M. François Fortassin. La tarification est un deuxième outil, même si son maniement n’est pas simple. Adaptée aux enjeux, elle doit permettre de faire évoluer certains comportements et de promouvoir une autre composition du mix énergétique.

La fiscalité constitue un autre moyen encore ; pour être efficace, elle doit être accompagnée afin d’éviter certains de ses effets pervers. C’est un domaine où les marges sont grandes : disant cela, je pense à la fiscalité sur le gazole ou les agrocarburants, mais aussi aux dispositifs de soutien aux nouvelles filières, comme le photovoltaïque, domaine dans lequel nous avons malheureusement eu une politique bien trop erratique et insuffisamment réfléchie.

Au-delà de ces évolutions, le processus de la transition énergétique suppose de favoriser réellement une contribution plus importante des énergies renouvelables, notamment pour la production d’électricité. Cela signifie, en particulier, qu’il faut faire preuve de plus de volontarisme dans le développement des boucles énergétiques locales, que ce soit pour l’électricité, la chaleur ou le gaz. Il conviendra aussi de réfléchir aux compétences des collectivités locales, car elles pourront être en première ligne pour favoriser la mise en œuvre de solutions adaptées et intégrées.

Madame la ministre, mes chers collègues, le chantier de la transition énergétique est crucial. Il doit aboutir à un mix énergétique crédible et adapté aux ressources de notre pays. Il doit permettre à tous les acteurs concernés d’y participer, ce qui nous met dans l’obligation de créer les conditions les plus favorables à l’objectif d’indépendance énergétique, indispensable pour l’avenir de nos territoires et de nos concitoyens.

Avant de quitter cette tribune, permettez-moi de vous faire part d’un rêve, mes chers collègues : je rêve que notre pays, comme il a su le faire dans le domaine de la politique internationale, où existe un relatif consensus, parvienne en matière d’énergie à un consensus, quelles que soient nos appartenances et nos sensibilités politiques !

Enfin, madame la ministre, permettez-moi de vous dire que vous seriez bien avisée de procéder rapidement au renouvellement des concessions hydroélectriques…

M. François Fortassin. Actuellement, l’État, les conseils généraux et les communes concernées par ces implantations perdent de l’argent,…

M. Ladislas Poniatowski. Mais non ! On ne perd pas d’argent !

M. François Fortassin. … sans parler de la fragilité juridique, qui résulte de ce retard, car il ne faut pas attendre de ceux dont les concessions sont arrivées à terme depuis deux ou trois ans qu’ils effectuent les travaux indispensables à la sécurité de ces installations. (Mme Bernadette Bourzai approuve.) J’espère que mon intervention permettra d’accélérer la prise de décision, car nous ne comprenons pas l’atonie intellectuelle qui aboutit au non-renouvellement de ces concessions. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur la question énergétique, vous le savez, les écologistes ont toujours appelé à une réflexion globale et lucide, nourrie non d’idéologie mais de chiffres et impliquant la société tout entière.

Ils se réjouissent donc aujourd’hui – et je tiens à en remercier ici Mme la ministre de l’écologie – qu’un véritable débat soit enfin ouvert. Nous ne sommes donc plus en 1981, au moment où la proposition de débat portée par François Mitterrand s’était finalement conclue par un débat escamoté de quelques heures au Parlement – certains ici se le rappellent peut-être.

Le débat engagé aujourd’hui est donc sans précédent. Il est inédit par les ambitions fixées, comme par la diversité des acteurs associés, dont j’ai l’honneur de faire partie en tant que parlementaire – c’est dire, monsieur Chevènement, que les parlementaires sont associés au grand débat sur la transition énergétique. Je suis même le coordonateur du groupe de travail consacré à la gouvernance.

M. Gérard Longuet. Ce n’est guère rassurant !

M. Ronan Dantec. C’est un débat clé pour l’avenir de notre pays. Il doit associer toutes les forces de ce pays. Cette modernité démocratique n’exclura pas le travail parlementaire – nous le savons bien –, mais il serait absurde, au vu de l’importance de ce débat, de ne pas y associer toutes les forces vives de la nation.

La transition énergétique doit répondre principalement à trois enjeux.

Tout d’abord, un enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cet enjeu est majeur face à l’accélération rapide et extrêmement inquiétante des changements climatiques observés, accélération tellement rapide que même les « climato sceptiques » se sont tus ! C’est dire si la situation est grave !

Ensuite, la transition énergétique doit répondre à un enjeu social de lutte contre la précarité énergétique. La proposition de loi présentée par François Brottes, soutenue par mon groupe et examinée la semaine dernière par le Sénat, a déjà permis un certain nombre d’avancées.

M. Jean-Claude Lenoir. Elle n’est pas votée définitivement !

M. Ronan Dantec. Enfin, la transition énergétique doit répondre à un enjeu économique : la réduction de notre dépendance énergétique, alors que le déficit commercial pour 2012, bien qu’en baisse par rapport à 2011, s’élève à plus de 67 milliards d’euros. C’est globalement, vous le savez, notre facture énergétique.

C’est aussi un enjeu pour l’emploi. La transition énergétique doit être mise au cœur de la politique industrielle de la France en mobilisant les outils financiers, en fléchant prioritairement l’effort de recherche et de développement, en supprimant les obstacles administratifs au développement des filières d’avenir, à commencer par l’éolien. Nous nous y sommes attelés la semaine dernière, là aussi.

Observer nos voisins européens nous montre que le chemin existe. Le Danemark, où j’accompagnais avant-hier la ministre du commerce extérieur, Mme Nicole Bricq, s’est fixé un objectif de 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2050. L’Allemagne, pour sa part, a défini un objectif de 35 à 40 % pour 2020 et de 80 % pour 2050.

Le ministre allemand de l’environnement, Peter Altmaier, qui, sur votre initiative, madame la ministre, est venu s’exprimer devant le Conseil national du débat sur la transition énergétique voilà deux semaines, a insisté sur les facteurs qui ont constitué un environnement favorable au développement des énergies renouvelables : un cadre réglementaire stable, en rupture avec la politique absurde, dangereuse pour l’emploi de stop and go que nous avons connue en France sous le précédent gouvernement, la mise en place non seulement d’un calendrier, assorti d’objectifs et de sanctions en cas de non-respect, mais aussi d’outils de financement et d’une coopération européenne – c’est un point important.

Le respect de nos engagements européens est aujourd’hui en jeu. Comme l’a rappelé récemment le syndicat des énergies renouvelables, si rien ne change, la France ne respectera pas l’objectif fixé par le paquet énergie-climat de 23 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2020.

Le modèle allemand est d’autant plus éclairant que la sortie du nucléaire, dans laquelle le pays s’est engagé à la suite de l’accident de Fukushima, a généré un cercle vertueux.

L’Agence fédérale de l’environnement a annoncé, à la mi-janvier, que, malgré l’arrêt des dix-sept réacteurs nucléaires,…

M. Ladislas Poniatowski. Sept seulement sont arrêtés !

M. Ronan Dantec. … les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne ont diminué de 2,9 % en 2011 par rapport à 2010.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est loin d’être démontré !

M. Ronan Dantec. Avec 917 millions de tonnes, les émissions de l’année 2011 ont été inférieures de 26,5 % au niveau de 1990…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est nouveau, cela !

M. Ronan Dantec. … dépassant largement, cette année-là, l’objectif fixé par le protocole de Kyoto pour l’Allemagne, soit moins 21 %.

M. le président. Laissez l’orateur s’exprimer !

M. Ladislas Poniatowski. Mais il dit n’importe quoi, monsieur le président !

M. Ronan Dantec. Je sais que les chiffres vous gênent ! Ce sont eux qui vous gênent, plus que les discours !

Cette donnée vient conforter plusieurs scenarii défendus en France, notamment celui qui a été réalisé par l’association négaWatt, démontrant qu’il est possible pour un pays de sortir du nucléaire tout en remplissant ses objectifs climatiques.

M. Jean-Claude Lenoir. On en attend la démonstration !

M. Ronan Dantec. La coopération avec l’Allemagne en matière de politique énergétique doit donc être renforcée. Nous nous félicitons de l’annonce de la création de l’office franco-allemand des énergies renouvelables, qui préfigurera, je l’espère, la future Communauté européenne de l’énergie, dont le Président de la République avait tracé la perspective lors de la Conférence environnementale.

La transition énergétique est une dynamique globale en marche en Europe. Il serait fort dommage que la France rate le train !

Parce que le Sénat représente les collectivités territoriales, je veux évoquer ici, très rapidement, la nécessité absolue de décliner la transition énergétique au niveau local. Il n’y aura pas de transition énergétique sans décentralisation. Et le débat en cours devra renforcer les compétences des collectivités territoriales pour faire d’elles, de la région au bloc communal, les autorités organisatrices de la transition énergétique, comme elles le sont déjà pour la mobilité et le transport.

C’est une cohérence d’action globale que nous défendons pour les collectivités : mobilité, habitat, urbanisme et aménagement du territoire, lutte contre l’étalement urbain, prescriptions en matière de construction, chauffage urbain, gestion des déchets, éclairage public… C’est cette approche globale qui nous permettra d’atteindre les objectifs qui sont devant nous.

Le renforcement des compétences locales en la matière fait l’unanimité parmi les réseaux de collectivités locales, des régions aux départements, en passant par les communes. Cela devra néanmoins se faire en maintenant, en accroissant même l’égalité et la solidarité territoriale, qui doivent rester des objectifs prioritaires.

Je n’ai pas le temps d’évoquer les propositions qui se dessinent, mais nous aurons la possibilité d’y revenir au cours du débat.

En conclusion, je voudrais juste rappeler un point, qui sera peut-être un bémol par rapport à ce que j’ai entendu précédemment : à service constant, c’est-à-dire en intégrant même la part du chauffage électrique, dont la généralisation fut une folie française, un ménage français dépense plus que la moyenne européenne dans sa facture électrique, alors que, comme l’a dit Jean-Pierre Chevènement, le kilowatt heure français est déjà vendu en dessous de son prix réel. La Commission de régulation de l’énergie comme le rapport sénatorial que vous avez cité l’ont souligné.

À service constant, la société française dépense donc plus pour son électricité que la moyenne européenne. C’est un appauvrissement français !

M. Alain Richard. Erreur de raisonnement !

M. Ronan Dantec. L’électricité française bon marché est un leurre pour discours de tribune, bien loin de la réalité des chiffres !

Il est donc temps de tourner la page, de revenir à la rationalité, d’en finir avec ce qui a été un affaiblissement de notre société !

M. Daniel Raoul. Restons-en là !

M. Ronan Dantec. Et pourtant, nous continuons !

M. Jean-Claude Lenoir. Hélas ! vous continuez…

M. Ronan Dantec. Que d’entêtement idéologique dans la défense de l’EPR ! L’EPR, qui fournit aujourd’hui le kilowattheure le plus cher de l’histoire industrielle mondiale ! Et nous continuons quand même !

M. Jean-Claude Lenoir. Pour l’instant, il ne produit pas !

M. Ronan Dantec. Pourtant, Henri Proglio, que nous auditionné,…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Ronan Dantec. … dit lui-même que la convergence des coûts de production enlève aujourd’hui au nucléaire son avantage commercial.

En conclusion, je me permettrai de faire presque du Jean-Pierre Chevènement dans le texte. (Sourires.)

M. Ladislas Poniatowski. Cela m’étonnerait ! (Nouveaux sourires.)

M. Ronan Dantec. Engager résolument la transition énergétique, c’est croire en l’avenir de la France en clôturant une aventure du tout-nucléaire qui fut un déclin français.

Moi aussi, monsieur Chevènement, j’ai confiance dans la lucidité française. Le débat sur la transition énergétique en est la preuve. La France en sortira plus forte ! (M. Jean Desessard et Mme Laurence Rossignol applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent débat a pour toile de fond l’objectif européen des « trois fois vingt », visant à réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et notre consommation énergétique, tout en portant à 20 % la part des énergies renouvelables dans notre consommation finale d’énergie.

Ce cap ambitieux que la France s’est donné, d’abord avec le Grenelle, puis, aujourd’hui, dans le cadre de la Conférence environnementale et de la transition énergétique, est – je le pense sincèrement – vertueux.

Il est toutefois actuellement contrarié par un climat que je qualifierai d’anxiogène, sur fond de dépression économique. Il faut bien le reconnaître, madame la ministre, ce climat est peu propice aux investissements structurants qui seront pourtant les moteurs de ce que j’appellerai la « nouvelle économie de l’énergie ».

C’est une raison de plus pour ne pas changer de trajectoire, mais pour poser librement, objectivement, sans dogme ni tabou, la problématique de cette nouvelle économie de l’énergie.

Cela veut dire, madame la ministre, que nous ne pourrons basculer brutalement de l’ancienne à la nouvelle économie. Cela prend du temps. C’est la raison pour laquelle toute forme de production énergétique doit être intégrée à notre réflexion en faveur de l’accroissement de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français. Cela devra aussi être compatible avec une approche économique acceptable pour le consommateur-contribuable, qu’il soit particulier ou professionnel, et – c’est important – où qu’il se trouve sur le territoire national.

À quand, madame la ministre, les mesures qui s’imposent pour que la France, riche d’une ressource forestière de 16 millions d’hectares, soit 50 % de plus que notre voisin et partenaire allemand, cesse d’avoir un chiffre d’affaires deux fois inférieur à celle-ci ? Comment envisagez-vous de stimuler la valorisation de la filière bois, par exemple ?

Il faut, madame la ministre, aborder le sujet avec une approche sereine, objective et pragmatique, en jouant la transparence sur tous les coûts réels de toutes les énergies, que ceux-ci soient visibles ou cachés. C’est cela aussi la « nouvelle économie de l’énergie ».

La première économie d’énergie, vous le savez, c’est celle qu’on ne dépense pas. Elle a un nom, elle ne se voit pas, elle est notre amie, c’est l’efficacité énergétique.

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Jean-François Husson. Cela commence par notre rapport à l’énergie au quotidien : la seule prise de conscience, mise en œuvre par tout un chacun dans la gestion de l’énergie, représente une économie de près de 10 % ! Sans rien changer à nos équipements, grâce à notre comportement, cette économie est à la portée de chacun de nous.

Cette performance énergétique peut et doit encore être renforcée par les changements qu’il nous faut être capables d’opérer dans nos rapports au travail – télétravail, par exemple –, aux mobilités – covoiturage, offre de transports publics… – et dans les opérations de conception, de rénovation et de gestion intelligente des bâtiments.

Il faudra à cet égard, madame la ministre, que la France fasse aussi un effort audacieux de recherche et développement, dans le domaine public comme dans le domaine privé. Il n’est pas question de rater ce virage et de faire financer par le contribuable une part du déficit commercial de la France. Ce fut malheureusement le cas au début du photovoltaïque et de l’éolien : à ce moment-là, nous avons essentiellement été importateurs de solutions et de technologies étrangères.

Il est important, par ailleurs, pour s’engager sur la voie du succès, d’inscrire nos démarches dans une véritable logique fixant cadre et cohérence d’action. Sur ce point, comment expliquer qu’on nous propose de voter une loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre avant même d’avoir participé au débat et d’en connaître ses conclusions ? Convenez que c’est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette ! De même, ne pensez-vous pas qu’il convient d’offrir à tous nos territoires la faculté de se doter de plans climat-énergie ? Quand un tiers seulement des collectivités concernées ont, à ce jour, réalisé le bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, pourtant exigible pour la fin de l’année 2012, que peut-on espérer ?

En France, j’attends beaucoup, madame la ministre, de la troisième phase des certificats d’économie d’énergie, dispositif que nous expérimentons avec succès sur un territoire lorrain, la communauté urbaine du Grand Nancy, et que je vous invite à découvrir, si vous êtes disponible pour ce faire.

Mme Delphine Batho, ministre. Avec le plus grand plaisir !

M. Jean-François Husson. Ce dispositif a en effet besoin d’être reconduit et amélioré. Je précise qu’il ne coûte pas un centime d’euro au contribuable !

J’attends donc, madame la ministre, que l’entrée de la France dans cette « nouvelle économie de l’énergie » soit rendue possible, car je la pense souhaitable non seulement pour notre environnement, mais aussi pour l’attractivité de notre territoire et, plus encore, pour la vitalité de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

(Mme Bariza Khiari remplace M. Didier Guillaume au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la transition énergétique est au carrefour de nombreuses politiques publiques de notre pays. Les politiques environnementales, industrielles, d’aménagement du territoire, parfois même la diplomatie, sont déterminées par les réponses que le responsable politique apportera à la question de la transition énergétique.

Par conséquent, dans le débat que nous allons engager, nous devons intervenir de manière dépassionnée et pragmatique.

M. Ronan Dantec. On est d’accord !

M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est que de cette façon que nous parviendrons à relever l’immense défi se trouvant devant nous. En effet, dans ce domaine, si complexe et technique, nous faisons face, malheureusement, à de nombreuses incertitudes, concernant l’épuisement des ressources en énergies fossiles, l’impact de cet épuisement sur le marché de l’énergie, les gains de productivité dans le secteur des « nouvelles énergies » ou « énergies renouvelables ».

Dans ces conditions, et parce qu’aucune politique raisonnable ne saurait reposer sur un ensemble de spéculations, nous devons articuler notre réflexion en deux étapes.

En premier lieu, il nous faut nous entendre sur notre connaissance des véritables enjeux énergétiques à venir pour la France et le monde. J’entends par là que nous devons – je l’espère, au-delà de nos clivages partisans – savoir évaluer le défi auquel nous devons faire face, celui du niveau de la consommation énergétique primaire à l’horizon 2050.

En second lieu, puisque l’endiguement de notre consommation d’énergie primaire conduira inexorablement à une augmentation de notre consommation électrique, il nous faudra repenser la composition du mix énergétique, afin de restreindre le recours aux sources de production émettrices de CO2 utilisant des combustibles fossiles et de limiter notre dépendance énergétique, tout cela en résolvant les problématiques des pics de consommation et des hausses structurelles des prix de l’électricité.

J’aborderai tout d’abord la question des évolutions de la consommation d’énergie primaire et de leur influence sur la production électrique.

Comme le montrent toutes les études, qu’elles proviennent du Centre d’analyse stratégique, de la Direction générale de l’énergie et des matières premières ou d’organisations internationales, nous savons que, d’ici à 2050, la demande mondiale d’énergie primaire devrait augmenter de 50 % à 60 %. Cette demande sera principalement satisfaite grâce à des combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et, surtout, le gaz. Cette hausse de la demande et de la consommation aura, comme vous pouvez l’imaginer, des conséquences dramatiques en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

La France n’échappera pas à cette hausse structurelle de la demande en énergie primaire. Comme le montrent les bilans énergétiques du Commissariat général au développement durable, la consommation d’énergie primaire ne cesse d’augmenter en France, et ce malgré la crise économique.

En tout état de cause, aucune étude ne nous permet aujourd’hui d’espérer une baisse de notre consommation énergétique primaire, en dépit de la prise en compte des nombreuses économies d’énergie que nous pouvons réaliser.

Deux hypothèses s’offrent alors à nous.

Première hypothèse, nous laissons se poursuivre cette hausse, en acceptant que nos émissions de gaz à effet de serre augmentent, que notre dépendance énergétique s’accentue, que notre balance commerciale et, plus globalement, la compétitivité de notre économie s’effondrent, tout cela au mépris des engagements internationaux que prend la France en la matière.

Seconde hypothèse, nous utilisons tous les leviers à notre disposition pour réduire la part des combustibles fossiles dans notre consommation énergétique. C’est là, je le crois, le futur pilier de toute politique publique énergétique responsable. Pour l’heure, cette part reste extrêmement forte, puisqu’elle est de 65 % à 70 %.

Pour remédier à cet état de dépendance, des économies d’énergie pourront – devront – être directement réalisées sur la consommation de combustibles fossiles par une meilleure isolation des logements…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. … ou une valorisation des transports collectifs. Malheureusement, toutes ces perspectives favorables sont pondérées par le vieillissement de la population et la multiplication des cellules monoparentales, pour ce qui concerne l’habitat,…

M. Ladislas Poniatowski. … et par l’alourdissement des voitures pour des raisons de sécurité et de réduction des nuisances sonores, pour ce qui est du transport.

En d’autres termes, si nous devons mener une politique proactive pour réduire à la source notre consommation de combustibles fossiles, nous avons aussi le devoir de favoriser le basculement d’une grande part de la consommation d’énergie vers l’électricité.

Ce basculement sera bien sûr possible dans le secteur des transports avec le développement des véhicules hybrides ou, à plus long terme, strictement électriques. L’amélioration du rendement des moteurs thermiques, lorsqu’ils sont associés à la motorisation électrique des véhicules hybrides biénergie, sera ainsi un levier déterminant pour la transition énergétique. De même, les progrès que nous pouvons espérer en matière de batteries au lithium pour les véhicules fonctionnant exclusivement à l’électricité permettront, combinés avec le développement de transports collectifs électriques par la route et le rail, de réduire notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles.

De la même manière, le retrait des combustibles fossiles pour le chauffage des logements doit être accéléré. Pour ce faire, les solutions seront multiples : cogénération, bois, solaire thermique, pompes à chaleur… Madame la ministre, vous les avez d’ailleurs évoquées avant-hier en présentant des mesures en faveur de la réalisation d’économies d’énergie en matière d’habitat.

Pour en finir avec cette évocation d’une politique renouvelée de basculement de notre consommation des combustibles fossiles vers des combustibles renouvelables et l’électricité, j’indiquerai que nous avons sans doute ici de véritables marges de manœuvre. Leur mobilisation aura cependant un coût fiscal qu’il faudra assumer, pour pouvoir financer des dispositifs incitatifs : niches, crédits d’impôt, subventions… De plus, l’État devra prendre ses responsabilités en accompagnant et en protégeant les technologies de pointe qui permettront ce saut qualitatif.

En définitive, le premier enjeu de la transition énergétique est, et restera dans l’avenir, la limitation de notre consommation de combustibles fossiles.

C’est une fois cette tâche accomplie que nous pourrons arrêter des choix quant aux sources de notre production électrique. En effet, vous l’avez sans doute tous compris, en limitant le recours aux combustibles fossiles, nous engendrerons mécaniquement une hausse très significative de notre consommation électrique, en dépit de toutes les mesures prises visant à favoriser les économies d’énergie.

Certains experts, pour légitimer le discours selon lequel le nucléaire serait inutile, tentent de nous faire croire que la demande en électricité baissera de 200 térawattheures d’ici à 2050. Sur quels éléments se fondent-ils pour affirmer cela ? Mystère !

Or, si nous nous référons au niveau de notre consommation actuelle, qui stagne alors que nous sommes en pleine crise économique, ou au basculement mécanique des combustibles fossiles vers l’électricité, que nous devons favoriser, comme je viens de l’expliquer, nous constatons que notre demande d’électricité ne pourra pas diminuer à l’horizon 2050.

Certains experts nous prédisent une demande d’électricité flirtant avec les 900 térawattheures annuels, même en se fondant sur des hypothèses de croissance faible, en tablant sur le respect d’une partie des objectifs du Grenelle de l’environnement et en omettant de prendre en compte le report de la consommation de combustibles fossiles sur la demande d’électricité.

En d’autres termes, et je le dis sans aucune intention polémique, rien ne nous permet d’espérer une diminution de notre consommation d’électricité, et ce malgré toutes les mesures d’économie d’énergie que nous pourrons adopter.

Il existe bien sûr des économies possibles à court et à moyen termes. Je prendrai l’exemple de l’isolation, que vous avez évoqué avant-hier, madame la ministre. Sachez que le chauffage domestique représente environ la moitié de la consommation électrique de nos concitoyens. Il existe donc des marges de manœuvre dans ce domaine.

Toutefois, dans l’état actuel de nos connaissances sur l’évolution des cours des matières premières à trente ans et sur les avancées techniques escomptables à l’horizon 2030, il nous est impossible de quantifier notre future consommation électrique à 100 térawattheures près ; nous sommes en plein brouillard pour ce qui est de l’évaluation de notre consommation d’électricité à l’horizon 2050.

Dire cela ne constitue en rien un aveu d’impuissance ; c’est, je le crois, une information à très forte valeur ajoutée, et nous devrions, quel que soit l’enracinement politique et idéologique de nos formations respectives, garder ce constat bien en tête.

Madame la ministre, parce que l’avenir énergétique de la France et du monde est plus qu’incertain, nous nous opposons à toute décision susceptible de compromettre le champ des possibles qui s’offrira aux futurs responsables publics en matière d’approvisionnement énergétique. Concrètement, nous ne pouvons cautionner la volonté du Président de la République de faire passer la part du nucléaire dans le mix électrique de 75 % à 50 % d’ici à 2025.