M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, Lucie Aubrac disait que « le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent ». Nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la tradition ne consiste pas à conserver des cendres mais à entretenir la flamme ». Cette phrase de Jean Jaurès correspond bien à la matinée que nous venons de vivre. Je voudrais d'abord saluer les deux présidents de séance, qui ont élevé le niveau du débat : Jean-Pierre Bel, président du Sénat, et Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre. Ces deux personnages exerçant ou ayant exercé certaines des fonctions les plus hautes de notre République étaient parmi nous pour soutenir l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance. (Mme Frédérique Espagnac applaudit.)

Au nom de notre groupe, et même du Sénat, je tiens à remercier Jean-Jacques Mirassou. C’est un militant de longue date de la mémoire de la Résistance, à laquelle il est attaché par son département d’élection et son histoire familiale. Il était important, dans cette période où, parfois, les débats sont vifs, de nous arrêter un instant pour regarder notre histoire et songer à ce qu’elle aurait été sans l’engagement des femmes et des hommes qui ont résisté.

Alors que le dernier Poilu est mort et qu’il ne restera bientôt plus d’anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale – j’espère qu’aucune autre génération de combattants du feu ne leur succédera –, le devoir de mémoire doit perdurer et nous devons continuer à expliquer régulièrement notre histoire à notre jeunesse. C'est la raison pour laquelle je salue mon collègue et ami Jean Boyer, qui a déposé un amendement très important, car il visait à rappeler que, si aucune date n’est instituée pour que les enfants de la République, les jeunes, apprennent l’histoire de la Résistance et travaillent sur ce sujet, nous risquons – la France risque – d’oublier un jour cette période. Je remercie également Jean Boyer d’avoir retiré son amendement, dans la mesure où il était difficile de l’insérer dans cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, le travail que vous réalisez au nom du Gouvernement, en relation avec le ministre de l’éducation nationale, pour faire en sorte que cette flamme et ce devoir de mémoire perdurent, est un travail indispensable.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. Pour notre part, nous œuvrons également dans nos départements, notamment par le biais du concours national de la Résistance et de la déportation. De nombreux anciens combattants participent eux aussi à ce devoir de mémoire, à l’image de cette grande figure nationale qu’est Jean Monin, qui fut déporté à seize ans et qui, en dépit de la fatigue de l’âge, continue à faire chaque année le tour des établissements scolaires.

Monsieur Boyer, je vous remercie d’avoir insisté sur ces enjeux ce matin. Je suis convaincu que le Gouvernement étudiera les moyens de permettre à notre débat d’irriguer l’ensemble de la société. En effet, les enfants d’aujourd'hui, qui n’ont pas entendu leurs grands-parents, leurs parents ou leurs oncles et leurs tantes évoquer leurs souvenirs lors des repas de famille dominicaux, n’ont pas la même culture que nous.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Didier Guillaume. J’espère que l’Assemblée nationale se saisira rapidement de ce sujet, afin que le 27 mai, cette journée qui n’est ni fériée ni chômée, soit dès cette année une journée au cours de laquelle nous serons encore plus fiers, car les représentants de la Nation que sont les députés et les sénateurs l’auront instauré comme journée nationale de la Résistance.

Notre pays est souvent – nous le voyons encore aujourd'hui – traversé par des déchirements, des divisions et des vents violents, mais la violence de ces vents n’égalera jamais la vigueur de la tempête de l’occupation. Malgré nos débats et nos fortes oppositions dans le cadre du débat républicain, n’oublions jamais que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise, et souvenons-nous de ce qu’ont connu nos aînés : l’occupation, le nazisme et la déportation. Celles et ceux – célèbres ou anonymes – qui ont résisté sont de vraies figures de notre histoire.

Il est de notre devoir de rappeler cette période et de nous rassembler autour des valeurs de la Résistance, car ce sont les valeurs de la République. Il est également de notre devoir de tracer des perspectives pour les générations futures, parce que notre histoire, celle de nos grands-parents, celle de nos parents, doit aussi être l’histoire de nos enfants. En faisant du 27 mai la journée nationale de la Résistance, nous ne revisitons pas le passé, nous écrivons l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – Mme Colette Mélot et M. Jean Boyer applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué tout à l'heure à la tribune, l’UMP, à l’unanimité moins une voix, votera cette proposition de loi, pour les raisons que j’ai alors longuement développées et sur lesquelles je ne reviendrai pas afin de ne pas prolonger le débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout à l'heure, en conclusion de mon intervention, j’ai dit que l’UDI-UC voterait cette proposition de loi des deux mains. Je peux maintenant dire que nous voterons des quatre mains (Rires.), au nom des trente-deux membres de notre groupe, puisque Christian Namy nous a rejoints. Nous avons parlé – ce n’est pas raisonnable – du sang français qui a coulé à Verdun et aux alentours. S’il y a bien un sénateur qui peut parler des horreurs de la guerre, c’est Christian Namy.

Je le répète, nous voterons cette proposition de loi avec conviction. Ce matin, nous avons vu quelque chose de beau. En dépit des différences qui nous séparent, nous devons nous rassembler sur l’essentiel. C’est ce que nous avons fait ce matin. C’est d'ailleurs dans cet esprit de rassemblement que j’ai retiré mon amendement, afin qu’aucune ombre n’obscurcisse notre unité. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève, car beaucoup de choses très fortes ont déjà été dites. Je me sens fière de présider la commission des affaires sociales, qui a effectué du bon travail grâce à son rapporteur et à ses collaborateurs. Ce travail a permis à notre assemblée de se réunir autour de valeurs fortes qui ont fait et font encore notre pays : la liberté, et notamment la liberté de pensée – chacun a d'ailleurs pu s’exprimer ce matin –, la fraternité – le sentiment d’une fraternité entre les peuples doit continuer à nous animer – et la solidarité envers les plus démunis.

Je m’associe évidemment à l’ensemble des interventions des différents orateurs. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos très forts et très sincères. Didier Guillaume a parlé du Vercors, dont une grande partie est dans la Drôme, mais dont une autre partie est en Isère… Si vous vous rendez le 21 juillet dans ce beau massif, je vous invite à aller jusqu’à Malleval-en-Vercors, village martyr de la Résistance, où vous pourrez vous recueillir devant le Gisant.

Je tiens enfin à associer Guy Fischer à cette matinée. Comme notre rapporteur l’a rappelé, Guy Fischer avait déposé, au nom du groupe CRC, une proposition de loi tendant à instituer le 27 mai journée nationale de la Résistance. Si notre collègue n’est pas présent physiquement, il l’est par la pensée. D’une certaine manière, il est entré en résistance (Applaudissements sur l’ensemble des travées.), et, comme dans toute résistance, l’issue du combat est incertaine.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cher Jean-Jacques Mirassou, je commencerai par remercier Jean-Pierre Raffarin de présider cette séance. J’ai également remercié Jean-Pierre Bel tout à l'heure. La présence du président du Sénat et d’un ancien Premier ministre honore ce débat.

Je vous remercie toutes et tous de m’avoir permis de m’exprimer et, surtout, de vous écouter. Je vous remercie de la richesse de vos propos. Vous avez rappelé l’Histoire avec des mots aujourd'hui galvaudés mais qui font sens quand vous les employez : courage, sacrifice, liberté, résistance, devoir. Je vous remercie d’avoir rappelé l’engagement de ces femmes et de ces hommes célèbres ou anonymes, qui témoignent de la diversité culturelle et géographique de la France : le Vercors, dans la Drôme et l’Isère, mais aussi l’Auvergne et cette terre courageuse des maquis d’Oyonnax où j’ai prévu de me rendre.

J’irai partout où je serai invité dans le cadre de ce cycle mémoriel, car je me nourris de ces déplacements, non seulement comme ministre mais aussi à titre personnel. Je vous remercie d’avoir rappelé les valeurs du Conseil national de la Résistance, ces valeurs de solidarité et de justice sociale qui fondent notre pays – un pays certainement particulier – et honorent la République. Je vous remercie d’avoir rappelé les mots de cette République : liberté, égalité, fraternité.

Je vous remercie enfin d’avoir annoncé que, dépassant les réalités partisanes et oubliant les éléments qui, parfois, vous séparent, vous voteriez cette proposition de loi de manière unanime. Vous redonnerez ainsi de l’énergie à ces femmes et à ces hommes encore vivants qui incarnent la Résistance. Vous nourrirez leur esprit et réchaufferez leur cœur. Ils vivront plus longtemps grâce à votre vote. Vous nourrirez également les jeunes générations, en leur transmettant cette mémoire partagée, cette mémoire apaisée, cet idéal républicain qui fait l’honneur de notre pays. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 122 :

Nombre de votants 348
Nombre de suffrages exprimés 348
Majorité absolue des suffrages exprimés 175
Pour l’adoption 346
Contre 2

Le Sénat a adopté. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)

Mes chers collègues, si c’est toujours un honneur pour moi de présider la séance, sachez qu’aujourd’hui il est particulièrement grand !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance
 

5

Nomination de membres à d’éventuelles commissions mixtes paritaires

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux et du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, il va être procédé à la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires.

Les listes des candidats ont été affichées ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, ces listes sont ratifiées et je proclame représentants du Sénat à ces éventuelles commissions mixtes paritaires :

Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Michel Delebarre, Philippe Kaltenbach, Mme Éliane Assassi, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Catherine Troendle, M. Michel Mercier ;

Suppléants : Mme Nicole Bonnefoy, M. Pierre-Yves Collombat, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Jean-René Lecerf, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz.

Ces nominations prendront effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.

6

Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, la commission des finances et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont proposé quatre candidatures pour le Conseil national du numérique.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Bruno Retailleau et Pierre Camani comme membres titulaires du Conseil national du numérique, ainsi que M. Yvon Collin et Mme Sophie Primas comme membres suppléants de cet organisme extraparlementaire.

Par ailleurs, je rappelle que la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a proposé une candidature pour le Conseil national de la mer et des littoraux.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Hélène Masson-Maret comme membre suppléant du Conseil national de la mer et des littoraux.

7

Communication d'un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ainsi que de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 prises pour son application et de l’article 10 de la loi n° 83–675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, la commission des affaires économiques a émis, à l’unanimité des présents – 16 voix pour, aucune voix contre, aucun bulletin blanc –, lors de sa réunion du 26 mars 2013, un vote favorable à la nomination de M. Jean-Yves Le Gall comme président du conseil d’administration du Centre national d’études spatiales, le CNES.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

8

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je demande avec insistance à chacune et à chacun de bien vouloir respecter cette règle.

logement

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Madame la ministre, je tiens à saluer les mesures qui ont été annoncées par le Président de la République jeudi dernier, dans le cadre du plan d’investissement pour le logement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Elles témoignent de l’entière mobilisation du chef de l’État, du Gouvernement et de vous-même. Je tiens à vous en féliciter.

Ce plan répond à une urgence sociale et à une urgence économique. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les professionnels du bâtiment, ainsi que les bailleurs sociaux et l’ensemble des acteurs concernés, l’ont accueilli favorablement.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Claude Bérit-Débat. La principale mesure de ce plan, c'est-à-dire la baisse de la TVA à 5 % pour la construction et la réhabilitation de logements sociaux, était particulièrement attendue. Elle s’inscrit dans le cadre du pacte conclu avec le monde HLM. C’est une nouveauté. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

Je rappelle d’ailleurs que la précédente majorité avait relevé le taux de TVA de 5,5 % à 7 %. La majorité actuelle le ramène à 5 %, ce qui devrait mécaniquement aboutir à la création de 22 500 logements sociaux supplémentaires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Vous étiez prêts à la passer à 10 % !

M. François Grosdidier. Avant, vous vouliez une TVA à 10 % !

M. Claude Bérit-Débat. Je tiens également à saluer les mesures qui sont prises en matière de rénovation énergétique, avec une dimension à la fois sociale et écologique. Elles permettront de rénover 500 000 logements par an, notamment grâce à l’octroi d’une prime de 1 350 euros par ménage.

Et je ne saurais passer sous silence la volonté de lutter contre les recours abusifs et contre l’inflation des normes, avec notamment un moratoire de deux ans. C’était demandé depuis longtemps par le Sénat, y compris par les collègues siégeant sur les travées situées en face de moi.

Au total, je considère donc que le plan répond aux attentes actuelles.

M. Alain Gournac. Bref, ils sont heureux…

M. François Grosdidier. Il faudrait pourtant faire plus !

M. Claude Bérit-Débat. D’abord, il pose des objectifs clairs et précis. Ensuite, il fixe, et c’est une autre nouveauté, un cap ambitieux au service des Français. Enfin, il mobilise tous les acteurs, privés et publics.

Toutefois, face à l’urgence sociale et à l’urgence économique, il nous faut aller vite.

M. Alain Gournac. La question !

M. Claude Bérit-Débat. Dès lors, madame la ministre, ma question (Ah ! sur les travées de l’UMP.) est la suivante : quels sont les effets attendus de ce plan en termes de construction de logements et de création d’emplois ? Et, puisqu’il faut aller vite, quels seront le contenu et le calendrier des ordonnances que le Gouvernement a annoncé vouloir prendre dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, le travail auquel vous faites référence constitue une deuxième étape.

En effet, nous avons déjà pris des premières mesures d’urgence, et ce très tôt, dès le début de la mandature. Je pense notamment à la mise en place d’un dispositif d’incitations fiscales, au vote d’une loi sur la cession du foncier public et au relèvement du seuil de logements sociaux obligatoires dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Cette deuxième étape correspond à un moment important. Nous nous appuyons donc sur le travail de nombreux parlementaires. C’est ainsi que j’ai pu hier présenter longuement les dispositions du plan devant la commission des affaires économiques ; je remercie d’ailleurs son président, M. Daniel Raoul, de m’y avoir invitée. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste applaudissent M. Daniel Raoul.)

Avec ce plan, nos objectifs sont doubles.

Premièrement, il s’agit de faire face à la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouvent les professionnels du secteur. Nous y répondons par une mobilisation en direction des entreprises ; je pense au système d’auto-liquidation de la TVA et des avances de trésorerie issues de la BPI.

Deuxièmement, et c’est l’élément-clé du passage à 5 % de la TVA dans le secteur du logement social, nous favorisons le lancement de nombreuses nouvelles opérations tant de réhabilitation que de construction, dans un secteur qui a les moyens de s’engager dans un tel travail.

Par conséquent, comme vous l’avez indiqué, le Premier ministre signera un pacte avec l’Union sociale pour l’habitat avant la fin du mois de mai, afin d’acter les engagements de l’USH, l’État ayant déjà, et on l’a vu, pris les siens.

Ce sont des responsabilités importantes. Les objectifs de construction fixés par le Président de la République sont élevés : 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Certes, la période est très difficile, mais de tels objectifs sont nécessaires, non seulement pour l’activité du secteur, mais surtout face à au manque criant de logements que nous constatons sur certains territoires.

Avec ce plan d’urgence, avec le travail structurel qui sera effectué à l’occasion de l’examen du texte législatif dont vous serez bientôt saisis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous abordons les deux sujets : nous déverrouillons immédiatement le secteur en levant un certain nombre d’obstacles et nous nous attaquons aux difficultés en profondeur.

En ce qui concerne la seconde partie de votre question, c’est-à-dire le calendrier précis, les normes, les recours malveillants – souvent évoqués et contre lesquels nous allons agir - et sur la transformation de locaux de bureaux en logements, je pense pouvoir vous donner rendez-vous avant la fin du mois de mai – je parle sous le contrôle de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement –, afin que des mesures effectives puissent être prises dès l’été une fois que vous aurez adopté la loi d’habilitation, si vous le souhaitez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

qualité du débat public

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, nous aurions pu vous interroger sur les chiffres du chômage et sur ce qui constitue, à nos yeux, une des solutions possibles : la transition énergétique, un choix que nos amis allemands ont fait. Mais c’est un autre sujet qui a retenu notre attention.

L’Histoire ne se répète pas, heureusement, simplement il faut être capable d’en tirer des enseignements.

L’analyse des propos tenus ces dix derniers jours dans la vie publique française témoigne d’un ton et d’une sémantique qui interrogent, ou qui devraient nous interroger collectivement.

À la « pipolisation », mise en place depuis des années et exacerbée par la communication en temps réel, s’ajoutent des « petites phrases » et « dérapages » d’un genre nouveau qui ne donnent pas de notre vie politique une image très encourageante.

Par ailleurs, et de surcroît, contrairement à l’usage républicain et au principe de séparation des pouvoirs, des jugements, parfois sévères, sont publiquement énoncés sur des procédures judiciaires en cours ou sur des décisions de justice rendues récemment.

Une personne mise en examen reste présumée innocente, quels que soient son nom et ses qualités actuelles ou passées.

On nous parle aussi d’un juge qui aurait reçu des menaces.

Ma question sera simple dans sa formulation, sans que puisse l’être la mise en œuvre de la réponse, qui dépend de nous tous et de nous toutes, mes chers collègues : comment faire en sorte que notre débat politique reste d’une certaine tenue, comme il le fut ce matin sur la question de la commémoration de la Résistance ? Comment faire en sorte que nos contradictions et nos affrontements, même vifs, restent républicains ?

Faute de quoi, si nous nous comportons – et je ne me dispense pas de cet exercice d’autocritique - comme de mauvais « amuseurs publics », nous connaîtrons un jour, à l’instar de ce qui se passe en Italie, des taux d’abstention record aux élections et l’entrée en politique de nouveaux amuseurs publics, qui ne feront que copier, sous couvert de les dénoncer, les dérives constatées ces dernières semaines.

Madame le garde des sceaux, je vous remercie de nous indiquer comment nous pourrons avoir ici, à partir du 4 avril, lors de l’examen du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, un débat où, même avec de vives divergences, le ton sera courtois et fera honneur à notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, dans votre question, il y a deux aspects de la parole publique.

D’un côté, vous évoquez les petites phrases et ce que vous appelez les « dérapages », qui, il est vrai, rétrécissent considérablement le débat politique et affaiblissent incontestablement la démocratie, ou, du moins, en ternissent le lustre.

De l’autre, vous faites référence à certains propos qui ont été tenus ces derniers jours s’agissant d’une décision judiciaire.

L’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui, vous le savez, fait partie de notre bloc de constitutionnalité, érige clairement la séparation des pouvoirs au rang de principe fondateur d’un État de droit.

Nous sommes dans un État de droit, et cela suppose de respecter quelques règles. La séparation des pouvoirs implique que la parole parlementaire ne puisse pas se porter inconsidérément sur l’institution judiciaire.

Nous réitérons le respect du Gouvernement à l’égard de l’institution judiciaire, qui est l’épine dorsale de notre démocratie. Les femmes et les hommes qui l’animent sont extrêmement dévoués et totalement conscients de la hauteur de la mission qui leur est confiée. Je pense aux magistrats instructeurs mais aussi à tous les juges du siège, aux procureurs, généraux ou non, aux greffiers et à l’ensemble des fonctionnaires qui font vivre l’œuvre de justice.

Nous avons exprimé la confiance du Gouvernement à l’ensemble des personnels judiciaires. Lundi, j’ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour connaître les conséquences possibles de tels propos et de l’ambiance qu’ils créent sur le fonctionnement de l’institution judiciaire.

Vous le savez, l’un de ces magistrats a reçu hier un courrier avec des munitions à blanc et des menaces. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. François Grosdidier. Les élus aussi en reçoivent !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà qui place l’œuvre de justice dans un climat délétère.

Nous avons rappelé que, si les magistrats décidaient d’agir en justice, ils pourraient évidemment bénéficier de la protection judiciaire prévue par l’ordonnance de 1958.

M. Alain Fouché. Il ne faut pas exagérer !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Emmanuel Lévinas écrivait : « L’élection est un surplus d’obligation pour lequel se profère le “je” de la conscience morale. » Pour ma part, je préférerais parler d’« éthique ». Mais c’est la même idée, celle du niveau d’exigence.

J’espère que, lors des prochains débats, et, d’une manière générale, lors de chaque débat, la parole publique sera une parole responsable, à la hauteur de cette conscience éthique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

eurogroupe et chypre