la décentralisation !

Mais n’oublions pas non plus la loi Raffarin, de 2003. (Protestations amusées.)

M. Roger Karoutchi. Qui pourrait oublier la loi de notre collègue, aujourd’hui président de séance ?

M. Jean-Jacques Hyest. C’est pour cela que je la cite ! Au demeurant, je l’aurais fait même si vous ne présidiez pas nos débats, monsieur Raffarin. (Nouveaux sourires.)

Cette loi a tout de même fait progresser les choses. Rappelons-nous également la loi de 2010, car les métropoles, dont il va être abondamment question, en sont issues. Certaines d’entre elles sont d’ailleurs une réussite.

Nous n’avons qu’une vague idée des autres volets de la présente réforme, qui a été saucissonnée. Nous commençons par examiner les dispositions relatives aux métropoles, ce qui est tout de même un peu regrettable. Où est la cohérence ? Surtout, on occulte complètement l’aspect financier, qui est fondamental. Bien sûr, les mesures financières ne doivent figurer que dans une loi de finances. Néanmoins, il me semble que nous pourrions bénéficier d’un certain nombre d’indications ! Il y a bien eu un article 14, qui surnageait, en quelque sorte, mais la commission des finances a proposé à juste titre son report. Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, il reposait, c’est le moins que l’on puisse dire, sur des critères orientés et injustes.

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis très tenté de vous dire tout l’intérêt que je trouve au texte présenté par la commission des lois. M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, dont je salue le travail et la volonté de progresser vers un consensus, l’ont dit très explicitement, la philosophie du texte de la commission ne correspond pas tout à fait à celle du projet de loi initial.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je l’ai dit clairement !

M. Jean-Jacques Hyest. Nous allons bien évidemment travailler sur le texte de la commission des lois, d’autant qu’il se réfère explicitement aux travaux menés par le Sénat dans le cadre de la commission dite « Belot-Krattinger ». Cependant, il y a lieu de se pencher sur le texte initial du Gouvernement, parce que c’est sur ce texte-là que nous devons nous engager politiquement.

On affirme la clause de compétence générale, notion que beaucoup de juristes sérieux considèrent comme peu pertinente.

M. Pierre-Yves Collombat. Des juristes sérieux ?

M. Jean-Jacques Hyest. À cet égard, nous nous souvenons des débats interminables que le sujet a suscités dans notre assemblée en 2010. C’était formidable ! Ce matin encore, l’un de nos collègues a démontré que, pour ce qui concerne les communes, la clause de compétence générale n’avait pas grand sens.

Immédiatement après, saisi d’effroi devant la liberté d’administration prétendument retrouvée des collectivités locales, on encadre les conférences territoriales de l’action publique dans le carcan étroit du pacte de gouvernance territoriale.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela a été supprimé !

M. Jean-Jacques Hyest. On avait rarement fait plus technocratique ! Je pense aux schémas territoriaux volontaires, mais en fait imposés – en Île-de-France, on connaît, on a le SDRIF, ce qui n’est déjà pas mal ! –, avec intervention des préfets de région à tout moment et évaluation par les chambres régionales des comptes.

Voilà pour le titre Ier du projet de loi, dont il ne reste, dans le texte de la commission, que la conférence territoriale de l’action publique, que j’estime utile. Il y avait d’ailleurs, et depuis longtemps, un consensus sur la coopération nécessaire entre les divers niveaux de collectivités.

Quant aux métropoles, il s’agit d’une nouveauté, même si leur création est permise par l’article72 de la Constitution, dans sa version, je le rappelle, du 28 mars 2003, dont la rédaction avait été très compliquée, certains voulant que toutes les collectivités fonctionnent suivant le même régime.

En Alsace, une tentative n’a pas abouti. Nous aurons désormais une métropole lyonnaise, collectivité locale se substituant non seulement au département, mais aussi, largement, aux communes ; une métropole Aix-Marseille, qui a, quoi qu’on en dise, sa logique de territoire et demeure un EPCI, et, enfin, la métropole parisienne, dont la gouvernance est pour le moins curieuse, avec un conseil métropolitain composé du maire de Paris et des présidents des intercommunalités obligées. Bel exemple de démocratie locale que cette superstructure et le schéma de coopération interdépartementale qui l’accompagne !

On oublie ainsi totalement que les départements de la grande couronne ont déjà élaboré leur schéma départemental de coopération intercommunale. Il va leur falloir recommencer le travail, six mois plus tard, alors qu’il avait été très difficile de fédérer les uns et les autres.

Le schéma départemental…Que n’ai-je entendu sur cette formule si critiquée de la loi de 2010, dont l’opposition de l’époque disait qu’elle accordait trop de pouvoirs aux préfets. J’en conclus qu’aujourd’hui les mêmes, cette fois dans la majorité, trouvent les préfets très bien ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours pensé : les préfets sont indispensables à notre société.

Bien sûr, le retard apporté au développement de la coopération entre Paris et les communes de l’unité urbaine nuit à l’aménagement du territoire de la métropole, cela fait longtemps qu’on le dit. Pour autant, celle-ci ne peut se développer contre la région. Telle qu’elle est bâtie, elle risque de faire des départements de la grande couronne des ensembles appauvris et sans avenir, surtout si l’on s’ingénie à les transformer en super-bureaux départementaux d’action sociale.

Reste le chapitre IV, qui concerne les métropoles : c’est un vocable magique, un titre que le moindre chef-lieu de département, voire d’arrondissement, aurait tendance à revendiquer. Sans remettre en cause l’existence des métropoles, prévue par la loi de 2010, évitons de les multiplier au-delà des cas de Lille et de Strasbourg, spécifiques en raison de l’environnement européen de ces villes, alors que la structure des communautés urbaines est adaptée à beaucoup de nos territoires.

Ces réformes partielles, dont le moins que l’on puisse en dire est qu’elles n’ont rien à voir avec un jardin à la française, ne constituent certes pas un « choc de simplification » ; elles accroissent au contraire la complexité de nos structures locales, au point que nos concitoyens risquent de ne plus rien y comprendre.

Mes chers collègues, je voudrais maintenant vous faire part d’observations plus générales.

Depuis quelques années, on assiste à une offensive permanente contre la commune et le département, échelons prétendument obsolètes. Ainsi, en particulier dans le rapport Attali, le rapport Balladur ou le rapport Jospin, seules apparaissent modernes les intercommunalités – qui sont en fait de plus en plus des « supracommunalités », et l’on nous invite à aller encore plus loin –…

M. Ronan Dantec. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest. … et, jusqu’à aujourd’hui, les régions. On assiste à une asphyxie des départements sous la charge croissante de leurs dépenses d’aide sociale, non compensées, et il est proposé de transférer aux métropoles l’essentiel des compétences communales. On attend la suite annoncée…

Dans nos campagnes, chacun fait l’éloge de la commune, berceau de la démocratie locale, mais on la cantonne, comme le département, « dans la gestion de la vie quotidienne et l’organisation des services de proximité », pour reprendre les termes d’un rapport de l’Assemblée des communautés de France. (Mlle Sophie Joissains applaudit.) Demain, en créant de nouvelles collectivités locales, on complexifiera encore le millefeuille territorial, coûteux en moyens et en efficacité.

La réforme de 2010, que j’ai soutenue, était une tentative courageuse pour apporter une réponse nouvelle. Vous n’en avez pas voulu, certains d’entre vous souhaitant maintenir les baronnies qui se sont constituées au fil des temps, avec leur cortège de petites prébendes, d’obligés et de dépenses somptuaires. Pensons aux hôtels que se sont fait construire certaines collectivités !

Pourtant, on nous dit que les collectivités locales doivent contribuer au redressement financier de notre pays. Nous ne voyons pas la logique de ce projet, bien éloigné de l’engagement du Président de la République de conclure « un pacte de confiance et de solidarité […] entre l’État et les collectivités garantissant le maintien des dotations à leur niveau actuel ».

J’approuve certaines dispositions du projet de loi, notamment la création de la métropole lyonnaise, qui peut être un modèle. Cependant, même amendé, ce texte ne me paraît pas répondre à l’objectif affiché d’une véritable modernisation de l’action publique. Je le regrette profondément et j’ai vraiment le sentiment que nous perdons notre temps. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Selon vous, mesdames les ministres, ce texte constitue l’acte I d’un projet et non l’acte III de la décentralisation. Nous attendons beaucoup de ce projet, qui comprendra, je l’espère, une réforme profonde, moderne et juste de la fiscalité locale.

Quelle est l’origine de ce premier texte ? Elle se trouve dans l’engagement pris par le candidat à la présidence de la République François Hollande de conduire une « nouvelle étape de la décentralisation », assortie de la conclusion d’un « pacte de confiance et de solidarité ».

Lors des états généraux de la démocratie territoriale, le Président de la République a assigné deux objectifs à ce pacte, la relance de la croissance et le rétablissement des comptes publics, en prenant soin de préciser que les collectivités territoriales étaient aussi concernées.

Il s’agit aussi d’une nouvelle étape parce que le paysage territorial a changé.

J’ai beaucoup regretté que, au cours des années passées, la polémique et les préjugés l’aient emporté sur la prise en considération de la réalité. La coopération intercommunale a connu une formidable avancée, même si quelques régions sont encore en retard.

Monsieur Vandierendonck, vous avez eu raison de souligner, à la page 17 de votre rapport, l’excellence et l’expertise de la fonction publique territoriale, qui n’a aucun complexe d’infériorité à nourrir à l’égard d’autres fonctions publiques.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Edmond Hervé. Il faut avoir à l’esprit que, en vingt ans, la part des collectivités territoriales dans le produit intérieur brut a doublé, tout comme le montant de leurs investissements. Rappelons également que, au cours de ces dernières années, l’État s’est affaibli, devenant « distant » et parfois « incertain ».

Il s’agit d’une nouvelle étape, enfin, parce que le rôle de l’État a changé. L’État dispose de la « compétence de la compétence », est le garant du pacte républicain, mais toutes les politiques publiques sont nécessairement partenariales. Vous n’y changerez rien !

En outre, l’État, ne vous en déplaise, n’a plus le monopole de la promotion de l’intérêt général, de la coordination et de la régulation, auxquelles participent nos collectivités territoriales, quelles qu’elles soient.

Quels sont les principaux choix politiques et institutionnels qui découlent de notre analyse ?

Tout d’abord, une première évidence s’impose : celle de la solidarité entre l'État et les collectivités territoriales, ainsi qu’entre les collectivités territoriales elles-mêmes. C'est dans le cadre de cette solidarité que nous devons apprendre à conjuguer la libre administration et l'autonomie juridique, financière et fiscale. Par ailleurs, nous sommes liés par la discipline européenne, et le temps est révolu où l'on pouvait distinguer, au sein de notre système financier public, la composante « État », la composante « collectivités territoriales » et la composante « organismes sociaux ». Nous sommes liés par d’évidentes solidarités et nous avons à bâtir un nouvel ordre financier et fiscal public.

Je voudrais insister sur une seconde évidence, qui n'est à mon sens pas suffisamment présente dans nos réflexions : nous avons un vaste territoire, faiblement peuplé, avec des densités régionales tout à fait variables. La France ne compte que quatre aires urbaines « millionnaires » : Paris, Lyon, Marseille et Lille. Les causes de cette situation sont très simples : au XIXe siècle, notre pays a pris un très grand retard, en matière d’industrialisation, par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni, retard qui s'est répercuté sur la formation des villes. Le fait communal est une autre particularité de la France, que nous ne saurions nier. Évitons d’importer des modèles qui ne correspondent ni à notre géographie ni à notre culture !

Quelles propositions pouvons-nous formuler ? Certaines d’entre elles se retrouvent dans les travaux de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont je suis heureux de saluer les présidents successifs, tout spécialement Mme Gouraud.

Dans son rapport de synthèse, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation consacre plusieurs pages aux métropoles. Elle se réfère à la loi du 16 décembre 2010, ainsi qu’aux travaux du professeur Christian Saint-Étienne, qui rappelle que « l’institutionnel ne doit pas primer sur le fonctionnel et le stratégique ».

Dans un rapport d’information fait au nom de la délégation et daté du 28 juin 2011, je suggérais de conjuguer des critères quantitatifs et qualitatifs pour définir les métropoles. C’est donc sans surprise que la délégation propose de réexaminer les critères de création des métropoles.

Si l’on ne gouverne pas une société par décrets, il ne suffit pas d’un statut pour consacrer une influence, un rang éventuel. Nous savons tous que l’économie d’une région, la cohésion d’un département sont profondément liées à l’existence d’une métropole active ; vouloir opposer régions, départements, métropoles et communes n’a aucun sens.

Je reconnais la nécessité, pour notre pays, de compter de grandes agglomérations. Paris, Lyon, Marseille sont des atouts incontestables, qu’il nous faut enrichir, mais ces agglomérations ne résument pas, à elles seules, le fait métropolitain français qui, bien évidemment, ne se confond pas avec le fait urbain.

Mes chers collègues, nous devons également nous dégager d’un certain jacobinisme qui hiérarchise nos territoires, les classe, les oppose sans tenir compte de leurs qualités particulières, de leur gouvernance. C'est un héritage dont il faut nous défaire. L’avenir est aux réseaux, aux filières, à la coopération, à la territorialisation.

Concernant la clarification des compétences, nous devons privilégier le principe des compétences obligatoires partageables par accord contractuel. Aucun juriste n’est capable, aujourd'hui, de définir de manière pragmatique la notion de bloc de compétences. Cela n'existe pas ! (M. Bernard Cazeau applaudit.) C'est la raison pour laquelle je suis très attaché à la notion de compétences obligatoires.

Pour prendre le cas de la région, chacun conviendra qu’elle a une responsabilité économique ; elle ne peut cependant l’exercer sans lien avec les départements, qui sont compétents en matière d'insertion sociale, ou avec les métropoles, les bassins de vie, les intercommunalités… L’exercice d’une compétence passe par des contrats, des conventions de site liant les différents acteurs. Si l'on veut que les différents schémas de la région, du département ou de l’intercommunalité aient une valeur prescriptive, ils doivent être fondés sur un minimum de concertation et de contractualisation.

Je suis très heureux que la définition du chef de file ait été rectifiée grâce à votre éclairage, monsieur le rapporteur, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le chef de file ne décide pas, il n’ordonne pas : il organise, il met en rapport.

Madame Lebranchu, vous avez souligné à juste titre que le problème essentiel de notre administration, aujourd'hui, c'est celui de la transversalité, et non pas celui de la hiérarchie !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Edmond Hervé. Lors de la réforme de 1982-1983, nous avons modifié le statut préfectoral. La transversalité est nécessaire, fondamentale. Qui peut l’assurer ? Les grands exécutifs, quels qu'ils soient, en s'appuyant sur la concertation et la coordination.

Nous sommes tous d'accord pour dire que notre territoire est différencié. Il faut assumer ces différences, tout en respectant nos grands principes constitutionnels. Cela appelle l'expérimentation, l'adaptation aux réalités locales : l'indivisibilité n'implique pas l'uniformité.

Enfin, permettez-moi d’évoquer un passage du rapport de notre collègue Jean Germain aux termes duquel, financièrement, eu égard à la conjoncture, il n’est pas de bonne politique d’allouer des subsides aux métropoles au détriment des autres collectivités, tout spécialement des départements et des communes. (Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC et de l’UMP.)

En conclusion, madame la ministre, je voudrais saluer la démarche de M. le Premier ministre, qui a mis en place par anticipation, le 12 mars dernier, une préfiguration du Haut Conseil des territoires. Six chantiers ont été identifiés ; je souhaite que le Sénat soit régulièrement informé des travaux de cet organisme.

Monsieur Vandierendonck, vous avez évoqué la grande course cycliste Paris-Roubaix : je souhaite qu’il n’y ait pas de faux départ, que le carrefour de l’Arbre et la tranchée d’Arenberg puissent être franchis rapidement et dans de bonnes conditions, que chacun se retrouve dans les vestiaires avec sa plaque. (Sourires.) Madame Lebranchu, permettez-moi de vous rappeler que l’un des plus beaux vainqueurs du Paris-Roubaix fut un breton, Bernard Hinault ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voudrais évoquer le sort particulier réservé, dans ce projet de loi, à mon département et à Marseille.

Les Bouches-du-Rhône sont coupées en deux avec, à l’ouest, une population d’environ 150 000 personnes vivant sur des territoires essentiellement ruraux, et, à l’est, des territoires industrialisés à forte densité urbaine que le texte prévoit de regrouper autoritairement au sein d’une métropole à qui l’on assigne comme priorité essentielle de faire entrer dans l’ère de la compétitivité ses entreprises et quelque 1,7 million d’habitants. Faire concurrence à Gênes et à Barcelone, tel est le cap, telle est l’ambition.

Pour mettre fin aux trafics qui trop souvent s’accompagnent de sanglants règlements de comptes : la métropole ! Pour circuler rapidement et confortablement d’un bout à l’autre du département : la métropole ! Pour permettre le développement de l’université : la métropole ! Pour assurer le développement du grand port maritime : la métropole ! Pour favoriser l’essor industriel : la métropole ! Cela paraît simple, mais le simplisme du raisonnement est assez confondant pour qui a pris le temps de la réflexion, pour qui a échangé avec les acteurs sociaux des quartiers, les syndicalistes des entreprises en lutte, les acteurs du monde économique, les élus, celles et ceux qui se battent pour faire de ce territoire un espace vivant, un espace commun à l’échelle de sa population.

Le désengagement flagrant de l’État s’agissant du port et de ses infrastructures, les abandons des années soixante-dix en termes de création de filières industrielles à partir de la sidérurgie et de la chimie du pétrole, l’inadaptation aux usages contemporains d’un réseau ferré à bout de souffle, alors que notre territoire se situe au carrefour de flux européens en constante augmentation : là sont les causes premières des difficultés que nous traversons actuellement.

Les résistances à ce projet de loi qui s’expriment aujourd’hui et que le Gouvernement dénigre en les apparentant à des réactions épidermiques de caciques locaux plus préoccupés de clientélisme que de l’intérêt général traversent tout l’échiquier politique : elles rassemblent 109 maires sur 119, la majorité des exécutifs communautaires, des sénateurs et, sans doute, des députés ; elles reflètent les inquiétudes de nos populations, qui, sur le fond, voient se profiler un monstre administratif et technocratique, et, sur la forme, constatent la négation de la démocratie, de la citoyenneté se construisant dans chacun des territoires de notre département.

Chacun sait bien que le mode d’élection au sein de la métropole, même s’il respecte le principe de la représentation des communes, aboutira à la formation d’un « gouvernement » de gestionnaires, dans la mesure où les membres de l’organe délibérant seront élus non pas sur un programme, un projet, mais au travers d’un fléchage lors des élections municipales. Il n’y aura pas de débat sur les orientations de la métropole, et donc pas d’appropriation citoyenne des grandes décisions à prendre à l’échelle de ce territoire ; il y aura seulement des conseils de territoire, dont le rôle consultatif laisse assez facilement augurer que, au final, tout se décidera ailleurs qu’à l’échelon des communes.

Marseille, la deuxième ville de France, cette ville sans banlieue que tout le monde plaint pour l’extrême pauvreté de ses quartiers populaires, mais dont on ne dit pas assez que s’y développe aussi la richesse la plus opulente. Voilà deux ans, La Provence classait déjà Marseille au quatrième rang des communes où vivent les Français les plus fortunés, derrière Lyon, mais devant Nice. Je ne pense pas que les choses aient évolué depuis.

Attaquons-nous à la répartition des richesses créées dans ce pays, à Marseille comme à Aix-en-Provence et dans tout le département. Travaillons avec l’ensemble des collectivités à partir des communes, liées par des coopérations mutuellement avantageuses, choisies. La liste est longue de ce qui peut être fait en commun si les incitations financières de l’État remplacent l’autoritarisme administratif qui, jusqu’à aujourd’hui, a tenu lieu de ligne directrice. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Roland Povinelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi, le premier d’une trilogie, n’est pas l’acte III de la décentralisation. Le Gouvernement l’a reconnu avec une lucidité que je salue. Le groupe centriste ne peut que regretter cette orientation : ayant toujours été favorables à un approfondissement de la décentralisation, nous restons sur notre faim.

Mesdames les ministres, vous avez des circonstances atténuantes. L’exercice est risqué : simplifier, clarifier en matière de décentralisation, c’est bien sûr arbitrer. Il fallait pour cela partir d’une vision nouvelle de notre organisation territoriale et faire évoluer notre système en fonction de celle-ci.

Il faut dire à votre décharge, mesdames les ministres, que vous n’aviez pas une feuille de route bien claire. La clôture par le Président de la République des états généraux de la démocratie territoriale organisés par la Haute Assemblée fut l’occasion d’une synthèse certes brillante, mais inopérante.

À trop vouloir concilier les points de vue, on finit par perdre le cap : ce qui manque à votre projet de loi, c’est sans doute une ligne directrice. Chacun peut y trouver ce qu’il veut, personne n’est réellement enthousiaste et, au final, beaucoup sont insatisfaits. Nous verrons si la discussion permet d’améliorer le texte.

Le débat sur la décentralisation soulève des questions récurrentes. La place des communes peut paraître remise en cause par le rôle grandissant des intercommunalités. Nous voulons réaffirmer notre attachement au couple commune-intercommunalité, conçu comme un moyen de souveraineté pour la commune.

Le rôle du département est, quant à lui, mis en question depuis plusieurs années en raison de la métropolisation et de la montée en puissance des régions. Il l’est à juste titre, de mon point de vue, pour les zones urbaines, tandis que, au contraire, le département joue un rôle majeur dans les zones rurales et est un facteur de cohésion et de solidarité territoriale. On s’interroge de toute façon partout sur la place des départements, du fait du poids des prestations sociales.

Le deuxième mouvement majeur est la baisse de l’ensemble des dotations publiques aux collectivités locales, qui s’accentuera encore dans les prochaines années, en raison des décisions récemment annoncées. Cela nous oblige à faire évoluer notre organisation territoriale et à avoir quelques idées claires.

Vous serez confrontées à un choix, notamment en zones urbaines. À Lyon, le choix est fait… par les élus. En Île-de-France, il n’y a pas aujourd’hui de vision partagée, et vous contournez le problème. En province, vous laissez les élus démêler la contractualisation entre métropoles et départements ; c’est sans doute un moindre mal.

Chacun peut trouver, dans ce texte compliqué, foisonnant, souvent bavard, quelques motifs de satisfaction et des motifs de mécontentement, plus nombreux à ce stade.

Au titre des motifs de satisfaction, je relèverai la structuration de la métropole lyonnaise et la reconnaissance du fait métropolitain, même si le terme de métropole reste ambigu dans le projet de loi, comme l’a souligné ce matin notre collègue Jacqueline Gourault. Il recouvre en effet trois réalités : une collectivité territoriale de plein exercice à Lyon, un EPCI en province et, curieusement, un syndicat mixte à Paris. Cette réalité polymorphe sur le plan juridique n’empêche pas de constater l’envie de métropole chez les élus, pour qui elle constitue une reconnaissance de leur territoire, et chez les habitants, pour qui elle signifie, à terme, plus de services. À notre sens, l’organisation des territoires en métropoles conçues comme pôles de développement est un facteur de croissance économique. Il faut aussi organiser la solidarité entre les métropoles, d’une part, et le monde rural et périurbain, d’autre part.

Au titre des motifs de mécontentement, je soulignerai la multiplication des instances et des schémas à travers les conférences territoriales de l’action publique. Elle conduit à complexifier l’action publique territoriale à tous les niveaux. Cette voie, certes diplomatique et conventionnelle, mais floue, va rendre encore plus difficile la prise de décision à tous les niveaux, avec un risque d’embouteillage, voire de contentieux. Elle va également rendre plus illisibles, pour nos concitoyens, les politiques conduites par les collectivités. Saluons toutefois les efforts de la commission des lois, de son président, de son rapporteur et de l’ensemble de ses membres, pour apporter de la clarté à ce texte.

Le rétablissement de la clause de compétence générale pour les départements et les régions est emblématique de ce refus de clarifier les compétences des collectivités. Convenons que le débat est un peu théorique.

Rétablir la clause de compétence générale est une concession symbolique : elle fait plaisir aux élus, mais, bien souvent, elle sera sans effet, car la réalité des finances locales fait que les collectivités ne pourront plus agir au-delà des compétences obligatoires qui sont les leurs. D’ailleurs, notre collègue Hervé Maurey proposera de maintenir la suppression de la clause de compétence générale, qui était une première étape dans la simplification et la clarification.

Le « chef de filat », me direz-vous, se veut un début de clarification des politiques locales. Il peut aboutir à un fatras, avec, au surplus, un risque de mise en place d’un tutorat de certaines collectivités sur d’autres. Encore la commission des lois a-t-elle, avec brio, évité le pire à cet égard ! Félicitons-la aussi d’avoir supprimé le pacte de gouvernance territoriale, trop complexe, et son corollaire, l’abominable sanction financière pour les collectivités non signataires de ce pacte.

J’en viens maintenant au cas de l’Île-de-France. Cependant, avant d’arriver à Paris, il faut passer par Lyon et le département du Rhône.

M. Jean-Claude Gaudin. Il y a le TGV ! (Sourires.)

M. Vincent Capo-Canellas. Il nous faut saluer la hauteur de vues de Michel Mercier, alors président du conseil général du Rhône, et de Gérard Collomb, maire de Lyon et président du Grand Lyon, qui ont su proposer une vraie clarification et une simplification, avec la création d’une collectivité territoriale nouvelle, aux compétences étendues et clairement définies. Dans le Rhône et à Lyon, de vrais choix ont été faits !

Clarté et efficacité sur les bords du Rhône et de la Saône, mesdames les ministres, nébulosité et inefficacité sur les rives de la Seine : telle est la réalité.

Le projet de métropole en Île-de-France n’est pas inspiré, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y a d’abord une erreur de méthode manifeste : Paris Métropole ne pouvait être la pythie espérée. Il y a aussi, sans doute, un problème de leadership : ni le maire de Paris ni le président de la région n’ont pu ou su proposer un schéma novateur qui puisse répondre aux attentes des Franciliens. En effet, il existe, en Île-de-France plus qu’ailleurs, l’envie et le besoin d’une métropole et d’une gouvernance renouvelée.

L’Île-de-France crève de l’inefficacité et de l’empilement des structures. Pourtant, il y avait une source d’inspiration : le Grand Paris. Cette inspiration, on la retrouve d’ailleurs à certains égards, malgré les clivages, dans la version finale du prochain schéma directeur, qui reprend en partie la vision d’un Grand Paris métropole mondiale. Si nous ne partons pas d’une vision, nous ne parviendrons jamais à régler les problèmes institutionnels de l’intercommunalité en Île-de-France.

Curieusement, quand nous parlons de la métropole francilienne, le Gouvernement déconnecte l’organisation institutionnelle du projet d’ensemble du Grand Paris ; du moins en donne-t-il le sentiment. Ce mal est sans doute celui de l’administration qui, dans son ensemble, considère trop souvent que l’intercommunalité en Île-de-France est une chose et que le Grand Paris en est une autre.

La construction du Grand Paris en Île-de-France doit évidemment s’appuyer sur l’intercommunalité, en partant de la vision proposée par les architectes, du tracé du réseau du Grand Paris Express et des contrats de développement territorial qui sont en cours de négociation. Même le schéma directeur de la région d’Île-de-France en prend acte : il est parlant que le projet de loi n’en fasse pas mention.

Cela étant, nous avons pris collectivement, me semble-t-il, le problème par le mauvais bout.

Tout d’abord, on a voulu imposer une toise à 300 000 habitants pour le développement de l’intercommunalité – la commission propose de la ramener à 200 000 habitants –, ce qui est vécu comme une perte de proximité et une régression démocratique.

Ensuite, vous proposez d’ajouter une couche supplémentaire au millefeuille territorial, ce qui n’est pas acceptable. Vincent Delahaye interviendra sur ce sujet.

Enfin, vous n’accordez pas à Paris Métropole, qui serait un syndicat mixte, les compétences de base que vous attribuez aux collectivités et aux métropoles d’équilibre. Je veux dire mon désaccord avec l’idée de centrer Paris Métropole sur le logement : cela peut être une finalité à terme, mais non un point de départ. Les maires le vivent comme un dessaisissement. Je ne vois pas ce qu’apportera cette complexification supplémentaire.

En ce qui concerne la question du périmètre, deux visions existent, entre lesquelles il faut maintenant trancher.

Tout d’abord, si l’on retient l’aire urbaine de Paris comme périmètre de la métropole, on se condamne en réalité à reprendre le périmètre de la région d’Île-de-France, puisque 95 % de la population de cette dernière y vit.

Le second schéma, que Philippe Dallier exposera avec le talent qu’on lui connaît, commence un peu à dater.

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas ma faute ! (Sourires.)

M. Vincent Capo-Canellas. Il consiste à inclure dans le périmètre Paris et la petite couronne, la métropole remplaçant les départements.

En conclusion, la proposition de la commission des lois nous paraît plus réaliste que celle du Gouvernement. En ce qui concerne l’Île-de-France, le texte fait fausse route : il faut repartir de zéro. En revanche, les métropoles d’équilibre représentent une avancée que l’on peut saluer. En résumé, nous devons modifier ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je commencerai par le commencement, c’est-à-dire par le projet du Gouvernement, produit d’une gestation difficile : il n’en existe pas moins de trois versions connues, la dernière tronçonnée en trois parties, ce qui ne facilite pas vraiment l’acquisition d’une vue d’ensemble, si tant est que celle-ci soit possible.

En outre, le nombre d’articles du projet de loi est passé de 79 à 145 et il n’est plus question de décentralisation. À la place, on nous propose un projet managérial de réorganisation de l’usine administrative, dans l’air du temps libéral mais à mille lieues de l’esprit des lois de 1982 et de 1983, un projet politique celui-là, donnant le pouvoir aux élus pour dynamiser le pays : c’est ce qui s’est passé, les collectivités territoriales assurant progressivement entre 70 % et 75 % de l’investissement public, en maintenant leur endettement au-dessous de 10 % du PIB ; qui dit mieux ? Aujourd’hui, c’est en les empêchant d’agir qu’on entend les rendre plus performantes ! La France d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, nous a-t-on dit : on s’en aperçoit tous les jours…

Tout avait pourtant commencé dans l’enthousiasme des états généraux de la démocratie territoriale, précédés de réunions départementales et conclus dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Pour le millier d’élus locaux présents, la première attente était d’être reconnus, autrement dit de voir remplacer le catalogue disparate des dispositions supposées faciliter l’exercice des mandats locaux par un authentique statut de l’élu territorial. Si j’ai bien compris, c’est pour bientôt !

Les élus locaux attendent également toujours des réponses à leurs deux principales préoccupations : pouvoir boucler leurs budgets quand ressources et charges évoluent en sens inverse, d’une part, se dépêtrer des contraintes bureaucratiques qui, loi après loi, décret après décret, arrêté après arrêté, circulaire après circulaire, les ligotent. Le pacte de gouvernance territoriale, qui en remet une couche, va certainement les combler ! Mais, là aussi, le choc de simplification, c’est pour bientôt…

Ce qu’attendent vraiment les élus locaux, c’est toujours pour bientôt ! (M. Roger Karoutchi rit.) L’urgence est ailleurs : communiquer et répondre aux préoccupations des oligarques de Bruxelles, du FMI, des fondations politiques, des lobbies, que sais-je encore… Ah oui, j’oubliais l’OCDE, dont le dernier rapport annuel sur la France vaut le détour. Je vous en cite un passage : « Simplifier la structure des administrations infranationales, notamment en fusionnant les plus petites des 36 700 communes et en supprimant les départements, engendrerait des économies d’échelle substantielles. » Supprimer l’OCDE permettrait également de faire des économies ! (Rires.)

Selon l’exposé des motifs du projet de loi, l’objet de celui-ci est de faire « participer [les collectivités] à l’effort de redressement des finances publiques pour assurer notre souveraineté budgétaire ». Assurer notre souveraineté budgétaire aujourd’hui, sauver notre triple A hier : il n’y a pas vraiment de changement !

Comment concentrer la richesse et du pouvoir dans une quinzaine de zones urbaines et paralyser le reste du territoire, le tout étant placé sous surveillance des chambres des comptes, permettra-t-il d’améliorer la compétitivité du pays, sa balance commerciale, de doper son taux de croissance, de faire diminuer le chômage ? Personnellement, je ne vois pas.

En attendant, le message est clair : l’État étant endetté, ses caisses vidées, les collectivités territoriales doivent moins dépenser pour être à même de se passer de son aide et se désendetter pour sauver la face à Bruxelles et à Berlin.

Pour atteindre ces objectifs, il existe une méthode éprouvée.

Premièrement, il faut réduire l’autonomie fiscale des collectivités et le dynamisme de leurs ressources. Tel fut l’objet de la réforme du précédent quinquennat, sur laquelle il ne semble pas que l’on veuille revenir.

Deuxièmement, il faut réduire l’autonomie des plus petites collectivités en leur retirant leurs compétences essentielles – notamment en matière d’urbanisation – au profit d’intercommunalités vastes et le plus intégrées possible. C’est l’objet du projet de loi de développement des solidarités territoriales que nous examinerons bientôt et, à un moindre degré, de celui que nous discutons aujourd’hui.

Troisièmement, il faut pousser à la concentration de la richesse dans les territoires les plus riches, évidemment les plus densément peuplés, pour doper leur « compétitivité », en espérant, selon le crédo libéral, voir « ruisseler » la richesse ainsi produite à leur périphérie. Tel est l’objectif visé par la multiplication des métropoles, lesquelles concentreront l’essentiel des ressources de leur département et réduiront d’autant ses potentialités péréquatrices – ce qui aura également des effets sur les régions –, sans parler de la ponction de 32 millions d’euros ainsi opérée sur la dotation d’intercommunalité. Mais ne soyons pas mesquins !

Quatrièmement, il faut enserrer les acteurs publics dans une série de contraintes qu’ils auront eux-mêmes négociées et acceptées : l’organisation de la servitude volontaire, en quelque sorte. C’est le rôle du pacte de gouvernance territoriale décliné en couches de schémas, toile d’araignée dont les moucherons communaux ne pourront s’échapper, sauf à renoncer à tout soutien financier extérieur. Le mandat régional suffira à peine à l’élaboration d’un pacte qui, à peine bouclé, devra être révisé !

Cinquièmement, il faut mettre ces acteurs sous contrôle de juridictions financières, prétendument indépendantes, c’est-à-dire non élues et responsables devant personne. Je vous renvoie aux articles 5 et 8 du présent projet de loi, ainsi qu’à l’article 18 du projet de loi relatif au développement des solidarités territoriales.

Lors de votre audition au Sénat, madame la ministre, vous nous avez dit que le premier objectif de la réforme était de « rétablir la confiance entre les élus et l’État », le deuxième de « clarifier l’organisation territoriale et les tâches de chacun », le troisième de « renforcer la démocratie locale ».

Drôle de façon de rétablir la confiance que de placer les élus sous surveillance, étrange manière de clarifier en organisant l’auto-paralysie des élus ! Quant au renforcement de la démocratie locale, nous y reviendrons le moment venu.

Je me félicite donc que notre commission des lois ait suivi son rapporteur, René Vandierendonck, qui a pris l’initiative courageuse de revisiter le texte. Il n’est pas si fréquent de voir le Parlement se souvenir que, même sous la Ve République, il n’est pas obligé d’avaliser tout ce qu’on lui transmet.

Directement inspiré des travaux de la mission Belot et des conclusions du rapport d’information Krattinger-Gourault qui en est issu, le texte de notre commission, en supprimant les dispositions du projet de loi les plus attentatoires à l’esprit de la décentralisation, crée les conditions d’un accord du Sénat sur l’essentiel, comme cela avait été le cas de la mission Belot. L’esprit de la décentralisation, c’est la liberté.

La servitude volontaire, sous la pression de la pénurie et sous surveillance de hauts fonctionnaires spécialisés, n’est pas la liberté. Que ceux qui en doutent considèrent seulement comment l’Europe s’est auto-paralysée par sa camisole de traités dont, depuis plus de vingt ans, on attend en vain un miracle économique.

Sans aller aussi loin, on peut évoquer l’inconscience avec laquelle le Sénat lui-même a soumis notre droit d’amendement et le pouvoir d’examen de ses commissions à l’arbitraire du président de la commission des finances, désigné pontife infaillible de l’article 40 de la Constitution ! Jacques Mézard l’a rappelé ce matin.

Des suppressions ont été opérées par la commission, qui concernent le pacte de gouvernance territoriale, la tutelle des préfets, des chambres régionales des comptes et, d’une certaine façon, de la région sur l’action des autres collectivités, le transfert automatique des compétences des départements aux métropoles en cas de désaccord prolongé.

Restent évidemment nombre de points encore loin de faire consensus et aussi importants que le choix de certains chefs de file, la définition des compétences des métropoles, l’organisation et le nombre de celles-ci.

Manquent enfin des outils permettant aux territoires, qu’ils soient très urbanisés ou ruraux, de s’organiser en réseau d’acteurs sur un vaste territoire, éventuellement discontinu. Ce sera l’objet de cette première lecture.

Madame la ministre, j’ai lu quelque part que vous vous prépariez à un « bras de fer avec le Sénat ».

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. Pierre-Yves Collombat. Si c’est vrai, c’est dommage : obtenir un accord avec l’assemblée qui représente les collectivités territoriales serait certainement la meilleure marque de confiance envoyée aux territoires.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Pierre-Yves Collombat. Rendez-vous compte : une réforme qui ne compliquerait pas la vie des élus locaux, dont dépend tout de même la dynamique de nos collectivités, mais qui au contraire la simplifierait ! Ce serait une nouveauté absolue, un rêve ! Alors rêvons, puisque nous en avons encore le temps… (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, quelle occasion manquée ! En effet, à l’heure de débuter l’examen d’un ensemble de projets de loi qui devait décliner un nouvel élan décentralisateur dans notre pays, force est de constater la faiblesse du projet qui nous est soumis. Croyez-moi, pour avoir suivi l’élaboration de ce ou ces textes depuis des mois, je suis évidemment très déçu de devoir introduire ainsi mon propos.

Le constat est sévère, mais il découle d’abord de l’importance que nous accordons à l’enjeu. Dans un pays qui doute de lui-même, cette grande loi, ce possible acte III de la décentralisation que nous appelions de nos vœux devait affirmer notre capacité à libérer les énergies, à renforcer l’efficacité d’une action publique et collective qui est le socle de la réponse que nous devons apporter aux crises actuelles et, surtout, à conforter la solidarité territoriale, exigence majeure du temps.

Cet élan ne s’exprime guère dans cette première mouture d’un projet de loi qui illustre surtout la difficulté de moderniser notre pays, la force des patriotismes d’organisation et un conservatisme frileux devant toute offre de réforme.

Ce réquisitoire, mesdames les ministres, ne vous est pas personnellement adressé, et nous savons l’énergie que vous avez déployée pour tenter de trouver un accord et une majorité au-delà des très petits dénominateurs communs. Non, il s’adresse à tous, à des réseaux d’élus qui n’ont eu de cesse de défendre leur pré carré, et plus globalement à une société française qui ne s’est pas assez saisie de l’enjeu et qui a d’abord exprimé des craintes, par ailleurs légitimes, comme celle de voir les territoires les moins forts être encore plus fragilisés. C’est notamment ainsi que nous pouvons analyser le résultat négatif du référendum alsacien, que nous déplorons.

Face à ces craintes, pouvant se traduire par un repli nostalgique sur les organisations territoriales les plus anciennes et les plus rassurantes, car les plus connues et pratiquées, il nous fallait, il nous faut toujours promouvoir une vision d’avenir lisible quant aux compétences et ambitieuse quant aux objectifs. Nous avons encore quelques jours devant nous pour accomplir cette tâche !

Le « saucissonnage » de l’élaboration de la loi en trois périodes très éloignées dans le temps n’aide évidemment pas, c’est peu de le dire. Commencer par un chapitre consacré aux métropoles est très dangereux : nous estimons toujours que le couple région-métropole aurait, à tout le moins, dû être étudié comme un ensemble. Madame la ministre, pour reprendre votre belle phrase de ce matin, il fallait éviter de laisser croire que nous étions dans la métropolisation de la stratégie de Lisbonne.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Ronan Dantec. Si nous soutenons la reconnaissance du fait urbain à travers l’attribution de compétences nouvelles, ce qui inclut la prise en compte des nouveaux enjeux environnementaux – nous y reviendrons –, cette absence de renforcement conjoint des capacités de planification et d’aménagement du territoire régional, d’une part, et des dynamiques urbaines, de l’autre, amoindrit la force politique du texte et affaiblit encore la confiance de nos concitoyens.

Ne nourrissons pas les votes de repli ! La loi doit expliquer comment nous renforçons un aménagement équilibré du territoire. À ce propos, un de nos amendements, relatif aux pôles métropolitains, tend à affirmer que les métropoles doivent s’engager dans un nouveau dialogue avec les territoires environnants, qu’elles doivent notamment, en coordination avec des régions qui, demain, assumeront des compétences économiques encore plus fortes, jouer la carte du développement des villes moyennes. Ces dernières détiennent pour partie les clefs de leur propre avenir, en tant qu’alternative à un modèle de concentration dont les limites se mesurent à l’aune de l’extension de l’étalement urbain.

Concernant les enjeux environnementaux, que vous avez évoqués dans votre propos liminaire, madame la ministre, parmi les responsabilités fortes qui incombent aujourd’hui aux collectivités territoriales, nous insistons sur le nécessaire renforcement de leurs compétences en la matière, ce qui doit aboutir à la désignation claire dans ce texte de chefs de filat. Plusieurs de nos amendements vont dans ce sens.

Dans mon introduction, j’ai été assez sévère quant à la difficulté éprouvée par les réseaux de collectivités territoriales pour dépasser leurs patriotismes d’organisation. Néanmoins, leur attitude ne se résume pas à ces blocages : nos collectivités sont également capables de se coordonner dans un intérêt général partagé. Je serais assez mal placé pour affirmer l’inverse !

Ainsi, dans le cadre du débat sur la transition énergétique, les collectivités ont pris l’habitude de travailler ensemble et de défendre des propositions discutées en commun. Ce travail a abouti à des mentions consensuelles dans le rapport final du groupe de travail sur la gouvernance réuni dans le cadre du grand débat sur la transition énergétique.

Il appartiendra évidemment au projet de loi relatif à la transition énergétique, porté par Delphine Batho, de tracer un cadre cohérent et complet en la matière. (Mme la ministre acquiesce.) Cependant, il serait tout de même illogique et incompréhensible que le texte discuté aujourd’hui, qui affirme le fait urbain, ne comporte pas de dispositions permettant aux grandes villes de prendre toute leur part dans la transition énergétique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Exact !

M. Ronan Dantec. Mes chers collègues, en six minutes, il m’est impossible d’évoquer la totalité des enjeux ; il est temps de conclure.

Nous avons insisté sur les extrêmes faiblesses du texte dont nous débattons, qui, sur certains points, nous semble même potentiellement en retrait après sa réécriture par la commission. Ce constat ne nous empêche pas de rendre hommage à l’important travail accompli par les rapporteurs et par M. Sueur.

L’idée initiale de mettre en place un pacte régional animé par le président de région, même si elle ne fait pas consensus dans cet hémicycle, nous semblait constituer une piste intéressante pour dépasser certains blocages. J’espère que nos débats nous permettront de revenir sur ce point.

Surtout, comme Hélène Lipietz l’a déjà fortement affirmé, sans élection directe ni processus démocratique, l’action des métropoles n’aura pas de légitimité. Le traitement de cette question déterminera le jugement que le groupe écologiste portera in fine sur le travail sénatorial sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles est évidemment très important pour l’évolution du fonctionnement des collectivités territoriales dans leur ensemble. Mais, pour Marseille, il est plus important encore.

J’ai l’honneur d’être le maire de la deuxième ville de France depuis dix-huit ans. Je connais donc non seulement les difficultés, mais aussi les potentialités extraordinaires de cette cité. Le statut de métropole peut et doit être une clef de son avenir et un levier essentiel pour son développement, en liaison étroite avec toutes les communes de son territoire.

Je voudrais énoncer aujourd’hui devant le Sénat trois affirmations simples.

Premièrement, s’agissant de la création de la métropole Aix-Marseille-Provence, le texte du Gouvernement, encore sensiblement amélioré par la commission des lois, s’inscrit dans une évolution naturelle.

Deuxièmement, il s’agit d’une démarche nécessaire, aussi bien pour Marseille que pour tout le territoire de l’agglomération. Ce processus n’enlèvera rien à personne et apportera beaucoup à tout le monde !

Troisièmement, même si ce projet de loi concernant l’évolution institutionnelle est très important, l’essentiel est au-delà : il est dans le projet métropolitain que ce texte permettra d’établir, d’affirmer et de développer dans les prochaines années et décennies.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Jean-Claude Gaudin. Cela étant, mesdames les ministres, il y a des conditions à respecter et, quant au présent texte, des modifications à discuter, des précisions à apporter.

Depuis vingt ans, les ferments de la cohérence métropolitaine se sont renforcés à partir du développement économique, de l’aménagement du cadre de vie, des dynamiques globales en matière de lutte contre le chômage, la pauvreté et l’exclusion.

Toutefois, Marseille et le territoire de son agglomération sont encore au milieu du gué et, on peut le dire, en retard par rapport aux dynamiques territoriales d’autres grandes villes françaises ou européennes. Il nous faut considérer à la fois l’exemple de Lyon et celui de Barcelone.

En effet, un retard initial n’a toujours pas été rattrapé. Il date de 1966, lorsque Marseille, sur la décision de son maire, n’est pas montée dans le premier train des communautés urbaines de France,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Claude Gaudin. … avec Lyon, Strasbourg, Lille et Bordeaux.

De ce fait, même si elle a développé d’importants projets à l’extérieur de ses frontières communales, notamment celui du port de Fos, Marseille est restée trop seule pour affronter les problèmes de ces cinquante dernières années : décolonisation, désindustrialisation, mondialisation.

Aussi, lorsque la loi de 1999, dite « loi Chevènement », a ouvert une nouvelle fenêtre – étroite mais opportune – pour monter dans le train des communautés urbaines, la majorité du conseil municipal et le maire de Marseille n’ont pas hésité à créer l’échelon intercommunal qui manquait. Toutefois, pour des raisons politiques et techniques, le territoire de cette intercommunalité n’a pas été aussi étendu qu’il aurait dû l’être.

Sur ce schéma territorial, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole s’est mise en place et s’est affirmée depuis treize ans, dans ses compétences et dans ses projets. Son bilan lui vaut d’être aujourd’hui devenue un échelon essentiel et à part entière de l’organisation territoriale. Elle a même résisté aux soubresauts d’une alternance démocratique qui avait été décidée non par le suffrage universel, mais par le conseil de communauté lui-même !

M. Jean-Claude Gaudin. En même temps, il était devenu évident, aux yeux de beaucoup, que la communauté urbaine, sous cette forme, n’était qu’une étape. J’en étais conscient, de même que le conseil municipal de Marseille, dans sa très grande majorité. C’est la raison pour laquelle, sur le fondement de la loi de 2010, celui-ci a voté, en juin 2011, la demande de principe de transformation de la communauté urbaine en métropole.

Toujours à la recherche du consensus, j’ai indiqué que le Gouvernement allait trop vite, trop fort, trop loin ! Notre communauté urbaine compte dix-huit communes, et on nous parle de passer à quatre-vingt-douze !

Cependant, je connais trop les conséquences et le prix de la lenteur administrative française pour craindre aujourd’hui les risques de l’accélération, même si la vitesse ne doit pas être la précipitation.

À ce sujet, le report de 2015 à 2016 de la mise en place de la métropole Aix-Marseille-Provence semble acquis : je m’en félicite. Le regroupement des six intercommunalités, soit quatre-vingt-douze communes et plus de 1,8 million d’habitants, est la réponse du Gouvernement concernant l’échelle de la métropole que nous devons construire, à condition que ce ne soit pas une structure supplémentaire venant s’ajouter au millefeuille administratif français.

En tout état de cause, un préalable doit être réaffirmé absolument : la prééminence des maires.

La métropole est un EPCI. Qui dit EPCI dit coopération intercommunale. Cela signifie que les maires sont la source de la légitimité démocratique,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Exactement !

M. Jean-Claude Gaudin. … qu’ils sont à la base et au cœur des processus décisionnels.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à garantir une véritable place aux maires au sein de la conférence métropolitaine, qui pourrait se voir doter de compétences déléguées par le conseil de métropole.

Par ailleurs, les maires devront garder un rôle pour tout ce qui touche au droit des sols et à l’aménagement, notamment au travers du plan local d’urbanisme, le PLU, et du programme local de l’habitat, le PLH. Mes chers collègues, nous avions réussi à dix-huit communes ; évidemment, à quatre-vingt-douze, c’est plus difficile, mais pourquoi n’espérerions-nous pas ?

Dans certaines présentations politiques et polémiques du projet, il est parfois prétendu que Marseille voudrait imposer sa domination et exporter ses problèmes, voire ses handicaps, sur l’ensemble du territoire. Rien n’est plus faux ! Marseille n’a aucune tentation hégémonique, de même qu’elle n’a aucune volonté de faire payer par les communes alentour ses projets et ses dépenses de fonctionnement.

D’ailleurs, il faudra m’expliquer pourquoi une ville qui a inversé la spirale du déclin, accueilli 80 000 nouveaux habitants, créé 40 000 nouveaux emplois et vu naître 20 000 entreprises supplémentaires depuis dix-huit ans ne serait pas digne et capable de s’asseoir à la même table que les autres villes de son agglomération ! Sa gestion, rigoureuse et honnête, est reconnue par les agences de notation. Marseille a stabilisé sa dette par habitant et l’effort fiscal a été consacré à l’investissement. Elle n’a pas de leçon à recevoir, pas plus qu’elle n’en donne à quiconque.

Le résultat est là : depuis vingt ans, Marseille est dans une dynamique de renouveau et assume elle-même son ambition et les projets qui en découlent.

Dans son histoire passée, présente et future, Marseille a compté, compte et comptera d’abord sur elle-même, sur ses propres forces, ses moyens, sa volonté, son énergie. Mais il est également évident que Marseille profite à l’ensemble de la population et des communes de l’agglomération. Tous les habitants de l’agglomération utilisent les services de Marseille, beaucoup viennent travailler à Marseille, se font soigner à Marseille, se rendent au stade, à l’opéra et au théâtre à Marseille. Par conséquent, un échelon d’intercommunalité doit être assumé et organisé en tant que tel sur un territoire élargi, organisé et solidaire.

On ne peut pas continuer à dire qu’il y a trop d’embouteillages chaque jour aux entrées de Marseille et pas assez de transports collectifs intra muros ou intercommunaux sans prendre les mesures qui s’imposent pour développer les infrastructures de transport à l’échelle de l’agglomération. Puisque l’on nous laisse du temps, c’est par là qu’il faudra commencer,…

M. Roger Karoutchi. C’est vrai !

M. Jean-Claude Gaudin. … si j’ai bien entendu ce que les maires sont venus me dire ce matin au Sénat ou ce que d’autres criaient, moins aimablement, à l’extérieur. Les maires continueront à exercer leurs compétences pleines et entières.

Pour ce qui concerne les compétences intercommunales, l’organisation administrative de la métropole devra absolument tenir compte des territoires.

Il est utile de faire référence au « pacte de gouvernance » établi entre les communes de la communauté urbaine de Marseille-Provence-Métropole lors de sa création, en 2000, puisqu’aujourd’hui certains maires éprouvent des craintes pour l’autonomie communale.

Une représentation équitable des territoires est essentielle pour le bon fonctionnement démocratique du conseil de la métropole. La loi de 2010 n’aurait pas permis d’atteindre cet objectif, s’agissant de la représentation des communes les plus peuplées du département. C’est pourquoi la proposition de compléter la composition de l’assemblée métropolitaine, en la portant à 238 membres, me semble de nature à satisfaire les communes, y compris Aix-en-Provence et Marseille, nettement sous-représentées.

Je note, de façon positive, que le Gouvernement reconnaît la légitimité de cette demande. C’est en tous cas ce que M. le Premier ministre m’a indiqué et il me semble, madame la ministre, que vous l’avez confirmé. Tous les maires doivent faire partie du conseil de la métropole.

Il y a une question beaucoup plus importante que celle de savoir comment et avec qui construire la métropole : la métropole, pour quoi faire ? C’est là que l’on aborde le vrai sujet, le véritable enjeu, celui de la définition d’un projet métropolitain qui soit de nature à permettre à l’agglomération et à tout son territoire de rentrer dans le développement économique et social du xxie siècle, au bénéfice de toute la population concernée.

Le corollaire évident, indispensable, incontournable de cette démarche d’élaboration du « projet de métropole » est bien entendu l’implication forte de l’État. Sans l’État, ce projet serait vide de sens !

L’enjeu est évidemment national, comme dans le cas du Grand Paris, et l’engagement financier de l’État devrait être à la mesure et en proportion des moyens engagés au titre de la mise en œuvre du Grand Paris. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Dans cette perspective, il m’apparaît que le tableau de compétences de la métropole doit être à la fois vérifié, précisé et complété.

Le tourisme doit rester, me semble-t-il, de compétence communale, en articulation avec les échelons départemental et régional, comme cela se pratique déjà partout avec succès.

Par ailleurs, il faut clairement établir que la compétence pluviale – Dieu sait combien la France a connu d’inondations au cours des derniers mois, et pas uniquement dans le Sud ! – doit être assurée au niveau métropolitain.

M. Jean-Claude Gaudin. En effet, la pluie ne connaît pas la carte des 119 communes du département ou des 92 communes de la métropole !

De même, la voirie, sous toutes ses modalités, doit être une compétence entièrement métropolitaine.

Enfin, il est pour le territoire d’Aix-Marseille-Métropole un enjeu stratégique qui doit relever de la nouvelle institution : je veux parler du grand port maritime de Marseille. Je présenterai un amendement sur ce point.

Je sais quelle est la position d’un éminent collègue sur le sujet. Mais le port autonome de Marseille n’est en réalité nullement autonome ! Au conseil d’administration, les fonctionnaires représentant l’État sont majoritaires ! Pourquoi alors nous incombe-t-il d’assurer entièrement la sécurité du port ? J’y reviendrai dans un instant.

M. Vincent Eblé. C’est fini !

M. Jean-Claude Gaudin. Me reste-t-il encore un peu de temps, monsieur le président ? (Rires.)

M. le président. Disons une minute, s’il s’agit d’une sardine ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Gaudin. Je conclurai en évoquant un dernier sujet d’importance, le bataillon des marins-pompiers de Marseille, dont les 1 400 hommes et femmes assurent, outre la protection des 24 000 hectares de la ville de Marseille – soit la superficie du quadrilatère formé par Roissy, Orly, le bois de Vincennes et le bois de Boulogne –, la sécurité des ports Est et Ouest et celle de l’aéroport international Marseille-Provence. Ce bataillon coûte 100 millions d’euros par an, dont 70 millions d’euros à la seule charge de la ville de Marseille. Il faudra bien un jour trouver une solution pour l’aider à porter ce fardeau financier. Je ne sais pas si le magnifique président de la commission des finances invoquera l’article 40… (Rires. – M. Jacques Mézard applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il n’est pas là !

M. Jean-Claude Gaudin. Je terminerai par cette remarque : en votant le projet du Gouvernement, amendé suivant mes demandes, nous pouvons passer de la métropole inachevée à la métropole affirmée.

Nous avons été capables de fusionner en peu de temps trois universités. Les collectivités participent, au côté de l’État, à la réalisation du chantier Euroméditerranée. Enfin, dans le cadre de Marseille capitale européenne de la culture en 2013, pratiquement toutes les communes, y compris celles dont les maires manifestaient ce matin, sont associées pour imprimer un élan culturel extraordinaire.

Chacun sait que j’ai le plus grand respect pour le Saint-Esprit, mais j’aimerais tout de même que nous comptions sur nos propres efforts pour progresser et surmonter les blocages ! Je salue, à cet égard, la qualité du travail accompli par la commission des lois, sous l’égide de son président et de son rapporteur. Un peu d’espoir, un peu de confiance ! Nous parlerons plus tard, monsieur Collombat, du statut de l’élu. Si nous le faisions dans le contexte actuel, les télévisions ne nous rateraient pas ! (Rires et applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. C’est peu dire, mesdames les ministres, que votre texte était attendu, parfois de pied ferme ! Il a été largement et diversement commenté, souvent de manière assez contradictoire, ce qui diminue quelque peu la pertinence des critiques formulées.

Si ce texte suscite autant de difficultés, mes chers collègues, c’est que la France est désormais diverse et que l’on peut très facilement opposer les territoires entre eux. Je crois pourtant qu’il faut rechercher ce qui, au-delà de la diversité des territoires, peut faire l’unité de notre pays, l’unité n’étant pas l’uniformité.

Permettez-moi de vous exposer, en quelques mots, ma vision de notre pays.

Sur les cartes de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, apparaît d’abord une France rurale s’étendant des Ardennes au Sud-Ouest, en passant par le Massif central. Elle compte souvent très peu de villes, et c’est donc le département qui forme l’armature de ces territoires.

Il y a ensuite la France des villes moyennes, au nombre d’un peu plus d’une centaine, qui maillent le territoire national. C’est dans ces villes moyennes que l’on trouve les premiers services aux entreprises, les premières antennes universitaires, parfois des spécialités dans tel ou tel domaine de l’économie. Il faut les renforcer, leur donner les moyens de mener des politiques d’aménagement et de développement, car leur dynamisme rejaillit sur tout le territoire qui les environne. En effet, c’est bien souvent autour d’elles que s’organisent les territoires ruraux. Mes chers collègues, n’opposons pas le rural et l’urbain : l’INSEE nous apprend que 95 % de la population vit aujourd’hui dans des territoires sous influence urbaine, que la ville qui exerce cette influence soit grande ou petite.

Il y a aussi un certain nombre de grandes villes dont l’aire d’influence est régionale et que, pour ma part, j’appelais « métropoles d’intérêt national ».

Ces villes regroupent un ou plusieurs pôles de compétitivité, des universités, des grandes écoles. Elles sont au cœur de systèmes urbains plus complexes, ceux que nous avons essayé de prendre en compte dans la notion de pôle métropolitain. Elles portent la dynamique économique et, en même temps, parce qu’elles sont des lieux d’attraction, connaissent souvent des difficultés sociales, des problèmes de paupérisation, voire de ghettoïsation, dans certains de leurs quartiers ou dans certaines communes.

Il faut permettre à ces grandes villes de faire un bond en avant, et c’est ce que permettra l’instauration des métropoles de droit commun prévue dans le présent projet de loi.

Enfin, il y a trois ou quatre grandes métropoles qui peuvent essayer de se comparer – nous sommes tout de même loin du compte – aux grandes métropoles européennes.

Reste le cas spécifique de l’Île-de-France, qui est évidemment d’une importance décisive.

L’Île-de-France concentre 30 % du PIB français et Paris est, avec Londres, la seule ville d’Europe à même de peser sur la scène mondiale. L’Île-de-France représente donc un enjeu majeur non seulement pour les Franciliens, mais aussi pour tous les Français. Hélas, encore aujourd’hui, elle est un territoire terriblement fragmenté, entre la ville de Paris, bien sûr, 114 intercommunalités, plus de 1 200 communes, la région, sept conseils généraux en dehors de Paris. Ce foisonnement institutionnel nuit parfois à la dynamique économique, rend plus difficile l’investissement privé et paralyse, par exemple, la construction de logements. (M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable acquiescent.)

C’est ce problème que la mutualisation de la compétence logement au sein de la métropole de Paris vise à traiter en priorité. C’est bien !

Toutefois, je pense que ce doit être là un point de départ, non un point d’arrivée. Là comme ailleurs, il nous faudra, dans les années qui viennent, progresser encore et aller vers plus d’intégration intercommunale. (MM. les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable approuvent.)

Cette progression vers une plus grande intégration, c’est le chemin qu’a parcouru la communauté urbaine de Lyon, qui fut, cela a été souligné, l’une des premières à avoir été créée par la loi, en 1966. À l’époque, la finalité était d’assurer des services urbains basiques : la distribution d’eau, la gestion des déchets, l’assainissement, en un temps où seules dix-huit communes sur cinquante-cinq étaient équipées du tout-à-l’égout.

Par la suite, la communauté urbaine n’a cessé de monter en charge, recevant les compétences urbanisme en 1983, transports en 1985, développement économique en 1990, logement en 1995. Plus récemment, elle est devenue compétente en matière de grands événements culturels, de très haut débit ou encore d’énergie.

Les communes de l’agglomération lyonnaise se sont habituées à travailler ensemble dans des champs de plus en plus nombreux, à soutenir ensemble la dynamique économique, à résoudre ensemble les problèmes de fracture spatiale que connaissaient des quartiers comme La Duchère ou des communes comme Vaulx-en-Velin et Vénissieux.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Gérard Collomb. Souvenez-vous de la révolte des banlieues, mes chers collègues : cela se passait dans l’agglomération lyonnaise !

C’est parce que nous avons cette histoire que la nouvelle étape que nous allons franchir grâce à ce texte, avec la création d’une métropole fusionnant EPCI et conseil général sur le territoire du Grand Lyon, nous semble presque naturelle.

Créer cette métropole, c’est se donner les moyens de supporter la comparaison avec Barcelone, Manchester ou Milan. C’est aussi pouvoir dégager des marges de manœuvre pour mieux servir nos concitoyens. En effet, en réunissant les compétences d’aménagement du Grand Lyon – l’urbanisme, le logement, l’économie – et les compétences sociales du conseil général – la gestion du RSA, la politique de l’enfance, la politique en faveur des personnes âgées, la prise en compte du handicap –, nous allons pouvoir mieux articuler l’urbain et l’humain. Au fond, nous allons repousser les frontières de l’action publique.

C’est sur le fondement de cette expérience que je voudrais dire à mes amis marseillais que c’est dans la voie de l’intégration intercommunale que se trouve la clé du succès. Je sais les craintes que le projet de loi peut susciter parmi eux. Mais je sais aussi que, en 1966, la quasi-totalité des élus étaient contre la création de la communauté urbaine de Lyon, que pourtant personne ne regrette aujourd'hui. Que de chemin parcouru !

Chers amis marseillais, vous avez en main les clés de votre avenir. Votre territoire connaît des difficultés, mais il a aussi des atouts exceptionnels, que beaucoup peuvent vous envier. C’est pourquoi vous devez vous saisir de ce projet de loi pour en faire l’occasion d’un nouveau départ, pour commencer l’écriture d’une nouvelle page de votre histoire.

Madame la ministre, j’entends parfois dire que le présent projet de loi manque de souffle. Mais la difficulté à le rédiger atteste simplement que la France est devenue diverse, qu’il y a non pas une France, mais des France. Il n’est pas aisé de traduire cette complexité dans les textes. Il est fini le temps, quand s’établissait la République, où l’on pouvait organiser notre pays à partir d’un modèle unique. Il y a des France, et il ne faut surtout pas les opposer.

Je suis de ceux qui pensent, avec d’ailleurs tous les économistes et les géographes travaillant sur la question, qu’il n’y a pas de contradiction entre l’urbain et le rural, entre les petites villes et les grandes métropoles, entre la province et Paris. Il n’y a pas de contradiction, c’est pourquoi nous devons ensemble donner vie à ce texte.

Finalement, aujourd'hui, nous sommes confrontés à une alternative : l’immobilisme ou le changement. Ou bien nous resterons prisonniers de nos routines, de nos contradictions locales, de nos intérêts de court terme, et rien ne bougera, mais je crains alors pour l’avenir de notre pays, ou bien nous réussirons à mettre nos territoires en mouvement, et chacun devra évidemment le faire à sa manière !

Mes chers collègues, si nous savons saisir cette chance, je ne doute pas que les collectivités locales seront, demain, les vraies actrices du changement ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Gérard Longuet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’intitulé du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », est sans nul doute attrayant, mais le terme « modernisation », souvent synonyme d’amélioration et de progrès, prend ici un sens tout particulier. Personne ne s’est d’ailleurs laissé abuser, et rares sont ceux qui se satisfont de ce projet de loi. Les nombreuses heures consacrées à ce texte par la commission des lois, dont je salue le travail, en témoignent. Le très grand nombre d’amendements déposés atteste de l’insatisfaction générale.

Cette première scène de l’acte III de la décentralisation se présente comme une œuvre de modernisation, se traduisant en Île-de-France par la confiscation d’un grand nombre des pouvoirs des maires, notamment en matière d’urbanisme et de logement. Vous sachant attachés, mes chers collègues, tout comme nos concitoyens, à l’importante fonction de proximité du maire, je ne doute pas que vous porterez un regard critique sur le dispositif !

Sur le plan de la méthode, on peut regretter que la concertation avec les collectivités territoriales concernées ait été insuffisante. Peut-on, là aussi, parler de modernisation ?

De même, la création d’un étage supplémentaire de la machine administrative locale, au moment où la France se doit de la simplifier, représente-t-elle une modernisation ?

Il s’agit donc d’un projet de loi qui donne un nouveau sens à l’idée de modernisation : même après les améliorations apportées par notre commission des lois, le texte complexifie toujours un peu plus le millefeuille administratif et affaiblit substantiellement le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Par ailleurs, les parlementaires regrettent la méthode employée par le Gouvernement : en scindant les réformes entre plusieurs véhicules législatifs, il les prive d’une partie de leur pouvoir d’appréciation et ne leur permet pas d’articuler les dispositifs entre eux. Ce fut déjà le cas pour l’emploi, c’est maintenant le cas pour l’acte III de la décentralisation !

Mes chers collègues, en tant qu’élu francilien, vous me permettrez de m’attarder plus particulièrement sur le chapitre Ier du titre II, regroupant les dispositions spécifiques à l’Île-de-France.

Tout d’abord, l’article 12 vise à compléter le code général des collectivités territoriales en créant l’établissement public Grand Paris Métropole, qui serait composé de la ville de Paris et des EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, la région d’Île-de-France et les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne, de l’Essonne, des Yvelines et du Val-d’Oise pourraient participer, avec voix consultative, aux travaux de Grand Paris Métropole.

Toutefois, malgré une lecture extrêmement attentive, je n’ai rien trouvé sur l’implication des communes et des maires. Nos villes sont donc les grandes oubliées de ce projet de loi, qui tend de plus à les dessaisir en partie de leur liberté d’administration !

En effet, la création de Grand Paris Métropole, à qui seraient transférées des attributions communales, réduira fortement les pouvoirs du maire et, par conséquent, sa capacité à gérer sa commune. Les maires et les conseillers municipaux sont pourtant les seuls élus légitimes dans ce dispositif.

À ce titre, l’exemple du logement est particulièrement marquant. L’article 13 crée le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France. Il prévoit notamment que « ce schéma fixe les objectifs globaux et, dans le respect des compétences conférées à Grand Paris Métropole, leurs déclinaisons territoriales en matière de construction et de rénovation de logements, de construction et d’amélioration des structures d’hébergement, de développement équilibré du parc de logements sociaux, de rénovation thermique des logements […]. »

Autrement dit, le maire, premier gestionnaire de la commune, se trouvera dessaisi de la politique d’urbanisme et de logement, pourtant si importante pour ses administrés. C’est en étant présent sur le terrain, au plus près des difficultés, qu’il est possible de diagnostiquer ces dernières et d’y remédier. Seuls les élus municipaux bénéficient de cette proximité qui permet d’agir avec efficacité.

Certes, on pourrait objecter que Grand Paris Métropole agira avec les représentants des EPCI, mais force est de constater que, aujourd'hui encore, les délégués communautaires des municipalités ne sont pas élus au suffrage direct. Or la gestion d’une politique aussi importante pour les populations que celle de l’urbanisme et du logement ne peut pas être déléguée à des personnes ne répondant pas de leur action devant les électeurs. Nous ne pouvons que déplorer une telle situation.

Encore faudrait-il que l’ensemble des communes soient membres d’un EPCI, ce qui n’est toujours pas le cas. Les rapprochements entre communes demandent du temps, et ce n’est pas l’affichage d’un objectif par un texte gouvernemental assorti d’un échéancier qui va créer les conditions nécessaires à la mise en place harmonieuse d’un partenariat stable, durable et productif.

Aussi défendrai-je, avec mon collègue Vincent Capo-Canellas, un amendement à l’article 12 prévoyant que le projet de Grand Paris Métropole sera envisagé uniquement après l’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France. Dans la même mesure, le seuil prévu de 200 000 habitants est trop contraignant. Son instauration pourrait aller à l’encontre de la mise en place d’un partenariat productif. Plusieurs amendements tendent donc à moduler ce seuil.

Mesdames les ministres, votre volonté de « moderniser » l’action publique est indéniable, mais les moyens vont manquer, en particulier en matière de logement. En effet, le dispositif du projet de loi est défini à moyens constants ; autrement dit, c’est le statu quo : pas de moyens supplémentaires, peu de logements supplémentaires !

Par ailleurs, il est important de remarquer un effet induit par la modernisation que vous préconisez : l’adjonction d’une nouvelle norme venant compléter un dispositif déjà particulièrement riche, et parfois même contradictoire. Sans être exhaustif, je mentionnerai le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le plan de déplacements urbains, le schéma de cohérence territoriale, le plan départemental de l’habitat et, désormais, le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France. Bientôt, il faudra être agrégé de droit public pour être élu en Île-de-France ! (Sourires.)

À multiplier les normes sans les coordonner entre elles, on complexifie davantage encore le travail des gestionnaires et on accentue l’insécurité juridique : cela devient contreproductif. On construira moins de logements, sur la même période, qu’il aurait été possible d’en réaliser. C’est pourquoi nous vous présenterons un amendement tendant à assurer la prise en compte du SDRIF et des pôles de développement du Grand Paris dans l’élaboration du projet de schéma interdépartemental de coopération intercommunale de la petite couronne.

Enfin, où est la cohérence de ce texte, quelle vision d’ensemble traduit-il ? Quid de l’avenir des communes, des départements et de la région ? Le débat est reporté à plus tard…

À l’approche d’échéances électorales en vue desquelles nous devrons présenter des projets à nos électeurs, pouvez-vous nous dépeindre l’avenir que le Gouvernement envisage pour la région d’Île-de-France ? Cette dernière ne manquera pas d’être concurrencée par le Grand Paris Métropole, les territoires se recoupant largement. Paris est déjà une commune-département ; est-il envisagé de l’ériger en commune-département-région ?

Ce texte est, à l’évidence, insatisfaisant. Il l’est évidemment pour l’opposition, mais il l’est également, nous l’avons entendu, pour les représentants de la majorité. Ainsi, sur les 840 amendements déposés, près de 140 amendements émanent du groupe CRC et pas moins de 80 du groupe écologiste. C’est un signe manifeste d’insatisfaction.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non ! D’intérêt pour le texte !

M. Hervé Marseille. Pourrez-vous enfin nous expliquer quel sera le mode de financement de la création de Grand Paris Métropole ? Quelles en seront les conséquences en termes de solidarité interdépartementale et de péréquation ? Renvoyer la réponse à cette question à la loi de finances nous paraît critiquable.

Vous le comprendrez, il nous sera difficile de nous engager dans ces conditions et d’apporter notre soutien au texte en l’état. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Déposer des amendements est normal ! Ce n’est pas un signe d’insatisfaction, c’est une marque d’intérêt pour le texte ! Si on est par principe hostile au fait de déposer des amendements, autant fermer le Parlement !

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Gérard Larcher. Mesdames les ministres, M. Mercier le soulignait ce matin, vouloir engager la réforme des collectivités territoriales nécessite courage, abnégation et écoute de votre part, tant la commune et le département sont consubstantiels à la République, ainsi qu’à la vie quotidienne de nos concitoyens. Mon expérience m’a confirmé combien le sujet pouvait être politiquement sensible !

M. Gérard Collomb. C’est vrai !

M. Gérard Larcher. D’ailleurs, il transcende les clivages, comme le démontre ce débat.

Je souhaite vous faire part de quelques interrogations suscitées par le texte dont nous commençons l’examen aujourd'hui.

Une première interrogation porte sur un sujet qui nourrit l’inquiétude des élus locaux et nous renvoie aux propos sur l’exigence de lisibilité que M. le président de la commission des lois a tenus ce matin : celui de la variabilité de la législation concernant nos collectivités territoriales.

Depuis le 16 décembre 2010, nous en sommes déjà au troisième ou au quatrième texte venant modifier l’organisation territoriale ou son administration. D’autres modifications sont encore attendues, concernant la région, le département ou les communes. Cette instabilité est à terme insupportable pour les élus locaux.

Les schémas départementaux de coopération intercommunale ont été achevés en décembre 2012. La tâche n’était pas si simple dans un département comme le mien, qui, cher Edmond Hervé, n’avait pas l’expérience de la Bretagne et n’était qu’à moitié engagé dans le mouvement communautaire voilà moins de quatre ans. Or, moins de cinq mois plus tard, tout est déjà bouleversé. J’y reviendrai.

Une deuxième interrogation tient à la complexité sans cesse croissante du système. Par exemple, comment réhabiliter, dans le même texte, la clause de compétence générale et la notion de « chef de file », que j’avais d’ailleurs moi-même vainement tenté d’introduire en 1995 ? Le rapporteur du texte que j’étais avait alors obtenu un succès d’estime, sa proposition recueillant vingt-deux voix…

Une troisième interrogation est liée à la place qui sera faite aux communes dans l’organisation territoriale.

Monsieur le maire de Lyon, permettez-moi de souligner que la situation de l’Île-de-France n’est pas comparable à celle des autres régions : l’Île-de-France, c’est 11,8 millions d’habitants, dont 10 millions pour Paris Métropole. Il ne saurait y avoir de réponse unique, valable partout : les solutions doivent être différentes et adaptées aux territoires.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. Gérard Larcher. Mesdames les ministres, dans votre projet de loi initial, l’institutionnel primait sur le fonctionnel. Heureusement, la commission des lois a modifié votre texte et a prévu une représentation des communes de moins de 50 000 habitants et des intercommunalités au sein de la conférence territoriale. Certaines intercommunalités comptent à la fois des communes faisant partie de l’unité urbaine et des communes extérieures à celle-ci, dotées de compétences différentes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est tout le problème…

M. Gérard Larcher. Bref, c’est un casse-tête invraisemblable, qui contribue à paralyser l’action communale dans une période où nous avons besoin de dynamisme.

Une quatrième interrogation porte sur le sort des territoires ruraux situés dans les zones périurbaines, qui n’ont pas encore été évoquées. Je pense notamment ici aux départements de la grande couronne, la Seine-et-Marne, le Val-d’Oise, les Yvelines et l’Essonne. Aucune vraie représentation de ces collectivités n’était prévue dans le dispositif qui nous était proposé. Le texte donnait même le sentiment qu’une partie de mon département devrait plutôt se tourner vers la région Centre ou la Haute-Normandie, car apparemment nous n’intéressons personne au sein de la région d’Île-de-France, puisqu’il n’est pas question de nous doter de transports collectifs avant 2030 !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Que fait M. Karoutchi ? (Sourires.)

M. Gérard Larcher. Pourtant, on imposerait à certaines de nos communes un plan habitat, alors que nos SCOT et nos PLU ont été fondés, à la demande de l’État, sur une prévision de croissance de 0,75 % – de 0,55 % dans les parcs naturels régionaux – et que la loi Duflot obligerait des communes comme Chevreuse ou Saint-Rémy-lès-Chevreuse à atteindre un taux de croissance annuelle de 2,80 %, soit un rythme de croissance plus rapide que celui qu’a connu la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines au cours de la mise en œuvre du plan Delouvrier.

Voilà pourquoi il est indispensable de faire du concret, du fonctionnel, du cohérent ! Sinon il ne se passera rien et l’élaboration de ce texte n’aura été qu’un rendez-vous manqué !

Il faut maîtriser l’étalement urbain tout en observant le principe de réalité : on ne peut pas bâtir le concept de métropole sur l’affaiblissement de la représentation des territoires ruraux, des villes moyennes et des petites villes-centres. Il faut définir le champ de la libre administration de la commune, sans opposer celle-ci à la nécessaire solidarité.

La loi de décembre 2010 était imparfaite, mais elle plaçait la commune au cœur de l’organisation territoriale. Permettez-moi d’évoquer mon expérience d’élu d’une ville qui est le pôle d’équilibre d’un secteur encore rural de la région d’Île-de-France, d’une ville trait d’union avec Chartres et la région Centre. Au-delà de tous les principes, de tous les a priori, mon ambition est tout simplement de trouver des moyens très concrets de renforcer la vitalité de mon territoire. Or, dans sa rédaction initiale, le texte du Gouvernement impliquait, à terme, la disparition de la commune.

Certains, et pas seulement à l’OCDE, diront que l’échelon communal n’est plus pertinent. Pour ma part, je crois que la commune a du sens, surtout en une période de crise.

M. Gérard Larcher. C’est un lieu de proximité, où nos concitoyens ont besoin de se retrouver. En affirmant cela, il ne s’agit pas pour moi de m’opposer à la nécessaire progression de l’intercommunalité. Je suis, par exemple, favorable à ce que les communes de la petite couronne entrent enfin dans des formes d’intercommunalité à dimension très forte. Pour le reste, on verra par la suite : apprenons déjà à construire ces structures.

Je défends une organisation territoriale bâtie sur un véritable renforcement de l’intercommunalité, sur l’idée qu’il faut conforter le département là où cet échelon a du sens,…

M. Gérard Longuet. En milieu rural !

M. Gérard Larcher. … sur le regroupement, en quelques grandes régions, autour de métropoles permettant réellement de répondre aux défis européens et de la mondialisation.

Je crois à la constitution de réseaux, à la concertation, à la contractualisation. Je crois à des statuts non uniformes, car il ne saurait y avoir de modèle unique. Voilà un projet fonctionnel qui pourrait nous rassembler ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Roland Povinelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, chaque fois que l’on évoque les collectivités, je suis partagé entre le désespoir et la béatitude… Chaque fois, je constate de bonnes intentions, mais les divergences semblent irréductibles. Pour filer la métaphore sportive, je dirai qu’il était temps, mesdames les ministres, de siffler la fin de la partie ! En effet, arrive un moment où il faut trancher. Vous nous présenterez trois textes, nous les soutiendrons.

En tant que président de région, je vous parlerai des régions, à la suite de M. Sueur, qui les a évoquées ce matin avec beaucoup de force.

Comment moderniser et rendre efficace l’action publique ? Comment conforter les capacités créatrices des territoires ? Comment mettre fin aux doublons qui ralentissent l’intervention publique et alourdissent les coûts ? Comment responsabiliser chaque échelon ? Comment conforter l’État dans son rôle d’arbitre et dans l’exercice de ses fonctions régaliennes ?

Le chef de l’État a répondu à ces questions dans son discours de Dijon, le 11 mars dernier, et auparavant à la Sorbonne, au mois d’octobre 2012. Ses propos exprimaient la ferme conviction que notre pays a besoin de retrouver de la confiance ; la décentralisation y contribuera. Notre pays a besoin de libérer ses forces créatives ; la décentralisation en est la condition. Notre pays a besoin d'un lien social de proximité ; la décentralisation en fournit le cadre naturel. Notre pays a besoin de réinventer son fonctionnement démocratique ; la décentralisation en sera la géographie et la condition. Notre pays a soif d'équité ; la décentralisation permettra de l’instaurer entre les territoires. Notre pays appelle le changement ; la décentralisation est sans doute l'un des changements les plus profonds et les plus déterminants que l’on puisse envisager.

Les régions se reconnaissent pleinement dans les principes et les orientations ainsi déclinés par le Président de la République. Nous avons formulé des propositions pour une République des territoires et un nouvel acte de la décentralisation, selon quatre grands principes : clarifier, simplifier, responsabiliser, économiser. On a surtout parlé, jusqu’à présent, des trois premiers, mais le quatrième est essentiel.

Le 12 septembre dernier, les régions ont signé avec le Gouvernement une déclaration commune par laquelle elles s’engageaient à mettre leur expertise et leurs compétences au service du redressement du pays, à travers le pilotage de la formation, de l’orientation, de l’accompagnement vers l’emploi, du développement économique, de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Or, mesdames les ministres, permettez-moi de vous dire que nous ressentons une certaine confusion à la lecture des trois textes du Gouvernement, car ils ne permettent pas d’accélérer le temps de la décision publique, de responsabiliser l’État et les collectivités locales autour de blocs de compétences clairs. Ce n’est pas aux collectivités de dire ce qu’elles veulent faire, parce qu’elles veulent tout faire, au nom de la clause de compétence générale ; c’est à l’État de dire ce qu’elles doivent faire et avec quels moyens.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. François Patriat. Madame la ministre, vous avez déclaré que les élus ne se font pas confiance entre eux : c’est vrai, parce qu'ils veulent tous tout faire, alors qu’ils ne le peuvent pas. Ils ne se font pas confiance entre eux, y compris lorsqu’ils sont de la même tendance politique. Il faut remédier à cet état de fait en instaurant des règles claires : il était temps de siffler la fin de la partie !

Je l’avais déjà dit devant la commission Belot, nous n’avons pas su trancher ni choisir entre les collectivités : il y a trop de strates dans le millefeuille territorial français.

M. Philippe Dominati. Très bien !

M. François Patriat. Ces textes tendent à organiser et à aménager les compétences de nos collectivités. Mais, loin de permettre une coordination efficace, les conférences territoriales risquent de bloquer l’action publique, de faire perdre un temps infini, d’installer un système pervers où les collectivités se contrôleront les unes les autres. Il en ira de même avec le pacte de gouvernance. On pourrait même en arriver à l’instauration d’une tutelle des collectivités sur la région !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien sûr, c’est un risque !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Si, c’est un risque !

M. François Patriat. Heureusement, la commission des lois y a remédié.

Cette réforme, madame la ministre, ne doit pas être l’occasion d’opposer les collectivités les unes aux autres. La question n’est pas de savoir qui remportera le gros lot. Il faut que nos textes organisent efficacement l’action publique. Pour cela, il est nécessaire de trancher. Ne prenons pas le risque de ne rien changer, ou pire d’institutionnaliser le cafouillage !

Nous avons besoin de clarté, de savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi, qui doit rendre des comptes. C’est ainsi que l’on redonnera du souffle à notre démocratie locale et que l’on permettra à nos concitoyens de reprendre confiance dans notre capacité collective à accompagner le redressement de notre pays et à améliorer leurs conditions de vie.

Les régions, animées par l’esprit de responsabilité et le sens de l’intérêt général, sont plus que jamais soucieuses de réussir cette réforme. Je pense que nous pouvons ensemble y parvenir.

Ces éléments d’analyse étant posés, il me semble que nous devons aborder ce débat avec pragmatisme.

Pour les régions, ce projet de loi peut être amélioré dès lors que nous en revenons à l’ambition affichée par le Président de la République. Les concernant, sept conditions essentielles sont à remplir pour faire de cette réforme l’acte III de la décentralisation.

Premièrement, il faut ouvrir un nouvel acte de la décentralisation par de nouveaux transferts de compétences aux régions en matière d’innovation, d’orientation, de formation, d’expérimentation du service public de l’emploi, ainsi que par une ambition plus forte en termes de gouvernance, afin de simplifier, de clarifier et de responsabiliser.

Deuxièmement, il faut donner aux régions le statut de chefs de file de l’aménagement durable du territoire, en leur confiant le pilotage stratégique et la programmation de l’aménagement et du développement du territoire régional, dans l’esprit des lois Defferre de 1982 et Voynet de 1999. Le chef de filat n’aura de sens que s’il est responsable et efficace : il devra être possible, dans certains cas, d'opposer ces schémas à d'autres collectivités.

Troisièmement, il faut déléguer aux régions, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, une compétence complète dans le champ du développement économique, en établissant une ligne de partage claire avec l’État et les autres collectivités.

À cet égard, je soutiens avec beaucoup de force la création de métropoles, mais il convient de définir où se situera demain la frontière, en matière de compétence économique, entre les métropoles et les villes.

Quatrièmement, il faut permettre aux régions de devenir des autorités organisatrices des transports régionaux de plein exercice et d’être chefs de file de l’intermodalité.

Cinquièmement, il faut conforter les nouvelles compétences dévolues aux régions en matière d’éducation, d’orientation et de formation, et réunir les conditions de la réussite de leur transfert : contractualisation avec les services et opérateurs de l’État, compensations financières, réforme de la taxe d’apprentissage. Sur ce dernier point, j'ai formulé des propositions qui devraient être examinées à la rentrée prochaine.

Sixièmement, il faut réussir le transfert de l’autorité de gestion des fonds européens. C'est un engagement que nous avons pris. J'y reviendrai au cours du débat.

Septièmement, il faut mettre en place un portefeuille de ressources fiscales plus dynamique et davantage en lien avec les compétences des régions.

Ce texte, d’un abord difficile, nous permettra, grâce au travail réalisé par la commission, d'avancer dans le bon sens. Nous le soutiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (M. Gérard Longuet applaudit.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il a notamment été affirmé, cet après-midi, qu’il fallait prendre en compte la diversité des collectivités territoriales. Sur ce point, je suis d'accord !

Pourquoi voulez-vous faire rentrer l’Île-de-France dans un moule qui ne lui convient pas ? Marseille et Lyon représentent entre 15 % et 20 % de la population de leurs régions respectives, tandis que la métropole que vous souhaitez créer en Île-de-France regroupera de 85 % à 90 % de la population régionale ! S’il ne s’agit pas là de créer un contre-pouvoir à la région, alors de quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qu’une métropole qui recouvre la quasi-totalité de la région, sauf évidemment les zones rurales ? Chacun des présidents de conseil général de la grande couronne fera ce qu’il voudra avec les territoires ruraux de son département.

Nous sommes, en réalité, en train de créer un monstre ! La métropole aura la compétence logement, mais la région conservera la compétence transports et sera donc chargée d’assurer la desserte des nouveaux centres urbains créés par la métropole. Mais, tout le monde sait, elle n'y arrive déjà pas ! La galère des transports ne cessera pas de sitôt.

Nous sommes tous d'accord – moi le premier ! – pour reconnaître que l’Île-de-France a un véritable problème de fonctionnement : la région est soit trop petite, soit trop grande. Trop petite, parce qu’elle ne couvre que 2 % du territoire national ; trop grande, parce qu’elle compte 12 millions d'habitants ! On ne sait pas comment faire, et on invente donc systématiquement des structures nouvelles qui, en réalité, rendent de plus en plus complexe la prise de décision et n’améliorent nullement l'efficacité des politiques menées.

Vous auriez pu, mesdames les ministres, créer la métropole en fusionnant les quatre départements du cœur de la région – cela aurait fait plaisir à Philippe Dallier ! – ou imaginer d’autres formules, mais le non-choix que vous nous proposez conserve les communes, dessaisies de l'essentiel de leurs pouvoirs dans l’unité urbaine, les départements, privés dans la petite couronne d’une partie de leurs compétences, transférées soit aux EPCI, soit à la métropole, soumis à une gestion partagée dans la grande couronne, puisqu’une partie seulement de leur territoire relèvera de la métropole.

On nous dit de ne pas nous inquiéter, car il y a un schéma régional de l'habitat. Je le sais bien, pour avoir essayé, un temps, de voir comment la région pourrait le financer. Nous avions d'ailleurs créé un établissement public foncier régional, qui ne fonctionne pas du tout ! Certains départements et communes ont également créé le leur.

M. Gérard Larcher. Et là, ça marche !

M. Roger Karoutchi. Ce système est fou ! Nous sommes tous d'accord, mesdames les ministres, pour dire qu'il faut le remettre à plat, que l’on ne peut pas continuer comme cela, mais vous nous proposez de créer une strate supplémentaire dont le fonctionnement aura un coût et qui entrera immanquablement en compétition avec la région. Les deux structures vont s'affronter, certainement pas pour le plus grand bien des citoyens !

On va forcer toutes les communes de la petite couronne qui n’ont pas encore rejoint une intercommunalité à le faire à marche forcée. Quant aux autres, elles devront reprendre le processus, parce que la taille de leur EPCI aura été jugée insuffisante. Ainsi, vous niez les efforts qui ont été réalisés en matière d'intercommunalité par les communes de la petite couronne. Vous dessaisissez les communes et les départements de la petite couronne, vous divisez les départements de la grande couronne, vous créez une strate supplémentaire concurrente de la région, sans pour autant accroître l'efficacité de l’organisation territoriale. En grande couronne, on verra comment on peut faire… Expliquez-nous en quoi cette nouvelle structure permettra d’améliorer la vie quotidienne des Franciliens !

J’ai souvenir qu’en 1994 un plan tout à fait sympathique avait prévu que la population de la région, qui était de 10 millions d’habitants à l’époque, allait baisser à 9,5 millions à l’horizon 2020. Aujourd'hui, l’Île-de-France compte 12 millions d’habitants, et elle en comptera 13 millions en 2020 !

L’unité urbaine comprenait alors 340 communes. Aujourd'hui, elle en compte 412, et, demain, par l'effet mécanique de la progression démographique, il y en aura encore plus !

Il aurait fallu attribuer les compétences d’une métropole à la région prise en bloc : elle ne représente que 2 % du territoire national. Lors de la discussion du texte relatif à la décentralisation présenté par le gouvernement Raffarin, j'avais défendu un amendement visant à confier la compétence logement à la région. Il me semblait logique de l’associer à la compétence transports. Cet amendement avait été rejeté…

Pourquoi dessaisir aujourd’hui les communes et les départements de la petite couronne, avant d’avoir réfléchi, cher Philippe Dallier, à la future expansion urbaine de la région ? Quid de l’expansion urbaine en 2020, quand la région comptera 13 millions d’habitants, ou en 2030, quand les Franciliens seront 14 millions ou 15 millions ? La région d’Île-de-France considérée dans sa totalité ne peut-elle former une métropole, fonctionnant en lien direct avec les départements et les communes ? Est-il absolument indispensable de créer des structures nouvelles, d’imposer aux communes de rejoindre un EPCI, de mettre en place une métropole en excluant une partie du territoire régional alors qu’elle représentera 85 % de la population ? Où va-t-on ?

Vous allez créer un monstre qui ne répond ni aux attentes des élus ni à celles des habitants. L’Île-de-France est confrontée à d’importants problèmes en matière de transports, de logement, de lutte contre la précarité, d’inégalités entre les territoires. Il existe déjà une structure pour faire le lien entre les départements et les communes : la région. Ne créons pas de structures nouvelles ! Redéfinissons les compétences, considérons les moyens, remédions aux facteurs d'inégalité, mais, de grâce, ne multiplions pas les structures, les fonds de péréquation, les schémas… Plus personne n'y comprend rien, les élus ne savent plus à quel saint se vouer pour servir leur population.

L'Île-de-France ne demande qu'une chose : bien vivre et essayer d'être encore et toujours un moteur pour notre pays. Pour cela, elle a besoin de liberté, de souffle, et non d'une structure supplémentaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. Gérard Larcher. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débutons aujourd'hui l’examen répond à une double nécessité.

La première, déjà largement évoquée au cours de ces débats, est la prise en compte, dans l’organisation territoriale de notre pays, des évolutions sociologiques, démographiques, économiques qui ont affecté nos modes de vie.

La seconde, qui constituera l’objet de mon intervention, tient au souhait de la France d’adresser à ses partenaires européens un message clair quant aux fonctions particulières assurées par ses grandes agglomérations.

Outre la reconnaissance du statut de métropoles pour un certain nombre de nos grandes agglomérations, à raison des fonctions qu’elles assurent et des responsabilités qu’elles assument, le texte qui nous est soumis vise à la mise en valeur du positionnement européen particulier de l’une ou l’autre d’entre elles, lié à des fonctions singulières ayant leur source dans des traités ou à la situation particulière dans laquelle les place la géographie.

Les dispositions du projet de loi consacrées en particulier aux agglomérations lilloise et strasbourgeoise ont pour objet de souligner ce positionnement spécifique.

Le destin de l’une et de l’autre est désormais clairement et profondément lié à celui des territoires situés au-delà de la frontière, qu’il s’agisse, pour Lille, de l’ensemble Courtrai-Tournai, ou, pour Strasbourg, de la rive allemande du Rhin.

Sur des territoires désormais aussi imbriqués, les enjeux en matière d’aménagement, d’accessibilité, de développement économique, d’emploi, de sécurité publique, de transports, de préservation de l’environnement, d’accès aux équipements hospitaliers, d’organisation des secours sont très largement affranchis du seul ancrage national.

Les formules de coopération transfrontalière proposées par les textes actuellement en vigueur sont relativement bien adaptées à la mise en place d’une réponse commune à ces enjeux, par-delà la frontière. Mais comme ces derniers ressortissent à des champs de compétence très divers et, par voie de conséquence, relèvent d’une grande variété de maîtres d’ouvrage, la mise en œuvre des différents dispositifs de coopération transfrontalière risque évidemment de se heurter, parfois, à la difficulté d’harmoniser les initiatives et de rationaliser l’affectation des financements.

En ce sens, il convient de se féliciter des dispositions inscrites dans le présent projet de loi aux termes desquelles les métropoles frontalières se verront confier le soin d’élaborer un schéma de coopération transfrontalière associant l’ensemble des collectivités territoriales concernées. Pour Strasbourg et Lille, notamment, c’est se voir reconnaître une nécessaire position d’interlocuteur privilégié – bien que non exclusif, évidemment – des partenaires situés au-delà de la frontière.

Quant à Strasbourg, sa désignation comme « eurométropole » lui apportera la reconnaissance qui lui est nécessaire, eu égard notamment au fait que les deux autres villes sièges d’institutions européennes sont également, elles, capitales d’État.

Siège du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l’homme, du Parlement européen, de l’état-major du Corps européen, du médiateur de l’Union européenne, ainsi que de divers organismes de coopération internationale, Strasbourg se trouve en effet dans la situation unique d’assumer, en exécution des traités conclus par la France, des fonctions qui sont ailleurs celles d’une capitale d’État.

L’inscription dans la loi de « l’eurométropole de Strasbourg », « siège des institutions européennes », est destinée à marquer la reconnaissance par la France du rôle qu’elle a entendu conférer à Strasbourg. Elle témoignera ainsi de l’attachement porté par notre pays aux fonctions européennes de Strasbourg, fermement rappelé par le Président de la République lors de son intervention devant le Parlement européen, le 5 février dernier. Elle signifiera aussi que les fonctions confiées à Strasbourg contribuent indiscutablement au rayonnement européen de la France. Depuis la signature du premier contrat triennal « Strasbourg, capitale européenne », il y a plus de trente ans, jamais le soutien apporté par l’État aux fonctions européennes de Strasbourg n’a été interrompu, par-delà toutes les alternances qui ont pu survenir.

Ce soutien s’est manifesté à plusieurs reprises de manière extrêmement forte, qu’il s’agisse, sous la présidence de François Mitterrand, de la construction du siège de la Cour européenne des droits de l’homme, sous la présidence de Jacques Chirac, de celle du siège du Parlement européen, sans parler de l’idée même des contrats triennaux, qui fut initiée en 1980, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, pour servir de cadre au soutien apporté par l’État à l’exercice par Strasbourg de ses fonctions européennes.

Le principe de ces contrats a été inscrit à juste titre dans le projet de loi, et notre commission des lois a bien voulu introduire dans le texte les précisions qui ont paru nécessaire à une meilleure compréhension de ces dispositions sur ce point. Que les membres de notre commission des lois, tout particulièrement son président, Jean-Pierre Sueur, en soient bien vivement remerciés.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, vous comprendrez qu’en conclusion de mon propos sur les métropoles je ne puisse résister à la tentation de mettre l’accent sur un dossier qui préoccupe nos grandes agglomérations depuis près de quinze ans, gauche et droite confondues. Je veux parler de la décentralisation et de la dépénalisation du stationnement payant. (M. Louis Nègre acquiesce.)

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Roland Ries. Le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, Jean-Jacques Filleul, en a parlé ce matin, et je ne peux qu’appuyer le point de vue qu’il a exposé au nom de la commission.

M. René Vandierendonck, rapporteur. La commission a été unanime !

M. Roland Ries. Il est grand temps de mettre en route cette réforme unanimement attendue par nos agglomérations depuis si longtemps et de valider l’amendement proposé par Jean-Jacques Filleul tendant à insérer un article additionnel après l’article 3, qui vise à dépénaliser le stationnement et à le transformer en service public du stationnement. Sur ce point précis, mesdames les ministres, il me semble qu’il existe un large consensus dans notre assemblée.

Je forme le vœu que ce point d’accord puisse s’étendre, avec les modifications et amendements issus de nos travaux, à l’ensemble des dispositions permettant l’affirmation de nos métropoles comme moteurs de développement des territoires dans lesquels elles s’inscrivent. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après les grandes lois de décentralisation de 1982 et de 2004, le texte que nous examinons aujourd’hui n’a malheureusement pas l’envergure attendue d’un acte III de la décentralisation.

Le résultat des querelles intestines auxquelles vous avez dû faire face dans votre propre camp, mesdames les ministres, a conduit, d’une part, à scinder le projet de loi en trois textes et, d’autre part, à établir une rédaction initiale extrêmement complexe, voire tourmentée.

On espérait un projet de loi digne de ses prédécesseurs, à la hauteur de la devise des jeux Olympiques, « citius, altius, fortius » ! On découvre, en définitive, un texte « petibonus » (Sourires.) qui ne correspond pas, loin de là, à la vision et à l’ambition des deux textes précédents, fondateurs de la décentralisation à la française.

Dans le texte initial, bien que d’une excessive complexité, on a étrangement oublié d’inscrire la décentralisation et la dépénalisation du stationnement, qui constituent cependant, je le rappelle comme mes collègues Ries et Filleul, l’un des éléments les plus importants de la gouvernance de nos agglomérations. Aussi, je ne peux que me féliciter de l’important travail accompli par le président et le rapporteur de la commission des lois à qui je rends hommage. Ils ont fort justement simplifié le texte.

La commission a revu en profondeur la composition et le rôle des conférences territoriales afin d’en faire un lieu de concertation et de dialogue et rendu plus acceptables certaines dispositions, soit en les assouplissant, soit tout simplement en les modifiant, comme l’article sur le logement. Elle a également – j’en suis très heureux – conforté le fait urbain, en préconisant l’émergence de métropoles d’une taille significative dans le contexte européen. Les grandes agglomérations urbaines, éléments majeurs du développement économique et de la compétitivité de notre pays, sont désormais, comme la DATAR l’estimait nécessaire, reconnues comme telles.

Je me réjouis que le titre même du projet de loi confirme l’affirmation des métropoles.

La métropole de Nice Côte d’Azur est l’exemple concret, et unique à ce jour, de cette très efficiente institution. Tout le monde parle des métropoles mais personne ne les connaît. À Nice, nous savons depuis dix-huit mois comment fonctionne une métropole…

M. Louis Nègre. Créée par Christian Estrosi, sur la base de la loi du 16 décembre 2010, Nice Côte d’Azur est un nouveau modèle d’institution territoriale. Cependant, je ne reprocherai à personne de ne pas le savoir… (Sourires.)

Avec le recul, je peux l’affirmer, cette métropole fonctionne efficacement et à la satisfaction générale. Pourtant, comme notre collègue Gérard Collomb, lorsque, il y a dix ans, nous avons créé la communauté d’agglomération, nous avons dû faire face à de très fortes oppositions, avec des pétitions, des manifestations et même des référendums ! Aujourd’hui, la situation est inverse. Nice Côte d’Azur, métropole pilote, a ouvert la voie !

Aussi, je me félicite que le Gouvernement, à travers l’article 33, reconnaisse son existence, ses compétences et son exemplarité. Cette métropole exerce, d’ores et déjà, la plupart des compétences proposées par le projet de loi. Mais elle a surtout pour intérêt de donner vie à une intercommunalité dynamique et solidaire qui porte un vrai projet de territoire.

Certains, ici même, ont fait part de leur inquiétude face à une intégration aussi poussée. Je tiens à les rassurer, et je dis à notre honorable collègue Christian Favier : « N’ayez pas peur ! » Le bon fonctionnement de la métropole Nice Côte d’Azur, qui a réussi à créer un partenariat constructif entre toutes ses communes – j’y insiste –, le démontre au quotidien. Sachez, par exemple, que les communes rurales, vingt-neuf sur quarante-six, sont largement plus nombreuses que les communes urbaines. Elles ont, avec ces dernières, n’en déplaise aux Cassandre, créé une véritable solidarité, qui, à son tour, a renforcé la cohésion sociale. Voilà la meilleure réponse, tirée de la réalité du terrain et non d’inquiétudes plus ou moins fantasmées, que l’on peut apporter aux détracteurs des métropoles !

Mieux encore, un an et demi après, le dynamisme de la métropole niçoise, ses réalisations et l’harmonie qui y règne font qu’aujourd’hui deux communes dirigées par des maires membres du parti communiste réclament publiquement leur intégration dans la métropole. Je peux donc confirmer que cette intercommunalité s’avère aussi attractive qu’efficace, tant pour les communes que pour nos concitoyens, qui doivent être au centre de notre démarche.

Le maire de Cagnes-sur-Mer que je suis, comme quarante-cinq de mes collègues, qui en portent d’ailleurs témoignage, peut vous affirmer que ma commune n’a pas disparu. Je ne suis pas devenu, en rejoignant la métropole, un maire de l’état civil ou d’un arrondissement. Personne sur place ne s’y trompe !

La clé de cette réussite, mesdames les ministres, chers collègues, réside dans une bonne gouvernance, qui est elle-même basée sur deux éléments fondamentaux sur lesquels je veux insister : d’une part, la conférence des maires, appelée dans le projet de loi « conférence métropolitaine », et à laquelle je souhaite, au vu de mon expérience, que l’on attribue un rôle plus décisif que prévu dans le texte qui nous est soumis ; d’autre part, une charte, constitution interne, garante d’un fonctionnement harmonisé qui recherche systématiquement le consensus.

Malgré les imperfections que j’ai évoquées et auxquelles j’espère il sera remédié dans la discussion qui s’annonce, le projet de loi, à travers l’affirmation des métropoles, va dans le bon sens. En conséquence, je le voterai. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. Je me permets de dire au Sénat qu’attribuer des temps de parole de trois ou cinq minutes sur des sujets qui sont notre cœur de métier et qui font l’objet d’interventions de conviction a quelque chose d’irréaliste.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a tant de demandes…

M. le président. Il faudra en tenir compte pour la suite de nos travaux.

La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, la reconnaissance du fait métropolitain est l’un des aspects majeurs du projet de loi dont nous entamons aujourd’hui l’examen. Pour ma part, j’y vois un gage de souplesse et d’efficacité. J’y vois surtout une réponse adaptée à des réalités et à des histoires territoriales très diversifiées.

Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, l’organisation des pouvoirs locaux n’obéirait plus seulement à une vision centralisée, descendante et uniforme, mais s’appuierait sur l’expérience de terrain. C’est un signe indéniable de maturité, de progrès de notre démocratie, et c’est un acte de respect des élus locaux.

Ce projet de loi a également l’avantage de laisser aux acteurs des marges de manœuvre importantes. Il nous rappelle que la loi n’est pas dans l’obligation de tout définir. Il nous faut en effet reconnaître que ce qui est aujourd’hui possible à Lyon, où il existe une longue et forte expérience d’intercommunalité intégrée, ne l’est pas de la même façon à Marseille ou au sein de l’agglomération parisienne avec ses 12 millions d’habitants.

M. Vincent Eblé. S’agissant de cette dernière, le texte du Gouvernement amendé par la commission des lois propose d’engager une première étape avec la création d’une collectivité sui generis, le Grand Paris Métropole.

Si je souscris, dans son principe, à la création d’une telle instance, je pense que nous devons être particulièrement attentifs, dans nos débats, à trois aspects : le périmètre, les compétences et la solidarité financière.

Le premier aspect concerne le périmètre de cette future métropole parisienne.

Nous avons eu ces derniers mois de nombreux et longs débats entre élus franciliens. Les uns considèrent que métropole et région forment un tout ; les autres, s’appuyant sur la spécificité des problèmes auxquels sont confrontées les communes de la zone dense, plaident pour une structure centrée autour de l’aire urbaine. C’est d’ailleurs la proposition retenue par la commission des lois même si, je l’ai noté, les EPCI n’appartenant pas à l’aire urbaine pourraient, sur la base du volontariat, et sous certaines conditions, adhérer à cette future métropole.

Dans ce débat sur le périmètre, nous devons surtout veiller à ne pas laisser se créer de nouvelles frontières au sein de l’Île-de-France.

Élu du département de la Seine-et-Marne, qui couvre la moitié de la surface régionale et où cohabitent des secteurs urbains, périurbains et ruraux, je sais combien les craintes de relégation et d’exclusion de la dynamique métropolitaine engendrent systématiquement des réactions extrémistes.

M. Vincent Eblé. Ces femmes et ces hommes, qui cumulent souvent surendettement, précarité énergétique, temps de transports à rallonge et difficultés d’accès aux études supérieures pour leurs enfants, éprouvent tous les jours le fait métropolitain parisien dans ce qu’il a de plus négatif : cherté des logements, qui pousse à trouver toujours plus loin la petite maison familiale de ses rêves ; transports bondés, dont les capacités n’ont pas suivi l’essor démographique ; insuffisance d’équipements publics de proximité dans leurs communes de résidence trop petites ou trop peu organisées en intercommunalité pour répondre à ces attentes.

M. Vincent Eblé. Ces femmes et ces hommes sont donc les premiers à être intéressés au fait que nous parvenions à trouver la bonne échelle pour résoudre leurs difficultés. Or, si je m’en tiens à la rédaction actuelle du texte, les quatre cinquièmes du territoire de la grande couronne et les deux tiers de ses habitants seront exclus formellement de la métropole.

Une autre raison d’être vigilant sur le périmètre est que la réalité dans laquelle la métropole parisienne fonctionne aujourd’hui fait largement fi des frontières étroites de l’aire urbaine.

Depuis trente ans, l’agglomération parisienne s’est développée en archipels et non de manière radioconcentrique. Des pôles majeurs de développement ont ainsi émergé à Cergy-Pontoise, à Évry, à Sénart, à Marne-la-Vallée, sur le plateau de Saclay ou encore autour de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or les limites de l’aire urbaine ne correspondent pas à cette géographie. À titre d’exemple, le périmètre proposé, tant dans le texte initial que dans la version amendée par la commission, exclut de la future métropole les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or quoi de plus métropolitain qu’un aéroport international ?

Plus grave, à mon sens, est la proposition de la commission des lois de ne plus fixer de seuil démographique pour les intercommunalités de la grande couronne appelées à rejoindre la future métropole. Cette proposition méconnaît le besoin d’une plus grande structuration de ces territoires, dont les habitants subissent aujourd’hui les conséquences de l’émiettement communal et intercommunal.

Ainsi, en Seine-et-Marne, département de 1,3 million d’habitants, nous comptons 514 communes et 43 EPCI dont un seul couvre plus de 100 000 habitants. C’est un handicap sérieux pour affronter les défis que je viens d’évoquer et permettre que la spécificité de ces territoires soit entendue dans les débats métropolitains. Je regrette donc ce qui peut s’assimiler à une forme de frilosité inadaptée aux enjeux du moment.

Le deuxième aspect, sur lequel je passerai plus rapidement – je sollicite néanmoins votre vigilance –, a trait aux compétences et à la gouvernance de cette future métropole.

Si la proposition de la commission de réintégrer la région et les départements dans cette instance va dans le bon sens, le statut de simple membre consultatif me paraît encore insatisfaisant. Je n’ignore pas les raisons juridiques qui ont guidé ce choix, mais elles me semblent devoir être précisées.

II en va de même – c’est en lien direct avec la place et le rôle de la collectivité régionale et des collectivités départementales – du statut et des compétences susceptibles d’être exercées par cette future métropole. Il me semble en effet qu’un flou persiste, qu’il nous faudra dissiper en partant d’une question centrale : cette future métropole a-t-elle vocation à n’être qu’une structure de mutualisation et de coordination ou a-t-elle vocation à se voir transférer certaines compétences exercées aujourd’hui par ses membres ?

Le troisième aspect porte sur la solidarité financière.

S’il est une caractéristique propre à l'Île-de-France, c’est le fait que cohabitent, sans doute comme nulle part ailleurs, des poches d’extrême pauvreté et des secteurs de grande richesse. L’accroissement de ces inégalités fait courir un risque majeur, non seulement en termes de cohésion sociale – gardons en mémoire les émeutes urbaines de 2005, Claude Dilain s’en souvient ! –, mais aussi en termes d’attractivité économique de la région capitale. Et ce ne sont pas seulement les Franciliens qui auraient à pâtir d’un affaiblissement de l’Île-de-France, mais le pays tout entier, tant Paris et sa région contribuent à notre vitalité économique et à notre croissance !

Pour enrayer ce phénomène, le Gouvernement avait proposé un dispositif de péréquation entre départements, qui, bien que présentant des difficultés techniques, répondait à un besoin impérieux. Pour des raisons qui tiennent à la méthode retenue, les commissions ont proposé la suppression pure et simple de l’article concerné.

Je pense que ce serait une grave erreur de renoncer à un dispositif qui répond à une véritable urgence sociale et sans lequel il n’y aura pas de métropole durable et solidaire. Je vous proposerai donc un amendement visant à rétablir le principe de ce fonds de péréquation, reportant à la loi de finances le règlement de ces difficultés techniques.

Au travers de ce texte, nous devons faire évoluer notre organisation territoriale pour que nos collectivités puissent continuer à vivre et à se développer dans un contexte économique, social et financier plus difficile que jamais. Je crois que les nouveaux outils proposés, fondés sur les principes de dialogue, de respect des élus locaux et de reconnaissance de la diversité de nos territoires, peuvent nous y aider pour peu que nous gardions à l’esprit les raisons qui fondent l’action politique locale : le service au public, le développement de nos territoires et la lutte contre les inégalités sociales et spatiales.

Dans l’œuvre de redressement de notre pays engagée par le Président de la République et le Gouvernement, les collectivités peuvent et doivent jouer un rôle important. Ce premier texte de loi, comme ceux qui suivront, doit y contribuer. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je vais évidemment vous parler du Grand Paris. Voilà cinq ans que j’attends le moment de pouvoir débattre ici d’une nouvelle organisation territoriale dans cette région. Ce jour aurait pu être pour moi un grand moment de satisfaction, voire de bonheur, si j’avais pu voir mon travail transcrit dans la loi. Seulement, je suis sénateur de Seine-Saint-Denis et non sénateur du Rhône et mon rapport traitait du Grand Paris et non du Grand Lyon... (Sourires.) Nul n’est prophète en son pays !

Reste que je retiens avec satisfaction que le modèle lyonnais ici proposé valide l’idée de la métropolisation par la fusion d’une structure intercommunale et d’un département. Je retiens également des propos de notre rapporteur, René Vandierendonck, qu’il faut étudier le sujet. Lorsqu’il m’a informé que Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, avait souligné, ce que j’ignorais, que la question méritait d’être posée, je me suis dit que les choses avançaient.

Il y a un peu plus d’un an, j’ai reçu un coup de fil de Claude Bartolone, alors président du conseil général de Seine-Saint-Denis, pour me dire : « Je t’appelle, parce que tu vas être content : je pense que tu as raison et qu’il faut aller vers autre chose que Paris et les trois départements de la petite couronne ». C'est aussi la position de l’actuel président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Voilà mes sujets de satisfaction !

Malheureusement, mesdames les ministres, votre projet concernant la région Île-de-France ne va pas dans ce sens : vous n’avez pas eu cette audace. Je crois savoir pourquoi : entre le président de la région, Jean-Paul Huchon, qui n’a jamais voulu entendre parler du Grand Paris, n’y voyant qu’un concurrent trop puissant,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il n’y a pas que cela !

M. Philippe Dallier. … et le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui n’est jamais allé au bout de sa logique, initiée au moment de son élection, de dialogue entre la ville de Paris et les communes de banlieue, vous avez choisi le compromis. À mon sens, c’est la plus mauvaise solution.

Le statu quo n’étant pas possible, car on ne peut pas ne rien faire, je vous propose la solution que j’avançais en 2008, car il y a urgence.

Urgence à faire émerger une métropole du Grand Paris permettant à notre ville-monde, ce qui constitue pour tous les Français l’atout le plus précieux, de rivaliser, à armes égales, avec ses concurrentes.

Urgence à devenir plus efficaces sur chacune des grandes politiques publiques : logement, transport, développement économique.

Urgence à réduire la fracture territoriale dans cette métropole, certes la plus riche de France et d’Europe, mais aussi celle où les inégalités entre collectivités territoriales sont les plus grandes.

Urgence à rationaliser la dépense publique, parce que les années qui viennent s’annoncent difficiles pour toutes nos collectivités.

Urgence à permettre à nos concitoyens de comprendre quelque chose au modèle pour qu’ils sachent simplement qui vote l’impôt local et pour en faire quoi.

Voilà, mes chers collègues, les défis que nous devons relever. Le texte qui nous est présenté nous le permet-il ? À l’évidence, non ! Si nous l’adoptions, il y aurait un maire de Paris, un président du Grand Paris, un président de la région, huit présidents de conseil général, plusieurs dizaines de présidents de communautés d’agglomération, qui – situation unique en France – se toucheraient toutes, formant un ensemble de 10 millions d’habitants, et 412 maires de l’unité urbaine qui diraient : « Et moi, et moi, et moi ! ». C’est si vrai que, dans le projet de loi initial, mesdames les ministres, vous avez essayé de trouver une solution, non seulement pour ces derniers, mais aussi pour tous les maires de la région Île-de-France qui se sentiraient un peu exclus.

Pouvoir émietté, modèle incompréhensible non seulement pour nos concitoyens, mais aussi pour les investisseurs étrangers, technostructure et dépenses de fonctionnement florissantes, dotations à prendre dans une enveloppe normée qui n’en peut plus : voilà les conséquences certaines de votre projet ! Nous sommes là au cœur du débat.

Pourtant, à Lyon, comme à Marseille, de deux manières complètement différentes, vous nous proposez une rationalisation. Alors pourquoi faire exactement l’inverse en Île-de-France ? J’en suis d’ailleurs très surpris, madame Lebranchu, puisque, à Marseille, vous avez répondu aux élus que le Gouvernement voulait « deux niveaux, les communes et une grande intercommunalité, et non pas trois – les communes, une intercommunalité et un syndicat d’intercommunalité –, parce que c’est budgétivore et que c’est plus difficile à conduire ».

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je suis toujours d'accord !

M. Philippe Dallier. Madame la ministre, vous parliez d’or.

M. Philippe Dallier. Même si les territoires de Paris, Lyon et Marseille sont radicalement différents, il faut pourtant que la logique soit la même. L’adaptation entre ces différentes situations doit évidemment se faire en jouant sur le degré d’intégration des communes à la métropole.

Dans mon rapport de 2008, je proposais de nous appuyer en Île-de-France sur les communes de la petite couronne, qui ont toutes, à quelques exceptions près, la taille critique pour délivrer les services de proximité – elles comptent en moyenne 40 000 habitants, ce qui n’est pas comparable aux situations lyonnaise et marseillaise –, y compris ceux assurés par le département. En effet, qui suit les allocataires du RSA en Seine-Saint-Denis ? Qui suit les personnes âgées dépendantes ? Ce sont les services des communes ! Le département est une caisse enregistreuse, et ce sont les services des communes qui effectuent ce suivi, parce qu’ils en ont la capacité.

Je proposais également de trouver le bon périmètre en matière d’intercommunalité. Je continue à penser que la seule solution viable consisterait à s’appuyer dans un premier temps sur le périmètre des départements de Paris et de la petite couronne. Rendez-vous compte, ils recouvrent 752 kilomètres carrés, alors que la surface de la région est de 12 000 kilomètres carrés ! Sur moins de 10 % du territoire vivent 7 millions d'habitants. La densité est donc plus forte ici que dans le Grand Londres, qui compte 8 millions d'habitants sur 1 500 kilomètres carrés.

Pensez-vous qu’il faudrait chercher le périmètre de l’aire urbaine, avec tous les inconvénients que cela représente – et que Gérard Larcher a décrits –, qu’il faudrait inclure 10 millions d'habitants dans la métropole avec une région qui en compte 12 millions ? Cela n’aurait strictement aucun sens !

Mon modèle présente un autre avantage, mesdames, messieurs de la grande couronne et de la province : il ne coûterait pas un sou aux autres. Je soutiens qu’une fusion des budgets des conseils généraux de Paris et de la petite couronne aurait un effet péréquateur extraordinaire ; ainsi, on ne vous demandera pas de venir au secours de la Seine-Saint-Denis, alors qu’il faudra bien faire quelque chose.

Je proposais dans une troisième étape, après la fusion de ces départements, de redistribuer les compétences et de faire de la métropole du Grand Paris une collectivité locale de plein exercice, sans clause de compétence générale, en la spécialisant, évidemment, en matière de logement.

Mes chers collègues, croyez-vous que, quand on aura coupé la Seine-Saint-Denis en quatre ou cinq communautés d’agglomération, quand on aura monté un PLH et un PLU, on aura changé quoi que ce soit à la mixité sociale dans ce département ? Vous pensez que c'est le bon périmètre de réflexion ? Si, un jour, vous faites disparaître le département et que vous cherchez à financer les politiques sociales, confierez-vous à ces communautés d’agglomération de 300 000 habitants le financement des politiques sociales en Seine-Saint-Denis ?

Quelle est la réalité ? En première couronne, on se regroupe par couleur politique ; à l’Ouest, les plus riches avec les un peu moins riches et, à l’Est, les plus pauvres avec les un peu moins pauvre. Voilà le modèle que vous nous proposez ! Vous aurez beau mettre sur pied tous les mécanismes de péréquation que vous voulez, vous n’en sortirez pas !

Mon modèle ne s’oppose pas à la grande couronne, il ne l’affaiblit pas, même si je comprends que certains de nos collègues s’en inquiètent. En choisissant le périmètre de la zone dense, vous évitez les écueils résultant d’un périmètre aussi étonnant, qui comprend 10 millions d'habitants…

J’en reviens à la première partie de votre texte. Il faut évidemment imposer une coopération entre les collectivités locales. Quel élu local irait aujourd'hui soutenir le contraire ? Dès lors, pourquoi voudriez-vous que la métropole du Grand Paris fondée sur la zone dense s’oppose à la grande couronne ou à la région Île-de-France ?

Mes chers collègues, je ne sais pas si je vous convaincrai. En tous les cas, je poursuis dans cette voie, même si Vincent Capo-Canellas pense que mon projet est un peu daté parce qu’il a cinq ans. Pardonnez-moi, mais, durant les cinq dernières années, qui a proposé un contre-modèle qui traite de tous les sujets ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Dallier. Ne reprochez pas au sénateur Dallier de persister. Mon projet évolue comme un vin de garde : il se bonifie en vieillissant. N’oubliez pas que certains vins nouveaux peuvent très vite devenir des piquettes et tourner au vinaigre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette discussion est longue, riche et, je crois, fertile.

Il y a eu débat sur la méthode législative. Je fais partie de ceux qui ont souhaité le partage en plusieurs projets, en repensant à ce que nous avions fait entre 1981 et 1984 dans le premier vrai train de la décentralisation. Par parenthèse, certains se demandent qui représente le mieux l’acte II de cette décentralisation. Pour ma part, je pense qu’il s’agit de la personne qui préside la séance cet après-midi... (Sourires.)

Le choix que notre gouvernement avait fait à l’époque avait été discuté. Il n’y a toutefois plus réellement débat aujourd’hui. J’approuve donc cette démarche qui nous évite de travailler sur un projet dont la masse serait difficilement maîtrisable. Je crois qu’il y a une cohérence entre les phases. Sachant que nous aurons l’occasion de compléter ces trois textes, le Gouvernement et la commission sont convenus au moins de ne pas essayer d’anticiper dès maintenant sur les deuxième et troisième projets de loi. Je suis sûr que nous ferons preuve, collectivement, de la même sagesse.

Je voudrais m’arrêter un instant, chers collègues et amis, en essayant de ne blesser personne, sur l’une des raisons pour lesquelles nous sommes amenés à gérer ce problème d’« empilement » : le développement de la décentralisation, les compétences territoriales, une expérience accumulée ont favorisé - c’est un trait français que l’on retrouve dans presque toutes nos sphères – l’apparition d’un corporatisme catégoriel à chaque niveau de collectivité.

M. Roger Karoutchi. Tout à fait !

M. Alain Richard. Nous n’allons pas exterminer ce phénomène en le mentionnant, mais il me fallait dire ce qu’il en est. Je ne pense d’ailleurs pas être le seul de cet avis.

Cela étant, priorité a été donnée aux métropoles. Il s’agit d’un très beau terme, qui fait rêver. Pour nous, dont le rôle est modestement de faire les lois, et cela pour dire ce qui est obligatoire et ce qui est interdit, en plus du verbiage qui est secondaire, le terme « métropole » est synonyme de niveau d’intégration intercommunale considérablement amplifié et d’importants pouvoirs retirés aux communes. (M. Gérard Longuet acquiesce.) Ce que l’on a délégué, on ne le reprend plus !

Je suggère donc que nous restions dans une réflexion à la fois réaliste quant au degré d’intégration et de centralisation que nous devons nous donner et attentive aux principes, et d’abord à ceux de la décentralisation. Cela fait un moment - je suis ce parcours à divers titres depuis bien longtemps – que l’on recherche un partage équitable et efficace entre les communes et leurs communautés, ou métropoles désormais.

Nous devons assurer une existence partagée et harmonieuse entre communes et établissements de coopération intercommunale, qui doivent continuer à justifier leur nom. L’influence de l’esprit mutualiste, qui a du sens pour un certain nombre d’entre nous, pourrait nous aider à mener cela à bien. Attention aux pesanteurs et aux attitudes dominatrices, avec l’idée implicite chez certains élus et hauts fonctionnaires, nationaux comme locaux, que les communautés et métropoles sont l’avenir et les communes le passé !

M. Alain Richard. Nous devons garder deux enjeux à l’esprit.

Le premier, c’est celui de la proximité avec la capacité à décider en dialoguant directement avec les gens. Cela est particulièrement important à une époque de chocs sociaux et d’incertitudes pesant sur les plus démunis, car l’échelon avec lequel les citoyens peuvent dialoguer, nous le savons tous, c’est la commune.

M. Gérard Longuet. Tout à fait !

M. Philippe Bas. Très bien !

M. Alain Richard. Le second enjeu, avec lequel nous nous familiarisons progressivement du fait de la crise, c’est l’économie de gestion. Quel est le coût de nos structures locales ? Quel est le rapport coût-prestation ?

Nous partons toujours de l’idée implicite selon laquelle plus gros signifie plus économe. Honnêtement, le bilan est à plusieurs facettes. Je ne cherche pas non plus à être déplaisant, mais il se trouve que la Cour des comptes a fait des évaluations assez nuancées sur le sujet. Or le paysage financier et économique a changé, nous le savons tous, de façon durable. Par conséquent, l’intercommunalité et la vie communale devront être, l’une comme l’autre, synonymes de rationalisation et de synergie.

Mesdames les ministres, nous aurons dans cinq ans un rendez-vous sur la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale. Il faut le préparer ! Nous devons mettre en place, avant cette échéance, une véritable évaluation des coûts de gestion des différentes structures avant de décider s’il faut continuer à les faire grossir. (M. le rapporteur acquiesce.) La croissance démographique et administrative des communautés ne va pas automatiquement dans le sens de la rationalité économique.

C’est ici que je voudrais présenter une réserve de taille devant le projet de loi que le Gouvernement nous a soumis. Partant de l’idée un peu simplificatrice selon laquelle la concentration très poussée de pouvoirs locaux est facteur d’efficacité, nous trouvons dans le texte cinq éléments inattendus de la part d’un gouvernement de gauche.

Premièrement, les communautés existantes, toutes créées volontairement, à l’exception des quatre premières il y a quarante-six ans, sont tenues par décret de devenir métropoles, qu’elles le veuillent ou non.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est tout simplement incroyable !

M. Alain Richard. Deuxièmement, alors que les communautés de l’aire urbaine de Marseille connaissent de nombreux facteurs de clivage, le texte les inclut d’autorité dans la formule de concentration des pouvoirs la plus contraignante.

Troisièmement, alors que la carte des communautés, à peine achevée dans la grande couronne et engagée à moitié dans la petite couronne, est encore en développement en Île-de-France, on décide d’inclure d’office toutes ces communautés actuelles ou futures dans une superstructure dont la valeur ajoutée est un peu proclamée dans l’abstrait.

M. Gérard Longuet. Que cela est joliment dit !

M. Alain Richard. Quatrièmement, le SDCI de la petite couronne est imposé, en cours de mandat municipal, avec un seuil de population très élevé et le SDCI de la grande couronne, quant à lui, est à refaire entièrement dans le mois qui suit son entrée en application.

Cinquièmement, c’est un point sur lequel je veux insister et dont nous reparlerons, dans les métropoles de « droit commun », si l’on part d’une communauté urbaine, il n’y a pas de modification substantielle sur le pouvoir d’urbanisme. Par contre, lorsque c’est une communauté d’agglomération qui devient métropole, le pouvoir sur le PLU est transféré de la commune à la communauté. Il s’agit d’une position tout à fait soutenable, mais il vaut mieux qu’elle soit explicite, et je ne trouve pas qu’on en parle beaucoup. Je constate également qu’aucun aménagement n’a été prévu pour l’élaboration des PLU, qui deviendraient ainsi intercommunaux.

Tout cela me gêne et me peine, car je parle à des amis. Je pense que ces propositions s’éloignent de la trajectoire émancipatrice que nous suivons depuis quarante ans et qui a marqué de grandes victoires de notre famille politique. Quand on a fait la décentralisation en 1981, on l’a fait dans le combat ! (MM. Roger Karoutchi et Gérard Longuet opinent.) Quelques-uns que je vois ici y ont participé ! (Sourires.) Depuis lors, la décentralisation est un phénomène consensuel.

Il me semble donc que nous devons adopter une démarche qui repose davantage sur la confiance aux élus. Je déplore ce parti pris qui consiste à dire : « On décide pour vous ! » Fusionner ou mutualiser d’office, c’est partir du principe que les élus ne seraient pas capables de prendre eux-mêmes conscience des besoins de plus grande efficacité et de plus grande solidarité.

La commission, au sein de laquelle nous avons tous travaillé, a substantiellement rééquilibré les choses. Je veux saluer le fait que nous en avons discuté entre représentants de tous les groupes et que nous avons su nous rapprocher.

Comme je dépasse beaucoup mon temps de parole, et je prie le Sénat de bien vouloir m’en excuser, je vais terminer sur un point qui me tient à cœur.

Notre débat s’engage et se révèle fertile en réflexions et en analyses. À entendre les différents orateurs, je crois percevoir une volonté largement partagée de faire aboutir ce projet de loi. Il s’agit d’un enjeu sérieux pour la place du Sénat et l’influence du Parlement sur notre paysage territorial.

Nous aurons ce soir un rendez-vous concret : des motions de procédure tendent à mettre fin à notre discussion, et nous allons devoir prendre une décision. Tous les groupes de notre assemblée ont un rôle à jouer dans l’œuvre que nous devons accomplir. Tous les orateurs engagés dans le débat, jusqu’à présent brillant, ont montré qu’ils avaient beaucoup à apporter, comme cela s’était déjà vu en commission.

Ce que nous allons faire ce soir est un petit moment de vérité politique : sommes-nous capables de nouer des convergences, de mener à bien un dialogue démocratique pour définir une structure de nos agglomérations qui assure l’efficacité collective sans sacrifier la proximité ? Je crois que oui, mais j’attends avec intérêt ce rendez-vous politique.

Au cours de ce débat, nous avons entendu beaucoup de belles interventions, qui, toutes, ont cherché à convaincre plutôt qu’à cliver et qui ont montré que nous pouvions, d’une certaine façon, progresser ensemble. Au-delà du règlement des problèmes de gestion locale dont nous sommes constitutionnellement responsables, nous avons l’occasion de montrer aux citoyens de ce pays, profondément inquiets dans la tempête économique qui sévit et soucieux de voir leurs représentants s’engager dans des choix constructifs, que nous savons nous rassembler.

Mes chers collègues, je suis sûr que nous serons à la hauteur et que le pays le remarquera. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au fur et à mesure de son examen, ce texte a suscité, chez nos collègues sénateurs ainsi que chez de nombreux élus de nos départements, d’abord de la perplexité, ensuite des oppositions, qui ont abouti au grand chamboulement opéré par la commission des lois. Cela tend à prouver que le Gouvernement et les élus de terrain que nous sommes n’ont pas forcément la même vision de la décentralisation et de l’organisation de nos territoires.

Toutefois, mon propos portera essentiellement sur le projet rhodanien, qui prévoit, sur un même territoire, la création d’une nouvelle collectivité – une métropole-département – entraînant la naissance d’un nouveau département dont la superficie, la démographie, les dépenses et, bien évidemment, les ressources seront réduites.

Fruit d’un accord local intervenu entre nos deux collègues Michel Mercier et Gérard Collomb, qui ont souhaité passer rapidement à la mise en œuvre de cette fusion, le cas de Lyon Métropole fait un peu figure d’exemple et d’aucuns voudraient le traiter à part. Je tiens d’ailleurs à signaler que l’accord est intervenu avant le débat ; nous essaierons de ne pas retenir ce désordre chronologique...

Que l’agglomération lyonnaise ambitionne de se hisser dans la cour des grandes métropoles européennes, on ne peut qu’y souscrire et y adhérer intellectuellement. Reste que certaines conséquences inquiètent bon nombre d’élus et d’habitants du Rhône.

Quid du devenir des cinquante-huit communes de la métropole ? Si elles garderont leur autonomie pendant la durée de ce mandat – du moins une certaine autonomie ! –, savent-elles vraiment que leur disparition est pratiquement programmée pour 2020 ? Je n’en suis pas certaine, et je pense qu’il faut leur dire la vérité.

Quant au département restant, qui sera toujours le Rhône, il lui faudra trouver une certaine unité, une organisation cantonale et une capitale, alors que la plus grande inquiétude règne autour des moyens financiers dont il disposera pour se développer en matière de transports, d’infrastructures, de zones d’activité, d’équipements,... Ce département va passer de 1,7 million d’habitants à 430 000 habitants ; on imagine mal que cela soit sans conséquences.

Or, aujourd’hui, que savons-nous ? Nous disposons d’une approche, de grandes masses budgétaires – recettes et dépenses –, mais malheureusement, à ce jour, aucune étude chiffrée connue et précise n’est en mesure soit de nous rassurer, soit de nous alerter, soit de nous offrir l’éclairage nécessaire pour nous prononcer sur ce point précis du projet de loi. Il paraît donc indispensable qu’une étude d’impact portant sur les conséquences de la création de la métropole lyonnaise soit réalisée. Une telle étude devrait d’ailleurs être préconisée préalablement à la création de toutes les métropoles. Il s’agit ni plus ni moins d’une question de transparence. En effet, si la simple application de ce projet de loi devait entraîner une augmentation de la fiscalité pour le département du Rhône, cela ne serait pas acceptable, et nos concitoyens, qui se sentiraient trompés, ne l’accepteraient d’ailleurs pas.

La création d’une métropole ne doit pas affaiblir les territoires voisins. Elle doit au contraire constituer une locomotive territoriale facilitant les interactions et les solidarités entre ville et campagne. C’est pourquoi je pense que le temps de maturation de ce projet de métropole lyonnaise a été trop court et qu’une étude approfondie des conséquences de la création d’une métropole sur son territoire et les territoires voisins doit être réalisée et rendue publique, faute de quoi le volet démocratique aura manqué.

Je dois dire que notre collègue rapporteur de la commission des lois a apporté ce matin quelques éléments rassurants, en posant pratiquement comme condition qu’une rencontre tripartite ait lieu afin, justement, de clarifier les questions financières. (M. le rapporteur acquiesce.) J’y souscris, car cette condition est indispensable. Encore faut-il que cette rencontre soit fructueuse ! Je l’espère, en tout cas, parce que l’avenir de nos collectivités rhodaniennes en dépend. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, de l’UDI-UC et du RDSE.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous allons nous prononcer sur un texte dont une partie intéresse plus particulièrement 8 sénateurs, sur les 348 que compte notre assemblée, les élus des Bouches-du-Rhône. Mon raisonnement se fonde donc non pas sur un rapport de force, mais sur un rapport de loyauté et de confiance.

Cette assemblée, je le répète, compte 348 représentants des territoires, tous issus de la démocratie de proximité. La République est solide de la relation privilégiée entre les élus et l’ensemble de leurs concitoyens.

La proximité que nous avons avec les habitants de nos territoires me conduit, mes chers collègues, à vous faire part des réalités de la Provence et du décalage qui existe entre ce texte et les attentes de nos administrés.

Les territoires ne sont pas uniformes. Ce n’est donc pas d’une métropole Aix-Marseille-Provence, qui deviendra très vite obèse, dont nous avons besoin. Marseille n’a pas non plus besoin d’une intégration à marche forcée. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, mesdames les ministres, c’est de l’écoute, de la compréhension et de la solidarité de la part de l’État.

Si elle était adoptée, cette loi d’exception créerait un sixième niveau politique et administratif à Marseille. Ce niveau supplémentaire gâcherait la chance qu’a la France de voir encore 80 % de ses électeurs se rendre aux urnes pour élire leurs maires.

Disons-le clairement, il s’agit bien d’une loi d’exception et d’une loi de circonstance pour Marseille !

Mes chers collègues, le plus grand risque que fait courir ce projet de loi est d’ordre démocratique. Pourquoi vouloir priver les maires de leurs compétences de proximité, comme le droit des sols, qui seraient transférées à une métropole à fiscalité propre ? Sur ce point, je vous renvoie à l’article 30.

Pourquoi voter une loi d’exception pour une métropole de Marseille, qui n’a besoin que du soutien financier de l’État et de la solidarité des communes voisines ? Celles-ci, d’ailleurs, ne la lui refusent pas, et sont prêtes à verser 50 millions d’euros par an.

Pourquoi voter une loi qui ne permet pas à tous les maires – je dis bien à tous les maires –, qui seront élus en mars 2014, d’être membres à part entière de l’exécutif du nouvel EPCI à fiscalité propre ?

Pourquoi 69 maires sur les 90 que vous entendez enrôler de force dans la métropole, mesdames les ministres, seraient-ils condamnés à ne disposer que de pouvoirs consultatifs, alors que cette instance va être amenée à prendre des décisions importantes pour le quotidien des populations locales : l’urbanisme, l’environnement, l’emploi et la fiscalité ?

Je vous demande d’entendre ces 109 maires, sur les 119 communes que comptent les Bouches-du-Rhône, qui s’opposent à ce projet de loi, et ce quelle que soit leur tendance politique. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Ma démarche est guidée par la lucidité, le réalisme et la cohérence. La métropole ne doit pas être une contrainte, elle doit être, avant tout, un projet.

Mesdames les ministres, vous nous demandez d’adopter un texte qui s’apparente à la loi de 2010, en ce que son adoption conduirait à retirer des compétences aux communes, en particulier le droit des sols. Oserais-je rappeler que, à l’époque, nous – le groupe socialiste, la gauche entière – trouvions à la loi beaucoup d’imperfections et que nous l’avions combattue, en rassemblant contre elle toute la gauche parlementaire ? Faut-il redire que cette loi a été adoptée avec une majorité de trois voix seulement au Sénat, et que vous-même, madame Lebranchu, aviez voté contre à l’Assemblée nationale ?

Il n’y a pas de raison que cela change aujourd’hui. Vous nous accorderez au moins le bénéfice de la constance dans nos positions. J’ai bien dit « constance », et non pas « conservatisme », comme certains se plaisent à le penser, voire à le dire.

Je l’affirme avec gravité, 6 sénateurs des Bouches-du-Rhône sur 8, 109 maires sur 119, 8 présidents d’EPCI sur 9, 11 maires sur 18 de la communauté urbaine de Marseille et la majorité des élus socialistes à la mairie de Marseille ne sont pas opposés au changement ou au travail en commun. Il n’y a pas, d’un côté, les progressistes et, de l’autre, les tenants du statu quo.

Avec chacun des 3 137 grands électeurs des Bouches-du-Rhône, et grâce au mandat qu’ils ont bien voulu nous confier, nous avons de l’ambition pour notre département, qui représente 50 % du PIB de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Comme vous, nous aspirons à renforcer son rayonnement dans l’aire méditerranéenne. Pour cela, nous devons redoubler d’efforts et mener un indispensable travail de coopération.

Mesdames les ministres, nous sommes tous d’accord sur le diagnostic que vous formulez pour la ville de Marseille, qui est tellement montrée du doigt et dont la situation justifierait votre précipitation, mais nous divergeons sur le remède. Comment la plus conservatrice des méthodes, celle de l’empilement des niveaux administratifs, pourrait-elle créer du nouveau ? Soyons sérieux !

Alors que vous avancez pour unique solution une réorganisation institutionnelle, nous demandons une vraie mobilisation de tous les acteurs, notamment du Gouvernement. Il faut un grand plan national, qui fasse des transports, de l’emploi, de l’enseignement et de la sécurité les priorités des priorités pour les Bouches-du-Rhône et surtout pour Marseille.

Pour le territoire parisien, on annonce une aide de 30 milliards d’euros. Pour notre département, plus particulièrement pour notre ville de Marseille, en revanche, rien n’est défini !

Jean-Claude Gaudin, qui est retourné dans nos terres marseillaises, a déclaré, il y a quelques instants, que le projet de loi allait trop vite, trop fort, trop loin. C’est vrai ! Il n’y a pas que le résultat qui compte, la manière aussi est importante. En l’occurrence, la manière forte, autoritaire, n’est peut-être pas la bonne.

Pour conclure, je dirai que la République et le respect de nos usages démocratiques imposent d’entendre cet appel de la raison. C’est pourquoi, mes chers collègues, permettez-moi de prendre une certaine distance avec les usages politiques. Si les demandes formulées par un certain nombre d’entre nous n’étaient pas entendues, si le présent projet de loi ne connaissait pas de modifications profondes, je ne le voterai pas. (MM. Rachel Mazuir et Roland Povinelli, ainsi que Mlle Sophie Joissains applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à souligner, en guise de propos liminaire, l’heureuse tonalité de nos débats, qui a été rendue possible par la liberté que se sont octroyée le président de la commission des lois, le rapporteur et les rapporteurs pour avis. Ce faisant, ils répondaient à l’attente, à l’ambition et à l’envie de nombreux élus locaux, notamment d’Île-de-France. Ils ont compris qu’il fallait les prendre en compte.

Quelle déception, en effet, que ce projet de loi ! Il est difficile de prendre la parole à cette tribune, tant le désappointement est profond, sur toutes les travées de cet hémicycle.

M. le rapporteur nous a expliqué que les trois projets de loi de décentralisation arrivaient dans le mauvais ordre.

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !

M. Philippe Dominati. Tout le monde le sait, l’ordre dans lequel ils nous parviendront n’est pas institutionnel.

M. Dantec, quant à lui, a évoqué la faiblesse du projet de loi. En tant qu’élu d’Île-de-France – vous ne serez d’ailleurs pas surpris, mes chers collègues, que mon propos concerne plus particulièrement cette région –, je dois malheureusement reconnaître que cela est vrai.

La France a longtemps eu peur de Paris et de l’Île-de-France. Tous les présidents de la Ve République se sont occupés du cœur du pays, de cette région. Le général de Gaulle a créé les huit départements et les villes nouvelles. Le Président Giscard d’Estaing a créé la plus jeune commune d’Île-de-France, en donnant un maire à Paris. Le Président Mitterrand, d’abord réticent, a fait entrer Paris dans un cadre de droit commun, en alignant son statut avec ceux de Lyon et de Marseille. En étant élu Président de la République, Jacques Chirac, alors maire de Paris, a démontré que cette ville était réconciliée avec la France. Le Président Sarkozy a eu la vision du Grand Paris, il en a eu une conception contemporaine, à laquelle il a fait adhérer un grand nombre de personnes.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Philippe Dominati. Nous attendons de voir ce que fera le Président Hollande. Ce dernier dispose d’une chance exceptionnelle, que ses prédécesseurs n’ont pas eue : il devrait normalement pouvoir bénéficier de l’écoute politique du président de région, en place depuis douze ans, et du maire de Paris, qui honore son deuxième mandat.

M. Gérard Longuet. En théorie, oui !

M. Philippe Dominati. Sa tâche est d’autant plus aisée que le maire de Paris n’a pas l’intention de se représenter et que le président de la région veut participer à ce débat.

Vous avez une chance historique, mesdames les ministres, et vous passez à côté, parce que vous recherchez le compromis. (Mme la ministre marque son étonnement.) Cela a été dit plusieurs fois, et – je le regrette – c’est cruellement vrai.

Le présent projet de loi redonne un statut d’exception à Paris. C’est son premier défaut. Sur ce point, d’ailleurs, je ne partage pas l’avis de certains de mes collègues franciliens, qui sont pourtant de ma sensibilité politique. L’exception, cela veut dire que l’on échafaude un projet à la carte, en tout cas pour Marseille et Lyon. Pour Paris, on essaie plutôt de trouver un compromis entre la région et la mairie. Malheureusement, c’est une mauvaise solution.

Les deuxième, troisième et quatrième défauts de ce projet de loi recouvrent les faiblesses de la vision du Président Sarkozy dans ce domaine : il échoue à définir un périmètre, une gouvernance et des ressources financières propres pour le Grand Paris.

En la matière, donc, le présent projet de loi est un échec. J’ai lu le rapport. Il contient bien une carte de la communauté de Lyon et une autre de Marseille, mais combien d’entre vous, mes chers collègues, et combien de Franciliens, peuvent définir précisément les contours de la métropole du Grand Paris ? Elle n’apparaît même pas dans ce rapport de 500 pages ! (L’orateur brandit le document.) C’est la raison pour laquelle je me rallierai à la proposition intermédiaire, faite par Philippe Dallier. Le périmètre qu’il fixe est peut-être trop grand, mais, au moins, il a essayé de le faire. Dans ce rapport, en revanche, il n’y a rien.

En matière de gouvernance, le projet de loi tend à créer un échelon supplémentaire. Monsieur Dallier, dans votre énumération des niveaux territoriaux auxquels sont confrontés les Parisiens, il manquait encore les mairies d’arrondissement ! (M. Philippe Dallier acquiesce.) Les mairies d’arrondissement, la mairie de Paris, le département de Paris, l’intercommunalité, la région Île-de-France, sans parler de l’État et des institutions communautaires : un minimum de réflexion sur la gouvernance de la métropole semblait nécessaire. Or, là aussi, mesdames les ministres, vous passez à côté.

Tout a été dit au sujet des finances, de la suppression de certains articles du projet de loi au surcoût que représenterait la restructuration en Île-de-France.

Le présent projet de loi aurait pu aborder quelques spécificités, comme le transport en Île-de-France, par exemple. Il traite bien du logement, pourquoi ne s’attaque-t-il pas à l’ineptie de l’organisation des transports dans cette région ? Vous avez choisi de dissocier ces deux sujets, alors que nous sommes la seule région, la seule ville en Europe et bientôt dans le monde où existe encore le monopole des transports publics. Pas moins de quatre sociétés d’État font mal leur boulot depuis un demi-siècle, et vous ne profitez pas de l’occasion pour essayer de coupler le logement et le transport !

Pour toutes ces raisons, je fais partie des nombreux déçus par ce projet de loi. Pour l’instant, le Président de la République et son gouvernement n’ont pas mesuré la nécessité de redonner de l’oxygène à la région et à la métropole parisiennes. Ils tentent plutôt de sortir cette dernière du statut de droit commun. Mais je veux ce statut, parce qu’il est protecteur pour les libertés locales et pour nous tous ! En réalité, vous nous proposez un projet technocratique.

Je conclurai, en déplorant, malheureusement, une absence dans les 500 pages de ce rapport. Le maire de Lyon et le maire de Marseille se sont exprimés avec une vision qui conviendrait au Parisien que je suis. Beaucoup d’élus locaux ont également parlé de leur commune. Mais je n’ai pas trouvé l’audition du maire de Paris. Ces 500 pages ne contiennent pas un mot sur sa ligne politique ou sur son projet. C’est regrettable, c’est affligeant, c’est effrayant ! J’aimerais vraiment que la municipalité exprime une vision pour notre capitale.

Le projet de loi est à côté de la plaque. Il est le fruit d’un mauvais compromis entre camarades de même tendance politique qui ne parviennent pas à se mettre d’accord, et nous ne pouvons pas l’accepter ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je vais concentrer mon propos sur l’Île-de-France, dont je suis un élu depuis dix-huit ans.

Contrairement à d’autres, je ne suis pas déçu : j’attendais avec impatience cet acte fondateur de la métropole parisienne. Certains ont depuis longtemps des idées sur le sujet et souhaiteraient que les choses avancent différemment. Reste que le seul gouvernement qui a pris jusqu’à maintenant le taureau par les cornes en présentant un projet de loi, c’est celui de Jean-Marc Ayrault. Je remercie donc nos ministres…

Mme Éliane Assassi. N’en faites pas trop, tout de même !

M. Philippe Kaltenbach. … d’avoir porté ce texte en dépit de toutes les attaques dont elles ont fait l’objet.

À mes yeux, le projet de loi qui nous est soumis ne constitue qu’une première étape pour l’Île-de-France et doit permettre la naissance d’un nouveau dialogue entre les élus locaux de la région capitale. Ce dialogue avait déjà été initié par la conférence métropolitaine, puis par Paris Métropole. Désormais, il va pouvoir s’accompagner d’actions pleinement concertées.

Ce texte, au-delà de la reconnaissance du fait métropolitain incontournable aujourd’hui en France, en Europe et dans le monde, prend pleinement en compte les difficultés que rencontrent nos concitoyens. En Île-de-France, ainsi que cela a été dit par plusieurs intervenants, le bilan n’est pas bon en matière de transport, où nous voyons s’accroître les difficultés, de logement, où la crise devient de plus en plus prégnante, et de lutte contre les inégalités, qui s’amplifient.

Pour répondre à ces défis, il fallait définir une échelle correspondant à la réalité de la vie parisienne : la métropole. C’est donc à cette échelle que les élus pourront proposer des solutions pertinentes et efficaces. Nous allons enfin sortir de la dispersion des responsabilités et de l’empilement des niveaux de décision. Nous allons également pouvoir traiter des questions liées au logement, sur lesquelles nous accusons un grand retard. La région peine à produire 35 000 logements par an alors qu’il en faudrait 70 000, et le déficit se creuse chaque année. Jusqu’à quand cela continuera-t-il ? Grâce à la métropole, nous disposerons d’un outil.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Philippe Kaltenbach. Cet outil nous permettra aussi de lutter contre les inégalités. L’Île-de-France a beau être la région la plus riche d’Europe et représenter 30 % du PIB national, les contrastes et les inégalités y sont nombreux, y compris au sein d’un même département. Dans les Hauts-de-Seine, où je suis élu, la ville de Neuilly bénéficie d’un revenu fiscal par foyer de près de 100 000 euros et compte 3 % de logements sociaux. Deux kilomètres plus loin, les villes de Nanterre ou de Gennevilliers, avec un revenu fiscal par foyer atteignant à peine 20 000 euros, accueillent plus de 50 % de logements sociaux. Ce territoire est aujourd’hui trop inégalitaire, il faut en corriger les déséquilibres à l’échelle de la métropole.

La politique du logement aura valeur de test. S’il réussit, il faudra aller plus loin et attribuer d’autres compétences à la métropole.

J’adhère complètement au modèle lyonnais, défendu avec brio par notre collègue Gérard Collomb. Il vient de loin, puisque la communauté urbaine a été créée il y a près de cinquante ans et trouve aujourd’hui son aboutissement par la création d’une nouvelle collectivité englobant les compétences du département. Cela représente certainement un objectif pour l’Île-de-France, et je rejoins en cela notre collègue Philippe Dallier. Cependant, on ne pourra pas faire cette révolution en un soir. Il faut du temps !

Ce texte est une première étape et, dans mon esprit, la question de la pertinence des départements dans la zone de la métropole se posera très rapidement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui !

M. Philippe Kaltenbach. Si l’on veut continuer à avancer, il faudra certainement s’orienter vers la suppression des départements de la petite couronne.

À mon sens, l’organisation de la France en départements, issue de la Révolution française, était adaptée au territoire de l’époque, un pays rural. Aujourd’hui, plusieurs France coexistent : une France rurale, où le département a toute sa légitimité, et une France urbaine, où le fait métropolitain, comme on le voit, prend la place du département. Voilà le schéma à considérer ! Nous commençons à le faire, par étapes, parce qu’il ne faut pas brusquer ces évolutions. Je sais gré au Gouvernement de faire avancer ce dossier de manière mesurée, en restant à l’écoute et en permettant in fine d’aboutir. Lorsque l’on veut trop charger la barque, elle coule !

Voilà ce que je souhaitais dire à propos de cet excellent projet de loi, largement amendé en commission et qui doit continuer à évoluer.

Pour ma part, j’ai déposé quelques amendements qui ont été retenus en commission, comme l’abaissement du seuil de création d’un EPCI à fiscalité propre de 300 000 à 200 000 habitants, ce qui apparaît indispensable aux yeux de beaucoup d’élus de la petite couronne pour avancer progressivement sans brusquer les évolutions. J’en présenterai d’autres en séance, l’un tendant à créer un collège des maires pour le conseil métropolitain en Île-de-France, avec 30 maires élus par leurs pairs, représentant les 412 maires, ou un autre visant à offrir la possibilité à des intercommunalités partageant une frontière avec l’aire urbaine d’adhérer volontairement à ce Grand Paris Métropole. Il convient de montrer qu’il s’agit non pas de créer une collectivité refermée sur elle-même, mais bien de rester ouvert aux évolutions. Ce dispositif devrait permettre à d’autres collectivités d’adhérer à cette dynamique métropolitaine, dont la première vocation sera le logement, mais qui recevra, je l’espère, de nouvelles compétences par la suite.

Certains souhaiteraient avancer plus vite, quand d’autres voudraient ne toucher à rien. Toujours est-il que ce texte constitue une étape significative créant les conditions du dialogue. Il ne tient qu’à nous de faire de ce premier pas un succès. Il appartient à chacun de ne pas voir midi à sa porte ou de se conduire en boutiquier. Pensons avant tout à nos concitoyens en Île-de-France, qui souffrent au quotidien des transports, de la crise du logement, des inégalités qui se creusent.

En nous rassemblant sur toutes les travées, nous permettrons à la région Île-de-France d’avancer enfin vers un projet correspondant aux attentes des habitants : une métropole harmonieuse et équilibrée. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi ne traite sans doute pas de toutes les grandes questions qui intéressent le présent et l’avenir de nos collectivités, mais il aborde, dans certains cas avec pragmatisme, des enjeux importants. J’apprécie en particulier que nous nous engagions sur la voie d’une certaine diversité, et non plus sur celle de l’uniformité. La France n’a que trop souffert d’un État qui plaçait toutes les collectivités sous la même toise.

Las, votre projet de loi, mesdames les ministres, est largement inabouti. Il n’y a rien dans ce texte qui soit de nature à réellement clarifier les missions respectives du département et de la région. Il est vrai que la loi du 16 décembre 2010 ne tranchait pas non plus la question.

En rétablissant la clause de compétence générale tout en incitant chaque collectivité à s’investir principalement dans les domaines d’action qui lui sont propres, vous montrez que vous ne craignez pas la contradiction. Vous tentez également de donner davantage de consistance à la notion encore très floue de chef de file. Je ne suis pas certain que cette piste soit féconde.

Il est vrai que, en l’observant de manière théorique, notre système n’apparaît pas satisfaisant. Il comporte également l’inconvénient pratique d’alourdir les processus de décision et les charges de fonctionnement des collectivités, en multipliant les services d’instruction d'un même dossier. Notre système de financements croisés n’est toutefois pas dénué d’avantages. Il s’est construit empiriquement par des consensus locaux, départementaux et régionaux, qui permettent de dépasser les clivages autour de projets d’avenir. Mieux vaut un projet partagé à plusieurs qu’un projet imposé par une seule collectivité ! Cela vaut également mieux que de n’en avoir aucun.

C’est la raison pour laquelle, à structures territoriales inchangées, notre commission des lois a souhaité assouplir votre texte en veillant à éviter toute hiérarchisation des collectivités, de crainte de créer une forme de tutelle des unes sur les autres. Une tutelle de cette nature serait d’abord contraire aux dynamiques de consensus local entre collectivités. Elle serait ensuite contraire au principe de subsidiarité. Celui-ci implique que les collectivités ne s’emboîtent pas les unes dans les autres en fonction de leur taille, comme des poupées russes, mais s’articulent les unes aux autres en se déployant en fonction de leurs missions, complémentaires mais distinctes. La subsidiarité n’est pas la subordination et les intercommunalités ne peuvent être des succursales des départements, ni les départements des filiales des régions.

S’agissant des compétences dévolues à chaque chef de file, on voit bien que l’effort de clarification se heurte très vite à des zones de chevauchement qui peuvent en réalité occuper un espace très large. C’est le cas, par exemple, entre « aménagement du territoire », « solidarité des territoires » et « développement local », respectivement dévolus à la région, au département et au « bloc communal ». Nous touchons ici la limite objective de l’effort de rationalisation affiché par le Gouvernement.

Dans ces conditions, il vaut mieux ne pas chercher à accorder des pouvoirs excessifs aux collectivités chefs de file, notamment en multipliant les pactes, schémas, plans et programmes plus ou moins contraignants, qui seraient autant de vecteurs de bureaucratisation de nos collectivités et d’enfermement de leurs actions dans un carcan rigide. Ce n’est pas la bonne voie.

Il faut se méfier de l’émergence d’un centralisme régional tout autant que de la recentralisation rampante de l’action territoriale par l’État, que les transferts successifs de compétences, y compris, madame la ministre, ceux que vous avez annoncés, contribuent paradoxalement à aggraver.

J’en viens maintenant aux métropoles.

J’admets volontiers la diversité des régimes applicables aux plus grandes d’entre elles. Je constate, pour Lyon, un large accord sur une solution définie dans le détail entre élus. Je conçois que l’État reprenne à son compte cet accord. J’ai pourtant une interrogation et même une inquiétude quant au précédent ainsi créé, que nos débats permettront peut être d’atténuer. Je vois en effet, dans le projet de métropole lyonnaise, une rupture définitive de solidarité entre l’urbain et le rural, entre la métropole et les terroirs qui l’entourent. Il reste à démontrer que ce choix local peut être judicieux dans le Rhône, tout en n’étant probablement souhaitable nulle part ailleurs. C’est un risque que nous prenons. Si nous voulons ouvrir la voie aux libertés locales en sortant de l’uniformité, il faut fixer des limites de prudence à cette évolution.

S’agissant d’Aix-Marseille-Provence, la situation est bien différente. L’absence d’accord local sur le projet du Gouvernement est regrettable, mais il ne suffit pas à disqualifier ce projet. Celui-ci doit être évalué à l’aune de l’intérêt général. C’est bien notre rôle au moment d’écrire la loi.

Deux questions doivent impérativement être résolues.

Premièrement, il faut résoudre celle des charges de centralité assumées par la ville de Marseille pour le compte de l’ensemble de l’agglomération. De ce point de vue, Marseille n’est peut-être pas un cas unique, mais les difficultés rencontrées par la ville sont d’une ampleur particulière, eu égard aux évolutions constatées au fil des décennies dans la répartition de la population et au déplacement des activités économiques. De fait, nous ne pouvons l’ignorer, les problèmes se posent de plus en plus aujourd’hui à l’échelle de toute l’agglomération.

Deuxièmement, symétriquement, Marseille assume pour le compte de l’État des charges qui devraient être mieux partagées. Nous le savons tous, c’est le cas des marins-pompiers.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Oh oui !

M. Philippe Bas. Il est donc souhaitable de poser un cadre permettant de mettre en place un nouveau modèle de développement pour cette grande conurbation, avec plus de cohérence dans l’action, plus de solidarité locale et une participation de l’État plus équitable eu égard aux charges assumées par les collectivités. Si certains amendements, nécessaires, sont adoptés, le projet de loi peut y contribuer.

Enfin, vous vous donnez le temps de mettre en place la métropole parisienne, en reportant les échéances de regroupement intercommunal, tout en renforçant les contraintes de ce processus. Mais, alors que tout est pratiquement prêt pour le 1er janvier 2014, la remise en question du travail difficile accompli par les élus de l’Île-de-France pour faire progresser l’intercommunalité me paraît particulièrement déloyale. Qui plus est, il est tout de même curieux de devoir faire coexister une métropole et une région sur un périmètre presque identique. Nous cherchons, en vain, une raison objective à ce choix.

Ce texte manque peut-être d’ambition quand on le rapporte au projet d’écrire une troisième étape de la décentralisation après les lois de 1983 et de 2004, mais il ne manque pas d’intérêt si on laisse de côté les généralités sans grande portée contenues dans ses premiers articles, dont la commission des lois a souhaité, à juste titre, extraire le venin. Pour ma part, je serai attentif aux améliorations que nos discussions permettront d’obtenir, notamment pour faire en sorte que les nouvelles métropoles aient réellement les moyens de leurs ambitions. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, tout d’abord, remercions le Gouvernement d’avoir eu la volonté et le courage de remettre en cause la réforme de 2010, qui était en train de mettre à mal trente ans de décentralisation réussie. Celle-ci déstabilisait le statut et le rôle des collectivités territoriales et fragilisait un édifice qui s’était pourtant renforcé au fil des années.

Le temps qui m’est imparti m’oblige à sérier mon intervention, en laissant à d’autres le soin d’évoquer la question des métropoles. Pour ma part, je concentrerai mon propos sur les premiers articles du projet de loi.

Concernant la notion de chef de file, je veux rappeler la définition de la loi de 2004 : « Lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »

On voit bien que nous sommes là dans le champ du facultatif et du potentiel, mais, en aucun cas, dans celui du prescriptif aussi atténué soit-il, puisque le chef de filat relève de la volonté et de la capacité des acteurs locaux à se coordonner.

Pour ce qui nous concerne, nous n’attendons pas de l’État qu’il définisse d’en haut qui doit assurer le leadership dans tel ou tel domaine. Sortons d’une logique prescriptive pour promouvoir une logique de coopération contractuelle entre les principales collectivités.

Par ailleurs, la rédaction de l’article 3 du projet de loi, qui constitue une novation majeure en ce qu’il consiste à définir dans chaque ensemble régional un compromis de responsabilité, me paraît équilibrée. L’exemple le plus flagrant est le tourisme, que la commission propose de confier à la région pour des raisons, nous dit-on, économiques. Pourquoi reviendrions-nous sur le fonctionnement harmonieux de cette compétence…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a évolué !

M. Bernard Cazeau. Je l’espère, mais je parle du texte de la commission !

Pourquoi reviendrions-nous sur le fonctionnement harmonieux de cette compétence, disais-je, qui, selon les cas, est souvent l’apanage des trois collectivités que sont la région, le département et la commune,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous vous avons entendu !

M. Bernard Cazeau. … chacune d’entre elles y puisant au travers de son action et de son positionnement l’essentiel de sa force de proposition ?

Le tourisme a été structuré au niveau des départements, avec le levier des comités départementaux de tourisme. Avant d’être un véritable moteur économique, monsieur le rapporteur, il faut parfois créer de toutes pièces, voire développer, une entité touristique qui doit son existence à la restauration patrimoniale, au développement des réceptifs et à la mise en œuvre d’actions spécifiques. Il faut construire cette entité avant qu’elle ne rapporte !

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

M. Bernard Cazeau. En ce sens, le développement touristique est d’abord le résultat d’une politique d’aménagement du territoire portée et structurée par les départements.

C’est à la Dordogne, premier département touristique de l’intérieur, hors Île-de-France, que l’on doit d’avoir lancé les opérations menées dans la grotte de Lascaux, avec la fabrication du fac-similé, une innovation majeure pour pouvoir continuer à découvrir aujourd'hui le contenu des chefs-d’œuvre de nos anciens dans les grottes du paléolithique.

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !

M. Bernard Cazeau. Enfin, il faut arrêter de vouloir confiner le département au seul rôle des allocations sociales.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Bien sûr !

M. Bernard Cazeau. Comme personne ne veut s’en occuper, on laisse au département le soin de le faire !

Il faut aussi réaffirmer le rôle qu’a joué au fil des années le département en matière de solidarité et d’aménagement du territoire : c’est au niveau du département que s’est développé ou se développera la téléphonie mobile, le haut débit et, bientôt, le très haut débit, sans occulter, bien sûr, l’action qu’il mène sur la biodiversité, au regard de ce qui est fait depuis trente ans pour la préservation de la faune et des milieux humides, essentiels à la vie des espèces.

Dans le même état d’esprit, il me paraît très sage que la commission ait allégé les conditions d’exercice de la conférence territoriale de l’action publique, qui doit être effectivement un lieu de coordination de nos actions plutôt qu’un lieu d’affrontement et de remise en cause.

Voilà, en conclusion, mes chers collègues, quelques rapides éléments pour défendre une collectivité que je connais bien et qui doit, me semble-t-il, conserver une identité forte pour toutes les questions liées à la proximité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe CRC, de l'UMP et du RDSE.)

M. Philippe Bas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roland Povinelli.

M. Roland Povinelli. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, je serai bref, mais incisif.

Depuis ce matin, je me demande si je suis dans un univers kafkaïen ou dans la réalité. Je ne vais pas reprendre tout ce qui a été excellemment dit par Jean-Noël Guérini, mais je rappelle que 109 maires sur 119, 6 sénateurs sur 8 – nos collègues Isabelle Pasquet, communiste, Samia Ghali, Jean-Noël Guérini et moi-même, socialistes – pour ce qui me concerne, je ne sais pas encore pour combien de temps ! –, ainsi que Sophie Joissains, UMP, sont d’accord. Pourtant, nous ne sommes pas fous. Nous ne sommes pas des élus ne voulant ni métropoles ni intercommunalités. Nous savons juste ce qu’il faut faire.

M. Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer, a dit qu’il était pour la métropole.

M. Louis Nègre. Je persiste et signe !

M. Roland Povinelli. Gérard Collomb et Jean-Claude Gaudin ont dit la même chose.

Mais vous oubliez une chose, mes chers collègues, à savoir l’article 31 relatif à la métropole d’Aix-Marseille-Provence : « La métropole exerce de plein droit, » – de plein droit ! – « en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes […] » Je vous les passe, il y en a sept pages ! Elles y sont toutes, ou presque : on nous a quand même laissé l’état civil. Après tout, c’est bien, l’état civil…

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, mais c’est une compétence de l’État !

M. Roland Povinelli. Il aurait été beaucoup plus courageux de fusionner les communes. Au moins, les choses auraient été claires !

Ce qui fait mal au socialiste que je suis, c’est que trente ans après les lois Mitterrand-Mauroy-Defferre de 1982, c’est un gouvernement socialiste qui propose aujourd'hui ce texte au Sénat. Il fallait le faire !

Même si je ne dispose que de quatre minutes, je veux tout de même vous rappeler quelques vérités.

M. Jean-Noël Guérini. Vas-y Roland, prends ton temps !

M. le président. Sur ce sujet, vous pouvez poursuivre, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Roland Povinelli. « Il est enfin temps de donner aux élus des collectivités territoriales la liberté et la responsabilité auxquelles ils ont droit.

« […] Il faut que les décisions soient prises là où elles devront s’appliquer, sur le terrain, par des hommes en contact direct avec les problèmes. »

Ces propos ont été tenus par Gaston Defferre à l'Assemblée nationale en juillet 1981. Ils vont exactement dans le sens contraire de ce que vous nous préparez avec la future métropole, si elle se fait, Marseille-Aix-Provence. Avec ce projet de loi, vous prévoyez de nous enlever non pas une compétence, mais toutes les compétences. Personne ne peut me dire le contraire, à moins que je ne sache pas lire le texte que j’ai sous les yeux.

Je vous l’ai dit, les maires ne sont pas fous : ils ne veulent pas conserver la mairie pour garder le pouvoir. Madame la ministre, vous qui avez été maire de Morlaix, vous le savez, quand on est maire, on aime sa commune, on la défend.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui !

M. Roland Povinelli. Elle est le sang qui coule dans vos veines, et on n’a pas envie de la voir disparaître d’un trait de plume.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Roland Povinelli. Certains maires souhaitent rejoindre une métropole – très bien ! –, mais respectons les élus de proximité qui ne le veulent pas !

Vous croyez qu’à Paris, avec 10 millions d’habitants et 45 000 employés municipaux,…

M. Roland Povinelli. … les Parisiens obtiennent un rendez-vous du jour au lendemain avec Bertrand Delanoë ? Nous, dans nos communes, nos concitoyens, ils sont reçus. C’est ça, la proximité !

Je veux dire aussi que Jean-Claude Gaudin est bien gentil, mais, quand on a été ministre, on doit s’arranger pour améliorer un petit peu le quotidien de sa ville. C’est ce que fait Alain Juppé à Bordeaux.

Madame la ministre, lorsque vous étiez présidente de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains – j’ai été membre du bureau national pendant des années –, vous avez déclaré : « La commune conservera toujours ses compétences. » On voit le résultat aujourd'hui !

Martine Aubry, le 27 mars 2010, lors du conseil national du parti socialiste, déclarait à propos de la réforme Sarkozy : « Le parti socialiste s’engage à abroger, dès son retour aux responsabilités… »

Jean-Pierre Raffarin a raison d’affirmer : « La commune est l’échelon de base de l’organisation territoriale. Le vrai médiateur de la République, c’est le maire. »

Lors du congrès des maires de 2008, Nicolas Sarkozy affirmait : « Je sais que ça gêne de dire cela, mais s’il y a une certaine qualité de vie spécifique à notre pays, c’est aussi parce qu’il a tant de communes qui permettent d’y vivre la démocratie au plus près du quotidien. Je n’ai pas l’intention que l’on y touche. »

Enfin, François Hollande indiquait le 20 novembre dernier lors du congrès des maires : « Oui, vous pouvez être fiers ! Vous êtes la France de toutes les convictions, de tous les engagements. »

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Roland Povinelli. « Notre démocratie a besoin de la commune ! »

Il y a un an et demi, quand nous étions dans l’opposition, j’étais allé voir au parti socialiste mon ami Laurent Fabius, qui était chargé de la réforme des collectivités locales avec Élisabeth Guigou. Il m’avait alors dit : « Roland, ne t’inquiète pas, si on gagne les élections l’année prochaine, on abrogera cette loi. »

Le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, un certain Jean-Marc Ayrault, que j’avais rencontré ensuite, m’avait tenu les mêmes propos, de même que le premier secrétaire de l’époque, rue de Solferino.

M. Philippe Dallier. On va tout savoir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Povinelli. Or je m’inquiète beaucoup : il est inadmissible, je le répète, qu’un gouvernement socialiste fasse ce qu’il est en train de faire aujourd'hui au Sénat ! (MM. Jean-Noël Guérini et Rachel Mazuir ainsi que Mlle Sophie Joissains applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, avant d’entrer dans le vif du sujet, d’ouvrir une petite parenthèse pour répondre à Mme Lebranchu.

Madame la ministre, l’incident de tout à l’heure m’a beaucoup peinée et même blessée. Je considère qu’un membre du Gouvernement ne peut pas demander à une sénatrice de se taire, de ne pas avoir d’idées, de ne pas porter la contradiction lorsque l’intérêt du débat l’exige. Aussi, avec tout le respect que j’éprouve pour vous, j’espère que vos paroles ont dépassé votre pensée.

M. Jean-Noël Guérini. Ah, la pensée du ministre…

Mme Samia Ghali. Je l’espère sincèrement, car, si tel n’était pas le cas, il y aurait un vrai problème démocratique.

En ce qui concerne le projet de loi, je tiens à souligner, une fois de plus, que je ne suis pas opposée à la construction d’une coopération métropolitaine. Je sais pertinemment qu’il nous faut changer d’échelle si nous voulons rivaliser avec les grandes métropoles méditerranéennes et mondiales. Je crois que nous en sommes tous conscients, d’autant plus que notre territoire possède le potentiel pour y parvenir : nous avons ITER, le port de Fos-sur-Mer, troisième port pétrolier au monde, l’industrie pétrochimique et les raffineries, des CHU de niveau européen, la première université de France, un aéroport international et des gares multimodales, sans oublier nos sept pôles de compétitivité et nos pôles de recherche. Ces grandes richesses, nous avons à les mettre en synergie au sein d’un projet commun. Reste qu’avec ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, le Gouvernement ne semble pas vouloir se donner les moyens de cette ambition.

Mes chers collègues, il a déjà été question du département des Bouches-du-Rhône ; pour ma part, je parlerai de Marseille, même si le président Guérini m’a devancée.

Je considère que, pour l’instant, deux éléments essentiels font cruellement défaut : les finances, dont il a déjà été question, et des règles précises de gouvernance. Or, sans ces deux éléments, quoi qu’on en dise, la métropole ne restera qu’une déclaration d’intention, entraînant frustration et déception chez les Marseillaises et les Marseillais. Personnellement, je ne prendrai pas la responsabilité de ce nouveau malentendu !

Madame la ministre, vous savez que Marseille a fait l’objet d’un comité interministériel spécifique le 6 septembre dernier ; à cette occasion, le Premier ministre en personne est venu sur place pour affirmer que la deuxième ville de France devait être une priorité nationale.

Aujourd’hui, il faut que cette nouvelle étape de coopération métropolitaine soit l’occasion de passer enfin aux actes. Cette concrétisation nécessite que l’État accorde des moyens financiers supplémentaires pour permettre la réalisation de projets clairement identifiés, notamment à Marseille ; les besoins sont particulièrement criants en matière de transport. Métropole ou pas, nous ne pourrons jamais rattraper notre retard sans une aide importante de l’État !

Depuis le 6 mars dernier, le Grand Paris est doté officiellement de 30 milliards d’euros, destinés à assurer son développement et à garantir aux Franciliens une offre de transport efficace et modernisée. J’en suis heureuse pour Paris, comme je suis heureuse pour elles des aides dont Lyon et Nantes ont bénéficié pour leur développement.

M. Gérard Collomb. On n’a rien eu !

Mme Samia Ghali. Je suis heureuse pour ces villes qu’elles aient pu obtenir de l’État un peu d’argent, et même beaucoup. Je demande que, toutes proportions gardées, la construction métropolitaine marseillaise bénéficie du même traitement. Nous aussi, nous avons besoin de plusieurs milliards d’euros pour donner corps à notre évolution métropolitaine. Avec cet engagement fort de l’État, oui, la construction métropolitaine prendra tout son sens et nous atteindrons les objectifs fixés par le comité interministériel !

Madame la ministre, ce n’est pas avec les 50 millions d’euros supplémentaires évoqués que nous arriverons à rattraper le retard accumulé malheureusement par Marseille. J’évalue à 3 milliards d’euros sur douze ans, ce qui représente environ 200 millions d’euros par an, la somme nécessaire pour assurer à tous les Marseillais, qu’ils soient du sud, du nord, de l’est ou du centre de la ville, un égal accès aux transports publics. C’est pourquoi, comme je l’ai écrit au Premier ministre, une contractualisation précise avec l’État est indispensable sur l’identification des projets et des moyens.

Nous avons également besoin de règles claires et précises pour la gouvernance de la nouvelle assemblée et pour le mode de désignation de ses élus.

Aujourd’hui, 109 communes sur 118, dont 12 communes de la communauté urbaine de Marseille, se déclarent hostiles à l’idée d’entrer dans la métropole. Pourtant, toutes les communes sont prêtes à travailler ensemble !

Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer la position du Gouvernement sur les deux questions précises que j’ai soulevées : l’engagement financier de l’État et les règles de gouvernance. (Mlle Sophie Joissains et M. le président de la commission des lois applaudissent.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale (suite)

8

Dépôt d’un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 2 du décret du 17 janvier 2006, le rapport du comité interministériel de prévention de la délinquance pour 2012.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des lois.

9

Renvoi pour avis

Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 614, 2012-2013), dont la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires économiques.

10

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 30 mai 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 225-27 et L. 225-28 du code du commerce (direction et administration des sociétés anonymes) (2013-333 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

11

Discussion générale (interruption de la discussion)
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Discussion générale (suite)

Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Exception d'irrecevabilité

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant toute chose à vous adresser des remerciements sincères, au nom de Marylise Lebranchu et en mon nom propre, pour la très grande qualité des interventions que nous avons entendues au cours de la discussion générale. Les orateurs ont su garder la mesure et la sérénité qui leur permettent d’être entendus. L’esprit critique n’a pas pour autant était absent, mais il s’est toujours manifesté de façon constructive.

Mme Lebranchu et moi-même remercions de manière appuyée le rapporteur et les trois rapporteurs pour avis, ainsi que le président de la commission des lois. Je n’oublie pas Jacqueline Gourault, la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui est absente ce soir pour les raisons tristes que nous connaissons.

Mesdames, messieurs les sénateurs – j’ai failli dire « mes chers collègues », car j’ai l’impression d’être encore un peu parmi vous –,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous le serez toujours !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … certains d’entre vous ont regretté que les projets de loi, au lieu de former un ensemble, comme au moment de leur présentation, aient été « tronçonnés ». C’est un mot que je récuse : le texte est simplement examiné en trois temps distincts,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Comme la valse à trois temps !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … pour répondre à trois objectifs particuliers. Nous considérons qu’il s’agit de trois actes, mais pas de l’acte III de la décentralisation. Si nous écartons cette expression, c’est parce que nous concevons les projets du Gouvernement beaucoup moins comme un nouveau temps de réforme de la décentralisation que comme le prolongement d’un mouvement déjà existant, auquel nous souhaitons apporter des améliorations pour le rendre plus opérant dans nos collectivités territoriales.

Nous avons parfois entendu des mots un peu violents pour dénoncer un manque de souffle ou la complexité que nous ajouterions. Dans le même temps, à vous entendre les uns et les autres vous exprimer avec passion, nous avons bien remarqué que le projet de loi avait suscité votre attention.

Ce soir, je veux d’abord m’attacher à ce qui nous réunit. Élus locaux et membres du Gouvernement, nous sommes tous des gens de terrain et nous avons la même volonté de simplifier, de clarifier et de maîtriser les dépenses. M. Patriat a d’ailleurs eu raison d’insister sur ces trois objectifs, qui sont pour nous prioritaires.

Dans son intervention, Mme Lebranchu a donné un certain nombre d’informations. Permettez-moi de revenir sur l’une d’entre elles, qui a rencontré une satisfaction sur vos travées : le projet de loi sur le statut de l’élu local et le projet de loi sur les normes seront examinés à la fin du mois de juin et au début du mois de juillet, à des dates qui restent à préciser. Ces textes répondent au souhait exprimé par le Président de la République lors des états généraux de la démocratie territoriale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai constaté que nous partagions certains objectifs, et d’abord celui de faire confiance aux élus locaux. Comme le Président de la République l’a indiqué, nous souhaitons un pacte de confiance pour instaurer un vrai dialogue entre nous. C’est ce qui s’est passé, et je crois que les interventions d’aujourd’hui en sont véritablement la preuve et la concrétisation.

Ensuite, nous sommes attachés à l’idée d’un pacte de solidarité entre toutes les collectivités territoriales. Nous ne voulons pas fixer des périmètres distincts entre les types de collectivités ou entre les niveaux de collectivités. Comme de nombreux orateurs l’ont souligné avec force et détermination, il n’y a pas un périmètre pour les collectivités en zone rurale et un autre pour les collectivités en zone urbaine. Plusieurs d’entre vous ont insisté sur les zones périurbaines, une véritable richesse qui permet de donner corps et dynamisme à nos territoires, qui n’appartiennent donc pas exclusivement à l’une ou à l’autre des catégories.

Enfin, vous avez insisté, à la suite de Marylise Lebranchu, sur l’unité de nos territoires en même temps que sur leur diversité. Unité et diversité : ces deux principes sont indissociables. Nous reconnaissons tous l’unité de la République ; elle n’est pas une unicité, elle repose sur la diversité de nos territoires, une diversité dont nous voulons tenir compte. À cet égard, vous avez donné, les uns et les autres, des exemples tout à fait probants.

Nous avons entendu également des critiques, notamment contre les conférences territoriales de l’action publique, que vous avez trouvées complexes. Vous vous êtes interrogés sur leur fonctionnement et leur utilité, vous demandant aussi si elles permettraient de trouver des accords.

Si le Gouvernement a proposé de créer ces conférences, c’est parce qu’elles sont le contrepoint obligatoire de la liberté donnée aux collectivités territoriales avec le rétablissement de la clause de compétence générale. Elles seront le lieu où les élus, en qui nous avons confiance, pourront débattre des conditions dans lesquelles seront réparties les fameuses compétences.

Vous avez également évoqué le pacte de confiance et de responsabilité, qui, avec l’ensemble des schémas prévus, sera à vos yeux quelque chose de bien lourd, alors que, peut-être, des formes de conventionnement auraient été plus simples. Sur tous ces points, le Gouvernement est prêt à vous écouter,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … et à vous entendre,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est encore mieux !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … afin de trouver des solutions permettant de répondre à vos attentes.

Mme Éliane Assassi. Mieux vaut tard que jamais !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, vous avez évoqué les problèmes financiers de nos collectivités, citant des montants qui ont de quoi nous émouvoir. Notre direction générale des collectivités locales a beaucoup travaillé pour essayer de vous apporter le plus rapidement possible des informations fiables sur les données budgétaires et financières dont nous disposons. Si elles ne vous ont pas été communiquées intégralement, c’est parce que nous sommes encore en train d’y travailler. Nous reviendrons bien entendu vers vous de la façon la plus transparente qui soit.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte porte à la fois sur la gouvernance et le fait métropolitain. Au sujet de Paris, Lyon et Marseille, nous avons entendu la force et la conviction avec laquelle vous avez évoqué les problématiques de ces trois métropoles.

Nous avons entendu les difficultés qu’elles pouvaient rencontrer. Nous savons que la commission des lois a travaillé avec la volonté de faire aboutir ces métropoles, pour qu’elles apportent un service cohérent aux citoyens. Là encore, l’objectif n’est peut-être pas parfaitement atteint. Des améliorations peuvent être apportées, vous l’avez dit avec flamme.

Parallèlement à ces remarques plutôt critiques, des observations solides, concrètes et pragmatiques ont été formulées par bon nombre d’entre vous.

M. Gaudin nous a parlé de Marseille, de ce territoire élargi et solidaire. Il l’a fait avec beaucoup de conviction, et l’intervention de Mme Ghali, qui a interrogé le Gouvernement sur les possibilités de financement et le fonctionnement de la nouvelle métropole marseillaise, a fait écho à ses propos.

M. Edmond Hervé a beaucoup insisté, et je l’en remercie, sur la définition des compétences obligatoires, les précisions à apporter concernant le chef de file, notamment pour ce qui concerne sa définition, qu’il nous faut reprendre en nous fondant sur les décisions du Conseil d’État et sur la Constitution.

M. Collomb, avec beaucoup de force et de conviction, a présenté la nouvelle organisation et le fonctionnement exceptionnel de Lyon, en précisant toutefois qu’il ne s’agit pas d’un modèle que l’on peut généraliser. La situation lyonnaise correspond, Michel Mercier l’a dit aussi, à un travail qui a été mené pendant plusieurs années. Il aura fallu s’apprivoiser, dialoguer longuement avant de parvenir à un accord.

MM. Nègre et Ries ont évoqué tous deux le problème de la dépénalisation du stationnement. Nous les avons entendus. C’est un sujet quelque peu difficile techniquement et juridiquement. Le Gouvernement écoutera leurs arguments avec une oreille très attentive, tout en approfondissant probablement les études juridiques qu’il estime nécessaires.

Enfin – comment ne pas le souligner ? –, vus avez, les uns et les autres, apporté la preuve que les collectivités territoriales ont à traduire dans un texte un très bel enjeu, qui correspond à la volonté et aux besoins des citoyens. Je le répète une nouvelle fois, ce texte n’a de sens que dans la perspective d’apporter un meilleur service aux citoyens.

Soyez tous pleinement remerciés du rôle que vous acceptez d’assumer. Soyez assurés que, tout au long de la discussion qui s’annonce, nous veillerons à travailler avec chacun d’entre vous avec la même sérénité et la même volonté d’avancer. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des motions.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mlle Joissains, d'une motion n° 263 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 581, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour la motion.

Mlle Sophie Joissains. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, vous le savez tous, je suis contre la métropole que l’on veut imposer à la Provence.

Bien que le Gouvernement, en la personne de Mme Marylise Lebranchu, qui nous a reçus de multiples fois et n’a pas compté son temps, se soit montré très obligeant, aucune des démarches que nous avons entreprises n’a abouti, aucune des propositions que nous avons formulées ne s’est transformée en sujet de négociation. Pourtant, 109 communes qui font des propositions, ce n’est pas chose négligeable, du moins quand on respecte, comme, je le pense, Mme Lebranchu, la démocratie locale et les libertés qui s’y attachent.

Le point constitutionnel que je vais évoquer à présent reflète totalement notre analyse de la situation : pour Paris, on discute ; pour Lyon, tout le monde est d’accord ; pour Marseille, on passe en force !

L’article 30 du projet de loi vise à imposer la création, à compter du 1er janvier 2015 – le 1er janvier 2016 dans le texte de la commission –, d’un nouvel établissement public de coopération intercommunale, regroupant « l’ensemble des communes membres de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, de la communauté d’agglomération du Pays d’Aix-en-Provence, de la communauté d’agglomération Salon Étang de Berre Durance, de la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile, du syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence et de la communauté d’agglomération du Pays de Martigues ».

Cette création doit s’imposer en faisant disparaître les établissements publics de coopération intercommunale existants, sans consultation de ces établissements ni des communes appelées à devenir membres du nouvel établissement public de coopération intercommunale. Elle s’accompagne de nombreux transferts de compétences, au-delà de ceux qu’avaient consentis les communes aux établissements publics de coopération intercommunale existants. Pour ceux qui ne comprendraient pas bien ce mécanisme, je vais l’expliquer en quelques mots.

Les communes avaient délégué aux intercommunalités qu’elles avaient choisies ou qui étaient les leurs un certain nombre de compétences. Cependant, pour ce qui concerne les compétences optionnelles déléguées aux différents EPCI, le schéma n’était pas identique pour toutes les communes. Le Gouvernement, probablement animé d’une bonne intention, à savoir rester au plus près des territoires, a décidé de transférer au nouvel EPCI l’ensemble des compétences déléguées, ce qui oblige évidemment certaines communes, qui avaient conservé leurs compétences, à les déléguer, contrairement à leur choix initial.

L’article 30 du projet de loi est donc contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales consacré par l’article 72 de la Constitution et à la Charte européenne de l’autonomie locale.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 janvier 2013 et le 8 mars 2013 de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées respectivement par les communes de Puyravault et de Couvrot portant sur la conformité à la Constitution, pour l’une, du paragraphe II de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui définit la procédure de modification de périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, pour l’autre, du paragraphe III de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui définit la procédure de fusion des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ces deux paragraphes font partie des dispositifs temporaires d’achèvement et de rationalisation de l’intercommunalité.

Le Conseil constitutionnel a déclaré les paragraphes II et III de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 conformes à la Constitution, dans ses décisions n° 2013-303 QPC du 26 avril 2013 et n° 2013-315 QPC du 26 avril 2013, mais en faisant état dans ses considérants des garanties apportées aux communes préalablement à la modification de périmètre ou à la fusion des établissements publics à fiscalité propre.

Comme le relève le Conseil constitutionnel, les décisions de modification de périmètre ou de fusion ne peuvent intervenir qu’après, premièrement, consultation des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés et des communes incluses dans le projet de périmètre, objet de la modification ou de la fusion ; deuxièmement, consultation de la commission départementale de coopération intercommunale, pour permettre la consultation des élus locaux, dont il convient de rappeler qu’elle comprend 40 % de représentants des communes du département, 40 % de représentants des établissements publics de coopération intercommunale, 5 % de représentants des syndicats mixtes et des syndicats de communes, 10 % de représentants du conseil général et 5 % de représentants du conseil régional dans la circonscription départementale ; troisièmement, consultation de tout maire qui en fait la demande par la commission départementale de coopération intercommunale.

Or l’article 30 du projet de loi conduit à une fusion forcée, sans comporter aucune des garanties attachées au principe de libre administration des collectivités territoriales, alors que la création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence doit s’accompagner de transferts supplémentaires de compétences par rapport aux établissements publics existants.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré que ces garanties devaient s’appliquer dans le cas d’extension de périmètre ou de fusion concernant une ou quelques communes. Dans le cas qui nous occupe, c’est le cas de 109 communes sur 118. Avec l’article 30 de ce texte, il s’agit de fusionner six établissements publics de coopération intercommunale existants et, selon le périmètre et non plus selon l’échelle des Bouches-du-Rhône, leurs 90 communes, en créant un nouvel établissement public doté de nombreuses compétences antérieurement exercées par les communes.

En outre, l’article 30 du projet de loi est contraire à l’article 9-6 de la Charte européenne de l’autonomie locale, dont l’approbation a été autorisée par la loi n° 2006-823 du 10 juillet 2006, et dont la publication a été assurée par le décret n° 2007-679 du 3 mai 2007. L’article 9-6 de la Charte dispose en effet que « les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décisions pour toutes les questions qui les concernent directement ». Il est incontestable qu’un texte visant à fusionner des établissements publics de coopération intercommunale existants, en regroupant des communes dans un nouvel établissement, lequel doit bénéficier de transferts supplémentaires de compétences par rapport aux établissements fusionnés, « concerne directement » les communes de son périmètre.

Par comparaison, la création de la métropole de Paris – et c’est pour cette raison que le schéma est différent – doit être précédée par l’achèvement de la carte intercommunale de l’unité urbaine de Paris. À cette occasion, conformément à l’article 11 du projet de loi, une procédure d’établissement du schéma régional de coopération intercommunale doit être mise en œuvre avec l’obligation de consulter les communes et la commission régionale de coopération intercommunale.

Ainsi, au surplus, la loi établit une différence de traitement entre Paris et Aix-Marseille-Provence, en privant ce dernier territoire des garanties constitutionnelles relatives à la libre administration des collectivités territoriales. En ne prévoyant aucune procédure de consultation des communes concernées par le nouvel établissement public, le texte méconnaît la Charte européenne de l’autonomie locale.

Le projet de loi étant contraire à la Constitution, je vous demande, mes chers collègues, de le rejeter.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, contre la motion.

M. Gérard Collomb. Madame la présidente, mesdames les ministres, messieurs les rapporteurs, la première remarque que je voudrais faire, mes chers collègues, c’est que la procédure d’irrecevabilité qui vient de nous être présentée par Mlle Joissains ne se focalise que sur un seul aspect du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui : la création de la métropole Aix-Marseille-Provence.

Je comprends évidemment, ma chère collègue, que vous soyez très attachée à cet aspect du texte, mais l’état d’esprit qui me paraît régner sur les différentes travées de notre Haute Assemblée me semble fort différent. Certes, nous pouvons porter des appréciations diverses sur tel ou tel point de la réforme, nous pouvons même avoir des divergences selon nos sensibilités. Toutefois, nous partageons tous, me semble-t-il, une conviction commune, la conviction que nous ne pouvons rester immobiles et qu’il nous faut changer. Changer parce que le monde bouge, changer parce que la France a bougé, parce que l’architecture institutionnelle que nous a léguée notre passé doit être amendée si nous voulons relever les défis qui sont ceux de notre pays et de nos territoires.

Cette volonté de changement, c’est celle qui animait déjà Gaston Defferre lorsque, le 27 juillet 1981, il présentait son premier projet de loi sur la décentralisation. Vous le rappeliez ce matin, madame la ministre, voici ce que déclarait alors celui-ci : « Ouvrons les yeux, regardons autour de nous, en quelques années, tout a changé. » C’était en 1981, mes chers collègues, mais depuis lors, le mouvement du monde n’a fait que s’accélérer. Tous les dix ans, nous vivons une ou deux révolutions technologiques, notre monde est en pleine mutation, des pays émergents qui, hier, n’étaient même pas dans notre champ de vision, s’imposent aujourd’hui comme des puissances économiques incontournables. Et nous, nous resterions immobiles, figés dans une organisation dont nous voyons tous les limites ? Qui peut le croire ?

Alors oui, il faut aller de l’avant, dépasser nos contradictions, faire surgir la modernité. La volonté de prendre en compte les changements ne date pas d’aujourd’hui. Elle s’est déjà exprimée à l’occasion de la réforme territoriale de 2010. Je me souviens que, dépassant nos sensibilités, nous avions réussi, avec André Rossinot, Jacques Pélissard, avec l’Association des maires de France, à faire surgir la notion nouvelle de pôle métropolitain. Depuis, il s’en est créé vingt-cinq dans notre pays.

Aujourd’hui, mesdames les ministres, c’est une nouvelle étape que vous nous proposez avec ce texte tel que vous l’avez écrit, mais aussi tel que l’a modifié la commission des lois, avec un grand esprit d’ouverture. Ce texte prévoit un certain nombre d’avancées, mais est aussi soucieux d’équilibre entre les territoires, entre les différentes collectivités locales. Vous le rappeliez, ce texte en appelle d’autres. Il affirme la métropole comme une réalité et comme un modèle d’organisation. Construction technocratique, disent certains ? Construction théorique ? Non, mes chers collègues, le fait métropolitain est aujourd’hui le fait majeur de notre époque ; il marque évidemment notre pays comme il marque le monde. C’est la réalité dans laquelle vivent des dizaines de millions de nos concitoyens.

Et si, parfois, ils subissent des conditions difficiles, c’est précisément parce que, dans ces aires métropolitaines, le manque de gouvernance adaptée est à l’origine de tous ces problèmes : celui du logement, celui de la fracture sociale, qui est avant tout une fracture spatiale, celui du manque de transports en commun à la bonne échelle, celle des bassins de vie. C’est de là que naissent doute et rancœur chez nos concitoyens, perte de confiance à l’égard d’élus qui se révèlent incapables de répondre aux besoins de la vie quotidienne, non pas par manque d’envie, mais par manque de moyens et de structures adaptées. Or quand naît le doute, c’est la démocratie et la République qui se fragilisent.

Ce texte fait surgir les métropoles, mais, nous l’avons déjà dit, il n’y a pas d’opposition entre cette affirmation du rôle des métropoles et le développement de tous les autres territoires. Vous le rappeliez, madame la ministre, ce texte n’est en effet que le premier maillon d’une nouvelle organisation qui permettra la mise en synergie de tous les territoires : les territoires ruraux et les territoires urbains, les petites villes et les grandes métropoles, les communes et les intercommunalités, les départements et les régions.

C’est sans doute parce que chacun, ici, est conscient qu’il faut poursuivre l’analyse et le dialogue sur des textes aussi fondamentaux que votre motion, mademoiselle Joissains, ne vise qu’un seul aspect, celui qui concerne la métropole Aix-Marseille-Provence. Et sur cette question elle-même, mes chers collègues, je pense que nous partageons la même analyse, sur quelque travée que nous siégions : Marseille connaît des problèmes, des problèmes économiques, des déséquilibres sociaux, une accentuation des inégalités entre les territoires et donc, au final, nous le voyons trop souvent hélas, une montée des violences urbaines.

Pourquoi ces problèmes ? Manque d’attention ? Manque de financement de l’État ? Je comprends que Jean-Claude Gaudin ait mis l’accent sur ces questions, mais, mes chers collègues, quand je regarde les financements du projet Euroméditerranée, ou, plus récemment, de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture, il ne me semble pas que Marseille ait fait partie des territoires qu’on laisse à l’abandon.

Je veux bien qu’on compare la masse de fonds publics dont ont bénéficié Marseille et l’agglomération lyonnaise…

M. Pierre-Yves Collombat. Et les communes rurales ?

M. Gérard Collomb. Non, ce qui, dès le départ, a été le point de faiblesse de ce territoire, c’est qu’il a été pensé depuis le début dans des conditions trop étroites, qu’il n’est devenu une communauté urbaine que très récemment, et encore, vu l’étroitesse du territoire, une communauté urbaine « réduite aux acquêts ».

Mes chers collègues, quand je compare avec la communauté urbaine de Lyon, c’est bien cela qui fait la différence. Le Grand Lyon, ce sont cinquante-huit communes ; ce sont, réunis dans un même ensemble, les territoires tertiaires du centre-ville et les grandes zones industrielles de la périphérie, le rassemblement des universités, des centres de recherche, des pôles de compétitivité, les grandes villes et les petites communes de nos zones rurales. Sur le plan social, ce sont les territoires les plus riches et les plus fragilisés réunis dans un même espace, et donc la possibilité de mener des politiques qui permettent de recréer une mixité sociale, qui rendent vivante et crédible la volonté de vivre ensemble.

Alors oui, je crois que Marseille ne pourra rebondir que si elle parvient à élargir son horizon, que si elle parvient à se rassembler avec les intercommunalités voisines dans une grande métropole comme celle qui nous est proposée dans ce texte, une métropole qui pourra définir des stratégies globales sur le plan économique comme sur le plan social.

Élargir le territoire, se donner une gouvernance globale, est-ce pour autant nier la diversité des territoires ? Je peux comprendre les craintes, mais je ne peux les partager. Permettez-moi de vous dire que l’expérience de l’agglomération lyonnaise me prouve le contraire – et ce qu’a dit tout à l’heure notre collègue Louis Nègre à propos de la métropole de Nice vient confirmer ma pensée. Mes chers collègues, quand la communauté urbaine de Lyon fut créée en 1966, au temps du général de Gaulle, elle ne put l’être que par un décret. À l’époque, cette décision ne suscita que des oppositions, hormis chez le maire de Lyon et celui de Villeurbanne.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Eh oui !

M. Gérard Collomb. Il y avait la même difficulté à appréhender le futur que celle qui aujourd’hui me semble être celle de votre région. Les questions qui étaient posées étaient les mêmes que celles qui le sont aujourd’hui du côté de Marseille, d’Aix, de Fos-sur-Mer ou d’Aubagne.

À ce jour, s’agissant du Grand Lyon, aucune commune ne voudrait revenir en arrière. Mieux, les communes voisines demandent à adhérer à la communauté urbaine parce qu’elles y voient un facteur de développement, d’équilibre social, et ce quelle que soit la couleur politique des élus. Ceux-là mêmes dont les partis peuvent, au niveau national, exprimer des craintes sur le risque pour les communes de perdre leur autonomie dans l’intercommunalité font campagne sur leur territoire pour adhérer au Grand Lyon !

De ces interrogations, vous avez pris conscience, madame la ministre. C’est pourquoi vous avez proposé dans votre texte une intercommunalité, une métropole intégrée, certes, mais dérogeant néanmoins aux modalités d’organisation des métropoles de droit commun pour permettre un mode de fonctionnement plus déconcentré, avec des conseils de territoires, qui, dans la métropole Aix-Marseille-Provence, soient non pas de simples organes consultatifs, mais de vraies circonscriptions d’exercice de compétences territoriales, avec une conférence métropolitaine des maires qui ait de véritables prérogatives.

Cette volonté d’équilibre entre métropole et territoire, entre métropole et communes, la commission des lois a voulu la renforcer, par l’intermédiaire de son président et de notre rapporteur. La création de la métropole d’Aix-Marseille-Provence a été reportée d’un an, au 1er janvier 2016, alors que la conférence métropolitaine des maires sera mise en place dès la promulgation de la loi. Une déconcentration de la procédure d’élaboration du PLU a été prévue à l’échelon des territoires, la métropole vérifiant simplement leur compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale.

Vous le savez, mademoiselle Joissains, le président de la commission, notre collègue Jean-Pierre Sueur, était prêt à aller encore plus loin. Il voulait montrer à quel point la commission des lois et derrière elle, je le crois, la grande majorité des membres de cette assemblée, souhaitaient qu’il soit possible de progresser ensemble sur le sujet de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Mademoiselle Joissains, j’admire votre enthousiasme, votre détermination, mais il est indispensable de poursuivre l’examen de ce texte qui n’a évidemment rien d’inconstitutionnel. Inconstitutionnel, dites-vous, parce que le chef de filat organiserait la tutelle d’une collectivité sur les autres ?

Mlle Sophie Joissains. Je n’ai pas dit cela !

M. Gérard Collomb. Si vous aviez des craintes, le texte adopté par la commission des lois est de nature à vous rassurer. Inconstitutionnel parce que le texte créerait la métropole d’Aix-Marseille-Provence en contradiction avec la libre administration des collectivités locales ? Je vous ai rappelé les conditions de la création de la communauté urbaine de Lyon, mais aussi de celle de Lille, de Strasbourg et de Bordeaux. Jamais il n’a été question d’inconstitutionnalité.

M. Gérard Collomb. Inconstitutionnel parce que la charte sur l’autonomie locale prescrit un processus approfondi de concertation ? Mais je ne crois pas que les réunions avec le Gouvernement aient manqué à Marseille ou que nos commissions aient dédaigné d’examiner l’ensemble de vos observations.

Mademoiselle Joissains, je suis de ceux qui aiment les femmes et les hommes de conviction, et vous en êtes. Mais si nous voulons progresser, si nous voulons prendre en compte votre volonté d’articuler la stratégie globale de la métropole et les communes, il nous faut aller plus loin dans l’examen du texte. Si nous voulons pouvoir examiner les positions qui peuvent être celles de nos amis écologistes sur l’articulation entre les aires urbaines et leur environnement, il faut aller plus loin dans l’étude du texte. Si nous voulons mieux prendre en compte les préoccupations de nos collègues communistes sur le rôle des communes dans les intercommunalités, il nous faut, là aussi, aller plus loin dans l’examen du texte, avec l’esprit d’ouverture qu’ont montré les rapporteurs, avec l’esprit d’ouverture qui est celui de notre Assemblée et, je le crois, des ministres.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous demande donc de bien vouloir vous prononcer pour le rejet de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est défavorable à cette motion. Elle a d’ailleurs relevé des décisions récentes du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État sur des sujets analogues.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Mademoiselle Joissains, nous avons écouté avec la plus grande attention les arguments qui vous ont conduit à présenter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Permettez-moi d’insister sur les raisons juridiques qui motivent l’avis défavorable du Gouvernement.

Vous avez pris des exemples, fait des comparaisons avec Paris qui achève son schéma départemental d’intercommunalité, mais, en fait, il n’y a rien de comparable. Dans le cas de Marseille, il s’agit d’une création par la loi d’une intercommunalité, d’un établissement public nouveau.

En droit pur, d’une façon générale, le projet de loi s’inscrit pleinement dans le respect des principes constitutionnels qui régissent le droit des collectivités territoriales. C’est la base de l’article 34 de la Constitution qui détermine les principes fondamentaux, vous le savez, de la libre administration des collectivités territoriales. Il ne me paraît pas utile de vous rappeler les termes de la décision du Conseil constitutionnel, vous les connaissez. Le Conseil constitutionnel stipule également, et c’est le principe qui en découle, l’interdiction de la tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre. Dans tous les cas, dans le schéma qui est le nôtre, ces deux principes sont scrupuleusement respectés.

De même, est respecté le principe, qui a été bien défendu dans l’après-midi, de la notion de chef de file, avec une définition très précise qui utilise le verbe « organiser » et non pas un autre verbe qui reviendrait à imposer ou à décider à la place.

En ce qui concerne plus particulièrement la métropole d’Aix-Marseille-Provence, l’article 30 du projet de loi ne va pas au-delà de ce que permet la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci a admis que ne portait pas atteinte au principe de libre administration l’obligation faite à des collectivités territoriales d’adhérer à un établissement public. Il a reconnu que le législateur pouvait prévoir l’adhésion obligatoire de trois collectivités à un syndicat dès lors que les obligations mises à la charge de ces collectivités étaient définies de manière suffisamment précise.

Je terminerai par les réponses aux deux questions prioritaires de constitutionnalité, que vous avez me semble-t-il évoquées. Dans ces deux réponses, le Conseil constitutionnel rappelle les principes posés par les articles 34 et 72 de la Constitution. Il considère que ces articles permettent de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités dès lors que cette atteinte répond à des fins d’intérêt général. Ce sont ces mots qui sont aujourd’hui importants.

Pour toutes ces raisons, madame la sénatrice, je le répète, le Gouvernement ne peut en aucun cas donner un avis favorable à votre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. On pourrait être tenté de donner suite à cette motion. Toutefois, je considère qu’il faut aller plus loin dans l’examen du texte, et pas forcément pour les raisons évoquées par notre collègue Gérard Collomb. Il faut aller plus loin, notamment pour replacer les départements dans la sphère territoriale, alors que l’on a longuement évoqué aujourd’hui la place des métropoles, qui sont en effet le cœur de ce texte.

Pour autant, il convient de ne pas oublier le travail que font les départements au titre de la solidarité : solidarité entre les hommes, bien sûr, avec une action sociale bien définie, mais solidarité aussi entre les territoires. Nous mesurons bien l’importance de leur rôle, qu’ils soient ruraux ou urbains, par rapport à celui d’autres collectivités.

Par ailleurs, il faut bien distinguer la tutelle et l’autorité. Ainsi, madame la ministre, c’est bien l’autorité de l’État que nous subissons en ce qui concerne, par exemple, la gestion du RSA. Il s’agit là d’une tâche difficile. Dans mon département, le nombre de demande du RSA augmente de 2 % par mois. Or, 200 bénéficiaires supplémentaires du RSA représentent un coût d’un million d’euros, non compensés, qui sont dépensés au détriment d’autres actions !

Aussi, lorsque l’on entend le Premier ministre déclarer que le nombre des allocataires du RSA augmentera de 10 % sur cinq ans, sans consultation préalable des conseils généraux, on est interpellé ! Il y a non seulement une progression du nombre des bénéficiaires, mais aussi une valorisation de l’allocation, que l’on peut certes comprendre, mais dont on ne précise pas le financement. Si le Gouvernement veut véritablement restaurer la confiance avec les collectivités territoriales, peut-être doit-il s’y prendre un peu différemment.

L’Association des départements de France est, je le rappelle, favorable à une clarification des compétences. D’ailleurs, dans les travaux que nous avions réalisés, nous nous étions rendu compte qu’il n’y avait de compétences croisées qu’à hauteur de 10 % de nos propres compétences. Il suffit de les clarifier dans différents domaines : sport, culture, loisirs, environnement, tourisme. Nous pourrons y revenir lors de la discussion, et c’est une des raisons pour lesquelles il faut continuer nos travaux sur ce texte.

Il y a 10 % de compétences croisées, mais cela ne représente pas 10 % de notre budget. Nous devons donc réfléchir avec pragmatisme, et c’est pourquoi nous vous proposerons un certain nombre d’amendements susceptibles de clarifier la situation. La meilleure confiance que nous puissions avoir, c’est une confiance relationnelle et des moyens attribués aux collectivités territoriales de sorte qu’elles puissent assurer leurs missions. Les collectivités ne cherchent pas à empiéter sur le domaine de leur voisin. Elles veulent simplement trouver la complémentarité pour rendre le meilleur service possible à l’usager au meilleur coût.

La deuxième partie de la motion de notre collègue Sophie Joissains portait sur l’article 30, plus précisément sur la question de la constitutionnalité. Vous y avez répondu, madame le ministre.

Dans mon département, une commune est concernée, c’est celle de Couvrot. Permettez-moi un rappel historique. La loi de 2010 a permis l’élaboration de schémas de coopération intercommunale et toutes les communes, même isolées, doivent adhérer à une intercommunalité. La commune de Couvrot, sur le territoire de laquelle est implantée une cimenterie, n’avait pas encore adhéré. On mesure sans peine les enjeux et les difficultés que cachent ces répartitions. C’est pourquoi il est légitime de veiller à ce que l’intérêt général prime dans l’approche de tels dispositifs et dans les répartitions à la fois de compétences et de schémas territoriaux.

Pour conclure, nous ne soutiendrons pas, ma chère collègue, malgré toute la sympathie que nous éprouvons à votre égard, cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Notre groupe, dans sa majorité, votera contre, car nous souhaitons apporter notre pierre à l’édifice que l’on essaie de construire en ce qui concerne le système relationnel entre nos différentes collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Après avoir écouté les débats de cet après-midi, je mesure ma chance, en tant que porte-parole du groupe écologiste, de pouvoir m’appuyer sur une position unanime du mouvement et de ma fédération d’élus. Toutes les fédérations d’élus n’ont pas réussi à avoir une position commune sur ce projet de loi.

Le groupe écologiste votera évidemment contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Nous sommes maintenant entrés dans le débat : l’après-midi a été dense, de nombreux arguments ont été échangés, des positions assez diverses se sont exprimées. Je pense que nous sommes nombreux à considérer qu’il ne faut pas clore la discussion, qui devrait d’ailleurs durer encore une bonne semaine.

Les élus Europe Écologie-Les Verts de Marseille, Aix, Aubagne et de la totalité de cette future grande métropole ont pris position pour une métropole à large périmètre multipolaire et solidaire. Ils sont allés assez loin – cela ne fera probablement pas consensus – en proposant la disparition des intercommunalités existantes et même celle du conseil général des Bouches-du-Rhône. Si nous nous plaçons dans ce cadre, c’est que nous considérons que nous sommes au cœur de l’intérêt général et que la métropole pourrait nous aider à dépasser un certain nombre de problèmes, notamment de la vie quotidienne.

Nous ne sommes pas les seuls à être unanimes, c’est aussi le cas, me semble-t-il, des communistes, même s’il existe quelques petites divergences d’analyses…

Mme Éliane Assassi. Il n’y a jamais de problème chez nous !

M. Ronan Dantec. En tout cas, je ne voulais pas laisser croire que nous étions les seuls à avoir une position forte et partagée sur ce sujet. (Sourires.) Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Nous comprenons tout à fait les raisons qui ont motivé le dépôt de cette motion par Mlle Joissains, mais nous ne la voterons pas, car nous souhaitons que le débat puisse se poursuivre au Sénat, même si nous aurions préféré qu’il se tienne dans d’autres conditions, en fonction d’un ordre du jour nous permettant d’y consacrer plus de temps – j’y reviendrai tout à l’heure.

Nous ne pourrons pas non plus voter contre cette motion, puisque certains des 109 élus des Bouches-du-Rhône qui s’élèvent contre ce texte font partie de notre formation politique. J’aime à le rappeler, en 2010, c’était notre camarade, le maire de Gardanne, qui avait créé les conditions d’une riposte à la réforme des collectivités territoriales de Nicolas Sarkozy.

Je m’étendrai plus sur cette question lorsque j’exposerai les raisons pour lesquelles nous souhaitons le renvoi en commission du texte et non son retrait. Pour l’heure, nous nous abstiendrons sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Le groupe du RDSE ne votera pas cette motion, car nous considérons qu’il est utile et nécessaire que le débat se poursuive au fond sur un texte concernant directement les collectivités territoriales, dont le Sénat, aux termes de l’article 24 de la Constitution, assure la représentation.

Dans la mesure où nous discutons du texte de la commission des lois du Sénat, et non de celui du Gouvernement,...

M. Louis Nègre. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. ... il ne serait pas bon de voter cette motion et de laisser l’Assemblée nationale s’emparer directement de ce dossier. Nous avons eu quelques expériences en la matière, et nous savons les conséquences qui peuvent en résulter.

Je souhaiterais formuler deux autres observations.

En premier lieu, il a été fait référence à plusieurs reprises à l’excellent travail du gouvernement Mauroy, en particulier de M. Gaston Defferre entre 1981 et 1983. Une différence fondamentale doit être relevée avec ce qui se passe aujourd’hui : dès juillet 1981, Gaston Defferre présentait des textes qui étaient prêts à la discussion. Qu’il y ait eu un débat au cours duquel l’opposition s’est beaucoup battue contre ce texte, c’est un fait ! Mais ces projets témoignaient, comme d’autres, d’un long travail en amont avant les élections. Nous ne sommes malheureusement pas dans ce cas de figure, comme en témoignent le débat et l’historique de ce texte. À cet égard, je l’ai rappelé ce matin, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités.

En outre, je ne peux pas manquer d’adresser un message à nos ministres ici présentes. Vous avez de la chance, mesdames les ministres, car siègent en ce moment les maires de Marseille et de Lyon, qui, par leur discours, leur conviction, leur expérience, montrent l’utilité, pour le Sénat, de compter des maires en exercice. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) J’espère que vous ne l’oublierez pas dans les mois qui viennent. Sans ces élus, le débat aurait sans doute pris une autre tournure.

M. Philippe Dominati. Ce serait plus simple ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. C’est possible… Il n’en reste pas moins qu’il est encore temps d’y réfléchir. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 263 rectifié, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Demande de renvoi à la commission (début)

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mlle Joissains, d'une motion n°649.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (n° 581, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour la motion.

Mlle Sophie Joissains. Je suis très insistante ce soir, mais il est vrai que ce texte motive beaucoup les élus des Bouches-du-Rhône.

Je voudrais reparler des visites de Mme la ministre Marylise Lebranchu dans notre département. Même si nous sommes profondément contre ce texte, contre le fait de ne pas avoir la liberté de décider ce que nous pensons être le mieux pour notre territoire, nous avons tout de même beaucoup apprécié ses déplacements chez nous. Si les choses n’ont pas été simples pour nous, nous savons qu’il en a été de même pour vous mais vous ne nous avez pas entendus.

Je voudrais maintenant rendre hommage à M. le président de la commission des lois, qui a été absolument extraordinaire.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est trop ! (Sourires.)

Mlle Sophie Joissains. Non, c’est vrai, car vous avez fait preuve d’une écoute inattendue, avec une disponibilité totale et un désir très profond de favoriser l’évolution de la situation. Monsieur le rapporteur, je ne vous oublie pas ! Vous avez manifesté, vous aussi, beaucoup d’écoute, surtout dans un premier temps avec un peu d’emballement au sujet de la liberté d’administration des collectivités, puis vous avez été plus réservé, dans un second temps, au fur et à mesure des auditions…

Globalement, la commission des lois nous a beaucoup aidés, en reportant d’un an le calendrier défini à l’origine et en assouplissant le régime des plans locaux d’urbanisme, dont l’élaboration sera effectuée par les conseils de territoire. C’est une réalité.

De façon générale, le projet de loi ne nous est pas apparu, aux uns et aux autres, très clair. En outre, le vocable de « métropole » recouvre plusieurs régimes distincts, à savoir les trois régimes dérogatoires et un autre, qui devient systématique au-delà d’un certain seuil. Nous en sommes profondément perturbés, car ce caractère systématique remet en cause notre conception des libertés locales. Les maires des communes rurales et moyennes en ont même été ulcérés.

Permettez-moi de citer quelques propos prononcés lors de leurs auditions.

M. Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France, a déclaré : « Les présidents d’intercommunalités gardent la main sur l’urbanisme et le maire est en charge de... la qualité de l’air, autant dire qu’il brassera du vent. »

M. Jean-Claude Villemain, président de la Fédération des maires des villes moyennes de France, a tenu les propos suivants, que je partage : « Le projet reflète un darwinisme politique : il favorise une forme de sélection des territoires en rendant plus forts les plus puissants et en affaiblissant les plus petits… » Et de poursuivre : « les plus petites communes n’auront pas voix au chapitre : qu’elles n’acceptent pas le pacte, et elles n’auront pas les financements croisés. [...] Ce texte éloigne les centres de décision des citoyens ».

De nombreuses idées qui ont été exposées cet après-midi ont recueilli un large assentiment. S’agissant de la métropole de Lyon, en revanche, tout le monde veut que le texte soit voté avec la plus grande célérité !

Mme Cécile Cukierman. Ne généralisez pas !

Mlle Sophie Joissains. Dans son analyse sur l’opérationnalité des métropoles, l’Assemblée des communautés de France a indiqué que la différence n’était pas importante avec la loi de 2010. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui quelque peu dubitatifs sur le vote de cette loi quant au statut de la commune, rejoignant en cela Jean-Jacques Hyest, qui a évoqué à son propos une idée ancienne, dépassée,...

M. Jean-Jacques Hyest. Aux yeux de certains, pas aux miens !

Mlle Sophie Joissains. ... commune dont on peut parler avec une certaine tendresse ou de la nostalgie… Ce qui n’était finalement qu’un sympathique ex-voto. Nous ne sommes pas d’accord avec cela.

Il faut le reconnaître, certains sont grisés par ce mot de « métropole » qui apparaît moderne, européen et rappelle les grandes cités outre-Atlantique. Mais, dans le même temps, et Gaston Defferre avait raison sur ce point, l’élu local n’est pas simplement une personne attachée à un pré carré ou à un petit pouvoir ; il est vraiment le représentant des habitants d’une collectivité, comme l’a affirmé à juste titre Roland Povinelli tout à l’heure. En cas de problème, dans les petites communes tout au moins, c’est leur maire que les citoyens consultent à propos de pavés mal joints, d’une haie qu’il faut tondre, de l’enfant à marier, voire, dans certains villages, pour demander au curé de baptiser un enfant tel jour, etc.

L’élu local s’occupe de tout, y compris évidemment de l’urbanisme, qui est aussi le rêve de la cité pour les citoyens : sans l’appui de leur maire, sans sa vision, ils sont perdus. On ne peut pas décider de l’urbanisme à des kilomètres de l’endroit où vivent les gens, car la vision qui en résultera sera automatiquement décalée, différente de la leur. Cet aspect est très important. Notre objectif, dans la démocratie locale, dans les libertés locales, c’est de faire en sorte que la démocratie soit partagée : la population doit pouvoir choisir un représentant qui appliquera les décisions désirées par la majorité. Or une trop grande distance rend ce processus impossible.

La loi de 2010 avait, certes, beaucoup de défauts – elle a suscité de nombreuses critiques dans le département –, mais au moins laissait-elle le choix, à tel point que 109 communes des Bouches-du-Rhône sur 119, en dépit de leur révolte contre ce texte, ont, pour échapper à la métropole, voté le pôle métropolitain. Ces communes étaient de toutes tendances politiques : certaines étaient communistes, sur des terres minières, d’autres socialistes, centristes ou proches de l’UMP. Nous avons réussi, ce qui est un exploit dans nos démocraties, à nous unir autour d’une idée commune de notre territoire : nous avons décidé de voter le pôle métropolitain et d’y travailler de concert.

Je comprends d’ailleurs que le maire de Marseille, en bon père de famille, veuille réunir tout le monde pour créer une métropole – je reviendrai ultérieurement sur les problèmes qu’une telle idée peut susciter. Si tous les futurs présidents de métropoles étaient comme Jean-Claude Gaudin, certains pourraient en France reconsidérer la question, mais ce n’est vraiment pas le cas ! Il suffit de se souvenir du député des Bouches-du-Rhône que nous avons auditionné – je ne citerai pas son nom. Avec son attitude intimidante, il a tenté de couper court à toute réplique et n’a cessé de s’auto-congratuler. Cet exemple prouve à lui seul que tout le monde n’a pas les qualités de démocratie et d’affectivité dont témoigne Jean-Claude Gaudin.

Madame la ministre, il y a quelques instants, vous avez qualifié la métropole marseillaise de « porte de la Méditerranée ». Mon sentiment est quelque peu mitigé à ce propos. Comme beaucoup d’habitants des Bouches-du-Rhône, j’aime énormément Marseille : cette ville symbolise beaucoup de choses, à la fois l’enfance, le soleil, la plage... Toutefois, il faut garder à l’esprit que la Provence est multipolaire. Sans totalement être inexacte, l’expression « porte de la Méditerranée » n’est que partiellement juste. Certes, la métropole marseillaise représente les trois quarts des Bouches-du-Rhône, mais ce département ne se résume pas au littoral.

Il y a Marseille, avec son rayonnement très particulier : au-delà de son image noire, presque napolitaine, cette ville reste très proche de Pagnol,…

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. Oh oui !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Et Raimu ?

Mlle Sophie Joissains. … avec sa tendresse, son affect, sa naïveté et la forfanterie qu’elle représente. Marseille, c’est tout cela à la fois.

À côté, il y a également Aix-en-Provence (Exclamations sur les travées du groupe socialiste)...

M. René Vandierendonck, rapporteur. Ah ! Aix !

Mlle Sophie Joissains. Je ne parlerai pas uniquement d’Aix, car je suis sénateur et non simplement élue locale. La Provence, qu’a immortalisée le peintre Cézanne,...

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Et Salon-de-Provence ?

Mlle Sophie Joissains. ... est plus terrienne, plus sobre et historiquement intellectuelle : Aix était jadis la capitale de toute la Provence, avec le palais comtal, où logeait le bon roi René,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est notre rapporteur ! (Sourires.)

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. Mais pourquoi est-il parti à Roubaix ? (Nouveaux sourires.)

Mlle Sophie Joissains. … le parlement de Provence et toute une tradition incarnée d’abord par la noblesse de robe, puis par les professeurs et les juristes. La ville d’Aix a une mentalité totalement différente de celle de Marseille ; ce sont deux mondes distincts.

Puis, plus loin, se trouve la Provence mistralienne, autour d’Arles. Il s’agit d’un territoire encore plus brut, profondément terrien, dont la culture et les traditions sont solidement ancrées. Aujourd’hui, dans cette Provence, on assiste toujours aux fêtes et aux farandoles. Ce sont des événements très importants : pour les habitants de cette région, ce n’est pas du folklore, c’est de la tradition !

Ces trois Provence constituent trois mondes, trois univers que j’aime profondément mais que l’on ne peut pas réduire à un seul. Il faut véritablement garder cette réalité à l’esprit. Une fois ces trois mondes brossés à grands traits, il faut souligner que chacun d’entre eux est très indépendant, très autonome. Ainsi, leur annoncer l’hégémonie de l’un sur les deux autres, plus petit que les autres, cela ne marche pas, cela ne colle pas ! De tels propos sont d’autant plus blessants qu’ils sont martelés. Ils sont ressentis comme une profonde injustice.

Je me souviens de la visite de Jean-Marc Ayrault lors de l’inauguration de Marseille-Provence 2013. Cette manifestation a presque tenu du miracle : à l’exception du maire de Fos-sur-Mer, nous avons réussi à nous asseoir tous ensemble autour de la table pour donner un élan culturel à l’ensemble de notre territoire. La règle européenne exige que l’événement prenne le nom d’une ville et d’un territoire : nous avons choisi Marseille et la Provence. Toutefois, dans son discours, M. le Premier ministre a fait une gaffe monumentale.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Il a parlé de Nice ?

Mlle Sophie Joissains. Sans doute ulcéré par la résistance à l’œuvre contre l’EPCI qu’il souhaitait créer, M. Ayrault n’a parlé que de Marseille : il n’a salué aucun des territoires associés !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oh !

M. Jean Germain, rapporteur pour avis. C’est terrible !

Mlle Sophie Joissains. Madame la ministre, je me souviens d’ailleurs que vous étiez présente ce jour-là ! Nous, élus provençaux, sommes tous partis furieux et blessés. Lorsqu’un seul coup est porté, on se dit que ce n’est pas grave, mais lorsque les blessures sont récurrentes,…

M. René Vandierendonck, rapporteur. Elles demeurent inguérissables !

Mlle Sophie Joissains. … on finit par se demander si elles ne signifient pas quelque chose. Dès lors, elles prennent du sens.

Or aujourd’hui, avec le projet de métropole, nous éprouvons le même sentiment : celui de ne plus exister. Nous qui sommes si fiers de nos identités respectives, nous qui sommes si fiers d’appartenir à cette terre si particulière de France, nous sommes soudainement effacés d’un coup de gomme ! C’est fini ! C’est comme si notre histoire, si riche, si diverse et si ancienne n’existait plus aux yeux du monde. Nous ne pouvons pas l’accepter !

À ce titre, je ne peux manquer de lire un bref paragraphe d’un discours de Gaston Defferre, même si ce texte a déjà été abondamment cité aujourd’hui. Je poursuis sur la lancée : « Le gouvernement de François Mitterrand et de Pierre Mauroy a confiance dans les Français, dans leur capacité de choisir leurs élus, des élus majeurs et responsables, des élus libres d’agir sans tous ces contrôles a priori, sans que leurs décisions soient remises en cause, retardées, déformées par des fonctionnaires ou des ministres lointains qui connaissent mal leurs problèmes, et que rien n’habilite à décider à leur place. »

Madame la ministre, citer ce texte, ce n’est pas vous faire injure. Je connais vos bonnes intentions. Mais je sais aussi que vous êtes Bretonne et que vous n’habitez pas la Provence !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. Que voulez-vous, nul n’est parfait !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est bien dommage, car chez moi il pleut !

Mlle Sophie Joissains. Quoi qu’il en soit, il faut vivre dans un lieu pour en percevoir toutes les subtilités. Parfois, les schémas grossiers qui peuvent apparaître à nous ne sont que des paravents derrière lesquels se cachent d’autres trésors, d’autres clefs, d’autres chemins à suivre. Tel est le message que je souhaite délivrer ce soir : nous, élus provençaux, quelles que soient nos étiquettes politiques, nous avons, tous ensemble, pris résolument un autre chemin. J’y viendrai dans un instant : nous avons réellement formulé trois propositions distinctes ; la dernière d’entre elles réside dans les divers amendements déposés, quels qu’ils soient, qu’ils viennent du groupe CRC, du groupe socialiste, ou de l’UMP !

En résumé, Marseille a beaucoup d’atouts : c’est une ville chatoyante, pleine d’affect et de tendresse, parfois brutale également, marquée par des poches de pauvreté. Au-delà de cet aspect pécuniaire parfois misérable, Marseille a aussi ses défauts. Nous en avons tous ! Mais les travers de Marseille ont quelque peu influé sur les services publics : le mono-syndicalisme qui règne dans la ville a paralysé le port pendant trente ans.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mlle Sophie Joissains. Déjà ? Je vais conclure, madame la présidente.

M. René Vandierendonck, rapporteur. On n’a pas vu le temps passer !

M. Christian Cambon. Continuez, ma chère collègue, c’est excellent !

Mlle Sophie Joissains. Globalement, le mono-syndicalisme a perturbé le fonctionnement de tous les services publics. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas la peine de poursuivre pour dire cela !

Mlle Sophie Joissains. Si, précisément, chère collègue !

La collecte des ordures ménagères a parfois subi des grèves durant près d’un mois, entraînant toutes les nuisances que l’on imagine. En outre, les équipements publics sont parfois très difficiles à manier, lorsque ceux qui entrent travailler ont besoin que le papa, la maman,…

Mme Éliane Assassi. Maintenant, ce sera aussi papa-papa et maman-maman !

Mlle Sophie Joissains. … le frère, la sœur, la nièce ou le neveu entrent également ! Cette situation paralyse complètement les services publics.

Que voulons-nous aujourd’hui ? Nous souhaitons que Marseille bénéficie d’un financement de l’État équivalent en proportion aux crédits consacrés à Paris. À nos yeux, c’est un élément essentiel. Vous voulez organiser de 7 000 à 8 000 transferts de fonctionnaires, comment ce mouvement pourrait-il être mené à bien ?

J’ai déjà évoqué la question du PLU. Je voudrais à présent mentionner les schémas que nous avons conçus, à commencer par la création du pôle métropolitain, que la loi nous imposait. Nous avons mené ce chantier de concert, pour échapper à la métropole. Nous avons proposé un syndicat mixte, auquel nous souhaitons associer la Camargue, au moins pour les transports, car cette région ne doit pas rester isolée dans le département des Bouches-du-Rhône.

À ce titre, nous avons émis la proposition suivante : laissez-nous mettre en place ce syndicat mixte, tout en maintenant une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes. Si, passé deux ans, le bilan est mauvais – et nous sommes prêts à le soumettre au Parlement ! –, nous accepterons le statut de métropole fixé par l’article 30 du présent texte.

Madame la ministre, j’en fais le serment : si vous acceptez de nous laisser mener cette expérimentation, nous aurons tellement peur que nous travaillerons comme des fous, et qu’il n’y aura pas besoin de métropole ! J’espère que nous pourrons nous en tenir à cette proposition ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dominati. Très bien !

M. Christian Cambon. Très émouvant !

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, contre la motion.

M. François Patriat. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, chers collègues, Mlle Joissains a adressé des compliments très éclectiques, à Mme la ministre, au président de la commission des lois, aux rapporteurs, à Jean-Claude Gaudin, à Gaston Defferre et à d’autres.

Mlle Sophie Joissains. À tous nos compagnons de lutte !

M. François Patriat. Aussi, à mon tour, je tiens à féliciter notre collègue. En effet, mademoiselle Joissains, vous vous êtes exprimée à la fois pour et contre la motion. Par votre argumentation, par vos propos poétiques, paisibles et empreints d’un attachement au territoire hors du commun, vous avez démontré qu’il était nécessaire de poursuivre nos débats ! (Sourires.) La discussion ne doit pas s’arrêter là !

Pour ma part, je pourrais vous répondre en témoignant de l’affection que j’éprouve pour une région bien connue, sœur des coteaux d’Aix par le vin. Je songe à la fois à la Bourgogne du sud, à la Bourgogne du nord, celle de Chablis,…

Mme Cécile Cukierman. Je préfère le givry !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Oh, le pommard !

Mme Éliane Assassi. Et le sancerre ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis. C’est bon, mais ce n’est pas un vin de Bourgogne !

M. François Patriat. … au Tonnerrois, au Sénonais, à la Puisaye, à la Bourgogne de Cluny, à celle de Vézelay, de Fontenay, de Pommard ou encore de Gevrey-Chambertin, où je suis né, ainsi qu’à la Bourgogne d’Époisses, le pays de ma mère ! Il faut dire que je suis moi-même un véritable produit d’appellation d’origine contrôlée – garantie d’origine et non gage de qualité ! Toutefois, vous le comprendrez, je n’en parlerai pas, par souci de gagner du temps. Du reste, je n’aurais ni le talent ni la sensibilité dont vous avez fait preuve.

Mes chers collègues, je me contenterai de souligner que nous devons poursuivre nos discussions. En effet, comme beaucoup d’entre nous l’ont compris, il est nécessaire de consacrer à ce sujet un débat en séance publique. Adopter une telle motion reviendrait, pour le Sénat, à fuir sa responsabilité. Notre assemblée doit apporter sa voix à la discussion d’un texte déterminant pour les collectivités locales. Chacun s’est exprimé abondamment sur ce sujet au cours de l’après-midi.

En premier lieu, nous nous devons de poursuivre ce débat au regard des travaux menés par le Sénat au cours des dernières années, en amont des états généraux de la démocratie territoriale clôturés en octobre 2012 par le chef de l’État.

Ces réflexions ont été mentionnées au cours de la discussion générale. Je songe au rapport de Jacqueline Gourault et de Didier Guillaume, publié en 2011, Rénover le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales : une nécessité pour une démocratie apaisée. Je pense également au rapport d’Yves Krattinger et de Jacqueline Gourault, datant de 2009, auquel j’ai pris part avec d’autres collègues présents ce soir, et qui était intitulé Faire confiance à l’intelligence territoriale. Depuis 2009, près de quarante rapports d’information divers ont été rédigés au sujet des collectivités territoriales, de la répartition de leurs compétences et de l’organisation institutionnelle de l’Île-de-France, en passant par des bilans divers et variés des précédentes lois de décentralisation. Le temps de la décision est aujourd’hui venu, et le débat au Sénat en est le corollaire indispensable.

En 1981, j’étais dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale lorsque Gaston Defferre a présenté ses projets de loi de décentralisation. Je me souviens encore des arguments invoqués par un quarteron de jeunes députés de l’opposition, déjà promis à un grand avenir. Ces propos étaient à peu près les mêmes que ceux que j’ai entendus ce soir !

Cher Jean-Pierre Sueur, je me souviens également de ce jour où vous êtes venu inaugurer les deux premières communautés de communes de France,...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait, en Bourgogne !

M. François Patriat. … en territoire rural, fédérant des chefs-lieux de canton de 1 500 habitants et vingt-cinq communes de moins de 200 habitants. Nous étions en 1992, et le discours que nous entendions alors était exactement le même que celui d’aujourd’hui ! Cette initiative faisait suite à la loi relative à l’administration territoriale de la République, dite loi ATR, que j’avais votée le 6 février 1992.

M. Pierre-Yves Collombat. En ce temps-là, on parlait d’intercommunalité volontaire !

M. François Patriat. Du reste, Gérard Collomb a évoqué ce souvenir cet après-midi avec plus de talent que moi.

Plus récemment, les états généraux de la démocratie territoriale, organisés sur l’initiative du président du Sénat, Jean-Pierre Bel, et conclus en octobre 2012, ont donné lieu à une vaste concertation entre les élus locaux. Comme l’a indiqué M. le rapporteur il y a quelques instants – et je l’en remercie – ces travaux ont contribué à ce que le présent projet de loi s’inspire largement de la pensée du Sénat en matière de décentralisation.

Tous ces travaux prouvent que le présent texte est imprégné, non de l’esprit de la Provence, mais bien de la pensée du Sénat ! Je le souligne à mon tour, avec beaucoup d’émotion. En outre, des travaux ont été menés sur les métropoles en amont de la discussion du présent projet de loi. Il y a eu de nombreuses consultations et des concertations avec l’ensemble des associations d’élus locaux, dans le cadre de trois cycles, en juillet 2012, en décembre 2012 et en février 2013. La discussion doit désormais se poursuivre en « terrain découvert », c'est-à-dire dans l’hémicycle. Il faut un débat.

Examinons à présent les conditions d’examen du projet de loi au Sénat. En commission des lois, près de 550 amendements ont été déposés, et les 188 qui ont été retenus émanaient, pour une part, du rapporteur, mais aussi de toutes les tendances politiques représentées au Sénat. Trois commissions ont été saisies pour avis, dont je remercie d’ailleurs les rapporteurs ici présents : la commission des finances, la commission du développement durable et la commission des affaires économiques, qui ont, elles aussi, organisé des débats internes et procédé à des auditions.

En séance publique, près de 900 amendements ont été déposés. La pluralité des propositions émises témoigne, là encore, d’un besoin de discussion. Nous allons y répondre. La discussion générale qui s’est tenue aujourd’hui pendant plus de trois heures trente traduit la diversité des positions qui irriguent chaque groupe politique, l’exemple de l’UMP n’étant pas le moins parlant.

Dès lors, considérer, en adoptant la présente motion tendant à opposer la question préalable, qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération reviendrait à amoindrir considérablement le rôle du Sénat, voire à nuire à l’institution elle-même, qui n’en a guère besoin en ce moment. Évitons de donner le sentiment que notre Haute Assemblée ne peut pas être le lieu du débat d’un texte d’initiative gouvernementale, voire qu’elle n’a pas de propositions propres à apporter ou, en cas de désaccord, d’autres solutions à défendre. D’ailleurs, les discussions en commission des lois ont montré que ce n’était pas le cas. La volonté de débattre est réelle.

J’en viens aux autres arguments avancés par Mlle Joissains. Ma chère collègue, vous affirmez que le nouveau régime des métropoles serait « quasiment identique » à celui de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. C’est faux ! Le présent projet de loi n’est pas la copie du texte de 2010.

D’abord, ce projet rétablit notamment la clause de compétence générale des départements et des régions, dont la disparition à compter de 2015 avait été actée par la loi de 2010. En complément de ce maintien, le texte désigne les collectivités locales « chefs de file » sur des listes de compétences partagées, et non exclusives. Ensuite, il crée des métropoles à statut particulier, adaptées aux réalités propres des trois premières aires urbaines du territoire, instaurées autour de Paris, Lyon et Marseille. Je n’y reviens pas.

Par ailleurs, j’ai écouté avec beaucoup d’attention le plaidoyer de Gérard Collomb sur la question spécifique de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Notre collègue a rappelé la nature du projet, en montrant à quel point il était bénéfique et attendu dans les territoires concernés.

De multiples réunions et auditions se sont tenues sur la problématique marseillaise. Vous les avez vous-même évoquées pour en saluer le climat et féliciter les participants, ma chère collègue. Le président de la commission des lois et le rapporteur René Vandierendonck ont organisé conjointement des réunions et procédé à des auditions officielles. Le 23 avril s’est tenue une table ronde avec les élus marseillais, maires et sénateurs ; M. Gaudin a été entendu le 14 mai et de nombreuses rencontres officieuses eurent lieu avec les sénateurs et les maires des Bouches-du-Rhône. Une réunion s’est également déroulée le 23 mai entre notre président de groupe, M. François Rebsamen, et les élus marseillais, sénateurs ou représentants des sénateurs et membres de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône. En outre, Mme la ministre Marylise Lebranchu a effectué dix déplacements à Marseille et a tenu onze réunions spécifiques avec les opposants au projet de métropole, l’Union des maires des Bouches-du-Rhône.

Mme Éliane Assassi. Apparemment, ça n’a pas convaincu…

M. François Patriat. Vous le voyez, le débat a déjà été largement engagé. Qu’il n’ait pas convaincu tout le monde,…

Mme Éliane Assassi. C’est clair !

M. François Patriat. … je peux le comprendre, mais cela n’aurait aucun sens de l’interrompre parce qu’il n’y aurait pas de consensus sur une question locale. Si le consensus fait défaut, c’est qu’il reste à construire !

À mon sens, du travail remarquable effectué par la commission des lois peut surgir un débat intéressant de nature à marquer l’avenir de notre pays et des métropoles, en particulier de celle d’Aix-Marseille-Provence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. J’ai apprécié la qualité et même la poésie de l’intervention de Sophie Joissains. (Sourires.)

La question des compétences a beaucoup alerté les maires. J’ai indiqué tout à l’heure à quel point leurs remarques avaient été prises en compte. Les transferts de compétences à l’aire métropolitaine sont aujourd'hui extrêmement encadrés, malgré la complexité de la rédaction. J’ai également rassuré les élus locaux sur la dotation globale de fonctionnement et la dotation de solidarité communautaire.

Je pourrais vous parler de ma propre communauté d’agglomération, qui est à cheval sur le Trégor et le Léon, deux territoires aux cultures différentes, mais nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter ailleurs.

Quoi qu’il en soit, il me semble important de pouvoir débattre des différents amendements portant sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Vous avez raison de souligner la complexité pour les élus. Je partage d’ailleurs vos propos sur la porte du bassin méditerranéen. Simplement, à mon sens, ce grand et magnifique territoire, qui, cela a été rappelé, dispose de tant d’atouts, a besoin d’une organisation qui permette son développement. En effet, ni vous ni nous ne pouvons nous satisfaire de la situation du logement ou des transports, ou des difficultés rencontrées par les salariés et les étudiants. Il nous faut donc en débattre tranquillement.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur la présente motion tendant à opposer la question préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Doit-on s’interdire de continuer à examiner le projet de loi parce qu’une question particulière, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, ne fait pas consensus ? À titre personnel, je me serais bien passé de ce genre de propositions. Simplement, une série de textes issus de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales pose de lourdes difficultés, peut-être pas spécialement à Marseille, mais aux collectivités territoriales en général.

Vous connaissez notre désir sincère de vous être agréable, ma chère collègue. Toutefois, je pense que nous devons poursuivre le débat. D’ailleurs, j’ai noté un certain nombre d’avancées par rapport au texte d’origine ; certaines mesures dont nous sommes saisis me semblent de nature à recueillir un plus large consensus que les propositions initiales. Ce n’est qu’un début, continuons le combat ! (Sourires.)

Mme Cécile Cukierman. Nous aussi, nous y avons cru en 1981… (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. J’ai écouté attentivement la présentation de Marseille et d’Aubagne, qui fleurait bon la lavande ; il y avait du soleil, ce dont nous manquons en ce moment ! (Sourires.) Toutefois, j’ai un peu tiqué : j’ai beau être breton moi aussi, je connais tout de même un peu la Provence et, sous couvert d’évoquer Pagnol et Mistral, ne nous a-t-on pas plutôt servi, comme c’est le cas dans certains films avec Fernandel, quelques « pagnolades » un peu caricaturales ?

Mme Cécile Cukierman. Maintenant, il y a Plus belle la vie ! (Sourires.)

M. Ronan Dantec. Pour ma part, je préfère me souvenir de l’un des films tirés de l’œuvre de Pagnol, Manon des sources, qui se rapproche de l’univers de Giono.

Mme Éliane Assassi. Attention : Pagnol et Giono, ce n’est pas pareil !

M. Ronan Dantec. C’est un film qui décrit l’interdépendance des territoires. Quand Manon bouche la fontaine, elle prive d’eau tout le village. Moralité : les territoires qui s’ignorent sont des territoires qui s’assèchent ! (Sourires.) En l’occurrence, nous sommes bien, nous aussi, en train de rappeler l’interdépendance des territoires, notamment en matière environnementale.

Au demeurant, cette année, nos deux villes sont des capitales : Marseille-Provence Métropole est capitale européenne de la culture et Nantes est capitale verte de l’Europe. Pour Nantes, cela a été plus simple : si nous avons gagné ce titre, c’est parce que nous avions dès le départ présenté une candidature d’agglomération totalement intégrée, avec des politiques urbaines à l’échelle de l’agglomération. La métropolisation de Nantes a donc été un facteur déterminant pour l’obtention d’une telle distinction.

Ma chère collègue, deux aspects au moins de votre discours portant sur des sujets environnementaux m’ont quelque peu surpris.

Premièrement, si je conçois que l’on ironise sur l’attribution aux maires de la compétence relative à la qualité de l’air, il y a tout de même des villes – j’imagine que ce doit être le cas à Marseille – avec des rues « canyon », où la pollution de l’air constitue un enjeu de santé et d’environnement extrêmement important. Or c’est souvent lié aux décisions de circulation de proximité. L’idée selon laquelle les maires ne devraient pas s’occuper de la qualité de l’air me semble donc très discutable.

Deuxièmement, et là, nous sommes au cœur des politiques publiques, confier la compétence en matière de PLU au seul maire sous prétexte qu’il est le seul à connaître son territoire en tant qu’élu de proximité – je ne pense pas caricaturer votre propos –, cela aboutit à un paysage plein de lotissements. Et le mitage détruit aussi la Provence. Par conséquent, dégager le maire du PLU permettra, me semble-t-il, de mieux prendre en compte la diversité des paysages et de lutter contre l’étalement urbain.

Enfin, en tant que léonard, je pense qu’avoir une identité aide toujours à mieux comprendre les identités des autres. S’ils avaient encore été de ce monde, je vous aurais suggéré de revoir le merveilleux spectacle où Yvan Audouard, le Provençal, et Pierre-Jakez Hélias, le Breton, certes cornouaillais, présentaient conjointement un ensemble de contes. C’était magnifique ; tous deux se comprenaient parfaitement !

L’agglomération du pays de Morlaix se compose à la fois des communes léonardes et des communes trégoroises : c’est la preuve que tout est possible ! Je ne vois donc pas pourquoi il y aurait des difficultés pour Aubagne, Aix-en-Provence et Marseille.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 649, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Assassi, M. Favier, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 58.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 581, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, il est, j’en conviens, un peu tard pour présenter une motion, d’autant qu’il n’y a pas grand-monde dans l’hémicycle, ce qui est bien dommage.

M. Louis Nègre. La qualité remplace la quantité, ma chère collègue ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Pour une fois, je suis d'accord avec vous, monsieur Nègre !

Selon nous, les conditions d’examen au Sénat du projet de loi dit « de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » ne sont pas satisfaisantes.

Comme cela a été rappelé, depuis plusieurs mois, près de dix avant-projets ont circulé. Une fois finalisé, après consultation du Conseil d’État, le projet fut scindé – certains ont employé d’autres verbes ; moi, j’utilise celui-là – en trois textes avant son passage en conseil des ministres, faisant perdre une visibilité globale, s’agissant tant de la cohérence des contenus que du rythme d’examen par les assemblées.

La séparation en trois textes, qui s’est faite dans la précipitation, a abouti à de fortes incohérences dans le projet du Gouvernement. Ainsi, le premier texte fait référence au Haut conseil des territoires, un organe présenté comme essentiel par François Hollande lors des États généraux, mais qui ne sera créé que dans le troisième texte ! Je pourrais mentionner également les chefs de filat créés en faveur de certaines collectivités sur des compétences qui ne leur sont pas encore attribuées, comme la qualité de l’air pour les communes…

Par-delà ces désordres rédactionnels, ces textes, chacun le sait, soulèvent beaucoup d’interrogations – nous l’avons encore vu aujourd’hui –, d’inquiétudes, voire de colère ou de désarroi, et suscitent l’opposition de très nombreux acteurs de la vie locale.

Cette profonde contestation du projet s’est d’ailleurs traduite par une réécriture importante, complexe du texte par la commission des lois, particulièrement par M. le rapporteur, dont je salue le talent et qui a su également développer des qualités d’écoute et de respect de la parole de chacun. Soyons néanmoins lucides, aucune réunion de la commission des lois n’a pu favoriser un échange de fond sur les enjeux de cette réforme.

Certains se plaisent à dire que la commission des lois a travaillé : c’est tout de même la moindre des choses ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un texte qui structurera non seulement la vie de nos institutions, mais surtout celle de nos concitoyens dont il est peu question depuis le début de l’après-midi.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Louis Nègre. Je suis d’accord !

Mme Éliane Assassi. De nombreuses interventions étaient désincarnées ; on ne parlait plus des gens, ce qui est tout de même un problème quand on traite de nos institutions. Voilà pourquoi, écoutant le propos de mon ami Christian Favier, je me suis dit : « enfin de l’humain ! »

Certes, nous avons travaillé, mais soyons humbles, pour ne pas dire très humbles. Rappelons-nous ce pour quoi nous avons été élus : nous sommes là pour travailler, pour réfléchir et pour construire une vision de notre société qui réponde, in fine, aux besoins et aux attentes de nos concitoyens.

Examiner des centaines d’amendements jusqu’à trois heures du matin, nous savons le faire.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On est là pour ça…

Mme Éliane Assassi. Oui, mais permettez-moi de noter que tous ne sont pas là ce soir…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas exceptionnel, hélas !

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un texte dont chacun désire se préoccuper. Or, à l’évidence, peu d’élus semblent vouloir y consacrer du temps, du travail et de la réflexion !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut le dire à ceux qui sont absents...

Mme Éliane Assassi. Bien sûr, mais, proportionnellement, vous en conviendrez, les élus de mon groupe sont présents.

Revenons-en au texte. Dans ces conditions, il a été difficile, pour ne pas dire impossible, aux sénateurs qui ont déposé des amendements d’en exposer les objets et de les défendre.

C’est donc finalement un nouveau texte, celui que nous examinons aujourd’hui, qui est sorti laborieusement des travaux de la commission des lois. Ce nouveau texte n’est disponible que depuis neuf jours, week-end de la Pentecôte compris. Les sénateurs de la commission, mais aussi tous les autres, n’ont eu alors qu’une toute petite semaine pour examiner ce nouveau texte et proposer des amendements pour la séance.

Monsieur le président de la commission des lois, le Président de la République dans son discours de Dijon, il y a quelques semaines, déclarait qu’il faisait confiance au Sénat pour réécrire, s’il le fallait, ce texte. C’est fait : reste à savoir si c’est bien fait…

De plus, le rapporteur et vous-même, monsieur le président de la commission des lois, expliquiez dès les premières auditions, devant la contestation soulevée par certaines parties du texte, que celui-ci allait être profondément modifié. Finalement, il avait été annoncé depuis plusieurs semaines que le texte serait réécrit, mais il n’a pas été prévu pour autant d’accorder des délais supplémentaires pour l’examiner. Le président du Sénat annonçait même l’ouverture d’une large concertation avant l’examen du projet de loi par la Haute Assemblée, rappelant les très intéressants États généraux des collectivités territoriales qui ont eu lieu à l’automne dernier.

En définitive, le Gouvernement n’a tenu compte d’aucune de ces propositions, les a balayées d’un respectueux revers de main et a inscrit cette réforme à l’ordre du jour du Sénat, à une date rapprochée, sans tenir compte des délais nécessaires à son examen. La nouvelle concertation annoncée, reprenant l’esprit des rencontres d’octobre, s’est en fait traduite par une simple multiplication d’auditions – soixante-dix au total – en un peu plus de trois jours par la commission des lois. Ce travail a débouché sur une réécriture du texte par le rapporteur, sans qu’aucune nouvelle consultation n’ait été possible ni même envisagée !

Sur le premier texte, soixante-dix auditions ont été conduites. Pourquoi n’avons-nous prévu aucune audition sur le deuxième texte ? Comme beaucoup de sénateurs dans cet hémicycle, j’ai rencontré les élus de mon département – lundi soir, pour ne rien vous cacher – et je leur ai parlé d’un texte dont ils ne savaient absolument rien. Ils ne connaissaient que le texte du Gouvernement, avant sa réécriture par la commission des lois du Sénat. C’est un problème démocratique !

L’idée très intéressante d’un aller-retour entre les élus, les citoyens et les associations d’élus, défendue par le président du Sénat, et que nous soutenions, a donc été abandonnée. La réalité fut tout autre. C’est une commission des lois réduite à sa portion congrue, en pleine nuit, qui a finalement débattu pour l’essentiel des propositions du rapporteur, aussi bonnes soient-elles, lequel a réécrit le texte.

Ce qui s’est produit va radicalement à l’encontre de l’esprit des États généraux des collectivités territoriales, qui furent le projet du président du Sénat et qui connurent une belle réussite démocratique à laquelle nous avons contribué, au Sénat comme dans nos départements. Notre assemblée n’a pas pu se saisir sérieusement de ce texte malgré sa mission de représentant des collectivités territoriales.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, la démocratie est au cœur de la réflexion qui m’anime ce soir. Mon intention n’est pas de polémiquer. Ce projet fait débat ; sa profonde réécriture accentue encore un sentiment de précipitation et d’incertitude ressenti sur de nombreuses travées. Le nombre d’intervenants inscrits dans la discussion générale est, à cet égard, révélateur. Aussi, nous pensons qu’il faut prendre le temps de l’échange pour remettre cette réforme à l’endroit, en s’appuyant sur l’exigence démocratique qui croît considérablement dans notre pays.

Nous pensons que le Sénat n’est pas prêt à examiner ce projet de loi dans de bonnes conditions. Des expériences récentes en matière d’ordre du jour ont montré qu’il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation. Rappelez-vous l’inscription à l’ordre du jour, dès le 5 septembre dernier, du projet de loi sur le logement, qui s’est soldé par une censure du Conseil Constitutionnel.

Cette motion tendant au renvoi en commission ne vise pas à reporter l’examen d’un texte, mais vise à créer de bonnes conditions pour l’examen d’un nouveau texte. Les éléments-clés de ce texte, qu’il s’agisse de la mise en place des conférences territoriales et de la création des métropoles, ont été profondément remaniés.

Alors que le rôle du Gouvernement est, à notre sens, de proposer une perspective d’organisation harmonieuse du territoire, nous assistons de manière détestable – j’ose le terme – à l’émergence d’un débat qui préfigure une France morcelée, éclatée entre quelques immenses collectivités drainant compétences, moyens financiers et capacités de développement au détriment de grandes zones en proie à la désertification.

Vu l’ampleur de l’enjeu pour l’avenir de notre pays et de nos concitoyens, cette réforme mériterait une tout autre réflexion qu’une simple réunion – ce qualificatif n’est pas péjoratif – de la commission des lois, dont je suis membre. Dans ces conditions, nous prenons le risque que chacun – cela s’est vu encore cet après-midi – défende son territoire, sa collectivité, son EPCI, sa métropole, centré sur sa conception, soucieux, en fait, de la pérennisation de véritables « baronnies », oublieux d’un développement harmonieux du territoire. Tout cela pourrait aboutir à accentuer la mise en concurrence de ces mêmes territoires. De ce point de vue, nos débats de cet après-midi étaient assez caricaturaux.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ils étaient intéressants !

Mme Éliane Assassi. L’un n’exclut pas l’autre, monsieur le président de la commission !

Ainsi, l’objet de la mise en place de ces nouvelles grandes métropoles échappe à un nombre croissant de personnes, y compris sur nos travées. Si nous faisions une interrogation écrite, je ne suis pas sûre que mes collègues donneraient les bonnes réponses... En revanche, ce qui est compris par un nombre croissant d’élus, c’est le déficit démocratique que créera l’instauration d’une nouvelle strate territoriale singulièrement éloignée des citoyens. La complexité du concept de métropole, son absence de cohérence justifient pleinement la remise en chantier du projet de loi, d’autant que l’opposition monte considérablement parmi les élus locaux, et fort heureusement pas seulement à Marseille, mademoiselle Joissains.

L’autre point fort de notre demande de renvoi en commission est l’incohérence du découpage en trois textes du projet de loi initial du Gouvernement. Pour résumer, nous avons pris les choses à l’envers : je crois que M. le rapporteur partage ce constat.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Quoi qu’il en soit, à l’heure où je vous parle, nous ne savons strictement rien des modifications qui pourraient intervenir sur les deux autres textes : c’est incroyable ! Bref, nous avons perdu toute visibilité de l’ensemble de la réforme, au-delà même du calendrier surréaliste qui nous est proposé. Monsieur le rapporteur, il apparaît indispensable d’éclairer la commission sur votre vision globale de la réforme. À ce titre, j’aurais plusieurs questions à vous poser.

Quels outils donnerez-vous aux communes, par exemple, pour se protéger de l’influence écrasante des futures métropoles, tant pour celles qui en seront membres que pour toutes les autres, qui subiront leur mise en place ? Pouvez-vous, sans avoir cette vision globale, démentir solennellement aujourd’hui l’idée que les métropoles seront des outils de réduction des dépenses par la mutualisation des moyens, mais aussi par voie de conséquence des outils de réduction de l’offre de service public ? Les départements et les communes ne seront-ils pas cantonnés à un rôle de proximité, sans pouvoir décisionnel réel ?

Un autre élément important qui fonde notre demande de renvoi en commission est l’absence de visibilité sur les contrats de plan que le Premier ministre doit, selon ses propres dires, présenter d’ici à l’été.

Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Éliane Assassi. En effet, une dépêche nous apprenait, mardi, que M. Ayrault avait déclaré, devant le groupe socialiste : « j’ai […] annoncé aux sénateurs socialistes que le Gouvernement travaillait à relancer les contrats de plan État, régions, grandes collectivités ». L’annonce est ainsi faite que l’État va dorénavant contracter non plus seulement avec les régions, mais aussi avec de « grandes collectivités », sans savoir lesquelles, ni dans quels domaines !

Autre question, est-il concevable de débattre aujourd’hui de la création d’une nouvelle strate institutionnelle, les métropoles, sans connaître leur place dans le dispositif annoncé ?

De même, nous avons appris le lancement, pour le mois de juin prochain – donc dans quelques semaines –, d’un « pacte de confiance » déterminant en particulier la répartition des dotations de l’État et un cadre rénové pour garantir l’autonomie financière et fiscale des collectivités, sans que les départements soient réellement assurés de la compensation totale du transfert des versements des allocations de solidarité nationale auquel ils doivent faire face.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

Mme Éliane Assassi. Puisque vous semblez disposer de la réponse, le bon sens n’aurait-il pas voulu que le Sénat ait connaissance de ces perspectives financières avant de se lancer dans la réorganisation de l’architecture institutionnelle des territoires ?

Cette question de l’avenir des finances locales est au cœur d’une réforme décentralisatrice audacieuse, porteuse de progrès et de développement du service public. Or à notre sens, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, notre commission n’a pas éclairé le Sénat sur le réalisme de la réforme proposée dans le cadre de l’exigence de réduction des dépenses publiques souhaitée, voulue et, dirai-je, imposée par Bruxelles.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la sénatrice.

Mme Éliane Assassi. Je conclus, madame la présidente, mais certains de mes collègues ont usé de beaucoup plus de temps.

Je voudrais tout de même vous lire une des recommandations de M. Barroso.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quel rapport ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne suis pas d’accord avec M. Barroso !

Mme Éliane Assassi. Il y est question de l’acte III de la décentralisation et, pardonnez-moi, monsieur le président, c’est un peu ce qui nous occupe depuis ce matin. Que dit M. Barroso ? « À cet égard, l’examen en cours des dépenses publiques (modernisation de l’action publique) qui concerne non seulement l’administration centrale, mais aussi les administrations des collectivités locales et de la sécurité sociale devrait indiquer comment améliorer encore l’efficacité des dépenses publiques. Il est également possible de rationaliser davantage les différents niveaux et compétences administratifs afin d’accroître encore les synergies, les gains d’efficacité et les économies. La nouvelle loi de décentralisation prévue – c’est bien ce dont nous parlons – devrait traiter de cette question ».

Cet extrait est tiré d’une lettre de M. Barroso ; je ne l’ai pas inventé. Il serait donc intéressant que nous puissions aussi discuter de ces différents points à l’occasion du débat qui va nous occuper dans les prochains jours. Compte tenu de tous ces éléments, la commission, nous semble-t-il, doit réexaminer le texte et ses propres propositions, à l’aune des injonctions de la Commission européenne.

J’aurais encore beaucoup à dire, madame la présidente, mais j’ai bien conscience d’abuser de mon temps de parole. J’en termine donc pour laisser la parole à M. le président de la commission des lois qui, j’en suis certaine, va se faire un plaisir de nous répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, contre la motion.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon groupe m’a demandé de m’exprimer sur cette motion, ce que je fais volontiers, et M. le rapporteur donnera l’avis de la commission.

J’ai bien écouté votre propos, madame Assassi, et permettez-moi de vous dire en toute sincérité que je vous ai parfois, même souvent, trouvée plus convaincante. En effet, quel est le sujet ? Nous sommes saisis par le Gouvernement de trois projets de loi, en l’espèce d’un projet de loi qui a été inscrit à l’ordre du jour, conformément à la Constitution, par la conférence des présidents.

Vous avez déclaré que nous n’avions pas parlé des gens dans le débat. C’est votre appréciation. Pour ma part, j’ai été très intéressé par notre discussion de cet après-midi, ainsi que par les échanges en commission. J’ai senti battre le cœur de la démocratie, des collectivités locales, et j’ai remarqué que, quelles que fussent les positions, les collègues se sont exprimés avec beaucoup de sincérité et de conviction. Le débat a été riche. Nous avons notamment évoqué la solidarité ; j’ai parlé de l’emploi et de l’économie, s’agissant des régions, parce que j’y crois beaucoup.

J’en viens maintenant à la manière dont nous avons travaillé, car nous avons déjà abordé le débat de fond et nous aurons l’occasion de le poursuivre pendant tout le temps réservé à l’examen de ce projet de loi. Je précise en outre que le Gouvernement n’a pas engagé la procédure accélérée – encore heureux sur un tel texte ! – et qu’il y aura donc un débat à l’Assemblée nationale, suivi d’un nouveau débat au Sénat. Ce processus prendra quelques mois, et c’est bien ainsi. Pendant ce temps, nous aurons le loisir de nous exprimer, de suivre l’actualité et de poursuivre notre dialogue avec les élus.

Dès que le texte nous est parvenu, nous avons désigné le rapporteur en commission et celui-ci s’est mis au travail. Au mois d’avril, nous avons procédé à l’audition publique télévisée de cinquante élus du pays, ce qui d’ailleurs a eu un certain écho. Puis, nous avons poursuivi le travail et notre rapporteur a rencontré encore une cinquantaine d’élus dans une série d’auditions ouvertes à tous les membres de la commission des lois.

À ce stade, je remercie les administrateurs de la commission parce que nous avons absolument tenu à respecter une règle qui, trop souvent, ne l’est pas au Sénat. Nous avons laissé un intervalle de quinze jours entre la séance au cours de laquelle nous avons établi le texte de la commission et la séance consacrée à l’examen des amendements dits extérieurs. Ainsi, le texte de la commission élaboré lors de la réunion du 15 mai a été, grâce à l’effort de tous, mis en ligne le 16 mai. Il y eut tout de même un temps suffisant pour produire des amendements, ce que confirme, me semble-t-il, le nombre élevé de ceux-ci.

Mme Éliane Assassi. Nous commençons à débattre du projet de loi alors que les amendements n’ont pas tous été examinés en commission !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vais y venir, madame Assassi…

Je ne veux pas compliquer ni allonger les débats à mon tour, mais je signale que la commission, lors de la séance d’établissement du texte, a adopté 188 amendements et, lors de la séance consacrée à l’examen des amendements extérieurs, en a retenu 104, portant à 292 le nombre d’amendements sur lesquels elle s’est prononcée favorablement.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous nous expliquez que le nombre d’amendements retenus et le fait que la commission propose un texte différent – sur certains points assez profondément – de celui du Gouvernement sont autant de signes de l’existence d’un problème, justifiant un retour en commission. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette interprétation, je vous le dis avec sincérité ! Selon moi, le Sénat fait simplement son travail.

M. Jean-Pierre Sueur. L’élaboration de la loi procède, en vertu de nos institutions, du Gouvernement et du Parlement. Lorsque nous décidons, parce que tel est notre travail, de faire évoluer assez profondément certains aspects d’un projet de loi, tout en maintenant le dialogue tout à fait nécessaire et fructueux avec le Gouvernement, nous remplissons notre mission.

Le fait que nous ayons affirmé fortement notre position et que nous ayons changé le texte ne justifie pas un renvoi en commission. Si tel était le cas, il faudrait renvoyer en commission chaque texte sur lequel nous faisons notre travail avec une certaine énergie et une certaine conviction ! Ce n’est pas normal. Peut-être faudrait-il plutôt l’envisager quand les sénateurs adoptent un texte pratiquement conforme, ce qui pourrait laisser supposer que quelques amendements ont échappé à leur sagacité...

Mme Éliane Assassi. Franchement, quelle mauvaise foi !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas de la mauvaise foi, madame Assassi, je vous dis les choses telles que je les vis ! Je pense vraiment que nous avons eu, en commission, un vrai débat. D’ailleurs, mes collègues peuvent témoigner qu’en commission des lois je demande toujours aux auteurs des amendements présents en réunion de les défendre. D’aucuns m’en font même le reproche, car cela fait durer les débats. Puis, nous entendons la parole du rapporteur et chacun peut s’exprimer. Vous savez très bien que nous avons eu des débats très approfondis.

Permettez-moi de citer encore un chiffre ou deux…

Mme Éliane Assassi. Je vous ai connu plus convaincant, monsieur le président.

M. Jean-Pierre Sueur. Je fais ce que je peux, madame Assassi.

La commission a donc siégé pendant douze heures trente pour établir le texte et, cette semaine, elle s’est également réunie pendant douze heures trente, ce qui fait un total de vingt-cinq heures, durant lesquelles nous avons été très heureux de travailler ensemble.

Je conclurai mon propos, madame Assassi, en signalant qu’en définitive votre vœu est exaucé. Comme vous l’avez justement fait remarquer, il nous reste encore quelques amendements à examiner. J’ai donc l’honneur de vous annoncer publiquement que la commission des lois sera conviée à poursuivre ses travaux lundi prochain, de quatorze heures à seize heures, et éventuellement mardi prochain, de neuf heures à dix heures.

Donc, quoi qu’il en soit, nous reviendrons en commission pour poursuivre notre intéressant travail sur ce projet de loi. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette demande de renvoi en commission ne m’apparaît pas justifiée.

Mme Éliane Assassi. Vous êtes sur la défensive !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René Vandierendonck, rapporteur. Nous vous donnons acte, madame Assassi, de votre assiduité et du caractère constructif de votre participation, et essayons de positiver. Nous voulons, comme vous, avoir un vrai débat, un débat organisé à partir du Sénat sans que le Gouvernement vienne, avec son inspiration maastrichtienne…

Mme Éliane Assassi. Je n’ai pas dit cela ! Barrosienne, en ce cas !

M. René Vandierendonck, rapporteur. Vous voulez instaurer un vrai droit de participation, ce que vous appelleriez une coopérative d’élus et, si possible, le faire d’une manière non hémiplégique, avec la participation de toutes les sensibilités politiques ? C’est ce que nous vous proposons ! C’est ce que Mmes les ministres ont accepté !

Donc, n’insultons pas l’avenir : nous avons dix jours à passer ensemble ! Quelle joie ! Un vrai débat participatif ! Alors, madame Assassi, laissez-moi ma chance ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Je suppose donc, monsieur le rapporteur, que votre avis est défavorable.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne m’aventurerai pas à essayer d’imiter votre rapporteur ! (Sourires.)

Madame Assassi, le Gouvernement a choisi une démarche simple, que je souhaite rappeler. Nous aurions pu déposer un projet de loi en juillet dernier – lequel aurait d’ailleurs été assez court –, puisque nous avions déjà travaillé sur cette question pendant des mois, je le dis à l’attention de M. Mézard, comme cela avait été le cas avant 1981.

Cependant, le Président de la République et le Premier ministre ont choisi, et je crois qu'ils ont eu raison, d'attendre la fin des États généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, lesquels se sont achevés le 5 octobre dernier. Pour préparer le projet de loi, nous nous sommes inspirés à la fois du résultat des États généraux et des 150 auditions que nous avons menées pour entendre toutes les associations d'élus, comme s’y étaient engagés le Président de la République et le Premier ministre.

Le texte que nous avions préparé a été jugé trop lourd par un certain nombre de sénateurs, aussi le président du Sénat a-t-il demandé au Gouvernement de scinder son projet en trois textes. Au fond, c'est la réponse à votre question, madame Assassi. Nous allons débattre d’abord d’un premier chapitre, puis d’un deuxième à l'automne si tout va bien, et enfin du troisième quand vous le voudrez. Nous aurons donc largement le temps de discuter de l'ensemble du projet.

Le reproche que vous adressez sur le temps accordé à la réflexion est complexe. Je sais bien que le Gouvernement n'a pas à commenter les travaux du Sénat, mais imaginez que le texte de la commission, qui n'est pas celui du Gouvernement - l'article 42 de la Constitution est parfaitement respecté – soit, comme vous le souhaitez, renvoyé à la commission des lois. Je fais de la politique-fiction, mais il se pourrait que la commission des lois, après réflexion, décide d’adopter un nouveau texte dans trois semaines. Il faudrait alors attendre encore avant de pouvoir rediscuter de ce texte, qui pourrait même ne jamais arriver en séance publique.

Je l'ai dit au président de la commission de la loi, au rapporteur et à tous ceux qui ont bien voulu travailler en amont sur ce projet de loi : Anne-Marie Escoffier et moi-même sommes prêtes à passer le temps qu'il faudra pour la discussion de ce premier chapitre et, bien entendu, à revenir pour le deuxième. Nous sommes à la disposition de tous les groupes politiques pour débattre des points très techniques et complexes.

Je terminerai mon propos en soulignant à quel point nous devons être attentifs à ce débat, car il porte non pas uniquement sur les institutions, mais sur les conditions de vie et de travail, sur les espoirs et l’avenir de nos concitoyens. Le Gouvernement ne peut donc être favorable à cette motion. (Applaudissements sur le banc des commissions.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 58, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Discussion générale

12

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 31 mai 2013, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 495, 2012 2013) ;

Rapport de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 580, 2012 2013) ;

Texte de la commission (n° 581, 2012 2013) ;

Avis de M. Claude Dilain, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 593, 2012 2013) ;

Avis de M. Jean-Jacques Filleul, fait au nom de la commission du développement durable (n° 601, 2012 2013) ;

Avis de M. Jean Germain, fait au nom de la commission des finances (n° 598, 2012 2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 31 mai 2013, à zéro heure quinze.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART