Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaire :

Mme Michelle Demessine.

1. Procès-verbal

2. Candidatures à deux missions communes d'information

3. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modification du calendrier électoral. – Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Discussion générale commune : MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Léonce Dupont, Jacques Mézard, Mme Hélène Lipietz, MM. Philippe Adnot, Philippe Kaltenbach, Gérard Larcher, Mme Bernadette Bourzai, MM. Hervé Maurey, Bruno Sido, Claude Domeizel, Georges Labazée.

M. Manuel Valls, ministre.

Clôture de la discussion générale commune.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

4. Nomination des membres de deux missions communes d’information

5. Communication d’un avis sur un projet de nomination

6. Saisine du Conseil constitutionnel

7. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modification du calendrier électoral. – Suite de la discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 1er

Amendements identiques nos 164 de M. Bruno Sido et 243 rectifié de M. Albéric de Montgolfier. – MM. Bruno Sido, Albéric de Montgolfier, Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois ; Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Claude Domeizel, Éric Doligé, Philippe Adnot, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 1er bis

M. Pierre-Yves Collombat.

Amendement n° 71 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 2

Amendement n° 177 rectifié de M. Hervé Maurey. – MM. Hervé Maurey, le rapporteur, Manuel Valls, ministre ; Gérard Longuet. – Rejet.

Article 2

MM. Christian Namy, Jean Boyer, Pierre-Yves Collombat, Vincent Eblé, Didier Guillaume, Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Yves Krattinger, Éric Doligé, Mme Muguette Dini, MM. Gérard Miquel, Christian Favier.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

Article 2 (suite)

MM. Jean-Claude Lenoir, Michel Boutant, Claude Domeizel, Gérard Roche, Gérard Bailly.

M. le président de la commission.

Amendements identiques nos 21 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest, 147 de M. François Zocchetto, 205 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jean-Jacques Hyest, Hervé Maurey, Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, Manuel Valls, ministre ; Gérard Miquel, Marc Laménie, Jean-René Lecerf, Mme Éliane Assassi, MM. Bruno Sido, André Reichardt, Dominique de Legge, Philippe Adnot, le président de la commission. – Rejet, par scrutin public, des trois amendements.

Amendement n° 275 de M. Bruno Sido. – MM. Bruno Sido, le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet.

Amendement n° 178 rectifié de M. Hervé Maurey. – M. Hervé Maurey.

Amendement n° 72 de Mme Éliane Assassi. – M. Michel Le Scouarnec.

Amendement n° 115 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.

Amendement n° 60 rectifié bis de M. Michel Savin. – M. Michel Savin.

Amendement n° 106 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.

Amendement n° 206 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.

Amendement n° 11 rectifié bis de M. Rémy Pointereau. – M. Rémy Pointereau.

Amendement n° 73 de Mme Éliane Assassi. – Mme Cécile Cukierman.

Amendement n° 104 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.

Amendement n° 130 rectifié ter de M. Daniel Dubois. – M. Gérard Roche.

Amendement n° 179 rectifié de M. Hervé Maurey. – M. Hervé Maurey.

Amendement n° 207 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.

Amendement n° 18 de M. Jean Boyer. – M. Jean Boyer.

Amendements identiques nos 7 rectifié ter de M. Christian Namy et 166 de M. Bruno Sido. – MM. Christian Namy, Bruno Sido.

Amendement n° 49 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest. – M. Jean-Jacques Hyest.

Amendement n° 195 rectifié bis de M. Philippe Dallier. – M. Philippe Dallier.

Amendement n° 89 de M. Jean-René Lecerf. – M. Jean-René Lecerf.

Amendement n° 116 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Communication du Conseil constitutionnel

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaire :

Mme Michelle Demessine.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à deux missions communes d'information

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres de la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement, créée sur l’initiative du groupe écologiste en application de son droit de tirage, et de la mission commune d’information sur la filière « viande » en France et en Europe – pour ce qui concerne l’élevage, l’abattage et la distribution –, créée sur l’initiative du groupe UDI-UC, en application de son droit de tirage.

M. le président. En application de l’article 8, alinéas 3 à 11 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans un délai d’une heure.

3

 
 
 

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modification du calendrier électoral

Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral (projet n° 389 rectifié, texte de la commission n° 406 rectifié, rapport n° 404), ainsi que du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux (projet de loi n° 388 rectifié, texte de la commission n° 405 rectifié, rapport n° 404).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a deux mois de cela, il neigeait déjà (Sourires.),…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il neige chaque fois que vous venez. Il faut éclaircir ce mystère ! (Nouveaux sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. … j’étais venu devant vous afin de marquer le début d’une étape importante pour nos institutions : celle de l’approfondissement et de la modernisation de la démocratie dans nos territoires.

Aujourd’hui, je vous retrouve évidemment avec beaucoup de plaisir. Il s’agit là d’une étape qu’il nous appartient de franchir dans un esprit de dialogue et, autant que faire se peut, dans un esprit de consensus.

Aujourd’hui, je soumets de nouveau ces deux projets de loi à votre examen.

Aujourd’hui, une question se pose à tous les groupes, je dis bien « à tous les groupes » : cette deuxième lecture permettra-t-elle au Sénat de participer à la définition de nouvelles règles pour les élections locales ?

En première lecture, nous avons eu de longs échanges, mais ce fut, finalement, un rendez-vous manqué.

M. Manuel Valls, ministre. Or, à mon sens, on ne saurait manquer un rendez-vous avec la démocratie, tout particulièrement avec la démocratie locale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre responsabilité – pour ce qui me concerne, j’en assume pleinement ma part – est grande. Ne feignons pas, en effet, d’ignorer le doute qui s’est emparé de nos concitoyens.

Ce constat vaut non seulement pour la France mais aussi pour l’Europe entière : nous assistons à une crise du système représentatif, qui conduit les électeurs à ne plus croire dans la capacité de leurs représentants à entendre leurs attentes et à répondre à leurs préoccupations. Je l’affirme avec gravité : dans les temps actuels, marqués par les difficultés, nous avons, plus que jamais, le devoir impérieux de renforcer nos institutions et de restaurer pleinement la confiance. Celle-ci est essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie. Elle est capitale pour prémunir celle-ci contre les poussées populistes qui, toujours, se sont alimentées de ses faiblesses.

Être élu du peuple est une belle mission, qui a son lot d’exigences. Être élu du peuple – vous tous, ici, en êtes le témoignage – c’est assumer une part de ce qu’est notre présent et de ce que sera notre avenir.

Les élus, chacun dans leurs différentes responsabilités, sont l’expression de la volonté générale. Ils sont la vitalité de notre démocratie. Pour autant, vous le savez, des voix s’élèvent parfois pour les mettre en cause, pour affirmer aussi qu’ils sont trop nombreux ou qu’ils « coûtent cher ».

Comment peut-on refuser de répliquer à ces critiques ? La meilleure des réponses est toujours de consolider ce lien précieux qui unit les citoyens à leurs représentants. C’est précisément le but que visent ces deux projets de loi.

Je l’ai souligné il y a quelques instants, nous avons manqué notre premier rendez-vous ; je vous propose donc de tout faire pour réussir le second. C’est en tout cas dans cet état d’esprit que j’aborde la discussion de ces deux textes, sur la base de la rédaction adoptée en commission des lois, qui a apporté de nombreuses modifications jusqu’à ces dernières heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et même ces dernières minutes.

M. Manuel Valls, ministre. Nos débats d’aujourd’hui s’inscrivent dans un processus global dont il me semble utile de rappeler les grandes étapes.

C’est au Sénat qu’il y a plus d’un an a été adoptée une proposition de loi abrogeant le conseiller territorial.

C’est également au sein de cette assemblée qu’en octobre dernier, sur votre initiative, monsieur le président du Sénat, ont été organisés les états généraux de la démocratie territoriale. À l’issue d’une consultation large et de débats approfondis, le Président de la République a fixé les quatre grands principes qui doivent guider la prochaine étape de la décentralisation : confiance, clarté, cohérence et démocratie.

Cette démocratie vit dans nos territoires, dans les régions, les départements et les communes. Au rythme des lois de décentralisation et des transferts de compétences qui se sont succédé depuis trente ans, une véritable culture de la démocratie locale s’est progressivement affirmée. Celle-ci est faite de dialogue, de concertation, et de proximité. Elle s’appuie sur des élus locaux – au rang desquels vous figurez également, mesdames, messieurs les sénateurs –,…

M. Jacques Mézard. Ça, c’est vrai.

M. Manuel Valls, ministre. … qui ont à cœur de servir leur collectivité, de mettre en mouvement les territoires dont ils ont la charge.

Nos concitoyens sont particulièrement attachés à cette culture de la démocratie locale. En effet, ils savent combien elle les a rapprochés de la décision publique, combien elle leur a permis de mieux faire entendre leur voix.

La démocratie locale a constitué une avancée majeure pour notre République, et, dans cette conquête démocratique, le département a occupé une place importante.

M. Manuel Valls, ministre. Ce rôle historique des conseils généraux renvoie aux acquis mêmes de la Révolution française et de la IIIe République.

M. Manuel Valls, ministre. Ce constat pose, à lui seul, le degré d’exigence que nous devons avoir pour la démocratie locale dans nos départements. Ces derniers incarnent, mieux que tous les autres niveaux de collectivités, la diversité de nos territoires, urbains, périurbains ou ruraux, montagnards, littoraux ou insulaires, en métropole ou dans les outre-mer.

M. Jean-Jacques Hyest. Et en plaine ?

M. Manuel Valls, ministre. Il convient de prolonger fidèlement cet héritage, à l’opposé de la réforme de 2010.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je n’ai pas la prétention de vous convaincre.

M. Bruno Sido. Sait-on jamais ?

M. Manuel Valls, ministre. Je souligne toutefois que la réforme instaurant le conseiller territorial confondait deux échelons, le département et la région,…

M. Manuel Valls, ministre. … qui n’ont ni les mêmes logiques de fonctionnement ni les mêmes perspectives d’action. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la vérité !

M. Manuel Valls, ministre. Cette réforme introduisait, par ce biais, une confusion en matière de compétences. Or la démocratie locale a besoin de transparence. C’est là sa force ; c’est ce qui fait toute sa pertinence.

Approfondir la démocratie locale, c’est accroître l’information du citoyen. C’est mieux l’associer aux processus de décision. C’est concevoir la démocratie comme un lien permanent entre les électeurs et leurs élus, et non pas comme une succession de rencontres ponctuelles, au rythme des scrutins. C’est faire de l’échange régulier avec les citoyens un élément de la vitalité démocratique. Sur ce sujet, je ne vous apprends rien.

Or le conseiller territorial éloignait le représentant de son territoire.

M. Alain Dufaut. Tu parles !

M. Manuel Valls, ministre. Il imposait une distance entre l’élu et les citoyens, c’est-à-dire entre l’élu et la société dont celui-ci est censé porter les aspirations. Par ailleurs, le mode de scrutin était très défavorable à la parité et représentait, à cet égard, une régression par rapport au scrutin régional.

En conséquence, l’abrogation du conseiller territorial était une nécessité. (M. Bruno Sido sourit.) Cependant, rien ne sert d’abroger sans proposer. En matière de démocratie, on ne peut se contenter d’un simple retour en arrière : la seule voie possible, c’est l’approfondissement.

De fait, qui peut penser que l’on puisse, dans la France d’aujourd’hui, élire des conseillers généraux sur la base d’une carte qui, pour les deux tiers, remonte à 1801 ? (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Comment refuser d’admettre que la répartition démographique de la population française a, en deux siècles, profondément évolué ?

Cet enjeu est fondamental car il renvoie au principe démocratique et constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Quelle est l’égalité lorsque le rapport entre les cantons le moins peuplé et le plus peuplé d’un même département peut atteindre 1 à 47 ?

M. Manuel Valls, ministre. Quelle est l’égalité quand, dans dix-huit départements, ce rapport excède 1 à 20 et quand, dans quatre-vingt-huit départements – soit la presque totalité ! – il dépasse 1 à 5 ?

Nous ne pouvons plus accepter de telles inégalités qui conduisent à ce que les voix de certains électeurs pèsent moins que celles d’autres citoyens. En conséquence, un redécoupage global de la carte cantonale s’impose.

Remodeler n’est jamais chose aisée, paraît-il, et la seule solution est d’avoir recours à de grands principes, appliqués uniformément. Aussi avons-nous fait le choix d’une règle simple : l’écart entre la population d’un canton donné et la moyenne départementale ne pourra excéder 20 %.

Un sénateur du groupe UMP. Ce n’est pas assez !

M. Manuel Valls, ministre. Ce chiffre ne relève pas du hasard, il est celui que le Conseil constitutionnel retient pour le redécoupage des circonscriptions législatives. C’est d’ailleurs pourquoi le Conseil d’État a préconisé de le choisir dans l’avis qu’il m’a rendu parallèlement à l’élaboration de ce projet de loi.

Nous avons discuté de ce sujet en première lecture et je ne doute pas que cela sera encore le cas. Si le scrutin binominal est accepté par le Sénat, la discussion pourra ensuite, bien entendu, porter sur cette question. Cela ne se produira pas dans le cas contraire.

M. Jean-Claude Lenoir. Tiens donc ! C’est du chantage !

M. Manuel Valls, ministre. Non, c’est de la cohérence !

Qui peut penser, également, que dans la France d’aujourd’hui on puisse encore concevoir un mode de scrutin départemental qui ne serait pas paritaire ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Manuel Valls, ministre. La parité a progressé partout. Dans les municipalités, dans les régions, au gouvernement.

M. Jackie Pierre. Au Sénat !

M. Manuel Valls, ministre. Au Parlement également, même s’il reste des progrès à faire ! Dans ce mouvement d’ensemble, les départements font figure d’exception. Cela, mesdames, messieurs les sénateurs, ne pouvait plus durer.

C’est pourquoi, dans chaque canton, seront élus, solidairement, deux candidats de sexe différent. (M. Jackie Pierre s’exclame.) La parité sera donc assurée. C’est là une exigence démocratique qui transformera profondément les assemblées départementales et leur permettra d’être à l’image de la société.

Vous le savez, la parité des assemblées ne se traduit pas nécessairement dans leur exécutif : 95 % des présidents et 85 % des vice-présidents des actuels conseils généraux sont des hommes. Ce texte prévoit donc d’étendre l’obligation de parité, comme c’est le cas pour les régions, à l’exécutif départemental.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Qui peut accepter que, dans la France d’aujourd’hui, qui a enfin réussi la « révolution » de l’intercommunalité, les responsables de ces structures, aux compétences et aux responsabilités croissantes, ne soient pas élus directement par les électeurs ?

Pour nombre de nos concitoyens, l’échelon intercommunal est une réalité dont ils ont pleinement conscience. Ils savent très bien, pour le vivre quotidiennement, que c’est à ce niveau que se prennent aujourd’hui des décisions dans de nombreux domaines : la voirie, les infrastructures, les transports. Et demain, plus encore, notamment en matière de développement économique ou de formation.

Cette réalité des politiques publiques doit devenir une réalité démocratique. C’est là l’objectif du système de fléchage prévu par ce projet de loi. Il s’agira d’identifier, sur la même liste que celle de l’élection municipale, celles et ceux qui seront appelés à siéger au conseil de l’intercommunalité. Ce système permet de préserver l’échelon municipal, une exigence que je fais mienne, et notamment la figure du maire à laquelle les Français sont légitimement attachés – c’est l’échelon de proximité par excellence – tout en offrant une plus grande lisibilité aux électeurs.

Qui peut accepter, enfin, que, dans la France d’aujourd’hui, on laisse encore s’appliquer, dans bien des communes, le jeu parfois étonnant du raturage et du panachage ?

Pour éviter cela, ce projet de loi prévoit d’abaisser le seuil à partir duquel les élections municipales sont organisées au scrutin de liste proportionnel. Le Gouvernement avait proposé le seuil de 1 000 habitants ; le Sénat l’avait approuvé. L’Assemblée nationale a retenu celui de 500 habitants (M. Alain Dufaut s’exclame.), qui ferait que 93 % de la population voteraient avec ce mode de scrutin pour les élections municipales. Un mode de scrutin qui, par ailleurs, garantit la parité.

Égalité devant le suffrage, parité, démocratisation de l’intercommunalité, tels sont les objectifs auxquels entend répondre ce projet de loi. Nous pouvons encore débattre des solutions préconisées, dans ces domaines, par les uns et les autres, mais nous ne devons dévier en aucun cas des grandes orientations fixées par le Président de la République.

Nous avons là l’opportunité de donner une impulsion nouvelle, forte et cohérente. Au moment de reprendre nos débats, je veux vous dire, en toute franchise, quel est l’état d’esprit du Gouvernement.

Nous avons une ambition pour la démocratie locale, mais nous savons aussi qu’une réforme est d’autant plus efficace qu’elle se fait dans un climat de sérénité et qu’elle s’appuie sur une assise qui soit la plus large possible.

Un sénateur du groupe UMP. Comme au Sénat !

M. Manuel Valls, ministre. Comme tout texte, celui-ci mérite sans doute d’être enrichi sur de nombreux points et peut-être corrigé sur d’autres. C’est tout le sens du travail parlementaire.

Le Gouvernement est donc prêt à un certain nombre de débats et de compromis, mais ne se compromettra pas. (MM. Louis Nègre et Bruno Retailleau sourient.) J’ai dressé un constat et esquissé des pistes. J’en tire des conclusions précises, mais aussi des exigences que je rappellerai tout au long de nos futures discussions.

Comme le Sénat, l’Assemblée nationale a fourni un travail important. Mais elle a approuvé le texte. Sur de nombreux points, elle l’a enrichi et y a introduit des avancées notables. Je pense, par exemple, aux critères qui doivent présider au futur redécoupage et garantir une bonne représentation de la diversité de nos territoires, ce qui était au cœur d’un certain nombre de nos discussions en première lecture. Ce texte – celui qui a été transmis à votre assemblée – est donc satisfaisant pour le Gouvernement.

Les travaux de votre commission des lois ont permis d’aboutir, jusqu’à il y a quelques minutes, à l’adoption d’un texte : celui que nous examinons aujourd’hui. À bien des égards, il s’éloigne des travaux de l’Assemblée nationale.

Un sénateur du groupe UMP. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Mais je tiens à vous dire une fois encore ma volonté de mener un dialogue constructif avec l’ensemble des groupes du Sénat afin de déboucher sur un texte qui vous engage, je tiens à insister sur ce point, et qui permette au Sénat, à votre assemblée, à vous qui représentez les collectivités locales d’apporter votre contribution à cette réforme.

Dans la construction de cet accord, certains points sont fondamentaux pour le Gouvernement. Tout d’abord, le mode de scrutin binominal. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Dommage !

M. Jean-Claude Lenoir. Ça commence bien !

M. Manuel Valls, ministre. C’est la substance de la réforme que je vous propose d’accomplir. C’est aussi le seul moyen, car je n’en ai pas entendu d’autre,…

Un sénateur du groupe UMP. Si !

M. Manuel Valls, ministre. … de concilier les deux exigences de parité et d’ancrage territorial.

M. Joël Labbé. Il y a la proportionnelle, aussi !

M. Manuel Valls, ministre. Non ! La proportionnelle ne permet pas l’ancrage territorial, et le retour en arrière ne permet pas la parité ! (Exactement ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Chiron. Et voilà !

M. Manuel Valls, ministre. Nous sommes maintenant en deuxième lecture, chacun connaît les arguments. Si l’on veut et la parité et l’ancrage territorial, il faut voter, et je le dis à la majorité comme à l’opposition, pour le scrutin binominal ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Alain Fouché. Et la suppression des cantons ruraux, qu’en faites-vous ?

Mme Éliane Assassi. Et si on veut le pluralisme ?

M. Manuel Valls, ministre. Madame la présidente, le pluralisme, c’est le choix des électeurs. Le scrutin majoritaire à deux tours n’empêche pas le pluralisme, ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat.

Quant à la parité, elle est possible…

Mme Éliane Assassi. Ne me faites pas la leçon sur la parité !

M. Manuel Valls, ministre. Je ne fais aucune leçon, je ne me le permettrais pas, madame la présidente.

Mme Éliane Assassi. Surtout pas vous !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous en prie, madame la présidente ! J’ai dit que je voulais entamer ce débat dans le meilleur état d’esprit.

Mme Éliane Assassi. Alors il faut écouter !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous écoute avec la plus grande attention, mais le Gouvernement n’acceptera pas la proportionnelle pour les départements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Roche applaudit également.)

M. Didier Guillaume. Et le Gouvernement a raison,…

M. Bruno Retailleau. Sur ce point, oui, il a raison !

M. Didier Guillaume. … il n’y a pas d’autre solution !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous rappelle, madame la présidente, que votre organisation politique anime deux départements qu’elle a gagnés au scrutin départemental. Pas de faux débats entre nous, il n’empêche donc pas la représentation des forces politiques !

M. Didier Guillaume. Au contraire !

M. Manuel Valls, ministre. Le département tel que nous le concevons, tel que je l’ai décrit, est représentatif de nos territoires et de leur diversité, et a donc besoin d’élus ancrés dans cette réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls, ministre. Et dans le même temps, nous voulons cette parité.

L’élection par fléchage des délégués communautaires est également un point essentiel. Je suis très sensible aux propositions concernant Marseille et Lyon. C’est en posant les bases d’une démocratie intercommunale aboutie que nous pourrons envisager l’avenir de ces territoires.

Enfin, la modification du calendrier électoral est un troisième élément fondamental. Il s’agit de garantir une meilleure participation aux élections locales, et, par la concomitance des élections régionales et départementales, de créer – en tout cas, nous l’espérons – des dynamiques communes à ces échelons territoriaux.

Sur ces quelques points, le Gouvernement restera vigilant à ce que le texte ne soit pas dénaturé. Nous veillerons également à ce que ce texte reste compatible en tout point avec la jurisprudence constitutionnelle. Il y va de la pérennité de cette réforme comme de notre crédibilité à tous. J’ai donc déposé, au nom du Gouvernement, un certain nombre d’amendements au texte de votre commission. Mais, comme vous le constatez, le champ des débats reste très large et je suis très sensible à toutes les propositions constructives qui permettront, par exemple, de garantir une bonne représentation de nos territoires ruraux.

M. Alain Fouché. Il faut y être très attentif !

M. Manuel Valls, ministre. N’en doutez pas un seul instant !

M. Alain Fouché. Il ne faut pas que les villes soient majoritairement représentées ! Vous, les socialistes, êtes-vous d’accord avec cela ?... (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Je vous connais !

M. Manuel Valls, ministre. Tous les débats que nous avons eus en première lecture, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, nous ont permis d’avancer sur ce sujet. Nous sommes bien conscients que la taille des cantons, la représentation d’un certain nombre de territoires nécessitent des critères. Le Sénat y avait travaillé, l’Assemblée nationale également. Si chacun s’engage en faveur du scrutin binominal, nous pourrons, je crois, avancer intelligemment sans nous mettre en difficulté par rapport à la jurisprudence constitutionnelle.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien du chantage !

M. Manuel Valls, ministre. Vous connaissez ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, les données de notre débat, et je vous invite très poliment à vous inscrire dans une perspective de dialogue. (M. Bruno Sido sourit.) Mais pour que cet exercice de franchise soit fructueux, chacun doit s’y livrer, chacun doit dire clairement ce qu’il veut et présenter son projet pour nos collectivités.

M. Jean-Claude Lenoir. Donnant-donnant !

M. Manuel Valls, ministre. Chacun doit également, en toute transparence, expliciter les évolutions possibles. Il ne servirait à rien qu’une seule partie fasse des compromis.

M. Manuel Valls, ministre. Un accord, cela se construit ensemble.

M. Didier Guillaume. Absolument !

M. Manuel Valls, ministre. Vous l’avez compris, le Gouvernement y est prêt ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat est aujourd’hui de nouveau saisi des deux projets de loi relatifs à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

Le projet de loi, je le rappelle, a été rejeté le 18 janvier dernier tandis que le projet de loi organique a été adopté à l’unanimité. Le scrutin binominal départemental n’est pas parvenu à réunir une majorité d’adhésion. C’était hier ! (M. Alain Dufaut sourit.) C’est un moment de l’histoire.

M. Jean-Claude Lenoir. Quel ton funèbre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Delebarre, rapporteur. Mais nous sommes ici pour continuer à écrire cette histoire.

Le 26 février dernier, l’Assemblée nationale a voté ces deux projets de loi en en conservant l’architecture générale et en les enrichissant de nombreuses dispositions nouvelles.

Je rappellerai rapidement les travaux du Sénat en première lecture.

Le 19 décembre dernier, notre commission a adopté un certain nombre d’améliorations rédactionnelles ainsi que quelques innovations comme celle, très importante, qu’a proposée notre collègue Pierre-Yves Collombat, qui renverse le principe traditionnel d’acquisition de l’élection en cas d’égalité des suffrages. Désormais, celle-ci serait acquise au plus jeune.

En séance publique, le Sénat a supprimé l’article 2 relatif au mode de scrutin binominal, ce qui a conduit, par cohérence, à rejeter les articles 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 qui proposaient les coordinations nécessaires dans le code électoral à ce mode de scrutin.

Toutefois, avant le rejet global du présent projet de loi, notre Haute Assemblée a adopté le changement d’appellation du conseil général et l’abrogation du conseiller territorial – articles 1er et 25 –, le renouvellement intégral des conseils départementaux tous les six ans – article 4 –, ainsi que la procédure applicable lorsque le nombre de conseillers départementaux non domiciliés dans le département est supérieur au quart de l’effectif du conseil départemental – article 7.

S’agissant du remodelage de la carte cantonale, le Sénat a également supprimé les articles 3 et 23 en raison des inquiétudes exprimées sur la représentation des territoires faiblement peuplés et leur prise en compte dans les politiques départementales. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement, adopté à l’unanimité par le Sénat, qui proposait d’élargir les dérogations aux principes de remodelage de la carte cantonale. Aux dérogations géographiques étaient ajoutés les dérogations démographiques, d’équilibre d’aménagement du territoire, ainsi que le nombre de communes. Ces dérogations auraient été fixées par un décret en Conseil d’État.

Le Sénat a complété le dispositif proposé pour réformer le régime électoral municipal afin d’en préserver la cohérence et de faciliter la vie municipale.

Tout d’abord, pour ce qui concerne l’application du scrutin proportionnel, il s’en est tenu au seuil de 1 000 habitants, raisonnable au regard des conséquences induites par l’élargissement de ce mode de scrutin pour les communes concernées et de l’objectif de parité.

Ensuite, les modalités de candidature et de vote dans les communes de moins de 1 000 habitants ont été complétées sur deux points : d’une part, pour préciser les modalités de publicité des candidatures, que la commission des lois avait rendu obligatoires ; d’autre part, pour interdire à un candidat de l’être dans plus d’une circonscription électorale. En conséquence du principe de l’obligation de candidature, alors que les bulletins de vote incomplets et le panachage ont été maintenus dans les communes de moins de 1 000 habitants, les noms de non-candidats qui y seraient portés ne seraient pas décomptés lors du dépouillement du scrutin.

Sur l’initiative de la commission des lois, le Sénat a complété le projet de loi organique pour aligner le mandat municipal pris en compte au titre de la limitation du cumul des mandats sur le seuil de 1 000 habitants, par référence au critère objectif du seuil du changement de mode de scrutin.

Enfin, pour répondre aux difficultés de candidature, la commission des lois a diminué de deux unités l’effectif des conseils municipaux dans les communes de moins de 500 habitants. Le Sénat, en séance publique, a étendu cette mesure à d’autres catégories de communes ; nous serons amenés à revenir sur ce sujet.

S’agissant du fléchage, le Sénat a souhaité offrir aux collectivités le moyen de mieux coordonner responsabilités communales et intercommunales, en assouplissant le dispositif gouvernemental du « stockage » en tête de liste des candidats fléchés pour le conseil de l’intercommunalité. L’objectif est de concilier, d’une part, la liberté du choix des candidatures fléchées selon des modalités clairement déterminées et, d’autre part, la sincérité du scrutin. C’est pourquoi, dans les communes de 1 000 habitants et plus, la Haute Assemblée a limité la faculté de « flécher » à une partie de la liste seulement. Monsieur le ministre, nous n’avons pas fini de débattre (M. le ministre opine.), y compris du fléchage.

La vacance de siège, pour quelque cause que ce soit, serait pourvue par le suivant de liste.

Afin de conforter la légitimité démocratique des conseils communautaires qui seront élus demain au suffrage universel direct, les candidats qui figureront sur la liste des candidats au conseil municipal apparaîtront aussi séparément sur le bulletin de vote dans l’ordre de leur présentation.

En outre, le Sénat a réglé le cas de la section électorale qui, par le jeu de la répartition des sièges attribués à la commune entre les sections ou secteurs municipaux à la proportionnelle de leur population, ne se verrait attribuer aucun délégué au sein de l’intercommunalité : afin de permettre la participation des électeurs au choix des délégués communautaires, l’élection du ou des délégués s’effectuerait alors pour l’ensemble de la commune comme s’il n’y avait pas de sectionnement.

Je conclurai ce bref rappel de nos travaux en première lecture en mentionnant l’adoption d’une nouvelle dérogation aux critères démographiques de création d’une communauté d’agglomération.

L’Assemblée nationale a retenu l’architecture générale de la réforme des scrutins locaux, laquelle a été prolongée par diverses mesures qui ne sont pas toutes de nature électorale.

Elle a adopté l’ensemble des dispositions relatives au nouveau mode de scrutin des conseillers départementaux ainsi que l’abrogation du conseiller territorial. Elle a apporté plusieurs améliorations rédactionnelles, dont certaines avaient été proposées et adoptées par notre commission des lois ou par le Sénat.

Parmi celles-ci, citons l’article 1er bis, qui réaffirme le rôle du département comme garant de la solidarité sociale et de la solidarité territoriale.

Quant à l’article 5 bis, il allonge le délai interdisant à certains responsables de services départementaux de se présenter aux élections départementales s’ils n’ont pas, au préalable, abandonné leurs fonctions au sein de ce département au moins un an auparavant.

De même, en vertu de l’article 6 bis, tout conseiller départemental qui se serait présenté et serait élu dans un autre canton lors d’une élection partielle serait déclaré démissionnaire d’office par le préfet de département de son mandat en cours, ce qui lui permettrait de conserver son nouveau mandat.

L’article 7 bis dispose, en revanche, que tout candidat qui se présenterait simultanément dans plusieurs cantons, en dépit de l’interdiction posée à l’article 8, qui dispose que « nul ne peut être candidat dans plus d’un canton », perdrait de plein droit ses mandats de conseiller départemental. Le candidat ainsi élu serait déclaré démissionnaire d’office de l’ensemble de ses mandats par le préfet de département.

L’article 8 étend désormais à l’ensemble des cantons la déclaration, pour les binômes de candidats, d’un mandataire financier, aujourd’hui réservé aux seuls cantons de plus de 9 000 habitants.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté, tout en les précisant, les dispositions relatives au remodelage de la carte cantonale.

Ainsi, elle a repris l’amendement que le Gouvernement avait déposé à l’article 3, en séance publique au Sénat, selon lequel, d’une part, le nombre de cantons dans lesquels seraient élus les futurs conseillers départementaux serait égal à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l’unité supérieure impaire et, d’autre part, le nombre de cantons dans les départements de plus de 500 000 habitants ne pourrait être inférieur à quinze. Le nombre des conseillers départementaux à Mayotte a été relevé à 26 pour tenir compte de cette règle de calcul du nombre de cantons impair – article 2 bis du projet de loi organique. La combinaison de ces deux articles permet le maintien de 52 cantons supplémentaires par rapport aux dispositions initiales du projet de loi. (M. Jackie Pierre s’exclame.)

S’agissant des principes encadrant la procédure de remodelage de la carte cantonale, l’Assemblée nationale a repris, dans son esprit, l’amendement que j’avais déposé au nom de notre commission et qui avait été adopté à l’unanimité par le Sénat. Ainsi, les dérogations concerneraient, outre des considérations géographiques et tout autre motif d’intérêt général, des considérations démographiques et d’aménagement du territoire. Ces dérogations ont été complétées afin de préciser les dérogations géographiques pour tenir compte de la superficie, du relief et de l’insularité, et de prendre en compte le nombre de communes pour éviter la constitution de cantons trop étendus.

L’Assemblée nationale a complété le dispositif consacré au régime électoral municipal ; certaines des dispositions nouvelles ont été à l’initiative du Sénat.

À l’article 16, l’Assemblée nationale a étendu le scrutin proportionnel aux communes de 500 habitants. Toutefois, le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, le député Pascal Popelin, a rappelé que les avis étaient très partagés sur le niveau démographique à retenir, mais que, en tout état de cause, un consensus se dégageait pour l’abaisser.

En outre, s’inscrivant dans la voie ouverte par le Sénat, l’Assemblée nationale a généralisé l’obligation de déclarer sa candidature à toutes les communes, quel que soit le mode de scrutin applicable. Elle a, en conséquence, modifié le régime encadrant l’élection municipale dans les communes relevant du scrutin majoritaire et a adapté la situation d’une personne élue le même jour dans plusieurs communes, laquelle serait déchue de plein droit de l’ensemble de ses mandats municipaux. Elle a précisé les mesures de publicité des candidatures. L’article 25 bis réintègre le contentieux municipal dans le droit commun, à l’instar de l’article 10 pour les élections départementales, en supprimant l’exception spécifique au principe de l’effet suspensif de l’appel au Conseil d’État.

Enfin, l’article 18 bis diminue de deux unités l’effectif des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, en conservant parallèlement le même nombre d’électeurs sénatoriaux que celui qui est aujourd’hui en vigueur. Les députés ont donc largement poursuivi la voie ouverte par le Sénat.

L’Assemblée nationale a ajusté le volet intercommunal.

Elle a, tout d’abord, qualifié les membres des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre de « conseiller intercommunal », une appellation qui lui paraît plus conforme à leur nouveau régime de désignation au suffrage universel direct.

L’Assemblée nationale a, ensuite, organisé les conséquences de la suppression, de la dissolution ou de l’annulation de l’élection d’un conseil municipal sur la composition et le fonctionnement de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre auquel appartient la commune concernée en prorogeant le mandat de ses délégués jusqu’à l’élection suivante. L’inéligibilité d’un ou de plusieurs candidats, dans le cadre du scrutin proportionnel municipal, n’entraînerait l’annulation de l’élection que du ou des élus inéligibles, alors remplacés par leurs suivants de liste n’exerçant pas de mandat intercommunal.

Les modalités d’attribution des sièges aux sections électorales de moins de 1 000 habitants qui correspond à une commune associée « Marcellin » ou à une commune déléguée, créée en application de la loi de 2010, ont été remaniées au profit du maire délégué, puis des conseillers municipaux de la section dans l’ordre décroissant du nombre de suffrages obtenus. Par ailleurs, au cas où, par le jeu du scrutin proportionnel, une section n’obtiendrait aucun siège, les sections électorales de la commune seraient supprimées. Cependant, dans les communes de plus de 500 habitants, le territoire de chacune d’entre elles serait alors institué en commune déléguée soumise au régime rénové des communes nouvelles, créé par la loi du 16 décembre 2010.

Sur chacun de ces points, je ne peux pas affirmer que la Haute Assemblée suivra la position de l'Assemblée nationale.

Le tableau de la municipalité, aujourd’hui de nature réglementaire, est légalisé en raison de son intervention dans l’attribution des sièges de conseillers communautaires. Les inéligibilités frappant le mandat municipal ont été complétées pour y intégrer les emplois de direction au sein des services d’un EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, le régime d’incompatibilité entourant le mandat de conseiller intercommunal a été étendu à l’exercice d’un emploi salarié au sein de l’EPCI ou de ses communes membres.

Enfin, de nouvelles retouches aux règles de composition des conseils communautaires ont été apportées.

L’article 20 quinquies repousse de deux mois la date limite fixée aux communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération pour parvenir à un accord sur la répartition des sièges au sein du conseil de l’intercommunalité. Le mandat des délégués des EPCI à fiscalité propre qui fusionneront au 1er janvier 2014 est prorogé jusqu’à l’installation de l’organe délibérant de l’intercommunalité issue de la fusion, dans sa composition résultant des élections de mars 2014. Cependant, durant la période transitoire, un exécutif collégial composé des présidents des établissements fusionnés gérerait les affaires courantes et urgentes.

L’article 20 octies prévoit d’élire au suffrage universel direct les membres du comité d’un syndicat d’agglomération nouvelle et de lui étendre les règles entourant la composition des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs mesures ponctuelles qui ne sont pas toutes de nature électorale.

L’article 19 bis opère dans le régime du cumul des députés européens une coordination analogue à celle qui est effectuée pour les parlementaires nationaux à l’article 1er A du projet de loi organique. Il aligne donc le mandat municipal visé par l’incompatibilité sur le nouveau seuil d’application du scrutin municipal proportionnel.

L’article 20 ter, prolongeant en cela l’initiative sénatoriale, modifie le régime de l’écrêtement indemnitaire, en prévoyant le reversement de l’écrêtement au budget de la personne publique au sein de laquelle l’élu concerné exerce le plus récemment un mandat ou une fonction. Ce dispositif a été étendu aux membres des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon par l’article 2 ter du projet de loi organique.

L’article 21 A règle le sort des indemnités attachées aux mandats de l’élu en situation d’incompatibilité pendant la période du droit d’option qui lui est ouvert pour régulariser sa situation. Tant que celle-ci ne sera pas réglée, l’élu ne percevrait aucune indemnité attachée au dernier mandat acquis ou renouvelé.

L’article 21 B « réaffirme le droit », en interdisant le versement des indemnités perçues par les élus aux partis politiques ou aux candidats par le biais de leur collectivité.

L’article 20 septies prévoit une double dérogation aux critères démographiques de création d’une communauté d’agglomération mais, à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation du présent projet de loi.

Tout en approuvant différentes innovations votées par les députés, la commission des lois a maintenu la position qu’elle a prise en première lecture sur les principaux fondements du texte, tout en adoptant des modifications substantielles. Elle a aussi supprimé certains ajouts de l’Assemblée nationale, soit parce qu’ils soulèvent des difficultés, soit parce qu’ils excèdent l’objet du présent texte.

Concernant le volet départemental, la commission des lois a adopté, outre des amendements rédactionnels, plusieurs modifications, certaines d’entre elles ayant déjà été votées en première lecture.

Ainsi, à l’article 5, la commission a rétabli le principe selon lequel, en cas d’égalité de suffrages entre deux binômes, l’élection est acquise à celui qui comprend le candidat le plus jeune. Le même critère a été retenu pour l’attribution de sièges en cas d’égalité des suffrages au scrutin majoritaire.

La commission a abrogé, à l’article 7, l’article L. 209 du code électoral relatif à la domiciliation des conseillers départementaux et à ses conséquences lorsque les conseillers non domiciliés dans un département représentent plus du quart des membres du conseil. Elle a également adopté le principe selon lequel seuls les deux binômes de candidats arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second tour lors des élections départementales. Mais, sur ce point également, les choses ont évolué.

De même, à l’article 9, la commission a prévu l’organisation d’une élection partielle en cas de vacance d’un siège de conseiller départemental dans un canton.

S’agissant de l’article 23, la commission a introduit plusieurs modifications.

Tout d’abord, elle a élargi le deuxième critère régissant le remodelage de la carte cantonale : toute commune dont la population serait inférieure au dixième de la population moyenne des cantons du département ne pourrait être répartie entre plusieurs cantons.

Ensuite, elle a relevé l’écart entre la population d’un canton et la population moyenne des cantons du même département de 20 % à 30 %.

Enfin, elle a précisé les dérogations aux principes régissant le redécoupage de la carte cantonale, qui seraient définies par un décret en Conseil d’État.

Sur le volet communal, la commission des lois a rétabli le seuil de 1 000 habitants pour l’application du scrutin municipal proportionnel, qui lui paraît l’étiage le mieux ajusté au regard de la diversité et des spécificités communales.

Sur le volet intercommunal, la commission des lois a choisi de donner aux membres des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre le nom de « conseillers communautaires » ; il lui paraît refléter mieux la nature de ces établissements qui sont des « coopératives de projets », selon l’expression pertinente du père de la loi du 12 juillet 1999, notre collègue Jean-Pierre Chevènement.

Par ailleurs, la commission des lois a supprimé le lien de dépendance, introduit par les députés, entre le mandat municipal ou d’arrondissement et le sort du mandat intercommunal.

Elle a également rétabli l’assouplissement des modalités du fléchage sur les listes des candidats au conseil communautaire dans les communes de 1 000 habitants et plus.

En matière de sectionnement électoral, elle a confirmé le mécanisme voté par le Sénat en première lecture : dans le cas où une section électorale ne se verrait attribuer aucun siège à l’intercommunalité, l’élection des conseillers communautaires serait organisée sur l’ensemble du périmètre communal, comme s’il n’y avait pas de sections, afin de respecter le principe de l’égalité des suffrages.

En outre, la commission des lois a simplifié, dans les communes régies par le scrutin majoritaire, le régime des vacances au conseil de l’intercommunalité : celles-ci seront pourvues dans l’ordre du tableau de la municipalité, quel que soit leur motif. Elle a décidé que l’exécutif d’un EPCI à fiscalité propre résultant de la fusion d’établissements au 1er janvier 2014 serait confié, durant la période transitoire s’étendant jusqu’à l’élection de son organe délibérant au mois de mars suivant, au plus âgé des présidents des EPCI ayant fusionné ; du reste, c’est ce que le code général des collectivités territoriales prévoit pour le droit commun des fusions.

La commission des lois a maintenu le dispositif en vigueur pour régler la composition de l’organe délibérant des EPCI à fiscalité propre entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux en cas de fusion ou d’extension de leur périmètre. Elle a écarté l’extension du régime de composition et de désignation des EPCI à fiscalité propre aux syndicats d’agglomération nouvelle ; ceux-ci, en effet, sont des structures de gestion d’une opération d’urbanisme, appelées à disparaître à l’achèvement des travaux d’aménagement.

La commission des lois a supprimé la dérogation expérimentale aux critères démographiques pour la création d’une communauté d’agglomération, en considérant que cette disposition excédait l’objet du projet de loi. Elle a supprimé également l’application des dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, soit parce que la législation relative à l’intercommunalité ne s’y applique pas, soit parce qu’elle prévoit des spécificités.

Enfin, la commission des lois a fixé l’entrée en vigueur de la réforme de l’écrêtement indemnitaire à la date du renouvellement de la collectivité concernée, afin de faciliter la mise en œuvre du nouveau dispositif.

Mes chers collègues, la réforme soumise à notre examen en deuxième lecture renforcera la légitimité des élus. Les innovations qu’elle comporte, dont je ne mésestime pas l’ampleur, permettront d’adapter la loi aux évolutions de la gestion locale et d’accroître la diversité dans la composition des assemblées délibérantes. C’est dans cet esprit que la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu’elle a établi pour le projet de loi organique et pour le projet de loi.

Monsieur le ministre, comme le président Jean-Pierre Sueur et moi-même, la plupart des membres de la commission des lois souhaitent apporter leur pierre à l’édification de la loi. Sans rien renier de nos convictions profondes et sans les sous-estimer, nous avons souhaité travailler avec une volonté constructive certaine. Il convient aujourd’hui de franchir une dernière étape ; elle peut être essentielle pour le Sénat dans son rôle de représentant des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – Mme Jacqueline Gourault ainsi que MM. Jean-René Lecerf et René-Paul Savary applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat et M. Hervé Maurey applaudissent également.)

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 26 février dernier, les députés, à une très courte majorité,…

M. Jean-Jacques Hyest. … ont adopté le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Le texte qui nous parvient de l’Assemblée nationale est très proche du projet initial du Gouvernement que le Sénat avait rejeté en première lecture – M. le ministre s’en souvient probablement… –, faute de pouvoir dégager une majorité sur l’un de ses aspects essentiels : la création de binômes pour l’élection des nouveaux conseillers départementaux.

Assurer une parité absolue sans renoncer au scrutin majoritaire : pour résoudre cette quadrature du cercle, monsieur le ministre, vous avez imaginé une formule bancale, baroque et inconnue sur la planète. En matière de modes de scrutin, on croyait avoir tout essayé. On se trompait : il y aura maintenant le système Valls ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est une manière d’entrer dans l’histoire !

M. Jean-Jacques Hyest. Certes, mais il n’empêche que nos concitoyens n’y comprennent strictement rien ! Le fait est que ce système aboutit vite à des contradictions : par exemple, il ne sera pas possible d’organiser une élection afin de pourvoir un siège définitivement vacant, puisqu’il faudrait la réserver à un homme ou à une femme.

En outre, alors que le Gouvernement prétend maintenir le caractère de proximité du conseiller général, la représentation des territoires ruraux, à laquelle nous sommes nombreux à être très attachés, sur toutes les travées,…

M. Alain Fouché. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest. … va disparaître presque complètement.

M. Alain Fouché. Totalement !

M. Jean-Jacques Hyest. Dans des cantons beaucoup plus vastes, on élira désormais deux élus dont la solidarité ne durera que le temps de l’élection. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr que si ! (Protestations sur les mêmes travées.) Chers collègues de la majorité, vous verrez quand vous aurez à désigner vos candidats ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Gérard Miquel. Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Jean-Jacques Hyest. Certes, la configuration démographique des départements n’est pas homogène ; mais si l’on applique le seul critère démographique, même avec un correctif de 20 %, il y aura de nombreux départements dans lesquels la très grande majorité des élus ne représenteront plus que les grandes villes…

M. Alain Fouché. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest. … ou les métropoles, le secteur rural et périurbain étant abandonné.

M. Alain Fouché. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest. Voyez les élections régionales : le scrutin de liste favorise à l’évidence les représentants des secteurs urbains, quand ce n’est pas ceux des appareils politiques locaux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Hervé Maurey et Christian Namy applaudissent également.)

Que n’a-t-on pas entendu sur les défauts du conseiller territorial ! M. le ministre l’a de nouveau critiqué cet après-midi. Pourtant, cette réforme était à mes yeux une tentative courageuse pour simplifier l’enchevêtrement des compétences et des responsabilités des départements et des régions.

M. Louis Nègre. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest. J’assume le fait de l’avoir votée.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous, nous assumons le fait de l’avoir combattue !

M. Jean-Jacques Hyest. Chers collègues de la majorité, vous qui l’avez combattue, attendez de voir dans quel guêpier vous vous engagez ! De nombreux élus vont s’apercevoir que la solution proposée par le Gouvernement n’est pas la bonne.

M. Didier Guillaume. C’est la meilleure !

M. Jean-Jacques Hyest. Si elle était si merveilleuse, pourquoi ne l’appliquerait-on pas aussi aux députés ?

M. Gérard Longuet. Évidemment !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Chiche !

M. Jean-Jacques Hyest. L’innovation serait intéressante, mais je pense que personne ne s’y risquera !

M. Manuel Valls, ministre. Ne nous donnez pas des idées ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. Reste que l’Assemblée nationale a voté cette mesure et la votera de nouveau en deuxième lecture ; le réalisme nous contraint donc d’essayer d’en limiter les défauts.

M. Henri de Raincourt. C’est difficile !

M. Jean-Jacques Hyest. Pour cela, le plus important est d’augmenter la marge actuellement fixée à 20 %, afin d’améliorer la représentation des territoires.

Certes, on peut nous objecter l’avis rendu par le Conseil d’État sur cette question. Comme d’habitude, son avis ne nous est pas communiqué, mais on finit toujours par y avoir accès – c’est ainsi ! La norme sur laquelle le Conseil d’État se fonde a été fixée par le Conseil constitutionnel pour le découpage des circonscriptions législatives. Or il nous semble que l’alignement sur les élections législatives n’est pas un impératif absolu : s’agissant de gestionnaires locaux des départements, l’élection doit certes se tenir sur une base essentiellement démographique, mais sans négliger la représentation des territoires.

Je vous signale que cette position, adoptée par la commission des lois à deux reprises, vaudrait même si la question du binôme n’était pas posée. En effet, la carte cantonale devait en tout état de cause faire l’objet d’une refonte pour corriger les disparités créées par les mutations démographiques au fil des décennies et même des siècles.

Nous désapprouvons le report des élections régionales, qui ne répond selon nous à aucun motif d’intérêt général. On a dit que le fait d’organiser les cantonales en même temps que les régionales donnerait plus de poids à ces scrutins. Mais croit-on vraiment qu’on clarifie le débat en mêlant les deux ? Le fait s’est déjà produit, avec ce résultat : on n’a plus parlé du tout des départements. Si c’est l’un des buts qu’on poursuit, on va finir par y arriver !

M. Alain Fouché. C’est une vraie sottise !

M. David Assouline. On ne vous comprend pas ! Soyez plus clair !

M. Jean-Jacques Hyest. Quelle raison aussi a-t-on de ramener à 10 % des inscrits le seuil de maintien au second tour, sauf à vouloir susciter de nombreuses triangulaires ? Sur cette question comme sur la précédente, nous verrons quel accueil sera réservé à nos amendements, étant donné que la commission des lois, en première comme en deuxième lecture, a persisté dans sa volonté d’éviter les triangulaires.

Sur le volet communal, diminuer le nombre de conseillers municipaux pour les communes de moins de cent habitants, comme le Sénat l’a prévu en première lecture, peut paraître pertinent, même si ce n’est pas non plus indispensable. Le fait est que, dans des communes de trente habitants, il n’est pas si facile de trouver neuf personnes ! Sans compter que le nombre d’habitants n’est pas le nombre d’électeurs : les premiers peuvent être quatre-vingts et les seconds seulement cinquante.

En revanche, l’extension de cette diminution à toutes les communes de moins de 3 500 habitants, alors que la décision inverse a été prise voilà quelques années, a suscité de nombreuses réserves parmi les élus locaux. La commission des lois a jugé préférable de ne rien changer dans ce domaine.

Concernant le seuil pour l’application du scrutin de liste à l’élection des conseillers municipaux, des points de vue extrêmement différents ont été exprimés, ce que l’on peut tout à fait comprendre. Même si nous souhaitons toujours fixer ce seuil à 1 500 habitants – nous défendrons un amendement en ce sens –, il faut rappeler que l’Association des maires de France s’est ralliée au seuil de 1 000 habitants, ce qui conforte le résultat de la consultation des élus lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat. Monsieur le président, vous conviendrez qu’il ne faut pas balayer d’un revers de main l’opinion exprimée par une majorité d’élus à cette occasion !

MM. Gérard Larcher et Henri de Raincourt. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest. Si les états généraux de la démocratie territoriale n’ont servi à rien, qu’on nous le dise ! Je pense donc que je serai soutenu par le président du Sénat sur ce point.

Mes chers collègues, je vous rappelle que si nous avons voté le projet de loi organique en première lecture, c’est justement en raison de l’abaissement de ce seuil à 1 000 habitants.

M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest. Permettez-moi d’aborder pour finir un autre aspect important du débat : je sens poindre, ne serait-ce que dans l’expression de « conseiller communautaire », un mouvement récurrent visant à effacer progressivement la commune au profit de l’intercommunalité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. C’est ce qu’ils veulent !

M. Jean-Jacques Hyest. Ou plutôt au profit d’une supra-communalité prônée par quelques experts, qui ne se rendent pas compte de la richesse que représente la démocratie locale avec ses 36 000 maires et ses 500 000 élus bénévoles. J’observe d’ailleurs que les mêmes souhaitent aussi l’effacement du département. Nous aurons l’occasion de discuter de ces questions lors de l’examen du projet de loi de décentralisation qu’on nous promet. Je prévois que les débats ne seront pas tristes !

M. Yves Krattinger. C’est vous qui vouliez effacer les départements ! L’avez-vous oublié ?

M. Jean-Jacques Hyest. Au contraire, nous avions opté pour le département en faisant de la région une sorte d’« interdépartementalité » !

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest. Chers collègues de la majorité, si vous n’avez pas compris notre projet, c’est bien dommage ! (M. Yves Krattinger s’exclame.)

M. Bruno Sido. Et c’est grave !

M. Jean-Jacques Hyest. Comme en première lecture, notre groupe soutient l’article 20 du projet de loi dans sa rédaction proposée par la commission des lois, qui ménage une certaine souplesse pour la désignation des délégués des communes dans les intercommunalités. Cette question est également très importante.

M. David Assouline. On ne comprend rien !

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, nous sommes soucieux de la responsabilité du Sénat comme représentant des collectivités locales, mais nous ne pouvons pas renoncer à notre opposition au dispositif qui forme le cœur de votre projet de loi. Toutefois, le groupe UMP aura à cœur de signaler les points sur lesquels nous pouvons parvenir à un consensus.

M. David Assouline. C’est fromage et dessert !

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Assouline, je vous prie de ne pas être insultant, sans quoi je serai forcé d’être beaucoup plus désagréable ! Écoutez donc un peu les autres ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas naïfs au point de croire que le Gouvernement n’a aucune intention électoraliste.

M. Manuel Valls, ministre. Pourtant, je vous l’assure.

M. Jean-Jacques Hyest. Nous verrons bien, à l’issue de nos débats, si la position du Sénat sera confortée sur certains points ; ce serait, de toute façon, un bénéfice pour la démocratie locale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Vincent Eblé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture de ce projet de loi, je commençais mon intervention générale en notant le délai très court dont nous avions disposé pour l’étudier.

Nous débutions en effet nos débats avant même que la commission des lois n’ait pu étudier les amendements déposés. Dans le cadre de la deuxième lecture, la situation ne s’est pas franchement améliorée !

Les amendements en commission ont dû être déposés avant même que le texte ne soit adopté par l’Assemblée nationale, donc avant même que celui-ci ne soit officiellement transmis à notre Haute Assemblée. Par ailleurs, la commission des lois du Sénat a terminé l’examen des amendements dits « extérieurs » voilà simplement deux heures !

Le président du groupe majoritaire déclarait il y a peu à la presse qu’il était temps que les parlementaires soient respectés par le Gouvernement. Pourtant, il s’agit là de conditions d’examen pour le moins limites au regard du droit.

Mme Éliane Assassi. Certes, monsieur le ministre, nous avons bien compris que vous vouliez aller vite, mais sans vraiment prendre le temps d’écouter celles et ceux qui, à l’instar des élus de mon groupe, sont pourtant animés, sur de tels sujets, d’un esprit constructif,…

Mme Éliane Assassi. … comme je l’ai rappelé très précisément au cours de la première lecture.

À l’époque, je vous avais également dit, sur un certain nombre d’articles, notre accord. Nous n’avons pas changé d’avis. Pour ce qui concerne nos points de désaccord, nous avions fait des propositions. Au final, nous nous étions abstenus sur ce texte, afin, disions-nous, de permettre au dialogue de se nouer dans le cadre de la navette. Or, force est de le constater aujourd’hui, il n’en a rien été.

Comme nous sommes têtus,…

M. Louis Nègre. Ce n’est pas une qualité !

Mme Éliane Assassi. … nous restons disponibles, dans l’espoir qu’un accord puisse intervenir, en particulier, sur le mode de scrutin des futurs conseillers départementaux.

Sur ce point, vous connaissez notre attachement de principe au scrutin proportionnel, qui est le seul permettant une représentation démocratique, respectueuse des différents courants de pensées qui traversent notre République. Aussi rappelions-nous de cette tribune, voilà à peine un mois, qu’il s’agissait même d’un principe traditionnellement soutenu par l’ensemble de la gauche. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Quel n’a pas été notre étonnement de vous entendre dire, monsieur le ministre, au cours de nos débats, que ce mode de scrutin ne faisait pas partie de la culture de la gauche, alors même qu’il en est fait usage dans deux scrutins locaux sur trois et, dans certains départements, pour l’élection des sénateurs.

M. Alain Fouché. Mitterrand l’a mis en place en 1986 !

Mme Éliane Assassi. Aussi sommes-nous heureux de vous avoir entendu rappeler devant l’Assemblée nationale l’attachement de la gauche à ce mode de scrutin. Il n’en demeure pas moins qu’il est difficile de vous suivre. Pour ma part, je regarde, j’écoute, mais surtout j’entends : j’ai bel et bien entendu. Donc, il ne reste plus qu’à mettre en place ce type de scrutin.

Dans une récente étude réalisée auprès des délégués intercommunaux, le soutien à ce mode de scrutin est bien plus important que celui qui peut s’exprimer en faveur du binôme que vous continuez pourtant à soutenir. Nos débats en première lecture ont montré que le nombre de défenseurs de la proportionnelle progressait, et ce jusque dans cet hémicycle. En effet, de nombreux amendements de gauche, comme de droite d’ailleurs, visaient à mettre en œuvre, sous différentes formes, ce mode de scrutin.

Mme Éliane Assassi. Si nous avions comptabilisé alors le total des sénatrices et sénateurs favorables à une forme de proportionnelle, il n’est pas sûr qu’ils n’aient pas été majoritaires au Sénat. Certes, les différents modes de scrutin proposés divergeaient en de nombreux points. Il nous semble toutefois que les parlementaires et les citoyens sont prêts à prendre en compte ce mode de représentation. Il eût alors été courageux, monsieur le ministre, d’affronter les interrogations légitimes et les opinions contraires, en proposant, pour les conseillers départementaux, un mode de scrutin respectant le pluralisme et la parité, binôme républicain dont les deux éléments sont indissociables et auquel nous sommes très attachés.

À ce propos, qu’il me soit permis ici de relever un argument souvent utilisé contre ce mode de scrutin, qui met en avant son prétendu manque de lien avec les territoires et les citoyens. Si, lors des élections municipales, chaque liste fait son possible pour que tous les quartiers et les territoires qui composent une commune soient représentés par ses candidats, une liste départementale aura l’impérieuse nécessité, chacun le sait bien, de faire de même, si elle souhaite réunir un nombre important d’électeurs. Selon moi, l’on peut faire confiance au débat électoral pour mettre à l’index les listes qui ne respecteraient pas ce principe.

Enfin, si des élus n’arrivaient pas à enraciner leur action dans un territoire, leur réélection serait difficile. Aussi, la représentation des territoires est possible, nous semble-t-il, avec le scrutin proportionnel.

Qui plus est, notre proposition de repli visait à maintenir un rattachement local. En effet, en instaurant une proportionnelle corrective, elle permettait d’attribuer des sièges à des sensibilités n’ayant pas obtenu, dans les cantons, une juste représentation (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) et de rééquilibrer les écarts en termes de parité. Finalement, pour instaurer la proportionnelle ou en introduire une dose, il aurait fallu que le Gouvernement le souhaite. Telle n’est pas, à l’évidence, votre volonté, monsieur le ministre. Vous avez préféré vous donner l’objectif de renforcer le bipartisme dans la vie politique. Nous le regrettons, d’autant que, s’il est vrai que le binôme que vous proposez de créer assurera une indéniable parité – vous savez combien mon groupe est attaché à ce principe –, il n’en demeure pas moins que cette solution fera reculer le pluralisme, tout en ne permettant pas une réelle représentation des territoires.

En effet, avec le double mouvement de la réforme nécessaire du périmètre des cantons, que nous soutenons, et du projet de binôme regroupant deux cantons en un, les cantons seront dorénavant d’une taille telle que l’on ne pourra plus parler de proximité ni de lien véritable avec des territoires de vie identifiés et reconnus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Une telle situation sera particulièrement ressentie dans les territoires ruraux. Peu à peu, les deux conseillers territoriaux d’un même canton s’éloigneront de leurs électeurs,…

Mme Éliane Assassi. … dans une immense circonscription électorale regroupant parfois plusieurs dizaines de communes.

Aussi, nous vous demandons une nouvelle fois, monsieur le ministre, de revoir votre proposition, qui ferait du scrutin départemental un anachronisme démocratique dans notre pays.

Toutes les autres élections locales permettent une répartition proportionnelle des sièges au sein de leur assemblée. L’élection des sénateurs se fait dans certains départements à la proportionnelle. Il me semble d’ailleurs que vous soutiendrez prochainement un projet de loi visant à élargir encore ce mode de scrutin sénatorial.

Enfin, à la suite de la commission Jospin, vous vous apprêtez à présenter devant nous un texte tendant à introduire une part de proportionnelle pour l’élection des députés. (M. François Patriat s’entretient avec M. le ministre.) Monsieur Patriat, je ne savais pas que l’hémicycle servait aussi, pour les parlementaires, à se faire entendre personnellement par les ministres et leurs cabinets !

M. Henri de Raincourt. Il faut défendre les intérêts de la Bourgogne ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Je ne suis pas sûre que, si je faisais la même chose – mais cela ne m’arrivera jamais –, vous ne m’en voudriez pas !

M. Didier Guillaume. Il n’est pas comme ça ! (Nouveaux sourires.)

Mme Éliane Assassi. Dans ce contexte, dans ce mouvement, pourrions-nous dire, que vous allez initier en faveur de la proportionnelle, votre rigidité sur la question du scrutin départemental paraît inexplicable. Il vous faudra cependant vous en expliquer devant les élus locaux et les électeurs. Nous ne sommes pas sûrs qu’ils soient prêts à entendre des arguments finalement contradictoires.

L’autre point de désaccord concerne, vous le savez, le nouveau mode d’élection des délégués communautaires. Mettant en œuvre les préconisations du comité Balladur contenues dans la loi du 16 décembre 2010 décidée par Nicolas Sarkozy, votre proposition installe une rupture, qui ne fera que s’élargir, entre les communes et les intercommunalités. Certes, ce seront non plus les conseils municipaux qui seront représentés au sein des assemblées délibérantes des intercommunalités, mais des conseillers élus au suffrage universel, appelés à gérer ces structures en toute indépendance, sans tenir compte des élus communaux devant lesquels ils n’auront plus de comptes à rendre.

Ce mode de scrutin est présenté comme une avancée démocratique, car il donne la parole directement au peuple. En fait, c’est un détournement démocratique, car il vise à faire disparaître la commune, qui est la structure démocratique de base de notre République. Par ailleurs, il met à mal, à terme, nos départements, par la place toujours plus grande que les intercommunalités sont appelées à prendre, en élargissant leurs territoires et leurs compétences. Dans l’expression même de notre réalité politique locale, nous sommes passés de la commune au bloc communal. Demain, par un même glissement sémantique, celui-ci deviendra un bloc local intégrant les départements. D’ailleurs, tel est déjà le cas avec les métropoles façon 2010,…

M. Louis Nègre. Mais non, les communes se portent bien dans la métropole !

Mme Éliane Assassi. … et cela le sera encore plus avec la future – quand ? – loi de décentralisation que le Gouvernement prépare.

En outre, vous l’avez reconnu devant nous et rappelé à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, ce mode de scrutin n’est qu’une étape vers une élection totalement indépendante. Vous en fixez même le terme à 2020. Ce faisant, chacun le sait, vous programmez à ce terme l’extinction des communes telles que nous les connaissons aujourd’hui.

M. Éric Doligé. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Leur avenir sera de devenir un cadre administratif de base, un secteur d’une entité bien plus large. Il faut d’ailleurs reconnaître, sur ce point, la clarté de vos propositions et votre honnêteté.

Dans votre projet de décentralisation, pour qualifier la relation entre les communes et les intercommunalités, vous ne parlez plus de coopération, vous parlez bel et bien d’intégration. Ainsi, au lieu de nos 36 000 communes aux pouvoirs étendus, nous aurons 2 500 collectivités territoriales de remplacement, qui les auront finalement totalement intégrées.

Certains parlementaires de votre majorité sont même favorables à une accélération de ce mouvement. Nous aurons d’ailleurs à examiner un amendement de nos collègues écologistes allant en ce sens. Nous nous souvenons également que le président M. Jean-Pierre Sueur avait défendu un amendement de même type au cours de nos débats sur la réforme de 2010. C’est dire le désaccord que nous avons, entre nous, au sein de la gauche !

M. Éric Doligé. On l’a remarqué !

Mme Éliane Assassi. Mais sur ce point, vous êtes assuré de recueillir un vote très largement majoritaire dans notre assemblée, puisque les sénateurs centristes et les sénateurs de droite sont favorables à cette mesure, qui vise à prolonger la loi de 2010. À cet égard, on ne peut leur reprocher un manque de cohérence. (Merci ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

Pour notre part, nous continuons à demander l’abrogation de la loi de 2010 de M. Sarkozy.

Mme Éliane Assassi. Certes, nous sommes bien seuls dans cet hémicycle à défendre une telle proposition,…

M. Gérard Larcher. Absolument !

Mme Éliane Assassi. … mais nous savons que notre avis est partagé par un très grand nombre d’élus locaux. C’est souvent sur cette base, chacun s’en souvient, que le basculement à gauche du Sénat s’est produit. D’ailleurs, cette position a été confirmée par les états généraux de la démocratie territoriale que notre assemblée a organisés. N’oublions pas le résultat du questionnaire auquel 20 000 élus ont répondu.

Sur la question du fléchage, ils étaient une large majorité à demander que l’élection des délégués communautaires continue de se faire dans chaque conseil municipal.

Mme Éliane Assassi. Aussi, si nous avions soutenu cette initiative, c’était non seulement pour écouter les élus, mais surtout pour que ceux-ci soient entendus. Or, sur cette question, le Sénat s’apprête à rester sourd à leur demande. Pas nous !

Enfin, je terminerai mon intervention en réaffirmant notre attachement à l’abaissement du seuil installant le mode de scrutin de liste aux élections municipales. C’est aussi ce que demandaient les élus locaux dans ce questionnaire. Si nous sommes favorables à ce type d’élection dans toutes les communes, nous sommes également prêts à soutenir toutes les avancées permettant d’augmenter le nombre de communes qui y seraient assujetties.

Nous nous souvenons que le seuil de 500 habitants, que nous proposions, avait failli être adopté en première lecture. L’Assemblée nationale a retenu ce chiffre, mais la commission des lois du Sénat a décidé d’en revenir au chiffre de 1 000.

Alors que de très nombreuses voix s’élèvent en faveur d’un abaissement de seuil significatif,…

M. Jean-Jacques Hyest. Pas celle des élus locaux !

Mme Éliane Assassi. … pourquoi cette frilosité de la chambre représentant des collectivités locales ? Pourquoi n’entend-elle pas cet appel à la fin du tir aux pigeons qu’est devenu le mode d’élection dans les plus petites communes, qui ne fait que décourager bon nombre d’élus et raréfier les candidats potentiels aux fonctions électives locales ?

Nous espérons que, dans sa grande sagesse, le Sénat rétablira le texte adopté par l’Assemblée nationale. C’est sur cette note d’optimisme que je conclurai mon propos.

Toujours est-il, monsieur le ministre, que nous ne soutiendrons pas votre texte, sauf coup de théâtre (Ah ! sur les travées de l’UMP.) : d’une part, nos désaccords sont profonds sur deux points essentiels de ce projet de loi et, d’autre part, notre abstention d’ouverture au dialogue, en première lecture, n’a pas été suivie d’effet. J’ai ouvert non seulement les portes, y compris celle de la cave, mais aussi les fenêtres…

M. Jean-Jacques Mirassou. Et la cheminée !

Mme Éliane Assassi. Visiblement, cela n’a pas été suivi d’effet. C’est pourquoi nous ne pouvons que voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC – Mme Corinne Bouchoux et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

M. Henri de Raincourt. Cela ne changera rien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un hebdomadaire de cette semaine titre un bref article : « Les Hollandais ne pensent qu’à ça ». (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Les soutiens de François Hollande préparent déjà son second mandat. (Même mouvement.)

Quelque trois cents personnes, dont une dizaine de ministres, se sont réunies à l’Assemblée nationale dans ce but et un député socialiste d’expliquer que « l’objectif est clair, c’est la réélection de François Hollande en 2017 ».

M. Pierre-Yves Collombat. C’est bien parti…

M. Jean-Léonce Dupont. Lors de la première lecture du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, bon nombre de parlementaires ont dénoncé un texte élaboré à partir de calculs politiciens…

M. Henri de Raincourt. C’est vrai !

M. Jean-Léonce Dupont. … visant à limiter d’éventuelles déroutes électorales lors des prochaines élections locales, mais qui sera destructeur pour l’équilibre entre les territoires urbains et les territoires ruraux. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

À l’aune d’un objectif aussi nettement affiché, à peine neuf mois après l’élection en question, permettez-moi de renouveler ces interrogations et ces inquiétudes quant à la conception de l’intérêt général du Gouvernement, qui fait croire aux élus à une grande consultation-concertation sur une réforme territoriale, mais qui présente au Parlement des projets de loi répondant aux intérêts d’un seul parti.

M. Jean-Léonce Dupont. S’agissant du fond du texte examiné aujourd’hui, je comprends la nécessité de tenir compte des évolutions démographiques et donc de réduire l’écart de population entre les cantons, car la carte cantonale de certains départements – ce n’est pas le cas du Calvados – n’a pas été revue depuis fort longtemps.

Je reconnais aussi que le changement de dénomination de l’institution et des élus, respectivement en conseil départemental et en conseiller départemental, sera plus explicite pour nos concitoyens.

Mme Françoise Férat. C’est sûr !

M. Jean-Léonce Dupont. J’approuve également le principe du renouvellement complet du futur conseil départemental tous les six ans, mais je suis particulièrement inquiet des conséquences du redécoupage de la carte électorale tel qu’envisagé par le Gouvernement et du mode de scrutin retenu.

Un sénateur du groupe UMP. Il a raison !

M. Jean-Léonce Dupont. L’article 2 du projet de loi prévoit un nouveau mode de scrutin aux élections cantonales, bientôt départementales : les candidats se présenteront en binôme, un homme-une femme (Une femme-un homme ! sur plusieurs travées.), une femme-un homme, bien sûr,…

Mme Françoise Férat. C’est mieux !

M. Jean-Léonce Dupont. … au scrutin majoritaire à deux tours, dans un canton redécoupé.

Je dois admettre que le mode de scrutin proposé est créatif, mais d’une créativité similaire à celle qui fut à l’origine des 35 heures, celle que personne ne nous envie, celle que personne ne copie. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Jean-Léonce Dupont. Même notre rapporteur soulignait dans son rapport de première lecture que ce « nouveau mode de scrutin binominal ne dispose d’aucun équivalent dans les scrutins électoraux applicables dans d’autres pays ».

Mes inquiétudes quant à cette réforme portent non pas sur l’affichage d’une nouvelle exception française, mais sur les conséquences du système envisagé.

Sous couvert d’améliorer la parité des élus départementaux, un binôme mixte, solidaire pendant la campagne électorale, puis indépendant une fois élu, a été imaginé. J’ai les plus vives interrogations quant au fonctionnement, à l’entente efficace dans la durée pour le canton et sa population de ce fameux couple imposé.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une vision pessimiste !

M. Jean-Léonce Dupont. Je formule plutôt des craintes quant au développement d’une compétition entre eux.

M. Jean-Jacques Mirassou. Une émulation !

M. Jean-Léonce Dupont. Plus graves seront les ruptures et fractures entre les territoires.

Jusqu’à présent, un fragile équilibre existait entre la représentation de la population, avec les élections législatives et régionales, et la représentation des territoires, avec les cantonales et les sénatoriales. Si, demain, on applique le nouveau mode de scrutin avec le redécoupage annoncé de la carte cantonale, c’est inévitablement un basculement qui va s’opérer, avec un affaiblissement important de la représentation des territoires ruraux…

M. François Patriat. C’est faux ! Il fallait prendre en compte la démographie !

M. Jean-Léonce Dupont. … et le travail du futur conseiller départemental, entre celui qui représentera un quartier d’une ville et celui qui représentera entre soixante et cent communes rurales. (M. Claude Domeizel s’exclame.) Il lui faudra du courage, ne serait-ce que pour participer aux différents repas des anciens !

Ainsi, dans le Calvados, pour atteindre uniformément la moyenne départementale requise, les cantons redécoupés devront réunir trois ou quatre cantons ruraux actuels.

Un sénateur du groupe UMP. Absolument !

M. Jean-Léonce Dupont. C’est le rôle de péréquation du conseil général dans l’aménagement du territoire qui sera mis à mal. Vous le savez tous, mes chers collègues, le conseil général est le premier partenaire des communes et des communautés de communes ; il est également présent dans chaque canton auprès des très petites entreprises et du monde agricole.

Nos territoires ne constituent pas seulement un nombre équivalent d’individus et de familles ; ce sont des espaces de vie avec leur histoire, leur géographie, leurs spécificités, leurs activités différenciées, qu’elles soient économiques ou liées à la préservation de la ruralité et de l’environnement.

Ils constituent également un maillage de villes et de villages où les problèmes et les projets de développement ne peuvent se réduire à une simple approche arithmétique.

C’est pourquoi, afin de maintenir une représentation optimale des territoires, sans retenir comme unique critère une approche arithmétique, je suis partisan, comme mon collègue Hervé Maurey, dont j’ai cosigné les amendements qu’il a déposés à cette fin, d’un mode scrutin mixte combinant le recours au scrutin majoritaire dans les zones rurales et l’instauration d’un scrutin proportionnel à un tour, avec prime majoritaire dans les zones urbaines.

M. Alain Fouché. Très bonne formule !

M. Jean-Léonce Dupont. Un tel dispositif, combiné avec un redécoupage des cantons qui respecterait autant que possible les périmètres des intercommunalités afin d’assurer une cohérence territoriale, garantirait le respect des territoires ruraux et la juste représentation des territoires urbains.

En outre, il assurerait la nécessaire émergence de majorités stables au sein des assemblées départementales et le respect de la parité.

À défaut de retenir un tel mode de scrutin mixte, ce texte, tel que l’ont adopté les députés, je dois le reconnaître, contient, s’agissant du volet départemental, deux avancées significatives qui traduisent une évolution dans la prise en compte de la cohérence territoriale.

Premièrement, le nouvel article 1er bis, voté sur l’initiative du groupe UDI de l’Assemblée nationale, précise dans le code général des collectivités territoriales que le conseil général « représente la population et les territoires qui le composent ». Est ainsi réaffirmé le rôle du département comme garant de la solidarité sociale et de la solidarité territoriale. J’en conclus que tout projet de redécoupage devra prendre en compte non seulement la démographie, mais également la représentation des territoires du département. Je me réjouis que la commission des lois propose d’adopter cette disposition sans modification.

Deuxièmement, à l’article 23, relatif aux principes encadrant la procédure de remodelage de la carte cantonale, les députés ont élargi les dérogations possibles afin qu’il puisse être tenu compte de « considérations géographiques […], de répartition de la population sur le territoire, d’aménagement du territoire ou par d’autres impératifs d’intérêt général ».

J’espère que le Sénat poursuivra en ce sens, prenant mieux en compte les zones à faible densité de population, mais également la cohérence territoriale.

L’ancrage territorial des élus au sein de leur circonscription, à l’origine d’un lien de proximité entre ces derniers et leurs électeurs, est ainsi moins mis à mal que dans le projet de loi initial.

Au final, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je demeure opposé à ce texte, lourd de conséquences pour les territoires, et je désapprouve les calculs politiciens qui sous-tendent actuellement les textes modifiant le droit électoral (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) : redécoupage de la carte électorale, modification du mode de scrutin cantonal à un an des élections (M. Yves Krattinger s’exclame.), modification du calendrier électoral, abaissement du seuil de maintien au second tour des binômes, multipliant ainsi les risques de triangulaires, modification à venir du mode de scrutin sénatorial,…

M. Rémy Pointereau. Tripatouillages !

M. Jean-Léonce Dupont. … autant d’éléments qui me font craindre que les seules motivations du Gouvernement sont électoralistes et non liées à l’intérêt général et à un meilleur fonctionnement de notre démocratie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard. (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte relatif à l’élection des conseillers départementaux et municipaux et des conseillers communautaires nous revient de l’Assemblée nationale, un peu comme une rose dont la tige serait plus chargée d’épines que le texte initial du Gouvernement. (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Henri de Raincourt. C’est le parti socialiste !

M. Jacques Mézard. Ce n’est point une surprise : à l’activisme des députés, s’est ajouté, et cela nous concerne, le fait que le Sénat, en ne votant pas l’article 2 – nous, nous l’avions voté –, avait pris le risque d’écarter un débat qui avait tout son sens dans la Haute Assemblée,…

M. Jacques Mézard. … à laquelle, faut-il le rappeler, l’article 24 de la Constitution donne mission – et c’est encore vrai pour le moment – de représenter les collectivités territoriales.

M. Jacques Mézard. On ne peut reprocher au ministre de l’intérieur d’avoir initié un projet de loi relatif aux élections départementales et municipales ; c’était une obligation. Premièrement, le conseiller territorial avait été créé par la loi et la nouvelle majorité s’était engagée à le supprimer, d’ailleurs avec le soulagement implicite de nombre d’élus de l’ancienne majorité (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) ; deuxièmement, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel indiquaient fermement que les déséquilibres démographiques entre cantons devaient être impérativement modifiés.

L’enterrement du conseiller territorial fut célébré dans la joie ; la naissance du conseiller départemental est vécue dans l’inquiétude et l’incompréhension…

M. Bruno Sido. Dans la douleur !

M. Jacques Mézard. … dues à l’arrivée inopinée de deux faux jumeaux de sexe opposé.

M. Alain Dufaut. Très bien !

M. Jacques Mézard. Il fallait donc imaginer et construire un nouveau dispositif en respectant des équilibres démographiques, tout en tenant compte de la réalité et de la diversité des territoires et en intégrant l’objectif de parité. Très simplement, cela ressemble un peu à la quadrature du cercle !

La solution la plus simple, celle qui aurait créé le moins de remous et qui aurait eu notre préférence, eût été, en conservant le système électoral actuel, de remodeler les cantons pour remédier aux déséquilibres démographiques. (Bien évidemment ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. J’entends votre objection : cela ne résoudrait pas la question de la parité, laquelle n’évoluerait que lentement malgré la mise en place des remplaçants des conseillers généraux. C’est une objection recevable, même si la recherche mathématique et systématique de la parité aboutit parfois à des solutions peu raisonnables.

M. Rémy Pointereau. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. On vient de vivre la séquence du binôme dans la présidence des groupes parlementaires – avec l’issue que l’on connaît – ; à quand le binôme à la présidence de la République ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Hervé Maurey, Jean Boyer et Gilbert Barbier applaudissent également.)

La solution de l’élection départementale à la proportionnelle avait été envisagée ; vous l’avez écartée, monsieur le ministre, et nous vous en remercions, car si la proportionnelle permet de résoudre positivement la question de la parité, elle présente des défauts considérables à nos yeux, le premier étant de couper le lien entre l’élu et le territoire, lien qui, selon nous, est un élément essentiel de la vie démocratique.

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Jacques Mézard. Le système est bien sûr désiré ardemment par les militants et les professionnels de la politique, les futurs élus étant choisis dans les sections des partis dans des conditions que l’on connaît trop. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

De fait, avec un tel système, les électeurs choisiraient la tête de liste, futur président du conseil départemental, mais pas les suivants de liste. Vous en avez un exemple pratique avec les conseils régionaux : les électeurs connaissent et choisissent le président du conseil régional,…

M. Jacques Mézard. … mais dans les départements ils ignorent totalement le nom et même l’existence des conseillers régionaux.

M. Rémy Pointereau. Effectivement !

M. Jacques Mézard. Certes, les exécutifs fonctionnent avec une majorité stable, mais est-ce une bonne illustration de la représentation démocratique ?

M. Jacques Mézard. Je n’en rajouterai pas une couche avec les circonscriptions des députés européens, caricature s’il en est de l’expression démocratique et de la confiscation du pouvoir par des apparatchiks de quelques partis que l’on ne revoit jamais dans les circonscriptions après l’élection.

M. Rémy Pointereau. Exactement !

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, la proportionnelle aurait pu être retenue uniquement dans les zones très urbanisées.

Un sénateur du groupe UMP. Bravo !

M. Jacques Mézard. Il y a bien, pour l’élection sénatoriale, deux modes de scrutin différents, à étiage flottant selon le pouvoir en place. Vous auriez pu conserver le scrutin actuel hors zones urbaines, mais en fait cela avait un inconvénient politique pour le parti majoritaire. En général, on préfère partager le bien des autres plutôt que le sien. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Après avoir éliminé le système actuel et la proportionnelle départementale, il fallait trouver un autre dispositif : le binôme s’est imposé soudainement, présenté comme le moins mauvais des systèmes, sans d’ailleurs que l’on identifie le vrai père ou la vraie mère dudit système. C’est comme pour le conseiller territorial, cela soulève tellement d’enthousiasme qu’aucun doigt ne se lève pour revendiquer l’idée géniale ! (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.)

Ce qui est regrettable, c’est d’avoir considéré, sans une véritable concertation préalable – j’entends par concertation non un aimable entretien d’information, mais une réunion de travail –, que c’était le seul système possible. Notre collègue Pierre-Yves Collombat (Ah ! sur quelques travées de l'UMP.) a démontré par ses propositions sur un scrutin proportionnel calé sur les intercommunalités que l’on pouvait conjuguer représentation du territoire et parité. Cette idée méritait en tout cas d’être étudiée.

Le binôme va passer en force à l’Assemblée nationale. Des voix de députés, grandes et petites, l’ont proclamé dans un garde-à-vous impressionnant, signature de la Ve République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) De ce côté-là, vous avez fait fort pendant longtemps !

M. Bruno Sido. On sait pour quoi on a voté !

M. Jacques Mézard. Le système du binôme n’existe dans aucun autre pays du monde. La France innove, donne l’exemple et à cet instant je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler cette phrase de Jean-François Revel : « Depuis que la France rayonne, je me demande comment le monde entier n’est pas mort d’insolation. » (Sourires.)

Mais puisque le binôme va illuminer notre démocratie, monsieur le ministre, ne soyez pas sourd au message qui remonte de nos territoires, aux petites voix de nos petits territoires trop méconnus dans les visions de l’Île-de-France.

Sur le principe, nous ne sommes toujours pas convaincus de la constitutionnalité du scrutin binominal, de la soustraction au principe de l’individualisation de l’égalité de représentation. Peut-on concevoir une individualisation binominale ?

Nous ne sommes pas davantage convaincus du choix de la procédure réglementaire sur le découpage des cantons,…

M. Jacques Mézard. … car il nous semble que, dans la mesure où il s’agit d’une modification générale de circonscriptions électorales, cela relève plutôt de la procédure législative. (M. Bruno Retailleau opine.)

Surtout, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi est ressenti dans nos départements qualifiés de « ruraux » comme un facteur supplémentaire de déséquilibre territorial,…

M. Jacques Mézard. … de fracture territoriale à l’intérieur même de nos départements. Quand vous ajoutez, couche après couche, les questions de péréquations départementales, lamentablement dévoyées par le vote du 16 décembre de l’Assemblée nationale, les questions de carte scolaire, d’avenir ou non des sous-préfectures,…

M. Jacques Mézard. … de retrait des services de l’État – aggravé par une RGPP aveugle, chers collègues de l’opposition –,…

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Rémy Pointereau. C’est la MAP !

M. Jacques Mézard. … vous devez comprendre, monsieur le ministre, que la création d’immenses cantons ruraux regroupant un nombre considérable de communes, avec la disparition de nombreux chefs-lieux de canton – évidemment, à Paris, on ignore ce qu’est un chef-lieu de canton (M. Robert Tropeano opine.) – qui entraînera des conséquences malgré les propos rassurants figurant dans le rapport, ne peut qu’inquiéter et angoisser nombre d’élus locaux – pas seulement ceux qui vont être euthanasiés par cette loi – et de nos concitoyens.

M. Alain Fouché. Très bien !

M. Jacques Mézard. La France rurale avait peur du conseiller territorial, elle l’exprima par le vote sénatorial de 2011 ; aujourd’hui, elle est inquiète du binôme (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.), elle l’exprimera demain. (Applaudissements sur les mêmes travées. – M. Hervé Maurey applaudit également.) En effet, cette France a constaté l’abandon depuis plusieurs années d’une véritable politique d’aménagement du territoire, la concentration du développement économique autour des métropoles nationales et régionales, l’ajout de la fracture numérique aux autres handicaps dont les déserts de santé. Ne croyez pas, monsieur le ministre, que je m’éloigne du débat ! Je suis bien au cœur du sujet. Ne nous cachons pas derrière des paravents. Oui, le présent gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé, se refuse à dire clairement quel avenir au moins à moyen terme il entend réserver aux départements. Est-ce l’évaporation balladurienne ? Est-ce une recomposition ? Toutes visions, toutes prospectives sont souhaitables, respectables, à condition de les exprimer.

Un sénateur du groupe UMP. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Certes, le Président de la République a dit faire confiance au Sénat pour réécrire le projet de loi de Mme Lebranchu (Sourires sur les travées de l'UMP.) – les ministres concernés ont dû apprécier ! –, mais voulez-vous faire confiance au Sénat pour réécrire le « projet binôme » et demain le « projet non-cumul » ?

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Jacques Mézard. Nous sommes à votre disposition. (M. Hervé Maurey applaudit.)

Dans cette optique et dans un esprit constructif, il faut, monsieur le ministre, que vous entendiez qu’il n’est pas raisonnable de se cramponner à la règle du plus ou moins 20 % pour la création de nouveaux cantons (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.), que le système de dérogation particulière en fonction des zones de montagne ou littorale, ou autres, serait purement arbitraire, injuste et source de multiples contentieux.

Oui, comme nous l’avons proposé en première lecture, et comme la commission des lois l’a à juste titre accepté, il faut retenir la règle du plus ou moins 30 % qui seule évitera la création de cantons gigantesques sans aucune cohérence, ne permettant plus une représentation efficace et juste des populations concernées.

Oui, un conseiller départemental doit avoir une vision globale de l’action à mener dans son département, mais cette action globale ne peut ni ne doit abandonner les cantons les moins peuplés, où les handicaps géographiques sont les plus lourds.

Un canton au sein d’une grande ville n’a rien à voir avec un canton en zone de montagne. (M. Robert Tropeano opine. – Marques d’approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. C’est toute la difficulté de l’exercice. Il est des territoires où la suppression d’un canton sur deux aura des conséquences dommageables et je déplore une nouvelle fois que l’utilisation stricte de l’article 40 de la Constitution ait balayé nos amendements relatifs au nombre de cantons.

Je dirai un mot sur le seuil du scrutin pour accéder au second tour de l’élection. Nous avons toujours défendu un seuil assez bas pour préserver l’expression des partis minoritaires. Nous comprenons néanmoins l’attachement de l’UMP au seuil de 12,5 % pour éviter la représentation des extrêmes populistes. En revanche, nous refusons le système voté par la commission réservant le deuxième tour aux deux premiers. Il y en a assez avec l’élection présidentielle. Ne bipolarisons pas à outrance la vie politique locale !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission a remis ce principe en cause ce matin.

M. Jacques Mézard. Je ne doutais pas qu’elle le ferait, monsieur le président Sueur. Cela prouve l’évolution de la commission au fil des heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Elle vous écoute !

M. Jacques Mézard. Quant à l’élection des conseillers municipaux et communautaires, nous avons approuvé l’essentiel des dispositions qui sont proposées, sous réserve de certains amendements. Nous avons beaucoup lutté pour que le seuil d’application du scrutin de liste reste, comme le prévoyait le projet de loi, à 1 000 habitants. Descendre à 500 habitants aurait des inconvénients majeurs, surtout dans la constitution de plusieurs listes. En corollaire, le Sénat avait voté à l’unanimité mon amendement en diminuant le nombre de conseillers municipaux uniquement pour les communes de moins de 100 habitants. Car quel intérêt de diminuer le nombre de conseillers municipaux, ils sont bénévoles, attachés à leurs communes et constituent un élément de lien social irremplaçable ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Jacques Mézard. En outre, la représentation dans les intercommunalités par les maires des petites communes qui seront seuls surchargés de travail justifie de ne pas diminuer le nombre de conseillers municipaux.

Enfin, concernant l’élection des délégués communautaires, favorables au fléchage, nous souhaitons la plus grande liberté et la plus grande simplicité dans le dispositif.

Vous le savez, monsieur le ministre, ce texte suscite parmi les sénateurs du RDSE bien des interrogations. Parce que nous sommes viscéralement convaincus de la nécessité du lien direct entre l’élu et le territoire, de l’indispensable représentation non seulement des citoyens mais aussi des territoires, il est des orientations qui nous inquiètent. Notre groupe exprimera vraisemblablement des votes divers en fonction des différentes sensibilités qui s’y expriment librement.

Monsieur le ministre, vous exprimez une conception de la République que nous partageons sur bien des points. Je comprends que le vote du Sénat ne vous satisfasse pas, mais n’écartez pas ce qu’il exprime, non contre votre personne, dont nous apprécions jour après jour l’action et le travail, mais pour une conception de notre République et de son organisation que les réformes doivent non pas fragiliser, mais conforter. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l’UMP. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous apprêtons à vivre un nouveau marathon sénatorial pour la deuxième lecture de ce projet de loi concernant les élections départementales et la désignation des conseillers communautaires !

Ma plus grande espérance – parler d’espoir serait trop terre à terre – est que notre nouveau débat soit plus à la hauteur que le précédent, plus respectueux de nos futures collègues qui feront leur entrée dans nos assemblées départementales.

Elles n’y seront pas des gadgettes, ni une prime, pour le repos de l’élu. Elles n’auront pas à faire leur preuve et les administrations auront toujours le pouvoir que nous, élus, leur laisserons, notamment par notre absentéisme.

Elles seront des politiques, car elles le sont déjà. Elles seront aussi responsables que les hommes du bien-être de la société, après avoir été pendant des siècles les fées du foyer.

Elles auront les défauts des hommes, leurs incompétences, mais aussi leurs qualités et leur pugnacité,…

Mme Hélène Lipietz. … comme vous et moi !

Bref, j’espère que la honte de nos précédents débats passera aux oubliettes de la toute petite histoire. Reste le regret de n’avoir su faire que le texte présenté à l’Assemblée nationale soit notre texte, c’est-à-dire le texte du Sénat, en lieu et place du texte du Gouvernement.

Certes, nous, les écologistes, avons contribué au rejet du projet de loi par la Haute Assemblée – nous en sommes conscients –, mais ni plus ni moins que les autres groupes.

Avons-nous su nous entendre sur la rénovation de nos institutions ? Avons-nous su trouver le plus petit dénominateur commun possible pour nous retrouver alors que nous sommes si opposés ?

Entre les partisans du conseiller territorial, les adversaires du scrutin binominal, les tenants du tout proportionnel et ceux qui refusent toute proportionnalité, entre les partisans de l’intercommunalité et ceux qu’elle effraie, sans oublier un gouvernement incapable d’entendre même les propositions de forme que je lui présentais, parce qu’elles émanaient d’une écologiste, la précédente discussion n’a pas pu, n’a pas su trouver le chemin du compromis. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Puisse cette nouvelle discussion permettre enfin une véritable écoute de tous les avis ! Elle a déjà bien commencé dès l’étude en commission des lois. Ainsi, nous avons acté le renversement du privilège de l’âge, que l’Assemblée nationale n’avait pas repris.

J’en fus étonnée, car je pensais que l’Assemblée nationale, constituée d’élus plus nombreux, plus jeunes et plus dynamiques (Exclamations sur plusieurs travées.),…

Mme Jacqueline Gourault. Comment ça, « plus dynamiques » ?

Mme Hélène Lipietz. … aurait bien compris notre démarche.

La loi, la politique n’est pas faite pour le passé, elle est faite pour l’avenir. Il faut savoir passer la main en accompagnant les plus jeunes et non en se cramponnant aux bras de son fauteuil, aussi confortable soit-il. (Mmes Muguette Dini et Françoise Férat sourient.) Ce n’est donc pas une affaire de jeunesse, c’est une affaire de sagesse. (M. Alain Gournac s’exclame.)

Pour revenir sur cette vieille coutume de la primogéniture, qui n’a d’autre légitimité que le poids des ans, voire des siècles, j’évoquerai les arguments mis en avant par l’Assemblée nationale, selon laquelle « ce ne serait pas le bon véhicule législatif, il faudrait une loi plus générale qui s’occupe de l’ensemble des codes, on ne renverse pas un principe sans en mesurer les conséquences… ».

Vous observerez comme moi que, eu égard à l’encombrement parlementaire actuel, et malgré le rythme soutenu de nos travaux, il est possible de douter que le Gouvernement aura le temps de s’attaquer au toilettage de l’ensemble de nos codes législatifs, dont certains ont bien besoin !

Lorsque nous en avons la possibilité, il faut corriger ce que le temps et l’histoire ont rendu obsolètes ; attendre est parfois une forme de lâcheté et un renoncement, à moins que ce ne soit un conservatisme craintif.

En reprenant, comme je le lui suggérais, ses amendements de première lecture, dès la première séance de la commission des lois, nous avons fait preuve de clairvoyance et mis fin à la légende d’un Sénat conservateur : nous avons innové en faisant confiance aux moins vieux, nous les moins jeunes.

Mme Nathalie Goulet. Il était temps que vous arriviez !

Mme Hélène Lipietz. Cependant, nous avons rappelé que l’expérience vient parfois avec l’âge et que celui-ci ne doit alors être que le second critère : c’est ainsi que, pour l’élection à la présidence du conseil départemental, l’expérience dans le mandat prime, l’âge n’étant que le second critère. En effet, être âgé laisse présumer une meilleure connaissance du terrain – peut-être à tort –, mais cette présomption est légitime.

Nous oublions quelquefois certaines dispositions abrogées qui continuent à servir de références à d’autres articles ! Aussi, je proposerai un amendement de coordination qui règle l’un de ces problèmes.

Eh oui, parfois, en voulant corriger et simplifier, on introduit de nouvelles références à des articles abrogés ! Il faut dire que Légifrance est compliqué à utiliser, apparemment même dans les cabinets ministériels !

Curieusement, l’Assemblée nationale, plus conservatrice sur les questions d’âge, le fut moins concernant le seuil du nombre d’habitants pour l’application du scrutin de liste dans les petites communes en l’abaissant à 500, là où notre assemblée, pourtant représentante des collectivités locales, a préféré maintenir ce seuil à 1000 habitants en excluant de fait près de 75 % des communes françaises et en les abandonnant aux petits arrangements entre amis ou ennemis !

Je proposerai, comme d’autres, une série d’amendements pour rétablir ce seuil à 500 habitants. (Brouhaha ! sur les travées de l’UMP.)

M. Joël Labbé. Ne vous laissez pas impressionner !

Mme Hélène Lipietz. Je ne me laisse pas impressionner, je préfère baisser le ton.

Je vous rappelle ce que je disais lors de l’examen du texte en première lecture : ce scrutin binominal n’a qu’un seul mérite, c’est celui de la parité !

M. Philippe Kaltenbach. C’est déjà pas mal !

Mme Hélène Lipietz. C’est bien, mais la parité, comme les femmes, n’est pas un gadget. C’est le seul moyen pour qu’enfin non seulement le suffrage mais aussi les responsabilités politiques deviennent universels.

De fait, avec cette proposition, un élu cantonal sur deux va perdre son mandat, sans avoir démérité, sans avoir été censuré par les électeurs, mais combien de femmes, depuis des siècles ou simplement depuis 1945, n’ont pas eu accès aux postes éligibles parce qu’elles étaient toujours inscrites comme suppléantes ou victimes d’une entente masculine souvent tacite ?

Oui, je sais que nombre de nos élus départementaux vont être éliminés. Je les plains sincèrement... Mais je plains aussi toutes les femmes qui ont voulu être élues pour porter les couleurs de leur parti, de leurs idées et qui n’ont pas trouvé de place, ou alors dans des cantons « ennemis », ingagnables qu’elles ont pourtant parfois gagnés, « par hasard », disaient certains messieurs...

Par ailleurs, nous, les écologistes, vous proposons pas moins de quatre manières différentes d’introduire la proportionnelle dans le mode de scrutin pour l’élection des conseillers départementaux, y compris des dispositifs dans lesquels il y a un ancrage local, et deux manières différentes de l’introduire pour l’élection des conseillers communautaires !

Parmi ces options, il y en a une qui devrait plaire particulièrement à nos partenaires socialistes, puisqu’il s’agit de tenir un des engagements du Président de la République,…

Mme Hélène Lipietz. … l’engagement 48, visant à introduire une dose de proportionnelle – nous ne demandons pas tout ! – pour l’élection des parlementaires ! Cet engagement est d’ailleurs repris dans les recommandations du rapport Jospin sur la moralisation de la vie publique.

J’affirme que les écologistes sont sur ce point les premiers soutiens du Président de la République, en espérant que nos collègues de gauche nous rejoindront dans cet effort.

C’est pourquoi j’espère vivement que les positions évolueront lors de cette deuxième lecture afin que nous introduisions au moins une toute petite dose de proportionnelle. Un peu de représentativité dans notre démocratie qui en a bien besoin. Un peu, beaucoup, voire passionnément de proportionnelle, tant nous en avons besoin pour que le débat d’idées revienne au centre de la politique afin de permettre aux citoyens et citoyennes de croire encore à la puissance de leur vote.

Vous savez aussi, eu égard au nombre des amendements que j’ai déjà déposés, que les écologistes ne peuvent se satisfaire de la confiscation, par les intérêts communaux, de l’intérêt général des intercommunalités pour lequel nous avons un profond attachement.

Tant qu’il n’y aura pas de listes autonomes représentant le projet d’intercommunalité, tant qu’il n’y aura pas d’élu indépendant des listes municipales, les intercommunalités resteront le pâle reflet des intérêts des communes alors qu’elles doivent être le moteur d’une nouvelle organisation territoriale, gage d’économie de moyens et de pertinence des réponses publiques aux attentes des habitants.

Il faut inventer la France de demain, où les communes resteront la base de la vie sociale et les intercommunalités seront les porteurs de la cohérence territoriale.

Bref, il nous faut passer au XXIe siècle ; cette loi nous y invite, sachons aller de l’avant. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France va mal ! (Oui ! sur les travées de l’UMP.) Nous devons donc nous intéresser à l’essentiel. Ce texte est-il l’essentiel pour résoudre les problèmes que notre pays connaît ? (Non ! sur les mêmes travées.) J’ai tendance à penser que le prochain texte sur la décentralisation sera bien plus grave que présent projet de loi.

Monsieur le ministre, à mon sens, le binôme ne mérite pas toutes les critiques dont il est l’objet (M. Bruno Sido sourit.). En effet, certains commettent des erreurs d’appréciation : quand on est élu sur un territoire, c’est pour gérer non pas ce territoire, mais le département.

M. Didier Guillaume. Évidemment !

M. Philippe Adnot. Tous ceux qui prétendent que les élus en binôme se disputeront, par exemple pour savoir qui se rendra à telle inauguration, se trompent. Le conseiller général n’est pas le gestionnaire de son canton ni le président de l’intercommunalité ; il est là pour participer à l’animation, écouter, représenter…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est tout à fait vrai !

M. Philippe Kaltenbach. Paroles de bon sens !

M. Philippe Adnot. On ne combat pas bien ce texte en faisant des erreurs d’appréciation et en formulant des critiques qui, de mon point de vue, n’ont pas lieu d’être.

En revanche, on peut vraiment s’interroger sur la nécessité d’organiser notre société en exigeant 50 % d’hommes et 50 % de femmes. Jusqu’où va-t-on aller ?

Je m’adresse particulièrement à ceux de nos collègues qui sont présidents de conseil général : demain, les assistantes sociales devront-elles compter 50 % d’hommes ?

M. Philippe Adnot. Jusqu’où allons-nous pousser le bouchon ? Quel est le bon critère ?

À un moment donné, il faut savoir raison garder ! Nous aurions très bien pu favoriser la représentation des femmes, qui me paraît absolument essentielle, en adoptant une réforme pour laquelle j’avais proposé un amendement visant à conserver le système actuel en milieu rural et à appliquer la proportionnelle en milieu urbain.

Mes chers collègues communistes et Verts, si vous acceptiez de vous rallier à nos amendements,…

Mme Éliane Assassi. Cela ne sera pas possible !

M. Philippe Adnot. … vous auriez déjà en partie satisfaction, et le Sénat pourrait ainsi faire preuve d’originalité en adoptant un dispositif plus équilibré qui sera débattu en commission mixte paritaire.

Même si cette solution n’était pas retenue, le redécoupage proposé avait de toute façon été prévu par la loi précédente, ainsi que la suppression des chefs-lieux de canton par la fusion des petits cantons.

M. Philippe Adnot. Pour ceux de 1 500 habitants, ce texte avait envisagé à l’époque plus ou moins 20 %. Donc, nous allions bien assister au massacre des chefs-lieux de canton. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Mais il y a plus d’élus !

M. Philippe Adnot. Absolument !

Toutefois, l’essentiel n’est pas là. Ce qui importe, c’est que l’on obtienne plus ou moins 30 %. De ce point de vue, monsieur le président de la commission, le texte qui nous est proposé me donne satisfaction et je souhaite simplement qu’il soit retenu.

Monsieur le ministre, cette avancée est, à mes yeux, fondamentale, de même que le fait de revenir à 1 000 habitants. J’aurais préféré un seuil de 1 500 habitants pour les communes, mais 1 000, c’est mieux que 500, et je suis certain que tous nos concitoyens apprécieront cette mesure.

En résumé, ma préférence va au scrutin mixte : la proportionnelle en milieu urbain et le système actuel en milieu rural, avec un redécoupage qui serait tout à fait légitime. Notre assemblée peut voter un tel amendement, qui servirait de base de discussion avec les députés.

Si cet amendement n’est pas adopté, je voterai néanmoins le présent texte, car la mesure prévoyant plus ou moins 30 % est importante…

M. Philippe Adnot. … et il faut savoir choisir. Ceux qui refuseront de le voter pourraient, si nous étions privés d’une telle avancée, fortement le regretter. (M. Henri de Raincourt fait un signe de dénégation.)

J’estime personnellement, et j’assume mes responsabilités, qu’avec un seuil de 1 000 habitants pour appliquer le scrutin de liste et plus ou moins 30 % pour le redécoupage, je peux voter ce texte, bien que je préférerais, je le répète, le scrutin proportionnel en milieu urbain et le scrutin classique en milieu rural. (MM. Jean-René Lecerf et Louis Pinton applaudissent. – Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est amenée à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral.

Mes chers collègues, à ce stade du débat, nous devons profiter de cette nouvelle opportunité pour que le Sénat ne rende pas encore une fois une « copie blanche ».

Rappelez-vous, en première lecture, le Sénat a rejeté l’intégralité du texte.

M. Philippe Kaltenbach. Pourtant, les débats avaient été longs – trente-deux heures ! – et riches, et nous avions adopté ici même des amendements allant dans un sens positif.

Malheureusement, le texte ayant été rejeté, l’Assemblée nationale a eu à débattre directement du texte proposé par le Gouvernement. Certains des apports qui avaient été portés au Sénat ont été réintégrés à l’Assemblée nationale, et nous devons collectivement nous en féliciter.

Je pense tout d’abord aux exceptions pour le découpage électoral, à la règle des plus ou moins 20 %, exceptions qui pourront maintenant prendre en compte le nombre de communes ainsi que des spécificités géographiques comme l’insularité ou les zones de montagne.

La disposition visant à rendre obligatoire la déclaration de candidature afin d’être élu dans les petites communes a également été reprise par l’Assemblée nationale, de même que celle qui concerne le nombre de cantons impairs dans chaque département, pour assurer dans chaque conseil départemental une majorité stable.

Enfin, le minimum de quinze cantons pour les départements de plus de 500 000 habitants a lui aussi été retenu par l’Assemblée nationale.

On le voit, si le texte a été rejeté au Sénat, certains des amendements qui y ont été déposés ont été repris par l’Assemblée nationale. Cela est-il suffisant ? Je ne le crois pas. Toute l’expertise du Sénat en matière de collectivités locales doit être mise à profit à l’occasion de cette seconde lecture, puis dans le cadre de la commission mixte paritaire.

Beaucoup se sont émus, à juste raison, qu’un texte aussi important pour les collectivités ait été rejeté par le Sénat. Cela a été dit, le Sénat est la chambre des territoires et nous sommes comptables devant les élus de ce que nous votons.

Aussi, au nom du groupe socialiste, je forme le vœu qu’à l’issue de ce nouvel examen nous parvenions à l’adoption du texte.

Nous savons quelles seraient les conséquences d’un nouveau rejet par le Sénat : nous serions amenés à nous présenter en commission mixte paritaire avec une colonne blanche pour ce qui concerne les modifications du projet de loi à mettre au crédit du Sénat et nous n’aurions rien à défendre. Autrement dit, notre apport sur cette importante révision des modes d’élection des représentants de nos territoires serait tout simplement nul.

Je doute qu’aucun d’entre nous puisse se réjouir d’une telle perspective, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Nous sommes tous profondément attachés au bicamérisme et au rôle essentiel que doit jouer le Sénat auprès des collectivités territoriales et des élus locaux. À l’heure où notre pays est en proie à des difficultés économiques et sociales d’une rare ampleur, ces élus sont les principaux artisans du maintien de la cohésion nationale. Nous devons donc continuer à les assurer de notre écoute et à leur démontrer notre volonté de faire avancer la démocratie locale. L’adoption d’un texte à l’issue de nos débats s’inscrirait dans cet esprit. Du reste, j’ai bien noté que le Gouvernement était ouvert au dialogue, comme il l’a d'ailleurs montré lors de l’examen du projet de loi en première lecture.

J’en viens à l’économie générale du projet de loi.

Le texte gouvernemental est équilibré. En effet, pour ce qui concerne l’élection du conseiller départemental, il répond à un triple objectif : la proximité, la parité et l’égalité devant le suffrage.

J’ai entendu certains rappeler que le précédent gouvernement voulait instaurer un conseiller territorial. Toutefois, je dois dire que j’ai été peu convaincu par les plaidoyers en faveur de cet élu hybride. On sent bien que l’indignation de nos collègues sur les travées de droite n’a d’égale que leur satisfaction de voir ce conseiller territorial définitivement enterré… (Exclamations sur quelques travées de l'UMP.)

M. Rémy Pointereau. C’est faux !

M. Philippe Kaltenbach. Chers collègues, reconnaissez que votre défense du conseiller territorial se caractérise par une grande mollesse ! (M. le ministre s’esclaffe.)

M. Jean-René Lecerf. Nous respectons les orateurs !

M. Philippe Kaltenbach. Merci pour cet égard, cher collègue ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

D’autres se sont prononcés contre le redécoupage, défendant que l’on touche à la carte électorale. Je vous rappelle tout de même que la carte électorale cantonale date de 1801 !

M. Philippe Kaltenbach. Deux siècles plus tard, il est temps de tenir compte des évolutions démographiques et de la réalité de la France d’aujourd'hui.

Quoi qu’il en soit, le découpage est obligatoire ; il est nécessaire. Alors, procédons suivant les règles les plus claires possibles, de façon que personne ne soit accusé de « charcutage ».

Mais, pour cela, et pour que nous puissions aboutir à un vote du texte par le Sénat, nos débats doivent être de nouveau apaisés.

Lors de la première lecture, nous avons assisté à quelques dérapages, à quelques échanges houleux, notamment sur la parité, cette parité qui ne serait qu’un « gadget » pour des élues qui ne seraient que des « potiches »… Néanmoins, les auteurs de ces mots regrettables me semblent aujourd'hui les regretter.

Nous devons dépasser les invectives pour aller à l’essentiel : un scrutin binominal qui permettra enfin la parité dans tous les départements de France. Je rappelle qu’aujourd'hui seulement 13 % des conseillers généraux sont des femmes. C’est bien sûr inacceptable.

Il faut que les débats en séance publique prolongent dans l’écoute et le respect mutuels ceux qui ont eu lieu en commission des lois où, je le rappelle, le texte a été adopté sans aucun vote « contre ».

D'ailleurs, je dois saluer la qualité du dialogue qui s’est établi entre les membres de la commission des lois et rendre hommage à son président, Jean-Pierre Sueur, ainsi qu’à notre excellent rapporteur,…

Mme Jacqueline Gourault. Excellent, en effet !

M. Philippe Kaltenbach. … Michel Delebarre, qui ont réussi à amener la commission à voter en faveur du texte.

Pour aller plus loin et permettre son adoption cette fois par la Haute Assemblée, le groupe socialiste est disposé à faire évoluer le texte : sans bien évidemment chercher à remettre en cause l’architecture générale du projet de loi, puisque nous soutenons le Gouvernement, nous estimons néanmoins que ce texte bon, équilibré et qui répond aux besoins d’évolution et de modernisation de nos collectivités locales, peut encore être amendé de manière significative.

C’est pourquoi le groupe socialiste est favorable à un certain nombre d’amendements, d’ores et déjà intégrés dans le texte élaboré par la commission ou qui le seront, je l’espère, à l’occasion de cette discussion en séance publique.

Je retiendrai quatre points sur lesquels nous souhaitons faire évoluer le texte.

Premier point, le « tunnel » pour le redécoupage.

Si le Gouvernement a proposé une marge de plus ou moins 20 % par rapport à la taille moyenne du canton dans chaque département, le groupe socialiste est favorable à ce que ce tunnel soit élargi et qu’il passe à plus ou moins 30 %.

M. Philippe Kaltenbach. La plus grande amplitude qui en résulterait dans la redéfinition des contours des futurs cantons permettrait de mieux prendre en compte la particularité des territoires.

Bien entendu, pour que nous parvenions en commission mixte paritaire avec ce plus ou moins 30 %, un tel élargissement doit être adopté par l’Assemblée nationale. Pour notre part, nous considérons que ce serait une avancée. En effet, l’élu restant indissociablement lié à son territoire, ce dernier ne saurait être trop vaste, même s’il reste peu peuplé. Il y va de la préservation du lien de proximité qui unit un citoyen à son représentant.

Deuxième point, le fléchage pour l’élection des conseillers intercommunaux.

Dans le texte qui est soumis à notre examen, seuls les premiers de la liste seront concernés par ce fléchage. C’est forcément réducteur ! Pour notre part, nous souhaitons un élargissement du dispositif, de façon que ne siègent pas systématiquement au sein des instances intercommunales les seuls élus figurant en tête de liste.

Ce point avait déjà fait l’objet de débats lors de la première lecture. En particulier, les amendements de notre collègue Alain Richard allaient dans le sens d’une plus grande liberté en matière de fléchage vers l’intercommunalité. Nous considérons que le texte devra évoluer en ce sens, de manière que les équipes municipales et les candidats au poste de maire puissent disposer d’une marge de manœuvre afin d’orienter vers l’intercommunalité d’autres élus que les premiers de liste.

Troisième point, le seuil pour le maintien au second tour des élections départementales.

Aujourd'hui, ce seuil a été ramené à 10 % du nombre des électeurs inscrits. Nous souhaitons, par amendement, le relever à 12,5 %. Il s’agit de ne pas augmenter le nombre de triangulaires, lesquelles sont parfois de nature à fausser le résultat d’une élection.

Cela a été dit, la commission des lois avait initialement voulu restreindre l’accès au second tour aux deux binômes arrivés en tête à l’issue du premier tour. Après réflexion, nous pensons qu’il faut allier la nécessaire diversité à une sélection des candidats ayant obtenu les scores les plus significatifs. À cet égard, nous pensons que le seuil de 12,5 % constitue un juste compromis entre ceux qui souhaitent un accès au second tour large et ceux qui souhaitent le restreindre parfois trop fortement.

Quatrième et dernier point, le seuil d’application du scrutin proportionnel pour les petites communes.

En première lecture, le Gouvernement avait limité l’application de ce mode de scrutin aux communes de 1 000 habitants et plus. Depuis, l’Assemblée nationale a abaissé ce seuil à 500 habitants et plus…

Les membres du groupe socialiste considèrent que le seuil initial de 1 000 habitants était un point d’équilibre…

M. Michel Delebarre, rapporteur. Exactement !

M. Philippe Kaltenbach. … et qu’il doit être réintroduit de façon à tenir compte des échanges avec les diverses associations représentant les maires et des débats que nous avons pu avoir.

Du reste, le seuil de 500 habitants semble poser des difficultés, alors qu’un compromis nous paraît pouvoir être trouvé au sein de la Haute Assemblée autour du seuil de 1 000 habitants.

L’Assemblée nationale a voulu réduire, il est vrai de manière un peu drastique, le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, en supprimant deux conseillers municipaux dans toutes les strates, ce qui a provoqué un fort émoi dans certains départements.

Nous considérons qu’une telle diminution serait une erreur. Dans ces petites communes, les conseillers municipaux font vivre la démocratie au quotidien. En notre qualité de sénateurs, nous devons leur signifier que nous tenons au travail remarquable qu’ils accomplissent et, loin de les montrer du doigt, nous devons les encourager.

En outre, puisque l’on parle beaucoup de coûts pour les finances publiques, rappelons-nous que le travail quotidien de ces conseillers municipaux au bénéfice de nos concitoyens ne coûte rien à la collectivité !

Tels sont les quatre points forts sur lesquels le groupe socialiste entend faire évoluer le texte, de manière à le faire répondre aux attentes des élus locaux.

Pour clore mon propos, je rappelle que, pour que ce travail soit constructif, pour que nous puissions siéger à la commission mixte paritaire avec des amendements permettant d’infléchir l’ensemble du texte, il faut bien évidemment que le texte soit voté – sous réserve, bien sûr, de l’adoption des amendements que j’ai évoqués.

Le ministre semble particulièrement ouvert au débat : intervenant dans la discussion générale lors de la première lecture, il a rappelé ici que, loin d’être un modèle abouti, un modèle figé, la démocratie doit pouvoir se réformer, se moderniser, s’approfondir, pour renforcer le lien essentiel si particulier qui unit les citoyens à leurs représentants. Et cette modernisation ne saurait se faire sans l’apport du Sénat.

C’est dans ce sens que le groupe socialiste travaillera à l’évolution du texte. J’espère que nous pourrons ici recueillir une majorité permettant l’adoption d’un texte amendé, puis la poursuite du débat en commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous le dis d’emblée, l’élection des élus départementaux au scrutin majoritaire binominal est une mauvaise idée. C’est même une très mauvaise idée, que je sens déjà rejetée un peu partout sur le terrain. (C’est vrai ! sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Du moins est-ce ce que nous entendons, de réunion d’élus en réunion d’élus.

M. Claude Bérit-Débat. Des élus de droite !

M. Gérard Larcher. Comme Jean-Jacques Hyest l’a indiqué, ce mode de scrutin, qui n’a aucun équivalent dans aucune démocratie au monde, est, au mieux, une idée saugrenue.

Pour essayer de comprendre comment une idée aussi peu naturelle avait germé, j’ai pris le parti de m’en tenir aux intentions que votre gouvernement avait affichées, à savoir la promotion de la parité, objectif que je fais mien. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Il est vrai qu’avec ce « binôme » vous assurerez, en faveur de la parité, non plus une « obligation de moyens », mais bel et bien une « garantie de résultat ».

M. Gérard Larcher. En effet, quel que soit le résultat des urnes, les femmes seront aussi nombreuses que les hommes à siéger dans les assemblées départementales. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est vrai !

M. Gérard Larcher. Cependant, cette quête vous a fait oublier d’autres objectifs constitutionnels tout aussi importants.

Il n’existe pas de hiérarchie dans les principes constitutionnels, qu’il convient de faire coexister harmonieusement dans le choix d’un mode de scrutin. À cet égard, le respect du pluralisme et la garantie de la représentation des territoires sont des objectifs d’une portée aussi fondamentale que la promotion de la parité.

Or le système que vous proposez a une conséquence forte, et négative, sur la représentation et sur l’organisation des territoires, notamment des territoires ruraux.

Quand on fait l’addition d’un certain nombre de projets, comme l’évolution des dotations aux collectivités locales, la réforme de l’élection sénatoriale, la neuvième version de l’avant-projet de l’acte III de la décentralisation, l’évolution du réseau des préfectures et sous-préfectures,…

M. Henri de Raincourt. Et les gendarmes !

M. Gérard Larcher. … on voit que les grandes victimes ne sont pas les Yvelines ! Non, les grandes victimes, ce sont les territoires ruraux, au nom de la logique du seul indicateur démographique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Alain Fauconnier. Et le conseiller territorial ?...

M. Gérard Larcher. Ici, au Sénat, l’assemblée des territoires, nous avons le devoir d’y être particulièrement attentifs. C’est la vitalité, c’est la représentation des territoires ruraux qui sont en cause !

Il n’est pas acceptable que, dans votre approche, vous privilégiiez le modèle urbain.

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Gérard Larcher. Il ne faut pas opposer territoire rural et territoire urbain.

Ne l’oublions pas : c’est au territoire rural que nous devons le deuxième excédent de notre commerce extérieur, au travers de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Jean Bizet. Soit 12 milliards d’euros !

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Gérard Larcher. En tant qu’élu d’un département mi-urbain, mi-rural, je pense qu’il est de mon devoir d’être concrètement comptable de l’intérêt de l’ensemble du territoire.

Dans certains départements, la taille moyenne des cantons pourra dépasser 75 000 habitants, distendant par leur taille même la relation entre l'élu, le département et ses administrés. Dans d’autres, certains cantons ruraux seront noyés dans de vastes territoires – je citais il y a peu, à cette tribune, l’exemple des Cévennes et du Gard. Et les chefs-lieux de canton, avec ce que représente le principe en termes de symboles et de services, vont se trouver remis en cause, leur nombre étant divisé par deux, et par beaucoup plus en territoire rural.

En outre, même pour ce qui est de la promotion de la parité – alors que c'est l'objectif au nom duquel vous faites fi de tous les autres –, je me reporterai aux propos de la présidente, socialiste, de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale, Mme Catherine Coutelle, qui, dans la Nouvelle République, en décembre dernier, disait ceci du scrutin binominal :

« C'est une solution qui me choque énormément et qui me heurte profondément. Le message que je reçois en tant que femme politique, c'est : " Vous n'êtes pas capable d'y arriver toute seule, donc il faut faire des couples ! " ».

Je la cite toujours : « C'est stupéfiant ! Je trouve même cela humiliant et je le vis comme un mépris ». Et, plus loin : « C'est un dévoiement de la parité. Je n'ai pas envie, si je devais me présenter au conseil général, d'aller chercher un homme pour le faire ».

Voilà ce qu’a dit Mme Coutelle dans la Nouvelle République en décembre dernier ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Mme Bernadette Bourzai proteste.)

Monsieur le ministre, le contexte actuel de « récidive électorale » contribue également à nous interroger. Depuis neuf mois, il s’est trouvé peu de conseils des ministres où de nouveaux projets de loi électoraux n’aient pas été présentés…

C'est bien simple, toutes les élections sont passées en revue, conseillers territoriaux, élections cantonales, municipales, sénatoriales, Assemblée des Français de l'étranger ! Et bientôt, peut-être, les élections européennes…Quant aux législatives, c'est sûr !

Il ne reste guère que l'élection du Président de la République, protégée par la Constitution, qui échappe à cette ambition de réforme…

Alors, monsieur le ministre, à quoi correspond l’attitude volontariste qui est la vôtre ? On passe tellement de temps – et vous-même, monsieur le ministre – au Parlement sur ces sujets électoraux, qui peuvent attendre, que l’on en oublie l’essentiel : la compétitivité, l’emploi, l’économie (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.),…

M. Gérard César. Le chômage !

M. Claude Bérit-Débat. Quelle amnésie !

M. Manuel Valls, ministre. C’est incroyable !

M. Gérard Larcher. … au point que, ce matin, sur ces sujets essentiels, le conseil des ministres décide de légiférer par ordonnances, privant le Sénat et l’Assemblée nationale – donc, le législateur – de son rôle ! (M. le ministre s’exclame.)

Nous allons passer des semaines et des semaines à travailler sur ces sujets électoraux, tandis que l’essentiel de ce qui préoccupe nos concitoyens sera décidé par ordonnances ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Fauconnier. Un peu de pudeur, tout de même !

M. Manuel Valls, ministre. Mais enfin !...

M. Gérard Larcher. Je le dis au président du Sénat et j’appelle chacun à la réflexion : peut-on accepter que, sur des sujets aussi importants, nous légiférions par ordonnances, comme c’est annoncé ?

M. Manuel Valls, ministre. Non ! C’est soit mentir soit être mal informé !

M. Gérard Larcher. Monsieur le ministre, c’est en tout cas ce que la porte-parole du Gouvernement a rapporté du conseil des ministres… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, j’en viens au texte issu des travaux de notre commission des lois qui, lui, présente des avancées non négligeables dans d’autres domaines.

Premièrement, la suppression des triangulaires qui, je dois le dire, sont une préoccupation pour chacune et chacun d’entre nous.

Deuxièmement, la plus grande souplesse pour le découpage des cantons. Porter de 20 % à 30 % les écarts autorisés permet d’atténuer le déficit de représentation des territoires ruraux engendré par cette réforme sans que cette marge d’écart pose, apparemment, de problèmes constitutionnels insolubles.

Troisièmement, relever de 500 à 1 000 habitants le seuil d’application du scrutin proportionnel pour les municipales – même si nous avions proposé un seuil plus élevé en première lecture – est une option qui permettra d'épargner à 7 000 communes le passage à la proportionnelle.

Quatrièmement, enfin, concernant les représentants des communautés de communes, des agglomérations ou des communautés urbaines, comme Jean-Jacques Hyest, je préfère au terme de « conseiller » celui de « délégué », parce qu’il ne fait pas présager la disparition des communes, absorbées qu’elles seraient par les communautés.

Sur tous ces points, nous avançons. Mais nous sommes alors confrontés à un choix difficile. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !

M. Gérard Larcher. Si, en effet, nous rejetons l'ensemble du texte, nous condamnons le Sénat à s'en remettre à la rédaction finale de l'Assemblée nationale, ce qui ne serait pas bien pour une assemblée dont la responsabilité constitutionnelle est de représenter les territoires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) J’y vois le risque d’un affaiblissement de plus de notre assemblée.

Alors, monsieur le ministre, l’attitude du Gouvernement au cours du débat déterminera aussi la nôtre. Soit nous rejetterons la totalité du texte, mais en rejetant également des avancées qui ont été véritablement « coconstruites »…

M. Michel Delebarre, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet !

M. Gérard Larcher. … en commission des lois par la majorité, dans ses diverses sensibilités, et par l’opposition ; soit, pour éviter le pire et défendre nos collectivités, nous assumerons qu’un texte, même partiellement mauvais, sorte du Sénat.

Tout cela dépend de la qualité de nos travaux et nous verrons le moment venu, y compris après la commission mixte paritaire, si nous pouvons dégager ensemble un certain nombre de dispositions qui nous assurent que toute la France sera bien représentée, y compris à l’occasion de l’élection départementale, et cela sans gommer les territoires ruraux qui, pour nous, sont essentiels parce que, au-delà de leur importance économique, ils font aussi l’identité et la force de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat reprend aujourd'hui, pour une deuxième lecture, l'examen du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et modifiant le calendrier électoral.

Après le rejet de ce texte en première lecture, ce que j'ai fortement regretté car, à mon sens, le Sénat s'est lui-même dessaisi de son pouvoir d'organisation des territoires que les sénateurs représentent, nous sommes maintenant saisis du dispositif tel qu'adopté par l'Assemblée nationale.

Nous avons là une nouvelle occasion de faire entendre la voix des collectivités locales et territoriales. Notre commission des lois, sous l'impulsion de son rapporteur, Michel Delebarre, a déjà enrichi le texte de propositions tout à fait pertinentes visant à préciser et à compléter les dispositions concernant le mode de scrutin départemental et les modes de scrutin locaux, afin de faciliter le pluralisme dans la vie municipale et conforter le principe de l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, et je l'en félicite !

Cette fois-ci, je souhaite que nous aboutissions à l'adoption d'un texte afin que le Sénat puisse, lors de la commission mixte paritaire, peser de tout son poids sur le contenu de la loi, ce qui est l’essentiel.

Mon intervention comportera deux points.

En premier lieu, je veux à nouveau exprimer avec force, comme j'ai pu le faire en première lecture, ma satisfaction de voir l'objectif de parité maintenu et conforté, malgré les atermoiements de certains.

Monsieur Larcher, vous nous avez cité la position personnelle de Mme Coutelle, présidente de la délégation aux droits de femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, personnelle, car notre collègue députée n’a pas été suivie par sa délégation. En revanche, je tiens à rappeler que c’est un texte issu de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes du Sénat qui sert de base à ce projet de loi, et qu’il a été voté à l’unanimité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est vrai !

Mme Bernadette Bourzai. Donc, chacun retrouve bien ses votes !

En second lieu, j’estime que le futur redécoupage cantonal doit être révisé pour une meilleure prise en compte de la situation des départements ruraux. Je reviens donc quelques instants sur ce scrutin binominal qui effraie tant certains de nos collègues, notamment masculins, mais pas seulement.

Je ne vise personne, mais que n'a-t-on entendu sur ces travées lors des débats de première lecture ! Les propos sexistes et d'un autre âge qui ont été tenus démontrent bien notre retard considérable en matière de parité et l'urgente nécessité d'y remédier.

Pour ma part, je crois donc que tout effort qui tend à favoriser cette parité doit être encouragé. Et c'est bien l'un des objectifs politiques affiché avec le choix du scrutin majoritaire binominal : faire progresser la parité politique dans les assemblées départementales tout en maintenant la proximité nécessaire à l'exercice des fonctions des élus départementaux.

Au-delà, j'attire votre attention sur le fait que, dans le prolongement de ces dispositions, qui assureront l'élection d'un homme et d'une femme dans chaque canton, ce projet de loi concerne également le scrutin municipal à la proportionnelle, qui implique la parité, à partir de 500 habitants – seuil voté par l’Assemblée nationale – ou de 1 000 habitants – seuil proposé par notre commission des lois –, ainsi que l'élection des conseillers communautaires.

Il permettra également d'assurer la parité au sein des exécutifs départementaux : il y aura autant d'hommes que de femmes parmi les membres du bureau et au sein de la commission permanente. Il y a là une logique d'ensemble et un souci de cohérence que je tiens à saluer.

Ce texte constitue le fondement – je dirai même les fondations – d'une représentation paritaire qui sera désormais acquise à tous les niveaux de responsabilité démocratique… enfin presque, car il reste encore deux bastions à conquérir pour la parité : l’Assemblée nationale et le Sénat !

Mme Bernadette Bourzai. Et c’est un gros travail !

Pour revenir à mon second point, qui concerne le remodelage de la carte cantonale, je constate avec satisfaction qu’au Sénat nos débats ont permis de progresser significativement sur ce point et d’assurer la proximité.

En première lecture, nos débats nous avaient permis d’exprimer fortement notre souci de garantir une représentation effective et juste des territoires ruraux, tout particulièrement ceux qui présentent des handicaps naturels, au sein du futur conseil départemental.

Cela avait conduit le Sénat à adopter à l'unanimité un amendement présenté par le rapporteur, tendant à élargir les dérogations possibles aux principes du remodelage de la carte cantonale. Ainsi, outre les dérogations géographiques, ont été rendues possibles des dérogations tenant à la démographie, à l’équilibre et à l'aménagement du territoire ainsi qu’au nombre des communes. Cet amendement permettait ainsi de prendre en considération différentes spécificités et d'éviter la constitution de cantons trop étendus, particulièrement dans les zones présentant des handicaps naturels et climatiques. Nos débats ont eu le mérite d’inspirer l’Assemblée nationale, et je m’en réjouis.

Notre commission propose de relever à 30 % l'écart maximum entre la population d'un canton et la population moyenne des cantons du département. Cette modification est très importante pour les territoires de montagne et je tiens à en remercier notre commission des lois.

En conclusion, je pense que cette réforme contribuera au renouveau et la modernisation de la démocratie locale et départementale. Je tiens à saluer les nombreuses avancées que comporte ce texte, que je voterai avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi modifiant les modes de scrutin pour les élections des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux.

Ce texte a été rejeté par le Sénat le 18 janvier dernier : je crois que c’est la première fois qu’un texte aussi important pour les collectivités locales est rejeté par l’assemblée chargée de les représenter…

Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale, mais avec la plus courte majorité jamais obtenue sur texte du Gouvernement depuis le début de la législature. C'est dire, monsieur le ministre, l’enthousiasme qu’il suscite, y compris dans votre majorité !

C’est aussi la première fois que des changements de législation concernant une élection demeurent inconnus moins d’un an avant celle-ci. Je fais naturellement référence aux dispositions qui concernent les élections municipales, notamment pour la question du seuil à partir duquel s’appliquera le scrutin de liste.

Ce texte, qui modifie trois modes de scrutin, n’est que le premier d’une série…

M. Hervé Maurey. … destinée à modifier tous les modes de scrutin, ou presque. Là aussi, c’est une première ; là aussi, c’est du jamais vu ! Jamais un gouvernement n’avait, en aussi peu de temps, modifié tous les modes de scrutin.

La semaine prochaine, le Sénat examinera un texte destiné à modifier le collège qui élit les sénateurs représentant les Français établis hors de France. Ensuite, nous serons saisis d’un projet de loi, déjà adopté en conseil des ministres, qui modifiera les conditions d’élection des sénateurs. On nous annonce, même si cela n’est plus très sûr, une modification du mode de scrutin pour les élections européennes et, ensuite, une modification du mode de scrutin pour les élections législatives…

Ce qui est très curieux, monsieur le ministre, c’est qu’à chaque fois vous invoquez des raisons différentes.

Afin de nous « vendre » le scrutin binominal, vous nous dites que cette solution, que vous n’envisagez pas, d’ailleurs, d’étendre à une autre élection, notamment celle des députés, permet d’éviter la proportionnelle. Et vous faites, je m’en réjouis, l’éloge du scrutin majoritaire, soulignant tout à l’heure que ce mode de scrutin permettait le pluralisme : nous l’avons noté et nous saurons vous le rappeler !

Mais, monsieur le ministre, si le scrutin majoritaire est à ce point formidable – et je suis d’accord avec vous sur ce point –, pourquoi envisagez-vous de conserver le scrutin proportionnel aux élections régionales, de l’étendre pour les élections sénatoriales - en portant de 50 % à 70 % la proportion de sénateurs élus grâce à ce mode de scrutin - et de l’instaurer pour les élections législatives ?

Ces arguments qui diffèrent selon les textes, monsieur le ministre, peinent à masquer la réalité : le Gouvernement n’a qu’un seul but, échapper à la sanction populaire lors des prochaines élections en se livrant à un « tripatouillage » électoral destiné à conserver la mainmise du parti socialiste sur les différentes institutions et collectivités.

Voilà la réalité !

C’est d’autant plus choquant que nos concitoyens sont bien loin de ces préoccupations, malheureusement pour eux. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le chômage a franchi la barre des 10 % - record qui n’avait pas été atteint depuis 1999, à l’époque du gouvernement Jospin – et que nous comptons, selon l’INSEE, 3,7 millions de chômeurs, dont 25 % des jeunes : du jamais vu depuis que les statistiques existent, c’est-à-dire depuis 1975 !

M. Claude Bérit-Débat. Combien étaient-ils, il y a dix mois ?

M. Hervé Maurey. Le Président de la République a reconnu hier que l’objectif de limitation du déficit à 3 % du PIB ne serait pas tenu. Alors, oui, les Français ont d’autres préoccupations, monsieur le ministre de l’intérieur, et notamment en termes d’insécurité.

Au-delà de ces remarques, ce texte ne nous convient pas. Ce scrutin « croquignolesque » qui consiste à avoir deux élus par canton est en fait un mauvais coup porté à la ruralité, sous couvert de faire avancer la parité.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ah, la bannière de la ruralité !

M. Hervé Maurey. Vous nous avez expliqué que c’était le seul moyen d’échapper à la proportionnelle, mais c’est tout à fait faux, nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements. Il est possible d’opter pour un scrutin mixte maintenant le scrutin majoritaire en zone rurale et instaurant le scrutin proportionnel en zone urbaine. Il est également possible de conserver le mode de scrutin cantonal actuel en prévoyant des sanctions financières pour les partis politiques qui ne respecteraient pas la parité.

Nous ne sommes pas favorables non plus au report des élections cantonales et régionales en 2015, report que rien ne justifie, si ce n’est, là encore, la volonté d’un « tripatouillage » électoral.

Je dois dire, monsieur le ministre, que le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale est pire que celui que nous avait soumis le Gouvernement, puisque le seuil de population à partir duquel s’appliquera le scrutin de liste bloqué aux élections municipales a été ramené à 500 habitants. J’en ai été d’autant plus surpris, monsieur le ministre, que vous aviez fait l’éloge du seuil de 1 000 habitants et indiqué au Sénat à juste titre – je vous avais même applaudi, c’est dire ! – qu’abaisser le seuil à 500 habitants serait trop brutal et entraînerait des difficultés.

M. Manuel Valls, ministre. C’est la décision de l’Assemblée nationale !

M. Hervé Maurey. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit également une diminution systématique du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Je n’en vois ni l’utilité ni, surtout, la justification, dès lors que l’on se limite aux seules communes de moins de 3 500 habitants.

Je voudrais donc saluer le travail de la commission des lois, qui a permis de revenir à une solution beaucoup plus favorable sur ces deux points ainsi que sur la question de l’écart de population dans le redécoupage des cantons.

Je suis en revanche désagréablement surpris de constater que le Gouvernement a déposé un amendement visant à supprimer le dispositif proposé par la commission des lois sur cet écart de plus ou moins 30 %.

En conclusion, nous souhaitons que nos amendements soient adoptés pour que nous puissions voter ce texte. Je rappelle en effet que le Parlement est bicaméral, monsieur le ministre, et que la Haute Assemblée représente les collectivités territoriales : il serait regrettable que, pour la première fois, un texte concernant les collectivités territoriales soit rejeté par le Sénat.

Vous n’avez pas de majorité politique au Sénat, monsieur le ministre : vous semblez l’oublier, mais c’est la réalité.

M. Manuel Valls, ministre. Je n’oublie rien !

M. Hervé Maurey. Il est donc de votre devoir de tenter de trouver une majorité sur ce texte. Pour cela, il faudrait que vous procédiez à une vraie concertation, à un véritable échange, que vous écoutiez vraiment nos demandes. Vous avez dit que vous étiez prêt à faire des compromis,… sauf sur le mode de scrutin, sauf sur la date des élections, sauf sur l’écart dans le découpage des cantons, bref, sur tout sauf sur les points importants ! Permettez-moi de m’en étonner.

Le groupe UDI-UC aborde la discussion de ce texte avec la ferme volonté de défendre les territoires ruraux, mais sans arrière-pensées politiciennes (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.) : je considère que la balle est dans votre camp bien plus que dans le nôtre. Nous attendons donc de voir quelles avancées vous êtes réellement prêt à accomplir ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Manuel Valls, ministre. Prenez vos responsabilités !

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est à présent saisie en deuxième lecture du dispositif électoral relatif à l’élection des conseillers départementaux, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale et amendé par notre commission des lois.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je constate que la pugnacité des débats parlementaires a été à la hauteur des ambiguïtés et des dangers que fait peser l’application du mode de scrutin binominal sur l’avenir des territoires ruraux. En effet, les récentes simulations de redécoupage cantonal ont permis de concrétiser ce que seront les conséquences d’un tel scrutin : un éloignement programmé du futur conseiller départemental de ses électeurs et une marginalisation de la représentation territoriale de proximité.

C’est pourquoi, au-delà des améliorations rédactionnelles, je salue le travail de la commission des lois, qui a permis d’apporter, au gré d’amendements et d’argumentations, un certain nombre d’améliorations.

Première amélioration : le texte de la commission prévoit de relever l’écart entre la population d’un canton et la population moyenne des cantons d’un même département de 20 % à 30 %.

Cette adaptation aux enjeux territoriaux va dans le bon sens, et je la salue. C’est l’espoir d’un peu plus de souplesse, de cantons qui seront un peu moins mis à mal par la prise en compte du critère désormais pondéré de la représentation démographique. Souhaitant que cette piste de progrès aboutisse, je propose cependant de relever l’écart des moyennes à 40 % pour respecter les spécificités territoriales en termes de superficie, de densité de population, de nombre de communes et de relief.

Deuxième amélioration : les principes du remodelage de la carte cantonale, prévus par l’article 3 et amendés en commission, encadrent un régime dérogatoire un peu plus équilibré, fondé sur des critères géographiques, démographiques ou d’équilibre territorial. Ce rééquilibrage sera une véritable reconnaissance de la ruralité et de la représentation des territoires faiblement peuplés, qui témoignent chaque jour de leur vitalité.

Mais quel est l’intérêt d’imposer une réforme électorale au détriment de la tradition républicaine qui, depuis la IIIe République, assied sur les communes et les départements la vitalité de la démocratie locale, avec le souci de la proximité ? Cette réforme s’apparenterait tout simplement à une révolution électorale, pour laquelle les Français ne nous ont pas missionnés.

La proximité doit rester adossée aux élections départementales, à plus forte raison au moment où le département devrait être prochainement conforté par le futur projet de loi de décentralisation dans son « chef de filat » des politiques sociales et des politiques de solidarités territoriales.

Je ne pense pas que l’éloignement démocratique soit le signe d’une modernité des départements. Il serait d’ailleurs contraire à l’acte III de la décentralisation, qui ambitionne un retour aux sources en identifiant clairement « les échelons pertinents de l’action publique afin d’accroître la performance de l’ensemble des collectivités publiques, participant ainsi à la réalisation d’objectifs partagés [...] », comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi.

À mon sens, il aurait mieux valu que l’acte III précède la modification des scrutins locaux pour que le conseiller départemental soit la cheville ouvrière d’une action publique cohérente dans les cantons.

Troisième amélioration : j’approuve l’amendement de la commission qui acte le principe selon lequel seuls les deux binômes de candidats arrivés en tête au premier tour peuvent se maintenir au second tour. Introduite par notre collègue Jean-René Lecerf, cette modification sera gage de clarté pour nos électeurs et gage de transparence pour les élus, soucieux d’éviter une multiplication de triangulaires qui ne sont pas toujours à l’honneur de la démocratie. Je sais que des amendements tenteront de revenir sur cette avancée, mais je commente ici le texte tel qu’il est issu des travaux de notre commission.

Pour autant, et au-delà des améliorations apportées par la commission des lois, le projet de loi maintient les principes fondamentaux contre lesquels nous nous étions opposés en première lecture.

La notion de solidarité, qui est au cœur de la gestion de nos assemblées départementales, restera, à l’usage, malmenée par le fonctionnement même du binôme. La création d’un binôme d’élus est vraiment source de confusions et de complications. Comment le partage d’un même territoire par deux légitimités sera-t-il compris ?

Je reste très circonspect quant à son application concrète. Son seul avantage, réel, est d’introduire la stricte parité dans nos assemblées sans recourir pour autant à la proportionnelle.

Solidaire en campagne électorale mais indépendant tout au long du mandat, le binôme ne donne aucune assurance à l’électeur quant à sa solidarité politique lors de la mise en œuvre de la politique départementale dans les futurs cantons.

La dimension binominale, source de tensions, risque de fragiliser la stabilité politique des futures assemblées départementales. Je n’oublie pas que l’efficacité d’une assemblée dépend de sa capacité à créer une majorité, sans que tout soit sujet à discussion ou à négociation. Dans ces conditions, je m’interroge sur l’efficacité démocratique de cette réforme.

J’en conviens, aucun mode de scrutin ne combine toutes les qualités – l’ancrage territorial, la représentation fidèle des opinions politiques, la parité, la proximité et le caractère gouvernable des assemblées délibérantes… – mais il nous revient de nous adapter aux exigences démocratiques actuelles.

Nous ne sommes pas hostiles au rééquilibrage démographique des cantons, dont la plupart des tracés remontent à leur création, en 1801. Il est vrai qu’ils sont datés, voire inadaptés. En revanche, les modalités électorales du scrutin binominal doivent correspondre le plus possible aux missions des conseils généraux, qui sont des missions de proximité et de solidarité.

L’activité du conseil général s’organise tout autant autour de la population, son budget étant très largement consacré aux dépenses de caractère social, que du territoire, par le biais de dépenses d’équipement. De ce fait, il serait contraire au principe d’égalité que toutes les portions de territoire départemental ne soient pas représentées de la même manière.

Chaque conseiller départemental est à la fois le représentant des besoins généraux du département et des besoins spécifiques de son canton d’élection. Ne dépossédons pas nos électeurs et leurs territoires d’une fidèle représentation démocratique au profit d’une stricte parité, qui apparaît comme le seul apport du scrutin binominal, comme je l’ai dit précédemment.

Mes chers collègues, les améliorations apportées par les travaux de la commission des lois sont réelles, car elles prennent en compte un certain nombre d’inquiétudes de parlementaires et d’élus locaux, mais revenir à l’esprit du texte initial aura pour conséquence de modifier durablement le territoire national et d’organiser la disparition progressive des territoires ruraux au profit du seul fait urbain.

Par une méconnaissance des pratiques électorales locales, ce mode de scrutin binominal fragilisera la gouvernance des territoires ruraux, dont on sait qu’ils peuvent, en période de crise, être un élément « ressort », pour peu que nous n’organisions pas leur abandon.

Évitons de figer ce projet de loi et de faire de l’écart démographique une règle d’airain qui aboutirait à sous-représenter des territoires au sein de collectivités censées les soutenir et à constituer des circonscriptions d’élection si vastes que le lien de proximité avec nos concitoyens, principal intérêt du scrutin majoritaire, ne serait plus qu’un souvenir.

C’est pourquoi, malgré quelques améliorations tout à fait positives, nous ne pouvons soutenir ce projet de loi, sauf à abandonner le caractère binominal du scrutin. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’emblée aborder la question du découpage départemental, qui est en fait la conséquence de la loi créant feu le conseiller territorial.

Pour élire la nouvelle assemblée départementale, ce n’est pas seulement le mode électoral qui est en cause, c’est aussi l’obligation de découpage.

Car nous sommes obligés, vous êtes obligé, monsieur le ministre, de procéder à un redécoupage, monsieur le ministre, sauf si le scrutin proportionnel départemental était instauré, position que certains ont défendue ici. Or, et je tiens à le dire haut et fort, je suis farouchement, oui, farouchement contre la proportionnelle à l’échelon départemental, car ce mode de scrutin est contraire à l’ancrage territorial, qui est l’un de nos objectifs.

Le département que j’ai l’honneur de représenter ressemble à beaucoup d’autres. Il est constitué d’une grande vallée, la vallée de la Durance, qui regroupe 60 % de la population, tout le reste étant un arrière-pays, en quelque sorte. Si la proportionnelle y était instaurée, il est évident – ce sera vrai également pour d’autres départements – que les candidats en tête de liste viendront de la partie la plus peuplée du département. Cela signifie qu’une grande partie du territoire de mon département ne serait pas représentée au sein de la nouvelle assemblée départementale.

Je suis un partisan de la proportionnelle pour d’autres scrutins, mais, à cet échelon, je le répète, j’y suis farouchement opposé. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

J’en viens maintenant au sujet qui nous préoccupe. J’ai compris comme vous tous, mes chers collègues, qu’il fallait estomper les disparités démographiques trop criantes entre les futurs cantons. Cependant, la marge de 20 % prévue dans le projet de loi initial du Gouvernement nous paraît trop étriquée. C’est la raison pour laquelle je souscris à la proposition de la commission visant à ce que l’écart démographique entre chaque canton et la moyenne départementale soit inférieur à 30 %. Cet assouplissement permettrait d’obtenir un découpage un peu plus cohérent, sans susciter pour autant ni indignation ni remise en cause de la part du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.

Sur les élections municipales, les avis des nombreux élus que j’ai rencontrés ces derniers temps sont partagés – même si les élections ne sont pas leur principale préoccupation, ils nous en parlent –, tant sur les effectifs des conseillers municipaux que sur le seuil démographique à partir duquel serait instauré le scrutin de liste à la proportionnelle.

Pour ma part, je considère que le maintien du nombre des conseillers actuellement en vigueur serait la solution posant le moins de difficultés. Je comprends les arguments de l’Assemblée nationale, mais pourquoi remettre en cause un dispositif qui, disons-le, donne satisfaction depuis longtemps et qui a l’avantage de faire participer le maximum de nos concitoyens à l’activité démocratique et à la vie sociale ou associative de notre pays, particulièrement dans les plus petites communes ?

Je désire cependant introduire une exception à ce statu quo : je propose de diviser en deux la strate de 500 à 1 500 habitants, par cohérence, pour tenir compte du seuil démographique pour l’application du scrutin à la proportionnelle que je souhaite voir fixé à 1 000 habitants.

Comme je l’ai indiqué en première lecture, l’effet de la proportionnelle en dessous du seuil de 1 000 habitants est quasi nul en termes de représentation de l’opposition, même s’il offre, bien sûr, l’avantage de la parité.

Aussi, je considère que le seuil de 1 000 habitants est la solution la plus raisonnable et un bon compromis entre les partisans du statu quo et ceux qui en appellent à la généralisation du scrutin proportionnel.

En conclusion, permettez-moi d’évoquer une question qui n’a pas encore été abordée, celle de l’information.

Je suis en effet persuadé, monsieur le ministre, que les élections locales ne peuvent se dérouler sainement sans une large information. Les candidats, qu’ils soient nouveaux ou expérimentés, c'est-à-dire en poste, mais aussi les électeurs, doivent connaître les nouvelles modalités des élections et leurs conséquences sur leur préparation des scrutins. Or vous avez pu constater comme moi combien les mécanismes du scrutin à la proportionnelle ou les obligations constitutionnelles relatives à la parité étaient parfois très superficiellement connus.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une bonne participation de nos concitoyens à l’expression démocratique est subordonnée à une bonne connaissance des règles de base. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat qui aura passionné un nombre très important d’entre nous, ce qui est normal lorsque l’on aborde une thématique majeure dans la composition de la démocratie territoriale.

L’une des questions que nous devons nous poser aujourd'hui est celle du rôle des futurs conseillers départementaux.

Certes, il a beaucoup été question du monde rural. S’il est une composante spatiale importante de nos départements, il doit néanmoins être considéré sous l’angle des différentes étapes qui ont permis la construction d’une France moderne. Il n’y a pas, d’un côté, une France rurale et, de l’autre, une France urbaine ; notre pays est fait de territoires très composites, qui se sont construits avec l’histoire.

Nous sommes d’ailleurs passés de la période des « équipements fondamentaux », entre 1960 et 1985 – l’eau, l’électrification rurale, le téléphone –, …

M. Georges Labazée. … à celle, entre 1985 et 2000, de l’aménagement des espaces. C’était alors l’époque des zones d’activités économiques, des nouveaux documents d’urbanisme, des aménagements fonciers, des grandes infrastructures routières et ferroviaires.

Puis, il y a dix ans, est apparue la notion de « développement » : développement économique et de l’emploi, services à la population et aménagement du cadre de vie, habitat et logement. Et il n’y a pas de véritable développement sans sentiment d’appartenance des habitants à un territoire.

Tels sont les nouveaux défis auxquels seront confrontés les futurs conseillers départementaux, défis qu’ils devront relever, tout comme ils portent les grandes politiques départementales dans les domaines de la solidarité, de l’éducation, des infrastructures, de l’environnement, du développement durable, du patrimoine, de la culture et du sport.

Nous voyons là se dessiner un nouveau rôle, que les conseillers départementaux exerceront à des échelles démographiques et géographiques différentes de celles que connaissent depuis 1801 un très grand nombre de cantons, cantons dont chacun s’accorde à reconnaître que la construction ne correspond plus à la réalité des bassins de vie et des bassins d’emploi.

La loi de décentralisation de Gaston Defferre, votre prédécesseur à la tête de ce grand ministère qu’est le ministère de l’intérieur, monsieur le ministre, avait posé comme élément fondamental la non-tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Georges Labazée. Aussi me suis-je interrogé sur les interventions d’un certain nombre de parlementaires visant curieusement à maintenir une sorte de mainmise invisible sur les territoires ruraux, qui rappelle des formes d’assistanat, pour ne pas dire de dépendance politique.

M. Roland Courteau. De tutelle !

M. Georges Labazée. Mais, monsieur le ministre, vous comme moi, nous n’en croyons rien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, je n’ai toujours pas compris, dans les débats sur le monde rural, à partir de quel seuil de population – je ne parle pas des plus ou moins 20 % ou 30 % – on devenait un citoyen libre et indépendant et en deçà de quel seuil on restait « vassalisé »…

Je vous remercie en tout cas de m’avoir permis cette expression sur un texte qui nous engage auprès de vous, monsieur le ministre, sur les voies de la modernité. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est évidemment avec beaucoup d’attention que j’ai écouté les propos des uns et des autres, même si M. Patriat me murmurait à l’oreille des choses tout à fait pertinentes intéressant ce débat. (Sourires.)

Je tiens à saluer le travail de la commission des lois, de son président et de son rapporteur, qui ont, l’un et l’autre, montré une nouvelle fois leur capacité d’écoute et de synthèse, leur hauteur de vues et la haute conception qu’ils ont du travail parlementaire. Le président Sueur n’a pas eu besoin de s’exprimer, la préparation de ce rendez-vous témoigne pour lui.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien vu ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Je répondrai bien entendu à certains des arguments évoqués par les différents orateurs, mais nous irons plus loin lors de la discussion des amendements.

Je remercie Philippe Kaltenbach du soutien du groupe socialiste. Il a témoigné de la volonté de rassemblement, au-delà même de la majorité sénatoriale, autour des évolutions significatives du projet de loi, qu’il a clairement présentées.

MM. Hyest et Larcher en ont appelé au réalisme. Ils se prononceront sur le texte à l’issue de nos débats, en fonction de l’attitude du Gouvernement. Je vous confirme donc, messieurs les sénateurs, l’état d’esprit d’écoute et de dialogue qui est le mien au moment d’entamer la discussion.

Toutefois, je vous redis également que ce texte prévoit plusieurs dispositions fondamentales, dont le mode de scrutin départemental. S’il n’en contenait pas, quel sens cela aurait-il de présenter un projet de loi et de le défendre ? C’est au cours de cette deuxième lecture que va se décider son avenir.

À cet égard, je tiens à mettre les points sur les « i », si vous me permettez cette expression un peu familière : après la réunion de la commission mixte paritaire, il sera trop tard pour introduire des dispositions nouvelles, j’en ai la certitude. La majorité à l’Assemblée nationale tiendra compte des positions que nous pourrions arrêter ensemble avant sa deuxième lecture. Ensuite, il sera plus difficile d’inverser certaines dynamiques. N’y voyez là aucune menace, aucun conseil de ma part, mais telle est la réalité du bicaméralisme et du dialogue entre les assemblées sur cette question.

Le Gouvernement a fait le choix de présenter ce texte d’abord au Sénat,…

M. Jean-Jacques Hyest. Il en avait l’obligation !

M. Manuel Valls, ministre. … car la Haute Assemblée représente les collectivités territoriales, mais vous n’avez pas souhaité, mesdames, messieurs les sénateurs, pour des raisons tout à fait louables, légitimes pour certains, approuver ce texte. L’Assemblée nationale s’en est donc saisie et y a naturellement imprimé sa marque.

Si le Sénat devait de nouveau faire ce choix en deuxième lecture, l’Assemblée nationale, me semble-t-il, n’en considérerait qu’avec plus de force sa position.

M. Roland Courteau. Eh oui ! Une fois de plus !

M. Manuel Valls, ministre. Je veux maintenant apporter trois précisions.

Il a été question tout à l’heure d’une courte majorité. Or il y a une majorité. Nous n’allons pas nous plaindre des institutions de la Ve République et du mode de scrutin majoritaire.

M. Manuel Valls, ministre. C’est d’ailleurs grâce à ces institutions et à ce mode de scrutin que la gauche et les socialistes ont gouverné, je le reconnais. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Henri de Raincourt. C’est bien de le reconnaître !

M. Manuel Valls, ministre. François Mitterrand l’avait compris bien avant d’autres.

Je le dis donc à chacun : cela ne doit pas changer, et cela ne changera pas sous l’actuelle majorité.

Monsieur Larcher, vous vous êtes interrogé sur l’origine du scrutin binominal majoritaire. Jean-Jacques Hyest, d’ailleurs, a formulé la même question,…

M. Manuel Valls, ministre. … tout en voulant attacher durablement mon nom à ce mode de scrutin ! (Sourires.)

Pourtant, monsieur Larcher, mais je compte sur vous pour me dire si je me trompe, il me semble bien que c’est sous votre présidence que le Sénat, par sa délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, a proposé, en juin 2010, la création de ce mode de scrutin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Larcher. On ne l’a pas votée !

M. Manuel Valls, ministre. J’en conviens, monsieur Larcher !

M. Gérard Larcher. On s’exprime librement sous ma présidence !

M. Manuel Valls, ministre. Et je ne vous interdirai jamais cette liberté !

Monsieur Larcher, vous n’étiez sans doute pas membre de la délégation (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…

Mme Catherine Procaccia. Cette délégation compte des hommes, également !

M. Manuel Valls, ministre. … mais cette dernière s’est prononcée à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Plutôt que du « système Valls », monsieur Hyest, il faudrait donc parler en l’occurrence du mode de scrutin « Michèle André » !

Je tenais à le rappeler à chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et notamment à tous les élus de la majorité sénatoriale, afin que les choses soient bien claires.

M. Alain Fauconnier. Tout à fait !

M. Manuel Valls, ministre. Cette idée n’est donc pas de moi. Je ne dis pas que je n’aurais pas aimé en être l’inventeur, et déposer un brevet pour la protéger. Une fois essayée en France, je ne doute pas, d’ailleurs, qu’elle aurait prospéré ailleurs, dans d’autres pays ! (Sourires.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le rappelle, ce mode de scrutin a été proposé pour les conseils généraux dans le but précis de concilier ancrage local et parité.

En outre, monsieur Larcher, nous partageons l’idée que le département, c’est tout à la fois une population et un territoire. Lors de la première lecture du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, j’ai d’ailleurs émis un avis favorable sur un amendement présenté par M. Sauvadet qui allait dans ce sens. Je le dis à Jean-Léonce Dupont et à Hervé Maurey, qui sont membres du même groupe politique que M. Sauvadet, nous pouvons au moins nous mettre d’accord sur ce point : c’est le conseil général qui permet le mieux cette représentation de la population et du territoire. Ce constat justifie, dès lors, le mode de scrutin qui lui est appliqué.

J’irai même plus loin : cela justifie que les différents échelons politiques du territoire ne connaissent pas le même mode de scrutin. Pas de faux débat entre nous : cette variété est la particularité de notre pays ! Et quoi ! On ne peut pas, d’un côté, en appeler à la diversité des territoires et, de l’autre, vouloir tout uniformiser ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Il s’agit, d’ailleurs, me semble-t-il, de l’un des problèmes qui auraient été posés par la création du conseiller territorial, qui tendait à confondre la région et le département.

Nos débats devront donc nous permettre d’avancer sur ce point.

J’apporte, enfin, une dernière – et aimable ! – précision par rapport aux propos que vous avez tenus tout à l’heure, monsieur Larcher. Vous avez affirmé que, du dernier conseil des ministres, il ressortait que le Gouvernement allait légiférer par ordonnances. Permettez-moi de vous dire que j’y étais, et vous non !

M. Gérard Larcher. Et pour cause !

M. Manuel Valls, ministre. Nous avons l’un et l’autre connu la situation inverse, monsieur le sénateur !

En tout état de cause, n’affirmez donc pas des choses inexactes, même si je conviens que la question du recours aux ordonnances peut se poser.

M. Gérard Larcher. Oui ! Et il est logique qu’un parlementaire réagisse !

M. Manuel Valls, ministre. Certes, mais il doit le faire sur la base de bonnes informations !

Dans un discours important, prononcé hier à Dijon, le Président de la République a évoqué les blocages dont souffrait la société française, ainsi que les différents moyens pour les lever : la loi en est un, bien sûr, mais les ordonnances aussi. Le Président de la République a notamment indiqué que des mesures relatives à la question du logement pourraient être prises par ce biais.

M. Gérard Larcher. Notamment !

M. Manuel Valls, ministre. D’autres sujets pourraient connaître le même traitement. Des gouvernements précédents, je le rappelle, ont déjà eu recours aux ordonnances pour légiférer. Ces dernières, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, sont une possibilité inscrite dans la Constitution.

M. Gérard Larcher. Oui, ainsi que le rôle du Parlement !

M. Manuel Valls, ministre. J’imagine que le débat aura lieu quand le problème se posera ! De grâce, mesdames, messieurs les sénateurs, ne le précipitons pas, alors que, je le répète, le conseil des ministres n’a absolument pas évoqué cette question.

M. Gérard Larcher. L’annonce a pourtant été faite à son issue, et par la porte-parole !

M. Manuel Valls, ministre. La porte-parole du Gouvernement s’est exprimée sur ce sujet car on lui avait posé la question. Monsieur Larcher, vous n’arriverez pas à me prendre en défaut sur ce sujet !

M. Gérard Larcher. Vous non plus ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Je remercie Philippe Adnot, qui a affirmé son soutien à l’idée du scrutin binominal, tout en posant, c’est vrai, un certain nombre de conditions. De manière tout à fait pertinente, il a rappelé que les conseillers généraux ne géraient pas les cantons – même s’ils les défendent, évidemment –, mais qu’ils participaient aux délibérations de l’assemblée départementale.

Rejoignant en cela Jean-Léonce Dupont, M. Adnot a également rappelé que les évolutions démographiques de nos territoires devaient entraîner un nouveau découpage, et que la loi créant le conseiller territorial l’avait elle-même prévu.

À ceux qui, évoquant notre projet de loi, parlent de « tripatouillage » ou qui nous soupçonnent de vouloir changer la donne électorale avant des scrutins, je réponds, en toute franchise, qu’il aurait été beaucoup plus prudent pour nous de ne toucher à rien et de laisser inchangés le mode de scrutin et le découpage actuel des cantons !

Si l’on avait voulu être prudent jusqu’au bout, il aurait même fallu ne pas s’attaquer au renouvellement par moitié des cantons. Cependant, nous avons fait le choix de la clarté, en instaurant le renouvellement des conseilleurs généraux en une seule série. Cela a été salué, d’ailleurs, et je crois que, sur ce point, nous pouvons nous entendre.

Nous avons également fait le choix de la parité.

Nous avons, enfin, fait le choix du redécoupage cantonal. Certains l’ont dit, ce redécoupage aurait été de toute façon nécessaire. Il aurait même été rendu incontournable par l’apparition du conseiller territorial, si l’élection d’un nouveau Président de la République et d’une nouvelle majorité politique en 2012 n’en avait décidé autrement.

Il est donc nécessaire de créer les conditions d’un redécoupage cantonal le plus juste possible. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une fois la loi promulguée, chaque département verra son découpage réglé par un décret, soumis à l’examen du Conseil d’État.

J’en profite pour répondre à M. Mézard.

Vous souhaitez, monsieur le sénateur, que le législateur procède lui-même au redécoupage cantonal. Pourtant, l’article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe seulement les règles concernant le régime électoral des assemblées locales. C’est bien ce que le présent texte permet. Les découpages cantonaux, j’y insiste, ont toujours été effectués par voie réglementaire.

Par ailleurs, vous vous inquiétez – et c’est légitime – du sort des sous-préfectures dans les territoires ruraux. Je tiens à rappeler en ces lieux les engagements que j’ai pris en la matière, visant à garantir la pérennité de ces structures dans les zones rurales ou les zones les plus isolées, là où elles sont, justement, le plus nécessaires.

J’ai bien compris que votre propos se référait plutôt au passé. Vous avez vous-même cité la révision générale des politiques publiques, la RGPP, pour étayer votre défense des territoires dont nous parlons. Je vous remercie donc de votre soutien personnel, monsieur le sénateur, et me flatte d’avoir la même conception de la République que vous.

Vous le savez bien, pourtant, il n’y a pas de roses sans épines ! ET que seraient ces belles fleurs, sans épines ? (Sourires.) Notre débat, c’est vrai, est parfois épineux, mais cela ne m’empêchera pas d’essayer de vous convaincre, monsieur le sénateur !

J’espère également convaincre Mme Assassi. J’ai compris qu’elle avait la même ambition à mon endroit. Nous aurons l’occasion, au cours de nos débats, de poursuivre notre dialogue sur les scrutins majoritaire et proportionnel. Même si notre désaccord est acté, je remercie Mme Assassi de reconnaître la clarté et l’honnêteté de mon propos depuis que nous discutons du présent texte.

Avec Mme Lipietz, nous avons, je le crois, le même engagement en faveur de la parité. Je vous assure, madame la sénatrice, que l’intention du Gouvernement est la même pour tous les groupes, a fortiori quand ils appartiennent à la majorité. Je vous encourage donc à être le premier soutien du Président de la République, de manière à lui permettre de tenir cet engagement.

Je veux le dire à chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix du Gouvernement est clair. Le projet de loi dont nous discutons, adopté au conseil des ministres, a certes été, en première lecture, rejeté par le Sénat, mais il a été voté par l’Assemblée nationale. Cela signifie, Jean-Jacques Hyest comme Gérard Larcher l’ont dit, que le scrutin binominal sera adopté in fine. C’est pourquoi j’aborde la deuxième lecture de ce texte devant le Sénat avec l’intention de faire en sorte que la Haute Assemblée s’empare pleinement de ce texte, ou, du moins, qu’elle tente de s’en accommoder et que nous construisions une majorité pour l’adopter.

Un certain nombre de propositions ont été formulées. M. Sido propose de relever à 40 % l’écart entre la population d’un canton et la population moyenne des cantons du département. Mais, monsieur le sénateur, nous n’avons pas encore discuté de la proposition de la commission, qui propose de relever ce seuil à 30 % !

M. Éric Doligé. Qui peut le plus peut le moins !

M. Manuel Valls, ministre. Certes, mais je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen d’y arriver !

En tout état de cause, je suis ouvert à de nouvelles discussions sur ce point. Je l’avais dit ici même, à l’occasion de la première lecture.

M. René Garrec. En effet !

M. Manuel Valls, ministre. S’il faut avancer sur ce sujet, nous le ferons.

M. Gérard Larcher. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Cependant, la question est liée, bien évidemment, au scrutin binominal lui-même.

M. Bruno Sido. Oui, on a compris ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Tant mieux ! Alors, je n’en dis pas plus et avançons !

M. Didier Guillaume. Sinon, on est encore là dans dix ans !

M. Gérard Larcher. Sel et poivre !

M. Manuel Valls, ministre. Ou fromage et dessert, comme on l’a dit ! (Nouveaux sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Je suis également ouvert au débat sur le seuil pour le maintien au second tour. Nous avons déjà eu cette discussion, et le sujet est compliqué. Je pense toutefois qu’il faut garantir la pluralité au second tour. C’est pour cela que nous ne cautionnons pas nécessairement l’idée selon laquelle seuls les deux binômes de candidats ayant recueilli le maximum de suffrages au premier tour pourraient se maintenir au second tour. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. Claude Domeizel a également évoqué ces questions. Il a eu raison de souligner la nécessité d’informer largement les électeurs sur ces nouvelles règles.

Je remercie M. Georges Labazée de son intervention, ainsi que tous ceux qui se sont exprimés cet après-midi.

Chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, représente de manière égale la diversité de notre pays. Cette diversité est un fait, et je suis toujours gêné quand on oppose les territoires urbains aux territoires ruraux. C’est pour cette raison que l’idée du « scrutin mixte » ne me convient pas. Je trouverais assez étonnant que le scrutin proportionnel s’applique aux territoires urbains, et non aux territoires ruraux.

Ce mode de scrutin existe pour le Sénat, certes, mais cela tient à son histoire.

M. Gérard Larcher. Son histoire assez récente !

M. Manuel Valls, ministre. De plus, ce sont les élus qui désignent les sénateurs.

Avec le scrutin mixte, seuls les territoires urbains bénéficieraient à la fois du scrutin proportionnel et de la parité, alors que les territoires ruraux seraient privés de cette dernière. À mon sens, je le dis de manière très directe, cela revient à considérer les territoires ruraux comme incapables d’accompagner les évolutions de la société française, alors que ce n’est absolument pas le cas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Manuel Valls, ministre. Je crois plutôt à la cohérence promue par le présent texte, même si, je le répète, je suis conscient de la nécessité d’avancer sur la voie d’une représentation la plus large et la plus diverse possible, au sein de chaque territoire.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est inspiré d’une réelle volonté de dialogue et d’ouverture, pour élaborer, avec le Parlement, le meilleur texte possible, tout en préservant, cela va de soi, ses objectifs initiaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...

La discussion générale commune est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

 
 
 

4

Nomination des membres de deux missions communes d’information

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour les missions communes d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement et sur la filière viande en France et en Europe : élevage, abattage et distribution.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame :

- M. Philippe Adnot, Mme Kalliopi Ango Ela, M. Michel Berson, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jacques Chiron, Yvon Collin, Marc Daunis, Mmes Michelle Demessine, Mmes Marie-Annick Duchêne, Josette Durrieu, Joëlle Garriaud-Maylam, Brigitte Gonthier-Maurin, Christiane Kammermann, Fabienne Keller, MM. Jean-Yves Leconte, Jacques Legendre, Mmes Claudine Lepage, Valérie Létard, M. Rachel Mazuir, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, MM. Robert Navarro, Bernard Piras, Christian Poncelet, Mme Sophie Primas, MM. Henri de Raincourt, André Trillard, membres de la mission commune d’information sur l’action extérieure de la France en matière de recherche et de développement ;

- MM. Gérard Bailly, René Beaumont, Claude Bérit-Débat, Mme Bernadette Bourzai, MM. Michel Boutant, Gérard César, Mme Laurence Cohen, MM. Roland Courteau, André Dulait, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, François Fortassin, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Benoît Huré, Jean-François Husson, Georges Labazée, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, MM. Jean-Jacques Lasserre, Gérard Le Cam, Jean-Claude Lenoir, Jean-Jacques Mirassou, Mme Renée Nicoux, MM. Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Charles Revet, membres de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe : élevage, abattage et distribution.

5

Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a émis, le mardi 12 mars, à la majorité, un vote favorable – huit voix pour, quatre abstentions et une voix contre – à la nomination de M. Christian Leyrit comme président de la Commission nationale du débat public.

Acte est donné de cette communication.

6

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil Constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d’une part, et par plus de soixante députés, d’autre part, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.

Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral.

La discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL DÉPARTEMENTAL

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article 1er bis (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

Dans l’ensemble des dispositions législatives :

1° Les mots : « conseils généraux », « conseiller général » et « conseillers généraux » sont remplacés, respectivement, par les mots : « conseils départementaux », « conseiller départemental » et « conseillers départementaux » ;

2° Les mots : « conseil général », lorsqu’ils s’appliquent à l’organe mentionné à l’article L. 3121-1 du code général des collectivités territoriales, sont remplacés par les mots : « conseil départemental ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 164 est présenté par M. Sido.

L'amendement n° 243 rectifié est présenté par MM. de Montgolfier, Houel, Savin, Pointereau, Lefèvre, Grignon, Doligé, Charon et Pierre, Mlle Joissains, MM. Bizet, Ferrand, Milon et Chauveau et Mme Des Esgaulx.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l’amendement n° 164.

M. Bruno Sido. Le département, dont la création est antérieure à la proclamation de la République elle-même, est un échelon bien connu de nos concitoyens : quand on parle du conseil général, ils savent de quoi il s’agit.

Or l’acte III de la décentralisation annoncé maltraite et marginalise les départements. On peut même penser que le changement de dénomination du conseil général prépare leur suppression… Personne ne sachant ce qu’est un « conseil départemental », cela passera inaperçu ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Par ailleurs, un tel changement d’appellation coûtera cher, dans une période où l’on souhaite réaliser des économies. En effet, il faudra bien remplacer « général » par « départemental » aux frontons des hôtels de département, sur la carrosserie des cars de ramassage scolaire, sur tous les documents, les enveloppes, le papier à en-tête !

M. Claude Bérit-Débat et Mme Gisèle Printz. Et avec la création du conseiller territorial ?

M. Bruno Sido. Il s’agissait de créer des conseillers territoriaux, et non un conseil territorial !

M. Albéric de Montgolfier. Le conseil général restait !

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Mirassou. Il était en sursis !

M. Bruno Sido. Une telle mesure me semble en outre inutile, car nos concitoyens continueront de parler du « conseil général ». Du reste, si l’on suit votre logique, pourquoi ne pas rebaptiser le conseil municipal « conseil communal », puisqu’il administre la commune ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. Qui est aussi une municipalité !

M. Bruno Sido. Mais il y a plus grave : comme l’a souligné Gérard Larcher, nous passons notre temps à légiférer sur des sujets tout de même secondaires au regard des difficultés que traverse notre pays. Où sont les projets de loi visant à relancer l’économie et à lutter contre le chômage ? Chaque mois, plusieurs dizaines de milliers de Français de plus sont touchés ! Va-t-on traiter ces questions par voie d’ordonnances, en laissant au Parlement le soin de s’engager dans des débats à perte de vue, entrecoupés de longues suspensions de séance, sur des sujets moins cruciaux ?

Mme Gisèle Printz. Votre temps de parole est écoulé !

M. Bruno Sido. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression !

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l'amendement n° 243 rectifié.

M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement vise lui aussi à supprimer l’article 1er.

Tout d’abord, modifier la dénomination du conseil général ne me paraît pas correspondre à une attente fondamentale des Français.

Ensuite, alors que le projet de loi relatif à la décentralisation que nous examinerons prochainement précisera les compétences respectives de chaque niveau de collectivités, effacer aujourd'hui l’adjectif « général » dans la dénomination de l’exécutif départemental reviendrait à entériner par anticipation la suppression de la clause de compétence générale des départements… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. C’est vous qui vouliez la supprimer ! Pas nous !

M. Albéric de Montgolfier. Nous proposons d’attendre l’examen du futur texte sur la décentralisation pour débattre de ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mieux vaudrait, me semble-t-il, ne pas rouvrir la discussion sur les points ayant déjà fait l’objet d’un accord. (Mme Jacqueline Gourault acquiesce.)

En l’occurrence, un accord est déjà intervenu sur le changement de dénomination du conseil général. Je pense d’ailleurs que nos compatriotes, en particulier les jeunes, s’y feront très vite. Ne revenons donc pas sur une question que nous avons déjà tranchée, d’autant que cette modification de langage sera aussi un instrument de communication important.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Essayons de gagner du temps. Il est assez paradoxal de revenir longuement sur un sujet que vous jugez vous-même secondaire, monsieur Sido… Quant aux suspensions de séance, ne me faites pas de faux procès : elles peuvent permettre de mener d’autres activités également susceptibles d’intéresser les Français.

En tout état de cause, la suppression du conseiller territorial nous obligeait à vous présenter un nouveau texte de loi. Comme l’a souligné M. le rapporteur, il serait bon, au cours de cette deuxième lecture, de nous concentrer sur les points n’ayant pas déjà fait l’objet d’un accord.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Claude Domeizel. Je voudrais vous livrer une anecdote : lorsque mon petit-fils m’a demandé pourquoi on disait « conseil régional » et « conseil général », je n’ai pas su lui expliquer pourquoi on ne parlait pas de « conseil départemental ».

M. Albéric de Montgolfier. Nous lui expliquerons.

M. Claude Domeizel. Si ces deux amendements identiques sont adoptés, je pourrai lui dire que c’est à cause de M. Sido ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Est-il vraiment utile de changer l’appellation d’une instance qui, si j’en crois une déclaration de M. le président de la commission des lois rapportée par Le Figaro, a déjà disparu ?

Mme Évelyne Didier. Grâce à vous !

M. Éric Doligé. M. Sueur, qui n’a guère l’habitude de s’exprimer dans ce journal, aurait tenu les propos suivants : « Nous avons besoin de régions fortes, de métropoles et de communautés d’agglomération fortes. Il faut faire des choix. » Les départements ont donc apparemment disparu du paysage politique. Dès lors, je ne vois pas l’intérêt de changer le nom d’une institution dont le sort est déjà réglé.

M. le président de la commission des lois a d’ailleurs ajouté qu’« une réduction des budgets des collectivités locales, demandée par le Gouvernement dans le cadre de la réduction des déficits publics, est nécessaire ». Or les conseils généraux sont déjà asphyxiés financièrement !

M. Jean-Jacques Mirassou. Quel redoutable optimiste !

M. Éric Doligé. Il est donc inutile de perdre notre temps sur la mesure en discussion, puisque la mort des conseils généraux est déjà décidée. Cela étant, il est tout à fait possible que vos paroles aient été mal retranscrites, monsieur le président de la commission des lois et sénateur du Loiret… (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Je soutiens ces amendements.

En effet, si le conseil général est renommé « conseil départemental », la confusion sera totale, car il existe déjà au moins une dizaine d’organismes d’État dont la dénomination commence par les mots « conseil départemental » ! La seule solution serait alors de modifier l’appellation de toutes ces instances, afin que la dénomination « conseil départemental » soit réservée à l’exécutif du département.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je félicite M. Doligé de l’attention avec laquelle il lit Le Figaro : il faut toujours s’informer !

J’ai effectivement été invité par ce journal à m’exprimer. J’ai même été filmé (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.), et la version intégrale de ma déclaration, reprise en outre par l’Agence France-Presse, est à votre disposition sur internet, mes chers collègues.

Excusez-moi de me citer : « Il faut des régions fortes, des métropoles et des communautés fortes, dans le respect du rôle des communes et des départements. » (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Je pense, cher Éric Doligé, que vous serez donc pleinement rassuré : nous partageons la même passion pour le département du Loiret !

M. Didier Guillaume. Pour tous les départements !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien entendu ! Il est parfaitement possible d’affirmer que la France a besoin de régions et de communautés fortes sans vouloir pour autant porter atteinte aux prérogatives des départements et des communes.

M. Didier Guillaume. Évidemment !

M. Roland Courteau. Excellente mise au point !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il était important de le préciser pour éviter les faux procès.

En 1991, j’ai défendu, ici même au Sénat, une loi portant création des communautés de communes. À cette occasion, j’avais affirmé que l’intercommunalité était nécessaire, indispensable, y compris pour nos 36 700 communes : pour que celles-ci puissent subsister, il faut qu’elles fassent ensemble, par le biais de communautés librement créées, ce qu’elles ne peuvent accomplir seules.

Nous devons avancer, mais dans le respect des réalités qui font notre République !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 et 243 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article additionnel avant l'article 2

Article 1er bis

(Non modifié)

L’article L. 3121-1 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « qui représente la population et les territoires qui le composent ».

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. L’Assemblée nationale a eu l’initiative heureuse de préciser que le département « représente la population et les territoires qui le composent ».

Ce qui est fâcheux – mais c’est malheureusement habituel –, c’est que le contenu du présent projet de loi ignore superbement le principe qu’il proclame.

Le mode de scrutin binominal permet certes de représenter la population, mais aucunement les territoires, le pluriel signifiant qu’il ne s’agit pas d’une surface euclidienne où tous les points se valent et où le chemin le plus court entre deux d’entre eux est la ligne droite !

Parler des territoires, c’est tenir compte des lieux où les gens vivent, de leur organisation et de leurs spécificités.

M. Gérard Longuet. Il a raison !

M. Pierre-Yves Collombat. Constatons que les ciseaux du grand charcutier électoral ne seront contraints par aucune de ces considérations vulgaires. Ils le seront seulement par la moyenne démographique départementale, avec une marge de plus ou moins 20 % – ou 30 % si le Gouvernement et l’Assemblée nationale se rallient à la proposition de la commission des lois du Sénat –, et que l’on ne vienne pas me dire que les « exceptions de portée limitée » prévues à l’article 23 changeront fondamentalement quelque chose à l’affaire !

Constatons que, en accentuant encore le manque de signification des circonscriptions pour la population et les électeurs, le mode de scrutin binominal rendra les conseillers départementaux ruraux moins identifiables que les actuels conseillers généraux, sans améliorer la visibilité des conseillers urbains.

Dans l’affaire, les grands perdants seront effectivement les territoires ruraux. Ils n’avaient pourtant pas si mal voté en 2011, lors des élections sénatoriales ; qu’il en aille de même la prochaine fois n’est pas certain…

Ils seront les grands perdants en termes d’expression et de poids politique au sein d’une institution aussi essentielle pour eux que le département. Ils seront les grands perdants parce que le canton nouveau n’aura aucune signification, contrairement au canton ancien, qui en avait une dans la majorité des cas.

Après m’être battu pied à pied contre le projet de création du conseiller territorial, je suis forcé de constater que, au final, il était moins calamiteux pour les territoires ruraux que celui qui est censé le remplacer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Si, dans les départements les plus ruraux, la représentation des ruraux au conseil départemental variera peu, car le nombre global de cantons ne sera guère différent après le nouveau découpage, cette représentation va s’effondrer, en revanche, au conseil régional.

Ainsi, la Lozère, qui pouvait compter sur quinze conseillers territoriaux, et donc quinze conseillers régionaux, devra se contenter, au mieux, de deux conseillers régionaux. Les Alpes-de-Haute-Provence auront trois, voire deux, conseillers régionaux, alors que ce département en aurait eu quinze avec la création des conseillers territoriaux !

Quant aux départements fortement urbanisés, comme le Var ou les Alpes-Maritimes, du fait de la conjonction de la division par deux du nombre des cantons et du scrutin proportionnel régional, ils seront perdants sur toute la ligne.

Que les grands stratèges à l’origine du « scrutin binomial » l’aient voulu ou que cela leur ait échappé, il y a de quoi faire une poussée d’urticaire…

Plus le temps passe, plus les inconvénients de ce mode de scrutin deviennent évidents. Une fois la loi votée, quand il s’agira de passer aux travaux pratiques du découpage, des candidatures et des refus d’investiture, quand les urnes auront parlé, je fais le pari que ceux qui revendiqueront la paternité de cette réforme ne seront pas nombreux !

Quoi qu’il en soit, il sera alors trop tard : si nous voulons agir, c’est maintenant qu’il faut le faire. Mais je sais pertinemment que je prêche dans le désert ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. L'amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 71 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l’élection des conseillers départementaux

Article 1er bis (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel avant l'article 2

M. le président. L'amendement n° 177 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. de Montesquiou, Guerriau, J. L. Dupont, Namy, Tandonnet, Marseille, Merceron et Capo-Canellas, est ainsi libellé :

Avant l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est ainsi modifiée :

1° Les trois derniers alinéas de l'article 8 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ce montant est divisé en trois fractions :

« 1° Une première fraction destinée au financement des partis et groupements en fonction de leurs résultats aux élections à l’Assemblée nationale, équivalente au quart du montant des crédits visés au premier alinéa ;

« 2° Une deuxième fraction destinée au financement des partis et groupements en fonction de leurs résultats aux élections aux conseils départementaux, équivalente au quart du montant des crédits visés au premier alinéa ;

« 3° Une troisième fraction spécifiquement destinée au financement des partis et groupements représentés au Parlement, équivalente à la moitié du montant des crédits visés au premier alinéa. » ;

2° L'article 9 est ainsi modifié :

a) Après le cinquième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La deuxième fraction de ces aides est attribuée aux partis et groupements politiques bénéficiaires de la première fraction visée ci-dessus.

« La répartition est effectuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour lors du plus récent renouvellement des conseils départementaux par chacun des partis et groupements en cause. Il n’est pas tenu compte des suffrages obtenus par les candidats déclarés inéligibles au titre de l’article L.O. 128 du code électoral.

« En vue de la répartition prévue aux alinéas précédents, les candidats à l’élection des conseillers départementaux indiquent, s’il y a lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachent. Ce parti ou groupement peut être choisi sur une liste établie par arrêté du ministre de l’intérieur publié au Journal officiel de la République française au plus tard le cinquième vendredi précédant le jour du scrutin, ou en dehors de cette liste. La liste comprend l’ensemble des partis ou groupements politiques qui ont déposé au ministère de l’intérieur au plus tard à dix-huit heures le sixième vendredi précédant le jour du scrutin une demande en vue de bénéficier de la deuxième fraction des aides prévues à l’article 8. » ;

b) Au sixième alinéa, le mot : « seconde » est remplacé par le mot : « troisième ».

3° L'article 9-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou groupement, lors du dernier renouvellement des conseils départementaux, conformément au huitième alinéa de l’article 9, dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la deuxième fraction qui lui est attribué en application des articles 8 et 9 est diminué d’un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats. »

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Nous l’avons dit lors de la première lecture et au cours de la discussion générale et nous le redirons lorsque nous examinerons l’article 2 : nous ne sommes pas favorables au scrutin binominal.

Nous refusons d’entrer dans cette logique selon laquelle nous n’aurions le choix qu’entre le scrutin binominal et la proportionnelle : nous présenterons donc différents amendements ouvrant d’autres voies. En particulier, nous proposerons le maintien du scrutin uninominal actuel, étant naturellement entendu qu’il conviendra de procéder à un redécoupage des cantons. Néanmoins, ce n’est pas parce que des disparités cantonales existent qu’il faut supprimer le mode de scrutin actuellement en vigueur.

En revanche, il faut accompagner le scrutin uninominal d’un dispositif visant à favoriser la parité : tel est l’objet du présent amendement.

À budget constant, nous proposons que la fraction de la dotation actuellement accordée aux partis politiques en fonction de leurs résultats aux élections législatives soit scindée en deux, afin que l’attribution d’une moitié de cette fraction du financement public des partis dépende des résultats aux élections cantonales.

Avec un tel système, qui prendra en compte les efforts des partis politiques pour tendre vers la parité, la principale objection faite aujourd’hui au mode de scrutin actuel tombera d’elle-même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

M. Bruno Sido. Pourquoi ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Maurey, assumez, au moins ! Certes, vous êtes centriste, de droite, mais tout de même ! (M. Hervé Maurey s’étonne.)

Vous avez l’honnêteté de reconnaître, ce qui vous honore, que vous êtes favorable au maintien du mode de scrutin actuel, tout en acceptant le principe du redécoupage, pourtant mis en accusation avec virulence, en particulier à l’Assemblée nationale, notamment par votre ami M. Sauvadet. Même si la création du conseiller territorial avait été maintenue ou si l’on avait gardé le mode de scrutin aujourd’hui en vigueur, un redécoupage aurait été nécessaire.

La mise en œuvre du dispositif que vous préconisez ferait obstacle à la parité. Si l’on veut instaurer la parité intégrale, il n’y a que deux modes de scrutin possibles : la proportionnelle ou le scrutin binominal.

M. Manuel Valls, ministre. Si, les autres voies permettent tout au plus de tendre vers la parité ! Ainsi, imposer que le candidat et son suppléant soient de sexe différent n’est pas satisfaisant, puisque c’est en général la femme qui est suppléante : seulement 13,5 % des conseillers généraux sont des femmes.

En tout état de cause, monsieur le sénateur, vous défendez le statu quo. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas l’avis de M. Maurey.

Lier le financement public des partis politiques aux résultats des élections cantonales entraînerait, de mon point de vue, une confusion. En effet, proposer comme vous le faites, mon cher collègue, d’étendre l’application du système de financement public des partis en vigueur pour les élections législatives aux élections cantonales revient à assimiler les représentants des territoires que sont les conseillers généraux aux députés, qui pour leur part doivent représenter chacun un nombre d’électeurs à peu près équivalent.

Dans le cadre de la représentation territoriale, en revanche, le chiffre de la population des ressorts d’élection peut être très variable. Sans doute existe-t-il des situations excessives à cet égard et aurions-nous pu, les uns et les autres, revoir la carte cantonale, comme l’avait fait en 1840 la monarchie de Louis-Philippe en supprimant plus d’un tiers des cantons définis en 1801.

Quoi qu’il en soit, l’élu cantonal reste un représentant du territoire, et pour que les territoires puissent être représentés il faut accepter la diversité démographique. La légitimité territoriale du conseiller général est donc nécessairement distincte de la légitimité du parlementaire, qui est un élu strictement politique.

J’ai voulu profiter de la discussion de votre amendement, monsieur Maurey, pour rappeler que si nous acceptons la différence démographique, c’est qu’à nos yeux l’élu départemental est non pas un élu du nombre, mais bien un élu du territoire, du cadre de vie, du mode de vie. Les lieux de vie, dans toute leur diversité, qu’ils soient urbains ou ruraux, de montagne ou de plaine, ont droit à une représentation, ne serait-ce par exemple que pour assurer l’organisation des transports scolaires, dont l’actualité nous montre qu’elle diffère selon les territoires. Cette diversité nous oblige à distinguer les élus législatifs, désignés par un nombre équivalent de citoyens, ce qui leur confère un poids politique équivalent, des élus départementaux, dont la légitimité se fonde sur la représentation d’un territoire et d’un mode de vie territorial.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. J’aimerais d’abord répondre à M. le ministre, dont l’agressivité m’a stupéfié. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls, ministre. Mais non !

M. Hervé Maurey. Il a tenu des propos extrêmement désagréables sur les centristes, insinuant qu’ils ne seraient pas courageux.

M. Manuel Valls, ministre. C’est une définition du centrisme !

M. Hervé Maurey. C’est sans doute la vôtre, mais ce n’est pas la mienne, et ceux qui me connaissent me prêtent rarement le défaut de manquer de courage.

M. Didier Guillaume. Mais vous manquez peut-être de modestie !

M. Hervé Maurey. Sur le fond, il est évident qu’un découpage est nécessaire : je n’ai jamais dit le contraire. Il n’est pas acceptable que le chiffre de la population cantonale puisse varier de 1 à 40. Pour autant – je rejoins sur ce point Gérard Longuet, et je ne vois d'ailleurs pas très bien en quoi nous ne sommes pas d’accord (M. Claude Bérit-Débat rit.) –, il faut aussi prendre en compte la dimension territoriale.

Ce que je reproche, sur ce plan, à votre projet de loi, monsieur le ministre, c’est qu’il vise à mettre en œuvre un redécoupage des cantons sur une base uniquement démographique ou presque. Un conseiller général ou départemental ne doit bien sûr pas représenter seulement une population, mais également un territoire. Or si demain des cantons comptent soixante ou quatre-vingt communes, il s’agira alors de circonscriptions, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je pense effectivement qu’il vaut mieux tendre vers la parité plutôt que de l’atteindre de manière absolue immédiatement, comme vous le proposez, en sacrifiant la ruralité par la création de cantons qui ne seront pas à taille humaine.

Enfin, je pense que Gérard Longuet n’a pas tout à fait compris le sens de mon amendement, car je suis tout à fait d’accord avec ce qu’il a dit. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Il convient en effet de distinguer population et territoire, élu législatif et élu départemental. Je propose simplement, afin de permettre le maintien du mode de scrutin actuellement en vigueur tout en favorisant la parité, d’étendre aux élections cantonales le système de pénalités qui s’applique aujourd’hui pour les élections législatives.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Discussion générale (début)

Article 2

(Non modifié)

L’article L. 191 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 191. – Les électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l’ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l’occasion de l’élection. »

M. le président. La parole est à M. Christian Namy, sur l'article.

M. Christian Namy. À mes yeux, le principal reproche que l’on puisse faire à ce projet de loi, c’est de méconnaître complètement la réalité de la vie locale.

Bien sûr, le mode de scrutin proposé donne bonne conscience : en faisant élire un homme et une femme dans chaque canton, il résout la question de la parité dans les assemblées départementales ; en maintenant le canton comme cadre d’élection, il donne à penser que l’on conserve un lien entre l’élu et son territoire.

La réalité sera malheureusement tout à fait différente.

La création d’un binôme d’élus sera source de confusion et de complexité. (Mme Gisèle Printz fait un signe de dénégation.) Comment les électeurs pourront-ils comprendre que deux élus seront chargés du même territoire, des mêmes dossiers, des mêmes projets ?

On maintient certes les cantons, mais en imposant leur redécoupage selon le seul critère démographique. Au mépris de la réalité des territoires, on provoque la création de très grands cantons en milieu rural, dont la taille ne permettra plus l’établissement de relations de proximité entre l’élu et les habitants. Comment le conseiller départemental pourra-t-il jouer son rôle de « facilitateur », de médiateur, d’animateur des forces vives locales lorsque le nouveau canton regroupera, comme ce sera le cas dans mon département, trois, quatre ou cinq des cantons actuels ?

Alors que la discussion parlementaire, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, aurait dû nous rassurer, elle n’a cessé de faire émerger de nouveaux problèmes, de soulever de nouvelles questions, de mettre en exergue de nouvelles difficultés quant au fonctionnement des futurs binômes.

De même que l’on n’a jamais vu deux directeurs à la tête d’une même entreprise, deux généraux à la tête d’une même armée ou deux ministres de l’intérieur place Beauvau, avec la meilleure volonté du monde, on ne voit pas comment pourront cohabiter deux conseillers départementaux dans le même canton. Le mode de scrutin proposé est mauvais et, s’il n’a pas d’équivalent dans le monde, c’est parce qu’il est bancal, ubuesque et quasiment impraticable.

C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de l’article 2 et le maintien du mode de scrutin actuel pour les élections cantonales, qui seul permet l’établissement d’un véritable lien, direct et profond, entre l’élu départemental et les habitants de son canton. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, sur l'article.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, les centristes se succèdent !

Je suis de ceux qui se sont prononcés en faveur du changement de dénomination de l’élu départemental. Monsieur le ministre, quel nom donnera-t-on au canton ? Lui donnera-t-on celui de la plus grande commune ? Il ne s’agit pas pour moi d’ouvrir une polémique, ce n’est pas dans ma nature, mais je m’étonne que ce sujet, qui me semble fondamental, ne soit pas abordé.

M. Bruno Sido. C’est un vrai sujet !

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, un responsable n’a pas le droit d’être désespéré, mais il a le droit de dire ce qu’il pense. Sous le précédent gouvernement, j’avais dit que les conseillers territoriaux seraient des voyageurs kilométriques. Aujourd’hui, je vous dis très franchement que la mise en place du scrutin binominal entachera votre image : comme l’a indiqué M. Namy, ce binôme ne fonctionnera pas ! Je le pense profondément. Des expériences de cet ordre ont été tentées dans le monde associatif de mon département : elles ont échoué.

La mise en place de ce mode de scrutin est présentée comme une innovation.

M. Roland Courteau. Eh oui, il faut innover !

M. Jean Boyer. Mais pour innover, monsieur le ministre, il faut avoir réalisé quelques expériences, regardé comment les choses se passent ailleurs ! Très franchement, je crois qu’il y aura chevauchement de responsabilités. Les conseillers généraux votent le budget départemental, mais ils représentent aussi un territoire et sa population.

M. Jean Boyer. Avec l’instauration du binôme, cette représentation du terrain risque de ne plus être effective. Je le dis très sincèrement, en ayant conscience de ne pas détenir toute la vérité.

J’ajoute, monsieur le ministre, que les simulations font apparaître que les futurs cantons couvriront entre 3 500 et 70 000 hectares : de telles différences ne sont pas raisonnables.

En conscience, je ne pourrai voter l’article 2. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet article est incontestablement le plus important et le moins consensuel du projet de loi ; je dirais qu’il est inutilement non consensuel.

Au nom de la représentation des territoires et de la parité, le Gouvernement nous propose d’adopter, pour l’élection des conseillers départementaux, un mode de scrutin si original que personne n’en a voulu jusqu’à présent… Plus la discussion avance, plus on s’aperçoit que, le premier moment d’amusement bienveillant passé, il y a quelques raisons à cela !

Que ce mode de scrutin ne permette pas la représentation des territoires dans leur diversité, leur chair, je pense l’avoir montré il y a un instant ; je n’y reviendrai donc pas. Mais qu’en est-il de la parité ?

Je commencerai par un petit rappel historique. Cette idée a été pour la première fois agitée au Sénat, lors de la discussion sur le mode de scrutin pouvant être appliqué à l’élection du conseiller territorial. Son premier promoteur fut notre ancien collègue Charles Gautier, alors sénateur de Loire-Atlantique, que ses petits camarades n’ont d'ailleurs pas réinvesti… (Sourires. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mme Michèle André a proposé ce mode de scrutin à la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui l’a suivie,…

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. … mais il s’agissait alors d’apporter un correctif au mode de scrutin retenu par le gouvernement de l’époque pour l’élection du conseiller territorial. Dans une telle logique, on pouvait effectivement adopter cette façon de voir.

Ici, on remet tout sur la table, et l’on peut donc chercher d’autres moyens de faire respecter le principe de parité. À cet égard, sans partager tous les reproches qui sont adressés au mode de scrutin proposé, je constate qu’il existe tout de même des différences entre la position de la Délégation aux droits des femmes du Sénat hier et celle de l'Assemblée nationale aujourd’hui.

Cela étant, l’essentiel est ailleurs : comment assurer un ancrage de la parité ? J’ai la faiblesse de penser qu’appliquer la représentation proportionnelle à l’échelon de circonscriptions infra-départementales – j’ai proposé que leurs limites coïncident avec celles des intercommunalités, mais on pourrait éventuellement trouver d’autres solutions – serait un moyen d’atteindre cet objectif.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous dire, comme vous l’avez fait à deux reprises, qu'il n'y a pas d'autre solution que la proportionnelle départementale ?

M. Roland Courteau. Parce que c'est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Mais non ! Il existe d'autres solutions. Si l’on avait pris la peine d’approfondir la réflexion, on aurait pu mettre au point un mode de scrutin qui permette d'assurer à la fois l'ancrage territorial des élus et la parité.

M. Pierre-Yves Collombat. Je suis persuadé que l'on aurait pu y parvenir, mais on n’a pas essayé !

M. Jean-Jacques Mirassou. Il faudrait nous expliquer !

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur Mirassou, je sais bien que vous êtes dans votre rôle, le doigt sur la couture du pantalon (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), mais il n’est pas interdit de faire preuve de temps en temps de bonne foi !

C'est peut-être la logique de la Ve République, mais, à mes yeux, ce n'est pas ce que celle-ci nous a apporté de mieux ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Michel Savin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, sur l’article.

M. Vincent Eblé. Mes chers collègues, observons que les critiques les plus vives à l’égard du scrutin majoritaire binominal portent en réalité non pas sur le mode de scrutin lui-même, mais sur les conséquences liées au redécoupage rendu obligatoire par l'épisode malheureux du conseiller territorial.

M. Bruno Sido. Pas du tout, vous n’avez rien compris !

M. Vincent Eblé. Vous voulez supprimer l'article 2. Cela ne nous exempterait pas pour autant d'avoir à redessiner la carte des cantons, ce qui ne manquera pas, comme l’ont souligné différents intervenants, de soulever des difficultés. D'ailleurs, nous aurions également dû le faire pour le conseiller territorial, car le gouvernement précédent s'était, dans son grand courage, arrêté en chemin…

On nous dit que le futur conseiller départemental ne pourra pas assurer la représentation d'un trop vaste territoire cantonal ; le conseiller territorial, lui, y serait bien entendu parvenu, alors même que l’effectif des élus départementaux aurait parfois été bien moindre – dans mon département, nous serions passés de quarante-trois élus à trente-deux, pour 1,3 million d’habitants ! – et qu’il aurait eu la charge supplémentaire de gouverner l'institution régionale. Permettez-moi de souligner l'incohérence d’un tel propos…

Il est paradoxal que ce soit ici, au Sénat, que la critique portant sur la difficulté de représenter de vastes territoires soit aussi vive. Nous sommes, par définition, élus par l'ensemble des représentants de notre département, à la majorité ou à la proportionnelle d'ailleurs. Ceux qui sont élus à la proportionnelle exercent concurremment à leurs collègues, y compris de la même liste, leurs responsabilités, sans que cela pose, me semble-t-il, de difficulté majeure en termes de représentation.

Enfin, je voudrais rappeler à ceux qui prônent un mode de scrutin mixte que la distinction entre l'urbain et le rural recouvre une différence sociologique, et donc une différenciation politique, comme chacun de nous a pu l’observer.

Proposer la proportionnelle pour les territoires urbains et le mode de scrutin majoritaire pour les zones rurales, c'est bien évidemment proposer un marché de dupes ! Là où je domine, je prends tout grâce au scrutin majoritaire ; là où tu domines, on partage grâce la proportionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Trop malin pour être honnête ! Ce n’est plus un mode de scrutin, c’est un hold-up !

Mes chers collègues, le mode de scrutin binominal majoritaire à deux tours présente de nombreux avantages, en particulier pour la ruralité. Par son caractère de scrutin de circonscription, il préserve l'indispensable lien entre l’élu et le territoire. Ne mésestimez pas les courants qui, à l'intérieur de la société, voudraient dissoudre ce lien, que je souhaite pour ma part conserver.

Ce mode de scrutin est également extrêmement précieux pour l'exercice des compétences départementales, à savoir la solidarité sociale et la solidarité territoriale. Il permet de différencier nos conseils généraux des assemblées régionales, pour lesquelles le scrutin proportionnel a tout son sens au regard de leurs compétences stratégiques : le développement économique et la réalisation des grandes infrastructures.

La diversité des modes d'élection, c'est la richesse de notre République décentralisée et la garantie d'une complémentarité de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, j'ai entendu, tout au long de cet après-midi, s’exprimer un certain nombre de craintes sur divers sujets, comme la ruralité ou le mode de scrutin. À mon sens, il faut examiner avec sérénité comment nous pourrions faire en sorte que les territoires puissent continuer à être représentés et les départements à exister, ce qui est notre objectif commun à tous dans cet hémicycle.

Plusieurs d'entre vous ont fait remarquer qu’il y avait d'autres priorités. C'est évident ! C'est d’ailleurs bien pour cela que nous avons instauré le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi et créé la Banque publique d'investissement, les contrats de génération et les emplois d’avenir. Nous travaillons maintenant sur la question de la lutte contre le chômage, qui est bien sûr pour nous la première des priorités : si elle l’est également pour vous, alors rejoignez-nous ! Si nous mettons aujourd'hui en place un nouveau mode de scrutin, c'est tout simplement parce que c’est nécessaire à un peu plus d'un an des prochaines élections départementales.

Nous avons également entendu dire que la ruralité allait être mise à mal, que l’on opposait l'urbain au rural. Or c’est tout l'inverse que nous sommes en train de faire ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Si le conseiller territorial avait été mis en place, l’effectif des élus départementaux aurait pratiquement été divisé par deux et le nombre de cantons aurait diminué : dans mon département, il serait passé de trente-six à vingt-cinq. J’ai combattu ce projet parce que montrer du doigt les élus, diminuer leur nombre, c'est faire de la démagogie et du populisme. Nous avons besoin des représentants territoriaux !

J’en viens à autre un point important, celui du choix du mode de scrutin. Hormis deux groupes de notre assemblée, nous sommes pour la plupart opposés au scrutin proportionnel, qui ouvre la voie à l’élection d’apparatchiks, à la désincarnation de la représentation cantonale, à la fin des territoires.

Mme Éliane Assassi. Alors il y a de nombreux apparatchiks, ici !

M. Didier Guillaume. Qu’il soit organisé à l’échelon départemental ou infra-départemental, c'est la même chose. En revanche, nous souhaitons que l'ensemble des courants politiques soient représentés. C'est un point très important.

Certains ont affirmé que deux élus représentant un même territoire ne parviendraient pas à travailler ensemble. Je constate pourtant que, en général, les sénateurs d’un même département, qu’ils aient été élus à la proportionnelle ou au scrutin uninominal, s’entendent globalement bien, même quand ils ne sont pas du même bord politique.

M. François Zocchetto. Surtout dans ces cas-là !

M. Didier Guillaume. À tout le moins, ils essaient de s'entendre.

Ce qui est essentiel pour nous, c'est de maintenir le lien de proximité entre les élus et leur territoire, conformément à la vocation des conseils départementaux. Il y aura certes moins de cantons, mais autant d’élus, voire davantage. Avec deux élus par canton, le travail pourra être fait. Si l’on ajoute les deux suppléants, cela fait quatre personnes pour s’occuper d’un canton : on ne peut pas parler d’un éloignement des élus !

Je veux saluer le travail de la commission et remercier le ministre de l'intérieur de son écoute et des propos qu’il a tenus au début de la discussion générale. Des avancées peuvent encore être obtenues, le texte peut encore être amélioré. Ainsi, je serais assez favorable à ce que l’écart maximal de la population cantonale par rapport à la moyenne départementale passe de 20 % à 30 %. Si les exceptions géographiques, démographiques et territoriales inscrites à l’article 23 sont maintenues, alors les craintes qui se sont exprimées concernant la représentation de la ruralité ne seront plus fondées.

Quel mode de scrutin voulons-nous ? On le voit bien, il est difficile de maintenir celui qui est actuellement en vigueur, car la parité ne serait pas assurée : on ne ferait que tendre vers elle, ce qui n’est pas suffisant à nos yeux. Avec la création du conseiller territorial, avec le mode de scrutin actuel, un redécoupage aurait également été nécessaire. Nous essaierons de faire les choses le mieux possible.

Enfin, certains ont reproché à ce mode de scrutin d’être unique au monde. Or, dans la plupart des pays européens, pour toutes les élections, c’est la proportionnelle à un tour qui prévaut,…

M. Didier Guillaume. … et non pas le scrutin uninominal à deux tours. Mais nous pensons qu’il est bon de maintenir le lien entre l’élu et le territoire, la proximité, c’est pourquoi nous ne voulons pas de la proportionnelle. Le scrutin binominal permettra au département de passer dans l'ère de la modernité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l’article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Manifestement, deux visions différentes de l'action départementale s'expriment dans ce débat.

Chers collègues de l’opposition, la défense de la ruralité n’est nullement votre monopole : nous y sommes attachés au moins autant que vous. Je vous soupçonne de nourrir quelques arrière-pensées électoralistes… (Murmures sur les travées de l’UMP.)

Vous n'hésitez pas à opposer la politique rurale à la politique urbaine. Or, si le conseiller général est avant tout comptable des intérêts du canton qu'il représente, nous estimons pour notre part qu’une politique départementale ne doit pas être la simple juxtaposition de celles des cantons qui le composent.

Vous avez – je le pense très sincèrement ! – une vision quelque peu passéiste du département. C'est la raison pour laquelle vous vous opposez au scrutin binominal, seul à même de garantir la parité tout en sauvegardant la proximité entre élus et territoires, au contraire de la proportionnelle. La légitimité du binôme de conseillers territoriaux tient à l’élection au suffrage universel.

M. le ministre l’a dit, des ouvertures sont envisageables. En ce qui concerne le redécoupage des cantons, j’espère que de sérieuses avancées pourront être réalisées par rapport au texte initial. Cependant, pour cela, il faudrait que vous vous débarrassiez de vos pesanteurs, chers collègues : je le répète, vous n'avez pas le monopole de la défense de la ruralité ; nous en sommes aussi soucieux que vous.

Nous avons la prétention de penser que mener une politique urbaine n'est pas incompatible avec la conduite d’une politique rurale. La démonstration en est faite quotidiennement dans mon département.

De grâce, essayons de nous tourner vers l'avenir, vers l’institution de conseils départementaux véritablement modernes, élus selon un mode de scrutin garantissant à la fois la parité et la proximité. Je crains, mes chers collègues, pour filer la métaphore sportive, que vous ne vous inspiriez du système de défense pratiqué hier soir par le Milan AC contre le Barça : on sait comment le match s’est terminé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.

M. Bruno Retailleau. Sur d’autres travées, j’ai entendu affirmer que la République s’enrichirait à proportion de la diversité de ses modes de scrutin. Si tel était réellement le cas, la France serait assise sur un tas d’or !

M. Michel Delebarre, rapporteur. Elle l’est, sur le plan démocratique !

M. Bruno Retailleau. Plus sérieusement, je souhaiterais exprimer de la manière la plus sereine et la plus objective possible les deux craintes que nous inspire cet article 2.

Notre première crainte concerne le principe même du nouveau scrutin. À cet égard, je me garderai bien de parler de modernité, notion que l’on invoque à tort et à travers. Un mode de scrutin n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un moyen : il s’agit de faire en sorte que, demain, l’échelon départemental fonctionne bien, si possible mieux qu’aujourd’hui.

La représentativité est une, elle ne peut être divisée, sauf à l’affaiblir. N’est-ce pas ce qui risque d’advenir avec l’instauration du binôme ? C’est une question de principe importante. Concrètement, tous les tandems qui seront élus demain fonctionneront-ils de manière satisfaisante ?

M. Bruno Retailleau. On sait très bien que, pour certains de nos concitoyens, il sera tentant de se tourner vers le second membre du binôme si le premier n’a pas donné une suite favorable à leur demande… On risque d’assister à des dysfonctionnements quand le tandem ne sera pas suffisamment fort.

Notre seconde crainte a trait aux conséquences de la mise en place de ce mode de scrutin : en effet, chers collègues de la majorité, le système du binôme vous donne les moyens d’opérer, par le biais d’un décret en Conseil d’État et non d’une loi, un redécoupage cantonal sans précédent, en enjambant par exemple les limites des circonscriptions, que les deux précédents redécoupages avaient respectées.

C’est là notre inquiétude majeure. Monsieur le ministre, il faut nous rassurer sur ces points. Si, par malheur, l’article 2 devait subsister, la proposition que nous avions formulée en première lecture de créer des sections cantonales, reprise par Bruno Sido via un de ses amendements, permettrait de clarifier les choses et de garantir le maintien du lien de proximité unissant l’élu à son territoire, que M. Guillaume appelle lui aussi de ses vœux.

Par ailleurs, je pense que porter à 30 %, au lieu de 20 %, l’écart maximal de la population cantonale par rapport à la moyenne départementale permettrait de beaucoup mieux préserver la représentation de la ruralité, à laquelle nous sommes tous attachés.

Mme Frédérique Espagnac. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. Bruno Retailleau. Telles sont nos préconisations si l’article 2, auquel nous sommes bien sûr opposés, devait être adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, sur l'article.

M. Yves Krattinger. Certains intervenants semblent parfois perdre de vue la réalité des questions qui nous sont posées. Elles sont, selon moi, au nombre de trois : l’égalité des suffrages, la représentation des territoires – dans les limites imposées par le principe de l’égalité des suffrages ! –, le respect de la parité.

Concernant l’égalité des suffrages, tout le monde a fauté, puisque personne n’a réellement redécoupé les cantons.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Exact !

M. Yves Krattinger. On a ainsi abouti à une situation complètement inacceptable : dans certains départements, la population des cantons peut varier de 1 à 47. Il est donc de fait que le principe d’égalité des suffrages n’est pas respecté.

Pour autant, faut-il redécouper les cantons afin qu’ils comptent tous la même population et que chaque conseiller départemental représente le même nombre d’électeurs ? Tous, nous répondons « non » !

Mme Gisèle Printz. Tout à fait !

M. Yves Krattinger. Il convient, dans le respect des limites définies par nos règles constitutionnelles, d’admettre la possibilité d’un écart par rapport à la moyenne départementale, sur l’étendue duquel nous débattons aujourd’hui. M. le ministre propose qu’il soit de plus ou moins 20 % et a accepté en outre, ici puis à l’Assemblée nationale, que cette règle puisse être assortie de dérogations, afin de pouvoir tenir compte de spécificités démographiques ou géographiques, par exemple. À mon sens, cela est nécessaire.

Aujourd’hui, une ouverture supplémentaire se dessine : il est envisagé de porter l’écart admissible à plus ou moins 30 %. Bien sûr, cela peut sembler beaucoup au regard du principe d’égalité des suffrages, puisque, à l’extrême, la population des cantons pourra varier presque du simple au double. Pour ma part, je l’accepte volontiers, pour garantir la représentation des territoires.

Jusque-là, il me semble que nous sommes entièrement d’accord, même si personne n’a envie de manier les ciseaux, au risque de se voir reprocher d’avoir « charcuté » la carte des cantons.

Chers collègues de la majorité, j’observe d’ailleurs que, lors de la création du conseiller territorial, vous vous étiez bien gardés de définir le ressort d’élection de celui-ci. Que serait-il advenu si la réforme instaurant le conseiller territorial n’avait pas été abrogée ? Il y aurait aujourd’hui quelque 2 000 cantons, c’est-à-dire autant que ne le prévoit le présent texte.

M. Rémy Pointereau. C’est faux !

M. Yves Krattinger. J’ai fait tous les calculs, l’écart est faible, ne le niez pas !

M. Pierre-Yves Collombat. Cela dépend des endroits !

M. Yves Krattinger. C’est vrai en moyenne ! La seule différence, de taille, est qu’il n’y aurait qu’un seul élu par canton, au lieu de deux, investi de surcroît d’une double mission ! Ainsi, le projet du Gouvernement va dans le bon sens en matière d’égalité des suffrages et de représentation des territoires. Je crois que nous sommes nombreux à être d’accord sur ce point, même si certains se refusent à l’avouer.

En fin de compte, ce qui fait débat aujourd’hui, c’est la question de la parité. Elle se conjugue d’ailleurs à celle de la représentation des territoires peu peuplés, dont les élus actuels craignent de perdre leur siège : ne nous voilons pas la face ! Sur le terrain, des élus m’objectent que leur nombre passera de six à deux avec la mise en œuvre de notre projet. Quand je leur réponds que si le conseiller territorial avait été créé, leur territoire n’en aurait élu qu’un seul, ils me font alors observer que, avec l’application de la parité, cela revient au même, puisqu’ils sont six hommes !

M. Yves Krattinger. Nous n’avons pas su faire élire suffisamment de femmes dans nos conseils généraux : c’est par là que nous avons beaucoup fauté. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. Il faut bien pécher par quelque chose…

M. Yves Krattinger. Nos concitoyens nous taxent souvent d’archaïsme à ce sujet.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Yves Krattinger. Recourir à la proportionnelle pourrait être une solution pour favoriser la parité, mais il est clair qu’elle rompt le lien entre l’élu et le territoire. La proportionnelle permet également d’assurer la diversité politique,…

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Krattinger. … mais le binôme aussi, tant sa constitution ouvre un vaste champ à la négociation.

Mes chers collègues, nous avons l’occasion d’entrer de plain-pied dans la modernité. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) En 2015, au lendemain des élections cantonales, lorsque les journaux publieront les photographies de toutes les femmes de France appelées à siéger au sein des conseils départementaux, ceux qui auront été à l’origine de cette évolution en seront fiers ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, sur l'article.

M. Éric Doligé. Notre collègue Krattinger le disait à l’instant, nous sommes au fond nombreux à être d’accord.

Pour ma part, je me ferai le porte-parole des présidents de conseil général.

M. Didier Guillaume. De certains d’entre eux !

M. Éric Doligé. Le 6 février dernier, soixante-dix présidents de conseil général, dont une cinquantaine appartenaient à la majorité – je ne citerai pas de noms –, se sont réunis. Je voudrais vous livrer quelques citations des uns et des autres.

M. Bruno Sido. Livrez-nous ce florilège !

M. Éric Doligé. La première est d’un collègue de la façade atlantique, membre de la majorité : « Avec Sarko on pensait avoir atteint le fond, avec Hollande c’est encore pire. (Sourires sur les travées de l'UMP.) La nouvelle organisation détruit la proximité. »

Autre citation : « Le binôme est une machine infernale ; comment peut-on imaginer cela ? »

Mme Gisèle Printz. C’est sans doute un homme qui a dit cela !

M. Éric Doligé. Je poursuis : « Il faut revoir toutes les copies. Ce texte est un danger pour l’existence des départements. Mêmes situations, mêmes angoisses qu’avec Sarko. »

M. Didier Guillaume. Mais il ne s’agissait pas du même texte !

M. Éric Doligé. « Avec la loi Valls, je passe de vingt cantons ruraux à trois. J’admire ceux qui ont pu inventer un truc pareil. C’est lamentable, c’est pire que Sarkozy, on siphonne les départements. » J’en ajoute une dernière : « On vient d’inventer la machine à claques. »

M. Jean Germain. Bref, cinq citations pour soixante-dix présents !

M. Éric Doligé. Chers collègues de la majorité, vous nous avez quelque peu mis en difficulté avec le conseiller territorial : nous savons ce qui s’est passé lors des élections sénatoriales. Vous avez su profiter de la situation, mais vous venez d’inventer « la machine à claques », selon le mot d’un des vôtres. Par décence, je ne citerai pas les auteurs des phrases que je viens de rapporter, mais je pourrais très bien le faire.

En tout état de cause, voilà ce que pensent les présidents de conseil général, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas cela !

M. Vincent Eblé. Je m’inscris en faux !

Mme Gisèle Printz. C’est l’opinion de la droite !

Mme Frédérique Espagnac. C’est trop facile de conclure ainsi !

M. Vincent Eblé. C’est totalement faux ! L’association des départements de France s’est exprimée en faveur de cette réforme !

M. Éric Doligé. Vous avez l’art de tenir, selon les lieux où vous vous trouvez, des discours totalement opposés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Vincent Eblé. Quelle malhonnêteté !

M. Éric Doligé. Permettez-moi d’en donner un autre exemple : lors du débat sur la simplification des normes, nous avons évoqué la question de l’accessibilité. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Vincent Eblé. Ne détournez pas la question ! Parlez de la loi électorale !

M. le président. Mon cher collègue, laissez M. Doligé s’exprimer.

M. Éric Doligé. Je sais bien que cela est très gênant pour vous…

M. Didier Guillaume. Pas du tout !

Mme Frédérique Espagnac. Pas le moins du monde !

M. Éric Doligé. Lors de ce débat, j’avais suggéré que l’on étudie la possibilité d’un report de la mise en œuvre des normes en matière d’accessibilité des lieux publics. Vous vous étiez alors tous exclamés que ma proposition était scandaleuse. Or notre collègue Claire-Lise Campion vient de publier, sur ce sujet, un très bon rapport que je vous invite à lire : elle y indique qu’il faudrait envisager de reporter de quatre à sept ans l’application de la loi.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Doligé. Lisez le rapport de Mme Campion, mon cher collègue : lors du débat sur l’accessibilité, vous avez dit exactement le contraire de ce qui y est écrit ! Il en va de même sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

Mme Éliane Assassi. Propos d’apparatchik !

M. Vincent Eblé. Qui êtes-vous pour faire parler les absents ? De quel droit instrumentalisez-vous Mme Campion ? C’est scandaleux !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l’article.

Mme Muguette Dini. Je voudrais parler de la parité.

Qui a eu cette idée folle du binôme ? Vous nous l’avez dit, monsieur le ministre, c’est la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, alors présidée par Mme André. Je n’en étais pas membre à cette époque, mais j’avais pu assister à certaines de ses réunions.

L’idée du binôme a d’abord concerné les élections législatives : il était question de regrouper deux circonscriptions législatives pour en faire le ressort d’élection d’un homme et d’une femme. Ensuite, cette idée a resurgi à propos de la création du conseiller territorial.

Je me bats depuis trente ans pour la parité et j’ai beaucoup réfléchi à cette question, avec bien d’autres femmes. À l’époque de la discussion du projet de création du conseiller territorial, j’en étais venue à penser que, plutôt que de chercher à imposer véritablement la parité, nous devions nous plier au texte de la Constitution et nous borner à favoriser son instauration. J’avais alors suggéré la mise en place d’un bulletin paritaire, portant les noms d’un homme et d’une femme : celui ou celle qui obtenait le plus de voix devenait titulaire, l’autre suppléant. Cela n’assurait pas la parité, mais donnait à l’électeur la possibilité de voter comme il le souhaitait.

Mme Muguette Dini. Je suis certaine que, petit à petit, nous serions arrivés à une parité parfaite. Cela étant, cette proposition n’avait pas été retenue.

J’avais, à cette époque, voté contre la création d’un suppléant de l’autre sexe pour les élections cantonales. Cette proposition avait été avancée au nom de la parité, ce qui était absolument scandaleux ! J’avais d’ailleurs suggéré que l’on assassine immédiatement 2 500 conseillers généraux, afin qu’ils soient remplacés par des femmes ! C’était la seule solution, tous les sortants étant des hommes. Cela n’a pas marché, tant pis…

Je reste absolument opposée au scrutin uninominal tel qu’il est aujourd’hui organisé, parce qu’il conduira à perpétuer la situation actuelle, où les conseils généraux ne comptent que 15 % de femmes.

Je suis également contre l’instauration du binôme, qui aurait pour conséquence de détacher l’élu local du territoire. Il est vrai que le binôme permettra d’imposer la parité dans les conseils généraux, mais, comme l’a dit excellemment M. Retailleau, je crains que leur fonctionnement ne devienne extrêmement difficile.

Monsieur le ministre, je ne sais pas ce qu’il aurait fallu faire…

M. Manuel Valls, ministre. Voilà !

Mme Muguette Dini. … – ce n’est pas mon problème, car ce n’est pas moi qui suis au Gouvernement –, mais, je vous le dis, le binôme n’est pas une bonne solution ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, sur l’article.

M. Gérard Miquel. Je souhaite m’adresser à tous ceux de nos collègues qui ont voté la création du conseiller territorial.

M. Didier Guillaume. Une voix seulement de majorité !

M. Gérard Miquel. Pour ma part, je l’ai beaucoup combattue, et je considère que l’instauration du binôme est une bonne chose.

À entendre ses détracteurs, le système proposé par le Gouvernement risquerait de mettre à mal la représentation du monde rural. C’est absolument faux ! Mon département, de caractère rural, aurait dû élire quinze conseillers territoriaux et compter quinze circonscriptions électorales ; aux termes du présent texte, il désignera trente conseillers départementaux, auxquels s’ajouteront six conseillers régionaux : le Lot pourra donc compter sur trente-six élus au total. La représentation de la ruralité ne sera donc pas mise à mal : elle sera au contraire confortée !

Certains font valoir que recourir au scrutin proportionnel permettrait d’instaurer la parité. J’y suis absolument opposé pour ce type d’élections. Tout d’abord, la proportionnelle serait une aubaine pour ceux qui sont incapables de se faire élire au scrutin uninominal. Ensuite, on assisterait au même phénomène qu’avec certains conseillers régionaux, que l’on ne revoit jamais une fois l’élection obtenue ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Je ne veux pas de cela pour mon département.

M. Pierre-Yves Collombat. Si les conseillers régionaux ne servent à rien…

M. Gérard Miquel. Les départements ont un peu plus de deux siècles d’existence. Nous devons moderniser leur image. La mise en place du binôme le permettra, grâce à l’instauration de la parité totale,…

M. Didier Guillaume. Absolument !

M. Gérard Miquel. … sans nuire à la représentation des territoires, au contraire.

M. Gérard Miquel. Je serai heureux d’avoir une collègue avec qui partager les tâches. En outre, élus de territoires plus vastes que ceux des cantons d’aujourd’hui, les conseillers territoriaux auront une véritable vision départementale et seront moins tentés de consacrer leur temps et leur énergie à la défense de petits projets de portée très locale.

Ce texte nous permettra de redorer le blason des départements et d’en faire des collectivités modernes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l’article.

M. Christian Favier. Bien que n’étant pas favorables au mode de scrutin proposé pour l’élection des futurs conseillers départementaux, nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression de l’article 2.

En effet, nous avons préféré déposer des amendements prévoyant un autre mode de scrutin, susceptible de permettre à la fois, nous semble-t-il, d’atteindre les objectifs visés par le Gouvernement et de contribuer au mouvement général en faveur de l’instauration de la représentation proportionnelle, seule à même de refléter la diversité politique de notre pays.

Nous avons pour ambition de permettre le développement tant de la parité que du pluralisme. Ces deux objectifs nous semblent aller de pair : il ne peut y avoir d’avancée dans un seul de ces domaines.

La proposition d’instaurer un binôme paritaire, excluant de fait le pluralisme, pose de nombreux problèmes qui vont être largement débattus. Nous souhaitons insister sur l’un d’entre eux, qui a été maintes fois soulevé par de nombreuses femmes que nous avons rencontrées depuis que ce projet a été rendu public : elles ont le sentiment qu’une femme souhaitant se faire élire devra nécessairement être accompagnée d’un homme. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je vous renvoie aux propos tenus par la présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale.

Mme Sophie Primas. Exactement !

Mme Éliane Assassi. Elle l’a dit elle-même !

M. Christian Favier. En tout état de cause, ce sentiment est largement répandu et vous ne pouvez pas ne pas en tenir compte. Il ne se manifestait pas quand il s’agissait de faire progresser la parité en développant le pluralisme par le biais des divers modes de scrutin de liste paritaire mis en place aux échelons municipal, régional et européen : parité et pluralisme vont donc bien de pair !

Nos amendements permettent d’atteindre ce double objectif. Nous espérons que le Gouvernement entendra cet appel.

Au cours de nos débats en première lecture, de nombreux sénateurs et sénatrices ont formulé des propositions intégrant, d’une façon ou d’une autre, une représentation à la proportionnelle, partielle ou totale. Ce principe démocratique progresse donc ; nous nous en félicitons. Il serait temps qu’intervienne une avancée significative dans le cadre de l’examen du présent texte.

Par ailleurs, vous avez dit, monsieur le ministre, que recourir au scrutin proportionnel mettrait à mal la proximité entre élus et territoire. Mais, en l’espèce, il s’agit bien d’élire des conseillers départementaux, qui devront gérer non pas un canton, mais les affaires du département ! Aujourd’hui, un conseil général gère parfois un budget de plus de 1 milliard d’euros et assure la conduite de politiques très importantes, en matière de solidarité, d’insertion, de transports, d’aide aux personnes âgées ou aux personnes handicapés, etc. Le travail et la réflexion doivent donc être menés à cette échelle, et l’élu ne peut se cantonner, si j’ose dire, à son ancrage local. La proximité est importante, mais la première responsabilité d’un élu départemental est de servir le département dans son ensemble, afin notamment de corriger les profondes inégalités sociales et territoriales que l’on observe aussi à cette échelle.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Discussion générale (interruption de la discussion)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Dans la suite des interventions sur l’article 2, la parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Lenoir. La suspension du dîner nous a permis d’apprendre une nouvelle importante, dont M. le ministre de l’intérieur, chargé des cultes, a dû prendre connaissance avec beaucoup d’attention.

Mais revenons-en au projet de loi qui nous est soumis.

Un système électoral repose sur deux principes, l’équité et l’efficacité. Depuis quelques années, on y a ajouté un autre paramètre, la parité.

La révision de la Constitution proposée voilà quelques années par Jacques Chirac – je ne suis pas sûr que tous nos collègues siégeant de l’autre côté de l’hémicycle l’aient votée ! – visait non pas à prévoir un partage des responsabilités à parité entre les hommes et les femmes, mais, simplement, à instaurer l’égalité des chances pour l’accès aux mandats.

M. Rémy Pointereau. Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir. À mes yeux, équité se conjugue avec proximité. Or, contrairement à ce qu’a affirmé tout à l'heure avec force l’un de nos collègues socialistes, qui exerce, par ailleurs, les fonctions de premier vice-président de la Haute Assemblée, la proximité ne sera pas au rendez-vous avec le système que vous nous proposez.

En effet, le nombre de cantons sera divisé par trois dans les zones rurales. L’un de nos collègues indiquait que, avec la création du conseiller territorial, le nombre de cantons serait passé de trente-six à vingt-cinq dans son département.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Non, quinze !

M. Jean-Claude Lenoir. Je me permets de lui faire remarquer que celui-ci comptera dix-huit cantons avec le système proposé par le Gouvernement !

La création de gros cantons dans le monde rural rompt avec l’esprit de proximité entre élus et administrés qui prévaut actuellement.

En ce qui concerne l’équité, il est vrai que le monde rural pèse, aujourd'hui encore, plus lourd que le monde urbain. Mais c’est, après tout, une façon de contrebalancer d’autres forces qui existent dans notre République. Le monde rural a besoin d’être représenté et sécurisé. À cet égard, le système actuel lui est, me semble-t-il, plus favorable.

Parlons maintenant de l’efficacité. Vous avez inventé un système que j’entends fustiger ici. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Le conseiller territorial a été, d’une certaine façon, vilipendé, quelque peu défiguré, contesté, au travers d’un certain nombre de campagnes qui se sont révélées assez fructueuses. Cependant, j’ai noté, cet après-midi, qu’il semblait avoir repris quelques couleurs dans notre assemblée… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. Au contraire, on l’a vilipendé !

M. Jean-Claude Lenoir. En effet, j’ai entendu certains de nos collègues avancer l’idée que, finalement, ce système était meilleur que celui qui nous est aujourd'hui proposé.

M. Pierre-Yves Collombat. C’était « moins pire » !

M. Jean-Claude Lenoir. Pour être tout à fait sincère, je reconnais que personne n’a défilé, chez moi, pour défendre le conseiller territorial.

M. Philippe Kaltenbach. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais avez-vous entendu beaucoup de personnes dire, y compris dans les cellules de votre parti (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.),…

Mme Éliane Assassi. Les cellules, c’était au parti communiste, et elles ont disparu !

M. Jean-Claude Lenoir. … que le scrutin binominal était « la » solution pour assurer la représentation du monde rural ?

Pour ma part, je n’ai entendu que des brocards contre ce système associant, sur un même territoire, deux personnes qui seront soudées le temps d’une campagne électorale, avant d’être libres, une fois l’élection passée, de défendre des opinions tout à fait divergentes. Ces moqueries émanaient même de personnes ayant voté pour l’actuel Président de la République et partageant, pour l’essentiel, vos vues… Il s’agit d’un système rocambolesque, croquignolesque, qui frise le ridicule : de nombreux Français ne tarderont pas à en être convaincus ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant, sur l’article.

M. Michel Boutant. Je regrette l’absence de notre collègue Éric Doligé, car je souhaitais revenir sur son intervention.

M. Jean-Claude Lenoir. Il revient tout de suite !

M. Michel Boutant. Il se trouve que j’étais moi aussi présent à la réunion du 6 février dernier au siège de l’Assemblée des départements de France, rue Duguay-Trouin. M. Doligé a voulu nous faire croire que les propos alors tenus avaient trait au projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Or, les quelques autres collègues présidents de conseil général ici présents peuvent en attester, le président de l’ADF nous avait convoqués pour discuter du premier document de travail remis par Mme la ministre déléguée à la décentralisation, qui appelait effectivement un certain nombre de remarques. Il ne s’agissait nullement du projet de loi qui nous est soumis.

Pour terminer, je dirai un mot au sujet du binôme, dont le fonctionnement serait, selon certains, dont M. Lenoir, voué à être irrémédiablement mauvais.

Nous sommes un certain nombre ici à avoir été élus en binôme. Or, je n’ai pas noté de dysfonctionnements ou de divergences profondes entre ces sénateurs élus dans un même département, dont la situation s’apparente à celle des futurs conseillers départementaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.

M. Claude Domeizel. Mon collègue Michel Boutant m’a « confisqué » une partie de mon intervention…

Voilà déjà longtemps que j’ai appris que tout, dans la vie quotidienne, professionnelle ou politique, est question de présentation.

Je ferai observer qu’il y a, dans cet hémicycle, six ou huit sénateurs qui ont été élus en binômes paritaires sur les mêmes listes, à la proportionnelle,…

M. Jean-Claude Lenoir. Non, un binôme, c’est deux !

M. Jean-Jacques Hyest. Cela n’a rien à voir ! C’est la proportionnelle !

M. Claude Domeizel. Il en est de même pour les élections municipales.

M. François Trucy. Ce n’est pas pareil !

M. Claude Domeizel. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, pour lesquelles s’applique la proportionnelle, il arrive que certaines listes n’aient que deux élus, qui sont obligatoirement un homme et une femme.

M. Claude Domeizel. Là aussi, on pourrait parler de binôme. Cette notion n’est donc pas aussi abominable, croquignolesque,…

M. Jean-Claude Lenoir. Je revendique la paternité de cet adjectif !

M. Claude Domeizel. … ridicule que d’aucuns le prétendent !

Peut-être aurait-il fallu, monsieur le ministre, parler non pas de binômes, mais de scrutin de liste à quatre candidats,…

M. Claude Domeizel. … avec élection des deux premiers de la liste arrivée en tête. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Ainsi, on n’aurait pas passé une heure et demie sur le mot « binôme » ! (Mme Anne Emery-Dumas et M. Claude Dilain applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, sur l’article.

M. Gérard Roche. À cette allure, on n’est pas près de voir une fumée blanche s’élever au-dessus du Sénat ! (Sourires.)

Beaucoup de choses ont déjà été dites, mais on peut, me semble-t-il, aborder le problème sous un autre angle.

Du fait de son histoire et de ses fonctions, le département est une collectivité très particulière ; dans le monde rural, il est la collectivité de proximité par excellence. Pour cette raison, la question du mode d’élection des conseillers appelés à siéger au sein de son assemblée mérite une réflexion approfondie.

Depuis très longtemps, deux tendances s’opposent : les uns sont favorables à la proportionnelle intégrale et à un scrutin de liste, les autres prônent une élection territoriale, uninominale ou binominale.

Personne n’a le monopole de la défense de la ruralité.

Mme Frédérique Espagnac. Vous non plus !

M. Gérard Roche. Les partisans des départements – ils sont nombreux dans cet hémicycle – reconnaissent que trois problèmes se posent : il faut harmoniser le chiffre de la population des cantons, instaurer la parité, mieux répartir les compétences entre région et départements.

Naguère, les promoteurs du conseiller territorial faisaient valoir que la création de ce nouvel élu réglerait le problème de la population des circonscriptions et celui du partage des compétences, les mêmes élus siégeant dans les exécutifs des deux collectivités. Aujourd’hui, le système du scrutin binominal permettra de régler le problème de la parité et celui de la population des circonscriptions, mais pas la question de la répartition des compétences.

Nous sommes donc confrontés à un blocage entre droite et gauche. En vrai centriste, je pense qu’il faut en sortir et avancer, puisque la plupart d’entre nous sont d’accord sur le mode de scrutin à retenir, les partisans de la proportionnelle étant nettement minoritaires dans notre assemblée.

À titre personnel, je serais prêt à m’abstenir, à condition que la marge de variation de la population cantonale par rapport à la moyenne départementale soit portée à 30 % et que le seuil pour le maintien au second tour soit fixé à 12,5 % des inscrits.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l’article.

M. Gérard Bailly. Nous pouvons au moins tomber d’accord sur ce constat : nos concitoyens, surtout les plus jeunes, identifient mal leurs élus et ne sont pas très au fait des compétences des différentes collectivités, même quand ils ont suivi de bonnes études. Ils connaissent bien le maire de leur commune, le député, mais très peu les autres élus. Ce problème d’identification ne risque-t-il pas de s’aggraver encore si deux conseillers territoriaux représentent un même canton, sans parler de leurs suppléants ?

Personnellement, j’attache beaucoup d’importance au lien entre l’élu et son territoire. Aujourd’hui, quand un problème survient sur une route départementale ou au collège, c’est vers le conseiller général que se tournent les citoyens, en tout cas ceux d’âge mûr. Il en va de même en cas de difficulté d’ordre social, en matière de transports scolaires ou de déneigement des routes. Les choses seront-elles aussi claires, demain, quand deux conseillers territoriaux seront élus dans un même canton ? Je n’en suis pas certain.

Par ailleurs, les nouveaux cantons seront plus étendus que ceux que nous connaissons actuellement, surtout en milieu rural. Le lien de proximité entre élus et population s’en trouvera distendu.

Enfin, même quand les deux conseillers départementaux s’entendront bien et s’efforceront d’être présents sur tout le territoire, ne vont-ils pas privilégier les communes les plus importantes, au détriment des petites ? Les parties du territoire les moins peuplées ne seront-elles pas davantage encore délaissées ?

On a fait remarquer que les défenseurs du conseiller territorial n’étaient guère nombreux. Pour ma part, j’ai toujours été très favorable à sa création.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Gérard Bailly. Avec le conseiller territorial, la représentation de mon département au conseil régional aurait été beaucoup plus forte : nous y aurions compté vingt-sept élus, contre neuf aujourd’hui. En outre, pour avoir été pendant treize ans en même temps conseiller général et conseiller régional, je puis vous dire qu’un très grand nombre de dossiers sont instruits en double, dans les deux instances. La création du conseiller territorial aurait permis de clarifier le partage des rôles entre la région et les départements. Le travail des élus en aurait été simplifié et quelques économies de personnel auraient pu être réalisées. C’est pourquoi je continue de défendre le conseiller territorial !

En tant que représentant d’un département rural, je trouve que la marge de population de 20 % par rapport à la moyenne départementale est beaucoup trop étroite et qu’il faudrait la porter au minimum à 30 %. Monsieur le ministre, un tel assouplissement est particulièrement important pour les territoires ruraux ou de montagne : s’il était apporté, nous pourrions peut-être arriver à un accord, même si, sur le fond, le système proposé ne me paraît pas bon ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’ai le sentiment qu’il y a, sur certaines travées, une forme de peur de la nouveauté et, finalement, du changement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Certains de nos collègues s’inquiètent du fait que plusieurs élus représenteront un même territoire.

M. André Reichardt. Eh oui, il y aura des problèmes !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quels problèmes ? Plusieurs élus d’un même type sur un même territoire : c’est une situation qui existe déjà dans les régions, les communes, au Sénat, à l’Assemblée nationale. Faut-il en faire toute une histoire ?

Que l’on me permette de saluer ceux de nos collègues qui soutiennent le scrutin proportionnel.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Leur position est claire, simple et compréhensible : avec la proportionnelle, on peut constituer des listes paritaires.

Reste que nombre de nos collègues, sur différentes travées, ne sont pas favorables à la proportionnelle. Ils veulent un ancrage local, dans une circonscription. En même temps, ils sont, comme nous tous, attachés à la Constitution, qui impose la parité. (« Non ! » sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest. Elle la favorise !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Soit, elle favorise la parité !

M. Bruno Sido. Ce n’est pas pareil !

Mme Jacqueline Gourault. C’est même très différent !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ceux de nos collègues qui, tout en refusant la proportionnelle au nom de l’ancrage local, combattent le système prévu par le projet de loi, que proposent-ils pour réaliser la parité sans qu’elle soit reportée aux calendes grecques ? Le fait est que, aujourd’hui, certains conseils généraux ne comprennent qu’une ou deux femmes : tout le monde s’accorde à juger que ce n’est pas acceptable.

M. André Reichardt. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On a imaginé des pénalités financières, mais cette solution ne marche pas, et du reste je ne crois pas que ce soit un bon moyen de défendre la cause des femmes.

Que proposent les partisans d’un ancrage territorial pour tendre vers la parité ? Il est facile de s’opposer, mais il faut aussi dire ce que l’on veut !

J’ai lu, dans un quotidien régional, un article dans lequel un personnage important prétendait que la réforme envisagée signerait la mort des départements.

M. André Reichardt. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pensez-vous vraiment que le fait qu’il y ait autant de femmes que d’hommes dans les futurs conseils départementaux marquera la mort des départements ? À ce compte-là, les villes de plus de 3 500 habitants sont déjà mortes, et les régions aussi ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Si l’on rejette la proportionnelle au nom de l’ancrage local tout en voulant, de bonne foi, progresser vers la parité, il faut proposer quelque chose. Or je n’entends aucune proposition !

M. Rémy Pointereau. C’est faux !

M. Bruno Sido. Nous faisons des propositions !

M. André Reichardt. M. Mézard en fait aussi !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Collombat a proposé une forme de proportionnelle infra-départementale.

M. Pierre-Yves Collombat. Oui ! Un système qui garantit la proximité !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je rappelle que j’ai commencé par saluer les tenants de la proportionnelle. En effet, même si ce n’est pas le projet du Gouvernement, ni celui que nous soutenons, je pense que leur position est cohérente. En revanche, il n’y a pas de cohérence à vouloir à la fois assurer l’ancrage local et faire progresser la parité sans rien proposer à cette fin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. André Reichardt. Vous faites de la parité un dogme !

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 147 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.

L'amendement n° 205 rectifié est présenté par MM. Collombat, Barbier, C. Bourquin, Plancade et Tropeano.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.

M. Jean-Jacques Hyest. Les propos de nos collègues sont toujours intéressants, parce qu’ils procèdent d’une expérience. J’ai beau n’être conseiller général que depuis trente-trois ans (Sourires.), j’ai vu mon département évoluer sur le plan démographique. Le redécoupage des cantons était de toute façon indispensable, comme le Conseil d’État le répète depuis un certain temps. J’observe d’ailleurs que, pour les circonscriptions législatives, le redécoupage demandé par le Conseil constitutionnel s’est fait espérer longtemps, alors qu’au Sénat nous avons opéré notre réforme sans attendre, en améliorant la répartition des sièges en fonction de la démographie.

Avec la réforme envisagée, ce n’est pas quatre, mais jusqu’à huit cantons que certains départements ruraux vont perdre. Des arrondissements entiers n’éliront plus que deux conseillers, alors qu’avec 130 ou 140 communes ils sont presque aussi étendus qu’une circonscription législative ! Or ce n’est pas tout à fait la même chose d’être député ou conseiller départemental.

Dans la foulée, vous proposez d’instaurer un binôme. Comme je l’ai déjà expliqué, nous allons être confrontés à un problème avec votre souci de maintenir à tout prix la parité : si l’un des membres du binôme décède au cours de la première année du mandat et qu’il n’a pas de remplaçant – cela peut arriver –, que se passera-t-il ? Le siège restera vacant pendant cinq ans ! (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste.) Mais si, puisque vous ne pouvez pas organiser une élection où ne pourrait être candidat qu’un homme ou une femme !

Pour ces raisons qui me paraissent dirimantes, je doute de la pertinence de ce binôme sur le plan juridique. Bien sûr, il sera finalement créé, puisque le dispositif a été adopté à l’Assemblée nationale, mais nous nous devions de réaffirmer en deuxième lecture notre opposition à cette bizarrerie juridique.

Plusieurs de nos collègues ont exprimé leurs inquiétudes, non pas pour eux-mêmes, mais pour le département. N’oublions pas que ce dernier sera confronté à d’autres évolutions, en particulier en matière de compétences. Pourtant, je pensais que le département avait gagné la bataille après la création du conseiller territorial.

M. Gérard Miquel. Ça, c’est sûr, il avait gagné…

M. Jean-Jacques Hyest. Aujourd’hui, il risque de beaucoup y perdre.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 147.

M. Hervé Maurey. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce mode de scrutin, qui est à la fois ubuesque, ou croquignolesque, et néfaste.

Ubuesque, parce qu’on n’a jamais vu, pour employer une expression triviale, deux crocodiles dans le même marigot. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Merci pour l’image !

M. Hervé Maurey. Élire deux personnes sur un même territoire fait d’ailleurs beaucoup sourire nos concitoyens quand on leur parle de cette mesure.

Néfaste, parce que, comme cela a été expliqué à plusieurs reprises, ce nouveau mode de scrutin s’accompagne d’un redécoupage qui portera un très mauvais coup à la ruralité. Nous aurons en effet des cantons immenses, qui, dans certains cas, réuniront 60, 70 ou 80 communes. Des cantons de cette taille, ce ne sont plus des cantons !

Ce dispositif n’est pas seulement critiqué par des élus de droite. Comme tous mes collègues, je rencontre sur le terrain de nombreux conseillers généraux, maires, conseillers régionaux. Tous ces hommes et ces femmes se sentent « interpellés », pour utiliser un terme très mesuré, par ce mode de scrutin pour le moins bizarre.

Yves Krattinger a certainement raison quand il dit que les préoccupations liées au binôme masquent vraisemblablement une inquiétude au sujet du redécoupage. C’est vrai qu’il faut redécouper les cantons, afin de parvenir à une meilleure équité démographique entre chacun d’entre eux. Mais ce qu’on nous propose ici est complètement différent : on cherche à redessiner l’ensemble de la carte cantonale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On nous invite à diviser par deux le nombre de cantons et, accessoirement, à supprimer – on n’en parle pas pour l’instant, mais peut-être que ce sera le cas plus tard – de très nombreux chefs-lieux de cantons. Sachez-le, mes chers collègues, les conséquences sur les communes concernées seront importantes, notamment en termes de dotations.

M. André Reichardt. Absolument !

M. Hervé Maurey. Pour la première fois, le découpage qui nous est proposé, contrairement à la tradition républicaine, n’aura pas l’obligation de respecter la limite des circonscriptions. Ainsi, tout est permis au Gouvernement !

M. Hervé Maurey. Il est donc normal que de légitimes inquiétudes se fassent entendre. D’ailleurs, un certain nombre d’élus se demandent avec quel canton leur propre canton sera regroupé. Or la situation est bien pire !

À moins que M. le ministre nous dise le contraire, et j’en serai ravi, il ne s’agit pas de redécouper les cantons, mais, je le répète, de tout redessiner, sans forcément tenir compte des cantons déjà existants. C’est la porte ouverte à tout ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) J’ai d’ailleurs lu dans le rapport de la commission des lois qu’il n’était pas envisagé que ces futurs cantons soient définis en fonction des bassins de vie ou des intercommunalités, ce qui aurait pourtant été le gage que le redécoupage n’est pas uniquement le fait du prince. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 205 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Jacques Mézard et moi-même avons été suffisamment explicites pour n’avoir pas à développer à nouveau nos arguments. Nous considérons donc que cet amendement a été défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. Nous nous trouvons dans un contexte un peu particulier. Quasiment au même moment, en Europe, se tiennent deux démarches assez analogues.

À Rome, les cardinaux sont réunis pour choisir un pape. (Rires.) Chose extraordinaire, ils ont réussi.

M. André Reichardt. Ils n’élisent pas un binôme !

M. Michel Delebarre, rapporteur. À Paris, les sénateurs sont réunis pour essayer de faire progresser un texte que je crois positif. Ils n’y arrivent pas. Je n’en tire aucune leçon, je constate simplement que, depuis maintenant un certain temps – les deux dernières heures ont été riches d’expressions diverses –, nous discutons et argumentons.

Nous sommes tous d’accord pour atteindre deux objectifs.

Le premier est d’avancer dans le sens de la parité. Or, en la matière, ce n’est faire injure à personne que de le reconnaître, ce n’est pas la caractéristique première des conseils généraux, ce qui ne signifie pas que certains d’entre eux n’aient pas progressé En tout cas, ces dernières années ne montrent pas une formidable réussite. C’est plutôt un échec.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Michel Delebarre, rapporteur. Le second objectif est de donner un souffle nouveau à cette instance, de la dynamiser, de la mettre en phase avec le monde d’aujourd’hui.

Quand on essaie de trouver les modes de scrutin permettant de répondre à ces deux objectifs, aucune solution ne réussit à emporter l’adhésion ou à recueillir l’enthousiasme, hormis peut-être une proportionnelle généralisée, qui constituerait un autre choix.

L’option retenue par le Gouvernement nous permet d’avancer dans les deux directions que je viens d’indiquer. C’est la raison pour laquelle je me trouve dans une situation quelque peu délicate : à titre personnel, je suis favorable à la proposition gouvernementale et donc défavorable aux amendements de suppression ; en tant que rapporteur, je dois vous dire, au nom de la commission, que je suis favorable à ces trois amendements identiques. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. André Reichardt. C’est dur !

M. Michel Delebarre, rapporteur. Disant cela, je retrouve le chemin de Rome. (Sourires.) En effet, je ne peux me sortir d’une telle situation qu’avec un certain esprit de sacrifice, dans lequel j’essaierai de ne pas me complaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. André Reichardt. Monseigneur Delebarre ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sans chercher à imiter Michel Delebarre à l’instant, je dirais que nous arrivons à un moment de vérité. (Sourires.) Je l’avais d’ailleurs annoncé au cours de mon intervention liminaire.

Le conseiller territorial a été supprimé.

MM. Rémy Pointereau et André Reichardt. Hélas !

M. Manuel Valls, ministre. D’abord au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, il ne s’est pas trouvé de majorité pour le maintenir. Il n’y a pas non plus de majorité, cela vient d’être dit par Jean-Pierre Sueur, pour mettre en œuvre un scrutin de liste à la proportionnelle dans les départements, quel que soit le mode retenu, départemental ou intercommunal, ce deuxième choix dévoyant totalement les fondements de l’intercommunalité.

M. Manuel Valls, ministre. Certains se font ici les chantres de la connaissance du terrain. Personne, même un ministre qui a par ailleurs un mandat d’élu, n’a à donner de leçons sur la capacité à représenter un territoire, que celui-ci se trouve en Île-de-France, en PACA, en Bretagne, dans l’Est…

Mme Nathalie Goulet. Ou en Normandie !

M. Manuel Valls, ministre. … ou en Normandie, d’ailleurs très éprouvée ces dernières heures.

En la matière, une chose est claire : faire reposer une nouvelle circonscription sur l’arrondissement, que personne ne connaît, ou sur l’intercommunalité, encore en plein mouvement, ne permettrait pas de l’asseoir véritablement. Comme de toute façon il est nécessaire de redécouper la carte électorale, en respectant les règles constitutionnelles rappelées par le Conseil d’État, faisons-le avec le sens de la mesure, de l’équité et de l’intérêt général.

À partir du moment où aucune majorité ne s’exprime en faveur du conseiller territorial ou du scrutin proportionnel et que le principe de la parité est incontournable, le mode de scrutin binominal s’impose, même si j’entends les noms d’oiseaux tout à fait sympathiques dont ses détracteurs le qualifient.

Au moment de la mise en œuvre du binôme, qui représentera un changement important, il faudra bien évidemment expliquer son fonctionnement. Au demeurant, en s’en tenant au statu quo, mais dans le cadre d’un nouveau découpage, aucun département n’aurait comptabilisé des cantons de 1 000 ou 2 000 habitants. Une campagne d’explication aurait donc été nécessaire.

Le scrutin binominal permet une meilleure représentation et la parité. Certains distinguent l’évolution vers la parité de l’obligation de parité. Mais cela ne fonctionne pas ainsi ! Dans le cadre d’un scrutin de liste, la parité s’impose, en effet. S’il s’agit d’un scrutin majoritaire, comme c’est le cas jusqu’à présent pour les élections législatives, l’élection est régie par des lois très précises concernant les formations politiques et leur financement, ce qui n’est pas envisageable pour les élections départementales, comme l’a d’ailleurs très bien expliqué Gérard Longuet.

L'autre système, c’est donc celui du suppléant – de la suppléante, en l'occurrence. Vous avez vu le résultat ? En 2011, la parité a connu une régression. Et, alors même que cela n’a pas été possible jusqu’à présent, vous voudriez nous faire croire que, en gardant le système ancien, on assisterait subitement à un changement et que celle-ci progresserait !

Il faut que les choses soient claires : le vote qui va suivre sera non seulement important pour la suite de la discussion de ce texte par le Sénat, mais il éclairera également les prochains débats à l'Assemblée nationale. Il appartient donc à chacun de prendre ses responsabilités.

Je vais dire les choses très directement : certains veulent le rejet de cet article pour des raisons politiques, mais, in fine, nous devrons bien nous retrouver autour de ce mode de scrutin. Il serait dommage de perdre du temps – je ne me place pas sur le plan individuel – et que le Sénat ne porte pas lui-même cette réforme. J'écoute évidemment les uns et les autres avec la plus grande attention et chacun est ici totalement libre, mais sachez que ce scrutin représentera une vraie révolution pour la représentation des territoires à travers la parité.

Le président de la commission des lois et son rapporteur doivent savoir que, pendant les débats, je resterai ouvert à deux évolutions qu’ont évoquées certains d’entre vous : d’une part, la possibilité de modifier, pour des raisons que j’expliquerai, le tunnel de 20 % ; d’autre part, les conditions de qualification pour le second tour, même si nous n’allons pas engager un débat théologique ou idéologique sur 10 % ou 12,5 %.

M. André Reichardt. C’est important !

M. Manuel Valls, ministre. Si ce sont des conditions pour aboutir à un accord, le Gouvernement ne s'opposera pas à ces mesures.

M. Manuel Valls, ministre. J'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l’examen du texte en première lecture.

S’agissant de l’évolution du tunnel de 20 % à 30 %, le travail mené au Sénat et à l’Assemblée nationale, en particulier par Frédérique Massat et Laurent Wauquiez, tous deux élus de zones de montagne, montre que, compte tenu des critères qui ont présidé au redécoupage, la fixation d’un seuil de 30 % est nécessaire dans de nombreux départements.

L’Assemblée nationale a intégré les critères de zone de montagne, de zone littorale, de superficie et du nombre de communes. Ne pensez-vous pas que la prise en compte de l’ensemble de ces critères et le passage à 30 % du tunnel permettra une représentation juste et équilibrée des territoires ? Ne pensez-vous pas, dès lors, qu’il faut en finir avec tous ces arguments que nous avons entendus depuis le début ? Comme si certains, ici, voulaient remettre en cause les départements ruraux !

Ce texte, avec les modifications qui y seront apportées et avec les évolutions qu’accepte le Gouvernement, permettra à la fois la représentation des territoires et la parité. Elle est là, la modernité ; il est là, le changement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls, ministre. Dans les quelques instants qui restent avant le vote, je vous invite à y réfléchir. Le Sénat – et je m’adresse à la fois aux élus de la majorité et aux élus de l'opposition – s'apprête à supprimer un article, alors même que le Gouvernement est prêt à accepter des avancées afin d’assurer la représentation de tous les territoires, quels qu’ils soient – urbains, périurbains, ruraux –, afin de renforcer les liens entre les élus et les citoyens.

Cessons de dire que deux élus ne pourront pas représenter un territoire : ils seront élus ensemble, ils mèneront campagne ensemble, ils seront souvent élus pour le premier du chef-lieu, pour le second de l'autre partie du territoire ; ils seront capables de représenter et de quadriller ce territoire, d’en défendre les intérêts, lequel territoire sera d'ailleurs mieux défendu par un homme et par une femme, grâce au renouvellement que les électeurs permettront à travers ce processus. Ce sera cela, le changement ! Et vous vous apprêteriez à dire non à cet article et à ces avancées du Gouvernement à la fois sur la représentation des territoires et sur la parité ? Mais, enfin, le Sénat a l'occasion de se montrer profondément moderne, en avance, et de changer nos territoires ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, travaillons à cette avancée. Je l’ai déjà dit, et il est important de le souligner, le Conseil d'État sera saisi et émettra un avis sur chaque projet de redécoupage des départements.

Par ailleurs, il est déjà prévu que chaque conseil général donne également son avis.

M. Didier Guillaume. C’est nouveau !

M. Manuel Valls, ministre. Non, mais ce qui est nouveau c’est que, pour la première fois, un gouvernement va procéder à un redécoupage général, puisque deux tiers des cantons n'ont subi aucune modification depuis 1801.

Je m'engage évidemment à respecter ces avis. Bien sûr, il y aura parfois des avis négatifs pour des raisons politiques, mais grâce à ce travail avec les conseils généraux, grâce à cette consultation des grands élus départementaux, je suis sûr que nous parviendrons à respecter l'intérêt général.

Ne comparons pas ce processus avec celui qui prévaut pour le redécoupage des circonscriptions législatives. Certes, il existe une commission, mais, si l’on s’en tient au dernier redécoupage, honnêtement, on ne peut pas dire que celui-ci ait donné entière satisfaction dans l’ensemble des départements, bien que cette commission ait eu à sa tête une personnalité tout à fait honorable, ancien président du Conseil constitutionnel, mais aussi ancien secrétaire général du RPR…

En tout cas, l’objectif est bien de procéder à un redécoupage général qui soit aussi juste qu’équilibré.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que vous ne passiez au vote, je veux vous dire qu’il serait regrettable que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, ne porte pas lui-même ce texte. Le Gouvernement, pour sa part, tiendra son rôle, ici et à l’Assemblée nationale, jusqu’à l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire. Il fera preuve de sa capacité d'écoute et manifestera sa volonté de trouver une solution.

Je veux également dire aux élus de la majorité qu’il est tout à fait normal qu’il existe des différences entre nous et qu’il est cohérent de défendre la proportionnelle. Mais la majorité doit saisir l'occasion de se retrouver sur ces thèmes de la représentation des territoires et de la parité. Que chacun prenne ses responsabilités pour ne pas laisser passer cette possibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Dans cette assemblée, nous sommes habitués aux postures politiques. Éric Doligé nous a ainsi rapporté les déclarations d’un certain nombre de sénateurs de gauche, présidents de conseil général. À mon tour, je voudrais rappeler ce que disait notre collègue lors du bureau de l'Assemblée des départements de France qui s’est tenu le 10 juillet 2012 : à cette occasion, il s'était déclaré favorable au scrutin binominal, ajoutant que le redécoupage cantonal ne devrait pas favoriser les agglomérations.

Quant à notre collègue Bruno Sido, il déclarait au cours de ce même bureau que le temps était compté pour se positionner, faisant remarquer que le report des élections cantonales n'était pas encore décidé. Il se montrait alors défavorable au scrutin proportionnel et plutôt favorable au scrutin binominal majoritaire.

Mes chers collègues de l'UMP, qu'avez-vous fait ce soir de vos collègues femmes ? Je n'en vois pas ! Serait-ce qu’elles n'ont pas voulu entendre vos propos sur la parité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.) Elles n'auraient sans doute pas apprécié certains d’entre eux qu'elles auraient pu parfois qualifier de machistes.

M. Gérard Miquel. La démonstration vous a été faite que ce mode de scrutin ne mettait pas à mal la représentation des territoires ruraux.

M. Gérard Miquel. Bien au contraire, mon cher collègue !

M. Alain Fouché. Dans la Vienne, vous faites disparaître la représentativité des territoires ruraux !

M. Gérard Miquel. Je suis l’élu d’un département rural.

M. Alain Fouché. Moi aussi !

M. Gérard Miquel. Mon département comptera trente-six élus au lieu de quinze !

M. Alain Fouché. Chez moi, le nombre d’élus passera de trente-huit à dix-neuf !

M. Gérard Miquel. Vous ne comptez pas les conseillers régionaux, moi si !

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez éviter les interpellations.

M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, sur un tel sujet, nous devons faire bien attention aux décisions que nous prenons. Le Sénat, en tant que représentant des collectivités territoriales, s'honorerait à poursuivre l’examen de ce projet de loi.

Gérard Bailly nous a déclaré qu’un tunnel de 30 % serait largement préférable. Eh bien, mon cher collègue, ne votez pas ces amendements de suppression si vous voulez vraiment parvenir à cet objectif et permettez ainsi au débat de se poursuivre.

M. Rémy Pointereau. Avec quelles garanties ?

M. Gérard Miquel. Le ministre vous a donné ces garanties. Vous pouvez attacher du prix à sa parole !

M. Rémy Pointereau. L’intérêt des collectivités territoriales, ce n’est pas du marchandage !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais je ne peux accepter sans rien dire vos propos, monsieur le ministre. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Vous le savez, j'ai combattu pied à pied le conseiller territorial parce que je pensais que c'était une calamité, et je continue à le penser. J'ai pris mes responsabilités, et je continuerai de les prendre parce que j’estime que le mode de scrutin qui nous est proposé n'est pas bon. S’il n’en existait pas d’autre, comme vous le prétendez, je l’aurais accepté, car concilier une représentation des territoires avec la parité est un bon objectif.

Quand vous dites que je dévoie l'intercommunalité en faisant de celle-ci la base des circonscriptions, de qui se moque-t-on ? Dévoie-t-on la commune parce que celle-ci désigne des délégués pour l’élection des sénateurs ? En quoi ma proposition est-elle extraordinaire ? Le découpage auquel vous allez procéder est-il appelé à la même longévité que les intercommunalités ? On peut très bien imaginer de se fonder sur les intercommunalités pour définir les circonscriptions. Vous ne devriez pas insulter l'avenir : je suis persuadé que c'est vers ce mode de scrutin que l'on ira, parce qu’il permet d'articuler les intercommunalités, qui sont désormais un élément fondamental de notre organisation territoriale, avec le département, leur référent normal.

Il est quand même étrange de passer son temps à faire de l'intercommunalité le nec plus ultra, la panacée pour régler tous les problèmes et de ne pas suivre, dans le cas présent, cette logique.

L’occasion nous était offerte de donner un contenu concret à ces circonscriptions, d’en faire des circonscriptions à taille humaine dans lesquelles les gens se seraient reconnus, d’introduire un mode de scrutin proportionnel et donc de régler le problème de la parité. Ce n’est pas la voie qui a été choisie. Pourquoi ? Non pas pour des raisons de fond, mais parce que la décision avait préalablement été prise !

Moi, je ne suis pas là pour négocier un seuil de 20 % ou de 30 %, même si c’est cette seconde solution qui recueille mon adhésion. Vous prendrez vos responsabilités et nous verrons bien la suite !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je voterai les trois amendements de suppression, principalement pour une raison : je ne suis pas convaincu du bien-fondé de ce binôme.

Actuellement, si le conseiller général est un homme, le suppléant est une femme, ou inversement. Le système vaut ce qu’il vaut, mais au moins avons-nous encore des cantons à taille humaine.

Pour ma part, j’ai été élu, en 1998, dans le plus petit canton des Ardennes. Déjà, à l’époque, on soutenait au simple conseiller général que j’étais que ce canton de moins de 2 000 habitants était voué à disparaître. Certes, cela peut faire sourire, mais ce n’est pas parce qu’un canton est petit que les élus n’ont rien à faire. Ils font vivre la ruralité !

Mon canton appartient à un arrondissement rural de 123 communes. Après la réforme, il restera peut-être deux cantons, ce qui fera une soixantaine de communes chacun pour notre binôme homme-femme. Je vous avoue ma perplexité, comme certains de nos collègues l’ont dit avec force, quant à la forme de gouvernance.

Nous défendons le département. Je ne doute pas que les conseils généraux garderont leurs compétences, et je fais confiance au Gouvernement sur ce point. Pour autant, je ne puis que réaffirmer la perplexité que m’inspire le binôme que l’on veut mettre en place, car je ne vois pas comment il pourra fonctionner.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

M. Jean-René Lecerf. Je suis toujours surpris de constater combien le travail de l’assemblée plénière peut paraître caricatural par rapport à celui effectué en commission.

Monsieur Miquel, j’ai pour vous la plus grande estime, mais il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Votre intervention aurait mérité d’être plus nuancée…

Pardonnez-moi de citer un exemple personnel, mais il se trouve que, en première lecture, j’avais déposé un amendement qui prévoyait la parité pour les fonctions de président et de premier vice-président du conseil départemental : si le président est une femme, le premier vice-président doit être un homme, ou vice-versa. Cet amendement avait reçu un avis défavorable tant de la commission des lois que du Gouvernement. Michel Delebarre ayant depuis avancé dans sa réflexion, la commission l’a accepté en deuxième lecture. Cet exemple montre bien que nous avons une conception qualitative de la parité et pas, contrairement à vous, une vision mathématique.

Cela étant, j’en viens à l’essentiel.

Comme tous mes collègues du groupe UMP, je suis hostile au principe du binôme pour les raisons qui ont été développées notamment par Jean-Jacques Hyest. Si ce dispositif était adopté, j’irai expliquer dans mon département pourquoi j’y étais opposé et que, si j’ai été battu, c’est parce que je suis dans la minorité. Vous auriez fait de même, mesdames, messieurs de la majorité, si le conseiller territorial avait prospéré. Après tout, il s’en est fallu de 1,5 % des voix à l’élection présidentielle pour que le conseiller territorial l’emporte…

Rassurez-vous, je n’ajouterai pas un énième discours à la discussion générale, aux interminables interventions sur l’article 2 et aux explications de vote sur les amendements de suppression. Si je prends la parole, c’est pour expliquer pourquoi, bien que partageant au mot près les arguments de Jean-Jacques Hyest et d’Hervé Maurey, je ne voterai pas les amendements de suppression.

Nous avons tous défendu, notamment dans les rangs de l’opposition, la ruralité et la proximité. Pouvons-nous tenir pour rien l’élargissement de 20 % à 30 % du tunnel, qui permettra de mieux prendre en compte le problème de la ruralité dans chaque canton ?

Je ne souhaite pas, et je crois ne pas être le seul, que le Front national arbitre les seconds tours pour faire élire, au gré de ses caprices, ici des candidats de gauche, là les candidats de droite. Il me semble que le seuil de 12,5 % nous permettra d’éviter cela.

L’élection au suffrage universel direct par le fléchage des conseillers communautaires, des délégués des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale nous semble mériter de la souplesse. Nous avons pu par nos travaux éviter ce cumul de mandat obligatoire pour tous les premiers de liste. À quoi aura servi le travail partenarial et respectueux des opinions de chacun de la commission des lois, à quoi auront servi les innombrables avancées que ce travail a permises, notamment sur les modalités et la transparence du découpage cantonal, par exemple, si l’article 2 venait à être rejeté ? Une telle issue placerait le Sénat dans l’incapacité d’affronter la commission mixte paritaire avec un rapport de force égalitaire.

M. Jean-René Lecerf. Je souhaite défendre l’institution sénatoriale. Le Sénat, avec les responsabilités éminentes qui sont les siennes dans la défense des collectivités territoriales de la République, peut-il se laver les mains d’un texte qui est au cœur de notre organisation administrative ? Va-t-il laisser tout pouvoir à l’Assemblée nationale ? Si tel devait être le cas, l’avenir du bicamérisme ne me paraîtrait guère radieux.

Mes chers collègues, il n’y a pas de plan B. Si l’article 2 venait à être rejeté, nous ferions aussi bien d’interrompre nos travaux et de laisser l’Assemblée nationale décider, en allant peut-être gentiment écouter les discussions qui s’instaureront entre les députés lors de la seconde lecture.

M. Alain Fauconnier. Tout à fait !

M. Jean-René Lecerf. Ce n’est pas mon souhait. C’est la raison pour laquelle, bien qu’étant en harmonie, au mot près, je le répète, avec les arguments de Jean-Jacques Hyest, je ne voterai pas ces amendements de suppression. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je suis restée jusqu’à présent relativement silencieuse, ne trouvant que peu d’intérêt à ces polémiques sur qui a dit quoi, où, comment. J’ai surtout le sentiment qu’une certaine amnésie frappe certaines travées de cet hémicycle. Tout cela ne donne pas d’éclat aux débats démocratiques et, en général, sereins qui ont lieu ici, au Sénat.

Mon groupe ne votera pas les amendements de suppression pour une raison qui ne surprendra personne : nous ne voulons pas faire le deuil d’une discussion sur l’ensemble de l’article 2. Grâce à cette discussion, nous espérons obtenir des réponses aux questions que nous poserons au travers de deux amendements.

L’une porte sur la parité, et personne ne peut faire grief au groupe communiste de ne pas être attaché à ce principe. On peut certes en débattre, mais, pour les élus que nous sommes, la parité doit être considérée comme une valeur fondamentale qui ne souffre aucune remise en cause.

Une autre valeur fondamentale pour nous, c’est la proportionnelle intégrale. Pour autant, nous ne sommes pas enfermés dans un dogme. Nous pouvons concevoir que notre pays n’est pas encore mûr pour ce mode de scrutin. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de repli visant à instaurer un scrutin mixte, avec une dose de proportionnelle à 30 %.

C’est donc en toute responsabilité – je pèse mes mots –, parce que nous portons les valeurs que je viens d’évoquer, que nous ne voterons pas les amendements de suppression et que nous nous déterminerons sur l’article 2. Je me refuse en effet à faire le deuil d’une évolution du Gouvernement sur certaines questions latentes, qui ne préoccupent pas seulement les élus communistes. Les choses ne sont pas aussi simples au sein de la gauche. De nombreux élus s’interrogent sur le nouveau mode de scrutin. Peut-être est-il temps que le Gouvernement écoute non seulement les élus communistes, mais plus largement celles et ceux qui aujourd’hui composent sa majorité.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Sans dramatiser la situation, je tiens à souligner que l’heure est sinon grave, du moins importante.

En qualité de président de la commission des lois, vous le savez, monsieur Sueur, il y a eu d’autres propositions que le scrutin binominal. C’est pourquoi je considère que vous avez exagéré et que vous n’auriez pas dû tenir les propos que nous avons entendus de votre part.

Cela étant, des choses fausses ont été dites. Je tiens donc à rétablir la vérité.

Si le redécoupage des cantons est nécessaire, c’est grâce au conseiller territorial. Je vais expliquer pourquoi, parce que ce n’est pas tout de l’affirmer encore faut-il que chacun comprenne afin que l’on ne soit plus contraint d’y revenir.

Dans la mesure où le Gouvernement s’est cru obligé de supprimer le conseiller territorial, il fallait bien élaborer une nouvelle loi et donc procéder à un nouveau découpage des cantons puisque le Conseil constitutionnel exige l’égalité devant le suffrage.

Cette obligation de redécouper les cantons, nous en assumons, nous, UMP, la responsabilité. Nous aurions d’ailleurs dû le faire nous aussi. En effet, il ne suffit pas d’abroger une loi pour que les principes antérieurs s’appliquent de nouveau. Il faut donc adopter un autre texte. Je ne suis pas juriste, mais je sais que c’est un principe de droit.

Pour des raisons que j’ignore, dans la plupart des départements, aucun redécoupage n’a été effectué. On aboutit à des résultats allant de 1 à 47, ce qui est totalement inadmissible !

Sachez que, en Haute-Marne, des redécoupages ont été réalisés voilà maintenant une vingtaine d’années. Cela a également été le cas dans d’autres départements, mais pas dans tous. Comment expliquer cette inertie que l’on a observée sous la IIIe, la IVe, la VRépublique ? Disons-le, tout le monde est coupable, et personne ne devrait être fier ici !

Reste que le Gouvernement invente un principe qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui, à savoir que les cantons dépassent désormais les limites de la circonscription législative. D’aucuns ont prétendu le contraire. Non ! Une circonscription législative, c’était une somme de cantons.

J’en viens à la parité, notion fondamentale qui constitue incontestablement une belle idée.

Imaginez que le général de Gaulle nous propose aujourd’hui d’accorder le droit de vote aux femmes. Quelle position adopteriez-vous ? Il y a donc des tournants dans l’histoire que nous sommes, bon gré mal gré, obligés de prendre. En disant cela, je ne prétends pas que le scrutin binominal est la meilleure solution, mais il pourrait être appliqué provisoirement, comme je l’ai dit en première lecture.

Refuser aujourd’hui le redécoupage des cantons pour conserver ceux de 1801 et s’opposer à la parité, c’est complètement ringard. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.) Cela ne va pas le sens de l’histoire !

Le scrutin binominal est-il un « mal nécessaire » ? En soi, ce n’est pas un mal, mais c’est un passage obligé pour aller vers la parité. Pour atténuer ce « mal », je présenterai un amendement visant à créer des sections dans ces nouveaux cantons. J’espère que cette proposition sera adoptée ainsi que celle de M. Hyest, qui tend à prévoir l’utilisation concrète de ces sections.

En résumé, si nous adoptions ces trois amendements de suppression, le Sénat irait à contre-courant de l’histoire. Ne réécrivons pas la même page qu’en première lecture : de longues discussions, quelques avancées obtenues, mais au final aucun texte adopté. Nous avons donc siégé huit jours pour rien, ou presque ! Voilà pourquoi, à titre personnel, je ne prendrai pas part au vote. Je souhaite que nous engrangions les avancées obtenues et que ces mesures soient examinées à l’Assemblée nationale.

Si les propos se sont enflammés à l’instant, monsieur le ministre, vous n’y êtes pas pour rien. Vous avez quelque peu électrisé notre assemblée.

M. Didier Guillaume. Il vit le débat !

M. Bruno Sido. Vous avez le défaut de vos qualités… (Sourires.)

Cela étant dit, vous avez formulé de vraies propositions, et je crois que vous êtes de bonne foi. Je crois également que, si ces dispositions sont adoptées au Sénat, elles survivront à l’Assemblée nationale. Mais peut-être pourriez-vous réitérer vos engagements avant que nous ne passions aux votes… (MM. Jean-René Lecerf et François Pillet applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Comme je l’ai dit en première lecture – je n’ai malheureusement pas changé d’avis –, avec ce texte, nous avions une merveilleuse occasion de rapprocher les électeurs de leurs représentants désormais nommés « conseillers départementaux », occasion que nous sommes en train de rater, en dépit des avancées proposées par M. le ministre.

Introduire plus de parité dans les élections des conseillers généraux est tout à fait louable, mais la voie choisie n’est pas la bonne. Le nouveau mode de scrutin que vous proposez impliquera indéniablement une sous-représentation des territoires, alors même qu’il faudrait tenir compte de leurs spécificités, notamment celles des territoires ruraux, que ce soit en matière de politiques de transport, de petite enfance ou encore de réseaux internet. Il faut absolument faire en sorte que nos concitoyens sachent à quoi ils participent. Malheureusement, avec ce binôme, ils ne le sauront pas.

Quant au portage des projets, il faudra soit procéder à un découpage géographique entre les deux coconseillers, ce qui, semble-t-il, n’est pas possible, soit trouver un point d’accord, au risque, dans un cas comme dans l’autre, de fragiliser lesdits projets.

Je vois bien que vous avez recherché avec la parité les moyens de masquer des choses moins avouables. Osons le dire, en prévoyant deux élus pour un même territoire, vous faites preuve d’une imagination débordante pour procéder à un redécoupage à votre guise, dont vous espérez qu’il vous assurera la victoire dans des départements lors des échéances futures. Avec cette réforme, qui risque fort de sacrifier les territoires ruraux, vous allez, ni plus ni moins, porter atteinte à l’équilibre de notre République ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. André Reichardt. Surtout, vous allez provoquer un vice de fonctionnement dans la mesure où, avec deux représentants sur le même territoire, vous fragiliserez le portage des projets.

Selon moi, votre texte comporte trois risques.

Le premier, c’est l’éloignement, voire l’effacement des territoires ruraux. Je le répète, derrière cela, se profile l’éloignement des électeurs de leurs conseillers départementaux.

Le deuxième risque, à n’en pas douter, c’est la fragilisation du portage des projets avec deux porteurs par territoire, alors que, jusqu’à présent, il n’y en avait qu’un.

Le troisième risque, c’est celui des triangulaires, voire des quadrangulaires. Les départements vont devenir ingouvernables.

Le système « baroque » que vous nous proposez, ce mode de scrutin hybride et inédit, va encore se complexifier avec les suppléants, le remplaçant devant être du même sexe que le candidat. Je crains que l’existence de ce couple à deux, qui va en réalité devenir un ménage à quatre sur le bulletin de vote, ne favorise pas la lisibilité et ne permette pas à nos concitoyens de se retrouver, comme ils le faisaient par le passé, autour de leur conseiller général. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, et ce point n’a pas été évoqué, si ce binôme permet certes d’atteindre la parité, cela se fera au détriment du pluralisme, voire de la démocratie. En effet, que vous le vouliez ou non, ce mode de scrutin favorisera le bipartisme : là où coexistaient deux élus de sensibilité différente, on trouvera désormais deux élus de la même sensibilité.

Mes chers collègues, il faut ce soir faire preuve de raison et remplir pleinement notre fonction de défenseur des collectivités territoriales en abandonnant ce mode de scrutin binominal. Je voterai donc pour ces trois amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Je ne vais pas reprendre les arguments de fond qui ont déjà été développés. Je veux simplement dire que nous souhaitons tous trouver un accord. (Ah ! sur les travées socialistes.)

M. Dominique de Legge. Il semble que vous le souhaitiez également, monsieur le ministre. Mais croyez-vous vraiment vous être donné les moyens d’y parvenir ?

M. Jean-Marc Todeschini. La réponse est oui !

M. Dominique de Legge. En vous entendant, j’ai vraiment eu le sentiment que vous demandiez au Sénat de voter d’abord l’article 2 et que vous condescendriez ensuite à écouter nos propositions sur des sujets déjà décidés à l’avance. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls, ministre. C’est le contraire !

M. Dominique de Legge. J’aurais été beaucoup plus convaincu si vous aviez sollicité la réserve de l’article 2 et si nous avions discuté de sujets choisis ensemble. Telle n’a pas été votre démarche.

Je suis assez inquiet quant au sort de ce texte, car je n’ai pas perçu votre volonté de faire entendre la voix du Sénat à l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression de l’article 2.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, si vous supprimez l’article 2, vous ne pourrez plus examiner les amendements visant à proposer d’autres systèmes et vous laisserez le soin à l’Assemblée nationale de décider. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Vous ne faites pas confiance à M. le ministre ? Vous avez peut-être raison, mais le pire qui puisse vous arriver, ce serait que l’article 2 soit supprimé. Si vous refusez le dispositif proposé par cet article, mieux vaut vous abstenir lors de la mise aux voix des amendements de suppression. Vous permettrez ainsi à certains de nos collègues de proposer des systèmes différents ou des aménagements et vous donnerez au moins la possibilité au Sénat de pouvoir défendre une position face à l’Assemblée nationale. À cet égard, l’attitude de Bruno Sido, dont on connaît l’engagement à l’UMP, est remarquablement courageuse.

Vous n’avez peut-être pas mesuré la signification des plus ou moins 30 %. Dans mon département, les cantons comptent 9 000 habitants en moyenne. En divisant le nombre de cantons par deux, la moyenne passera à 18 000. Par conséquent, l’adoption des plus ou moins 30 % permettrait de passer à 23 400 habitants, soit une augmentation non négligeable.

Je peux vous assurer que la défense du milieu rural est dans ce dispositif et non dans la politique qui consiste à enfouir la tête dans le sable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Gérard Bailly et Gérard Roche applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je voudrais avant tout présenter mes excuses à M. Sido si j’ai pu le blesser par quelque parole.

En tant que président de la commission des lois, je veux dire que la force du Sénat, au sein duquel nous sommes un certain nombre à siéger depuis quelque temps, tient au fait que le débat progresse peu à peu et que, parfois, des convergences de vues apparaissent.

Nous avons eu en commission des débats extrêmement positifs, nonobstant les désaccords qui existent entre nous et que, par correction, je ne souhaite à aucun moment gommer.

Nous nous sommes réunis à deux reprises pour la deuxième lecture : la première fois, le 27 février, nous avons adopté soixante amendements, émanant à la fois de la majorité et de l’opposition ; la seconde fois, ce matin, nous avons adopté cinquante-sept amendements, provenant également de l’opposition et de la majorité. Au total, cent dix-sept amendements ont été retenus par la commission des lois.

Je m’adresse maintenant à tous nos collègues présents, quelle que soit leur appartenance politique : chacun gardera évidemment, est-il besoin de le dire, sa liberté au moment du vote final sur le texte. Reste que, dans la phase de la navette et de la commission mixte paritaire, nous avons intérêt, me semble-t-il, à ce que le travail du Sénat pèse dans le débat et contribue à façonner le texte.

Les votes qui vont intervenir, dans un instant et un peu plus tard, détermineront le sort de ces cent dix-sept amendements et, par conséquent, le rôle du Sénat, qui représente les collectivités locales de la République, dans l’élaboration d’un texte qui ne porte que sur ces dernières.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur de Legge, ne mettez pas en cause ma bonne foi. Je l’ai déjà expliqué à l’occasion des débats en première lecture, je l’ai répété ici même à plusieurs reprises aujourd’hui : au-delà des désaccords, qui honorent les débats, au-delà de ma volonté d’électriser la discussion – pour mieux vous convaincre –, le Sénat sera d’autant plus fort et convaincant vis-à-vis de l’Assemblée nationale qu’un vote sera intervenu sur les questions qui nous occupent à l‘instant. Telle est la logique du système bicaméral ! Au reste, je serai moi-même d’autant mieux armé pour tenir mes engagements, monsieur Sido.

Il n'y a donc aucun chantage de ma part ! Je n’ai jamais dit que je reviendrai sur les engagements qui ont été les miens si le Sénat ne votait pas ces dispositions. Je ne l’ai dit ni en première ni en deuxième lecture. J’ai simplement évoqué l’issue de la commission mixte paritaire concernant les choix qui ont été ceux de la commission des lois ou les conclusions des discussions que nous avons eues sur les critères présidant au découpage – je pense notamment à l’élargissement du tunnel à 30 %. C’est une évidence dans le cadre de la procédure parlementaire qui est la nôtre.

Le Gouvernement s’engage devant vous à porter devant l’Assemblée nationale trois mesures. Bien entendu, il y en aura peut-être d’autres, car, en disant cela, je ne préjuge pas des amendements qui pourraient être adoptés – j’ai entendu Mme Assassi nous annoncer que son groupe présenterait un certain nombre d’amendements – ou du vote final. Je suis respectueux des discussions que nous aurons et des choix que vous ferez.

En attendant, je le répète, le Gouvernement s’engage à défendre trois mesures devant l’Assemblée nationale : le passage du tunnel de 20 % à 30 % ; le seuil de 12,5 % des inscrits pour se maintenir au second tour ; le seuil de 1 000 habitants pour le passage à la proportionnelle. Voilà les choix que vous avez faits, sachant que nous étions tous bien conscients que le débat pouvait évoluer, au regard notamment des propositions formulées par l’Assemblée des départements de France.

Ces trois choix que vous avez opérés sont aussi trois engagements que je prends devant vous ce soir. Pour aller jusqu’au bout, nous devons, en vertu de la procédure parlementaire, non seulement discuter de l’article 2, mais aussi adopter le binôme, auquel ces trois engagements sont liés. Dans le cas contraire, la discussion avec l’Assemblée nationale serait plus difficile.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié, 147 et 205 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, tandis que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 107 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 161
Contre 167

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 275, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 191. - Il est créé dans chaque canton deux sections.

II. - En conséquence, alinéa 2

Supprimer la référence :

Art. L. 191. -

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Comme je l’ai déjà indiqué, cet amendement vise à créer des sections qui permettront à chaque membre du binôme de disposer de sa propre assise territoriale et donc de pouvoir évoluer dans un milieu déjà connu. L’adoption de cette disposition permettra principalement de donner un fondement à l’amendement que M. Hyest a déposé.

Cela étant, j’espère que ces sections seront créées, parce qu’il me semble important d’apaiser le débat. J’ai parlé tout à l'heure de « mal nécessaire » ; le présent amendement s’inscrit dans cette logique. En créant deux sections dans chaque canton, on amortira le choc culturel que provoqueront ces grands cantons et on reviendra à une situation plus normale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. Si le souci qui anime M. Sido est bien compréhensible, il n’a pas été partagé par la commission des lois. Nous avons pensé qu’il était sans doute préférable de laisser une marge de manœuvre aux membres du binôme dans la mise en œuvre de leurs responsabilités plutôt que de systématiquement créer deux sections distinctes.

Dans ces conditions, la commission ne peut émettre un avis favorable sur cet amendement, en dépit des intentions louables de son auteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Je serai bref, ayant déjà discuté de ce point avec M. Sido.

Si je comprends évidemment l’objet de l’amendement, je rappelle que le projet de loi prévoit la solidarité devant le suffrage au sein d’un même binôme. Or, monsieur Sido, en tendant à créer deux territoires distincts pour chacun des membres du binôme, votre amendement remet en question cette solidarité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. Bruno Sido. Je m’y attendais !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 178 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. de Montesquiou, Guerriau, J.L. Dupont, Tandonnet, Marseille, Capo-Canellas et Merceron, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191. – Les électeurs de chaque canton élisent un conseiller départemental au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. »

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Cet amendement tend à maintenir le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers départementaux. Pour compléter ce dispositif, un autre amendement visait à prévoir des sanctions financières en cas de non-respect de la parité, mais il n’a pas été adopté.

J’ai été étonné d’entendre le président Sueur expliquer que le système des pénalités ne favorisait pas la parité. J’imagine donc que lui-même, le Gouvernement ou la majorité proposeront bientôt de supprimer ce dispositif pour les élections législatives…

En attendant, il vous est donc proposé de maintenir le scrutin uninominal à deux tours, qui existe depuis la création des départements et qui favorise une véritable proximité entre élus et citoyens.

Mme la présidente. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191. – Les conseillers départementaux sont élus à la proportionnelle intégrale sur une seule circonscription électorale, à partir de listes de candidats comportant autant de noms qu’il y a de sièges à pourvoir et composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Pour différentes raisons, l’article 2 a été rejeté par notre assemblée en première lecture. Il s’agit pourtant, selon vos propres mots, monsieur le ministre, de l’article essentiel du projet de loi. D’après les débats, les motifs ayant concouru à son rejet sont un certain refus de la parité – constaté sur certaines travées – et la défense des territoires.

Aussi je voudrais répéter ici que nous partageons votre volonté d’effectuer une avancée décisive en matière de parité. Néanmoins, le respect de la parité ne doit pas se faire au mépris de cette autre exigence constitutionnelle qu'est le pluralisme. Pour nous, le binôme républicain doit être composé de la parité et du pluralisme. Las, votre proposition de scrutin binominal majoritaire à deux tours ne permet pas de répondre à cette double exigence démocratique.

Par contre, nous savons tous que ces principes constitutionnels peuvent se concilier dans un mode de scrutin. De façon différenciée, celui-ci est en place pour les autres élections locales, aux municipales et aux régionales ; vous-même, monsieur le ministre, allez nous proposer prochainement une part de proportionnelle pour les élections législatives – c’est en tout cas ce qui a été dit et écrit – et l'élargissement de son champ pour les élections sénatoriales.

À mon avis – et de l’avis de beaucoup –, les communes et les régions fonctionnent très bien et personne, à ma connaissance, n’y propose un retour au mode de scrutin antérieur. Aussi, en refusant de prendre en compte l’exigence de pluralisme pour les élections départementales, vous allez faire de cette élection un anachronisme démocratique et, à notre sens, une incohérence. En effet, ces élections seraient les seules à ne pas prendre en compte cette exigence de pluralisme et donc de démocratie. Et il s’agit nullement d’élire je ne sais quels apparatchiks, comme je l’ai entendu toute à l’heure !

Aussi notre amendement propose-t-il que l'élection des futurs conseillers départementaux se déroule au scrutin de liste départemental paritaire et proportionnel afin de respecter les deux principes démocratiques de parité et de diversité. Cette proposition est d'autant plus pertinente que, avec votre élection de binômes au scrutin majoritaire, le pluralisme risque fort de régresser. Doublé d'un redécoupage cantonal, ce nouveau mode de scrutin sera certainement le vecteur d'un bipartisme renforcé. Nombre d'électeurs ne se reconnaîtront pas dans les équilibres politiques des assemblées départementales nouvellement élues, ce qui pose un problème démocratique majeur. Or cela fait des années qu’on observe une forte abstention lors de ces scrutins...

Outre favoriser la parité, on nous dit que ce mode de scrutin permettrait de maintenir un lien de proximité entre les électeurs et les élus. Il n'en est rien ! La division par deux du nombre de cantons les éloignera des habitants. Par ailleurs, la fonction du conseiller départemental est de participer à la gestion de l’ensemble du département et pas de se préoccuper uniquement du canton où il a été élu.

Pour toutes ces raisons, nous vous soumettons le présent amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 115, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191. – Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement tend également à établir un scrutin de liste proportionnel. Il doit se lire en cohérence avec l’amendement n° 108, que j’ai déposé à l’article 8, concernant la parité et la prime majoritaire de 25 %.

Comme vient de le rappeler notre collègue communiste, un élu départemental n’a pas pour rôle de gérer un canton, sinon il s’appellerait encore élu cantonal. S’il a vocation à représenter localement les citoyens, il peut le faire dans tout le département, sans qu’une assise territoriale plus restreinte soit nécessaire. C’est pourquoi cet amendement tend à instituer une proportionnelle intégrale dans le département.

Mme la présidente. L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Milon et de Montgolfier, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par douze alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. - Le nombre de conseillers départementaux est égal, pour chaque département, aux deux tiers du nombre de conseillers généraux existant au 1er janvier 2013, arrondi à l’unité impaire supérieure si ce nombre n’est pas entier impair.

« Le nombre de conseillers départementaux dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à quinze.

« Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

« Le département se divise en autant de circonscriptions électorales qu’il y a d’arrondissements. Le nombre de sièges par arrondissement départemental est réparti en fonction des deux tiers du nombre de conseillers généraux existant au 1er janvier 2013 dans cet arrondissement.

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du neuvième alinéa.

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour.

« Pour se présenter pour le second tour, il faut avoir obtenu 10 % des suffrages exprimés au premier tour.

« Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du neuvième alinéa.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur la liste.

« Lorsque le département est composé d'un seul arrondissement, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription départementale selon les mêmes règles. »

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Lorsque l’on est défavorable au binôme et que l’on souhaite encourager la parité, il ne reste plus – vous avez eu raison de le préciser, monsieur le ministre – que le scrutin de liste. C’est ce que propose cet amendement, même si nous sommes une minorité à le défendre dans mon groupe politique.

Je souhaite, comme la plupart d’entre nous, le maintien de la diversité des territoires et la parité. Cet amendement est donc en phase avec vos aspirations, monsieur le ministre : il respecte l’égalité devant le suffrage, avec la proportionnelle aussi bien en zone rurale qu’en milieu urbain, l’égalité des territoires, avec le vote par arrondissement dans chaque département, et l’égalité tout court dans la mesure où il satisfait à l’exigence de parité. Ce dispositif permet aussi de maintenir un ancrage territorial, le vote par arrondissement ne nécessitant pas de modifier les circonscriptions.

Concernant le projet de redécoupage cantonal, plusieurs de nos collègues ont rappelé à juste titre qu’il faudra parfois réunir quatre, cinq, voire six cantons pour parvenir au seuil exigé. Le périmètre d’autres cantons demeurera inchangé, mais les électeurs se retrouveront quand même avec deux conseillers départementaux…

Enfin, cet amendement comporte une mesure, qui n’est pas démagogique, contrairement à ce j’ai entendu, visant à réduire d’un tiers le nombre d’élus par département.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 106, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191. – Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste est constituée de quatre sections. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Puisque certains reprochent au scrutin proportionnel de créer des « élus hors sol », j’essaie de rapprocher les élus des électeurs en instituant des sections infra-départementales, au nombre de quatre, dans le cadre desquelles seraient élus des conseillers départementaux au scrutin de liste.

Ce deuxième mode d’élection que je propose permettra, contrairement à ce qu’on nous dit, de combiner l’ancrage territorial, la proportionnelle et la parité.

Mme la présidente. L'amendement n° 206 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Alfonsi et C. Bourquin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano, Collin, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. – Les conseillers départementaux sont élus au scrutin proportionnel de liste à deux tours, dans des sections délimitées sur la base des intercommunalités prévues au schéma départemental de la coopération intercommunale ou créées sur son fondement. Chaque liste qui comporte autant de noms que de sièges à pourvoir, est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Pour être élue au premier tour, la liste arrivée en tête doit avoir obtenu la majorité absolue et 25 % du nombre des électeurs inscrits. Les listes présentes au premier tour peuvent fusionner entre les deux tours. Peuvent figurer au second tour les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour.

« Les listes n’ayant pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d’être proclamés élus.

« Lorsque la taille des intercommunalités est inférieure au tiers du quotient population départementale sur nombre de conseillers départementaux, ces intercommunalités sont regroupées pour former une section dont la population est au moins égale à ce quotient. Les communes appartenant à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre interdépartementale forment une section lorsque leur taille est supérieure au tiers du quotient défini ci-dessus. Dans le cas contraire, elles sont regroupées avec une intercommunalité limitrophe pour former une section.

« Le nombre de conseillers départementaux est identique à celui des conseillers généraux au moment de l’adoption de la présente loi ou augmenté d’une unité quand le nombre de conseillers généraux est pair. En outre, des modifications mineures peuvent y être apportées pour tenir compte de l’évolution de la population du département

« Les sièges sont attribués aux sections électorales selon la règle suivante :

« 1° Chaque section se voit attribuer un siège ;

« 2° Le reste des sièges est réparti, à la plus forte moyenne, entre les sections dont la population est au moins égale au quotient population départementale sur nombre de conseillers départementaux. La population à prendre en compte est celle desdites sections et le nombre de sièges concernés, ceux restant à distribuer. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, ne souhaitant pas aggraver mon cas en poursuivant mon entreprise de dévoiement de l’intercommunalité, considérez mon amendement comme défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Pointereau, Cornu, Bizet, Béchu, Bécot et Bourdin, Mme Bruguière, MM. Carle, Cardoux et de Legge, Mme Deroche et MM. Doligé, Doublet, Grignon, Milon, Magras, Pierre, Pillet, Trillard, D. Laurent, de Montgolfier, Grosdidier, Dulait, Houel, César, Adnot et Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. – Les communes du département membres d’un même établissement public de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants forment un canton élisant au moins deux membres du conseil départemental.

« Chaque autre canton du département élit un membre du conseil départemental. »

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Le président Jean-Pierre Sueur nous reprochait d’avoir peur de la nouveauté et de n’avoir pas proposé de solution alternative au scrutin binominal. Je m’inscris en faux contre ces affirmations puisque, je le rappelle, j’avais proposé en première lecture un mode de scrutin susceptible de recueillir l’unanimité, même s’il n’a pas été retenu par la commission des lois. Je veux parler du scrutin mixte, c’est-à-dire un scrutin proportionnel en milieu urbain et un scrutin majoritaire à deux tours en zone rurale.

Ce système avait déjà été évoqué à l’occasion de la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, mais on nous avait dit alors qu’il était inconstitutionnel. Finalement, il s’avère que ce mode scrutin pourrait être conforme à la Constitution.

En zone rurale, l’objectif serait de préserver le canton, qui a une signification et correspond à des réalités locales. J’observe que l’intercommunalité s’est souvent constituée en tenant compte des limites cantonales. Il serait absurde de supprimer ces cantons ruraux ou d’en fusionner deux, trois ou quatre dans les grands territoires. Le scrutin majoritaire à deux tours est donc tout à fait adapté.

À l’inverse, en zone urbaine, les cantons sont mal identifiés. D’ailleurs, on ne connaît pas son conseiller général, ni même son conseiller régional.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas vrai !

M. Rémy Pointereau. Les limites cantonales ne correspondent à aucune réalité administrative. La plupart du temps, les cantons urbains ne respectent même pas les frontières des quartiers d’une commune. La logique urbaine dépasse le plus souvent les limites cantonales. Il semble donc judicieux de créer une solidarité entre les candidats de ces cantons urbains en leur permettant de se présenter sur une même liste devant les électeurs. La représentation proportionnelle me paraît alors tout à fait adaptée.

Tel est l’objet de cet amendement.

Dans les cantons ruraux, le scrutin majoritaire à deux tours serait maintenu, ce qui permettra de préserver la proximité des élus et la ruralité. Dans les agglomérations – à partir d’un seuil qui pourrait être fixé à 50 000 habitants –, le scrutin proportionnel serait instauré, ce qui permettra de respecter le pluralisme.

M. Jean-Jacques Mirassou. Et la proximité ?

M. Rémy Pointereau. Dans une ville de 50 000 habitants, la proximité d’un conseiller général est douteuse : on ne le connaît même pas ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Je pense que nous proposons ici une excellente solution, qui a recueilli l’assentiment d’un grand nombre de nos collègues au sein de tous les groupes sauf, peut-être, parmi les socialistes. Au reste, nous avions discuté de ce mode de scrutin avec Pierre-Yves Collombat, notamment à l’occasion du rapport Belot, ce qui avait donné un débat particulièrement intéressant.

Le ministre nous a indiqué qu’il n’y avait pas de majorité pour le conseiller territorial ou pour instaurer la proportionnelle intégrale. Cette solution pourrait donc faire consensus et nous permettre d’avancer.

Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191. – Le conseil départemental est composé d’élus représentant chaque canton du département et d’élus issus de listes départementales. Ces élus sur listes représentent 30 % de l’assemblée départementale. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Comme en première lecture, il s’agit pour nous d’un amendement de repli. En effet, nous avons déjà proposé un amendement visant à instituer un scrutin à la proportionnelle et, comme nous l’avons toujours dit, nous sommes prêts à soutenir toute avancée allant dans ce sens. Le présent amendement tend donc à instaurer un scrutin à la proportionnelle pour 30 % des élus départementaux afin de corriger certains effets négatifs du scrutin uninominal à deux tours.

De fait, le scrutin uninominal écrase la diversité de la représentation politique. Les principaux partis sont surreprésentés, tandis que les petits partis sont bien souvent contraints à des accords électoraux pour avoir des élus, ce qui renforce encore l’influence et le rôle des partis dominants.

Notre amendement a pour vertu de permettre à la fois une représentation de proximité et la parité, tout en rééquilibrant – j’y insiste – la représentation des diverses sensibilités politiques avec le recours au scrutin de liste à la proportionnelle.

Je veux revenir sur certains propos qui ont été tenus. Sans m’attarder sur les excès de langage, je pense qu’il y a des femmes et des hommes d’appareil, si vous me permettez cette expression, tant parmi celles et ceux qui sont élus au scrutin de liste que parmi celles et ceux qui sont élus au scrutin uninominal. Dans tous les cas, il y a des élus qui se comportent comme des notables locaux.

En fait, c’est bien la façon dont l’élu exerce son mandat qui compte. Dans l’ensemble, même si le précédent gouvernement s’est acharné à dévoyer l’exercice du mandat local, les élus cherchent à se lier aux électeurs et à répondre à leurs exigences, à gérer le mieux possible les collectivités territoriales, quels que soient leur taille et le mode de scrutin, et à faire le lien avec les femmes et les hommes qui vivent dans les territoires sur lesquels ils sont élus.

Les élections au scrutin de liste ne posent aucune difficulté particulière. Nous sommes tous élus au suffrage universel, ici et dans nos territoires. Je suis devenue conseillère régionale dans une commune de plus de 3 500 habitants et sénatrice dans un département comptant plus de quatre sénateurs, suis-je pour autant une mauvaise élue ? Je ne pense pas que la représentation proportionnelle, qui a permis ces différentes élections, fasse de moi une femme d’appareil éloignée des réalités. Ce sont au contraire les convictions qui nous animent qui font finalement vivre la démocratie dans notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement de repli. Finalement, il s’agit moins de décréter un mode de scrutin pour un exercice de mandat que de repenser plus largement l’exercice de la démocratie locale dans notre pays.

Mme la présidente. L'amendement n° 104, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. – Dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire, les électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l’ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l’occasion de l’élection.

« Dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin de liste, les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Je présente un troisième mode de désignation des conseillers départementaux, en me plaçant cette fois-ci à l’échelle nationale.

Afin d’introduire une petite dose de représentation proportionnelle, je propose, dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin de liste, que les conseillers départementaux le soient aussi. Ce ne serait pas exactement la représentation proportionnelle, mais nous verrions comment cela fonctionne.

Mme la présidente. L'amendement n° 130 rectifié ter, présenté par M. Dubois, Mme Férat et MM. Roche et Guerriau, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. – Chaque canton du département élit un membre au conseil départemental à l’exception des unités urbaines de plus de 100 000 habitants.

« Dans ces unités urbaines, le nombre de sièges à pourvoir correspond au nombre de cantons au 1er janvier 2013.

« Les conseillers départementaux sont élus au scrutin proportionnel de liste à deux tours. Chaque liste comporte autant de noms que de sièges à pourvoir. Elle est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.

« Pour être élue au premier tour, la liste arrivée en tête doit avoir obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et le quart du nombre des électeurs inscrits.

« Les listes présentes au premier tour et dont le résultat est supérieur à 5 % des suffrages exprimés, peuvent fusionner entre les deux tours.

« Peuvent figurer au second tour, les listes ayant obtenu au moins 12,5 % du nombre des électeurs inscrits au premier tour.

« À l’issue du tour de scrutin où l’élection est acquise, les sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation à la plus forte moyenne.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptible d’être proclamé élu. »

La parole est à M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche. Cet amendement, dont M. Daniel Dubois est le premier signataire, pourrait constituer un plan B après toutes les discussions que nous avons eues.

Il vise à introduire un scrutin de liste à la proportionnelle dans les centres urbains à forte densité de population et à maintenir un scrutin uninominal à deux tours dans les territoires ruraux.

Mme la présidente. L'amendement n° 179 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. de Montesquiou, Guerriau, J.L. Dupont, Détraigne, Tandonnet, Capo-Canellas, Merceron, Jarlier et Amoudry, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. – Les cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux sont de deux natures :

« 1° Les cantons urbains où les conseillers départementaux sont élus sur des listes à la représentation proportionnelle au plus fort reste à deux tours ;

« 2° Les cantons hors agglomération où les conseillers départementaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. ».

« Un décret en Conseil d’État précise la définition du caractère urbain ou rural d’un canton. »

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Cet amendement, assez proche du précédent, reprend une proposition figurant dans le rapport que nous avions remis, avec Pierre-Yves Collombat, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, sur le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux.

Nous étions parvenus à la conclusion qu’il fallait, pour obtenir la proximité nécessaire, maintenir le scrutin uninominal à deux tours dans les cantons ruraux, où le conseiller général est connu et possède une vraie légitimité de terrain. A contrario, en zone urbaine, où il n’y a pas cette proximité entre l’élu et le conseiller général, nous suggérions un scrutin de liste à la proportionnelle, à même de faire progresser la parité – puisque l’objectif, cela a été rappelé, est de tendre vers la parité.

Je signale qu’un tel mode de scrutin ne pose pas de problème de constitutionnalité, contrairement à ce que nous avons pu entendre dans le passé. Les constitutionnalistes que la délégation avait auditionnés l’avaient clairement indiqué.

M. Rémy Pointereau. Je le confirme !

Mme la présidente. L'amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. Collombat, Alfonsi, Barbier, C. Bourquin, Chevènement et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

canton

par le mot :

section

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne comprends pas très bien pourquoi cet amendement figure en discussion commune, dans la mesure où il ne concerne pas le mode de scrutin alternatif.

Il s’agit simplement, dans un souci de clarté, de modifier la dénomination des cantons, afin de tenir compte de leur redécoupage complet, de leur agrandissement, etc. La circonscription, pour ne pas évoquer les cantons d’autrefois, serait appelée « section ».

Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par MM. J. Boyer et Roche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

différent

insérer les mots :

issus de communes différentes, originaires d’une ancienne structure élective cantonale différente,

La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Le présent amendement vise à éviter la surreprésentation d’une commune au sein d’un futur canton. En effet, si les deux conseillers départementaux sont issus de la ville la plus peuplée du canton, il y a un risque que les communes les moins peuplées de ce canton ne soient plus représentées au sein de l’assemblée départementale.

Il s’agit également de veiller au bon équilibre des territoires en préservant notamment les bourgs-centres des anciens cantons, qui, malgré tout, constituent encore des centres d’activité et de développement.

Cet objectif permet de conserver un équilibre harmonieux et respectueux des territoires ruraux, particulièrement en zone de montagne.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 7 rectifié ter est présenté par MM. Namy et Merceron.

L'amendement n° 166 est présenté par M. Sido.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

dont les noms sont ordonnés dans l'ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection

La parole est à M. Christian Namy, pour présenter l'amendement n° 7 rectifié ter.

M. Christian Namy. L’article 2 prévoit que les noms des candidats figurent dans l’ordre alphabétique, ce qui constitue, à mes yeux, une contrainte excessive. Je propose simplement que les candidats aient la liberté d’inscrire leurs noms dans l’ordre qu’ils souhaitent et puissent s’adapter à la situation sur le terrain.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l'amendement n° 166.

M. Bruno Sido. Cet amendement, déjà défendu par M. Namy, vise à laisser le choix de l’ordre de présentation sur le bulletin de vote aux deux candidats du binôme.

Nous pouvons imaginer que le binôme préfère, par exemple, faire figurer en premier le candidat bénéficiant de la plus grande notoriété, la femme plutôt que l’homme, celui qui a déjà siégé au sein de l’assemblée départementale ou qui habite la commune la plus peuplée… Il faut introduire cette souplesse.

Mme la présidente. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

candidats

insérer les mots :

, représentant chacun l'une des sections du canton,

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Comme le soulignait notre collègue Bruno Sido, nous pensons que la création de sections cantonales clarifierait les responsabilités respectives des membres du binôme en évitant toute concurrence ou rivalité sur un même territoire. Elle défendrait la ruralité en maintenant le nombre actuel de cantons, que le Gouvernement propose de diviser par deux, et garantirait l’enracinement des candidats sur leur territoire, chaque section cantonale ayant un conseiller départemental pour la représenter.

Tel est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 195 rectifié bis, présenté par MM. Dallier, Huré, de Legge et Gilles, Mme Primas, MM. Cambon et Gaillard, Mlle Joissains, Mme Lamure, M. Bourdin, Mmes Bruguière et Procaccia et MM. Houel, Pierre, Ferrand, Bas, Cléach, Grignon, Béchu, Sido, Lefèvre, Doligé, P. André, Charon, Cardoux, Legendre, Pillet, P. Dominati, Bordier, Dulait, Magras, Savin, Beaumont, B. Fournier, Couderc et Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

noms

insérer les mots :

, ainsi que ceux des personnes appelées à les remplacer comme conseiller départemental dans le cas prévu à l’article L. 221,

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Voilà un amendement qui pourrait être adopté à l’unanimité, puisqu’il s’agit simplement de prévoir que figurent sur le bulletin de vote, outre les noms du binôme de candidats, ceux des remplaçants. A priori, cette disposition n’est pas prévue par le projet de loi.

Mme la présidente. L'amendement n° 89, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et représentent chacun une des deux sections du canton

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 49 rectifié défendu par notre collègue Jean-Jacques Hyest.

Je me permets de souligner que le Président de la République, lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés sur l’initiative du Sénat, avait précisé qu’il recherchait un système permettant d’assurer à la fois la parité et la proximité. La parité est garantie par le binôme. La proximité pourrait résulter de l’adoption des sections.

La création de sections éviterait en outre de redoutés et interminables débats sur le point de savoir, par exemple, qui va représenter le département, au sein du canton, au conseil d’administration de tel collège ou de tel établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Mme la présidente. L'amendement n° 116, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Au sein de chaque département, 20 % des conseillers départementaux sont élus au scrutin de liste paritaire à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. »

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Le quatrième mode d’élection que je vous propose, conformément aux recommandations de la commission Jospin, vise à instaurer une part de représentation proportionnelle en prévoyant que 20 % des conseillers départementaux sont élus à la proportionnelle. C’est un minimum que l’on peut voter sans hésitation.

Mme la présidente. Mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, il me paraît plus raisonnable d’attendre demain pour entendre les avis de M. le rapporteur et de M. le ministre sur les dix-neuf amendements en discussion commune.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Discussion générale (suite)

8

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 13 mars, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques (domaine public maritime naturel) (2013-316 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 mars 2013 :

À neuf heures trente :

1. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux ;

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n° 404, 2012 2013) ;

Textes de la commission (nos 405 rectifié et 406 rectifié, 2012-2013).

À quinze heures :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et le soir :

3. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 14 mars 2013, à zéro heure dix.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART