M. le président. Monsieur Billout, l’amendement n° 91 est-il maintenu ?

M. Michel Billout. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Comme nous l’avons fait nous-mêmes en d’autres circonstances, le groupe CRC demande la remise d’un rapport et la tenue d’un débat en séance publique. Il est répondu à chaque fois par la négative, au motif que cela ne relève pas de la loi ordinaire. Je peux le comprendre, mais il serait tout de même souhaitable que le Gouvernement remette les rapports au Parlement avant l’examen du projet de loi de finances, de manière à éclairer nos débats sur celui-ci. Cela serait judicieux au regard tant de l’édification du Parlement que de la qualité de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. J’y suis tout à fait favorable, monsieur Legendre. S'agissant du rapport que je viens d’évoquer, je souhaite qu’il soit rendu public le plus rapidement possible. De manière générale, j’ai d'ailleurs pris l’engagement de mettre à la disposition du Parlement tous les éléments dont dispose mon ministère. Je suis pleinement favorable à ce que le Sénat évalue le plus largement possible le dispositif du présent texte. L’Assemblée nationale a mis en place un comité de suivi chargé de veiller à l’application de ses mesures essentielles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Billout, que pensez-vous de la suggestion de Mme la rapporteur 

M. Michel Billout. Je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 92 rectifié, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement établit un rapport évaluant l’impact des dispositions de la loi n° 2008-790 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire. Ce rapport est remis au plus tard le 31 décembre 2014 aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Chapitre II

L’administration de l’éducation

Section 1

Les relations avec les collectivités territoriales

Articles additionnels après l'article 10
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République
Article 11 (Texte non modifié par la commission) (début)

Articles additionnels avant l'article 11

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Carle, Mme Primas, MM. Humbert et B. Fournier, Mmes Mélot et Duchêne et M. Duvernois, est ainsi libellé :

Avant l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 912-1-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 912-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 912-1-… – L’organisation de l’enseignement scolaire vise à ce que les enseignants les plus performants soient en priorité affectés dans les zones d’éducation prioritaire. Sa réalisation est mise en œuvre sous la forme notamment de dispositions réglementaires, d’incitations financières ou d’accords négociés ».

« Les outils permettant le calcul économétrique de la valeur ajoutée des enseignants sont déterminés par décret. »

La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Cet amendement vise à inciter les enseignants les plus efficaces à exercer leur métier là où les situations de grande difficulté scolaire sont le plus concentrées.

Depuis plus de vingt ans, nous savons que le déterminant le plus important de l’apprentissage et de la réussite des élèves est le travail de l’enseignant. C’est ce que les chercheurs en sciences de l’éducation ont appelé l’« effet maître », qui peut contrebalancer l’influence de l’ensemble des autres facteurs exogènes, notamment celui du milieu socioéconomique de l’élève. L’effet maître affecte la performance scolaire de tous les élèves, ceux en difficulté en étant les plus grands bénéficiaires potentiels. Ainsi, si les élèves les plus faibles étaient confiés aux meilleurs enseignants, ils obtiendraient presque les mêmes résultats que les meilleurs élèves.

Aujourd’hui, l’effet maître est subi, puisque l’affectation des enseignants est déterminée par leur ancienneté et non par les besoins des élèves. Il importe par conséquent, dans un souci de pilotage plus efficient du système éducatif, d’identifier les enseignants les plus efficaces et de leur confier les élèves qui ont le plus besoin de bénéficier de l’effet maître. Il s’agit de viser un objectif d’équité sociale, mais aussi d’améliorer significativement la performance de notre système éducatif.

Il est donc nécessaire de créer, au sein du système éducatif, un instrument de mesure de l’influence du travail des enseignants sur la progression des élèves aux moments les plus déterminants de leur scolarité, c'est-à-dire au cours des cycles des apprentissages fondamentaux.

Un tel instrument permettrait non seulement, si l’incitation proposée est suffisante, d’orienter très rapidement les enseignants les plus efficaces vers les élèves qui ont le plus besoin d’eux, mais également d’identifier les déterminants des pratiques pédagogiques les plus efficaces.

Aujourd’hui, les pratiques pédagogiques n’étant pas observées, les bonnes pratiques ne sont pas connues et ne peuvent donc être diffusées. Les dispositions de cet amendement portent en germe un pilotage plus efficace du système éducatif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Cartron, rapporteur. Cet amendement, qui vise à permettre de mesurer la valeur ajoutée des enseignants afin d’affecter les plus performants d’entre eux dans les zones d’éducation prioritaire, nous laisse perplexes.

La stabilité des équipes enseignantes dans l’éducation prioritaire est un enjeu primordial, un élément fondamental pour assurer la réussite des élèves. Nous pouvons partager le souhait de nos collègues de limiter l’affectation des nouveaux enseignants et des stagiaires dans les établissements difficiles, mais l’amendement n’offre pas de dispositif opérationnel permettant de progresser dans cette voie.

En outre, l’évaluation de la performance individuelle des enseignants soulève beaucoup de difficultés : qui aurait la légitimité et la compétence pour y procéder ? C’est la qualité du collectif, de l’équipe, qui nous paraît primordiale. Il serait très réducteur de se limiter à des évaluations individuelles. De plus, l’expression « valeur ajoutée » ne nous semble pas appropriée. Le renvoi au décret montre d'ailleurs que l’amendement crée plus de difficultés qu’il n’en résout. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Il s'agit d’une préoccupation très forte, prise en compte par le Premier ministre dans le cadre de la modernisation de l’action publique. J’ai annoncé que j’ouvrirai à l’automne une grande concertation avec l’ensemble des représentants du monde éducatif, afin d’avancer sur ces sujets. Depuis plusieurs semaines, la direction générale de l’enseignement scolaire réunit des groupes dédiés à la réflexion sur l’évolution du collège et sur la refondation de l’éducation prioritaire.

Bien que j’aie la réputation d’être très souvent maladroit (Sourires.), je me garderai bien, pour ma part, d’évoquer dans les discussions la mise en place d’« outils permettant le calcul économétrique de la valeur ajoutée des enseignants ». Ces derniers pourraient mal le prendre…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il est même certain qu’ils le prendraient très mal !

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.

Mme Colette Mélot. Je reconnais qu’il est difficile de mesurer la valeur ajoutée des enseignants.

Mme Françoise Cartron, rapporteur. Eh oui !

Mme Colette Mélot. On peut cependant réfléchir sur ce sujet, et souhaiter que les enseignants les plus expérimentés puissent faire profiter leurs collègues débutants de leur connaissance du métier. Il serait également préférable d’éviter d’affecter ces derniers en ZEP, à moins qu’ils n’en aient émis le souhait et aient été formés à l’enseignement à des publics difficiles. Je crois que tout cela mérite réflexion. Cela étant, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.

L'amendement n° 66, présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Avant l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les collectivités territoriales sont associées à la définition des grandes orientations et des expérimentations menées par l’éducation nationale ainsi qu’à leurs déclinaisons territoriales, notamment dans le cadre du Conseil territorial de l’éducation nationale, dont les attributions sont précisées à l’article L. 239-1 du code de l'éducation.

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, entendez-vous les inquiétudes et les critiques des élus locaux ? Dans toutes nos interventions, nous avons rappelé l’importance d’associer tous les acteurs aux réformes de l’éducation nationale, et nous avons insisté sur le rôle primordial que jouent les élus. Je le répète, les élus sont bien des acteurs, et plus seulement des payeurs.

La mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires constitue à mon avis l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire avec les collectivités territoriales. Monsieur le ministre, vous leur avez imposé une réforme sans les avoir réellement écoutées et en leur demandant de tout mettre en œuvre en six mois. De surcroît, cette réforme n’aborde le problème des temps scolaires que sous un angle étroit. Les résultats sont là : moins de 25 % des écoles l’appliqueront à la rentrée prochaine.

Cet amendement vise donc à associer les collectivités territoriales à la définition des grandes orientations et des expérimentations menées par l’éducation nationale ainsi qu’à leurs déclinaisons territoriales, notamment dans le cadre du Conseil territorial de l’éducation nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Cartron, rapporteur. Au travers de cet amendement, c’est le rôle des collectivités territoriales que vous souhaitez clarifier. Il est évident – nous y reviendrons au cours du débat – que nous sommes à l’aube de nouveaux partenariats entre l’éducation nationale et les collectivités territoriales. Plusieurs des dispositifs du projet de loi s’inscrivent dans cette perspective, notamment les projets éducatifs territoriaux, la carte régionale des formations ou les conventions tripartites.

Outre que l’amendement pose des problèmes rédactionnels, il n’apporte aucune solution opérationnelle. Par conséquent, s’il n’est pas retiré, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Il me paraît légitime de bien préciser la position de chacun. S’il s’agit d’une relation partenariale, autant l’écrire ! On sait qu’elle existe, il faut la renforcer, ce qui implique la mise en œuvre d’un certain nombre de moyens. Nous sommes dans le même bateau : nous voulons tous faire progresser nos enfants. C'est la raison pour laquelle il est tout à fait essentiel d’affirmer dans la loi la volonté d’instaurer une coopération entre l’État et les collectivités territoriales. Il convient d’élaborer ensemble des propositions en vue de réaliser des économies, puisque nous souhaitons tous réduire la dépense publique. Cela permettra d’assumer les dépenses nouvelles nécessaires à l’amélioration de l’éducation donnée à nos enfants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 11
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République
Article 11 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 11

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article L. 211-2 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots et une phrase ainsi rédigée : « et de la carte des formations professionnelles initiales définie à l’article L. 214-13-1. Cet arrêté est pris après concertation avec la région et recueil de son avis. » ;

2° À la dernière phrase, après le mot : « investissements », sont insérés les mots : « et des engagements conclus dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles et de la convention annuelle définis aux articles L. 214-13 et L. 214-13-1, ».

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Avec cet article, qui ouvre la voie à une mise en œuvre de la formation professionnelle par les territoires, nous sommes au cœur du projet de loi.

En réalité, c’est l’article 18 qui modifie fondamentalement l’organisation en la matière, l’article 11, ainsi que les articles 16, 17 et 19, n’opérant que des coordinations. Mon intervention vise l’ensemble de ces articles, qui forment un tout cohérent.

Nous sommes en profond désaccord avec les dispositions de la section du texte consacrée aux relations avec les collectivités territoriales, qui porte essentiellement sur la formation professionnelle.

Nous ne pouvons approuver ces articles, qui remettent en cause le rôle de l’État stratège dans la définition des cartes de la formation et, partant, portent atteinte à la continuité du service public de la formation professionnelle, notamment initiale, sur le territoire.

En effet, le projet de loi supprime l’arbitrage de l’État prévu à l’article L. 214-13 du code de l’éducation en cas de désaccord entre l’État et les régions concernant les conventions annuelles d’application du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles. L’État ne sera plus le garant du respect des décisions permettant de maintenir la continuité du service public et rien n’est prévu en cas de désaccord.

Le rôle de la région ressort donc largement renforcé, puisque, aux termes de l’article 18, c’est elle qui arrêtera la carte des formations professionnelles initiales, conformément aux choix inscrits dans la convention.

Une inégalité en matière d’offre de formation professionnelle initiale en sera irrémédiablement la conséquence. L’État se trouvant évincé, plus personne ne sera garant de la cohérence globale de cette carte à l’échelle nationale et de l’égalité d’accès à la formation professionnelle initiale sur tout le territoire.

Les arguments employés pour contrer notre raisonnement sont connus : on nous objecte que l’État conserve le dernier mot et aura un pouvoir réel de décision, puisque c’est lui qui affecte ou non les moyens et les personnels dans les établissements d’enseignement professionnel. Certes, mais ce pouvoir n’est aucunement stratégique, car il ne permet pas de définir une vision de la formation professionnelle, alors même que le redressement productif fait partie des priorités affirmées pour notre pays.

Il résulterait de l’adoption de l’article 18 dans sa rédaction actuelle l’octroi d’un simple pouvoir de blocage à l’État en fin de parcours, ce qui, au mieux – ou au pire –, lui permettrait de s’opposer le cas échéant à une décision d’ouverture prise par la région. Mais que se passera-t-il si les autorités de l’État souhaitent l’ouverture d’une formation professionnelle que la région n’aurait pas décidée ? Quel sera alors le pouvoir de l’État ? Certes, il dispose des moyens, mais, sans établissements, il ne peut aucunement les affecter.

L’argument qui nous est opposé ne tient donc pas. À nos yeux, l’État sera très clairement affaibli et ne conservera pas de rôle prépondérant.

Par ailleurs, les dispositions de cette section du projet de loi ne peuvent être lues et comprises qu’à la lumière d’un autre texte, qui leur donne toute leur logique : je veux parler de l’acte III de la décentralisation et, plus particulièrement, du projet de loi relatif à la mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et la promotion de l’égalité des territoires.

L’article 5 de ce texte vise à récrire les mêmes articles du code de l’éducation que la section du présent projet de loi que nous nous apprêtons à examiner, sans que les rédactions proposées soient tout à fait identiques. Il en précise souvent la portée et en permet une meilleure compréhension ; rappelons qu’il figure dans la section intitulée « Renforcement des compétences des régions ». D’ailleurs, le Gouvernement entend introduire d’autres dispositions contenues dans ce projet de loi par voie d’amendement au Sénat, anticipant encore une fois sur un autre débat.

L’amendement du Gouvernement renforce le rôle de la région en matière d’orientation : c’est elle qui en aura intégralement la charge, depuis l’orientation vers la formation initiale jusqu’à la formation tout au long de la vie. Nous ne le voterons donc pas, bien entendu, pas plus que nous n’approuverons la décentralisation en matière de formation professionnelle initiale.

Nous ne croyons pas, évidemment, que l’État soit vertueux par essence – s’il l’était, cela se saurait, et l’expérience de ces dernières années a été éclairante à cet égard –, mais nous ne pensons pas que la région le soit davantage. Ce qui est certain, c’est que l’État a une vision plus large et peut s’assurer de la cohérence globale des offres entre les différentes régions, même si ces dernières sont mieux à même de relayer les besoins des territoires.

En matière d’éducation nationale, l’argument de l’adaptation aux réalités locales nous semble moins important que celui du maintien de l’égalité de traitement de tous les citoyens. Le sujet de la formation des jeunes, de leur avenir, est d’envergure nationale. Il est bien trop important pour qu’on puisse l’envisager sous un angle exclusivement territorial.

Il faut donc s’assurer que les deux visions puissent s’accorder. Nous présenterons un certain nombre d’amendements en ce sens, afin de rééquilibrer le dispositif du projet de loi en atténuant le rôle prépondérant confié à la région, laquelle risquerait de faire prévaloir l’intérêt économique immédiat et local au détriment d’une réflexion plus globale que seul l’État peut conduire.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il m’est agréable de saluer la présence dans nos tribunes de nombreux apprentis qui participent aujourd’hui, au Sénat, aux treizièmes rencontres sénatoriales de l’apprentissage. (Applaudissements.) En votre nom, je leur souhaite un grand succès dans leur vie professionnelle.

Article 11 (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République
Discussion générale

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

gouvernance économique européenne

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Monsieur le ministre, la semaine dernière, lors de sa conférence de presse, le Président de la République a parlé de l’Europe et a annoncé le lancement d’une « initiative européenne », consistant notamment à « instaurer avec les pays de la zone euro un gouvernement économique qui se réunirait, tous les mois, autour d’un véritable président nommé pour une durée longue et qui serait affecté à cette seule tâche ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nicolas Sarkozy en avait parlé le premier !

M. Jean-Claude Requier. Les radicaux de gauche et les membres du RDSE, qui ont eu l’honneur de compter dans leurs rangs Maurice Faure, signataire du traité de Rome, soutiennent pleinement cette initiative européenne du Président de la République. Nous l’approuvons d’autant plus que nous l’appelons de nos vœux depuis plusieurs années.

Il ne fait maintenant plus aucun doute que la réponse à la crise économique et financière que nous traversons ne passera ni par un énième accord financier provisoire ni par des plans d’austérité nationaux, mais bien par une solidarité institutionnelle, par un encadrement communautaire des budgets nationaux et par des politiques de relance cohérentes menées à l’échelon européen.

Nous avons fait l’euro, et c’est une réussite ! Mais nous n’avons pas su nous doter de la politique économique commune qui en était le corollaire indispensable. Nous avons laissé se développer une politique monétaire gérée par la Banque centrale européenne, la BCE, et vingt-sept politiques budgétaires, chacun des États voulant profiter de la stabilité de l’euro pour s’exonérer de la nécessité de contrôler ses dépenses. Cette dispersion du pouvoir économique est donc le péché originel de la zone euro ; elle est la principale faille dans laquelle se sont engouffrés les spéculateurs.

Oui, il nous faut parvenir au plus vite à une véritable politique économique commune, c’est la condition sine qua non pour ne plus subir la pression des marchés financiers et les conséquences de la crise économique actuelle ! C’est désormais un préalable pour aller vers une union politique.

Pour nous, membres du RDSE, cela suppose de créer des mécanismes de coordination avec la BCE et surtout de remettre en cause son indépendance, qui est aujourd’hui totale. Faut-il comprendre les propos du Président de la République comme l’expression d’une volonté de contrebalancer le pouvoir de la BCE ou celui de la Commission européenne ? Nous l’espérons.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur cette initiative forte prise par le Président de la République ? Quel rôle institutionnel la France souhaite-t-elle exactement conférer à ce gouvernement économique européen ? Comment allez-vous convaincre les plus réticents de nos partenaires ? (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, lors de sa conférence de presse de la semaine dernière, le Président de la République a effectivement appelé de ses vœux l’instauration d’une gouvernance économique de la zone euro.

Nous sommes en effet convaincus que l’union économique et monétaire appelle, en plus de la création de la monnaie unique et de la Banque centrale européenne, la mise en place d’un gouvernement économique qui détermine et conduise une politique conforme aux intérêts de la zone euro. La gauche française, et tout particulièrement les radicaux de gauche, le demandent depuis la création de l’euro ; une telle initiative a souvent été annoncée dans le passé, sans qu’aucune réelle avancée n’intervienne. La crise actuelle a bien montré l’insuffisance des structures existantes pour prendre en temps utile les décisions qui s’imposent. Il est aujourd’hui essentiel de remédier rapidement à cette situation.

Nous souhaitons la mise en place d’une autorité politique identifiée, capable de fixer un cap, de décider puis d’agir, d’incarner l’Europe, de parler d’une seule voix en son nom.

Ce gouvernement économique devra être responsable devant les citoyens, bien évidemment, mais aussi devant le Parlement européen et les parlements nationaux. Pour le construire, nous devons réunir plus souvent le sommet de la zone euro afin de délibérer non seulement sur la politique économique, qui doit bien sûr être définie en impliquant l’ensemble des institutions concernées, y compris la BCE, mais aussi sur les questions de fiscalité et les questions sociales, essentielles à nos yeux.

Nous devons également renforcer l’Eurogroupe en le dotant d’une présidence à temps plein et mieux articuler ces institutions dans une architecture cohérente et plus solide.

Le gouvernement économique de la zone euro doit en outre être doté d’une capacité budgétaire, disposer de ressources distinctes de celles du budget de l’Union européenne pour financer des actions en faveur de la croissance.

Telle est la volonté du Président de la République, tels sont nos objectifs. Je tiens d’ailleurs à préciser que ces avancées peuvent être réalisées immédiatement, dans le cadre actuel des traités qui régissent le fonctionnement de l’Union européenne. Les deux années à venir verront la prise des décisions nécessaires dans cette perspective. Je sais pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

menaces subies par les établissements scolaires du bas-rhin

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, il y a quelques jours à peine, dans le cadre des questions cribles sur la politique de lutte contre le terrorisme, je vous interrogeais sur les mesures à prendre pour tenter de contrôler les flux internet et les réseaux sociaux.

À Strasbourg, nous venons d’être rattrapés par une dangereuse réalité. Les lycées sont en effet l’objet d’une menace proférée depuis un cybercafé de la cité : le soir du 14 mai dernier, un internaute, anonyme bien entendu, a publié sur le forum d’un site web un long message intitulé « Tout s’arrête bientôt », dans lequel il annonce son intention de commettre un massacre dans un établissement scolaire à l’aide de l’arme semi-automatique de son oncle.

Si le dispositif de sécurisation des établissements scolaires concernés s’est heureusement mis en place rapidement – je tiens, à cet égard, à remercier notamment M. le préfet du département, M. le procureur de la République, ainsi que les forces de police et de gendarmerie –, il est clair que la menace ne doit pas être considérée comme évacuée et que plusieurs questions se posent.

Tout d’abord, même s’il ne faut surtout pas surenchérir dans de telles circonstances, il est indispensable de rassurer la population alsacienne, tout particulièrement les parents et les élèves des établissements scolaires concernés, quant à une sortie prochaine de cette situation de crise. À ce jour, deux pistes ont d’ores et déjà été exploitées par les enquêteurs, mais les personnes interpellées ont été mises hors de cause. Sans porter atteinte à la nécessaire confidentialité de l’enquête, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations à cet égard ?

Ensuite, plus de 500 policiers et gendarmes sont mobilisés au quotidien pour sécuriser les quelque cinquante établissements de Strasbourg menacés, sans parler du reste du département. Ces effectifs manquent bien entendu pour effectuer les tâches auxquelles ils sont normalement affectés. Comment ces absences sont-elles compensées ?

Enfin, les cybercafés constituent des zones de totale liberté et de non-droit, où dès lors tous les abus sont possibles. N’y a-t-il pas lieu, monsieur le ministre, de renforcer les outils de veille électronique, notamment dans ces cybercafés, voire d’instaurer une obligation d’identification des usagers de ces lieux et des utilisateurs de cartes téléphoniques prépayées, par exemple ?