PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Demande de seconde délibération (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes
Discussion générale

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Démission de membres de commissions et candidatures

M. le président. J’ai reçu avis de la démission de Mme Hélène Masson-Maret, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et de Mme Sophie Primas, comme membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.

J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de Mme Sophie Primas, démissionnaire ;

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de Mme Hélène Masson-Maret, démissionnaire.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

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Questions cribles thématiques

gynécologie médicale

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale.

L’auteur de la question et la ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 ; il importe que chacun des orateurs respecte son temps de parole.

La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, la gynécologie médicale est une spécialité à laquelle les femmes françaises sont très attachées, puisque 60 % d’entre elles consultent régulièrement un ou une gynécologue. Ces professionnels assurent une prise en charge des femmes tout au long de leur vie pour les questions relatives à la contraception, à l’obstétrique, aux infections sexuellement transmissibles, à l’éducation à la sexualité et à la prévention, à la ménopause, aux dépistages de cancers, à l’accompagnement des couples infertiles, à la procréation médicalement assistée, etc. Leur complémentarité avec les chirurgiens gynécologues, les obstétriciens, les sages-femmes, les médecins généralistes et les pharmaciens assure un maillage pertinent, au service de la santé des femmes.

Après la réforme de l’internat de 1984, la gynécologie médicale a été supprimée du cursus universitaire. Cette décision a entraîné la forte mobilisation que l’on sait pour demander son maintien. Cette discipline a été rétablie en 2003 par la création du diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale. Toutefois, la situation nous oblige à rester vigilants, puisque le nombre de gynécologues médicaux formés ne permettra pas de compenser les départs à la retraite prévisibles : près de 60 % des professionnels actuellement en fonction cesseront leur activité d’ici à 2020.

Les organisations professionnelles demandent l’ouverture de quarante postes d’internat par an, au lieu de trente aujourd’hui, ainsi que la construction d’un véritable parcours hospitalo-universitaire, pour donner à cette discipline toute son importance au sein du système de santé.

À l’heure où des questions de santé publique se posent à propos de certaines pilules contraceptives, cette spécialité médicale représente une sécurité pour les femmes, pour peu, évidemment, que l’on contrôle son indépendance à l’égard des laboratoires.

Madame la ministre, comment comptez-vous traiter la question du renouvellement des gynécologues médicaux, afin de compenser les nombreux départs à la retraite prévisibles ? Ne pensez-vous pas envisageable de confier à ces professionnels un rôle de santé publique auprès de l’ensemble des prescripteurs de leur territoire, en termes notamment de conseil, d’information, de formation ou de gestion de forums d’échanges ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Didier Guillaume. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. J’observerai tout d’abord que la santé des femmes est une question qui concerne la moitié de la population française ! On ne peut donc considérer qu’il s’agisse d’un enjeu mineur pour notre système de santé.

Vous avez raison de souligner, madame la sénatrice, que les femmes françaises sont particulièrement attachées à la gynécologie médicale : 93 % d’entre elles souhaitent pouvoir consulter un médecin formé dans cette spécialité qui renvoie à l’intime. C’est une aspiration des femmes à laquelle je suis sensible. Je tiens à exprimer devant vous ma volonté de faire en sorte qu’elles puissent accéder, lorsqu’elles le souhaitent, à un gynécologue médical.

Comme vous l’avez indiqué, nous sommes confrontés à un problème de démographie, puisque 78 % des gynécologues médicaux ont plus de 55 ans, contre 42 % seulement des autres spécialistes. Cette situation recouvre un enjeu important pour les années à venir. Elle s’explique par l’arrêt de la formation de gynécologues médicaux entre 1984 et 2003.

La première mesure à prendre est donc de consolider la gynécologie médicale en tant que spécialité médicale à part entière. C’est la raison pour laquelle, madame la sénatrice, j’ai retiré le projet de décret qui visait à rendre automatique l’agrément pour la gynécologie médicale des services de gynécologie obstétrique. Je le répète, la gynécologie médicale doit être reconnue comme une spécialité à part entière. Cela implique de prendre des mesures fortes en la matière, si nous voulons que la démographie médicale soit à la hauteur des attentes des Françaises dans les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.

Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, je vous remercie de la précision de vos réponses, qui me donnent entière satisfaction.

Je salue votre volonté d’inscrire la gynécologie médicale dans le paysage de la santé publique. Cela répond tout à fait aux attentes des femmes de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je me réjouis que le groupe CRC ait proposé à la conférence des présidents d’inscrire à l’ordre du jour une séance de questions cribles thématiques sur la gynécologie médicale. J’ai apprécié les réponses que vous avez apportées à ma collègue Michelle Meunier.

Comme cela a été dit, cette spécialité a connu, entre 1987 et 2003, un arrêt du recrutement, et partant un tarissement de l’offre de soins à destination des femmes, voire sa totale disparition, dans certains départements et selon les années.

Pourtant, la gynécologie médicale, parce que c’est une spécialité dédiée aux femmes, à tous les stades de leur vie, parce qu’elle ne se réduit ni à l’accouchement ni à la chirurgie, est une spécialité indispensable. Elle est essentiellement préventive et permet la réduction des risques ; elle évite par conséquent certaines dépenses de santé liées à une prise en charge tardive.

Dans l’intérêt des femmes et de la société tout entière, il est donc impératif que le nombre d’internes en gynécologie médicale corresponde réellement aux besoins. Or, l’année dernière, trente postes seulement ont été créés, soit le même nombre que l’année précédente.

Selon l’atlas de démographie médicale publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins, cette situation a conduit, dans le département dont je suis l’élue, le Val-de-Marne, à une diminution de quelque 9 % du nombre des gynécologues médicaux, les nouvelles installations ne compensant pas les départs à la retraite, ainsi que l’a déjà signalé Michelle Meunier.

Dans les jours à venir, vous aurez, madame la ministre, à déterminer le nombre de postes d’interne à ouvrir pour l’année 2013-2014, afin de répondre aux besoins des femmes. Pourriez-vous nous donner dès aujourd’hui des indications sur ce point ? Par ailleurs, comment comptez-vous aider les agences régionales de santé, les ARS, à prendre les bonnes décisions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je voudrais de nouveau insister sur l’importance de la relation entre les femmes et les gynécologues médicaux, dont la nature s’explique d’ailleurs aussi par le fait qu’il s’agit d’une profession très féminisée, à hauteur de 70 %.

Vous avez raison de souligner que l’on a cessé de former des gynécologues médicaux pendant plus de dix ans, ce qui a contribué aux difficultés démographiques auxquelles nous sommes confrontés.

Lors de l’année universitaire 2011-2012, on comptait quatre-vingt-un internes en gynécologie médicale, dont vingt seulement en dernière année d’internat. En 2004, année de la création du diplôme d’études spécialisées de gynécologie médicale, seize places d’interne étaient offertes à l’examen classant national. En 2012, j’ai demandé l’ouverture de trente places, afin d’engager un renouveau de l’offre.

Les simulations démographiques dont nous disposons montrent, en effet, qu’il faut de quarante-cinq à cinquante places à l’examen classant national pour maintenir une densité raisonnable de gynécologues médicaux, soit de sept à huit spécialistes pour 100 000 femmes de 15 ans ou plus.

J’ai donc demandé au président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé d’accorder une attention particulière à l’évaluation régionale des besoins. Je lui ai également demandé de poursuivre le renforcement de la gynécologie médicale, d’augmenter le nombre de places à l’examen classant national d’ici à 2016, l’objectif étant bien d’arriver à quarante-cinq places à cette échéance.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je me réjouis que vous partagiez notre préoccupation et que vous ayez pris de premières mesures allant dans le bon sens.

Je me permets toutefois d’insister pour qu’un réel suivi soit assuré. En effet, les chiffres fournis par les ARS sont parfois étonnants : par exemple, il n’y aurait pas lieu d’ouvrir des postes en Auvergne, alors qu’il n’y a dans cette région que 0,5 gynécologue médical pour 5 000 femmes, contre 0,8 en Île-de-France. Je me méfie donc un peu de ces chiffres.

Une véritable action politique est nécessaire. Il semble que vous partagiez ce point de vue. Il conviendra de faire fi des arguments relatifs à une prétendue insuffisance des stages de terrain en CHU, alors que ceux-ci doivent être nécessairement pourvus.

À mon sens, ce n’est pas un hasard si l’on peut observer, en France, un recul des cancers du sein ou de l’utérus : cela tient à la pratique des gynécologues médicaux, qu’il convient donc de former en plus grand nombre. Nous comptons sur vous, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, les difficultés de la gynécologie médicale décrites par mes collègues sont symptomatiques d’un problème plus large : l’insuffisante prise en considération de la spécificité du corps des femmes par la médecine, domaine dans lequel la pratique et la recherche ont longtemps été des champs d’activité exclusivement masculins.

L’une des illustrations les plus marquantes de cette réalité réside dans le fait que bon nombre de prescriptions médicales destinées aux femmes reposent sur des essais entièrement conduits sur des hommes ou des animaux mâles. Les spécificités des femmes excluent celles-ci de ces essais cliniques, que les variations de leur cycle hormonal rendraient plus complexes, et donc plus coûteux.

Ainsi, 79 % des médicaments antidouleurs ne sont testés que sur des hommes ou des animaux mâles. Même quand il s’agit d’étudier des pathologies reconnues comme affectant différemment les deux sexes, la parité n’est pas respectée : par exemple, la majorité des anxiolytiques sont très peu testés sur les femmes, qui souffrent pourtant 2,25 fois plus souvent de problèmes d’anxiété que les hommes.

C’est dans ce contexte général que nous constatons l’insuffisance du nombre de postes de gynécologie médicale ouverts chaque année à l’internat de médecine, surtout comparé au nombre de départs à la retraite. Par exemple, sur les 875 gynécologues exerçant aujourd’hui en Île-de-France –soit 0,8 praticien pour 5 000 femmes en âge de consulter –, 48 % partiront à la retraite dans les cinq ans.

Or, vous le savez, cette spécialité médicale est la seule à suivre les femmes d’un bout à l’autre de leur vie. C’est notamment grâce à la gynécologie médicale que les femmes de notre pays bénéficient d’une espérance de vie record, en particulier du fait d’un dépistage précoce des cancers féminins et d’un suivi de la qualité de la contraception.

En conséquence, les difficultés d’accès à une consultation régulière de gynécologie médicale posent des problèmes croissants en matière de suivi des femmes, et donc de prévention, ce qui constitue un risque pour leur santé, est source de fortes inégalités et, de surcroît, pèsera à long terme sur nos finances publiques.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à ces problèmes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je tiens à souligner l’importance que j’accorde à la prise en compte de la spécificité des déterminants de santé pour les femmes.

Je veux réaffirmer ma détermination s’agissant de la démographie médicale. En 2011, il y avait vingt-sept postes ouverts en gynécologie médicale à l’examen classant national ; alors que l’on m’avait proposé de maintenir ce chiffre pour 2013, il sera porté à trente, avec une perspective de quarante-cinq postes en 2016.

Au-delà de ces éléments quantitatifs, il est vrai que nous sommes confrontés à des défis de plus en plus importants en matière de santé des femmes. Jusqu’à présent, ces dernières étaient protégées de certaines maladies, en raison de comportements plus « vertueux ». Mais, aujourd'hui, alors que le cancer du poumon régresse chez les hommes, sa prévalence augmente de manière très significative chez les femmes, qui se sont mises massivement à fumer. La progression de certaines pathologies est tout à fait préoccupante. Par ailleurs, 16 % des femmes renoncent à des soins ou à des démarches de prévention, contre 11 % seulement des hommes.

En ce qui concerne les essais cliniques, je souhaite porter deux éléments à votre connaissance, madame la sénatrice.

Tout d’abord, il faut avoir conscience que certains essais cliniques ne peuvent être menés sur des femmes en âge de procréer. C’est une limite dont nous devons tenir compte.

Pour autant, il convient de mieux prendre en compte la spécificité des femmes dans les protocoles d’essais cliniques. Les décisions doivent être prises à l’échelon européen. La France, qui est fortement engagée sur ce dossier, a obtenu que soit organisé un Conseil européen consacré à la santé, qui se tiendra le 28 juin prochain. Il portera notamment sur les conditions de la réalisation d’essais cliniques sur les femmes.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.

Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie des décisions et des engagements que vous avez pris. Comme vous l’avez dit, nous partons de loin. Il faudra du temps et de la détermination dans la durée pour rétablir une situation à peu près satisfaisante.

Je visitais ce matin un centre de santé situé à Saint-Denis. Dans cette ville de 100 000 habitants, il ne reste plus qu’une seule gynécologue médicale. Parfois, inégalités médicales, sociales, territoriales se cumulent.

Je vous remercie de prendre le problème à bras-le-corps, madame la ministre. (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Les menaces qui pèsent sur l’avenir de la gynécologie médicale pourraient fragiliser toute la politique de santé menée en faveur des femmes depuis des décennies dans notre pays.

Les résultats obtenus grâce à un suivi médical régulier et de qualité sont tout à fait remarquables. En vingt ans, par exemple, le nombre de cancers du col de l’utérus a été divisé par quatre, et la mortalité par deux. En outre, les Françaises bénéficient d’un des meilleurs taux de survie à cinq ans pour le cancer du sein.

La gynécologie médicale, qui est fortement préventive, est au cœur de la réussite de cette politique de santé à destination des femmes. Pourtant, l’existence de cette spécialité est menacée. Nous constatons sur notre territoire une véritable pénurie de gynécologues, en particulier dans les zones rurales, une fois de plus désavantagées. Mon département, le Tarn-et-Garonne, compte seulement deux praticiens exerçant la gynécologie médicale, soit 1,26 pour 100 000 femmes, la moyenne régionale s’établissant à 6,2 pour 100 000 femmes, avec une très forte concentration dans l’agglomération toulousaine.

À ce propos, nos collègues Hervé Maurey et Jean-Luc Fichet ont remis la semaine dernière leur excellent rapport sur les déserts médicaux. Ils ont bien décrit cette problématique, qui concerne toutes les spécialités. S’agissant de la gynécologie médicale, toutefois, il faut garder à l’esprit qu’un handicap supplémentaire existe : l’absence de délivrance de diplômes entre 1986 et 2003 n’a pas été sans conséquences sur les effectifs. Cette spécialité a accumulé un retard, au cours de cette période, que la fixation à trente postes du numerus clausus ne permettra pas de combler. Madame la ministre, la santé des femmes sera en danger si vous n’agissez pas, notamment, sur le numerus clausus : que comptez-vous faire à cet égard ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, comme j’ai eu l’occasion de le préciser à Mme Cohen, je suis déterminée à faire en sorte que la gynécologie médicale soit clairement reconnue en tant que spécialité à part entière.

Dans cette perspective, j’ai fait retirer un projet de décret tendant à accorder automatiquement à des gynécologues-obstétriciens la reconnaissance de leur qualification en gynécologie médicale, comme si cette discipline ne présentait pas de spécificité.

En outre, j’ai d’ores et déjà relevé le numerus clausus pour les années 2012 et 2013, la poursuite de sa montée en puissance étant prévue pour les années suivantes. Comme je l’ai indiqué, vingt-sept postes ont été ouverts à l’examen classant national en 2011, trente en 2012 – alors qu’il m’était proposé d’en rester à vingt-sept –, et trente-cinq le seront en juin 2013. Le président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé et moi-même avons réfléchi aux moyens de porter le numerus clausus à quarante-cinq postes, sans doute en 2016, peut-être plus tôt.

C’est par une telle démarche, volontariste et déterminée, que nous serons à même de répondre aux difficultés que vous évoquez. Elles se posent non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les zones urbaines, l’âge moyen des gynécologues médicaux étant de sept ans supérieur à celui des autres spécialistes. L’enjeu, particulièrement important pour notre pays, est bien identifié.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.

M. Yvon Collin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

J’évoquerai un autre motif d’inquiétude, concernant l’attitude de l’administration hospitalière. Je m’interroge sur la volonté parfois à peine voilée de responsables de centres hospitaliers de fermer les consultations de gynécologie médicale, parce qu’elles ne s’inscrivent pas bien dans la démarche de rationalisation des soins.

La plupart des spécialités ont une approche centrée sur les organes, reposant sur des actes techniques ; les coûts sont ainsi quantifiables. En revanche, la gynécologie est fondée sur une approche globale, prenant à la fois en compte le corps biologique, le corps social et le corps affectif de la femme, ce qui n’est pas compatible avec la tendance actuelle à fragmenter la prise en charge des patients pour un meilleur contrôle des soins, dans une optique d’économies.

Il faut reconnaître que le cabinet du gynécologue est aussi un lieu de dialogue. Cela représente un coût, certes, mais qui peut aussi engendrer in fine un réel bénéfice si l’on raisonne en termes d’itinéraire de santé tout au long de la vie. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Madame la ministre, vous avez déjà largement répondu à la question que je souhaitais poser, mais peut-être pourrez-vous m’apporter quelques éclaircissements supplémentaires.

Aujourd'hui, la France compte 1 000 gynécologues. Selon des projections, ils ne seront plus que 600 en 2015 et 180 en 2020, pour le même nombre de patientes. Les délais pour obtenir un rendez-vous sont de plus en plus longs. Selon les territoires, il faut parfois attendre jusqu’à six mois.

Un tel manque d’effectifs est fortement préjudiciable au suivi de la santé des femmes. D’après les données de l’Institut national d’études démographiques, 12,2 % des jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans ont déclaré, en 2010, ne pas avoir de suivi habituel, contre 6,9 % en 2000.

Pourtant, cette spécialité médicale est la seule qui garantisse aux femmes un suivi personnalisé, notamment en matière de prévention et de dépistage de certaines maladies. Cette démarche fonctionne très bien dans notre pays : en effet, le nombre des cancers du col de l’utérus y a été divisé par quatre en vingt ans ; la France est le pays où l’on pratique le moins d’hystérectomies, tandis que le taux de survie à cinq ans au cancer du sein des femmes françaises, qui s’établit à 84 %, est l’un des meilleurs en Europe.

Vous avez indiqué que, pour pallier le manque d’effectifs, le numerus clausus serait relevé à trente postes en 2013 et passerait à trente-cinq en 2015. Toutefois, cette augmentation n’est peut-être pas suffisante. J’appelle votre attention sur le fait que de plus en plus de femmes d’âge mûr préfèrent consulter un gynécologue médical plutôt qu’un obstétricien. À partir d’un certain âge, on n’a pas forcément envie de se retrouver dans une salle d’attente en compagnie de femmes enceintes jusqu’aux dents ! (Sourires.)

Par ailleurs, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », prévoit de recourir à des prévisions quinquennales du nombre d’internes à former. Vous nous avez déjà répondu sur ce point ; je vous en remercie, madame la ministre.

Des années d’action obstinée ont abouti à la création d’un diplôme spécifique de gynécologie médicale, le 1er février 2013. Ce combat a exprimé de manière éclatante l’attachement des femmes à cette spécialité « sur mesure » pour elles. Aujourd'hui, cet attachement demeure. Je le répète, les femmes d’âge mûr préfèrent consulter un gynécologue : à chacun son champ de compétence.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je partage votre constat. Comment en est-on arrivé là ? Il est parfois utile de faire un peu d’histoire.

M. Yvon Collin. Toujours !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est Mme Michèle Barzach, ministre de la santé du gouvernement Chirac, qui a supprimé la spécialité de gynécologie médicale en 1986 ; elle-même était pourtant gynécologue.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé du gouvernement Fillon, a consacré la fin de la gynécologie médicale en réduisant le nombre de places à l’examen classant national et en considérant que cette spécialité n’avait pas de raison d’être. Selon elle, la gynécologie médicale étant de plus en plus spécialisée, la discipline devait se développer dans le cadre de projets cliniques à l’hôpital renvoyant à des problématiques très spécifiques, tandis que, en ville, les femmes pouvaient se tourner vers d’autres professionnels.

À mon sens, cette approche exclusivement hospitalière de la gynécologie médicale a contribué à peser sur la démographie de cette profession et à constituer le problème auquel nous sommes aujourd'hui confrontés.

J’ai la volonté de faire en sorte que les femmes puissent trouver en ville un gynécologue médical, selon des modalités qu’il convient évidemment d’organiser et d’aménager. Grâce aux mesures que j’ai commencé de prendre, nous devrions avoir formé, à la fin de l’année 2016, dans la perspective de l’examen classant national de 2017, 50 % de gynécologues médicaux de plus que si nous en étions restés au numerus clausus de 2011. Par cette démarche volontariste, nous aurons ainsi, me semble-t-il, franchi une étape importante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Madame la ministre, beaucoup de questions ayant déjà été posées sur la gynécologie médicale stricto sensu, je voudrais évoquer les patientes et les obstétriciens.

Il serait, me semble-t-il, nécessaire de clarifier le rôle de chacun des professionnels de santé parties prenantes à la gynécologie, les choses devenant de plus en plus confuses dans l’esprit de la patiente. Celle-ci doit-elle s’adresser à un gynécologue médical libéral, à un gynécologue obstétricien, libéral ou en établissement, à un généraliste ayant suivi un cursus d’un an en gynécologie ou à une sage-femme, si elle est enceinte ?

Il me semblerait utile que la spécificité du rôle de chacun de ces professionnels, ainsi que la complémentarité de ces derniers, apparaissent plus clairement et soient mieux connues. Pour faciliter la compréhension du système par les patientes, ne devrait-on pas réserver le titre d’obstétricien au médecin qui pratique les accouchements et qui opère en gynécologie ?

Par ailleurs, si le nombre d’obstétriciens continue de diminuer aussi rapidement qu’à l’heure actuelle, qui assistera les parturientes ? Qui prendra en charge les grossesses et les accouchements pathologiques, de plus en plus nombreux en raison de l’augmentation du nombre des grossesses tardives ? En outre, la baisse du nombre d’obstétriciens ne va-t-elle pas aggraver davantage encore l’actuelle surcharge de travail des services de maternité, dont les moyens ne s’accroissent pas au même rythme que l’activité ?

Enfin, comment distinguer plus clairement le gynécologue médical, qui a suivi quatre années de spécialité, du médecin généraliste, qui n’en a suivi qu’une ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)