M. David Assouline. Je rappelle ce chiffre, parce que j'en ai entendu d'autres au sujet du nombre de pétitionnaires, du nombre de manifestants, lesquels ont tout à fait raison d'utiliser tous les moyens qu’offre la démocratie – du moment que ces moyens demeurent pacifiques – pour faire entendre leur point de vue et pour essayer de convaincre.

Je rappelle ce chiffre, qui est celui du suffrage universel, par lequel se manifeste la volonté du peuple et sur lequel se fonde notre démocratie.

Depuis lors, nous n'avons pas été convaincus par vos arguments. En dépit des milliers d'heures de télévision et de radio, en dépit des milliers de pages publiées par la presse écrite, en dépit des cent heures de débat en séance plénière à l’Assemblée nationale, des dix heures de discussions, ici, en commission et des quarante heures d'auditions, j'entends encore certains dire que nous voudrions étouffer le débat.

Non, nous n'avons pas été convaincus, car rien ne justifie l'inégalité entre homosexuels et hétérosexuels, rien ne justifie de renoncer à instaurer le même droit au mariage civil ainsi que les mêmes protections pour les homosexuels et les enfants qu’ils élèvent et dont ils ont la charge.

M. Leleux, tout à l'heure, nous invitait à peser nos mots, à faire attention aux termes que nous employons. Je veux lui dire que, depuis quelque temps, les limites sont dépassées.

Devant le Sénat de la République laïque, a eu lieu ce soir une manifestation, ou plus exactement une prière de rue. L'Agence France-Presse relate les propos tenus par un homme portant une grande croix : « La France mérite châtiment si elle autorise le mariage des sodomites. » Voilà ce que disaient les opposants au texte devant le Sénat !

Certes, nos débats sont feutrés, mais ces propos sont une réalité. Alors, oui, il faut faire attention aux mots, monsieur Leleux !

L’hebdomadaire Valeurs Actuelles, quant à lui, rapporte les propos de l'ancien Président de la République : « Quand on pense que le sujet du moment, c’est la traçabilité du bifteck ! Tout le monde veut savoir s’il y a du cheval dans ce qu’on mange. Mais la traçabilité des enfants, qu’est-ce qu’on en fait ? C’est tout de même plus important. Avec leur “mariage pour tous”, la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, bientôt, ils vont se mettre à quatre pour avoir un enfant. Et le petit, plus tard, quand il demandera qui sont ses parents ? On lui répondra : “Désolé, il n’y a pas de traçabilité”. »

Vous me permettrez également de citer les propos tenus en séance publique par un député UMP : comparant un homosexuel à un terroriste, il déclare que ce dernier « n’a jamais rencontré l’autorité paternelle, il n’a jamais eu à se confronter avec des limites et avec un cadre parental, il n’a jamais eu la possibilité de savoir ce qui est faisable ou non faisable, ce qui est bien ou mal ». Je vous épargnerai son nom.

Écoutez également ces propos tenus au sein d’une organisation qui appelle chaque fois à manifester contre le mariage pour tous, l’Union des organisations islamiques de France, l’UOIF, vous savez, celle qui invite des prédicateurs salafistes radicaux à ses réunions : « Qui pourra délégitimer la zoophilie, la polyandrie au nom du sacro-saint amour ? Ne sommes-nous pas en train de suivre une voie où le principe d'égalité ne serait plus défini par des limites et des normes communes, mais par des perceptions personnelles aussi égoïstes et affectives puissent-elles l’être ? »

Et Mme Barjot, sympathique animatrice de ces manifestations,…

M. Jean-Michel Baylet. Non, elle n’est pas sympathique du tout !

M. David Assouline. … a répondu à une invitation de cette organisation en se rendant le week-end dernier à son congrès pour leur dire qu’elle et eux partageaient le même combat… Alors, oui, attention aux mots !

Je conclurai mon propos…

M. Philippe Bas. Concluez !

M. David Assouline. … en vous racontant une petite anecdote qui a son importance dans la vie d'un engagement.

À la suite de la dernière manifestation, j’ai participé à un débat avec M. Mariton. De retour chez moi, j'ouvre ma page Facebook et lis le post d'un militant opposé au mariage homosexuel – bien identifié, qu'il le sache ! – : « Crève ! »

Le lendemain, à mon bureau, je reçois un petit message qui dénote une autre conception de la vie et de la société : « Monsieur le sénateur David Assouline, c’est en tant que chrétienne profondément attachée à la laïcité et au mariage civil que je me permets de vous envoyer ce message. Je suis pour le mariage pour tous et, entre autres raisons, pour protéger les enfants de l'amour partagé au sein d'un couple de même sexe, les enfants nés homosexuels au sein d'un couple hétérosexuel homophobe. Le taux de suicide des adolescents issus de ces familles est dramatiquement élevé. Merci de votre soutien à cette loi pour le mariage pour tous, tenez bon. Une citoyenne en âge d’être grand-mère. » (M. Alain Gournac rit.)

À cette dame, je réponds que nous ne lâcherons pas, parce que ces valeurs-là, cette générosité-là nous donnent une énergie énorme pour continuer à progresser dans la voie de l'égalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Des questions importantes qui méritent réflexion ont été soulevées sur toutes les travées de cet hémicycle. Je ne m’attarderai pas sur certains propos assez caricaturaux qui ont été tenus : ils ne contribuent en rien à faire progresser l'ensemble de la société.

Je voudrais tout d'abord saluer les propos de Mme Jouanno, non pas tant parce qu'elle n'appartient pas à la majorité présidentielle, que parce qu’elle a insisté sur deux points qui me paraissent importants.

C'est vrai, l'État n'a pas à définir ou à juger les contours de la famille. Son rôle n’est pas de dire s’il est mieux d'appartenir à une famille traditionnelle, à une famille recomposée, à une famille monoparentale ou à une famille homoparentale.

En revanche, à partir du moment où certains de nos concitoyens ont fait des choix différents, l'État, parce que c'est l'honneur de notre démocratie et de notre République, doit - c’est une exigence ! – leur assurer les mêmes droits et leur imposer les mêmes devoirs.

Mme Jouanno a formulé une seconde remarque, très importante : l'homosexualité n'est pas un choix, on ne choisit pas d'être hétérosexuel ou d'être homosexuel. Peu l’ont dit, tant à l’Assemblée nationale qu’ici, au Sénat.

Lorsque j'entends l’expression « préférence sexuelle », je m’interroge : aurait-on l’idée de l’employer à l’égard d’hétérosexuels ? Pourquoi parle-t-on de « préférence sexuelle » pour les homosexuels ?

Après avoir entendu certains propos, j'ai l'impression qu’on tolère aujourd'hui les homosexuels – à cet égard, depuis l’adoption du PACS, la situation a progressé –, mais cela ne suffit pas : il faut les reconnaître comme des citoyens à part entière. Si on les reconnaît comme tels, alors ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.

La question n'est pas de reconnaître spécifiquement aux homosexuels le droit de se marier, mais, à partir du moment où l'on considère qu'ils sont des citoyens à part entière, alors ils doivent pouvoir faire les mêmes choix que les hétérosexuels : opter soit pour le concubinage, soit pour le PACS, soit pour le mariage. Aujourd'hui, les homosexuels peuvent choisir le concubinage ou le PACS, mais ils ne peuvent se marier. Et ce n'est pas une ode au mariage que nous faisons, car telle n'est pas notre vocation.

Des questions ont été posées – elles le seront très certainement de nouveau dans les prochains jours – sur le droit de l'enfant, le droit à l'enfant.

Jamais une notion qui, peut-être, pourrait mettre tout le monde d'accord n’a été évoquée : le désir d'enfant. Celui-ci n'a rien à voir avec la sexualité des parents. J'ai bien entendu la définition qui a été donnée de l'adoption, en particulier de l'adoption internationale : c’est non pas la satisfaction d’un droit à l’enfant des parents adoptifs, mais la possibilité d’offrir une famille à un enfant qui n'en a pas.

Très bien, mais, au fond, croyez-vous véritablement que les couples hétérosexuels qui, en raison de la stérilité de l’un des deux conjoints, ne peuvent pas avoir un enfant s’inscrivent uniquement dans une démarche visant à offrir une famille à un enfant qui n'en a pas ? Pourquoi ne pas reconnaître que le désir d'enfant existe dans les couples hétérosexuels et que, à ce titre, il est tout à fait aussi légitime que le même désir puisse se faire jour dans les couples homosexuels ?

J’entends dire qu’il faut un papa et une maman. Nous pouvons être d'accord sur un point : un enfant sera toujours le produit d'un homme et d'une femme. (Tout de même ! sur les travées de l’UMP.)

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, Vous pourriez admettre que, pas plus que les homosexuels, nous ne sommes suffisamment sots pour raconter qu'un enfant quel qu'il soit puisse naître de deux personnes du même sexe ! (M. Charles Revet s’exclame.)

Je dis cela pour tenter de répondre à cette question : le fait biologique suffit-il à faire d'un homme un père et d'une femme une mère ?

M. Charles Revet. Ca y contribue !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Soit vous considérez que l'instinct maternel et l'instinct paternel sont d'emblée acquis, soit vous estimez qu’une femme qui accouche ne devient pas brusquement mère et qu’un père qui reçoit ce nouveau-né ne devient pas subitement père, même dans les couples hétérosexuels.

Vous qui êtes tant attachés à l'intérêt supérieur des enfants, interrogez-en et vous verrez le regard qu’ils portent sur leurs parents. Quelquefois, justement, dans les couples hétérosexuels, ils auraient aimé avoir un père qui soit non pas simplement un géniteur, mais un père, et une mère qui soit non pas simplement une génitrice, mais une mère.

Vous le voyez, cette question dépasse la sexualité des parents. Fondamentalement, vous avez raison de le souligner, il importe de savoir s’il ne faut pas reconnaître à l'enfant le droit de connaître son histoire originelle. La future loi sur la famille sera l’occasion d’en débattre. Mais, là encore, cette question a-t-elle un rapport avec la sexualité des parents ? Pendant des années, on n’a jamais dit la vérité aux enfants qui avaient été adoptés par des couples hétérosexuels. Par la suite, la psychologie et la psychanalyse ayant évolué, on a jugé qu’il fallait leur dire très tôt cette vérité.

Aujourd'hui, adopte-t-on le même comportement vis-à-vis des enfants nés de procréation médicalement assistée ? Cela dépend des parents, cela dépend des familles dans lesquelles ils se trouvent. De fait, la question est bien de savoir s’il est envisageable d’accorder à l’enfant le droit de connaître son histoire originelle, mais, je le répète, cela n'a rien à voir avec le fait d'avoir des parents hétérosexuels ou des parents homosexuels.

L’union civile que vous souhaitez ressemble fort à un sous-mariage, avec une sous-adoption. Or – je serai très claire – parler de sous-mariage et de sous-adoption, c’est considérer une partie de nos citoyens comme des sous-citoyens, ce qu’ils ne sont nullement !

Mme Catherine Troendle. Nous n’avons jamais dit cela !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Gournac, vous avez touché mon cœur d’historienne en faisant référence à Georges Duby, que vous avez associé dans un même élan à Maurice Godelier.

Toutefois, quand on fait appel aux historiens, aux sociologues, aux anthropologues ou aux écrivains, il faut les citer de façon juste et intégrale. Monsieur le sénateur, lorsque l’on a demandé à Maurice Godelier ce qu’il pensait de la notion d’« aberration anthropologique » mise en avant par les opposants au projet de loi sur le mariage aux couples de personnes de même sexe, sa réponse fut la suivante :

« Cela n’a aucun sens. Dans l’évolution des systèmes de parenté, il existe des transformations, mais pas des aberrations. Certes, on ne trouve pas dans l’histoire d’union homosexuelle et homoparentale institutionnalisée. »

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Attendez la suite, madame la sénatrice. « On comprend pourquoi, poursuivait-il : pendant des millénaires, la société a valorisé l’hétérosexualité pour se reproduire, mais souvent l’homosexualité au sein des sociétés a été reconnue dans la formation de l’individu, en Grèce antique, par exemple. J’ai vécu sept dans une tribu de Nouvelle-Guinée, les Baruyas, où pour être homme il fallait être initié et les initiés vivaient en couple homosexuel jusqu’à vingt ans. L’homosexualité avait un sens politique et religieux. L’humanité n’a cessé d’inventer de nouvelles formes de mariage et de descendance ».

Ce ne sont pas tout à fait les propos que vous avez cités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On aurait pu parler de Platon ou d’Aristote.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je tiens tout d’abord à remercier tous les orateurs de la qualité de leurs interventions. Qu’ils me pardonnent, à cette heure tardive, de ne pas prolonger le débat, donc de ne pas leur répondre individuellement. En fait, j’adhère à nombre des arguments, étayés d’exemples, qu’ils ont présentés à la tribune, avec brio, avec une force réelle et une conviction affleurante.

Les sénateurs, je le sais, sont des personnes raisonnables. Ils savent qu’il ne faut pas folâtrer trop tard au Sénat si l’on veut être en forme le lendemain matin. (Sourires.)

M. Philippe Bas. Nous n’avons pas l’impression de folâtrer, madame la garde des sceaux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Qui plus est en pleine lumière et en public ! (Nouveaux sourires.) Mais j’espère ne pas vous avoir blessé, mesdames, messieurs les sénateurs, avec cette observation qui se voulait plus amicale qu’ironique. Si tel est le cas, je la retire bien volontiers.

M. Bruno Retailleau. Ce n’était pas blessant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Jouanno, je tiens à saluer votre courage, votre constance et la clarté de vos propos. Toutefois, vous ne pouvez imputer au Gouvernement la responsabilité du comportement des manifestants.

Que les convictions de certains de nos concitoyens soient heurtées par l’ouverture du mariage civil aux couples homosexuels, cela peut se comprendre. Voilà plusieurs mois que nous le disons : nous savons que, de par leur représentation et leur vision du mariage, certaines personnes ont des difficultés à concevoir que nous puissions ouvrir le mariage civil, avec ce qu’il implique en termes de droits et de libertés, aux couples homosexuels.

Pour autant, le Gouvernement ne peut pas porter la responsabilité d’une opération qui devient manifestement toujours plus politique et qui est prise en charge, de plus en plus, par la parole politique, je devrais même dire partisane.

M. François Rebsamen. Oui, religieuse !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En fait, cette opération est instrumentalisée – c’est incontestable – et sous-tendue par des objectifs qui vont bien au-delà de la contestation du présent projet de loi. Le Gouvernement n’a pas sa part de responsabilité dans ce qui est en train de se passer. Que ceux qui en sont responsables l’assument pleinement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Nous vivons dans une société qui aime le débat, la controverse, et qui accepte la dispute. Sur un sujet d’une telle importance, nous concevons qu’il y ait débat, désaccords et controverses. Néanmoins, ce qui se passe ne nous concerne pas. Nous n’y avons aucune part. Vous le savez mieux que personne, madame Jouanno. Vous n’y avez d'ailleurs vous-même aucune part, même si vous en êtes considérée également comme partiellement responsable, certains ayant même osé s’attaquer à vous, de façon tout à fait publique et aux yeux de tous.

M. François Rebsamen. C’est scandaleux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous n’avons absolument rien de commun avec des gens aussi manifestement intolérants.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je le répète, je ne veux pas prolonger notre débat au-delà du raisonnable. Monsieur Gélard, je présume que les arguments que vous avez développés à la tribune constitueront le corps même de l’exception d’irrecevabilité que vous défendrez. Je prendrai alors le temps de répondre à tous vos arguments. Vous aurez toutefois compris que le Gouvernement ne retient pas l’offre d’union civile qui a d'ailleurs déjà été présentée à l’Assemblée nationale.

Non merci, monsieur Zocchetto, nous ne voulons pas de l’union civile ! Nous voulons le mariage, tout à la fois contrat et institution, qui entraîne des effets d’ordre public. Ce que nous faisons va bien au-delà de quelques intérêts matériels – je pense à la pension de réversion –, même si ceux-ci peuvent être significatifs, notamment pour le conjoint survivant.

Telle n’est pas notre préoccupation. Notre préoccupation, c’est d’instaurer le mariage pour tous. C’est une institution, avec toute son histoire, ses règles, ses conditions, ses obligations, ses sécurités, ses protections et y compris sa charge symbolique que nous voulons ouvrir aux couples homosexuels. C’est en toute lucidité que nous décidons que cette institution républicaine doit être ouverte aux couples de même sexe.

J’ai entendu un orateur affirmer que le mariage religieux était millénaire. Non ! Il a été instauré en 1215, par le concile de Latran.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Qu’il y ait encore une vision sacrée ou sacralisée du mariage, nous l’entendons. Et c’est bien dans ce sillage, à la limite d’une vision sacrée, sacralisée, que nous estimons que l’institution du mariage doit être ouverte aux couples homosexuels. Ces derniers ne sont pas composés de citoyens à part entière et nous ne leur proposerons pas une institution de seconde classe.

En outre, l’ouverture de l’institution du mariage en tant que telle aux couples homosexuels représente un enjeu considérable. En effet, parmi les moyens les plus sûrs, les plus efficaces et les plus durables de lutter contre l’homophobie – et je n’accuse personne ici d’homophobie, je parle d’une façon générale – figure l’accès des homosexuels à toutes les institutions, à tous les droits.

Par conséquent, il n’est pas question de leur proposer une institution à leur mesure. Il s’agit de leur ouvrir l’institution républicaine, avec tout ce qu’elle charrie, y compris éventuellement de sacré. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Yves Daudigny. C’est brillant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Revet, vous souhaitez savoir où nous allons. C’est très simple, dans la mesure où, ici, nous créons du droit, où nous faisons la loi, nous voulons aller là où le précise le texte de loi ! (Sourires sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

On peut toujours faire des extrapolations, des supputations, des hypothèses, mais lorsque le texte aura été voté, si vous en décidez ainsi, les citoyens iront jusqu’où le permet le texte. Il n’y a pas de mystère, ne vous inquiétez pas.

Monsieur Milon, je veux juste vous saluer ! (Sourires.) Vous affirmez que le titre du projet de loi est incomplet, puisqu’il mentionne seulement le mariage alors que le texte envisage aussi l’adoption.

Vous avez à la fois raison et tort : vous avez parfaitement raison, car le titre du projet de loi évoque effectivement le mariage, mais vous avez tort – je ne veux pas, après vous avoir salué, être désagréable par un mot déplaisant –, car dans notre droit, vous le savez bien, le mariage emporte l’adoption, aux termes de l’article 343 de notre code civil.

M. Charles Revet. Et au-delà, avec les conséquences !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, mais l’article 343 lui-même énonce le droit à l’adoption une fois le mariage prononcé. Voilà l’état de notre code civil.

Si l’on refusait toutes les conséquences de l’application de l’article 343 du code civil et que l’on dissociait le mariage et l’adoption plénière, il faudrait instituer un mariage spécifique pour les couples homosexuels. Toutefois, comme je viens de l’indiquer très clairement, cela n’entre aucunement dans les intentions du Gouvernement. Il n’est pas question de vous être désagréable, mais il convient d’accomplir un acte positif envers ces citoyens à part entière.

« Ces incertitudes doivent-elles nous empêcher d’avancer ? », avez-vous dit. J’ai trouvé cette phrase magnifique !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous devons avancer !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Toutefois, je m’arrête là sur ce sujet. De même, je répondrai à M. Mercier en sa présence.

Pour conclure, je souhaiterais formuler deux observations.

En écoutant certains propos, j’ai entendu des plaisanteries véritablement malvenues. Néanmoins, le débat étant globalement de haute tenue, je ne m’y appesantirai pas. Je pensais simplement, en entendant ces quelques railleries déplacées, à ce que disait René Char : « Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux. » Il y a des mots qui excluent ! C’est le cas lorsque l’on affirme que le mariage implique la filiation et la procréation, alors que cela ne correspond plus non seulement à ce que sont devenus le couple et la famille, mais aussi à la situation de millions de personnes qui se marient sans vouloir faire d’enfants ou après l’âge de la fécondité.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous le dis posément, cette façon d’exclure les personnes qui n’entrent pas dans le cadre que vous projetez est extrêmement violente. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Je vous demande simplement d’être vigilants sur ce point. Certaines choses sont profondément en nous, mais la puissance de l’individu majeur et responsable est de réfléchir et d’interroger, lui aussi, ses préjugés, ses clichés, sa propre pensée, afin de vérifier s’ils ne se sont pas arrêtés à un état de la société qui ne correspond plus à la réalité. Il faut toujours garder à l’esprit que des propos paraissant anodins concernent tout de même des personnes réelles.

Ainsi, vous parlez des droits à l’enfant et d’intérêt supérieur de l’enfant. Sachez que des dizaines de milliers d’enfants – voire des centaines de milliers, selon certains – sont concernés par ces paroles inutilement blessantes.

Je souhaiterais, pour terminer, vous remercier de nouveau de la qualité de ce débat, qui ne m’a pas déçue, y compris dans la confrontation et dans nos divergences clairement assumées, car je connais cette maison de longue date et je sais le travail de fond qui y est produit.

Nous aurons évidemment droit à quelques querelles, mais si tel n’était pas le cas, à quoi ressemblerait le débat parlementaire ? J’irai même jusqu’à dire que ces divergences, si je ne les sollicite pas, sont bienvenues.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie par avance de ces quelques jours que nous allons passer ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale (suite)

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 5 avril 2013, à dix heures, à quatorze heures trente et le soir :

1. Examen de la motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 482, 2012-2013).

2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;

Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012 2013) ;

Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;

Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).

La séance est levée.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 5 avril 2013, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART