compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaire :

M. Jacques Gillot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une mission commune d’information et à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation :

– des 27 membres de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, créée à l’initiative du groupe UMP, en application de son droit de tirage ;

– et des 21 membres de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre, créée à l’initiative du groupe CRC, en application de son droit de tirage.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

3

Démission de membres de commissions et candidatures

M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. Gaëtan Gorce comme membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, et de M. Yvon Collin comme membre de la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement.

J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois en remplacement de M. Gaëtan Gorce, démissionnaire, et que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement en remplacement de M. Yvon Collin, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

4

Renvoi pour avis multiple

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 495, 2012–2013), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, et à la commission des finances.

5

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 avril 2013, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 135–1 du code de l’action sociale et des familles (Dispositions pénales concernant la perception frauduleuse de prestations au titre de l’action sociale) (2013–328 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

6

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour un rappel au règlement.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’interviens pour un rappel au règlement sur le fondement de l’article 47 bis.

Nous nous apprêtons aujourd’hui à entendre une déclaration du Gouvernement relative à la présentation prochaine du programme de stabilité pour les années 2013 à 2017 à la Commission européenne.

Le Gouvernement peut soumettre cette déclaration, qui s’inscrit dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, à un vote, sans engager sa responsabilité politique devant le Parlement.

Or le vote qui a eu lieu à l’Assemblée nationale sur cette même déclaration est refusé au Sénat. Pourtant, celle-ci préfigure voire préempte considérablement les débats que nous aurons à l’automne prochain lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2014.

L’article 47 bis de notre règlement impose un scrutin public lors du vote de la première partie de la loi de finances et lors du vote solennel sur l’ensemble du texte.

En ne soumettant pas votre programme de stabilité à notre vote, messieurs les ministres, vous bafouez l’esprit de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, vous bafouez l’esprit de notre règlement et, surtout, vous bafouez les prérogatives du Sénat s’agissant du contrôle budgétaire le plus élémentaire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout à fait d’accord !

M. Vincent Delahaye. Cette attitude est symptomatique du manque de confiance du Gouvernement envers la représentation nationale.

À ce titre, je citerai les déclarations tenues ici même par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, le 4 juillet dernier : « Les travaux et les contributions du Sénat, qui, d’ailleurs, rejoignent très souvent les priorités du Gouvernement, doivent être pour notre action une source d’inspiration constante.

« Je m’engage ici, aujourd’hui, à associer les représentants du Parlement le plus en amont possible pour préparer les grandes décisions du Gouvernement. C’est à mon avis la bonne manière de procéder pour renforcer le rôle et les droits du Parlement. »

Messieurs les ministres, mes chers collègues, de deux choses l’une : soit le Gouvernement considère que la déclaration qu’il nous fait aujourd’hui ne concerne pas une décision importante et, dans ce cas, je comprends que celle-ci ne soit pas soumise au vote et que le Sénat n’y soit pas davantage associé ; soit il s’agit bel et bien, comme je le crois, d’un programme majeur et dès lors le Premier ministre ne respecte pas l’engagement qu’il avait pris ici même devant nous, ce que j’estime très grave.

La décision de ne pas prévoir de vote, qui témoigne d’abord de l’absence de confiance du Gouvernement envers la représentation nationale, dévalorise le Sénat. Cela pose ensuite le problème de la crédibilité de ce programme de stabilité, d’autant plus fiable, aux yeux de la Commission européenne, qu’il serait approuvé par l’ensemble du Parlement français. Sur le fond, contrairement à ce que laisse penser le titre de ce programme « Une conjoncture dégradée mais en voie d’amélioration », je ne perçois malheureusement aucun signe d’amélioration dans la situation économique et sociale que nous vivons, ce que je déplore fortement.

Ce programme ne respecte pas les avis du Haut Conseil des finances publiques que nous avons créé voilà quelques mois, et pour lequel le Gouvernement demande un budget de 780 000 euros. On ferait bien de supprimer rapidement cette instance ! Dans la mesure où son avis n’est pas respecté, nous ne nous en porterions pas plus mal et nous réaliserions des économies.

Enfin, on annonce des baisses de dépenses qui n’en sont pas, puisqu’il s’agit en réalité de non-augmentations de dépenses. C’est une véritable escroquerie intellectuelle !

Pour toutes ces raisons, je souhaite, messieurs les ministres, que votre déclaration sur ce programme de stabilité, qui est non pas un exercice de pure rhétorique budgétaire, mais un engagement formel envers nos partenaires européens et, surtout, nos concitoyens, soit soumise au vote du Sénat.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

7

Projet de programme de stabilité

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances et mise en œuvre par le Gouvernement de l’article 50-1 de la Constitution).

La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la priorité absolue de la majorité, c’est le recul durable du chômage. Toute notre politique économique vise à mettre en œuvre les conditions pour atteindre cet objectif : le rétablissement de la compétitivité de notre tissu productif, la soutenabilité de nos finances publiques, la mise en œuvre de réformes structurelles indispensables pour libérer les forces de notre économie et une politique européenne plus favorable à la croissance.

Le Gouvernement et la majorité doivent, ensemble, répondre à deux questions. Comment redresser nos comptes sans étouffer la croissance ? Quelles réformes mener pour susciter activement la reprise de l’activité ? L’objet du premier programme national de réforme et du premier programme de stabilité que nous présentons aujourd’hui est d’apporter à ces deux questions des réponses précises et ambitieuses. Avant de les évoquer, je vous prie d’emblée de m’excuser, car je ne pourrai rester pour participer au débat. Je dois en effet partir pour la Chine, où j’accompagne le Président de la République. Quoi qu’il en soit, Bernard Cazeneuve prendra le relais.

Ces programmes décrivent la stratégie économique du Gouvernement, ainsi que le scénario macroéconomique et la trajectoire des finances publiques qui les sous-tendent. Ils précisent aussi les réformes qui seront menées pour atteindre nos prévisions de croissance. Pour autant, ces textes, dont la portée symbolique et politique est extrêmement forte, ne sont pas des lois de finances et n’ont donc pas à être votés dans les mêmes formes. Nous leur avons cependant accordé le même soin, et ils doivent être abordés par la représentation nationale dans le même esprit de responsabilité, bien qu’ils ne suivent pas un processus identique à celui des lois de finances. N’oublions pas que ces documents seront ensuite transmis à la Commission européenne et qu’ils feront l’objet de commentaires de sa part et de nouvelles prévisions. Les recommandations qu’elle formulera seront adoptées lors d’un conseil Ecofin à la mi-juin et, enfin, par le Conseil européen des 27 et 28 juin prochain. Voilà ce que sont le programme de stabilité et le programme national de réforme.

Ces programmes s’inscrivent dans un contexte difficile, qu’il faut rappeler en préambule.

En premier lieu, je le dis avec douceur, nous avons un lourd héritage à assumer. Je ne me livre pas à cet exercice pour le plaisir de la rhétorique, ou par volonté de défausse ou de répétition : nous sommes aux responsabilités, et nous serons jugés sur nos résultats. Mais les faits sont têtus, et leurs conséquences sont lourdes. C’est cela que nous avons à faire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, mais vous aggravez les résultats !

M. Daniel Raoul. Qu’avez-vous fait, bon sang ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Madame des Esgaulx, l’héritage financier est terriblement pesant : 600 milliards d’euros de dettes supplémentaires, un ratio de dette rapporté à la richesse national augmenté – écoutez bien ! – de 20 points,…

M. Daniel Raoul. Amnésie !

M. Jackie Pierre. Et vous ?

M. Pierre Moscovici, ministre. … un déficit structurel dégradé de 1,8 point de PIB en cinq ans, alors que tous les autres pays de la zone euro ont fait des efforts d’ajustement structurel, et un déficit nominal qui aurait atteint 5,5 % du PIB si le Gouvernement, avec la majorité, n’y avait pas mis bon ordre, pour le ramener à 4,8 % en 2012. (M. Claude Domeizel s’exclame.) Les faiblesses structurelles sont également lourdes : une croissance nulle en moyenne de 2007 à 2011, un chômage qui a touché un million de personnes supplémentaires sous le quinquennat précédent, 750 000 emplois perdus dans l’industrie en dix ans,…

M. Pierre Moscovici, ministre. ... une compétitivité qui s’est lourdement affaiblie en dix ans, et que révèle un déficit commercial encore supérieur à 65 milliards d’euros en 2012.

J’ai été membre d’un gouvernement entre 1997 et 2002, et je me souviens qu’en 2002 la France était en excédent commercial de 3 milliards d’euros. À l’époque, on parlait de l’Allemagne comme l’homme malade de l’Europe. Regardez ce qui s’est passé !

Je ne reviens pas davantage sur un tel héritage, si ce n’est pour souligner que, face à une situation aussi dégradée, nous devons nécessairement mener nos efforts de redressement sur le long terme.

En second lieu, nous sommes confrontés – je ne m’y attarderai pas – à une crise sans précédent dans la zone euro. J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous, si nous avons apporté des réponses fortes à la crise de la zone euro, qui n’est plus menacée dans son existence, puisque la stabilité est revenue, la crise dans la zone euro demeure, c’est-à-dire une crise de croissance. Nous devons l’affronter, au moment même où la zone, selon les prévisions de la Commission européenne, pourrait connaître une deuxième année consécutive de récession, alors que le chômage touche 19 millions de personnes. Ainsi, le président de la Commission européenne, M. Barroso, a été amené hier à dire qu’il fallait revisiter les politiques économiques européennes.

Dans ce contexte, je souhaite tout d’abord rappeler le sens de notre action, qui est de réformer au bon rythme pour réussir le redressement économique du pays.

Il y a actuellement en France, ne feignons pas de l’ignorer, un débat sur le rythme du redressement des comptes publics au regard de la nécessité de soutenir la croissance.

Peut-on redresser l’économie sans redresser les finances publiques ? Depuis près d’un an, j’ai déjà longuement exposé devant cet hémicycle, et ce à de multiples reprises, les raisons pour lesquelles le Président de la République a fait du sérieux budgétaire l’un des axes de sa politique économique. Il ne faut pas opposer remise en ordre des comptes et croissance. Personne ne peut dire ou penser que l’endettement serait une bonne chose pour l’économie ! Une économie qui s’endette, c’est une économie qui s’affaiblit, qui s’appauvrit, qui perd de sa souveraineté, qui perd de sa liberté, surtout lorsqu’elle commence à s’endetter à des taux de plus en plus chers. Nous avons la chance de bénéficier de taux historiquement bas. Il faut faire en sorte que cette situation perdure.

La question n’est plus de savoir si les finances publiques doivent être redressées. La question est bien de concilier redressement des finances publiques et croissance, pas en étant dogmatique ou rigide, mais en passant à un pilotage dit « en termes structurels », en mettant l’accent sur les dépenses publiques, en engageant nos finances sur la voie d’un assainissement en profondeur, durable, mais aussi en laissant jouer les stabilisateurs automatiques quand la situation économique l’exige, et à l’évidence, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois qu’elle l’exige aujourd’hui. C’est ainsi que nous pourrons préserver les conditions de la croissance.

Cette question du rythme du redressement, le Gouvernement la porte avec force depuis l’élection de François Hollande, dans tous les forums de coopération économique internationaux. À l’échelle européenne notamment, nous avons obtenu un pacte de croissance, qui désormais se met en œuvre. Je mets aussi en avant une telle problématique dans le cadre de nos relations bilatérales, en particulier avec nos partenaires allemands, et multilatérales.

Je participais la semaine dernière à Washington aux réunions de printemps du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et du G20. J’ai noté là une convergence très forte autour d’un même message : davantage doit être fait pour la croissance et l’emploi, tout en poursuivant les efforts pour améliorer la souveraineté et la soutenabilité budgétaires.

Clairement, le climat change. Les priorités de l’économie mondiale se tournent désormais davantage vers la croissance. Évidemment, le sérieux dans la gestion des finances publiques ne peut pas et ne doit pas être abandonné, les réformes de structure sont indispensables, mais l’austérité n’est pas la solution. Le chemin que nous empruntons et que nous voulons proposer à l’Europe est le bon.

J’en viens maintenant à nos programmes et d’abord à nos prévisions de croissance.

Celles-ci sont identiques, pour 2013 et 2014, à celles de la Commission européenne, prudence, réalisme, crédibilité : 0,1 % en 2013, 1,2 % en 2014. Entre 2015 et 2017, nous pensons que l’économie française repartira sur un rythme de croissance de 2 % par an. Nous ne ferions que rattraper, partiellement, le retard qui a été accumulé dans les années passées au regard de notre croissance potentielle.

Le Haut Conseil des finances publiques, nouvelle instance créée sur l’initiative du Gouvernement pour éclairer le débat parlementaire,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le Haut Conseil ne sert plus à rien !

M. Pierre Moscovici, ministre. … symbole de transparence et de rénovation en profondeur de la gouvernance des finances publiques, a rendu la semaine dernière son avis sur ces prévisions.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça ne sert à rien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Le Haut Conseil estime ainsi que le scénario macroéconomique du Gouvernement est entouré « d’un certain nombre d’aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions ». (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Nous reconnaissons l’existence de facteurs qui jouent à la baisse comme à la hausse – le Haut Conseil les mentionne –, mais Bernard Cazeneuve et moi-même avons souhaité confirmer devant la commission des finances du Sénat, mercredi dernier, les prévisions de croissance du programme de stabilité. J'ai la conviction qu'en faire moins, d'une part, nous précipiterait dans un ajustement injustifié, d’autre part, serait le signe d'un pessimisme, d'une défiance à l'égard de notre économie que rien, mesdames, messieurs les sénateurs, ne justifie.

Les prévisions que je vous présente reposent sur deux convictions.

Ma première conviction, c’est que l’Europe va progressivement redémarrer. Pour la plupart des pays, le plus gros des efforts est désormais passé, les décisions du pacte de croissance vont produire leurs effets. Les pays sous tension pourront bénéficier de meilleures conditions de financement grâce à la mise en œuvre résolue de l’union bancaire, pour laquelle la France se bat. Je pense là à l'union bancaire entière, globale, et non pas uniquement à la supervision intégrée.

Ma seconde conviction, c’est que les réformes que nous menons en France dans le cadre du programme national de réforme portent leurs fruits. Celui-ci s’articule autour de trois grands axes.

Premier axe, en matière de compétitivité, ce gouvernement a pris plus de décisions positives pour la compétitivité en onze mois que tous ses prédécesseurs en dix ans. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx est dubitative.) L’année 2013 sera consacrée à la mise en œuvre et à l’approfondissement des mesures prises.

Nous avons d’abord réorienté notre système fiscal pour encourager la compétitivité et l’innovation. C’est notamment le sens des 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui permettra de relever l’activité de 0,5 point de PIB et de créer 300 000 emplois d’ici à 2017. À cet égard, lundi se tiendront autour du Président de la République les Assises de l'entrepreneuriat.

Nous avons également remis le secteur financier au service de l’investissement, de l’économie réelle, des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Nous l’avons fait par exemple avec la création de la Banque publique d’investissement, création approuvée par votre assemblée, avec la loi bancaire, approuvée sans opposition par votre assemblée,…

M. Jean-Claude Lenoir. Et commentée par Mme Royal !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah oui ! La vice-présidente de la BPI !

M. Pierre Moscovici, ministre. … avec le plan trésorerie, ou encore avec le soutien au financement de l’investissement des collectivités locales.

Cette réforme se poursuivra, notamment par la réforme de la fiscalité de l’épargne, sur la base des conclusions des travaux remis par les députés Karine Berger et Dominique Lefebvre.

C’est également pour soutenir notre compétitivité que nous mènerons en 2013 des réformes de structure majeures dans le secteur des services, de l’énergie, du logement, avec un objectif : faire baisser les prix et donc réduire les coûts des entreprises.

Par ailleurs, Benoît Hamon et moi-même présenterons, au début du mois de mai, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et contribuera à lutter contre les rentes injustifiées.

Une réforme du secteur ferroviaire sera également présentée au cours du premier semestre de cette année.

Deuxième axe, le Gouvernement s’attache également à préparer l’avenir en encourageant la structuration de l’économie autour de filières industrielles et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d’investissements ciblés.

Le Gouvernement organisera au premier semestre une consultation pour retenir les initiatives industrielles prioritaires pour le quinquennat. Ces filières prioritaires seront soutenues par un fonds multisectoriel doté de 590 millions d’euros, qui sera mis en place au sein de la BPI.

En parallèle, nous mènerons une politique d’investissements de long terme dans les secteurs clés du logement, de la rénovation thermique et du numérique. S’agissant de ce dernier point, les mesures ont déjà été prises.

Troisième axe, en matière de lutte contre le chômage et la précarité, nous travaillerons tout au long de l’année 2013 au plein déploiement des mesures déjà adoptées – approuvées, pour beaucoup d’entre elles, par votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs – et nous amplifierons les effets de nos politiques par une grande réforme de la formation professionnelle.

La création de 150 000 emplois d’avenir d’ici à la fin de 2014 permettra de réduire le chômage des jeunes. La réforme du marché du travail jouera également à plein. À cet égard, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier a été identifié à l’étranger – je ne sais pas si c’est ainsi perçu en France, c'est pourtant la vérité – comme un signe majeur de la volonté du Gouvernement et des partenaires sociaux de permettre à la France de se réformer. Il facilitera l’adaptation des entreprises aux chocs structurels tout en accordant de nouveaux droits aux salariés : c’est la clef de voûte de la lutte contre le chômage qui nous mobilise tous.

Ce volet sera complété au second semestre par la renégociation de la convention d’assurance chômage et, surtout, par une réforme d’ampleur de la formation professionnelle.

Ces réformes permettent d’envisager un redressement des comptes publics dont le rythme et les modalités sont retracés dans le programme de stabilité qui a été largement approuvé par l’Assemblée nationale hier.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour notre part, nous n’aurons pas l’occasion de nous prononcer !

M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui ! Pourquoi donc ne nous prononçons-nous pas ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Parce que le Gouvernement ne dispose pas d’une majorité, ici !

M. Pierre Moscovici, ministre. La stratégie de remise en ordre des comptes qu’il expose participe du redressement économique auquel nous travaillons. Redressement des comptes publics et redressement productif sont en effet les deux faces d’une même médaille.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est pour cette raison qu’il aurait été bon que le Sénat se prononçât par un vote !

M. Pierre Moscovici, ministre. Le Sénat a pour mission de construire, monsieur le président de la commission, vous le savez bien. Le désendettement est un facteur de compétitivité et j'aimerais que telle soit toujours votre préoccupation !

Cette stratégie est dictée par un impératif : trouver le juste équilibre, le bon rythme pour la remise en ordre de nos comptes.

Quels sont les trois temps distincts que nous envisageons ?

Le premier temps couvre 2013 : nous ajusterons le rythme d’assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance.

Le deuxième temps s’ouvrira en 2014 : nous approfondirons notre effort structurel pour nous donner les moyens d’atteindre notre objectif de déficit. Ce sera une année de tournant, de basculement dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses, vers de moindres dépenses.

À partir de 2015, enfin, nous commencerons à réduire la part de l’endettement dans le PIB et nous progresserons vers l’équilibre structurel grâce à la montée en puissance de nos économies.

Comme l’a dit le Président François Hollande, notre politique économique n’est pas une politique d’austérité, c’est une politique sérieuse et juste. Pour 2013, donc, nous éviterons, consciemment et volontairement, d’ajouter l’austérité à la récession, et le déficit public nominal s’établira à 3,7 %, chiffre prévu par la Commission européenne.

Bernard Cazeneuve et moi-même refusons un nouveau plan d'ajustement budgétaire. L'effort a déjà été considérable et nous ne présenterons pas de collectif budgétaire à cet effet. Pourquoi ? Parce que l'effort structurel de 1,9 point de PIB, effort sans précédent, ne peut pas être aggravé sans risque de récession, dans laquelle nous ne voulons pas précipiter l'économie française. Nous voulons laisser jouer les stabilisateurs automatiques et faire en sorte, en effet, que les moteurs de la croissance soient soutenus. Nous refusons les conséquences dramatiques pour l'emploi et pour les entreprises qui résulteraient d'un plan d'austérité.

Il s'agit donc d'une politique équilibrée, qui garde le cap du sérieux budgétaire, qui préserve les capacités de l'appareil économique à croître. Nous tiendrons ce cap avec détermination, je puis vous l'assurer, mesdames, messieurs les sénateurs.

C’est en 2014, dans un second temps, que nous nous donnerons les moyens d’atteindre un déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel, moins important, de 1 point de PIB qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser la croissance. Cet effort structurel reposera à 70 % sur des économies et à 30 % sur des recettes.

L’année 2014 sera, à bien des égards, une année charnière, grâce notamment à la montée en puissance de la modernisation de l’action publique, condition sine qua non pour faire en sorte que les économies ne se fassent pas au prix d’un effet de toise aveugle, comme ce fut le cas dans le passé avec la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Des mots, des mots, des mots…

M. Jean-Claude Lenoir. Comment ça s’appelle aujourd’hui ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous avez changé la façade !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce n'était pas la bonne façon de procéder (Exclamations sur les travées de l'UMP.), car, pour moderniser, il faut toujours associer les usagers et faire en sorte également que les agents se sentent engagés. Nous procéderons à l'évaluation de la totalité des politiques publiques pour permettre des économies intelligentes afin que puissent être préservées des priorités sociales, éducatives, économiques dont les Français ont besoin, même si cela vous gêne, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition.