M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … ce qui représente un produit supplémentaire de près de 1 milliard d’euros.

C’est pourquoi il conviendra d’examiner de très près l’effet de l’évolution plutôt dynamique de cette contribution sur les entreprises.

Au demeurant, je veux insister sur l’impact de cette réforme sur les petites et moyennes entreprises. Si nous voulons que cette réforme soit positive pour ces entreprises, nous devons être particulièrement attentifs à la manière dont la fiscalité s’applique à elles.

Vous l’avez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons maintenu le dégrèvement barémique dont bénéficient un certain nombre de petites et moyennes entreprises. Je rappelle que le dégrèvement est total pour celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros et qu’il existe un mécanisme de dégressivité du dégrèvement pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 500 000 euros et 50 millions d’euros.

Ce dispositif garantit que les mesures fiscales mises en œuvre en faveur des PME et des PMI tiennent compte de la nécessité d’encourager ce secteur à maintenir sa dynamique. En effet, nous savons que ces entreprises jouent, dans notre pays, un rôle important dans la croissance et dans la capacité d’innovation.

Je veux également insister sur un point qui est évoqué dans le rapport d’information, à savoir la nécessité de ne pas faire de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux un dispositif qui viserait à mettre en œuvre une contribution généralisée sur toute l’économie que représentent lesdites entreprises.

Il importe de veiller à ce que l’IFER n’intervienne qu’en cas de décalage très important entre le produit fiscal issu de la taxe professionnelle et celui qui est issu du dispositif fiscal actuellement applicable à ces entreprises.

De manière générale, les collectivités territoriales ont été raisonnables, faisant en sorte que l’IFER ne soit mobilisé qu’en cas de neutralité ou d’effet d’aubaine pour les entreprises de réseaux.

Monsieur Guené, vous soulignez dans votre rapport qu’il est nécessaire de ne pas appliquer un dispositif général et qu’il faut veiller à ce que l’IFER ne soit mobilisé qu’en cas de décrochage résultant du passage d’une imposition à une autre. Je veux dire que nous partageons votre préoccupation sur ce point et notre accord avec votre vision quant à l’application de l’IFER.

Permettez-moi de dire également quelques mots sur un sujet qui a été évoqué par tous les orateurs, à savoir les conséquences, pour un certain nombre de petites entreprises, de l’augmentation de la cotisation minimale de CFE à laquelle ont procédé, de façon imprudente, certaines communes. Cette décision a entraîné des augmentations absolument dramatiques pour des entreprises qui étaient déjà très fragilisées par la crise et a conduit le Gouvernement à prendre, dans le cadre d’une loi de finances rectificative, des dispositions destinées à corriger les effets de cette mesure.

C’est ainsi que, dans la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, nous avons donné la possibilité aux communes qui le souhaitaient de corriger, jusqu’au 21 janvier dernier, les effets de l’augmentation de cette cotisation minimale de CFE. Nous avons également permis aux communes, si elles le souhaitent, d’exonérer à hauteur de 50 % les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 000 euros. Ces mesures ont permis des corrections, mais il va de soi que nous devons rester vigilants pour l’avenir.

S’agissant des auto-entrepreneurs, je vous rappelle que, dans la même loi de finances rectificative, nous avons prorogé l’exonération de CFE dont ils bénéficient. Nous jugeons important de pouvoir examiner, avant de prendre des mesures définitives, les conclusions des inspections et des évaluations qui sont en cours. En effet, il importe de bien mesurer les effets de cette exonération pour apprécier l’opportunité de la pérenniser.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter en ce qui concerne les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle pour les entreprises. Soyez assurés que, dans les débats budgétaires des prochains mois, le Gouvernement fera preuve de la plus grande transparence au sujet de l’incidence de cette réforme sur notre tissu économique.

J’en viens aux conséquences de la suppression de la taxe professionnelle pour l’État. Plusieurs orateurs, parmi lesquels Mme Des Esgaulx et M. Bockel, ont insisté sur le volume de la contribution que l’État a apportée à la réforme : 4 milliards d’euros. Si l’État doit naturellement assumer ses obligations vis-à-vis des collectivités territoriales, conformément à un engagement fort du Premier ministre et du Gouvernement, je ne peux pas ne pas considérer qu’il est nécessaire de maîtriser cette contribution dans le temps. D’ailleurs, un certain nombre d’entre vous ont eu la sagesse de reconnaître que les parlementaires et le Gouvernement avaient l’obligation d’œuvrer de concert au rétablissement de nos comptes.

Je vous rappelle que la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2009 sur l’assiette applicable aux bénéfices non commerciaux pour les entreprises de moins de cinq salariés était susceptible d’avoir une incidence sur le volume de la contribution apportée par l’État à la réforme. Le Conseil constitutionnel ayant dit le droit, nous avons essayé de compenser les effets de sa décision sur le budget de l’État en mettant en place, entre 100 000 et 250 000 euros, une nouvelle tranche de CFE.

Par ailleurs, je trouve légitime la volonté qui s’est exprimée sur l’ensemble des travées de voir l’État rendre compte, de façon précise et en toute transparence, des conditions dans lesquelles il organise ses relations financières avec les collectivités territoriales, particulièrement en ce qui concerne les conséquences de la réforme dont nous parlons. À cet égard, soyez assurés que le « jaune » qui retrace les relations financières entre les collectivités territoriales et l’État sera suffisamment documenté pour que cette transparence soit garantie.

S’agissant, enfin, des conséquences de la réforme pour les collectivités territoriales, de nombreux orateurs ont montré que la situation des différentes catégories de collectivités territoriales était très contrastée.

Les communes et les intercommunalités bénéficient d’un panier de ressources très diversifié qui leur garantit, malgré la réforme, la possibilité d’agir sur les taux pour assurer la dynamique de leurs ressources.

En ce qui concerne les départements, la relation entre la ressource prélevée sur les ménages et celle qui est prélevée sur les entreprises n’a pas été modifiée au point que les ressources totales en auraient été affectées. Reste que les départements sont victimes d’un effet de ciseaux qui leur pose un réel problème, leurs ressources étant moins dynamiques que les charges auxquelles ils doivent faire face.

Pour ce qui est des régions, M. Patriat a décrit leur situation particulière en soulignant qu’elles avaient pu pâtir de la réforme dans la mesure où leur degré d’autonomie fiscale s’en est trouvé amoindri. C’est un fait que la disparition d’une grande partie des contributions foncières autrefois perçues par les régions a entraîné un accroissement de leur dépendance à l’égard de la dotation de l’État.

Ainsi, lorsqu’on examine les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales, on ne peut pas ne pas tenir compte du fait que la situation est très contrastée, chaque catégorie de collectivités ayant ses spécificités.

Au sujet des collectivités territoriales, je tiens également à insister sur notre souci de faire en sorte que des mécanismes de correction et de garantie des ressources soient mis en œuvre.

Je vous rappelle qu’un fonds d’urgence de 170 millions d’euros a été mis en place pour permettre aux départements de faire face à leurs charges obligatoires. Nous devons regarder de très près les conditions dans lesquelles ce fonds est mobilisé et nous assurer qu’il permet de répondre à la situation des départements, dont nous savons bien que les charges sociales augmentent de façon significative.

Concernant les communes, le Gouvernement a pris l’engagement de lancer la révision des valeurs locatives. Nous verrons de quelle façon ce processus se déroule et s’il est de nature à garantir les ressources communales et intercommunales.

S’agissant de la situation particulière des régions, des expertises et des investigations sont en cours qui nous permettront d’examiner la demande formulée par certains acteurs d’un versement transport en faveur des régions.

Tout cela mérite expertise et attention. Une fois les analyses qui sont en cours terminées, le Gouvernement saura prendre les décisions qui relèvent de sa responsabilité.

Un certain nombre d’orateurs ont soulevé la question de la péréquation. Je vais la traiter en considérant successivement chaque catégorie de collectivités territoriales.

Pour ce qui est des communes et des intercommunalités, je vous rappelle que le critère du revenu par habitant est désormais pris en compte pour l’alimentation du FPIC. L’objectif est que ce fonds soit abondé par les intercommunalités et les communes qui sont plus que d’autres en état de le faire ; son alimentation mais aussi sa mobilisation doivent présenter toutes les garanties d’équité. Ce progrès peut en appeler d’autres, mais il convient de le noter à ce moment de la réforme.

Pour les départements, deux fonds de péréquation existent, dont les évolutions méritent aussi d’être signalées, car un certain nombre d’entre elles sont positives.

Le premier fonds concerne les droits de mutation à titre onéreux. Pour son alimentation, le critère du revenu par habitant a également été pris en compte : ainsi, ce sont bien les départements les plus riches, ceux dont la capacité de mobilisation est la plus forte, qui participent le plus à l’abondement de ce fonds. Pour la distribution de l’argent, d’autres critères ont été retenus, mais les départements qui bénéficieront de ce fonds sont ceux dont le revenu par habitant est inférieur à la moyenne nationale des revenus des départements. Par conséquent, à cet égard aussi, des progrès sont accomplis au regard des objectifs d’équité et de justice.

Le second fonds dont les départements peuvent bénéficier concerne la CVAE. Cette péréquation a permis la mobilisation de 60 millions d’euros sur le fondement de critères dont 80 % sont en correspondance avec les compétences « régaliennes » des départements ; je pense en particulier au nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, au nombre de bénéficiaires du RSA et au revenu par habitant, qui mesure la situation socio-économique d’un département.

Enfin, pour répondre à la préoccupation exprimée par M. Patriat, nous devons nous interroger sur la péréquation concernant les régions. Dans la mesure où elles sont les collectivités territoriales dont l’autonomie financière a été le plus réduite au cours des différentes étapes de la réforme, elles doivent bénéficier du dispositif de péréquation le plus élaboré et le plus achevé.

À cet égard, des progrès ont été accomplis puisque l’assiette des ressources fiscales qui sert de base au calcul de la péréquation intègre désormais l’ensemble des ressources et impôts issus de la réforme, de sorte que les prélèvements opérés portent sur le flux cumulé de toutes ces ressources. Sans doute ce progrès n’est-il pas encore tout à fait suffisant ; mais il faut en tenir compte lorsqu’on cherche, comme le Sénat s’y est attaché, à évaluer la réforme et à définir les conditions dans lesquelles elle peut être optimisée pour aboutir à une relation transparente entre l’État et les collectivités territoriales et ne pas priver ces dernières de leurs ressources.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai tâché de vous présenter un exposé très objectif et assez peu passionnel, parce que c’est le ton qui me semble convenir à ces questions. J’ai voulu vous faire connaître l’état d’esprit du Gouvernement en ce qui concerne la suppression de la taxe professionnelle et, plus généralement, les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales.

Nous sommes à la veille d’un nouvel acte de décentralisation, destiné à donner aux collectivités territoriales les moyens de se mobiliser autour de l’objectif de redressement qui préside à la politique du Gouvernement. Cette démarche suppose que les collectivités territoriales puissent être raisonnablement appelées à participer à l’effort de redressement, car la difficulté est si grande que nous devons nous rassembler pour la surmonter.

De même que nous sommes ensemble pour surmonter les difficultés, nous devons être ensemble pour exiger la transparence. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a la volonté de garantir une information complète à la représentation nationale, notamment à vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, qui représentez les collectivités territoriales de notre pays. Nous voulons approfondir avec vous la réflexion et le débat ; la Haute Assemblée le mérite, compte tenu de la qualité de ce débat et du rapport qui l’a précédé ! (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Débat sur le rayonnement culturel de la France à l’étranger

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le rayonnement culturel de la France à l’étranger, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à M. Louis Duvernois, pour le groupe UMP.

M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon rapport d’information présenté au Sénat en 2004 et intitulé Pour une nouvelle stratégie de l’action culturelle extérieure de la France : de l’exception à l’influence, je mesurais le poids des attentes envers l’autorité et la puissance publiques, attentes insatisfaites qui engendraient l’immobilisme.

Le déclin de la France se nourrit d’abord de conservatismes et autres corporatismes.

En 2010, rapporteur pour avis du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, je faisais le constat de la dispersion des différents opérateurs de la diplomatie culturelle, trop nombreux pour être efficaces et estimais qu’il était urgent de remédier à ce problème. C’est à la suite de l’adoption de ce texte que trois établissements publics, l’Institut français, dont j’ai obtenu l’appellation de haute lutte, Campus France et France expertise internationale ont vu le jour, concentrant, chacun dans son domaine, différentes activités relatives à l’action culturelle extérieure.

Je me réjouis ainsi de l’organisation de ce débat sur les enjeux du rayonnement culturel de la France et remercie le groupe UMP du Sénat de cette initiative.

Lors d’une récente intervention, monsieur le ministre, à l’École normale supérieure, sur le thème « La France, une puissance d’influence », vous avez souligné l’importance du défi éducatif et culturel que doit relever notre pays dans un monde complexe, en constante évolution. Pour notre croissance économique et notre influence diplomatique, il s’agit d’un enjeu décisif.

La compétition est rude dans le domaine tant de l’éducation que de l’apprentissage de la langue française et de la diffusion de notre culture.

Si elle a largement perdu l’influence qu’elle exerçait au XIXe siècle, face à la concurrence des États-Unis et, désormais, des pays émergents, la France a néanmoins des atouts considérables pour assurer son rayonnement dans le monde : son histoire, ses musées de renommée internationale, sa création artistique, ses écoles et, bien évidemment, la langue française, qui reste parlée par plus de 220 millions de personnes dans le monde.

Pour développer notre influence, nous avons des instruments de qualité, dont nous devons ici vanter les performances face à ceux de nos compétiteurs tels le Royaume-Uni, avec le British Council, l’Allemagne, avec le Goethe Institut, l’Espagne, avec les instituts Cervantes ou la Chine, avec les instituts Confucius, qui se multiplient sur tous les continents.

Ces instruments, dont nous pouvons être fiers, sont l’Institut français, présidé par un homme de grande culture, universitaire et ancien ministre, Xavier Darcos, et le remarquable réseau des Alliances françaises, qui sont près d’un millier dans le monde. Je ne manque pas de visiter ses établissements à chacun de mes déplacements à l’étranger. N’oublions pas non plus Campus France, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, réseau de plus de 500 établissements scolaires, et la Mission laïque française, que nombre de pays nous envient.

J’évoquerai enfin notre présence en matière d’audiovisuel extérieur, avec TV5 Monde, France 24 et sa diffusion trilingue français-anglais-arabe, ainsi que Radio France internationale et son rayonnement multilingue.

Le premier vecteur d’influence culturelle est l’Institut français. La loi du 27 juillet 2010 a conduit à mettre en place un appareil législatif et réglementaire complet, conférant un statut, un mode de gestion et une gouvernance compatibles avec la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et comparables à ceux du Goethe Institut ou du British Council.

Le ministère des affaires étrangères, son ministère de tutelle, est chargé de définir des stratégies et d’établir des priorités politiques. Le pilotage opérationnel du réseau est confié à l’Institut français, avec des objectifs précis.

L’expérimentation en cours a déjà contribué à démontrer, dans les douze premiers pays concernés, la cohérence d’une architecture dans laquelle chacun trouve son rôle.

En moins de deux ans, les modes de gestion ont connu une modernisation majeure, alors que, dix ans plus tôt, le réseau culturel faisait figure de mauvais élève aux yeux de Bercy : passage à une norme comptable plus efficace, mise en place d’une nomenclature budgétaire partagée entre l’Institut français et les douze pays d’expérimentation, mise en place de logiciels communs et formation intégrée des gestionnaires et des comptables.

Les conséquences positives et concrètes pour les postes sont importantes : fongibilité des crédits et souplesse de gestion, flux financiers plus rapides, possibilité d’accorder des subventions, jusqu’ici interdites par le décret de 1976. À noter que cette dernière disposition permet de recourir aux Instituts français pour mettre en œuvre la coopération universitaire et qu’aucune difficulté de gestion n’est depuis apparue dans ce secteur.

De la même manière, les bureaux locaux de l’Institut français verseront en 2012 près de 3 millions d’euros sous forme de bourses à des étudiants ou des universitaires étrangers. C’est un axe fort de la politique française d’attractivité.

Quelles que soient les décisions prises, les avancées ayant conduit un opérateur public de l’État à gérer des représentations pilotes à l’étranger devraient concerner maintenant l’ensemble du réseau. Pour mémoire, l’Agence française pour le développement international des entreprises, UBIFRANCE, a également créé une soixantaine de bureaux entre 2006 et 2009, mais l’ensemble des recettes est perçu auprès des entreprises à Paris, les postes se contentant de gérer des budgets limités de fonctionnement.

Autre avancée notoire, la mutualisation des processus professionnels. L’Institut français a pu bénéficier d’une identité partagée avec le réseau : la fusion des services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, avec les établissements à autonomie financière, les EAF, a entraîné la création d’établissements à partir de 2009 et l’appellation « Institut français » s’est généralisée dès 2010, renforçant la notion d’appartenance à un réseau. En effet, le partage d’une « marque unique » a été le début d’un travail de mutualisation des outils et des bonnes pratiques, créatrices d’économies d’échelle entre membres du réseau : mise en place d’outils numériques, notamment de Culturethèque, plateforme de produits culturels en ligne.

Le ciment de la formation a, par ailleurs, été fondamental pour appuyer ce processus. Quelque 1 300 agents ont été formés en 2012, près de la moitié ayant été recrutés localement. Toutes les formes de mutualisation ont été encouragées, et l’Institut français, avec ses ateliers d’été, a rempli un rôle essentiel de modernisation et de cohésion.

Concernant la professionnalisation, axe fort de la loi de 2010, les acquis sont incontestables : préparation au retour, notamment par l’élaboration de passerelles professionnelles avec les structures d’origine, et mobilité professionnelle entre le réseau et l’Institut. La réforme connaîtra une réussite durable si les personnels exerçant des responsabilités sont accompagnés dans leur progression de carrière par l’État employeur.

Localement, la création des conseils d’orientation stratégiques, présidés par l’ambassadeur et compatibles avec la LOLF, s’est avérée efficace. La fonction de pilotage stratégique cadre en outre avec le rôle d’animation et de coordination des chefs de poste. Sans être décisionnaires, ces conseils d’orientation stratégiques prennent en compte les réalités du terrain et permettent de mener des réflexions sur des stratégies ou des priorités régionales, en accord avec les ambassadeurs.

De plus, un élargissement des compétences géographiques fait des bureaux locaux de véritables relais régionaux. C’est un acquis considérable pour la mise en œuvre de projets multilatéraux. La compétence nationale des établissements à autonomie financière leur interdisait en effet de participer à l’élaboration de projets régionaux. Des programmes adaptés seront ainsi organisés, notamment au Chili, en Serbie et à Singapour.

Enfin, en période de contrainte budgétaire forte, les compétences régionales des bureaux locaux de l’Institut français les autorisent à lever des fonds multilatéraux. C’est un aspect important pour le développement futur du réseau, comme le montre l’exemple du British Council, qui remporte tous les mois, dans toutes les régions du monde, des appels d’offres européens.

L’éducation constitue le deuxième axe majeur de la politique de rayonnement culturel de la France. Dans ce domaine, notre pays dispose d’une « force de frappe » puissante : un réseau de 480 établissements homologués par l’éducation nationale, dans 130 pays. Cette homologation en garantit à la fois la qualité et l’homogénéité. Au-delà du service majeur qu’il rend à nos compatriotes et à nos entreprises, ce réseau de l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, et de la Mission laïque française constitue aussi un levier de la politique d’influence, car il permet de contribuer à la formation des élites étrangères.

Il faut le souligner, nos établissements scolaires à l’étranger constituent une autre grande valeur culturelle ajoutée. Au-delà du simple apprentissage du français, ils permettent un travail en profondeur de formation d’individus bilingues et biculturels, qui pourront être à leur tour des ambassadeurs de la culture française. Nombre d’entre eux font d’ailleurs de brillantes carrières dans le secteur privé, la haute administration, la politique ou les domaines des sciences, des arts et de la culture. Ils constituent tous des relais très précieux pour notre pays.

Il convient de relever un autre élément important. Au moment où des études internationales mesurent et comparent l’efficacité respective des systèmes éducatifs, le réseau des établissements français à l’étranger offre une vitrine de l’excellence éducative à la française, porteuse de valeurs reconnues et recherchées : laïcité, universalité, humanisme, développement de l’esprit critique, exigence intellectuelle. Le réseau s’attache aussi à promouvoir la dimension plurilingue et multiculturelle si essentielle aujourd’hui.

Une table ronde, organisée récemment par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat et réunissant les principaux acteurs éducatifs et culturels a permis de mieux saisir l’articulation entre les différents opérateurs de la langue et de la culture françaises : Institut français, Alliance française, Mission laïque française, AEFE. Il est donc indispensable que des liens forts se tissent entre tous ceux qui œuvrent pour la même cause.

Ainsi, au moment où nous souhaitons attirer plus de jeunes vers les universités françaises, je pense que les chercheurs dans nos instituts de recherche – CNRS, École française d’Extrême-Orient, Institut de recherche pour le développement, etc. – peuvent jouer un rôle auprès des jeunes des lycées français en leur montrant en quoi nos universités et nos grandes écoles sont à la hauteur des meilleures institutions internationales et notamment nord-américaines.

Les lycées français sont des pépinières de futurs étudiants de choix pour nos filières d’excellence dans l’enseignement supérieur. Il faut aider l’AEFE à préserver cette richesse pédagogique et humaine et utiliser au mieux ce magnifique outil de développement que sont les lycées français à l’étranger.

Plus concrètement, nous devons continuer à aider l’opérateur public à remplir sa mission. L’AEFE organise la gestion de l’intervention de la puissance publique, en cofinancement avec les familles, selon un équilibre de plus en plus difficile à atteindre, mais qu’il faut néanmoins préserver entre ses différentes missions : assurer la continuité de la scolarité pour les familles françaises par le maintien prioritaire des bourses scolaires, contribuer au rayonnement de la culture française en accueillant aussi des élèves étrangers, participer aux actions de coopération avec les systèmes éducatifs étrangers.

M. Jean-Louis Carrère. Il fallait le dire à Nicolas Sarkozy !

M. Louis Duvernois. C’est dans le droit fil de cette coopération que j’ai souhaité la tenue au Sénat, le 29 novembre dernier, des premières Rencontres internationales de l’enseignement bilingue francophone, événement qui a reçu l’approbation de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir.

S’y sont rencontrés pour la première fois des chefs d’établissements scolaires ayant reçu le label FrancEducation, accordé depuis 2012 à des établissements offrant à leurs élèves un enseignement renforcé de la langue française dans plusieurs disciplines.

Monsieur le ministre, ce label est décerné par votre ministère après avis d’une commission consultative interministérielle. Le programme est géré par l’AEFE, avec l’expertise spécifique du CIEP, le Centre international d’études pédagogiques de Sèvres.

Ont étroitement contribué au succès de ces premières Rencontres l’Institut français, le CIEP et l’AEFE, ainsi que, naturellement, la direction de la politique culturelle et du français du ministère des affaires étrangères.

Les Rencontres ont permis à plus de 200 intervenants de faire le point sur la situation de l’enseignement du français dans des filières bilingues d’excellence à travers le monde et d’envisager les perspectives offertes par le label FrancEducation » en termes de rayonnement de la langue et de la culture françaises sur les cinq continents. Il s’agit de favoriser la complémentarité et non de substituer ce label aux dispositifs existants.

Convaincu de l’utilité de ces missions, le Sénat se réjouit que vous ayez choisi, monsieur le ministre, de préserver les moyens dévolus à l’AEFE. La Haute Assemblée continuera d’accompagner cet opérateur, acteur référent d’une offre éducative française, singulière et performante.

Le troisième axe de l’influence française dans le monde est constitué par l’action audiovisuelle extérieure.

Dans ce domaine, la France est attendue. Dans un monde globalisé et qui a tendance à s’uniformiser, son avis est respecté, bien au-delà de son poids démographique ou de sa puissance économique.

L’audiovisuel français vers l’international occupe une place à part à côté des grandes chaînes anglo-saxonnes et des médias du monde arabe. À l’heure de la mondialisation, face à des populations en quête de repères et de compréhension, il offre un regard particulier sur l’information internationale.

Cette vision trouve son ancrage dans le monde francophone. Elle est porteuse de valeurs universelles attachées à la République qui nous gouverne : liberté, pluralisme des idées, confrontation des points de vue, indépendance de la presse, laïcité, égalité entre femmes et hommes, autant de principes qui restent à promouvoir, à tout le moins à conforter, dans une partie importante du monde.

Les médias audiovisuels français constituent de formidables caisses de résonnance. C’est une situation peu connue en France, et nous pouvons regretter que nos compatriotes sur le territoire national n’aient pas une meilleure idée de l’action extérieure de l’État au sein d’une société mondialisée.

Ces médias sont également pour nos 2,5 millions de compatriotes expatriés un lien irremplaçable avec notre pays.

Face aux enjeux, l’État s’est trop longtemps épuisé dans des réformes de structures coûteuses et souvent mal comprises. Ces dernières années, deux plans de départs volontaires non ciblés ont touché 22 % des effectifs de l’Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF. Une fusion et un déménagement conjoints se sont traduits par une profonde désorganisation des entreprises.

Monsieur le ministre, le pilotage fondé sur la recherche exclusive d’une réduction des coûts a marqué ses limites.

L’État consacre pourtant moins de 9 % du budget total de l’audiovisuel à son action audiovisuelle extérieure, comme s’il en mésestimait l’importance.

Au total, ce sont un peu plus de 300 millions d’euros chaque année, soit l’équivalent de la Deutsche Welle, la moitié des budgets d’Al Jazeera ou de CNN, 100 millions d'euros de moins que BBC World.

Ces 300 millions d'euros sont répartis entre France 24, qui regroupe trois chaînes d’information continue en trois langues – français, anglais, arabe –, RFI, radio internationale en treize langues, Monte Carlo Doualiya, radio arabophone de l’AEF, et TV5 Monde, chaîne généraliste francophone sous-titrée en plus de dix langues, qui réunit une audience hebdomadaire de plus de 50 millions de téléspectateurs.

Cet investissement est néanmoins insuffisant au regard des défis à relever dans un contexte mondial très concurrentiel.

Médias de référence, France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya réalisent aussi des audiences en progression constante. RFI est écoutée par 40 millions d’auditeurs, Monte Carlo Doualiya par 8 millions et France 24 est regardée par 45 millions de téléspectateurs. En Tunisie, la chaîne en langue arabe devance légèrement Al Jazeera, preuve que France 24 sait répondre à l’envie de liberté et de modernité des téléspectateurs de ce pays.

Toutes chaînes confondues, les environnements nouveaux médias de l’AEF ont établi un record au mois de janvier dernier avec 25 millions de visites. Les nouveaux médias permettent de s’affranchir des frontières territoriales pour toucher les diasporas au-delà de leurs pays d’origine. C’est vrai tant pour les populations arabophones qu’aux États-Unis, avec 7 millions à 8 millions d’auditeurs, autant en Amérique latine et en Europe. C’est vrai aussi pour d’autres langues : le site en vietnamien de RFI est, en termes de visites, le deuxième site le plus visité de la radio mondiale.

Ces études ne mesurent cependant pas l’impact en termes d’influence de nos médias. L’information de RFI et de France 24 en français est écoutée ou regardée au quotidien par les chefs d’État africains de l’univers de la francophonie. Les versions arabophones de France 24 et de Monte Carlo Doualiya sont en passe de réussir le même exploit dans le monde arabe.

Enfin, depuis le 27 février dernier, France 24 en langue anglaise est disponible dans tous les bureaux du Département d’État des États-Unis, du Département de la sécurité intérieure et du Département de la justice. La qualité de la couverture éditoriale de l’intervention au Mali a motivé cette décision.

Monsieur le ministre, il s’agit aujourd’hui de conforter ce qui existe et de développer cette présence audiovisuelle indispensable de la France hors de ses frontières.

Les objectifs de croissance seront, bien entendu, fonction des moyens que l’État mettra à la disposition de son action audiovisuelle extérieure. Les entraves à la présence sur certains marchés sont multiples et souvent coûteuses : elles vont de la censure politique au protectionnisme économique, sans oublier la concurrence exponentielle, qui entraîne des coûts de distribution parfois prohibitifs.

Pour réussir, des virages doivent être négociés très rapidement, à commencer par celui de la télévision numérique terrestre. L’Afrique va basculer en TNT à partir de 2015. Si France 24 et TV5 Monde ne parviennent pas à profiter de la TNT, elles seront fortement pénalisées et rapidement marginalisées. Vient ensuite le virage de la haute définition. Là encore, France 24 comme TV5 Monde doivent bénéficier d’un financement spécifique pour ne pas se voir interdire demain l’accès à certains marchés.

L’objectif de notre action audiovisuelle extérieure est bien d’être présents mondialement, au-delà des zones d’influence traditionnelles de la France que sont l’Afrique et le monde arabe, en s’appuyant sur tous les leviers d’action existants et en jouant de la complémentarité des médias.

Nos médias doivent enfin disposer d’un point d’appui sur le territoire national. Il n’est pas concevable que France 24, seule chaîne d’information continue de service public, ne bénéficie pas d’une fenêtre de diffusion sur la TNT, qui doit être aussi une fenêtre ouverte sur le monde, le grand large.

Si la France a un rôle à jouer, elle doit s’en donner les moyens. Cela passe aussi par l’adhésion de la communauté nationale à une France de « nouveaux territoires » à conquérir en matière culturelle et économique.

En conclusion, nous pourrions dire que le monde change et que nous voulons changer avec lui, mais ce n’est pas si sûr ! En règle générale, les Français vivent mal la mondialisation. Ils admettent leur anxiété sondage après sondage. La question est pourtant de savoir si nous voulons être des « mondialisateurs » ou des « mondialisés ». La réponse n’est pas encore évidente.

Aux discours entretenus par des élites démissionnaires, convaincues que la conduite d’une globalisation profitable, à défaut d’être heureuse, se fait uniquement en anglais, nous n’avons pas encore de réponse affirmée et nous ne savons pas comment lutter contre les rigidités françaises. La recherche d’une meilleure compétitivité pour notre pays, grâce à l’innovation et à une confiance en soi retrouvée, est indissociable de la volonté de l’État de promouvoir une action culturelle extérieure. On cite souvent les États-Unis. Pourtant, sait-on que le deuxième poste d’exportation est constitué par les industries culturelles ?

Puissance d’influence, la France a des talents divers. Notre pays doit d’abord réapprendre – je pèse mes mots – à aimer sa langue, l’architecte de la pensée et de la créativité,...