M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon les chiffres publiés il y a quelques semaines, la France compte désormais plus de 3,2 millions de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle emploi en catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité.

Cette hausse, qui intervient pour le vingt-troisième mois consécutif, plonge l’ensemble de nos concitoyens dans la crainte d’un avenir incertain, d’autant que la précarité envahit peu à peu leur vie quotidienne.

Souvent assimilée à la grande pauvreté, elle atteint aujourd’hui une telle ampleur qu’elle concerne tout un pan de la population, bien au-delà des seules personnes les plus défavorisées.

Dans le contexte économique particulièrement difficile que nous connaissons depuis plusieurs années, il est nécessaire de se mobiliser pour inverser la courbe du chômage à la fin de l’année. La bataille pour l’emploi est une nécessité impérieuse.

Il faut reconnaître que, depuis maintenant un an, monsieur le ministre, vous vous attelez à ce dossier avec toute la persévérance que nous vous connaissons. Emplois d’avenir, contrats de génération et, maintenant, sécurisation de l’emploi : tous les leviers de votre politique de l’emploi seront bientôt opérationnels. Ces outils n’ont certes pas encore porté leurs fruits, et l’impatience des Français se fait grandissante. Mais, le Président de la République l’a récemment rappelé, son « quinquennat comportera deux phases : une phase de redressement, pendant laquelle des réformes difficiles, mais indispensables, [seront] conduites et une phase de dépassement, pour permettre de changer de modèle et de vivre mieux ».

Le projet de loi dont nous achevons aujourd’hui l’examen fait partie intégrante de cette phase de redressement. Faut-il rappeler qu’il est la transcription d’un accord signé par trois des cinq syndicats de salariés et par tous les syndicats d’employeurs, accord que le chef de l’État a lui-même qualifié de « compromis historique » ?

Bien que l’examen par le Parlement ne se soit pas fait sans heurts, nous pouvons nous féliciter d’avoir enrichi un texte qui, pour la première fois depuis bien des années, consacre le dialogue social non seulement comme la seule voie efficace pour porter des réformes justes et nécessaires, mais aussi comme la méthode caractéristique choisie par le Gouvernement, et c’est tant mieux.

Le Premier ministre s’est engagé à recevoir l’ensemble des partenaires sociaux pour faire le point sur leurs attentes et recueillir leurs propositions en vue de la deuxième conférence sociale, qui aura lieu en juin prochain. Les premiers échanges ont d’ailleurs débuté hier.

Pour sortir de la crise et combattre le chômage, notre pays doit concilier la compétitivité des entreprises et la sécurisation des emplois. C’est, à mon sens, la clé de la performance économique, dont nous avons plus que jamais besoin.

Le projet de loi donne aux entreprises les outils pour une plus grande réactivité aux évolutions conjoncturelles. Dans une période où le chômage de masse et la précarité ne cessent d’augmenter, il est important que les entreprises puissent s’adapter aux évolutions économiques et les anticiper, plutôt que d’y répondre en catastrophe. Je pense notamment à la mobilité interne, au chômage partiel ou aux accords de maintien dans l’emploi. Je sais que ces dispositions suscitent beaucoup d’opposition. Elles constituent pourtant un moyen d’éviter les licenciements massifs, à l’image de ce qui s’est passé chez Volkswagen. Et le travail parlementaire a permis de mieux encadrer ces dispositifs, dans l’intérêt des salariés.

Certes, je comprends que certaines mesures, telle la réduction des délais de prescription, puissent susciter quelques craintes. Il faut toutefois se rappeler les raisons pour lesquelles les syndicats ont signé l’accord du 11 janvier. Ils y ont consenti parce qu’il s’agissait d’une contrepartie à de nouveaux droits individuels ou collectifs accordés aux salariés. J’en citerai quelques-uns : l’accès de tous les salariés à une couverture complémentaire, nécessaire dans un pays où de plus en plus de personnes y renoncent par manque de moyens ; la création du compte personnel de formation ; l’encadrement du temps partiel ; la mise en place de droits rechargeables à l’assurance chômage ; la taxation des contrats courts.

Toutes ces dispositions vont dans le sens d’une meilleure protection des salariés. À ce titre, elles constituent des avancées majeures, personne ne peut le nier.

Bien sûr, je regrette que la plupart de nos amendements n’aient pas été adoptés par le Sénat, alors qu’ils allaient dans le sens d’une meilleure protection du salarié. En revanche, je me félicite que la commission mixte paritaire ait maintenu notre proposition de rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale s’agissant du nombre de représentants de salariés dans les conseils d’administration. Ainsi, ce nombre sera un plancher et non plus une prescription impérative : il s’agit d’un progrès pour la revalorisation des salariés et d’une véritable rupture dans la gouvernance des entreprises.

Pour l’ensemble de ces raisons, cette réforme est tout simplement ambitieuse. Elle est la condition sine qua non pour faire sortir le pays de la crise économique, ramener de l’emploi en France et redonner à tous nos concitoyens espoir et confiance en l’avenir. Selon les propres termes des organisations syndicales signataires, il s’agit d’une avancée sociale. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, apportera son soutien à ce texte et aucun de ses membres ne votera contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi est la transcription législative de l’ANI, l’accord national interprofessionnel. Après tous les débats que nous y avons consacrés, le premier mot qui me vient à l’esprit est celui d’OLNI : objet législatif non identifié. (Sourires.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça commence bien !

M. Jean Desessard. En effet, il est difficile à définir ! Est-ce la simple traduction législative de l’ANI ? Mais où sont les textes, monsieur le ministre, qui délèguent aux partenaires sociaux l’ensemble des relations sociales du pays ?

M. Michel Sapin, ministre. Il n’y en a pas !

M. Jean Desessard. Qu’en est-il de la prise en compte des chômeurs, des précaires, des non-salariés, des retraités ?

Lorsqu’il est question de la « sécurisation de l’emploi », qui peut raisonnablement penser que cela se limite à l’entreprise ? Évidemment, l’État, les collectivités locales, l’ensemble des acteurs de la société ont un rôle à jouer !

Oui, un texte élaboré par les partenaires sociaux doit être débattu et amendé par les parlementaires. Or, pendant tout le débat, le ministre nous a constamment rappelés à l’ordre afin que nous collions au plus près du texte de l’ANI.

M. Jean Desessard. Quel est donc le vrai statut de ce projet de loi ? Le Gouvernement a-t-il décidé de sous-traiter les relations sociales aux partenaires sociaux ? Si c’est le cas, il convient de le clarifier sur le plan institutionnel.

M. Jean-Vincent Placé et Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Jean Desessard. Venons-en maintenant à l’aspect flatteur, aux reflets chatoyants de l’OLNI. Les couleurs sont attrayantes, mais qu’en est-il réellement ?

M. Jean Desessard. Bien sûr, nous nous réjouissons de l’extension de la complémentaire santé ! Mais ne se fait-elle pas au prix d’un affaiblissement du rôle de la sécurité sociale et d’un possible développement des mutuelles à l’américaine ?

Mme Laurence Cohen. Exactement !

M. Jean Desessard. D’ailleurs, les clauses de désignation le préfigurent ; d’où la manifestation des « Abeille », aujourd’hui, devant le Sénat, qui défendent une mutuelle de proximité.

M. François Rebsamen. Ils ne sont guère nombreux !

M. Jean Desessard. Bien sûr, nous sommes satisfaits des droits rechargeables à l’assurance chômage ! Mais, sans recettes supplémentaires de l’assurance chômage, comment les financer ? On prendra à Paul pour donner à Pierre ! Quelle catégorie sera moins indemnisée pour financer ce nouveau droit ?

Bien sûr, nous soutenons la création d’un compte personnel de formation ! Mais quelles en sont les modalités pratiques ? Ce droit sera-t-il effectif ?

Bien sûr, nous nous réjouissons de la possibilité de tester un travail dans une autre entreprise, avec la possibilité de réintégrer la première si les choses se passent mal ! Mais l’exercice de cette faculté est soumis à l’autorisation de l’employeur, qui peut refuser deux fois. S’il n’a pas le droit de refuser la troisième fois, c’est seulement pour permettre aux salariés de suivre une formation…

Bien sûr, nous soutenons l’incitation au CDI pour les jeunes de moins de vingt-six ans ! Mais j’attends avec impatience le bilan, car les incitations financières sont faibles. De plus, cela crée un précédent d’exonération à l’assurance chômage.

Bien sûr, nous soutenons la taxation des emplois précaires ! Mais pourquoi n’avoir pas mené une véritable réflexion sur le temps partiel et la précarité ? À titre d’exemple, les 20 000 employés vacataires des instituts de sondage ne peuvent bénéficier que d’une prime de précarité de 4 % et non de 10 %. Pourquoi ? Mystère…

Mes chers collègues, nous nous réjouissons de la constitution d’une base de données économiques et sociales. Mais pourquoi avoir refusé de l’élargir aux données environnementales quand l’environnement revêt une telle importance dans notre société ?

Arrêtons-nous à présent sur le « noyau dur » de ce texte.

M. Charles Revet. Ah! ça devient intéressant !

M. Jean Desessard. Pour ce qui est de l’accord de maintien de l’emploi dans les entreprises en difficulté, l’objet est affiché. Afin de permettre la survie de l’entreprise, il peut y avoir négociation du contrat de travail concernant les horaires et les salaires, et ce jusqu’au redressement de l’entreprise. Les circonstances de l’application de ce dispositif restent cependant floues.

Dans le cadre de la concurrence, quel patron ne sera pas tenté de chercher à renégocier le contrat de travail face à une conjoncture qu’il appréhende comme difficile ? Ne sera-ce pas le toboggan entraînant l’ensemble du salariat vers le bas ?

Les accords nationaux, les accords de branche garantissent le progrès social en fixant le cadre de la concurrence entre les entreprises. Avec la possibilité d’y déroger, chaque entreprise sera tentée de succomber à l’appel du dumping social pour rester compétitive.

Bien sûr, cet accord doit être validé par les syndicats de l’entreprise ! Mais quel syndicat prendra le risque de s’y opposer avec les propos alarmistes de tout l’encadrement sur la nécessité de sauvegarder l’entreprise ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. Syndique-toi !

M. Francis Delattre. Il fait tout de même partie de la majorité, non ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Je ne parlerai pas de la réduction des délais de prescription pour porter les conflits aux prud’hommes, qui s’inscrit dans une réduction des droits des salariés, non plus que des dispositions sur la mobilité interne… Mais vous voyez bien qu’il reste de nombreuses questions non résolues.

On aurait pu penser qu’il aurait fallu prendre le temps d’y réfléchir et d’en débattre. Au lieu de cela, monsieur le ministre, vous avez utilisé le vote bloqué au bout de quarante-huit heures de discussion des articles ! Je vous rappelle que, la dernière fois que cette procédure a été utilisée, ce fut au bout de trois semaines de débat sur les retraites.

Je l’ai dit, ce texte est difficilement identifiable. Aujourd’hui, il n’est pas aisé d’en cerner la trajectoire. S’agit-il de droits nouveaux ou au contraire d’une régression des droits des salariés ?

M. Jean-Jacques Mirassou. L’avenir le dira !

M. Jean Desessard. Comme ils n’ont pas pu clarifier ce point, les membres du groupe écologiste s’abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la France est confrontée à une crise économique sans précédent. Dans ce cadre, je considère que l’accord national interprofessionnel est incontestablement une avancée.

Pour la première fois, en effet, il y a une véritable rupture avec les pratiques de certains syndicats « préhistoriques » encore branchés sur la lutte des classes, qui n’ont strictement rien à faire de la situation économique de la France, qui cherchent simplement à perdurer en s’agrippant au système que nous avons connu jadis.

Je me réjouis donc de l’existence de syndicats progressistes tournés vers l’avenir, vers l’intérêt général de la France, et qui ont accepté de passer une convention avec l’autre partie prenante des discussions sociales qu’est le patronat.

J’aurais souhaité que cet accord soit intégralement respecté. Malheureusement, il y a eu de petits aménagements.

Cela étant, c’est une grande date et il me paraît important que le Parlement vote ce projet de loi, afin de montrer que la représentation nationale soutient l’évolution des rapports sociaux. C’est uniquement en parvenant à disloquer l’axe du rejet systématique et de l’obstruction que nous arriverons à redresser la France.

Donc, pour ma part, je voterai ce projet de loi sans hésiter.

Le groupe des non-inscrits étant à la fois démocratique et très pluraliste, mon collègue Jean-François Husson m’a demandé de vous faire part de son point de vue. Il se trouve que nous ne partageons pas tout à fait la même opinion sur le sujet ; aussi vais-je vous lire le texte qu’il m’a demandé de vous communiquer en son nom.

« Ce texte aurait dû constituer un tournant de la démocratie sociale dans notre pays. L’objectif annoncé par le Président de la République était louable et même partagé : renforcer la sécurité et les droits des salariés tout en apportant aux entreprises une certaine souplesse et des formes de flexibilité dont elles ont tant besoin.

« L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a été adopté dans un climat tendu, après des débats houleux, mais le succès a finalement été au rendez-vous. Les partenaires sociaux avaient ainsi rempli leur part du contrat. Il restait au législateur à “transcrire fidèlement les dispositions législatives” qui s’imposaient, comme le Président de la République l’y invitait.

« Malheureusement, le Gouvernement et la majorité parlementaire se sont éloignés de cet objectif. Plus largement, leur attitude ne respecte pas les grands principes démocratiques qu’ils prétendent pourtant défendre.

« Tout d’abord, la démocratie sociale, à laquelle nous sommes attachés, est mise à mal : certaines dispositions ont fait l’objet de modifications sensibles, remettant en cause le subtil équilibre trouvé par les partenaires sociaux. Les prétendues améliorations accroissent les obligations et réglementations imposées aux entreprises et employeurs, comme si les représentants des salariés n’avaient pas été en mesure de faire entendre leur voix lors des négociations. Ceux d’entre eux, minoritaires, qui ont dénoncé l’accord ont obtenu gain de cause sur certains points en dépit du compromis obtenu par la majorité. Comprenne qui pourra !

« Ensuite, en ayant recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution sur un texte aussi fondamental, qui touche l’ensemble de la population active, le Gouvernement fait peu de cas de la valeur ajoutée du travail du Sénat, dont chacun reconnaît le sérieux. Certains, sur les travées de notre assemblée, ont vivement regretté et dénoncé une attitude aussi négligente, qui méprise le temps consacré à l’élaboration des amendements.

« Pour tout dire, le Gouvernement avait manifestement son idée sur la transposition de l’accord, et il n’était pas question d’en changer !

« Enfin, le Gouvernement aurait souhaité bousculer les règles du calendrier parlementaire afin d’expédier l’adoption du texte. Heureusement, le Sénat a veillé à faire respecter l’agenda prévu et je m’en félicite. En voulant gagner du temps, le Gouvernement s’est mis la chambre haute à dos et s’est retrouvé au point mort.

« Si le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui reprend en grande partie l’accord, certaines dispositions inopportunes ont été introduites qui se révéleront très contre-productives.

« Tout d’abord, l’introduction, à l’article 1er, d’une clause de désignation des organismes assureurs par les branches professionnelles porte une atteinte grave au principe de la liberté contractuelle.

« Ensuite, le crédit d’impôt et de compétitivité pour l’emploi, accordé aux entreprises pour alléger leurs charges fiscales, se voit soumis au contrôle des représentants de salariés.

« En outre, l’instauration de la durée minimale du temps de travail de vingt-quatre heures par semaine est trop strictement encadrée.

« Il résulte de ces débats un sentiment de gâchis. Le Gouvernement et la majorité avaient l’occasion de rassembler les parlementaires autour d’un texte consensuel. Ils n’y sont pas parvenus. »

Pour ces raisons, notre collègue Jean-François Husson ne votera pas le texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous l’imaginez bien, la tonalité de mon intervention sera légèrement différente de celle des propos entendus précédemment. (Sourires.)

Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi témoigne de la priorité qu’accordent depuis un an le Président de la République et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault à la question prioritaire et centrale de l’emploi.

Ce texte est aussi l’illustration de la volonté présidentielle de tenir les engagements pris devant les Français. Ainsi le 35e engagement visait-il à mettre « en place, en concertation avec les partenaires sociaux, la sécurisation des parcours professionnels pour que chaque salarié puisse se maintenir dans l’entreprise ou l’emploi et accéder à la formation professionnelle ».

Nous voici donc parvenus au terme d’un parcours entamé à l’issue de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet dernier, lorsque le Gouvernement enjoignait aux partenaires sociaux d’entreprendre une grande négociation sur les conditions d’une meilleure sécurisation de l’emploi.

Après quatre mois de négociations, la majorité des partenaires sociaux sont parvenus à un accord le 11 janvier 2013.

Par la suite, dans un esprit de loyauté envers l’accord et les signataires, et avec une exigence de transparence, le Gouvernement a associé toutes les organisations à la préparation du projet de loi.

Depuis, le Parlement a largement amplifié et prolongé cette méthode en auditionnant de très nombreux acteurs. Je veux encore une fois remercier notre rapporteur, Claude Jeannerot, qui a travaillé avec une double exigence : d’une part, respecter l’équilibre général du texte, qui retranscrit l’accord national interprofessionnel du 11 janvier, d’autre part, préciser et clarifier certaines dispositions.

Les deux chambres ont donc tour à tour enrichi le projet initial, qui comptait dix-neuf articles. L’Assemblée nationale en a ajouté six et en a supprimé un. Sur cette base, le Sénat a amendé quinze articles et en a introduit deux.

Bien sûr, comme l’a rappelé le rapporteur, il n’existe pas de divergences majeures entre les deux rédactions. Cependant, avant d’évoquer la version issue des travaux que nous avons menés en commission mixte paritaire, je voudrais revenir tranquillement sur les principales dispositions introduites par le Sénat.

À l’article 1er, qui a trait à la généralisation de la protection complémentaire à tous les salariés et à l’amélioration de la portabilité des couvertures santé et prévoyance des demandeurs d’emploi, nous avons modifié cinq dispositions.

Nous avons tout d’abord garanti le maintien des droits de prévoyance et de santé pour les ayants droit.

Nous avons ensuite amélioré la durée de la portabilité des droits pour les salariés qui cumulent plusieurs contrats et, en particulier, plusieurs CDD sans interruption chez le même employeur.

Nous avons aussi étendu le délai durant lequel un ancien salarié peut demander à bénéficier de son ancien contrat à l’expiration de la durée de la portabilité.

Nous avons encore complété l’apport de l’Assemblée nationale en permettant aux négociations d’entreprise d’intégrer la situation des salariés relevant du régime local d’Alsace-Moselle.

Nous avons renvoyé à un décret la possibilité de fixer des modalités spécifiques de financement pour les multi-employeurs et les salariés à temps très partiel – j’aurai l’occasion d’y revenir.

Nous avons donné la possibilité aux salariés disposant à titre personnel ou en tant qu’ayants droit d’une assurance complémentaire d’effectuer une demande de dispense d’affiliation.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Christiane Demontès. Enfin, nous avons supprimé la possibilité, pour les partenaires sociaux, de désigner un ou des assureurs au niveau de la branche, permis uniquement la recommandation et précisé que les accords ne pouvaient emporter la recommandation d’un organisme unique.

En ce qui concerne les articles 2 et 3, l’Assemblée nationale avait effectué un travail de clarification important. Ainsi, pour le compte personnel de formation, et dans la perspective de la prochaine négociation tripartite entre les partenaires sociaux, l’État et les régions, nous avons choisi de ne pas amender sur le fond l’article 2 et de ne pas limiter l’application de la disposition introduisant la mobilité volontaire sécurisée telle que prévue à l’article 3.

Le dispositif de représentation des salariés dans l’organe de gouvernance, qui fait l’objet de l’article 5, a donné lieu de la part de notre rapporteur à une réécriture importante, qui garanti l’équilibre entre salariés et direction avant que de nouveaux progrès dans l’association des salariés à la gouvernance puissent voir le jour, comme le préconise d’ailleurs M. Gallois dans son récent rapport.

L’article 7 tend à lutter contre la précarité et favoriser l’embauche en CDI via la modulation des cotisations au régime d’assurance chômage. Nous avons choisi de supprimer la disposition additionnelle introduite par les députés qui visait à ce que les taux soient fixés « de telle sorte que le produit des contributions ne soit pas diminué », étant entendu que l’article L. 5422-12 du code du travail permet déjà de répondre à cette exigence.

En outre, nous ne pouvons préjuger l’impact de ces modulations qui, selon l’INSEE, devraient représenter, au plus, 0,1 % du volume des recettes annuelles.

J’en viens à l’article 8. Les femmes, comme l’a rappelé Catherine Génisson dans son rapport, représentent plus de 80 % des salariés à temps partiel, étant entendu que les contrats à temps partiel sont majoritairement subis. Cet article revêt donc une importance toute particulière et, malgré l’absence de consensus sur certains points, l’introduction d’une durée minimale de vingt-quatre heures constitue une avancée essentielle. Aussi n’avons-nous que peu modifié cet article.

Afin de répondre aux besoins existants, le Gouvernement a introduit un droit dérogatoire au plancher des vingt-quatre heures pour les salariés en insertion économique. J’interrogerai tout à l'heure le ministre sur ce point, car nous avons été interpellés à ce sujet et il est peut-être nécessaire d’y voir un peu plus clair quant à l’utilisation du temps partiel.

Nous avons également revu l’article 13 afin de préciser l’articulation entre les procédures de sauvegarde des entreprises en difficulté et les nouvelles règles de validation et d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi. Concrètement et sauf exception, c’est le droit commun du licenciement collectif qui s’appliquera aux entreprises en procédure de sauvegarde.

Telles ont été, dans les grandes lignes, les apports du Sénat sur ce texte.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 23 avril dernier, a œuvré sur la base des deux textes, celui de l’Assemblée nationale et celui du Sénat, qui ne divergeaient pas sur le fond, bien sûr, mais qui présentaient tout de même un certain nombre de différences. Je note d’ailleurs que les conclusions de la CMP ont largement pris en compte le travail parlementaire et, singulièrement, celui du Sénat. Ainsi, sur les dix-huit articles qui restaient en débat, douze ont été adoptés sous la forme votée par notre assemblée

Les modifications apportées par la CMP portent sur l’article 1er et notamment sur ses alinéas 30 et 31.

Il est ainsi précisé que la couverture complémentaire garantie aux salariés doit être au moins aussi favorable, pour chacune des catégories de garanties, que la couverture existante, et que la part financée par l’employeur doit être au minimum de 50 %. Il est également précisé que les ayants droit n’ont pas l’obligation d’être affiliés à ladite couverture complémentaire collective d’entreprise.

L’article 4, relatif à l’information et à la consultation des institutions représentatives du personnel, a été rétabli dans sa rédaction initiale, augmentée des amendements déposés par notre rapporteur.

L’article 5 a été précisé par la CMP. La nouvelle rédaction limite ainsi les cas où un salarié employé par une filiale de l’entreprise sans être titulaire d’un contrat de travail français peut être désigné membre de son conseil d’administration.

Elle permet encore aux entreprises volontaires d’augmenter le temps de formation de leurs salariés nouvellement élus ou désignés administrateurs, en supprimant la limite prévue par le code du travail en la matière, notamment au travers du futur article L.225-30-1 du code de commerce.

Enfin, cette nouvelle rédaction impose à l’assemblée générale de se prononcer sur les modifications statutaires nécessaires à la désignation des administrateurs au plus tard en 2014 afin de permettre leur entrée en fonction effective dans le semestre suivant.

À l’article 12, qui traite des accords de maintien dans l’emploi, la CMP a réparé un oubli en introduisant la possibilité d’ajouter des indemnités contractuelles aux indemnités conventionnelles et légales.

Conditionner l’accès à une instance prud’homale – mais aussi aux recours en matière civile, commerciale, sociale ou rurale devant le juge judiciaire ou le juge administratif – au versement d’une contribution de 35 euros est contraire à l’esprit prud’homal, qui repose sur la gratuité. La suppression de cette contribution, telle qu’elle avait été proposée à la CMP par le rapporteur de l’Assemblée nationale, aurait été un signal fort envoyé au monde du travail et se serait inscrite dans la continuité de l’engagement pris par la garde des sceaux devant le Conseil national des barreaux au mois d’octobre dernier.

Certes, la décision de publier un rapport sur l’accès à cette justice, introduite à l’article 16 bis sur l’initiative de notre rapporteur, nous permettra de disposer d’une vision exhaustive de la situation. Il n’en demeure pas moins que cette suppression se serait inscrite dans la démarche visant à rechercher plus de justice, laquelle fonde ce texte et témoigne des intentions formulées par le Gouvernement.

Une question importante demeure, monsieur le ministre. Elle concerne, je l’ai dit tout à l'heure, l’interprétation de la fin du paragraphe VIII de l’article 8, qui introduit la possibilité de déroger, eu égard à l’activité économique de l’entreprise, à la garantie de durée minimale de travail du salarié à temps partiel.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions à ce sujet ? L’expression « activité économique » peut-elle faire référence au montant des ressources allouées par les autorités de contrôle et de tarification sanitaires, sociales et médico-sociales, telles que les agences régionales de santé, les conseils généraux ou encore les préfectures ?

Vous le savez, le secteur sanitaire, social et médico-social comprend de nombreuses fonctions spécialisées, souvent assurées à temps très partiel. Cela résulte d’une analyse et d’une programmation fines des besoins, souvent très spécifiques, des usagers. Les autorités de contrôle et de tarification sanitaires, sociales et médico-sociales disposent d’une forte emprise sur l’employeur privé, déterminant parfois avec une grande précision la quotité de temps alloué pour telle ou telle catégorie de personnel spécialisé, ainsi que les ressources afférentes. D’une certaine manière, le temps partiel est alors également subi par l’employeur, qui ne peut s’engager au-delà des effectifs convenus avec l’autorité de contrôle et de tarification, au risque de voir, par la suite, la dépense rejetée au compte administratif.

Lors du débat au Sénat, notre collègue Ronan Kerdraon s’était interrogé sur ce sujet. Il est important de rassurer ce secteur, en garantissant que la formulation « activité économique » recouvre bien la spécificité du temps partiel dans le secteur sanitaire, social et médico-social.

Monsieur le ministre, ces particularités mériteraient qu’un rapport d’évaluation du Gouvernement à destination du Parlement soit diligenté avant le début de la période transitoire, fixé au 1er janvier 2014. Nous pourrions ainsi apprécier l’impact des différentes mesures de la loi de sécurisation de l’emploi, notamment sur les heures complémentaires, dont le volume est important dans les secteurs tenus d’assurer des permanences ou de veiller à la continuité des soins d’accompagnement.

Mes chers collègues, les travaux menés par la commission mixte paritaire ont permis de clarifier, de préciser et de compléter les articles qui restaient en discussion à la suite de l’examen par les deux chambres.

Beaucoup de choses ont été dites cet après-midi sur le texte qui nous est soumis. Ce n’est pas le texte idéal, et personne ne le prétend tel.