M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de coordination avec la suppression du bonus-malus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement, comme le précédent, a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Je voudrais tout d’abord saluer le côté beau joueur de nos collègues de l’UMP, qui ont eu l’élégance de voter l’amendement n° A-1.

M. Marc Daunis. C’est vrai !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Certains articles ont été adoptés, d’autres ont été rejetés, et nous avons même procédé à une seconde délibération : je souhaiterais donc, avant que n’intervienne le vote final, faire le point sur l’état du texte, afin d’écarter toute ambiguïté.

Les articles 1er, 1er bis, 1er ter et 1er quater ont été supprimés, ce qui signifie que le vote du Sénat ne portera pas sur le dispositif du bonus-malus qui, quoi qu’il arrive, ne figurera pas dans le texte qu’adoptera sans doute tout à l’heure le Sénat ; il portera, pour l’essentiel, sur le titre II, ainsi que sur les articles relatifs aux objectifs de la politique énergétique et l’article 2.

Nous avons adopté un certain nombre d’amendements, provenant d’ailleurs de toutes les travées de notre assemblée, tendant à l’inscription de la péréquation parmi les principes de la politique énergétique, à l’amélioration de l’article 2 et des rapports qu’il prévoit, à la sécurisation juridique du mode de nomination des membres du collège de la CRE, à la suite de la décision de décembre 2012 du Conseil constitutionnel, à la meilleure prise en compte des distributeurs dans le mécanisme de valorisation de l’effacement de consommation électrique, à la rationalisation du raccordement pour le transport d’électricité d’origine renouvelable, au rallongement des délais de mise en œuvre de l’expérimentation sur la tarification de l’eau, à la fixation d’une règle de compromis s’agissant des dispositions relatives à l’implantation de parcs éoliens – le nombre de mâts ne devra pas être inférieur à trois ou la puissance devra atteindre 6 mégawatts au minimum –, règle assortie de la possibilité d’étendre les parcs existants.

Bien que nous ayons déjà voté ces améliorations, elles ne pourront être reprises par l’Assemblée nationale que si nous adoptons l’ensemble du texte tel que je viens de le décrire. Je sais que tout le monde ne partage pas cette analyse de la « jurisprudence » de la nouvelle lecture, mais je souhaite insister sur le fait que nous avons opté pour une démarche de prudence. Je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte ainsi rédigé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite d’avoir pu participer à ce débat, le sénateur de la dernière cuvée que je suis ayant été frustré de n’avoir pu s’exprimer lors de la première lecture !

Dans le Lot, comme dans beaucoup de départements ruraux, nous avons peur de perdre des sous-préfectures. J’ai dit, sous forme de boutade, aux sous-préfets de mon département que le meilleur moyen de défendre les sous-préfectures, c’est de les faire travailler ! Il en va de même pour le Sénat, qui doit marquer son empreinte face à l’Assemblée nationale en produisant des propositions de loi.

Sur le fond du présent texte, il est clair, madame la ministre, que le bonus-malus ne séduit pas les foules. Il s’agit d’une idée généreuse, mais sa mise en œuvre serait très compliquée : l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions ! En tant que président de la fédération départementale d’énergies du Lot, je vois mal comment on pourrait appliquer et expliquer à nos concitoyens un tel dispositif, dont je comprends le principe mais qui repose sur un mode de calcul extrêmement complexe.

Je ne sais pas si le nom de M. Brottes restera attaché à la loi, car on s’aperçoit que, curieusement, les textes peu satisfaisants perdent souvent leur appellation originelle… Nous verrons bien ce que feront les députés de cette proposition de loi.

Je tiens néanmoins à relever deux points positifs.

Il s’agit, tout d’abord, de l’extension des tarifs sociaux de l’électricité. Cependant, il est un peu inquiétant que cette mesure soit adossée à la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, ce qui entraînera une augmentation de 0,7 % des tarifs de l’électricité. Certes, cela reste relativement modeste, mais les ressources destinées aux investissements dans les réseaux et les énergies renouvelables, notamment, s’en trouveront amoindries, dans la mesure où l’augmentation annuelle des tarifs est globalement limitée à 2 % ou à 3 %.

Le second point positif tient à l’expérimentation de la tarification progressive de l’eau. Cette mesure est une bonne chose, sachant qu’il reviendra aux collectivités territoriales de décider une modulation en tant que de besoin, selon les circonstances locales.

Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, dont le rôle de modérateur n’était guère confortable. Amené à défendre des positions qui n’étaient pas forcément les siennes, il était en quelque sorte assis sur une chaise électrique ! (Sourires.)

Le groupe du RDSE, à majorité radicale de gauche, votera à la quasi-unanimité cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de l’examen de la proposition de loi Brottes, le groupe UDI-UC se réjouit que le Sénat ait montré une fois de plus qu’il n’acceptait pas les injonctions et refusé de se dessaisir de son rôle de législateur.

En définitive, beaucoup de points de consensus ont pu être trouvés sur ce texte qui a profondément évolué. Lors de la discussion générale, le calendrier quelque peu rocambolesque retenu pour l’examen de cette proposition de loi a été beaucoup critiqué. Nous n’avons pas très bien compris pourquoi il avait été décidé de recourir à la procédure accélérée, pourquoi la mise en œuvre de la tarification progressive a été reportée, pourquoi ce texte nous était soumis alors qu’était lancé simultanément un grand débat sur la transition énergétique. Bref, quelles sont les motifs d’une telle désorganisation ?

Au final, les articles 1er à 1er quater ont été supprimés, ce qui nous convient tout à fait dans la mesure où le dispositif de bonus-malus était injuste. Son application aurait même été facteur de précarité énergétique : Valérie Létard est souvent montée au créneau sur ce thème. Par ailleurs, il n'arrivait pas du tout au bon moment, car il faut d’abord accompagner les ménages, surtout ceux en situation de précarité ; c’est d’ailleurs une des recommandations du Conseil économique, social et environnemental. Enfin, ce dispositif était très complexe, comme toutes ces mesures qui, au moyen d’un outil unique, visent deux objectifs différents, en l’occurrence un objectif écologique et un objectif social.

Par conséquent, nous nous réjouissons qu’une large majorité se soit dégagée au Sénat pour supprimer les articles relatifs au bonus-malus.

Les autres dispositions de la proposition de loi nous conviennent tout à fait, en particulier l’extension du champ des bénéficiaires du tarif de première nécessité pour l’électricité et celui de la « trêve hivernale » à l’ensemble des ménages, la valorisation des effacements de consommation électrique.

Plusieurs amendements du groupe UDI-UC améliorant le texte ont été adoptés. À cet égard, nous saluons le travail du président-rapporteur, Daniel Raoul, qui a toujours recherché le consensus.

S’agissant de l’éolien, le groupe UDI-UC se félicite que le Sénat ait adopté une position médiane…

M. Jean-Jacques Mirassou. Trois, ce n’est pas la moitié de cinq ! (Sourires.)

Mme Chantal Jouanno. … sur la question du nombre minimal de mâts devant être installés sur un site donné. Personnellement, ce n'est toutefois pas nécessairement l’option que j'aurais retenue : j’aurais préféré que l’on n’impose aucun seuil !

En conclusion, cette proposition de loi ayant été vidée des éléments qui nous apparaissaient négatifs, la quasi-totalité des sénateurs du groupe UDI-UC s'abstiendront. À titre personnel, bien que la règle des trois mâts ne me convienne guère, je voterai en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, parce que je considère qu'il faut absolument assouplir les règles relatives à l'éolien.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme l'a fort bien expliqué hier mon collègue Ronan Dantec, le groupe écologiste salue la discussion de cette proposition de loi comme une première étape dans la mise en place du dispositif législatif complet qui accompagnera la mise en œuvre de la transition énergétique.

Cette proposition de loi vise à traiter un certain nombre d’urgences, notamment sociales : je pense en particulier à la nécessité de protéger les 8 millions de personnes qui vivent en situation de précarité énergétique.

Elle permettra également plusieurs avancées majeures sur la voie de la transition énergétique, notamment en définissant enfin un régime pérenne pour l’effacement diffus, d’une importance centrale pour les économies d’énergie et l’équilibre du système électrique.

Nous regrettons toutefois la suppression des premiers articles du texte, portant sur le mécanisme du bonus-malus, car ce dispositif présente un caractère incitatif en matière d’économies d’énergie.

Nous nous félicitons de l’adoption de mesures positives concernant l’éolien, mais nous déplorons vivement la modification de l’article 15 visant à revenir sur la suppression de la règle des cinq mâts, mesure que nous avions saluée comme une grande avancée pour cette filière industrielle d’avenir.

Nous espérons fortement que ces thèmes seront abordés à brève échéance, dans le cadre du grand débat sur la transition énergétique, étant conscients que l’examen de la présente proposition de loi s’inscrit dans une démarche plus globale qui aboutira l’automne prochain.

En tant qu'écologistes souhaitant la mise en place d’une nouvelle politique industrielle visant à assurer la transition énergétique, nous sommes favorables à ce que soit facilité le développement de la filière éolienne, en particulier par la suppression d’un certain nombre de contraintes pesant encore sur elle.

Ce matin, le débat a notamment porté sur la suppression des zones de développement éolien, mesure présentée par certains comme antidémocratique et attentatoire aux prérogatives des collectivités locales. J'observe que nos collègues de l'opposition, qui se font aujourd’hui les défenseurs du droit des collectivités à refuser l’implantation d’éoliennes, ne manifestaient pas le même souci de voir respecter l’échelon de décision local lorsqu’il s’agissait de construire à toute force des centrales nucléaires… À l'époque, on invoquait la nécessité d’assurer l'indépendance énergétique nationale. Le développement de l'énergie éolienne répond à cette préoccupation, dans une perspective de durabilité. Cette filière industrielle est aujourd'hui menacée : si nous ne faisons rien, ce sont 11 000 emplois qui risquent de disparaître. Il faut huit ans dans notre pays pour mener à son terme une procédure de création d’un parc éolien, contre quatre ans en moyenne en Europe. Il est urgent de prendre des mesures : l’intérêt national doit prévaloir sur les intérêts locaux. En tant qu'écologiste conscient de la nécessité d’opérer rapidement la transition énergétique, j’estime qu’il faut favoriser au maximum le développement des énergies renouvelables.

Le groupe écologiste se félicite que le Sénat ait pu cette fois prendre toute sa part dans ce riche débat. En dépit des regrets que j’ai exposés, nous mesurons les aspects positifs de cette proposition de loi, que nous voterons unanimement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.

Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, voilà quelques mois, vous regrettiez que l’adoption d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité mette prématurément fin au débat dans notre assemblée. Cette fois, le débat est allé jusqu’à son terme et le Sénat, dans sa diversité, est appelé à voter un texte profondément modifié.

Les sénateurs de l’ensemble des groupes ont développé des arguments pour expliquer les déficiences du dispositif du bonus-malus. En particulier, l’effet rebond du bonus a été unanimement critiqué. De manière générale, ce dispositif est complexe, injuste, contre-productif au regard des objectifs sociaux et écologiques affichés. Il nie la réalité vécue par un grand nombre de nos concitoyens, parmi lesquels les locataires, en position défavorable dans leur rapport de force avec les propriétaires et dont la consommation réelle ne pourra être estimée dans le cadre d’un chauffage collectif.

De plus, tous les usagers ne sont pas à égalité pour appréhender un dispositif aussi complexe. Avant de sanctionner, il est nécessaire d’informer, de former, d’accompagner l’ensemble des ménages et de leur proposer de véritables outils en matière de rénovation thermique.

Enfin, ce dispositif porte en lui les prémices d’une déconstruction de notre modèle énergétique et sa promotion donne à supposer qu’un système totalement décentralisé serait plus performant.

Nous sommes évidemment très satisfaits de l’élargissement du champ des bénéficiaires des tarifs sociaux et de l’extension à l’ensemble des consommateurs de la trêve hivernale. Ces mesures urgentes étaient très attendues ; nous les avons enfin adoptées.

S’agissant de l’effacement de consommation électrique, nous regrettons de ne pas avoir été compris et suivis ; nos amendements étaient pourtant « eurocompatibles ». En effet, l’effacement s’inscrit dans un processus global de maîtrise de la demande énergétique. C’est pour cette raison qu’il doit être placé sous maîtrise publique et, surtout, qu’il ne doit pas permettre un mouvement spéculatif qui ne profiterait qu’à très peu d’entreprises et serait, à terme, préjudiciable à tous : collectivités locales, particuliers, entreprises. Une maîtrise publique est nécessaire pour que l’État puisse être le garant de la sécurité, de la stabilité des réseaux et de l’indépendance énergétique de la France. Nous porterons cette exigence lors du grand débat sur la transition énergétique, ainsi qu’à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi sur l’énergie que vous nous avez annoncé, madame la ministre.

Enfin, un développement de l’éolien serein, transparent et pertinent nécessite la remise à plat de l’ensemble des outils juridiques. Il ne pourra se faire sans être accepté et compris par nos concitoyens, ainsi que par les élus locaux.

Le Sénat a amélioré les dispositions retenues par l’Assemblée nationale en mettant en avant la nécessité de réfléchir en termes de puissance, et non pas seulement de nombre de mâts. Il a également souligné le besoin de renouer un débat territorial menacé par la suppression des ZDE.

Je conclurai en félicitant notre rapporteur, qui a su nous conduire à un consensus. En dépit des réserves que nous avons exprimées, nous voterons ce texte, rééquilibré grâce à nos débats, pour donner une voix forte au Sénat. Elle sera, je l’espère, entendue par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte va sortir considérablement modifié de nos travaux. Pour autant – mais je ne vais pas répéter ce que j’ai déjà dit au cours de la discussion générale –, je n’ai pas changé d’avis : seul l’article 3 relatif à l’extension des tarifs sociaux avait un caractère véritablement urgent, compte tenu de la situation économique et sociale de notre pays et de l’accroissement du chômage. Cette disposition a un tel caractère d’urgence que, si la présente proposition de loi n’avait pas été soumise à notre examen – cette hypothèse fut un moment envisagée –, nous étions prêts, mes chers collègues du groupe CRC, à voter votre petite proposition de loi courte de trois articles qui contenait cette mesure.

M. Marc Daunis. Eh bien !

Mme Mireille Schurch. C’est le monde à l’envers !

M. Ladislas Poniatowski. Cela étant, le Sénat a décidé de supprimer l'article 1er. Nous contestions ce dispositif instaurant un bonus-malus et nous le contestons toujours. Si je le précise, c’est parce que nous savons parfaitement – ne soyons pas hypocrites ! – que l’Assemblée nationale rétablira cet article, qui est inconstitutionnel à nos yeux, notamment parce qu’il remet en cause la péréquation territoriale. C’est la raison pour laquelle, je vous l’annonce dès à présent, nous saisirons le Conseil constitutionnel.

Le Sénat a également amélioré les dispositions relatives à l'éolien. J’en profite au passage pour vous féliciter, monsieur le rapporteur, du sérieux de votre travail et du ton très correct que, vous, vous avez adopté tout au long de ce débat. Je n'en dirai pas plus… Nous avons pleinement soutenu votre amendement instaurant la règle des trois mâts, mais je crains fort que le texte qui sera soumis à la commission mixte paritaire après son passage à l’Assemblée nationale soit celui de la proposition de loi initiale de notre collègue député François Brottes. Madame la ministre, en vous prononçant contre cet amendement, vous avez annoncé en quelque sorte la couleur…

Autrement dit, mes chers collègues, les sept députés et sept sénateurs qui composent la CMP auront à discuter non pas du texte issu des travaux du Sénat, mais d’une proposition de loi qui comprendra de nouveau son article 1er. Je crois qu’alors le vote ne sera pas le même dans tous les rangs de toutes les familles politiques. J’ajoute que la proposition de loi comprendra aussi un article 15 dans une rédaction malheureusement différente de celle du Sénat.

Même si nous considérons, pour des raisons qui ne plaisent pas à tous, que le texte auquel nous avons abouti est meilleur, le groupe UMP y reste hostile. Nous voterons donc contre et nous défendrons cette position lors de la CMP, qui promet d’être compliquée à gérer dans tous les groupes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un débat qui fut intéressant, riche, passionné parfois, et émaillé par les citations littéraires de notre collègue Lenoir, qui n’a pas hésité à faire appel à Edmond Rostand ou à Franz Kafka. Voilà quelques instants, Ladislas Poniatowski, lui, aurait pu évoquer Stendhal, avec les rouges et le noir. (Sourires.)

Je veux sans attendre remercier notre rapporteur pour avis, Michel Teston, fidèle à son sérieux habituel, et notre rapporteur, Daniel Raoul, qui a fait la démonstration non seulement de sa culture scientifique, mais aussi de ses aptitudes et de sa finesse politiques. Je n’aurais garde d’oublier Roland Courteau, qui avait antérieurement fait la preuve de son talent de parlementaire mais qui n’a pu être des nôtres aujourd'hui pour des raisons personnelles. Il le regrette, et nous aussi.

Je tiens également à vous remercier, madame la ministre, de la qualité de vos réponses, aussi précises qu’argumentées. Vous avez démontré vos compétences pédagogiques ainsi que votre détermination politique à dire ce qui était vrai.

Cette proposition de loi, faut-il le rappeler, a une double origine.

Tout d’abord, elle vise à répondre à une urgence sociale : lutter contre la précarité énergétique, qui touche un nombre considérable de personnes. François Hollande avait pris des engagements sur ce sujet lors la campagne pour l’élection présidentielle, et les Français les ont fort majoritairement approuvés.

Ensuite, elle tend à inscrire l’action publique dans la perspective de la transition énergétique, que nous appelons tous de nos vœux.

C’est pour répondre à cette double nécessité que le groupe socialiste a travaillé, dans le cadre de choix éminemment politiques, au sens le plus littéral du terme, à savoir la gestion de la cité. Nous n’avons malheureusement pas été assez nombreux à partager cette ambition : avec l’adoption des amendements de suppression de l’article 1er, le débat a été tronqué, ce qui nous laisse un fort goût d’inachevé.

Comme je l’appréhendais dès la discussion générale, nous n’avons pas eu la possibilité d’examiner l’article 1er, ni a fortiori de le voter.

Paradoxalement, alors même que l’article 1er avait été supprimé, il a continué à être évoqué, y compris par les principaux artisans de sa sanction. J’en déduis que, là comme ailleurs, ou peut-être même plus qu’ailleurs, il y avait matière à discussion, d’autant que personne dans cet hémicycle, même pas les membres du groupe socialiste, n’était assujetti à l’obligation d’émettre un vote précis sur cet article. J’en veux pour preuve le fait que nous n’avons pas ménagé nos efforts pour proposer notre propre rédaction.

Je le répète, je ne peux que regretter l’absence de discussion sur cet article. L’intelligence collective de cet hémicycle nous aurait peut-être permis d’aboutir à un texte sensiblement différent de celui qui a été retenu par l’Assemblée nationale, à un texte susceptible d’emporter les suffrages de la majorité des membres de notre assemblée. Mais peut-être existait-il, je ne veux pas l’affirmer avec certitude, la volonté prédéterminée de sanctionner l’article 1er, certes, mais également, d’une certaine façon, le Sénat et le travail parlementaire.

Il s’agit donc d’un acte manqué qui marque une approche fortement réductrice de la nature même du débat.

Nous avions pourtant une double opportunité : traiter l’urgence sociale, en fixant des tarifs sociaux et une trêve hivernale ; nous engager résolument sur la voie de la transition énergétique. Les personnes vulnérables auraient pu envisager la perspective, à court terme, d’un confort de vie accru, d’un meilleur accès à l’énergie grâce à l’allégement de leur facture énergétique. N’oublions pas non plus, d’ailleurs je vous en remercie, madame la ministre, la perspective de la mise en place d’un service public de la rénovation thermique, qui aurait pu nous permettre d’orchestrer de façon intelligente l’ensemble du dispositif.

Cette proposition de loi, premier pas vers la transition énergétique, vise aussi à contribuer à la relance du secteur du bâtiment, qui en a bien besoin, et à permettre l’éclosion de nouvelles filières. Nous aurions pu, par exemple, assurer la continuité de la filière éolienne, voire provoquer un rebond de ce secteur d’activité qui est actuellement en panne.

Notre discussion n’a donc pas pu porter tous ses fruits, même si, par ailleurs, nous nous réjouissons, pour employer une terminologie médicale, que le traitement symptomatique des tarifs sociaux et de la trêve hivernale ait pu être abordé d’une manière précise.

En ce qui concerne l’étiologie, c’est-à-dire les causes des problèmes, notre assemblée reprendra la main avec le débat, qui a été annoncé par Mme la ministre, sur la transition énergétique et avec la discussion du projet de loi qui en découlera.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Jacques Mirassou. En dépit de tous les regrets que je viens d’exprimer, nous voterons sans ambiguïté la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Je veux au préalable féliciter notre rapporteur, Daniel Raoul, pour le travail qu’il a accompli. Il l’a fait avec un enthousiasme bien dissimulé (Sourires sur les travées de l'UMP.), mais il l’a fait. Je souhaite donc le remercier de sa contribution.

Je n’utiliserai pas de mots aussi agressifs que ceux que nous avons entendus au cours de notre discussion.

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous n’allez pas commencer !

M. Jean-Claude Lenoir. Une opinion subtile et nuancée emporte toujours quelque vague soupçon d’hypocrisie, disait Jean Paulhan. Et de l’hypocrisie, il y en a finalement eu beaucoup à gauche de cet hémicycle !

Vous êtes satisfaits, mes chers collègues. Mais c’est un peu comme si vous admiriez une bouteille d’une grande année, ornée d’une belle étiquette… mais une bouteille vide. Vous allez voter un texte vidé de son contenu.

M. Jean-Jacques Mirassou. Parler de votre vote, pas du nôtre !

M. Jean-Claude Lenoir. Pourtant, vous le savez fort bien, l’Assemblée nationale rétablira l’article 1er, que vous avez rejeté. Vous pourrez alors jouer les Ponce Pilate et dire : « Ce n’est pas nous ! » Mais si ce n’est vous, ce sont donc vos frères, vos camarades députés socialistes, qui détiennent la majorité absolue à l’Assemblée nationale…

Alors, pourquoi agir ainsi ? Pour le comprendre, il faut se souvenir de l’adoption par le Sénat, à l’automne dernier, de l’exception d’irrecevabilité sur la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Ce vote a heurté le Gouvernement – c’était la première fois que cela se produisait, il y a eu d’autres cas depuis lors –, et vous ne vouliez pas recommencer.

Je ne voudrais pas abuser des citations littéraires, monsieur Mirassou, mais permettez-moi quand même de citer Michel Audiard, qui, dans Les Tontons flingueurs, fait dire à Lino Ventura : « Ah ! Si c’est une œuvre, alors là, c’est autre chose ». Finalement, vous avez bien œuvré pour que le Gouvernement ne soit pas meurtri une nouvelle fois.

Sauf si le Conseil constitutionnel, que nous allons saisir, fait droit à notre demande, le texte qui sortira de l’Assemblée nationale aura des conséquences qu’il faut dénoncer.

Une première conséquence est que la péréquation tarifaire à laquelle nous sommes attachés depuis le Conseil national de la Résistance sera mise par terre.

M. Marc Daunis. Mais non !

M. Jean-Claude Lenoir. Le kilowattheure ne sera pas vendu au même prix sur tous les points de notre territoire. Il y aura autant de tarifs que de communes. Nous ne pouvons pas accepter que vous fouliez au pied ce principe républicain.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Claude Lenoir. Ce texte aura une autre conséquence. Dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, François Brottes explique benoîtement que le dispositif, s’il était adopté, permettrait d’augmenter le prix de l’électricité au profit d’un certain nombre de consommateurs.

Mme la ministre a indiqué que 75 % des consommateurs bénéficieraient d’un bonus, parce qu’ils se situeraient en dessous des normes fixées par cet ensemble administratif que nous avons dénoncé, sur la base d’informations collectées par cet organisme ad hoc que j’ai dénommé pendant le débat. Cela signifie que les 25 % des consommateurs restants vont seuls supporter l’augmentation à venir des prix de l’électricité, qui devraient être relevés de 30 % d’ici à 2017. Le calcul est simple : ces consommateurs verront leur facture d’électricité multipliée par deux.

Mes chers collègues, vous allez rentrer ce soir dans vos départements la conscience tranquille, en vous disant que le texte qui a été adopté par la majorité, peut-être avec l’apport d’autres voix, ne compromet pas l’essentiel.

Pourtant, il eût fallu résister. C’est ce que nous avons fait en première lecture. Il fallait faire front et même organiser la fronde. Encore eût-il fallu que vous prissiez la pleine mesure des conséquences, qui sont très lourdes, et nous ne cesserons de vous les rappeler. Vous en prenez la responsabilité ! Nous, nous prenons nos responsabilités en vous indiquant ce qui va se passer. Nous voterons donc contre cette proposition de loi avec beaucoup de résolution.