Sommaire

Présidence de Mme Bariza Khiari

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Gérard Le Cam.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Demande d’avis sur deux projets de nomination

4. Décisions du Conseil constitutionnel

5. Communication du Conseil constitutionnel

6. Saisine du conseil Constitutionnel

7. Dépôt de rapports

8. Questions orales

respect des bonnes pratiques pour la récolte d'algues de rive

Question n° 189 de M. François Marc. – MM. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement ; François Marc.

orientation de la politique des transports en matière de grandes infrastructures ferroviaires

Question n° 195 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement ; Jean-Jacques Lozach.

halte à l'abandon de l'entretien du réseau routier et autoroutier national en val-de-marne

Question n° 218 de M. Christian Favier. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Christian Favier.

précisions sur les engagements de l'état relatifs à la réalisation de la deuxième phase de la branche est lgv rhin-rhône

Question n° 263 de M. Jean-Marie Bockel. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Jean-Marie Bockel.

obligation d'information des modalités de résiliation auprès des consommateurs

Question n° 103 de Mme Catherine Procaccia. – M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Mme Catherine Procaccia.

candidature de l'aéroport de nîmes au projet de relocalisation de la base d'avions de la sécurité civile de marignane

Question n° 225 de M. Jean-Paul Fournier. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Jean-Paul Fournier.

avenir du centre de détention de melun

Question n° 240 de Mme Colette Mélot. – M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Mme Colette Mélot.

Suspension et reprise de la séance

conditions de sortie des personnes détenues bénéficiant d'une mesure d’aménagement de peine sous écrou

Question n° 266 de Mme Aline Archimbaud. – Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; Aline Archimbaud.

données du ministère de la justice sur le pacte civil de solidarité

Question n° 238 de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Jacques Hyest.

circulaire sur la prestation de service unique

Question n° 188 de M. Bernard Piras. – Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; M. Bernard Piras.

sortir les laboratoires publics départementaux de la concurrence

Question n° 214 de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; Marie-France Beaufils.

fracture sanitaire

Question n° 219 de M. Yvon Collin. – Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; M. Yvon Collin.

avenir du groupement hospitalier sud-ardennes

Question n° 257 de M. Marc Laménie. – Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; M. Marc Laménie.

financement par l'état des mandataires de justice chargés des majeurs protégés

Question n° 256 de Mme Élisabeth Lamure. – Mmes Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; Élisabeth Lamure.

avenir de la formation des enseignants dans le département de l'essonne

Question n° 180 de M. Michel Berson. – Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Michel Berson.

situation de la filière de collecte des vieux papiers

Question n° 255 de M. Jean-Claude Leroy. – Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Jean-Claude Leroy.

missions d'assistance des directions départementales des territoires et de la mer en matière de services publics d'eau et d'assainissement

Question n° 231 de Mme Catherine Deroche. – Mmes Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Catherine Deroche.

agence pôle emploi sur le territoire de clichy-montfermeil

Question n° 220 de M. Claude Dilain. – MM. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; Claude Dilain.

avenir de l’association pour la formation professionnelle des adultes

Question n° 226 de M. Jean-Luc Fichet. – MM. Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; Jean-Luc Fichet.

éclatement des plu intercommunaux

Question n° 160 de M. Yves Détraigne. – Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique ; M. Yves Détraigne.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

9. Hommage aux militaires français tués en opérations

MM. le président, Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.

10. Traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. – Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.

11. Modification de l’ordre du jour

12. Traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : MM. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, rapporteur ; André Gattolin, au nom de la commission des affaires européennes.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

M. Jean-Michel Baylet, Mme Leila Aïchi, MM. Jean Bizet, Michel Billout, Jean Arthuis.

Suspension et reprise de la séance

Mme Josette Durrieu, M. André Vallini, Mme Michèle André, M. Jean-Yves Leconte.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. René Teulade.

Adoption de l'article unique du projet de loi.

13. Adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. – Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes ; Richard Yung, rapporteur de la commission des finances.

MM. André Gattolin, Roland du Luart, Thierry Foucaud, Jean-Michel Baylet.

Clôture de la discussion générale.

Articles 2, 5, 9 à 14, 16, 17, 23, 25 à 29, 31 à 34 bis, 35 et 43. – Adoption

Adoption définitive de l’ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance

14. Communication du Conseil constitutionnel

15. Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral. – Discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Discussion générale commune : MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.

Rappel au règlement

Mme Catherine Troendle, M. François Rebsamen.

Discussion générale commune (suite)

MM. Philippe Adnot, Jean-Jacques Hyest, Mme Éliane Assassi, MM. François Zocchetto, Jacques Mézard, Mme Hélène Lipietz, MM. Philippe Kaltenbach, Paul Vergès, Bruno Sido.

Renvoi de la suite de la discussion.

16. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Gérard Le Cam.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le procès-verbal de la séance du jeudi 20 décembre 2012 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Charles Ginésy, qui fut sénateur des Alpes-Maritimes de 1988 à 2008.

3

Demande d’avis sur deux projets de nomination

Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettres en date du 9 janvier 2013, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître :

- l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’affaires culturelles sur le projet de nomination de M. Olivier Schrameck en qualité de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

- l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’activités financières sur le projet de nomination de M. Nicolas Dufourcq en qualité de directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, en application de l’article 7 de l’ordonnance du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement.

Ces demandes d’avis ont été respectivement transmises à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et à la commission des finances.

Acte est donné de ces communications.

4

Décisions du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 27 et du 28 décembre 2012, le texte de trois décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution :

- de la loi organique relative à la nomination du directeur général de la société anonyme BPI-Groupe ;

- de la loi de finances pour 2013 ;

- de la loi de finances rectificative pour 2012.

Acte est donné de ces communications.

5

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 9 janvier 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 1235-10 du code du travail (sanction des irrégularités pour licenciement pour motif économique) (2013-299 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

6

Saisine du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 11 janvier 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution il a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des articles L.O. 328 et suivants du code électoral (contestation contre une élection d’un député) (2012-4580 AN).

Le texte de cette saisine est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

7

Dépôt de rapports

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport d’activité 2012 des institutions financières internationales, établi en application de l’article 44 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998 ; il a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

- le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs 2013-2015, établi en application de l’article L. 542-1-2 du code de l’environnement ; il a été transmis pour évaluation à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ; il a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Par ailleurs, M. le président du Sénat a reçu de Mme la présidente du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, en application de l’article 72 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, le rapport annuel 2012 de cet organisme ; il a été transmis à la commission des affaires sociales.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

8

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

respect des bonnes pratiques pour la récolte d'algues de rive

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 189, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. François Marc. Madame la présidente, permettez-moi, au moment où nous reprenons notre activité législative, de vous présenter mes meilleurs vœux, et de souhaiter à M. le ministre ainsi qu’aux fonctionnaires liés à la séance une très bonne année. Je souhaite que les travaux de notre assemblée soient fructueux tout au long de 2013.

Mme la présidente. Monsieur le sénateur, la direction de la séance et moi-même sommes très sensibles à vos vœux ; nous vous prions de bien vouloir accepter les nôtres.

M. François Marc. Merci, madame la présidente.

Ma question porte sur la filière relative aux algues, dont chacun connaît l’importance en France au moment où les algues sont présentées comme une richesse d’avenir, sur le plan tant écologique qu’environnemental en général. Elle a trait aux conditions de développement de cette filière, en particulier à la récolte des algues de rive.

Je souligne que, même si les zones de récolte se situent essentiellement en Bretagne, ce problème concerne une frange importante du littoral français.

La récolte d’algues de rive s’inscrit dans une logique de filière visant à l’approvisionnement des usines de transformation. Pour les récoltants, il peut s’agir d’une activité principale ou secondaire.

Dans ce contexte, des pratiques différentes ont cours qui peuvent donner lieu à une certaine forme de concurrence entre, d’une part, des récoltants professionnels soumis à des normes environnementales croissantes et à des contraintes administratives et, d’autre part, des récoltants occasionnels dont les pratiques de récolte sont parfois moins respectueuses de l’écosystème et de la durabilité de la ressource.

Alors qu’une récolte respectueuse des conditions de renouvellement des stocks devrait pouvoir protéger la biomasse, il n’est pas rare que des quantités significatives d’algues soient prélevées dans de mauvaises conditions, hors autorisation, sans respect des dates, des espèces ou des coupes. Les dommages que ces pratiques peuvent causer sur les champs d’algues sont déjà perceptibles.

Comment protéger les jeunes pousses et pérenniser certaines espèces ? De quelle manière rendre plus efficaces les contrôles administratifs ? Telles sont, monsieur le ministre, les questions qui se posent.

Depuis l’arrêté n° 2009-0319 du 17 avril 2009, modifié en 2012, relatif à l’exploitation durable des goémons de rives sur le littoral de la Bretagne, les récoltants occasionnels bénéficient du statut de titre emploi simplifié agricole, ou TESA. Il s’agit d’un contrat d’une durée maximale de six mois.

Ce statut souple et peu contraignant est-il bien adapté à l’activité si particulière de récolte des algues de rive ? Ne serait-il pas à l’origine d’un certain nombre de dérives, par exemple lorsque des récoltants sous statut TESA se font accompagner par une main-d’œuvre d’appoint ne disposant d’aucune autorisation de récolte ni d’aucune assurance ?

Cette forme de concurrence opportuniste, et pas toujours loyale, porte préjudice aux récoltants professionnels qui, de leur côté, respectent les contraintes environnementales. Pourquoi permettre une telle différence de traitement entre récoltants ?

Il pourrait par exemple être envisagé que les récoltants sous statut TESA soient employés non plus par les usines de transformation, mais par les récoltants professionnels, qui disposent d’un statut agricole et sont soumis aux règles de bonnes pratiques de récolte.

En définitive, il apparaît que la mise en place d’un véritable statut professionnel du métier de récoltant d’algues de rive, pleinement reconnu, contribuerait à améliorer l’encadrement du ramassage des algues. Il y va de la gestion durable de la ressource.

Monsieur le ministre, quelles suites le Gouvernement entend-il donner à cette demande de consolidation du métier de récoltant d’algues de rive ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, permettez-moi de présenter à l’ensemble des sénatrices et des sénateurs, ainsi qu’au personnel du Sénat, mes meilleurs vœux de travail fructueux pour l’année 2013.

Mme la présidente. Merci, monsieur le ministre.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Marc, vous avez bien voulu appeler l’attention du ministre chargé de la mer et de la pêche sur les pratiques relatives à la récolte d’algues de rive, notamment en Bretagne. M. Frédéric Cuvillier vous en remercie et vous prie d’excuser son absence, des obsèques le retenant à Boulogne-sur-Mer.

La pratique de la récolte des algues de rive est encadrée au niveau national par un régime général, complété par une réglementation régionale.

La Bretagne est la première région de France pour la récolte d’algues de rive, avec près de 70 000 tonnes d’algues récoltées chaque année.

Les pratiques sont encadrées par un régime de gestion fondé sur l’arrêté régional n° 2009-0319 du 17 avril 2009 relatif à l’exploitation durable des goémons de rives sur le littoral de la Bretagne. Cet arrêté résulte d’un travail de réflexion exemplaire mené par les professionnels pour développer et pour organiser la filière. Je tiens à saluer le rôle du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne et de l’ensemble des acteurs de la filière, qui ont mis en place un groupe de travail « algues de rive » en lien étroit avec les services de l’État.

Afin de professionnaliser la pratique du ramassage d’algues de rive, la réglementation régionale définit les règles permettant d’exploiter ces espèces, ainsi qu’un régime d’autorisation. L’arrêté du 17 avril 2009 dote les récoltants professionnels d’un statut comportant, pour les marins, une affiliation au régime de l’établissement national des invalides de la marine, l’ENIM, et, pour les autres, une affiliation à la mutuelle sociale agricole.

Pour les récoltants occasionnels embauchés par des entreprises de transformation, un contrat de travail est prévu sous le régime du titre emploi simplifié agricole, ou TESA. Ce dispositif est globalement utilisable par l’ensemble des employeurs de salariés agricoles embauchés en contrat à durée déterminée n’excédant pas six mois.

Ce statut permet d’encadrer au mieux cette activité en garantissant le maintien de professionnels pouvant en vivre à l’année tout en donnant une certaine souplesse aux entreprises de transformation pour embaucher temporairement une main-d’œuvre d’appoint.

En revanche, il est vrai qu’on ne peut pas accepter de voir des personnes ne disposant ni d’une autorisation ni d’un régime social concurrencer de manière déloyale les récoltants. Des contrôles renforcés doivent permettre de vérifier la mise en œuvre des dispositions des arrêtés régionaux. Les services de l’État, notamment en Bretagne, sont pleinement mobilisés pour faire respecter la réglementation élaborée en concertation avec les professionnels.

Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer que le Gouvernement, et tout particulièrement le ministre chargé de la mer et de la pêche, est attaché au développement durable de la production d’algues, qu’elle soit issue de la récolte sur les rivages, de la pêche en mer ou de l’algoculture. L’État accompagnera toute initiative visant à mieux structurer cette filière, notamment par le biais d’une réflexion sur le statut de récoltant d’algues.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous m’avez transmis et des engagements pris au nom du Gouvernement au sujet du statut de récoltant d’algues et de la préservation de la ressource.

Vous êtes conscient qu’un certain nombre de questions se posent aujourd’hui en ce qui concerne le contrôle de l’application de la réglementation et l’évolution du statut.

Il convient qu’en Bretagne, mais aussi sur l’ensemble du littoral français, la réglementation soit appliquée de manière homogène à tous les récoltants. Il y va de la préservation d’une ressource rare et cyclique. Si l’on n’y prend pas garde, le volume de récolte, qui est aujourd’hui de 70 000 tonnes par an, connaîtra dans l’avenir des évolutions aléatoires, les jeunes pousses ne pouvant pas suffisamment se développer.

S’agissant du statut spécifique des récoltants d’algues, qui était l’objet principal de ma question, je crois savoir qu’un certain nombre de discussions vont avoir lieu dans les prochaines semaines. La réunion du 23 janvier du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne permettra peut-être d’éclaircir la situation.

Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous veillerez à ce que le Gouvernement transmette les directives nécessaires pour que le statut de récoltant professionnel soit préservé. Je compte sur le Gouvernement pour favoriser le maintien et la valorisation de ce statut, qui doit nous apparaître aussi comme un moyen de rendre les pratiques de récolte aussi respectueuses que possible de l’environnement.

orientation de la politique des transports en matière de grandes infrastructures ferroviaires

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 195, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, monsieur le ministre, je joins mes vœux à ceux qu’a déjà présentés notre collègue François Marc, premier intervenant de la matinée.

Avec cette question orale, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche sur l’avenir des grands projets d’infrastructures ferroviaires.

S’appuyant sur les analyses de la Cour des comptes relatives à l’état des finances publiques, analyses qui concluaient à l’absence de financement des projets d’infrastructures du quinquennat précédent, le Gouvernement avait annoncé en juillet dernier la nécessité d’opérer un « élagage » du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, censé fixer les orientations de l’État en matière de développement, de modernisation et d’entretien des réseaux d’infrastructures pour les trente prochaines années.

Dès le 18 mai 2011, un rapport parlementaire sur le SNIT, déposé par Hervé Mariton au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, mettait en avant le fait que la crédibilité du schéma supposerait un plan de financement en rapport avec les contraintes imposées par des finances publiques dégradées. Le 15 décembre suivant, à l’issue des Assises du ferroviaire, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet reconnaissait que les projets de lignes à grande vitesse devraient être soumis à une évaluation.

En effet, les projets figurant au SNIT représentaient un investissement de près de 260 milliards d’euros, soit cent trente années du budget actuel de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

Le 3 octobre dernier, le Gouvernement a décidé la mise en place d’une mission composée de parlementaires et de personnalités qualifiées. Cette mission doit, dans un délai de six mois, faire des propositions pour élaborer un document-cadre de la mobilité durable et soutenable dont le plan de financement sera compatible avec les engagements de la France en matière de rétablissement des finances publiques. Elle doit tenir compte des priorités du nouveau gouvernement que sont la poursuite de la modernisation du réseau ferroviaire pour rénover au moins 1 000 kilomètres par an, un effort budgétaire accru sur les trains « Intercités » et la relance du fret.

Des arbitrages seront notamment opérés parmi les quatorze projets de lignes ferroviaires à grande vitesse, après évaluation de l’intérêt de chacun pour la collectivité. Ils feront l’objet d’une hiérarchisation, celle-ci pouvant aboutir à un étalement dans le temps, au lancement d’études complémentaires, voire à un report sine die.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous présentiez les priorités du Gouvernement en termes d’aménagement du territoire et de lutte contre la fracture territoriale, particulièrement en ce qui concerne la desserte ferroviaire des territoires du grand Centre de la France, c’est-à-dire la modernisation de la ligne Paris – Orléans – Limoges - Toulouse, dite POLT, la réalisation du barreau TGV Poitiers - Limoges, rattaché au tronçon Tours - Bordeaux de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique ou LGV SEA, et le projet de ligne à grande vitesse Paris – Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon ou LGV POCL

Par ailleurs, j’aimerais savoir si l’enveloppe de 120 milliards d’euros de crédits mobilisés dans le cadre du « Pacte pour la croissance et l’emploi » décidé par le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 pourra être utilisée à cette occasion.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, le projet de schéma national des infrastructures de transport élaboré par le gouvernement précédent représente 245 milliards d’euros d’investissements sur vingt-cinq ans, mais ni les priorités ni les solutions de financement nécessaires n’ont été précisées, alors que, depuis plusieurs années, la capacité annuelle de l’État est de l’ordre de 2 milliards d’euros pour les investissements en matière de transport.

Frédéric Cuvillier a donc mis en place une commission intitulée « Mobilité 21 », présidée par M. Philippe Duron, afin d’établir un diagnostic global sur la pertinence et la faisabilité du projet de SNIT. Cette commission devra notamment proposer un calendrier réaliste de mise en œuvre des différents projets, au vu de leur intérêt socio-économique, de leur importance pour l’aménagement du territoire et des financements disponibles. Elle devra également présenter des solutions de remplacement – modernisation du réseau et du matériel roulant – en cas de report de certains projets.

L’orientation du président de la République est claire : améliorer les déplacements du quotidien à court terme et réduire la fracture territoriale. Outre la mise en place de la commission, le ministre chargé des transports a d’ores et déjà pris trois autres mesures : l’élaboration d’un plan, opérationnel dans les six mois, de rénovation et de modernisation du réseau ferroviaire existant, l’engagement dès cette année de 400 millions d’euros pour le renouvellement des trains d’équilibre du territoire, ou TET, et le lancement d’un appel à projets doté de 450 millions d’euros pour aider les collectivités à réaliser leurs projets de transports en commun en site propre.

Pour ce qui concerne la desserte ferroviaire du grand Centre, d’importants travaux d’amélioration de la ligne Paris – Orléans – Limoges - Toulouse ont été engagés pour améliorer son niveau de performance ; cela représente près de 250 millions d’euros au cours des dernières années. Cet effort se poursuit aujourd’hui avec l’engagement d’un programme de suppression des passages à niveau, dont les principaux travaux seront réalisés en 2013. Il se poursuit également en vue de la rénovation de voies, de caténaires et de tunnels.

Par ailleurs, l’amélioration de la desserte ferroviaire du grand Centre de la France est également étudiée dans le cadre du projet de ligne nouvelle à grande vitesse Paris – Orléans - Clermont-Ferrand - Lyon, pour lequel une nouvelle phase d’études vient d’être engagée à la suite du débat public, et du projet de ligne à grande vitesse Poitiers - Limoges, avec un lancement de l’enquête publique prévu au premier semestre 2013. Ces deux projets font actuellement l’objet d’un examen par la commission Mobilité 21.

Enfin, le « Pacte pour la croissance et l’emploi » européen est effectivement doté de 120 milliards d’euros, dont 60 milliards d’euros sous forme de prêts à long terme de la Banque européenne d’investissement, ou BEI, et 4 milliards d’euros pour la mise en place d’obligations de projet.

Ces deux projets de LGV feront partie, à partir de 2014, du réseau transeuropéen de transport, sur lequel la BEI concentre ses financements dans le domaine des infrastructures. Par conséquent, les instruments financiers prévus par le « pacte de croissance » pourront, le cas échéant, être intégrés aux plans de financement de ces projets à cet horizon.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

À travers cette question orale, j’ai souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur l’urgence de la nécessaire modernisation, d’une part, de la ligne Paris - Orléans - Limoges - Toulouse, qui représente la troisième radiale de notre pays avec la ligne Paris - Bordeaux, et, d’autre part, de la ligne Paris - Lyon - Marseille, qui est un axe fondamental non seulement pour l’ensemble du Massif central, mais également en vue de la continuité de la desserte vers le sud du pays, sans parler de l’Espagne.

Il est vraiment urgent de moderniser ce qui constitue une véritable ligne d’aménagement du territoire, laquelle dessert 5 millions de personnes et concerne, directement ou indirectement, le quart des régions françaises. Or nous avons le sentiment que cette ligne a été plus ou moins délaissée au cours de ces quinze ou vingt dernières années.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons – quand je dis « nous », il s’agit en particulier de l’association Urgence POLT, qui est très représentative de la population traversée par cet axe ferroviaire – l’élaboration et l’application d’un schéma directeur national d’aménagement de cet axe ferroviaire dans les conditions les plus rapides possible.

halte à l'abandon de l'entretien du réseau routier et autoroutier national en val-de-marne

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 218, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Christian Favier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la situation très dégradée, de quasi-abandon pourrions-nous dire, dans laquelle se trouve le réseau routier et autoroutier national dans le département du Val-de-Marne, même si je sais qu’il s’agit non pas d’une spécificité de ce département, mais d’un problème touchant l’ensemble de la région et parfois bien au-delà.

Après avoir interpellé, en avril dernier, l’ancien ministre des transports, qui n’a pas daigné me répondre, j’ai transmis en juillet une question écrite au ministre délégué M. Frédéric Cuvillier. N’obtenant pas de réponse, j’ai alors décidé de l’interroger oralement.

En raison de réductions budgétaires drastiques, depuis plusieurs années, les déchets de toutes sortes – sacs plastiques, canettes et papiers – s’accumulent sur les bas-côtés et les terre-pleins centraux des voiries nationales, particulièrement autoroutières, et les parties végétales ne sont plus entretenues. De nombreuses protections phoniques sont détruites et non remplacées, les plus récentes étant couvertes de tags.

Cette lente dégradation provoque l’incompréhension des populations et des élus.

Certes, j’en suis bien conscient, le gouvernement actuel a hérité de cette situation, et l’ancienne majorité est largement responsable de cet abandon. Cependant, il va bien falloir y remédier.

Aussi, je souhaite connaître les mesures envisagées pour reprendre au plus vite l’entretien des voies routières et autoroutières placées sous la responsabilité de l’État.

Je me permets d’autant plus d’insister sur ce point que, au-delà des problèmes pour nos concitoyens qui vivent dans le département du Val-de-Marne, l’état de ces paysages urbains présente une image pour le moins peu flatteuse et peu attractive de notre région capitale.

Enfin, à ce défaut d’entretien s’ajoute désormais depuis quelques mois, par mesure d’économie, la coupure de l’éclairage des autoroutes, ce qui renforce encore plus l’ambiance délétère d’abandon généralisé et augmente l’insécurité pour les automobilistes en panne.

Cette décision prise par le gouvernement précédent, d’ailleurs sans aucune concertation avec les autorités publiques locales, pose de nombreux problèmes. Aussi, je souhaite savoir si M. Cuvillier compte poursuivre dans ce sens ou remédier à la situation.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la présidente, monsieur le sénateur, je profite de cette intervention pour vous souhaiter à tous deux une très bonne année.

Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, qui, comme Alain Vidalies a dû vous l’indiquer, est retenu à Boulogne-sur-Mer pour des obsèques.

Le Gouvernement comprend vos préoccupations et tient à vous assurer que l’entretien de l’ensemble du réseau routier national et la sécurité sur ce dernier constituent une préoccupation constante de nos services, tout particulièrement en Île-de-France.

Les agents de la direction interdépartementale des routes d’Île-de-France, la DIRIF, ont ainsi mené à la fin de l’année 2012 une importante campagne de nettoyage sur les autoroutes et voies rapides urbaines dans le Val-de-Marne.

Il faut néanmoins rappeler qu’en Île-de-France les interventions sur l’infrastructure sont très contraintes : compte tenu des niveaux de trafic, elles ne peuvent avoir lieu qu’en période nocturne et la semaine, pour respecter les exigences en matière de sécurité des agents et réduire la gêne apportée aux usagers. Ces deux priorités absolues définissent la fréquence des opérations de nettoyage des abords des autoroutes.

L’éclairage public sur le réseau routier national en Île-de-France est régi depuis 2010 par un schéma directeur régional. Intégrant fortement les exigences du développement durable, telle que la maîtrise de la consommation d’énergie et la réduction des pollutions lumineuses, ce schéma limite l’éclairage aux sections où il est indispensable pour garantir des conditions de sécurité suffisantes aux usagers. Ainsi, dans le Val-de-Marne, sont éclairées l’autoroute A86 et l’autoroute A4 entre Paris et le tunnel de Champigny.

La continuité de l’éclairage est malheureusement également très dépendante du vandalisme, en particulier des vols de câbles. Ainsi, certaines sections sont aujourd’hui éteintes dans l’attente de réparations du réseau d’alimentation ou du renforcement de la protection de ce dernier.

Sensible à vos préoccupations, monsieur le sénateur, le Gouvernement tient à vous indiquer qu’une évaluation est en cours d’élaboration sur la mise en œuvre de ce schéma régional d’éclairage.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Je remercie M. le ministre des éléments d’information qu’il vient de me transmettre concernant les intentions du Gouvernement pour améliorer la situation.

Cela dit, on ne peut pas se limiter à une intervention partielle. En effet, même si une opération ponctuelle de nettoyage a eu lieu, c’est d’un entretien régulier du réseau autoroutier et routier que nous avons besoin. Or je ne voudrais pas que les difficultés budgétaires de l’État, que chacun connaît, conduisent à un abandon de ces missions, notamment en matière d’entretien de son patrimoine.

Par ailleurs, la qualité de vie à laquelle l’ensemble des Franciliens ont droit ne peut être dissociée de l’égalité des territoires, point sur lequel le Gouvernement est aujourd’hui, je crois, très engagé. Or, l’Est parisien a malheureusement été pendant très longtemps le parent pauvre de l’attention de l’État en la matière, avec des autoroutes construites en tranchées ouvertes et peu de protection phonique.

Aujourd’hui, cette situation est en partie corrigée grâce notamment à la mobilisation des populations qui sont parvenues à se faire entendre.

Pour autant, il reste encore beaucoup à faire. En effet, une fois la décision prise d’améliorer le réseau routier national, on ne pourrait évidemment pas accepter que subsistent des dégradations faute d’entretien. On espère que l’Est parisien sera au moins traité avec autant d’attention que l’a été une partie de l’Ouest parisien.

précisions sur les engagements de l'état relatifs à la réalisation de la deuxième phase de la branche est lgv rhin-rhône

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, auteur de la question n° 263, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je m’associe aux vœux des uns et des autres adressés aux uns et aux autres.

Je ne conteste pas la nécessaire remise à plat du schéma de train à grande vitesse évoqué par notre collègue Jean-Jacques Lozach tout à l’heure. En revanche, à la lecture de la lettre de mission du 17 octobre dernier du ministre délégué chargé des transports à la commission d’évaluation du schéma national des infrastructures de transport, on ne peut s’empêcher d’éprouver quelques inquiétudes que j’aimerais vous voir apaiser, monsieur le ministre.

Cette lettre de mission laisse en effet penser que l’ensemble des projets d’infrastructures pourraient être remis en cause. Par ailleurs, vous laissez entendre que la nouvelle stratégie serait pensée uniquement à l’échelon national.

Dans ce contexte, est-il nécessaire de rappeler que la deuxième phase de la branche est de la ligne à grande vitesse Rhin - Rhône ne constitue pas un nouveau projet ?

Il s’agit d’un projet phasé, dont la première partie a été réalisée et dont la deuxième phase est bel et bien déjà en cours de réalisation : toutes les études sont terminées ; les différents lots de génie civil sont avancés aux trois quarts ; les dossiers de consultation d’entreprises sont terminés pour la partie génie civil ; les acquisitions foncières ont été faites et les indemnités de dépossession liées aux expropriations ont été versées ; l’État s’est engagé, avec les collectivités territoriales partenaires – elles le sont toutes dans les régions concernées –, au travers d’un protocole d’intention de financement signé voilà presque un an jour pour jour.

Comment expliquer dès lors la position de l’État, ainsi que le gaspillage de temps, d’énergie et d’argent qui résulterait, notamment au vu de l’avancement du dossier, d’un éventuel abandon du projet ?

Faut-il encore rappeler que le dossier d’approbation ministérielle, qui a présidé au lancement du projet, prévoyait que l’équilibre socio-économique du projet dépendait des liaisons transfrontalières et européennes rendues ainsi possibles ? Dans ce contexte, la décision récente de la Commission européenne visant à débloquer un reliquat exceptionnel de crédits de 725 millions d’euros représente une véritable chance pour cette deuxième phase de la branche est, qui constitue le seul projet de réseau transeuropéen de transport français actuellement prêt et susceptible de prétendre à un cofinancement de l’ordre de 20 %.

Le ministre chargé des transports est-il en mesure de préciser que la commission d’évaluation du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, devra tenir compte de l’avancée des projets et des montants déjà engagés, ainsi que des enjeux socio-économiques et de mobilité durable à l’échelle européenne, et non pas uniquement française ?

Le Gouvernement peut-il indiquer s’il entend soumettre la deuxième phase de la branche est de la LGV Rhin - Rhône à l’appel à proposition de la Commission européenne avant la date limite du 28 février, ce qui confère à ma question un caractère d’urgence ?

Enfin, le Gouvernement entend-il tenir les engagements pris par l’État, pour un bouclage du plan de financement d’ici à la fin du premier semestre 2013 ? Disant cela, je rappelle encore une fois l’ensemble des démarches déjà engagées et la présence sur place des équipes. Démobiliser ces dernières pour les reconstituer ensuite aurait assurément un coût certain.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous adresse tout d’abord mes vœux les meilleurs pour 2013, et j’en profite d’ailleurs pour souhaiter une bonne année à tous les fonctionnaires du Sénat.

Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre chargé des transports, et je m’efforcerai de répondre le mieux possible à votre question sur la réalisation de la seconde phase de la branche est de la LGV Rhin - Rhône.

Le projet de LGV Rhin-Rhône comporte trois branches centrées sur Dijon, pour un coût total évalué à près de 10 milliards d’euros. La première phase de la branche est, longue de 140 kilomètres, qui permet donc de réaliser la majorité des gains de temps, a été mise en service en décembre 2011, pour un coût de 2,3 milliards d’euros. La deuxième phase est constituée d’une section ouest de 15 kilomètres vers Dijon et d’une section est de 35 kilomètres vers Mulhouse, pour un coût total de 1,2 milliard d’euros. Comme vous le rappelez, elle a fait l’objet d’un protocole d’intention de financement signé en janvier 2012 entre l’État et les collectivités intéressées par ce projet, lequel fixe l’objectif de signature de la convention de financement des travaux à la fin du premier semestre 2013, en vue d’un démarrage effectif des travaux en 2014.

Des intentions en matière de transport, le gouvernement précédent en a eu de nombreuses ! Elles s’élèvent à 245 milliards d’euros sur vingt-cinq ans pour les seuls projets nouveaux d’infrastructures ! Pourtant, depuis plusieurs années, la capacité annuelle de l’État en matière d’infrastructures est de l’ordre de 2 milliards d’euros par an. Tel est l’héritage légué au ministère des transports, sur ce projet comme sur d’autres : de belles promesses, sans anticipation des financements nécessaires.

C’est la raison pour laquelle Frédéric Cuvillier a mis en place la commission Mobilité 21, à qui il a demandé d’établir un diagnostic global sur la pertinence et la faisabilité du projet de schéma national des infrastructures de transport. Le ministre a invité la commission à prendre en compte non seulement la situation actuelle et les perspectives de nos finances publiques, mais également la priorité que le Gouvernement entend donner aux transports du quotidien, à la réduction de la fracture territoriale et à la rénovation des réseaux existants.

La commission a défini des critères complémentaires, et je ne doute pas que le fort soutien des collectivités territoriales et le caractère transfrontalier, que vous avez évoqué, de l’infrastructure seront pris en compte lors de l’examen de la deuxième phase de la branche est de la LGV Rhin-Rhône.

Le Gouvernement n’abandonne pas les projets d’infrastructures, essentiels à l’aménagement de nos territoires et à leur croissance économique. Mais il se refuse à se contenter d’annonces sans s’assurer d’une réalisation effective. Ainsi, dans l’attente des résultats de la commission, le préfet de la région Franche-Comté, préfet coordonnateur du projet de LGV Rhin-Rhône, réunira un comité de pilotage au début de l’année 2013. Celui-ci s’attachera à partager tous les éléments qui contribueront à préciser l’intérêt de cette deuxième phase, en particulier quant au schéma de service, de façon à réduire au maximum les incertitudes liées à ce projet, sur le plan tant technique qu’économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le ministre, renvoyer la balle aux prédécesseurs est un grand classique !

S’agissant de la première tranche de ce train à grande vitesse Rhin-Rhône que vous évoquiez tout à l’heure, un travail au long cours a été mené, gouvernement après gouvernement, avec des personnalités telles que Jean-Pierre Chevènement, François Rebsamen ou Marie-Guite Dufay, qui ont présidé l’association Trans Europe TGV Rhin-Rhône-Méditerranée. Comme Jean-Pierre Chevènement, j’ai moi-même présidé cette association pendant dix ans. Pour nous, ce qui compte, dans un contexte certes difficile, j’en ai conscience, c’est naturellement de disposer d’un certain nombre d’éléments de continuité.

Vous l’avez dit au détour d’une phrase, monsieur le ministre, la caractéristique de ce projet tient à sa dimension transfrontalière ; il ne se contente pas de relier des provinces à Paris !

Vous avez rappelé que la première tranche est à l’origine des gains de temps les plus importants. C’est une évidence ! Pour autant, les tranches suivantes permettent justement de relier d’autres territoires et de donner tout son sens à ce projet : cette ligne à grande vitesse, qui permet de rejoindre Paris, s’inscrit également dans une volonté européenne et transfrontalière. Dans ce cadre, la réalisation de la deuxième phase de la branche est constitue une étape naturellement indispensable. Elle permettra de bénéficier d’une vue d’ensemble en termes de gains de temps.

Nous l’avons compris, le comité de pilotage que vous avez évoqué aura une grande importance. Compte tenu de l’état d’avancement de la deuxième phase, l’abandon du projet aurait des conséquences extrêmement préjudiciables, qu’il s’agisse de l’argent public dépensé ou des emplois qui s’y rattachent, lesquels ne sont pas délocalisables. J’espère que le comité de pilotage dont vous venez de confirmer qu’il se réunira en début d’année 2013 en aura pleinement conscience.

obligation d'information des modalités de résiliation auprès des consommateurs

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 103, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être venu personnellement répondre à une question qui vous concerne directement.

Vous le savez, les litiges entre consommateurs et opérateurs de télécommunications constituent l’un des principaux motifs des réclamations enregistrées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Parmi les sujets évoqués de façon récurrente figure la résiliation, que de nombreux consommateurs décrivent comme un « parcours du combattant ». Les abonnés du groupe Canal+ en font régulièrement les frais.

L’article L. 136-1 du code de la consommation dispose que « le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite ».

Faute de précision rédactionnelle sur la nature de cet « écrit », la société Canal+ se soustrait à cette obligation. Elle estime satisfaire à cette disposition en adressant mensuellement à ses clients le magazine de ses programmes sur la couverture duquel figure la date d’échéance du contrat.

Cette ambiguïté a été relevée par des travaux menés par les deux chambres. La commission des affaires économiques du Sénat avait explicitement conseillé un « courrier simple » pour faire « apparaître clairement et en temps utile l’information prescrite ». Le rapport d’information n° 3077 de l’Assemblée nationale dénonçait en mai 2006 un manque de clarté : il était demandé à Canal+ de s’engager à apporter des améliorations.

Tel n’a pas été le cas, et au moins quatorze décisions judiciaires, dont les récentes décisions du tribunal de Laon du 13 février 2012 et du tribunal d’Angoulême du 4 décembre dernier, ont condamné la société anonyme Canal+ distribution, en stipulant que la nature du magazine n’était pas conforme à la volonté du législateur. Cette dernière avait d’ailleurs été exprimée par le Sénat en décembre 2011, notre assemblée ayant voté à l’unanimité sur mon initiative une disposition à cet égard, laquelle n’a malheureusement pu s’appliquer.

Eu égard au nombre d’affaires portées devant les tribunaux, force est de constater que la société anonyme Canal+ se refuse à respecter ses obligations.

À l’heure de la diminution du pouvoir d’achat de nombreux ménages, de telles pratiques, qui rendent le consommateur prisonnier d’un contrat automatiquement reconduit, et ce quelle que soit la durée de son engagement, ne sont pas acceptables.

Monsieur le ministre, puisque nous sommes à l’heure des vœux, j’aimerais que vous nous fassiez part de votre intention concernant l’application de ces dispositions et de l’article L. 136-1 du code de la consommation. Comptez-vous obliger la société Canal+ à respecter ses obligations ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame Procaccia, j’essaierai de vous apporter une réponse aussi précise que les nombreux contrats qui lient aujourd’hui les consommateurs à un certain nombre de fournisseurs et d’entreprises, et d’exaucer ainsi le vœu qui est le vôtre.

L’article L. 136-1 du code de la consommation, introduit par la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, dite loi Chatel, tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, a imposé aux professionnels l’obligation d’informer le consommateur par écrit de la possibilité de résilier un contrat tacitement reconductible.

Ainsi que vous le rappelez vous-même, faute de « précision rédactionnelle sur la nature de cet écrit », les professionnels disposent, sur le plan formel, d’une relative liberté pour respecter cette obligation.

Il est généralement admis par la doctrine administrative française et communautaire qu’une communication écrite implique l’utilisation d’un support durable, équivalent au papier, permettant la conservation des données.

Dans ces conditions, la communication des conditions de résiliation aux abonnés via un magazine d’information ne paraît pas contrevenir à l’article L. 136-1 du code de la consommation.

Par conséquent, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, l’obligation d’information relative à la résiliation des contrats tacitement reconductibles peut être considérée comme remplie par Canal+ via la diffusion d’un magazine auprès de ses abonnés.

Il est cependant essentiel de rappeler que la jurisprudence n’est pas homogène sur ce point. En effet, comme vous le soulignez, certains tribunaux ont pu considérer, ponctuellement, que Canal+ ne respectait pas les dispositions de l’article L. 136-1 du code de la consommation. D’autres tribunaux, plus nombreux, ont validé cette pratique.

Ce constat, vous l’avez dit, avait d’ailleurs conduit le Sénat à adopter un amendement que vous aviez vous-même déposé en décembre dernier, à l’occasion des débats au Sénat sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.

Cet amendement, modifiant l’article L. 136-1 du code de la consommation, visait à imposer que l’information soit donnée par « lettre nominative ou courrier électronique dédié ».

Une telle modification de l’article L. 136-1 du code de la consommation me paraît de nature à mieux informer les consommateurs sur les conditions de résiliation de leurs abonnements et à assurer une meilleure effectivité de cette information, garantissant ainsi pleinement le libre choix des consommateurs et évitant à ces derniers d’avoir le sentiment d’être captifs. C’est pourquoi le Gouvernement envisage de proposer au Parlement d’adopter une telle mesure, ce qui pourrait se faire lors des travaux relatifs au projet de loi à venir dans le domaine de la consommation, qui sera déposé au printemps 2013.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je vous remercie de proposer la reprise de cette disposition, qui va dans l’intérêt de tous les consommateurs.

Je tiens à le souligner, le magazine évoqué par la société Canal+ n’est pas distribué à tous les abonnés, puisque ceux de Canal Satellite ne le reçoivent pas.

Depuis presque sept ans, Canal+ s’abrite derrière une ambiguïté de la loi pour réaliser des économies, et surtout pour maintenir captifs un certain nombre d’abonnés.

Les dirigeants de Canal+ savent depuis plus d’un an et demi qu’il leur faudra se conformer à la loi, et cette transparence sera appréciée. Accessoirement, les tribunaux s’en trouveront désengorgés puisque les consommateurs n’auront plus besoin d’engager des actions en justice.

Monsieur le ministre, les abonnés vous sauront gré de l’engagement que vous avez pris de modifier le code de la consommation dans le sens que j’ai indiqué. Les nombreux internautes et journalistes qui suivent actuellement cette séance ne manqueront pas de se faire l’écho de la bonne nouvelle que vous nous avez annoncée et de la porter à votre crédit.

candidature de l'aéroport de nîmes au projet de relocalisation de la base d'avions de la sécurité civile de marignane

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Fournier, auteur de la question n° 225, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le ministre, la refonte de la carte militaire a conduit au remplacement de la base aéronavale de Nîmes-Garons par une base de défense accueillant le 503e régiment du train.

Le départ des activités aéronautiques militaires reste une épreuve pour l’aéroport de Nîmes et pour les 700 emplois relevant des entreprises de maintenance de l’aéronautique civile, avec notamment la base d’entretien des bombardiers d’eau.

Les communautés d’agglomération de Nîmes Métropole et du Grand Alès ainsi que le département du Gard, réunis au sein du syndicat mixte de l’aéroport, que je préside, ont obtenu que la direction générale de l’aviation civile reprenne à sa charge le contrôle aérien, dont l’abandon par les militaires signifiait la fin immédiate de toute activité.

Aujourd’hui, la consolidation et le développement de la filière aéronautique dans le Gard tiennent à l’accueil de la base d’avions de la sécurité civile, la BASC, qui pourrait être transférée depuis Marignane.

La pertinence d’un tel redéploiement apparaît clairement dans tous les rapports, tant dans celui de l’Inspection générale de l’administration, publié en mars dernier, que dans le très récent rapport d’information sur les investissements de la sécurité civile, rédigé par mon collègue Dominique de Legge, au nom de la commission des finances.

Ce transfert s’imposerait notamment au regard de l’exiguïté et de l’obsolescence du site actuel de Marignane : pour les bombardiers d’eau, pas d’extension possible sur place ; pour l’aéroport de Marseille-Provence et pour Eurocopter, c’est la même chose. Chacun se gêne mutuellement !

Face à cette situation, les rapports mettent en exergue le site de Nîmes-Garons, la qualité de ses infrastructures et de ses superstructures existantes, ainsi que sa capacité foncière à accueillir à terme le pôle européen que les spécialistes de la sécurité civile appellent de leurs vœux.

Je tiens à souligner que, comme vous le savez, monsieur le ministre, ces conclusions sont le fruit d’une analyse comparative des avantages et inconvénients de chacun des sites candidats.

Sur ces bases objectives, complétées par les engagements chiffrés des acteurs publics locaux dans l’accompagnement de cette installation, votre prédécesseur a entériné l’option nîmoise en mars dernier, par lettres au directeur général de la sécurité civile ainsi qu’au préfet du Gard.

Hier, monsieur le ministre, à la veille de l’examen de cette question orale, vous avez annoncé que vous entendiez être garant de la continuité de l’État en validant le dossier présenté par le syndicat mixte de l’aéroport que j’ai l’honneur de présider. Je vous en remercie.

Aussi, je vous demande aujourd’hui de bien vouloir préciser quel pourrait être le calendrier de l’implantation de la base de Canadair sur le site de Nîmes-Garons et si vous entendez y créer intégralement, et à quel horizon, une base de sécurité civile de dimension logistique européenne qui manque tant à notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez souligné, j’ai annoncé hier le changement d’implantation de la base des avions de la sécurité civile et le choix du site de Nîmes-Garons à l’horizon 2016.

Le choix d’implanter cette base sur le site de Nîmes-Garons est le fruit d’une réflexion approfondie, engagée de longue date, à la fin des années quatre-vingt-dix.

Les conclusions de la mission conduite par l’Inspection générale de l’administration entre octobre 2011 et mars 2012 sont un élément important, mais j’ai souhaité compléter ce travail en associant plus étroitement le ministère de la défense. Les différentes hypothèses étudiées concernent toutes des bases ou des anciennes bases de nos forces armées : Istres, Salon-de-Provence ou Nîmes-Garons.

Compte tenu des besoins opérationnels des armées et des contraintes pesant sur les autres sites, le ministre de la défense a confirmé que le site de Salon-de-Provence n’était pas approprié pour une réimplantation. Il était important que le choix ne puisse pas être mis en cause.

En matière de lutte contre les feux de forêts, le site de Nîmes-Garons, que vous défendez depuis longtemps, est au cœur des enjeux, qui vont de Bordeaux à Menton en passant par Perpignan et la Corse. Le choix de Nîmes-Garons inscrit également l’action de la France dans une ambition européenne de sécurité civile.

Ce choix permet de maintenir la stratégie française en matière de lutte contre les feux de forêts, qui s’appuie notamment sur deux principes : d’une part, les prépositionnements permanents ou temporaires d’avions bombardiers d’eau sur certaines parties du territoire – c’est le cas par exemple en Corse, dans les Alpes-Maritimes ou dans l’Aude – ; d’autre part, le guet aérien armé avec des avions bombardiers d’eau survolant préventivement les zones les plus exposées et prêts à intervenir dès le déclenchement des feux.

L’installation à Nîmes-Garons de la base des avions de la sécurité civile préserve donc la capacité d’action des avions bombardiers d’eau au profit de l’ensemble des habitants et des massifs forestiers soumis au risque de feux de forêts.

L’essentiel du travail reste cependant devant nous. À l’occasion de cette opération de relocalisation, l’État employeur sera particulièrement attentif à l’accompagnement des personnels – ces derniers ont été reçus hier par mon cabinet – ainsi qu’à celui de leurs familles. Alors que certains personnels de la base résident d’ores et déjà dans le Gard, la plupart d’entre eux ont installé leur résidence dans un rayon de quarante kilomètres autour de Marignane.

Comme pour toute opération importante de restructuration de services, je serai tout particulièrement attentif à l’accompagnement des agents qui feront le choix de suivre la BASC à Nîmes. J’espère d’ailleurs qu’ils seront nombreux. Des aides financières seront attribuées, qui devront être complétées avec le concours des collectivités locales pour faciliter l’installation des familles. À cet égard, je ne doute pas un instant de votre soutien, de celui du département et de celui des autres collectivités locales.

En outre, ce projet n’aboutira qu’avec le soutien de l’ensemble des acteurs du territoire gardois : collectivités territoriales – je sais que leur soutien est acquis –, chambres consulaires, syndicat mixte.

Le calendrier prévisionnel de conduite du projet d’installation sur la plateforme de Nîmes-Garons prévoit un déménagement à l’horizon 2016, après la saison estivale.

Les trois prochaines années seront mises à profit pour établir les plans du futur site – bâtiments aéronautiques et tertiaires, installations aéronautiques –, lancer les procédures d’appel d’offres et conduire les travaux.

Je donnerai dans les prochaines semaines des détails supplémentaires sur les conditions de mise en œuvre et de pilotage de ce projet auquel, monsieur le sénateur-maire et président du syndicat mixte, vous serez évidemment étroitement associé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, je suis ce dossier depuis très longtemps. Je me réjouis de cette décision, de ce choix, qui est important non seulement pour Nîmes, mais également pour le département du Gard.

Mes collègues du conseil général et de l’agglomération d’Alès et moi-même sommes prêts à recevoir et à accompagner les familles qui souhaiteront s’installer dans notre région. Nous le ferons avec plaisir.

Pareillement, monsieur le ministre, c’est avec le même plaisir que, si vous le souhaitez, je vous ferai visiter ces installations.

avenir du centre de détention de melun

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, auteur de la question n° 240, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, le maire de Melun a écrit le 20 octobre 2012 un courrier à Mme la garde des sceaux portant sur la question du devenir du centre de détention de Melun, préfecture de Seine-et-Marne et ville dont je suis élue. Il n’a pas encore reçu de réponse à ce jour. C’est pourquoi je souhaiterais interroger le Gouvernement sur ses intentions précises quant à l’avenir de ce centre. Ce dossier est essentiel pour l’attractivité notamment économique, universitaire et touristique de Melun et de son agglomération.

Situé au cœur de l’île Saint-Étienne, berceau historique de la ville, l’actuel centre de détention fut d’abord un couvent, transformé en 1808 en prison pour devenir l’une des premières maisons centrales en France.

Des travaux importants ont été réalisés entre 1859 et 1863 afin de reconstruire la quasi-totalité des bâtiments. Depuis lors, la configuration de l’ensemble n’a guère changé.

Ce constat avait amené l’État, par la voix du précédent garde des sceaux, à annoncer la fermeture en 2016 de la prison de Melun dans le cadre de la fermeture des établissements pénitentiaires les plus vétustes de France.

Les élus de Melun, ainsi que ceux de l’agglomération, s’étaient unanimement félicités de cette décision qui allait ouvrir de nouvelles perspectives pour cette partie de l’île Saint-Étienne, dont la vocation est de devenir le cœur culturel, universitaire et touristique de la préfecture de Seine-et-Marne.

Or des informations allant dans le sens contraire de la fermeture de la prison ont été diffusées et provoquent notre inquiétude, car nous avions déjà mené une réflexion sur le devenir des bâtiments actuellement occupés par la prison.

C’est dans cet état d’esprit qu’avait été confié, en 2011, à l’École d’architecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée le soin de proposer un projet de réaménagement de cette partie de l’île Saint-Étienne, et ce dans le cadre de l’élaboration du plan local d’urbanisme de Melun, qui sera approuvé au cours de cette année 2013.

Afin que la réflexion engagée se poursuive sereinement et concrètement, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter votre éclairage sur ce dossier important, qui met en jeu l’attractivité du territoire melunais et les potentialités de développement, notamment universitaire, portés par la communauté d’agglomération Melun Val-de-Seine.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à vous exprimer les regrets de Mme la garde des sceaux, qui ne peut être présente en cet instant et m’a chargé de vous transmettre sa réponse. Mais le hasard fait que je connais bien votre territoire, ainsi que la nature des projets portés tant par la ville que par l’agglomération.

Vous avez interrogé Mme la garde des sceaux sur l’avenir du centre de détention de Melun, dont vous souhaitez la fermeture afin d’y construire une infrastructure à vocation différente. Cet établissement, doté d’une capacité théorique de 310 places réparties sur 310 cellules, héberge 289 personnes détenues, soit un taux d’occupation de 93,8 % en cellule individuelle.

Le précédent gouvernement avait en effet envisagé la construction de trois nouveaux grands établissements en Île-de-France et avait indiqué que, dans cette perspective, le centre de Melun pourrait être fermé à terme. Néanmoins, aucun financement n’était programmé à cette fin et les terrains restaient à trouver.

Le gouvernement actuel entend, quant à lui, concentrer les moyens d’investissement pénitentiaire sur la rénovation des établissements les plus dégradés plutôt que sur la construction de nouveaux établissements au nombre de places démesuré.

Je vais maintenant vous indiquer clairement les raisons pour lesquelles la fermeture du centre pénitentiaire de Melun ne paraît pas opportune.

Premièrement, afin d’améliorer les conditions de détention au sein de ce centre, l’établissement fait l’objet de travaux réguliers d’entretien et de maintenance. Ainsi, depuis 1999, 2,5 millions d’euros ont été investis sur le site.

Certes, le maintien durable de cet établissement va nécessiter des travaux de mise aux normes. C’est pourquoi Mme la garde des sceaux a demandé à ses services d’en évaluer le coût ainsi que la faisabilité.

Deuxièmement, l’établissement est exemplaire en matière de travail pénitentiaire, activité qui occupe d’ailleurs une place majeure dans l’organisation du site.

Troisièmement, l’établissement fonctionne également très bien sur le plan de la prise en charge des personnes détenues. La bonne articulation de l’intervention des personnels de surveillance et de direction, des personnels administratifs, du service pénitentiaire d’insertion et de probation, de l’Unité de consultation et des soins ambulants ainsi que des autorités extérieures, l’autorité judiciaire en particulier, favorise la qualité de l’accompagnement en détention et la préparation de la sortie, notamment dans le cadre des aménagements de peine, dont le nombre est relativement important.

Quatrièmement, enfin, au sein de l’établissement, les relations entre les différents intervenants sont particulièrement bonnes et participent à la qualité de la prise en charge.

S’agissant d’un établissement qui n’est pas surpeuplé et qui dispose de cellules individuelles non vétustes, offrant donc des conditions de réinsertion professionnelle reconnues par tous, il n’y a pas de raison, du point de vue pénitentiaire, de le fermer, même si le Gouvernement peut entendre le souhait légitime des élus locaux de récupérer le site.

Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, la fermeture du centre pénitentiaire de Melun n’est pas envisagée par Mme la garde des sceaux, ni à court ni à moyen terme.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de cette réponse. Je comprends fort bien les arguments que vous avez développés. Il est vrai que cet établissement, qui a été entretenu, est exemplaire. Les détenus peuvent y travailler dans des ateliers prévus à cet effet. Toutefois, vous devez aussi comprendre, monsieur le ministre, puisque vous connaissez notre territoire, que cet établissement occupe trois hectares dans le centre-ville et que, de nos jours, l’emplacement pourrait être dévolu à d’autres activités. Nous ne pouvons donc que regretter la non-fermeture de cet établissement.

Mme la présidente. Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de Mme la garde des sceaux, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

conditions de sortie des personnes détenues bénéficiant d'une mesure d’aménagement de peine sous écrou

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud, auteur de la question n° 266, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Aline Archimbaud. Madame la garde des sceaux, je souhaitais attirer votre attention sur les conditions de sortie des personnes détenues bénéficiant d’une mesure d’aménagement de peine sous écrou – semi-liberté, placement à l’extérieur ou sous surveillance électronique.

Ces détenus, contrairement aux personnes libérées définitivement ou bénéficiant d’une mesure de libération conditionnelle, n’ont pas le droit de récupérer à leur sortie les sommes figurant sur leur compte nominatif en prison.

Ce compte est en effet divisé en trois parts : premièrement, la part dévolue à l’indemnisation des parties civiles ; deuxièmement, la « part disponible » laissée à la disposition du détenu pendant l’incarcération ; troisièmement, le « pécule de libération », somme bloquée jusqu’à la levée d’écrou.

Ce compte n’est liquidé qu’à la fin de l’exécution de la mesure d’aménagement, et les personnes qui en bénéficient ne peuvent accéder à l’intégralité des fonds de la part disponible avant ce terme.

L’article D. 122 du code de procédure pénale donne d’ailleurs pouvoir au chef d’établissement de déterminer le montant laissé à la disposition de la personne pour faire face à ses besoins à l’extérieur : « Le chef de l’établissement apprécie, au moment de la sortie des intéressés, l’importance de la somme qui doit leur être remise, par prélèvement sur leur part disponible […] ».

Or, selon les constats de l’Observatoire international des prisons, les sommes remises à la sortie des personnes bénéficiant d’aménagements de peine sous écrou sont souvent insuffisantes au vu de leurs besoins.

Ainsi, par exemple, en avril dernier, une personne placée sous surveillance électronique est sortie de la prison d’Annœullin avec 30 euros en poche, alors qu’elle disposait de 1 300 euros sur sa part disponible, somme acquise grâce à son travail en prison.

L’absence de ressources suffisantes pour « reprendre pied » à la sortie est dramatique.

La précarité de la condition de sortie est, en outre, souvent renforcée par un manque de préparation à la sortie. Comme l’a relevé le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son dernier rapport d’activité, le renouvellement des pièces d’identité n’est pas systématiquement organisé. De nombreuses personnes détenues sortent dès lors sans justificatif d’identité. Or il s’agit d’un préalable indispensable à de nombreuses démarches administratives : sans compte bancaire, il est impossible, par exemple, de contracter un abonnement mensuel de transport pour se rendre à Pôle emploi ou au travail.

Face à cette situation, madame la garde des sceaux, entendez-vous modifier l’article D. 122 du code de procédure pénale afin que les personnes sortant en aménagement de peine sous écrou puissent systématiquement bénéficier de l’intégralité des fonds relevant de leur part disponible ? Je suggère par ailleurs de leur permettre également de bénéficier des fonds figurant sur leur « pécule de libération », car il apparaît absurde et contre-productif, en termes de prévention de la récidive, d’attendre la fin de la mesure pour le leur remettre.

Enfin, je souhaiterais connaître votre position, madame la garde des sceaux, concernant la recommandation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’instaurer un recensement des documents d’identité des personnes détenues, avec mention de leur date de validité, afin que leur renouvellement soit systématiquement organisé en détention par les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d’être présente pour répondre aux questions de nos collègues Aline Archimbaud et de Jean-Jacques Hyest, malgré un emploi de temps extrêmement chargé ce matin.

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir excuser mon retard ce matin, dû à une réunion avec le Premier ministre prévue de longue date. Nous avons des difficultés à faire coïncider nos agendas, mais, compte tenu de la diversité et de la lourdeur des dossiers relatifs à la justice en ce moment, nous nous sommes permis de maintenir ce rendez-vous. Encore une fois, mille pardons pour ce retard.

Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la possibilité, pour les personnes détenues bénéficiant d’une mesure d’aménagement de peine, de disposer, d’une part, de l’intégralité des fonds de leur part disponible, et éventuellement, d’autre part, de leur pécule de libération.

Aux termes de l’article 728-1 du code de procédure pénale, les valeurs pécuniaires des détenus, inscrites sur un compte nominatif ouvert à l’établissement pénitentiaire, sont réparties en trois parts : une première part sur laquelle seules les parties civiles et les créanciers d’aliments peuvent faire valoir leurs droits ; une deuxième, laissée à la disposition de la personne détenue ; enfin, le pécule de libération.

Pour ce qui est de la part disponible du compte de la personne détenue, l’article D. 122 du code précité prévoit que les personnes condamnées bénéficiant d’une mesure d’aménagement de peine sous écrou peuvent en disposer d’une partie.

Madame la sénatrice, je vous remercie de cette alerte. Ayant examiné la situation avec attention, je ne vois aucune raison de principe permettant de s’opposer à ce que la personne puisse disposer de l’intégralité de la part disponible de son compte. J’entends donc donner très prochainement des instructions pour que cette pratique soit effective, sous réserve des restrictions de l’article 22 de la loi pénitentiaire liées à la prévention de la récidive, notamment la protection de l’intérêt des victimes.

S’agissant du pécule de libération, je serai un peu plus prudente. J’ai demandé à l’administration pénitentiaire de me présenter une analyse précise des risques éventuels d’une modification du décret en vigueur. Je consulterai également d’autres personnalités sur le sujet avant de prendre une décision. Vous en serez avisée dès que mes idées seront arrêtées en la matière.

Le second problème que vous soulevez dans votre question, et qui concerne les documents d’identité, a été signalé par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2011.

J’ai donné des instructions, par une circulaire du 23 octobre 2012, afin qu’une attention particulière soit portée à la demande et à la délivrance de la carte d’identité aux personnes détenues, ainsi qu’à son renouvellement. Par exemple, sur signalement possible du greffe de l’établissement, le service pénitentiaire d’insertion et de probation peut vérifier que, y compris en permission temporaire, les détenus disposent bien, s’ils le demandent, de leurs papiers d’identité.

Pour le reste, l’administration pénitentiaire a l’obligation d’être vigilante sur l’état de ces documents d’identité et de faire en sorte que les personnes détenues dont la libération est prévue dans un délai de six mois disposent bien d’une carte nationale d’identité en cours de validité ou, qu’à défaut, la procédure de renouvellement est en cours.

Par ailleurs, j’ai également donné des consignes concernant les passeports et les titres de séjour afin que le nécessaire soit fait pour que les détenus puissent en disposer.

Madame la sénatrice, je vous remercie tout particulièrement d’avoir posé ces questions et je remercie de manière plus générale toutes celles et tous ceux ici qui, bien que de sensibilités diverses, avec constance se préoccupent de la situation au sein de nos établissements pénitentiaires et de l’effectivité des dispositions que nous prenons, toujours dans le souci d’améliorer la prévention de la récidive et de faire en sorte que les personnes détenues passent un temps utile en prison et parviennent à se réinsérer dans la société dans les meilleures conditions possibles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la garde des sceaux, je tiens tout d’abord à vous remercier d’être présente ce matin, en dépit d’un emploi du temps que nous savons très chargé.

Je vous sais gré également de votre réponse et des décisions tout à fait encourageantes que vous avez déjà prises. Votre démarche va dans le sens de ma préoccupation, car je vous ai posé ces questions afin que la prévention de la récidive soit favorisée à l’aune des dispositions prises en faveur de la réinsertion, les deux étant fortement liées.

L’ancien gouvernement n’avait pas adopté une telle position : seule la prévention de la récidive était prise en compte et aucun objectif de réinsertion n’était fixé.

Cette question du pécule de sortie et des documents d’identité des détenus, comme l’accès à la formation et à l’emploi ou les moyens donnés aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, entre autres, vont dans le même sens.

données du ministère de la justice sur le pacte civil de solidarité

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la question n° 238, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la garde des sceaux, je tiens à vous remercier à mon tour d’être présente ce matin au Sénat, malgré votre emploi du temps extrêmement chargé.

Je souhaiterais que vous nous donniez des informations sur les statistiques détenues par le ministère de la justice relatives au pacte civil de solidarité.

En effet, si ce pacte avait été initialement prévu pour les couples homosexuels, au fil des années, et sans doute en raison des modifications qui y ont été apportées, notamment en matière de droit civil, de nombreux couples hétérosexuels se sont engagés dans cette voie.

Je souhaiterais savoir combien de personnes, depuis la création du PACS, ont fait le choix d’en contracter un, quelle est la proportion des couples hétérosexuels et homosexuels, et quelle est la durée moyenne de ces engagements dans les deux types d’union.

Plus précisément, je souhaiterais obtenir le pourcentage de PACS rompus pour mariage, et de ceux qui le sont pour cause de séparation chez les hétérosexuels.

Enfin, madame la garde des sceaux, j’aimerais connaître le pourcentage de rupture de cet engagement chez les personnes de même sexe. Je vous remercie par avance de votre réponse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les données statistiques relatives au pacte civil de solidarité, et plus précisément sur le nombre de contrats qui ont été conclus dans ce cadre, sur leur durée moyenne, sur le sexe des partenaires et les motifs de rupture.

Permettez-moi de vous dire, monsieur Hyest, que si je ne connaissais pas votre rigueur juridique et la constance avec laquelle vous travaillez sur des questions sociétales notamment, qui sont pour moi autant de garanties, je trouverais la démarche quelque peu intrusive. (M. Jean-Jacques Hyest s’étonne.)

Je tiens néanmoins à vous remercier de cette question, car elle nous donne l’occasion de nous rappeler que, voilà une quinzaine d’années, lorsque le pacte civil de solidarité a été débattu et voté, il avait suscité des inquiétudes très vives, suivies de déclarations extrêmes, parfois même extrémistes.

Aujourd’hui, ce pacte civil de solidarité est totalement installé dans notre droit ainsi que dans notre société. Votre question, monsieur le sénateur, nous permettra de constater, à partir des chiffres, l’évolution de ce contrat et, surtout, l’adhésion des couples français au PACS.

En 2000, 22 276 PACS ont été enregistrés. Onze ans plus tard, en 2011, on en totalise 1 055 192. Nous ne disposons pas encore des chiffres pour l’année 2012, mais cela ne saurait tarder.

Je ne cite que les chiffres disponibles pour le ministère de la justice, car depuis la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, vous le savez, les notaires, lorsqu’ils rédigent la convention de PACS, procèdent eux-mêmes à l’enregistrement de ce contrat. Les statistiques des notaires pour l’année 2012 ne seront disponibles qu’à la fin de 2013.

En ce qui concerne la durée moyenne d’un PACS, elle était, en 2011, de 32,7 mois – les décimales ne veulent rien dire, mais c’est l’absurdité des statistiques ! –, contre 27,8 mois en 2007, sans qu’une différence substantielle selon la composition du couple ait pu être relevée : 32,7 mois pour les couples hétérosexuels et 32,6 mois pour les couples de même sexe.

S’agissant de la proportion respective de couples hétérosexuels et de couples homosexuels, on estime que, en 1999, 42 % des couples étaient constitués de partenaires de même sexe, alors qu’en 2011 cette proportion est de 4,7 %. Cela signifie que 95 % des PACS sont conclus par des personnes de sexes différents.

On peut relever que, de façon générale, les couples d’hommes ont plus recours au PACS que les couples de femmes : environ deux tiers des couples de même sexe ayant conclu un PACS sont des couples d’hommes.

J’en arrive à la dissolution du PACS et à ses motifs. C’est sur cet aspect que j’ai évoqué le caractère peut-être intrusif de votre question, monsieur le sénateur, car nous ne nous sentons pas autorisés à nous interroger sur les raisons pour lesquelles les couples mariés, par exemple, divorcent.

Nous disposons toutefois de quelques données : en 2011, 42 176 PACS ont été dissous et 144 000 déclarations enregistrées.

Pour les couples hétérosexuels, la dissolution est intervenue à la suite de l’accord commun des partenaires ou sur décision unilatérale de l’un ou de l’autre – comme cela se passe habituellement – dans plus de 55 % des cas, et dans 40 % des cas pour cause de mariage, mais parfois avec une autre personne…Mais, après tout, c’est aussi une liberté dans notre société que de pouvoir quitter un partenaire pour convoler avec un autre !

Pour les couples homosexuels, qui n’ont pas encore accès au mariage, toutes les ruptures sont définitives. La situation va probablement évoluer dans les prochaines années, puisque, normalement, les assemblées parlementaires devraient adopter prochainement le projet de loi relatif au mariage et à l’adoption que le Gouvernement s’apprête à présenter.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Pour ce qui concerne l’avenir, nous allons débattre de cette question au cours des prochaines semaines, et peut-être même au cours des prochains mois !

circulaire sur la prestation de service unique

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 188, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Bernard Piras. Madame la ministre, je souhaitais attirer votre attention sur les grandes difficultés financières des communes, contraintes d’appliquer la nouvelle circulaire n° 2011-105 du 29 juin 2011, signée entre la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et l’État, relative à la prestation de service unique d’accueil du jeune enfant, qui impose aux collectivités ou aux établissements publics disposant de structures d’accueil pour les petits enfants de fournir l’intégralité des repas ainsi que le nécessaire de toilette – dont les couches – à chaque enfant accueilli en halte-garderie ou en jardin d’enfants.

Cette nouvelle circulaire emporte de lourdes conséquences financières pour les communes – coûts des fournitures et dépenses d’investissement liées à la construction de lieux de stockage. Il semble également difficile d’organiser techniquement ce nouveau mode de gestion, en particulier dans les micro-crèches, en raison de l’exiguïté des locaux.

Dans cette période budgétaire contrainte, ces nouvelles modalités vont obliger les communes à surseoir à la création de nouveaux équipements et services pourtant essentiels. Une fois de plus, les communes sont obligées de dépenser, alors que les édiles ont de plus en plus de mal à faire face à ce surcroît de charges.

Je vous demande donc de bien vouloir m’indiquer si vous entendez prendre en considération les conséquences de cette circulaire et mettre en œuvre les mesures qui s’imposent.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, vous souhaitez savoir comment le ministère des affaires sociales et de la santé compte appliquer la lettre-circulaire du 29 juin 2011, relative à la prestation de service unique, la PSU.

Cette circulaire rappelle que, pour bénéficier de cette prestation, les crèches doivent appliquer le barème des participations fixé par la CNAF, lequel couvre la prise en charge de l’enfant pendant son temps de présence dans la structure, y compris les repas et les soins d’hygiène.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, a déjà eu l’occasion de le rappeler, notamment devant le Congrès des maires, cette prestation correspond à une prise en charge par la branche famille, à hauteur de 66 %, du prix de revient horaire d’un établissement d’accueil pour un jeune enfant. Cela signifie que la CNAF assume, à hauteur de 66 %, ce que la prise en charge d’un enfant coûte à la structure collective.

En échange de cette participation, la CNAF tient à ce que certaines règles soient observées. Elle exige notamment que la couverture de l’enfant soit intégralement assurée. Pour parler très concrètement, il faut que, pendant le temps de présence de l’enfant, la crèche fournisse, en particulier, les repas et les couches.

C’est au nom de l’équité, de la mixité sociale, de la bonne gestion, au nom de l’égalité territoriale et sociale aussi, que ces règles doivent être appliquées dans les mêmes conditions partout sur notre territoire. Nous ne pouvons pas admettre que certains services et certaines prises en charge soient assurés dans tel endroit et non dans tel autre.

Je comprends parfaitement votre préoccupation, qui est de ne pas mettre en difficulté les structures d’accueil de jeunes enfants, et le Gouvernement la fait sienne. Toutefois, nous ne pouvons pas reporter les difficultés sur les parents. Or c’est ce qui arrive lorsque des structures n’accordent pas leur soutien à la prise en charge des frais relatifs à l’hygiène ou aux repas.

Face à ces difficultés, dont nous avons pleinement conscience, Dominique Bertinotti a demandé à la CNAF de réaliser une enquête pour comprendre pourquoi certaines structures se heurtent à des difficultés, et pour identifier les obstacles auxquels certains territoires sont plus confrontés que d’autres. De son côté, l’Association des maires de France a également lancé une enquête.

Le Gouvernement est prêt à accorder un délai supplémentaire aux structures qui ne respectent pas encore les règles applicables, afin de leur laisser le temps de la concertation et de permettre qu’une démarche positive soit engagée.

J’ajoute à ce titre que la négociation de la prochaine convention d’objectifs et de moyens de la branche famille sera, pour le Gouvernement, l’occasion de réaffirmer ses objectifs en matière d’accueil de la petite enfance. Cette négociation doit constituer le cadre naturel d’une réflexion sur la PSU, qui constitue l’un des éléments de cette politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Madame la ministre, je tiens à apporter quelques éléments complémentaires.

Si nous sommes sollicités par différentes communes sur ce sujet, c’est parce que les surcoûts financiers de 33 % qui demeureront à leur charge se combinent à tout ce que les gouvernements précédents leur ont enlevé depuis 2002. Je n’énumérerai pas les différentes mesures : les collectivités territoriales n’ont plus d’autonomie financière, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle, et les dotations de l’État, auparavant réduites, semblent désormais stagner. Bref, les collectivités vont subir un véritable effet de ciseaux. Certaines d’entre elles s’en sortiront, mais, pour d’autres, notamment les plus modestes, la situation est assez délicate.

S’ajoute à cela un autre problème, qui n’est pas d’ordre financier. Certains parents, qui ne peuvent inscrire leurs enfants en crèche faute de places disponibles, protestent et s’interrogent : « Pourquoi pas nous ? Pourquoi ne bénéficierions-nous pas, nous aussi, des couches et des repas ? »

Bref, la situation née des différents modes de garde d’enfants dans notre société suscite un certain nombre de questions, et un sentiment d’injustice chez certaines familles.

sortir les laboratoires publics départementaux de la concurrence

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 214, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, dans son article 52, a signé la programmation de l’arrêt de mort de nombreux laboratoires publics départementaux au profit du développement croissant de véritables monopoles privés.

Certains établissements publics résistent encore, comme dans le département d’Indre-et-Loire, mais souffrent du contenu de ce texte, qui impose la passation de marchés pour la réalisation des contrôles obligatoires. C’est là, au nom de la concurrence dite « libre et non faussée », la conséquence directe d’une transposition abusive d’une directive européenne.

De nombreux pays européens ont fait le choix de ne pas livrer aux laboratoires privés un secteur aussi sensible, lié à la protection de la santé de leurs citoyens. La France est le seul pays à procéder de la sorte en Europe pour le contrôle de la qualité des eaux fournies aux consommateurs.

Ainsi, en instaurant via cet article l’agrément automatisé des laboratoires, la porte a été ouverte pour que puissent s’engouffrer deux laboratoires privés, qui font actuellement la loi sur le marché.

Les laboratoires publics ont pour mission d’assurer un service de proximité et de qualité. La loi sur l’eau, en prônant la concurrence, a imposé d’autres critères relevant des recettes de l’entreprise privée, comme la rationalisation, la compression des coûts ou la compétitivité. La course au profit et à la productivité remplace ainsi l’objectif essentiel de santé publique, fondé sur un travail scientifique de qualité. À mes yeux, ces méthodes sont aux antipodes de l’exigence d’esprit critique que doivent observer les analystes.

Le dumping devient une méthode utilisée couramment. Dans notre département d’Indre-et-Loire, les concurrents privés baissent volontairement les prix du marché pour mettre en difficulté les laboratoires publics jusqu’à un effondrement des tarifs : par rapport au tarif historiquement fixé par le ministère de la santé, cet effondrement s’établit, pour le premier des deux laboratoires concernés, CARSO, à 75 %, et pour le second, Eurofins, à 81 %. Ces derniers souhaiteraient voir disparaître le laboratoire de Touraine, qui résiste encore grâce à la volonté politique du conseil général et maintient un outil performant et indépendant capable d’assurer le contrôle de la salubrité des eaux.

La situation créée au niveau national est inquiétante, puisque de nombreux laboratoires publics disparaissent et que d’autres sont exposés à des difficultés financières les mettant en position de fragilité, au profit des deux grands laboratoires que je viens de citer.

Les salariés sont inquiets, et leurs représentants m’ont alertée. Des associations qui regroupent les directeurs et cadres des laboratoires publics départementaux lancent un véritable cri d’alarme quant aux contrôles de la qualité de l’eau.

Il est inacceptable que les laboratoires privés bénéficient, parallèlement, d’argent public et mettent ainsi en difficulté les laboratoires publics en les contraignant à aligner leurs tarifs. La société CARSO, acteur majeur de ce dumping commercial, a obtenu en 2010, pour financer son développement, 20 millions d’euros au titre du Fonds stratégique d’investissement, détenu à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 49 % par l’État. Il faut mettre un terme à ces pratiques !

À cette fin, madame la ministre, je vous propose que soit amendée la loi sur l’eau, tout particulièrement l’article L. 1321-5 du code de la santé publique, où il est fait mention du processus de choix des laboratoires.

À l’heure actuelle, aux termes de cet article, l’État « est chargé de l’organisation du contrôle sanitaire des eaux. » On pourrait ajouter : « Il conclut à cet effet, avec un ou des laboratoires agréés, le marché nécessaire. Il est la personne responsable du marché. »

Je vous propose également d’abroger, dans les plus brefs délais, l’arrêté du 9 novembre 2011 portant modalités d’agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques au titre du code de l’environnement.

En effet, il est urgent de confier aux seuls laboratoires publics départementaux agréés et accrédités par le COFRAC les analyses relatives aux contrôles officiels d’alimentation – pour les eaux brutes comme pour les eaux traitées – et des eaux de loisirs dans le cadre d’un service public.

De surcroît, en inscrivant les missions assurées par les laboratoires départementaux, qui pourraient se coordonner à l’échelle régionale, dans les compétences des conseils généraux, il serait possible de consolider le maillage territorial sanitaire français.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice, le suivi sanitaire de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine est évidemment tout à fait essentiel. En tant que ministre des affaires sociales et de la santé, je ne peux que faire mienne votre préoccupation et affirmer avec force que nous devons mettre en œuvre des procédures garantissant à nos concitoyens la qualité de l’eau qu’ils consomment.

À l’heure actuelle, ce suivi est réalisé par les agences régionales de santé, les ARS. Je le rappelle, dans le cadre des procédures en cours, notre pays est l’un de ceux dans lesquels l’eau destinée à la consommation humaine est l’un des aliments les plus contrôlés.

Même si les eaux des piscines et des baignades n’étaient pas incluses dans votre question, je rappelle qu’elles font également l’objet d’un suivi sanitaire tout à fait régulier.

Il s’agit là d’un droit fondamental de nos concitoyens. Pour faire respecter cette exigence quant à la qualité de l’eau, nous nous appuyons sur un réseau de laboratoires agréés. Dans votre département d’Indre-et-Loire, qui est aussi le mien, ces laboratoires sont au nombre de deux : ils peuvent réaliser les prélèvements ou les analyses des paramètres du contrôle sanitaire.

Ces agréments et ces contrôles s’inscrivent dans un cadre juridique fixé depuis maintenant plus de dix ans, depuis 2001, et qui a abouti à la réorganisation des modalités d’activité, de prélèvement et d’analyse du contrôle sanitaire des eaux. La politique menée en la matière est également déterminée au niveau européen.

Les prestations de prélèvements et d’analyses ainsi accomplies sont soumises au code des marchés publics, nécessitant une procédure de passation du marché. Dans le cadre juridique existant, il n’est donc pas possible, au regard de nos obligations communautaires, de revenir à la situation antérieure, qui faisait des laboratoires publics départementaux les seuls habilités à réaliser l’analyse sanitaire des eaux.

Je le répète, nous ne sommes pas en situation de rétablir aujourd’hui le monopole dont disposaient ces laboratoires publics départementaux, au regard des obligations juridiques européennes qui nous incombent.

Pour autant, et vous l’avez souligné, madame la sénatrice, la question du devenir des laboratoires publics départementaux est posée. Ils sont confrontés, c’est vrai, à une concurrence difficile, mais je veux vous assurer de ma volonté de faire en sorte que ces structures aient les moyens d’être davantage renforcées.

Comme vous, je suis particulièrement sensible à la situation du laboratoire de Touraine, dont nous connaissons l’excellence des travaux et la grande qualité des analyses. Je veux, d’ailleurs, rendre hommage à ses personnels. Ils permettent à notre département de s’enorgueillir de disposer de moyens d’analyse des prélèvements, et pas seulement de l’eau, d’une très grande qualité.

Ces structures départementales, je veux le redire, jouent un rôle clé dans la protection des consommateurs, mais aussi dans l’accompagnement des agriculteurs. Nous savons, dans notre département, madame la sénatrice, le rôle important que joue ce laboratoire. En matière d’hygiène alimentaire comme de santé animale, le département bénéficie d’un instrument particulièrement adapté.

L’objectif est donc de renforcer ces structures, dans le cadre des obligations réglementaires. En ce qui concerne le laboratoire de Touraine, nous devons aller plus loin dans l’exploration des possibilités de mutualisation au niveau régional. En effet, l’une de ses faiblesses, commune à d’autres laboratoires départementaux, réside sans doute dans sa petite taille, insuffisante comparée à celle d’autres structures.

Je sais que c’est le sens du travail mené aujourd’hui par le conseil général de l’Indre-et-Loire. Il répond aux préoccupations du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, vous avez fait allusion aux directives européennes. Je voudrais rappeler que tous les pays européens n’ont pas fait le même choix que la France dans la loi de 2006, certains ayant préféré contractualiser avec leurs laboratoires publics pour assurer la sécurité de l’eau. C’est pour cette raison que j’aimerais que vous approfondissiez la question.

En outre, je suis très inquiète de constater que, dans le cadre du dernier appel d’offres auquel le laboratoire de Touraine a répondu sans être retenu, l’ARS du Centre semble avoir retenu le laboratoire privé Eurofins, alors même que votre ministère avait alerté l’ensemble des ARS en octobre 2012, à propos du non-respect par Eurofins d’un certain nombre de règles, notamment des obligations du cahier des charges sur la base duquel il avait pourtant construit sa réponse.

Je crois donc qu’un travail de fond est vraiment nécessaire quant à la qualité des réponses de ces laboratoires privés, qui baissent considérablement leurs tarifs pour fragiliser les candidatures des laboratoires régionaux. Pour reprendre notre exemple, le laboratoire de Touraine a pourtant formulé d’excellentes propositions en réponse à l’appel d’offres, puisque l’ARS s’était même étonnée de la faiblesse des prix proposés. Elle était tout simplement due à la proximité du laboratoire qui pouvait ainsi proposer des prix plus bas que d’autres, contraints à de longs déplacements.

Je souhaiterais vraiment qu’un travail d’investigation plus approfondi soit mené. Je peux comprendre que votre réponse n’ait pas ce niveau de précision – il n’est pas toujours facile de se lancer dans une investigation détaillée -, mais je sais aussi que le conseil général a formé un recours contre la décision de l’ARS. J’en ignore encore l’issue, qui connaîtra sans doute du retard en raison de la proximité de la période de Noël.

fracture sanitaire

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, auteur de la question n° 219, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Yvon Collin. Madame la ministre, je souhaitais attirer votre attention sur le problème de la fracture sanitaire, en particulier celle qui frappe les territoires ruraux.

En effet, l’accès aux soins devient de plus en plus inégalitaire selon le lieu de résidence. La conjugaison de deux difficultés qui vous sont bien connues, une répartition démographique des médecins non homogènes et des dépassements d’honoraires trop souvent excessifs, conduit à priver un grand nombre de nos concitoyens du droit fondamental de se soigner.

Si les médecins généralistes restent encore relativement bien répartis, les spécialistes, eux, sont en nombre insuffisant dans certaines zones et les dépassements d’honoraires, même modestes, pratiqués par certains d’entre eux sont un obstacle pour les patients les plus démunis et les plus défavorisés.

Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, le pourcentage de la population vivant dans un désert médical ophtalmologique passe de 11 % à 68 % pour ceux qui ne peuvent financièrement accéder qu’à un ophtalmologiste aux tarifs de la sécurité sociale. Il faut aujourd’hui cinq mois d’attente pour obtenir un rendez-vous !

Cette fracture sanitaire ignore la segmentation ville/campagne, et certains assurés se retrouvent dans des déserts médicaux du seul fait de leurs faibles capacités financières. C’est par exemple le cas dans la ville de Montauban, qui compte tout de même 60 000 habitants.

Cette situation m’inquiète d’autant plus que l’on légifère depuis bien longtemps contre les déserts médicaux. Il faut reconnaître que les gouvernements successifs se sont attelés à la tâche, mais avec des succès mitigés. De loi d’aménagement du territoire en loi de financement de la sécurité sociale, de nombreuses mesures d’incitation ont été adoptées : prime à l’installation, majoration des honoraires versés par l’assurance maladie, mise à disposition de logements, dérogation aux parcours de soins pour les patients des zones sous-médicalisées, et bien d’autres dispositifs encore. Malheureusement, toutes ces mesures n’ont pas encore réussi à corriger la fracture territoriale.

S’agissant de la question plus délicate des dépassements d’honoraires, je dois dire, madame la ministre, que vous avez fait preuve d’un certain courage, voire d’un courage certain ! Cet aspect avait plutôt été délaissé, et je salue votre détermination, qui a abouti à un accord avec les professionnels de santé et la caisse d’assurance maladie. J’espère que les résultats seront à la hauteur de vos espérances.

Poursuivant dans votre volonté d’améliorer l’accès aux soins de tous, vous avez présenté au cours du mois de décembre dernier le pacte « territoire-santé ». Parmi les douze engagements que vous avez pris, je souhaite connaître le détail de vos propositions concernant les territoires qui, sans être isolés, constituent néanmoins des déserts médicaux pour les patients aux ressources modestes.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, l’expression « déserts médicaux » recouvre désormais des situations très diverses. Elle renvoie aussi bien à des territoires isolés, où les médecins qui sont partis en retraite ou s’apprêtent à le faire peinent à trouver un remplaçant, ou à des territoires urbains, en situation difficile ou non, dans lesquels l’accès à un spécialiste, notamment, prend beaucoup de temps et se heurte à des obstacles financiers.

Je crois qu’il est important de rappeler que nous devons organiser notre système de santé de manière à pouvoir lutter contre les inégalités financières, sociales et territoriales pour l’accès aux soins. La dimension financière est trop souvent oubliée lorsque l’on évoque les déserts médicaux et je vous remercie de l’avoir rappelée.

Nous avons souhaité mettre un coup d’arrêt à ces dérives qui avaient pris de l’ampleur au cours des dernières années avec la multiplication des déremboursements et des franchises, et l’augmentation des dépassements d’honoraires. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ne comporte donc aucun déremboursement ni aucune franchise nouvelle. Nous ne faisons pas peser l’effort sur nos concitoyens.

Sur les dépassements d’honoraires, vous l’avez souligné, le Gouvernement s’est engagé fortement et la signature de l’avenant n° 8 à la convention médicale constitue un progrès décisif. Je suivrai son application avec détermination dans chacun de nos départements.

Pour ce qui est de la dimension géographique des déserts médicaux, nous devons nous mobiliser, parce que les décisions prises dans le passé ont été éparses et n’ont pas été portées dans les territoires par les acteurs locaux, alors même que les élus sont, eux, fortement impliqués. Je veux d’ailleurs souligner leur volonté et leur engagement.

Ce n’est donc pas par une seule mesure que nous parviendrons à lutter contre les déserts médicaux, phénomène dont les causes sont multiples. C’est la raison pour laquelle le pacte « territoire-santé » que j’ai annoncé contient toute une série de dispositifs qui concernent à la fois les conditions d’études des futurs médecins, les conditions de réalisation de stages et les conditions d’accompagnement des jeunes professionnels lorsqu’ils vont dans des territoires souffrant d’un manque de médecins.

Mais on peut y trouver aussi des dispositifs en direction de secteurs géographiques qui ne sont pas nécessairement isolés. Ils s’appuient sur les centres hospitalo-universitaires et les hôpitaux de proximité et sur la volonté de favoriser les délégations de tâches.

Vous avez évoqué l’ophtalmologie. C’est en mettant en place de nouvelles organisations du travail entre les médecins et d’autres professionnels de santé que nous parviendrons à réduire à la fois les temps d’accès aux consultations comme leur coût.

Dans ce domaine, nous devons aussi nous appuyer sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies. La télémédecine, en particulier, doit permettre de faciliter l’accès à des consultations de spécialistes, y compris dans des territoires non isolés. Nous ne parviendrons donc à avancer que grâce à un ensemble de mesures.

C’est dans ce sens que le Gouvernement travaille. À cet effet, j’ai mobilisé l’ensemble des ARS, car je crois que c’est par la mobilisation locale, sur le terrain, que nous arriverons collectivement à relever ce défi posé par les déserts médicaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Je ne dirai que quelques mots pour vous remercier, madame la ministre, de la qualité de votre réponse, et pour vous féliciter. Nous avons confiance en votre compétence, votre détermination, votre volonté, pour régler un problème très vaste, comme vous l’avez souligné, qui a de multiples facettes, et dont la solution nécessite aussi, il faut le souligner, beaucoup de moyens.

Cet objectif exige du temps, sans doute, mais il y a urgence pour un certain nombre de personnes. Sachez, en tout cas, que, dans cet effort, vous avez à vos côtés non seulement les élus nationaux, comme ici au Sénat, mais aussi les élus locaux qui, vous l’avez rappelé, sont très motivés pour être des relais puissants dans la lutte contre ces déserts médicaux. Il faut que cette carence soit compensée dans les années qui viennent.

Soyez assurée de notre soutien dans cette démarche, madame la ministre.

avenir du groupement hospitalier sud-ardennes

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, auteur de la question n° 257, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Marc Laménie. Madame la ministre, ma question concerne le devenir du groupement hospitalier Sud-Ardennes, le GHSA. Je me permets d’attirer votre attention sur la situation financière de ce groupe hospitalier qui est aujourd’hui, malheureusement, particulièrement préoccupante.

Ce dossier est fortement soutenu par l’ensemble de mes collègues parlementaires, par les élus, les médecins, et l’ensemble de la communauté hospitalière, comme par les personnels, les associations d’usagers et les usagers dans leur ensemble. Je crois que notre demande est vraiment tout à fait légitime.

Le groupement hospitalier Sud-Ardennes rassemble deux unités hospitalières et deux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, sur les sites de Rethel et Vouziers. Les déficits budgétaires cumulés depuis 2007 s’élèvent aujourd’hui à environ 12 millions d’euros, malgré les efforts consentis par l’ARS de Champagne-Ardenne, son directeur et ses services.

L’unité de Rethel, qui irrigue un bassin de population important - un arrondissement entier -, dispose d’un bloc opératoire mis en service en 2012 pour un coût de 6 millions d’euros.

Malheureusement, le nombre insuffisant de médecins et de chirurgiens dans certaines spécialités entraîne un déplacement des patients vers les cliniques et le CHU de Reims, ville distante d’une cinquantaine de kilomètres.

Pour autant, le GHSA est réellement un élément majeur de l’aménagement du territoire et une source d’attractivité pour le monde rural en raison des nombreuses petites communes et de la dispersion de l’habitat dans cette région. Il est également un acteur incontournable de la santé, surtout pour les urgences, en liaison avec les centres de secours, et de la sécurité sanitaire d’un bassin de vie de près de 60 000 habitants.

Par ailleurs, ce groupe hospitalier est l’employeur de 600 personnes, personnels administratifs et personnels de soins confondus, dont je tiens à saluer le dévouement et le professionnalisme.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, je souhaiterais savoir quelles mesures pourraient être prises à court terme et à moyen terme pour conforter l’avenir du groupement hospitalier Sud-Ardennes.

Par ailleurs, qu’en est-il du projet de reconstruction de l’EHPAD public sur le site de Vouziers, un dossier en attente depuis une dizaine d’années ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, le groupe hospitalier Sud-Ardennes est effectivement un acteur majeur en termes d’accès aux soins de votre territoire. Il permet à la population d’accéder à des soins de qualité dans un secteur soumis, par ailleurs, à l’attractivité de l’agglomération de Reims, qui est peu éloignée.

Les difficultés auxquelles ce groupe est confronté nécessitent la mise en place d’une stratégie adaptée, sans laquelle l’avenir du centre hospitalier se trouverait hypothéqué eu égard à sa faible attractivité, à sa situation financière très dégradée et à l’insuffisance de la démographie médicale.

Pour ces raisons, l’État a décidé des mesures à court terme, qui sont déjà en application, et d’engager une stratégie à plus long terme qui permette d’apporter toutes les garanties nécessaires à la population de ce bassin de vie.

S’agissant des mesures immédiates, plusieurs d’entre elles ont d’ores et déjà été mises en place.

Tout d’abord, un accompagnement renforcé de l’établissement a été instauré par l’État, qui s’appuie sur un état des lieux préalable et sur la mobilisation d’une mission d’appui et de conseil réalisée par l’Inspection générale des affaires sociales. Cette mission, qui est actuellement en cours, rendra ses conclusions à la fin du premier semestre de cette année.

Ensuite, a été installée depuis le mois de novembre dernier une direction intérimaire, assumée par deux directeurs d’hôpitaux expérimentés, qui dispose de six mois pour engager cet établissement hospitalier sur la voie du retour à l’équilibre financier et pour fixer les orientations nécessaires à l’objectif général. Des mesures d’urgence ont déjà été prises par cette direction afin d’améliorer immédiatement la situation financière de l’établissement.

Au-delà de ces mesures de court terme, une réorientation est évidemment attendue à moyen terme.

Les modalités de la direction et de la gouvernance doivent être revues pour apporter plus de stabilité et de continuité dans la conduite de ce groupe hospitalier.

Par ailleurs, le périmètre d’activité du GHSA sera révisé à la lumière des préconisations de la mission d’appui et de conseil de l’IGAS, afin de tenir compte de la vocation territoriale de cet établissement. Les coopérations nécessaires à nouer ou à relancer pour conforter le positionnement territorial du groupe hospitalier Sud-Ardennes seront engagées.

Enfin, l’organisation de l’établissement sera adaptée en fonction des évolutions qui seront décidées.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, plusieurs mesures ont d’ores et déjà été mises en place ou sont envisagées, qui traduisent la volonté forte de l’État de s’engager pour le groupe hospitalier Sud-Ardennes. L’agence régionale de santé, qui suit de manière très attentive et très précise la situation au quotidien, est garante de l’association de toutes les parties prenantes, notamment les partenaires sociaux et les élus du territoire, et elle est évidemment à la disposition des acteurs locaux et de l’élu que vous êtes pour répondre à toutes les préoccupations ou à toutes les interrogations qui peuvent être les vôtres.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Je tiens à remercier Mme la ministre de la réponse rassurante qu’elle m’a faite. L’automne dernier, de nombreuses réunions de concertation ont eu lieu entre tous les partenaires, les élus, l’ensemble de la communauté hospitalière et les usagers, et ce, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, en liaison avec l’ARS.

Les mesures que vous avez annoncées sont réellement indispensables et nous permettront de rétablir la confiance. On en est bien conscient, les finances sont la clé de tout, mais, me faisant le modeste relais de l’ensemble de mes collègues élus et de tous les partenaires institutionnels, je me permets d’insister sur le fait que le groupement hospitalier Sud-Ardennes joue un rôle de proximité très important en termes d’aménagement du territoire et de sécurité des personnes.

financement par l'état des mandataires de justice chargés des majeurs protégés

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, auteur de la question n° 256, transmise à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Élisabeth Lamure. Ma question concerne les difficultés de financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, et tout particulièrement les difficultés relatives à leur rémunération.

En effet, un problème est survenu au détriment des majeurs protégés à la suite d’une note envoyée le 14 septembre dernier par la direction générale aux directions départementales de la cohésion sociale, les DDCS. Cette directive demandait de « surseoir à tous les règlements destinés aux mandataires indépendants ».

L’apport des DDCS représentant 70 % des financements par l’État, cette situation met en péril une toute jeune profession.

Ce grave problème de financement risque de remettre en question l’existence même de cette nouvelle profession et de mettre également en péril la protection de centaines de personnes de condition modeste.

Aussi souhaiterais-je que vous m’expliquiez, madame la ministre, les raisons ayant conduit à l’arrêt de ces paiements.

Par ailleurs, j’aimerais savoir si le ministère des affaires sociales et de la santé entend prendre des mesures correctrices pour garantir la rémunération des mandataires judiciaires et ainsi préserver les droits des majeurs protégés.

J’ajoute que, à ma connaissance, les rémunérations dues pour le mois de novembre 2012 ont été honorées. Toutefois, cela semble ponctuel, et la question reste entière pour le long terme. Le budget est-il bien prévu pour 2013, avec un délai de règlement des rémunérations à trente jours ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la sénatrice, l’État participe au financement des mesures de protection juridique prononcées par le juge des tutelles, qu’elles soient exécutées par des services mandataires ou par des mandataires individuels. En 2012, ce sont 380 000 mesures qui ont été exécutées, dont 40 % sont financées par le budget de l’État.

Ainsi, 216 millions d’euros avaient été inscrits dans la loi de finances initiale pour 2012 et, à l’instar de l’ensemble des crédits d’intervention, cette dépense a fait l’objet d’une mesure de gel de précaution, comme le prévoit la LOLF.

À cet égard, vous avez évoqué un message de la directrice générale de la DGCS en date du 14 septembre 2012, aux termes duquel il était demandé aux directions départementales de la cohésion sociale de surseoir à tout nouveau paiement des mandataires individuels. Cette mesure, qui était bien évidemment momentanée, s’expliquait uniquement en raison de l’indisponibilité provisoire d’une partie des crédits faisant l’objet de la réserve de précaution.

Aussi, je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice : la réserve de précaution a été levée dès le 17 octobre dernier et les crédits correspondants, d’un montant de 12 millions d’euros, ont été délégués le 25 octobre dernier.

De plus, des crédits complémentaires d’un montant de 3,2 millions euros, obtenus en fin de gestion grâce à un décret d’avance, ont été affectés uniquement aux mandataires individuels.

Enfin, les crédits délégués en début d’exercice permettront de payer le solde de 2012.

Ces retards de paiement, qui sont assurément regrettables, sont finalement restés d’une ampleur limitée. Ils sont simplement la contrepartie d’une gestion très serrée des crédits ministériels à la fin de l’année dernière, eu égard à la situation que nous connaissons.

Les crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2013 doivent permettre d’honorer les dépenses incombant à l’État, et des instructions seront données aux services de mon ministère pour qu’elles le soient dans des délais raisonnables, au même titre que pour les autres acteurs de la protection des majeurs.

De façon plus générale, je tiens à insister sur le fait que le Gouvernement porte la plus grande attention aux droits des majeurs protégés. Un livre blanc sur la protection juridique des majeurs, coécrit par la Fédération nationale des associations tutélaires, l’Union nationale des associations familiales, la Fédération des associations de défense des droits des personnes handicapées et la Convention nationale des associations de protection de l’enfant, a été publié en septembre 2012 sur ce sujet.

Nous avons engagé, avec Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, et Christine Taubira, garde des sceaux, un échange avec les acteurs concernés afin d’améliorer la protection juridique pour les professionnels et aussi, bien sûr, pour les personnes protégées, qu’elles soient âgées, handicapées ou en situation de vulnérabilité partielle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je me réjouis que la situation soit redevenue normale et que les perspectives de 2013 soient bonnes.

Je me permets, toutefois, de vous proposer une piste de réflexion, en vue de soulager le budget de l’État des émoluments versés aux mandataires judiciaires : il s’agirait de revoir le barème de participation des majeurs protégés eux-mêmes.

En effet, selon les mandataires eux-mêmes, qui connaissent bien les dossiers, un certain nombre des majeurs protégés ont des revenus et des biens, mobiliers ou immobiliers, assez importants. Cela permettrait une plus juste participation des majeurs eux-mêmes à des prestations qui les concernent directement. En exploitant cette piste, vous pourriez trouver une solution au problème, madame la ministre.

avenir de la formation des enseignants dans le département de l'essonne

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson, auteur de la question n° 180, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Michel Berson. Madame la ministre, l’université de Cergy-Pontoise, qui est chargée de la gestion de l’Institut universitaire de formation des maîtres de l’académie de Versailles, a décidé de fermer, à compter du 1er septembre 2013, l’antenne essonnienne de cet IUFM, actuellement installée à Étiolles, et de transférer les activités de celle-ci à l’université d’Évry.

Dans le cadre de la prochaine réforme de l’éducation nationale, il serait prévu de créer par académie, en remplacement des IUFM, une école supérieure du professorat et de l’éducation, ou ESPE.

Ainsi, sur le modèle du système actuellement en vigueur, il serait proposé pour l’académie de Versailles d’ouvrir une ESPE portée par l’université de Cergy-Pontoise, avec une antenne commune aux deux universités de Saint-Quentin-en-Yvelines et d’Évry.

Madame la ministre, cette solution ne me paraît pas satisfaisante.

En effet, l’académie de Versailles couvre quatre départements : le Val-d’Oise, les Hauts-de-Seine, les Yvelines et l’Essonne.

Compte tenu de son importance, cette grande académie devrait être dotée non pas d’une mais de deux écoles supérieures du professorat et de l’éducation, l’une pour les départements du Val-d’Oise et des Hauts-de-Seine, l’autre pour les départements des Yvelines et de l’Essonne.

L’université d’Évry, qui dispose au cœur de son campus de locaux libres et adaptés, est aujourd'hui prête à accueillir non pas une antenne de l’ESPE de Cergy-Pontoise, mais une école de plein exercice.

Le département de l’Essonne, fort de ses 1 230 000 habitants, doté de deux universités, celle d’Évry et celle de Paris-XI Orsay, est profondément marqué, vous le savez, par l’économie de la connaissance. Son territoire ne peut donc être dépourvu d’un grand centre de formation des maîtres de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Madame la ministre, je souhaite savoir si le Gouvernement partage cette analyse et s’oriente vers la création d’une école supérieure du professorat et de l’éducation pour les départements des Yvelines et de l’Essonne, dont le siège serait à Évry.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, conformément aux engagements présidentiels, le dispositif de formation des enseignants des premier et second degrés, également ouvert à la formation initiale et continue des enseignants du supérieur, est, vous l’avez rappelé, en cours de rénovation.

Le nouveau dispositif prend en compte les propositions issues du débat très large mené dans le cadre de la concertation « Refondons l’école de la République », notamment les travaux du groupe 4 « Des personnels formés et reconnus », animé par le député Yves Durand. Il s’appuie également sur le rapport des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a regroupé 20 000 acteurs de l’éducation sur l’ensemble des territoires.

Ce nouveau dispositif prévoit dans chaque académie un maître d’ouvrage de la formation, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE. Il a été fait le choix d’inscrire ces écoles dans les universités, lieux d’enseignement disciplinaire mais aussi de recherche, notamment dans les sciences de l’éducation, recherche que mon ministère souhaite relancer et dynamiser.

La mise en place des ESPE est au cœur du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République qui va être présenté par Vincent Peillon en conseil des ministres.

Les ESPE, composantes universitaires, auront vocation à organiser, avec les composantes disciplinaires, la formation initiale et continue des professeurs et des enseignants. Elles seront l’interlocuteur privilégié du ministère de l’éducation nationale sur leur territoire académique de référence et celui du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour le contenu des formations dispensées. Elles ne se substituent pas simplement aux actuels IUFM, mais elles en hériteront la vocation à assumer l’animation territoriale.

Au sein de l’académie de Versailles comme dans chaque académie, le principe d’une répartition équilibrée de l’offre de formation aux métiers d’enseignant sera au cœur de la définition de la carte de l’offre de formation et de sa mise en œuvre.

Dans l’attente, si de fait l’université de Cergy a décidé de fermer l’antenne actuellement installée sur le site d’Étiolles pour le département de l’Essonne, elle mène sur ce sujet des négociations avec l’université d’Évry-Val d’Essonne pour assurer un transfert des formations à Évry.

À ce titre, une convention d’accueil au sein de l’université d’Évry est en cours de finalisation. Des lieux d’accueil ont d’ores et déjà été identifiés. Cette convention tiendra bien sûr compte de la réforme en cours de la formation des enseignants, notamment de la mise en place, pour la rentrée de 2013, d’une école supérieure du professorat et de l’éducation dans l’académie de Versailles.

J’ai demandé aux recteurs, réunis en conférence ce matin, d’être très attentifs à l’organisation territoriale, en lien avec les acteurs territoriaux, notamment les collectivités territoriales, et avec les ministères concernés, afin qu’ils valident in fine la réorganisation territoriale des ESPE en veillant à un bon équilibre, les ministères et les ministres concernés n’étant saisis qu’en dernier recours pour arbitrage.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse très détaillée nous précisant dans quel cadre vont évoluer les écoles de formation des maîtres.

Je souhaite cependant insister de nouveau sur la nécessité de doter le département de l’Essonne d’une véritable école supérieure du professorat et de l’éducation, une école de plein exercice et non une simple antenne.

Le rattachement de l’actuel IUFM d’Évry à l’université de Cergy-Pontoise fut pour tous les élus et tous les enseignants une grande surprise. La création d’une simple antenne de la future école supérieure du professorat et de l’éducation de Cergy-Pontoise serait également une grande surprise, pour ne pas dire une erreur.

La transformation des IUFM en ESPE doit être l’occasion de corriger une situation qui n’est pas satisfaisante. Cergy-Pontoise et Évry sont situées aux deux extrémités de l’académie de Versailles, qui s’étend sur quatre départements. Aussi, les élus de l’Essonne, unanimes, les enseignants, les futurs étudiants en formation pour exercer la profession de professeur de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, attendent la création d’une école de formation des maîtres en Essonne. Ils souhaitent que ce département, qui va bientôt voir naître sur son territoire la grande université de Paris-Saclay et qui s’enorgueillit tout particulièrement de l’université d’Évry, soit reconnu pour son expérience en matière de sciences de l’éducation.

Le département de l’Essonne va bientôt voir se développer dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche de grands projets. Il importe donc, je le répète, que ce territoire ainsi que sa capitale, Évry, soient pleinement reconnus et puissent bénéficier d’une école de formation des maîtres, et non d’une simple antenne d’une université lointaine située à Cergy-Pontoise.

situation de la filière de collecte des vieux papiers

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, auteur de la question n° 255, adressée à M. le ministre du redressement productif.

M. Jean-Claude Leroy. Madame la ministre, ma question porte sur la situation de la filière de collecte des vieux papiers.

Contenant des fibres de cellulose, matière première d’origine végétale réutilisable pour fabriquer de nouveaux produits en papier et en carton, les vieux papiers sont en effet une matière précieuse. Première industrie de recyclage en France, l’industrie papetière compte quatre-vingt-quatorze usines : cinquante-six recyclent des papiers et cartons récupérés et trente-sept d’entre elles fabriquent des papiers et cartons exclusivement par recyclage.

Cependant, alors que le taux de collecte des vieux papiers est passé de 40 % à 72 % en vingt ans, les usines rencontrent aujourd’hui d’importantes difficultés d’approvisionnement. Cette pénurie est liée à la demande croissante de la Chine pour nos vieux papiers et cartons.

La Chine, plus gros consommateur mondial de papier et carton avec 66 millions de tonnes, est aussi le plus grand importateur de papiers et cartons récupérés, dits PCR, au monde. Disposant de peu de forêts exploitables et d’un circuit de collecte quasi inexistant, elle accuse un déficit de fibres qui la rend fortement dépendante et très gourmande en vieux papiers qu’elle importe pour les recycler : de 3,7 millions de tonnes de PCR importés en 2000, elle est passée à 27,5 millions de tonnes en 2009, soit une croissance annuelle de 30 %, et les prévisions sont de 35 millions pour 2014.

Cette forte demande chinoise entraîne une flambée des prix. Entre 2009 et 2011, la tonne de papiers et cartons récupérés est passée de 70 à 180 euros. De ce fait, les collecteurs privilégient l’export par rapport à l’industrie papetière nationale, qui n’est plus assez approvisionnée. Ses besoins, de l’ordre de 5 à 6 millions de tonnes par an, ne sont aujourd’hui plus assurés.

Cette situation a des conséquences sociales et financières très importantes pour l’industrie papetière française, qui emploie 70 000 salariés. Cela se traduit par des arrêts structurels et, dans certains cas, par des redressements judiciaires et des fermetures de sites. Ainsi, la papeterie de Turckheim, dans le Haut-Rhin, qui employait 110 salariés, a été fermée en octobre 2011, et l’entreprise de papier recyclé Vertaris, à Voreppe, en Isère, a été placée en liquidation judiciaire en juillet dernier.

C’est d’autant plus inacceptable que nos vieux papiers sont exportés en Chine avec des financements publics : le contribuable finance en effet la collecte municipale via la taxe sur les ordures ménagères et les producteurs français de papier paient une éco-contribution.

Pour mettre fin à ce phénomène, il serait opportun de prendre des mesures permettant la sécurisation des approvisionnements en PCR.

Les papiers de bureau constituent notamment un gisement important : 900 000 tonnes sont ainsi utilisées chaque an, dont 45 % sont triées et recyclées, contre 75 % en Allemagne et 72 % en Suède, 500 000 tonnes partant en décharge ou à l’incinération. L’enjeu est également écologique, puisque, à quantité égale, la production de papier recyclé consomme trois fois moins d’énergie et d’eau que celle du papier non recyclé et évite l’émission de 300 kilogrammes de CO2 par tonne de papier recyclé.

Par ailleurs, la collecte et le tri de papier de bureau usagé nécessitent un emploi, forcément non délocalisable, pour 1 000 tonnes, et son recyclage nécessitera un nombre d’emplois supérieur à celui que requiert la suppression par voie de stockage ou d’incinération.

Ma question est donc la suivante, madame la ministre : quelles mesures le Gouvernement peut-il mettre en place pour remédier à ces problèmes, soutenir l’industrie papetière et maintenir les emplois du secteur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Arnaud Montebourg, retenu par une mission à l’extérieur de Paris, qui m’a chargée de le représenter. Je partage complètement vos préoccupations et vous avez cité des papeteries, notamment l’entreprise Vertaris, que je connais bien pour les avoir soutenues dans un passé récent, et qui sont aujourd'hui en difficulté.

C’est un sentiment largement partagé sur ces travées dont vous vous faites l’écho ; le Gouvernement considère que la maîtrise de l’approvisionnement en fibres cellulosiques de récupération est un enjeu tout à fait stratégique pour l’ensemble de la filière de produits en papiers et cartons.

Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la demande extérieure croissante et la mondialisation des échanges ont rendu ces marchés plus volatils et ont suscité des spéculations – vous avez à juste titre évoqué le rôle essentiel de la Chine dans ce phénomène. Cela se traduit ponctuellement par des pénuries engendrant des ralentissements, voire des arrêts de production de certaines usines, alors même que la collecte progresse en France.

À ce titre, plusieurs mesures ont été prises, en concertation avec les professionnels de la filière, pour l’ensemble des déchets papiers et plus spécifiquement pour les papiers de bureau.

Dans le cadre du réagrément d’EcoFolio, organisme mis en place pour gérer la contribution financière destinée à participer aux coûts de collecte, de valorisation et d’élimination des imprimés et des papiers destinés à être imprimés, les pouvoirs publics ont pris deux mesures visant à favoriser la réduction des tensions sur les approvisionnements.

D’une part, ils ont décidé de modifier le barème des soutiens financiers versés aux collectivités locales afin d’accroître l’incitation au recyclage dans une perspective de renforcement de la filière. Ce barème aval privilégie d’ores et déjà le recyclage, conformément au principe de hiérarchie des modes de traitement des déchets. Les tonnages incinérés ou enfouis demeurent néanmoins majoritaires. Une modulation plus forte doit inciter au recyclage, économiquement plus intéressant, comme vous le soulignez, que l’incinération ou l’enfouissement.

D’autre part, le soutien d’EcoFolio va être étendu à d’autres types de déchets papiers que ceux qui sont aujourd’hui éligibles.

Par ailleurs, Arnaud Montebourg et Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ont coprésidé le comité d’orientation stratégique des éco-industries, le COSEI, qui s’est tenu lors du salon Pollutec, à Lyon, le 27 novembre dernier. Ils ont demandé au COSEI de mettre en place des contrats de filières dans quatre grands domaines : le recyclage et la valorisation des déchets, les énergies renouvelables, l’eau et l’assainissement, l’efficacité énergétique.

Ces contrats de filières, dont la conclusion est prévue au printemps 2013, comprendront les engagements réciproques de l’État et des filières pour développer les solidarités entre entreprises, renforcer leur compétitivité et leur apport à la transition écologique.

La filière « déchets » doit optimiser sa performance globale, vous l’avez dit, notamment en matière de coûts financiers, d’impact environnemental, de maintien de l’emploi et de préservation de la santé des salariés. Un « pacte économie circulaire » associant les industriels et l’État va promouvoir la valorisation industrielle et le recyclage des déchets, mettre en place un cadre juridique adapté à une nouvelle économie circulaire et lutter contre les trafics illégaux de matières. Il doit contribuer notamment à garantir un approvisionnement stable et le paiement des industriels collecteurs.

Il s’agit de trouver des solutions bénéfiques à l’ensemble de la chaîne du recyclage, préservant l’emploi dans les papeteries et les sociétés de recyclage en difficulté aujourd’hui.

Trois autres mesures concernent plus spécifiquement les papiers de bureau.

Premièrement, une convention d’engagements volontaires pour la collecte de ces papiers a été signée par les représentants des collecteurs et des recycleurs et par le ministère de l’environnement le 6 février 2012. L’objectif est, à l’horizon 2015, d’augmenter la collecte de 200 000 tonnes et d’orienter préférentiellement ces tonnages vers un recyclage de proximité. Cela répond à votre préoccupation essentielle.

Deuxièmement, la Poste a lancé une offre de logistique inversée, dénommée « Recy’go papiers », afin de récupérer les déchets de 50 000 PME titulaires d’un contrat de distribution-collecte du courrier. Elle envisage de collecter 50 000 tonnes par an, lesquelles devraient alimenter des papeteries implantées en France dans le cadre de contrats à long terme. Elle emploierait pour cela une main-d’œuvre de jeunes formés à cet effet. Des emplois seront donc créés dans le secteur industriel, mais aussi dans les services à l’industrie.

Troisièmement, enfin, monsieur le sénateur, une étude est en cours sur l’opportunité d’instaurer une obligation de collecte sélective des papiers de bureaux pour les gros producteurs, à l’instar de celle qui a été instaurée pour les générateurs de bio-déchets.

missions d'assistance des directions départementales des territoires et de la mer en matière de services publics d'eau et d'assainissement

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 231, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, la situation des directions départementales des territoires et de la mer, les DDTM, dans leur mission d’assistance et de conseil en matière de services publics d’eau et d’assainissement auprès des communes et, plus particulièrement, des syndicats de communes, est préoccupante.

La loi prévoit en effet des missions obligatoires pour l’État d’appui aux collectivités territoriales dans le domaine de l’ingénierie publique à travers l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire. L’exercice et le pilotage historique de ces missions de gestion des services publics ont permis aux agents des services déconcentrés d’acquérir et d’approfondir un panel de compétences multiples en ingénierie technique et financière, pouvant être mises à disposition des services publics d’eau et d’assainissement.

Face aux diminutions, voire aux suppressions d’effectifs des agents des directions départementales des territoires et de la mer, les services publies d’eau et d’assainissement sont inquiets. Ces orientations se traduisent en effet par une dégradation du service rendu aux usagers. Toutes les collectivités ne peuvent en effet créer des services suffisamment étoffés pour disposer des compétences et de la technicité maximale nécessaires au bon déroulement des missions.

Pourtant, les directions départementales des territoires et de la mer sont encore en mesure de faire valoir leur expertise pointue en matière de gestion des services publics et d’ingénierie de l’eau.

Ainsi, grâce au travail mené par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, et à la mobilisation des DDTM, 78 % de la population française peut désormais disposer de données concernant son service d’eau potable et 71° % concernant l’assainissement.

Cette réussite n’est cependant ni reconnue par le ministère chargé de la synthèse nationale sur les services publics d’eau et d’assainissement, la SISPEA, ni par le ministère d’origine des agents, le ministère de l’agriculture, puisque ni l’un ni l’autre ne transmettent à ce jour de message clair sur l’avenir des missions et des effectifs inhérents au-delà du 31 décembre 2013.

Je vous remercie donc, madame la ministre, de bien vouloir nous indiquer quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin de répondre à ces inquiétudes légitimes.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Delphine Batho, qui est actuellement retenue à Abou Dhabi aux côtés du Président de la République, dans le cadre de la Semaine de la durabilité.

Si Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie fait le même constat que vous sur le sentiment de malaise des agents, elle tient également à le remettre en perspective et à en rappeler les causes.

Dès sa prise de fonctions, les représentants des personnels lui ont, de façon unanime, fait part de leur inquiétude face aux nombreuses restructurations qui leur avaient été imposées sans concertation et aux suppressions d’emplois effectuées de façon purement arithmétique par le précédent gouvernement dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Si, comme tous les ministres, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie assume sa part de l’effort budgétaire nécessaire au redressement des finances publiques, elle a toutefois immédiatement pris l’engagement de mettre un terme à cette politique en faisant une pause dans les réorganisations à marche forcée et en engageant un travail de réflexion, dans le cadre des compétences de son ministère, sur les missions des services de l’État.

Ce travail est nécessaire pour redonner un cap et un horizon à des milliers d’agents inquiets – vous avez raison de le souligner, madame la sénatrice – de l’avenir de leur rôle auprès des collectivités, en particulier auprès des petites communes rurales, auxquelles ils apportent un appui technique indispensable.

Vous évoquez la situation des missions d’assistance et de conseil en matière de services publics d’eau et d’assainissement assurées par les directions départementales des territoires et de la mer, les DDTM, et des missions d’assistance technique fournie par l’État en matière d’aménagement du territoire, communément appelées « ATESAT ».

L’abandon pur et simple des missions d’ingénierie publique par les services déconcentrés de l’État mis en œuvre par le précédent gouvernement dans le cadre de la RGPP a laissé sans réponse la question de l’avenir de nombre de ces services et, surtout, celle de la préservation des compétences techniques accumulées au cours d’années d’expertises par les agents.

Pour apporter une réponse cohérente face à la menace que faisait peser cette disparition sur le réseau scientifique et technique du ministère et sur les services départementaux, le Gouvernement a engagé, dans le cadre de la politique de modernisation de l’action publique, un chantier de soutien à l’administration territoriale de l’État.

Sans attendre l’aboutissement de ce chantier, auquel elle contribuera activement, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a engagé le processus de création d’un nouvel établissement public, le centre d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA. Cet établissement réunira les huit centres techniques polyvalents en matière d’aménagement et de développement durable et les trois services techniques centraux bien connus des collectivités territoriales, respectivement compétents en matière d’urbanisme et d’habitat, de grandes infrastructures routières et de sécurité maritime : le CERTU, le centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques, le SETRA, le service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements, et le CETMEF, le centre d’études techniques maritimes et fluviales.

La mission d’appui technique et d’expertise du CEREMA permettra à l’État de jouer pleinement son rôle auprès des collectivités territoriales, en particulier de celles qui ne disposent pas des moyens techniques des grandes métropoles, dans une optique de solidarité et de soutien.

Enfin, vous avez également évoqué l’avenir des services techniques d’appui aux collectivités mis en place par le ministère de l’agriculture pour aider les communes rurales en matière de services publics de l’eau et d’assainissement dans le suivi de leurs contrats de délégation de service public.

Je vous rappelle qu’il a été demandé aux directeurs départementaux de continuer à apporter leur appui aux communes, dans le cadre de l’Observatoire national des services publics d’eau et d’assainissement. Je vous annonce que la mise en œuvre de cet observatoire va être désormais confiée à l’ONEMA. Le chantier est actuellement en cours et la création de ce nouvel établissement devrait être effective le 1er janvier 2014.

L’aide des services des DDTM ne s’arrête évidemment pas là. En cas de crise, ils apportent un appui en matière d’ouvrages d’adduction et d’épuration et évaluent les contraintes en alimentation en énergie et de résistance face à des événements climatiques violents. Ces services contribuent ainsi à l’identification par les préfets des sites prioritaires et des rétablissements urgents.

Cette réponse devrait, je l’espère, vous rassurer, madame la sénatrice : le Gouvernement n’entend pas abandonner l’échelon départemental, en particulier sa partie périurbaine et rurale. Il assumera toutes ses responsabilités auprès des communes, notamment des communes rurales, en maintenant ces missions d’appui technique fondamentales pour la qualité du service public.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Je vous remercie, madame la ministre, de vos explications.

Nous attendons en effet les évolutions annoncées pour cette année en matière d’eau et d’assainissement. J’espère que nos communes et, surtout, nos syndicats de communes seront rassurés au cours de l’année 2013.

agence pôle emploi sur le territoire de clichy-montfermeil

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain, auteur de la question n° 220, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Claude Dilain. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord, à travers vous, à féliciter le Gouvernement de l’action importante qu’il conduit pour lutter contre le chômage.

Nous savons tous que le chômage n’est pas réparti de façon homogène sur le territoire. M. Sapin a lui-même affirmé avec force que certains quartiers subissaient des taux de chômage très supérieurs à la moyenne nationale. Ainsi, quand ce taux s’élevait à 16,5 % en Seine-Saint-Denis en 2009, il était de 22,3 % à Clichy-sous-Bois.

Dans ce contexte tendu, il est donc nécessaire de se donner les moyens d’une lutte plus efficace.

Les villes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, réunies en intercommunalité, réclament depuis longtemps l’installation d’une agence Pôle emploi sur leur territoire, car le taux de chômage dans ces agglomérations est quasiment le double des taux nationaux. Pourtant, ni l’une ni l’autre ne compte d’agence Pôle emploi.

Certaines villes de la Seine-Saint-Denis disposent de telles agences alors que – et tant mieux ! – le taux de chômage y est inférieur à celui qui est constaté à Clichy-Montfermeil. La création d’une agence était prévue à Clichy-sous-Bois, mais aucune suite n’a été donnée à ce projet, malgré des promesses constantes et la mise à disposition de locaux adaptés. La demande a été réitérée lors de l’élaboration du contrat urbain de cohésion sociale expérimental signé par le préfet, mais est, là encore, restée sans suite.

Le 6 décembre 2012, lors du débat sur la politique de la ville ici même, M. François Lamy a affirmé que chaque quartier prioritaire de la politique de la ville disposerait d’une agence Pôle emploi, en accord avec les conventions passées avec chaque ministère. Il l’a réaffirmé la semaine dernière, lors de la cérémonie des vœux à Clichy-sous-Bois, en présence de M. Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois.

Il est important, d’une part, d’assurer l’égalité des services publics, en particulier dans le domaine de l’emploi, et, d’autre part, de territorialiser les politiques de l’emploi afin de les rendre plus efficaces.

Peut-on enfin rassurer la population de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, qui se sent abandonnée dans ce domaine, comme d’ailleurs dans d’autres, en annonçant la création d’une agence Pôle emploi à Clichy-Montfermeil et en la réalisant ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Sapin, qui est retenu auprès du Premier ministre au sujet du projet de loi portant création du contrat de génération, lequel sera débattu cet après-midi à l’Assemblée nationale, avant d’être examiné dans cet hémicycle prochainement.

La bataille pour l’emploi est une priorité absolue et toutes les énergies sont mobilisées pour atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de retournement de la courbe du chômage à la fin de l’année 2013.

Cette bataille se mène avec des mesures d’urgences – les emplois d’avenir votés ici même voilà quelques semaines, le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le contrat de génération –, mais aussi avec des mesures structurelles, telles que la sécurisation de l’emploi et les moyens consacrés à Pôle emploi.

Aussi, pour améliorer la qualité et l’offre de services, le Gouvernement a décidé de mettre en place un accompagnement renforcé des personnes en recherche d’emploi : 2 000 équivalents temps plein seront redéployés d’ici 2014 vers l’accompagnement renforcé, comme le prévoit la convention tripartite ; 2 000 recrutements supplémentaires, en contrat à durée indéterminée, complèteront ce dispositif. Priorité sera donnée dans une partie de ces recrutements aux titulaires d’un contrat à durée déterminée au sein de Pôle emploi.

Ce sont ainsi près de 4 000 agents, au contact direct des demandeurs d’emploi les plus en difficulté, qui assureront le succès de la nouvelle offre de services. Cet effort est très significatif : il représente un accroissement de près de 30 % des moyens humains déployés sur le terrain.

Face aux demandeurs d’emploi, il faut des offres d’emploi. Ces offres dépendent des entreprises, et leur collecte dépend de la capacité à bien comprendre les besoins de ces entreprises. Pour cela, Pôle Emploi a besoin de proximité. Son action doit donc être mieux ancrée territorialement. Pôle Emploi doit savoir adapter ses dispositifs, partager son expertise avec l’ensemble des acteurs, notamment les élus, et les partenaires présents.

Monsieur le sénateur, la Seine-Saint-Denis est le département francilien qui compte aujourd’hui le plus grand nombre d’agences Pôle emploi, ce qui est bien normal, compte tenu des problématiques propres à ce territoire. Sur les 4 000 postes qui seront créés, près d’une cinquantaine seront affectés à votre département. Cela permettra de répondre à ce qui inspire votre demande, vous qui souhaitez que l’on rapproche le service public de l’emploi des demandeurs d’emploi.

Les demandeurs d’emploi de la commune de Clichy-sous-Bois sont, pour l’heure, rattachés à l’agence Pôle emploi unifiée de Livry-Gargan, de même que ceux de Vaujours et de Coubron.

Le nombre de demandeurs d’emploi des communes de Livry-Gargan et de Clichy-sous-Bois est assez comparable, mais l’activité économique est nettement plus importante sur le territoire de Livry-Gargan.

Afin de mettre en relation offres et demandes d’emploi, cette implantation historique paraît cohérente avec la réflexion menée à l’échelle du bassin d’emploi. C’est dans ce cadre qu’est étudiée votre demande de création d’une agence à Clichy-sous-Bois.

Il s’agit visiblement d’un dossier de longue haleine, nécessitant une grande force de persuasion – vous n’en manquez pas, monsieur le sénateur – et de nombreuses discussions interministérielles.

Pour ma part, je me rapprocherai de nouveau de M. François Lamy, ministre chargé de la ville, au sujet de cette question.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Je vous remercie de ces bonnes nouvelles, monsieur le ministre.

Permettez-moi cependant de revenir sur les chiffres. Je n’ai pas le sentiment que les taux de chômage de Livry-Gargan et de Clichy-sous-Bois soient comparables. Selon l’INSEE, le taux de chômage à Livry-Gargan s’établit à 9,8 %, contre 22,3 % à Clichy-sous-Bois.

Par ailleurs, monsieur le ministre, la création d’une agence Pôle emploi dans la communauté d’agglomération de Clichy-Montfermeil aurait une très forte valeur symbolique. En effet, cette population se sent abandonnée, et il me semble tout à fait nécessaire de prendre en compte cette dimension de la situation.

En faisant preuve d’un peu d’humour noir, je dirais que, malgré sa proximité géographique, la ville de Livry-Gargan est très difficile d’accès et le restera, d’ailleurs, tant que le tramway, qui a été promis, ne sera pas en service. Mais je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous serez à nos côtés pour défendre ce projet !

avenir de l’association pour la formation professionnelle des adultes

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 226, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, véritable école de la deuxième chance.

En soixante ans, l’AFPA a formé des millions de personnes qui n’avaient, jusque-là, aucune qualification. Sur les 160 000 stagiaires formés chaque année, 75 % trouvent un emploi dans les six mois qui suivent leur formation. En Bretagne, les neuf centres AFPA forment à près de cent métiers répartis en quatre secteurs : bâtiment, industrie, tertiaire et formation préqualifiante. Dans un contexte économique très difficile, la fermeture d’une telle institution serait catastrophique.

Or, aujourd’hui, sur le terrain, les formateurs sont très inquiets. C’est le cas à l’AFPA de Morlaix, dans le Finistère, où 80 % des personnes trouvent pourtant un travail à l’issue de leur formation.

Comme le ministre du travail le soulignait en juin dernier, l’AFPA connaît des difficultés importantes de positionnement et de financement, en grande partie liées aux choix désastreux effectués par les gouvernements successifs depuis 2004 : désengagement brutal de l’État, gestion erratique du dossier de la dévolution du patrimoine à l’AFPA, transfert mal préparé des missions d’orientation à Pôle emploi, transfert à l’Association de gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, sans contrepartie financière, des marchés de formation des personnes handicapées.

Pourtant alerté par les syndicats et les régions, le précédent gouvernement a mené le transfert de compétences au pas de charge, sans méthode et de manière brutale, tant et si bien que l’AFPA se trouve aujourd’hui dans une situation de quasi-cessation de paiement !

Conscient de l’importance de cette association, alors que la France subit une grave crise économique et que le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter, le ministre du travail a rencontré les syndicats le 19 juin 2012 et a pris une première mesure d’importance, en débloquant, dès la fin du mois de juillet, la somme de 80 millions d’euros.

La formation professionnelle a également été l’un des thèmes majeurs de la grande conférence sociale de juillet dernier. Elle sera, bien évidemment, liée à l’acte III de la décentralisation, avec une compétence « emploi » accrue pour les régions.

Le Gouvernement a donc été très actif sur ce dossier.

Cependant, je souhaite plus particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le rôle que l’AFPA doit jouer en direction des jeunes.

En effet, le chômage des jeunes a atteint un niveau très inquiétant : 22,7 % des 15-24 ans, soit 634 000 personnes, étaient sans emploi au deuxième semestre 2012. Ce taux s’élève à 40 % pour ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme, ce qui représente, en moyenne, une population de 120 000 personnes chaque année.

Le 1er novembre dernier, le Gouvernement a lancé les emplois d’avenir, qui vont concerner, d’ici à 2014, 150 000 jeunes peu ou pas diplômés.

Dès lors, comment, monsieur le ministre, rassurer les acteurs locaux sur l’avenir de l’AFPA ? Quel sera le partage des rôles en matière de formation des demandeurs d’emploi ? Comment améliorer l’orientation des chômeurs en lien avec Pôle emploi ? Comment mieux remplir toutes les offres de stage ? Enfin, de quelle manière l’AFPA va-t-elle s’engager dans les emplois d’avenir ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le sénateur, l’AFPA n’est effectivement pas un organisme de formation comme les autres. Elle est d’abord, grâce à son organisation nationale, le principal organisme de formation des demandeurs d’emploi en France. Elle accueille 120 000 stagiaires chaque année, qu’elle amène, pour une grande partie d’entre eux, à une qualification certifiée, leur permettant une insertion durable dans l’emploi. De plus, l’AFPA offre des services, tels que l’hébergement et la restauration, que les autres organismes de formation n’assurent pas, permettant ainsi d’accueillir en formation des demandeurs d’emploi en situation de fragilité ou venant de territoires éloignés.

Lors du déplacement que nous avons effectué à Caen, hier, sur un site de l’AFPA, le Premier ministre a rappelé que la politique mise en place par l’État en matière d’emploi et de formation s’était toujours appuyée sur l’AFPA, et ce depuis sa création, en 1949.

De par sa compétence, l’AFPA rend un véritable service d’intérêt général. Pourtant, il faut bien le dire, à notre arrivée au pouvoir, il y a quelques mois, elle était dans une situation très dégradée, au point que son existence même semblait menacée. C’est d’ailleurs l’un des premiers dossiers qui m’ont été confiés lors de ma prise de fonction et il m’a beaucoup mobilisé tout au long des derniers mois.

Vous l’avez dit, dès la grande conférence sociale, le Gouvernement s’est engagé en faveur du sauvetage de l’AFPA. Il a pris plusieurs décisions en ce sens.

Tout d’abord, une nouvelle direction a été mise en place, avec la nomination d’un nouveau président, Yves Barou, qui a été chargé d’élaborer un plan de refondation et de créer une nouvelle dynamique de développement pour l’AFPA.

Ensuite, l’attribution de fonds propres à l’AFPA doit lui permettre d’emprunter à moyen terme, de financer sa refondation et de procéder aux investissements qui permettront la remise à niveau de son patrimoine. Cette année, l’État va apporter à l’AFPA 110 millions d’euros de dotations, auxquels s’ajoutera la mobilisation des établissements bancaires. Sur la période 2014-2017, l’État souscrira de nouveau, avec d’autres partenaires, un montant global équivalent à celui de la souscription de 2013.

Au total, c’est un financement de 430 millions d’euros que l’État et ses partenaires devraient apporter.

Enfin, l’immobilier est un autre grand chantier. Ainsi que je l’ai annoncé à l’Assemblée nationale en décembre dernier, l’État signera avec l’AFPA des baux emphytéotiques administratifs dès les premiers mois de cette année, ce qui permettra à l’association d’occuper le domaine public dans la durée et de bénéficier des droits réels pour adapter et étendre ses locaux, et en améliorer la gestion.

Outre ces avancées concrètes, et ces espèces sonnantes et trébuchantes, le Gouvernement étudie la possibilité d’ajuster la gouvernance de l’AFPA, afin de permettre aux différents partenaires, dont l’État, de mieux suivre la mise en œuvre du plan de refondation et le devenir de l’association.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement poursuit le même objectif que vous : pérenniser l’AFPA sans recourir au licenciement économique, et l’inscrire comme un acteur majeur dans la bataille pour l’emploi.

Bien qu’il s’agisse d’une question orale, votre question aurait pu prendre place dans la séance des questions d’actualité, puisque les décisions dont je viens de vous donner connaissance ont été annoncées hier !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je tiens simplement à remercier M. le ministre de toutes ces informations réconfortantes. Elles iront certainement droit au cœur des formateurs, dont l’inquiétude est au moins égale à celle des jeunes et des moins jeunes auxquels ils s’adressent.

J’ai découvert les décisions annoncées par le Premier ministre dans la presse de ce matin. Ma question est donc tout à fait d’actualité, c’est vrai !

Fort de toutes ces informations, je m’en vais rassurer l’AFPA de Morlaix, qui m’avait saisi du sujet. Bien évidemment, je dirai également à l’ensemble des AFPA qu’une nouvelle voie semble désormais tracée. Elles ont grand besoin de le savoir, elles qui ont beaucoup souffert les deux dernières années, au point de redouter une cessation de leur activité.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est cela, le changement !

éclatement des plu intercommunaux

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 160, adressée à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je souhaitais attirer votre attention sur les conséquences de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales pour les plans locaux d’urbanisme intercommunaux.

En effet, la réforme des intercommunalités entraîne des fusions, des éclatements et des regroupements de communautés de communes, qui ont, pour certaines, des PLU intercommunaux et, pour d’autres, des PLU communaux.

De ce fait, les élus s’interrogent sur la conduite à tenir dans le cas d’une fusion entre un établissement public de coopération intercommunale à PLU intercommunal avec un établissement public de coopération intercommunale où existent plusieurs PLU communaux.

Est-il possible de faire coexister des situations différentes à l’intérieur d’un même territoire communautaire, certaines communes disposant d’un PLU intercommunal et d’autres ayant chacune leur PLU ? Ou bien le PLU intercommunal doit-il être éclaté en plusieurs PLU communaux dès lors que la nouvelle communauté n’a pas choisi la compétence « urbanisme » ? Si c’est le cas, l’éclatement obéit-il à un formalisme particulier ? Dans l’attente de l’éclatement éventuel, le PLU intercommunal continue-t-il à s’appliquer et à être opposable malgré tout ?

À l’inverse, si le nouveau groupement a acquis la compétence « urbanisme », doit-il obligatoirement élaborer un PLU intercommunal correspondant à son nouveau périmètre ? Si tel est le cas, les PLU existants demeurent-ils opposables tant que l’élaboration d’un PLU intercommunal n’est pas achevée ?

Ces interrogations étant partagées par de nombreux élus communaux et intercommunaux, je vous saurais gré, madame la ministre, de bien vouloir nous préciser les règles qui s’appliquent dans ces cas.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, votre question est d’autant plus importante que je souhaite voir les intercommunalités s’allier de manière volontaire, au-delà de la révision de la carte intercommunale, qui a été réalisée dans des conditions parfois difficiles. Certaines d’entre elles se posent d’ores et déjà la question, y compris dans la région évoquée il y a un instant par M. Fichet. Leur petite taille crée pour certaines intercommunalités des difficultés qu’elles souhaitent résoudre en s’agrandissant.

Monsieur le sénateur, le problème que vous soulevez n’avait pas échappé au précédent gouvernement, qui avait procédé à des modifications de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme – pardonnez, je vous prie, le caractère technique et pourtant indispensable des références utilisées – pour répondre aux questions relatives aux conséquences sur les PLU existants d’une fusion entre des EPCI dont un ou plusieurs seulement disposent de la compétence en matière d’élaboration d’un PLU.

En effet, l’ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme a abordé la question de l’incidence de l’évolution des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale sur les plans locaux d’urbanisme à travers un nouvel article L.123-1 du code de l’urbanisme, auquel vous faites référence, monsieur le sénateur, qui dispose notamment que, « en cas de modification du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, les dispositions du ou des plans locaux d’urbanisme applicables aux territoires concernés par cette modification restent applicables. Chaque établissement public de coopération intercommunale ou commune intéressé révise ou modifie ces plans pour adopter un plan couvrant l’intégralité du périmètre de l’établissement compétent ou du territoire de la commune au plus tard lors de la prochaine révision ».

Cet article, en dépit de sa précision, pose encore question, je le comprends bien.

Que la fusion s’opère dans les conditions de droit commun, en application de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, ou qu’elle résulte de la mise en œuvre du dispositif temporaire prévu au III de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, l’EPCI issu de la fusion pourra soit restituer cette compétence aux communes membres, soit exercer la compétence PLU des EPCI ayant fusionné.

Si le conseil communautaire de l’EPCI à fiscalité propre issu de cette fusion décide de ne pas conserver cette compétence, la restitution pourra intervenir à l’issue du processus de fusion ou dans un délai maximum de deux ans. Dans l’attente de l’adoption de PLU par les communes précédemment membres de l’EPCI qui s’était doté d’un PLU intercommunal, ce PLU continuera à s’appliquer dans son périmètre initial, ce qui répond à votre interrogation, monsieur le sénateur.

Dans le cas où l’EPCI aura, en revanche, choisi d’exercer la compétence PLU sur son nouveau périmètre, il devra réviser ou modifier celui-ci pour adopter un PLU qui couvrira l’ensemble du territoire intercommunal. Dans l’attente de cette intégration au PLU intercommunal, les communes qui étaient jusqu’alors membres d’un EPCI non compétent en matière de PLU et qui avaient élaboré leur propre PLU continueront à appliquer celui-ci.

Vous avez eu raison de poser cette question, monsieur le sénateur. Cela nous permet de rassurer beaucoup de communes ou d’EPCI qui croyaient déceler ici un vide juridique et se posaient la question de l’opposabilité aux tiers qui demandent des permis de construire.

Cette ordonnance est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Les choses sont désormais claires. Vous pourrez donc, monsieur le sénateur, indiquer aux maires et aux présidents d’EPCI concernés la marche à suivre qui a été retenue et ordonnée, et qui leur permettra de disposer de deux ans pour régler au mieux les problèmes auxquels ils sont confrontés en la matière.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Je tiens à remercier Mme la ministre non seulement de la clarté et la précision de sa réponse, qui va simplifier les choses dans les départements et les collectivités où la question se posait, mais aussi de sa présence ce matin au Sénat tout spécialement pour répondre à cette seule question. J’y suis très sensible.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Quand on peut, on fait ! (Sourires.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

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Hommage aux militaires français tués en opérations

M. le président. Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux alors que les forces françaises viennent d’être engagées par le Président de la République dans une difficile opération au Mali, en réponse à la demande du président Dioncounda Traoré et dans le respect des résolutions votées par le Conseil de sécurité des Nations unies.

En application de l’article 35, deuxième alinéa, de la Constitution, le Premier ministre m’a adressé, le samedi 12 janvier, une lettre m’informant de cette intervention. Je vous en ai transmis copie par voie électronique dès réception.

Comme l’indiquait son courrier, M. le Premier ministre m’a reçu hier soir avec le président de l’Assemblée nationale, les présidents des groupes politiques des deux assemblées et ceux des commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat et de l’Assemblée nationale, pour nous présenter les objectifs et les modalités de l’opération engagée au Mali. Nous aurons l’occasion d’en débattre dès demain après-midi.

Je veux, à cet instant, saluer en votre nom à tous le courage et le dévouement de nos forces armées, dont les membres combattent au péril de leur vie depuis cinq jours.

L’opération Serval a coûté la vie à un officier français, le lieutenant Damien Boiteux, du quatrième régiment d’hélicoptères des forces spéciales de Pau. Mes pensées vont à sa famille, si cruellement éprouvée. Au nom de la Haute Assemblée, je lui présente mes condoléances les plus attristées.

Je vous demande d’observer une minute de silence à la mémoire du lieutenant Damien Boiteux, ainsi qu’à celle des militaires tués lors de la tentative de libération de l’otage français Denis Allex en Somalie. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage qui vient d’être rendu à l’officier Damien Boiteux, tombé au Mali le 12 janvier.

Comme M. le président du Sénat vient de l’indiquer, le lieutenant Damien Boiteux était chef de bord d’hélicoptère au sein du quatrième régiment d’hélicoptères des forces spéciales de Pau. L’opération Serval est menée pour faire reculer les terroristes qui menacent l’intégrité territoriale du Mali et portent quotidiennement atteinte aux valeurs auxquelles nous croyons. J’ai une pensée pour sa famille et ses proches, à qui je présente mes condoléances. M. le Premier ministre et M. le ministre de la défense président en ce moment même une cérémonie d’hommage aux Invalides.

Je veux également rendre hommage à la mémoire de nos soldats tombés en Somalie, dans le cadre d’une opération destinée à libérer l’un de nos agents retenu depuis plus de trois ans dans des conditions extrêmement éprouvantes. Nous ne pouvons que saluer l’unanimité qui prévaut pour soutenir nos soldats, engagés au péril de leur vie sur des théâtres d’opérations difficiles.

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Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Discussion générale (suite)

Traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne (projet n° 225, texte de la commission n° 237, rapport n° 236).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le processus d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne est engagé depuis de très nombreuses années. Nous le savons, les procédures sont longues. En effet, le cadre de négociation, rigoureux et exigeant, comporte des dispositifs itératifs de contrôle et d’évaluation afin de garantir que les engagements pris par les pays candidats à l’adhésion seront scrupuleusement respectés.

Le fait que nous puissions débattre aujourd'hui d’un projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne témoigne de la paix retrouvée dans cette région des Balkans. Dans un passé récent, encore bien présent à nos mémoires, cette partie de l’Europe était déchirée par des conflits extrêmement meurtriers. Des populations auxquelles nous sommes liés par l’histoire étaient exposées à la violence, à la guerre, parfois même à la barbarie.

La Croatie a aujourd'hui retrouvé durablement le chemin de la paix. Elle entretient des relations apaisées avec ses voisins. Des efforts sont réalisés partout, dans cette région, pour lutter sans relâche contre la corruption et le crime organisé et faire triompher les valeurs auxquelles nous croyons tous ici : les droits de l’homme, l’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, la démocratie.

En Croatie, ces valeurs ont progressé, grâce au cadre exigeant de négociation qui régit les relations entre ce pays et l’Union européenne depuis 2005. Par des vérifications constantes, nous avons pu nous assurer que l’agenda pour l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne était bien respecté selon chacun des critères.

Aujourd’hui, nous avons à examiner le traité définissant les dispositifs particuliers qui régiront l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne et les neuf annexes à l’acte d’adhésion, visant à préciser les modalités de celle-ci, ainsi qu’un protocole, un acte final et quatre déclarations. Ces textes, dont la portée juridique est considérable, ont été étudiés au sein des différentes institutions de l’Union européenne et par la commission des affaires étrangères du Sénat. Ils témoignent de la rigueur du cadre de négociation qui a régi les discussions entre la Croatie et l’Union européenne.

Bien entendu, ces textes signifient aussi que la Croatie, qui sera partie intégrante de l’Union européenne à compter du 1er juillet prochain, sous réserve de la ratification du traité d’adhésion par l’ensemble des États membres, reprendra tout l’acquis communautaire, y compris les textes dérivés ou les politiques mises en œuvre par l’Union européenne, qui constituent autant de règles communes auxquelles les pays membres de celle-ci doivent se conformer.

La reprise de l’acquis communautaire, l’application du droit dérivé ne signifient pas qu’il n’y aura pas des possibilités d’adaptations transitoires sur un certain nombre de sujets, dans le cadre d’un dialogue établi et de conventions acceptées entre l’Union européenne et la Croatie.

Je pense, par exemple, aux dispositions qui s’appliqueront en matière de politique de la pêche ou de politique agricole, aux nécessaires adaptations qui seront mises en œuvre en matière de droit de la concurrence. Je pense aussi aux règles particulières qui régissent l’espace de Schengen.

Néanmoins, en dépit de ces adaptations, l’idée est bien que la Croatie mette en œuvre immédiatement la totalité du droit communautaire et reprenne l’intégralité de l’acquis communautaire, ce qui a exigé beaucoup d’exigence, de rigueur et de vérifications au cours de la négociation. Cette dernière s’est ouverte en octobre 2005, pour se conclure en juin 2011 : c’est dire si elle s’est inscrite dans un temps long. Ce temps long de la négociation européenne a permis aux institutions de l’Union et au Gouvernement de la Croatie, dans le cadre d’un dialogue exigeant, itératif, d’examiner tous les sujets qui étaient à l’ordre du jour.

Je voudrais en évoquer quelques-uns, qui témoignent de la rigueur de la discussion et du niveau d’exigence de l’Union européenne lorsqu’il s’agit de procéder à un élargissement. Certains ont tendance à considérer que l’élargissement est un processus sans fin, qui ne serait assorti d’aucune exigence et pourrait conduire bien des pays aujourd’hui aux portes de l’Union européenne à entrer en son sein sans conditions. En réalité, il n’en est rien.

L’Union européenne impose aux pays qui souhaitent l’intégrer le respect d’un certain nombre de valeurs portées par le Conseil de l’Europe, celles de la démocratie. C’est là une extraordinaire incitation, pour ces pays, à adapter leurs institutions, à les faire évoluer, à les moderniser, à les démocratiser. La perspective d’une adhésion à l’Union européenne les encourage dans une mesure considérable à accélérer le processus de réforme de leurs institutions, dans le sens de la promotion de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme.

Ce qui se passe depuis quelques mois dans les relations entre l’Union européenne, la Serbie, le Kosovo et d’autres pays témoigne de cette extraordinaire dynamique qui est à l’œuvre. L’Union européenne, en ouvrant la perspective d’une adhésion, incite des pays à se moderniser et à s’engager dans la voie des indispensables réformes démocratiques.

La Croatie s’est ainsi engagée sur un chemin dont les étapes ont été constamment respectées. Tous les six mois, la Commission européenne a évalué le déroulement du processus d’adhésion et en a rendu compte au Conseil européen, jusqu’à ce que ce processus arrive à son terme et que l’adhésion soit possible.

J’insiste sur ce point, cela a permis à la paix de s’instaurer durablement dans une partie de l’Europe marquée hier par les conflits. Les relations entre la Croatie et la Serbie sont désormais pacifiées. Des coopérations ont été engagées, y compris dans des domaines sensibles comme la sécurité et la défense. Le resserrement des liens entre les deux pays a contribué à créer dans la zone un climat nouveau.

Il en a été de même pour les relations entre la Croatie et la Slovénie, grâce notamment à l’acceptation par la Croatie de l’intervention d’un tribunal arbitral sur la question de la baie de Piran.

Par-delà l’amélioration des relations de voisinage, on ne saurait négliger, au titre du chapitre 23 du cadre de négociation, les progrès réalisés par la Croatie en matière de promotion de l’État de droit, de modernisation et d’indépendance de la justice, de séparation des pouvoirs, de reconnaissance des droits fondamentaux, de liberté de la presse. C’est ainsi toute la démocratie qui progresse dans ce pays.

On ne peut pas non plus ignorer, en regard des réels efforts accomplis par la Croatie, l’importance de l’engagement de l’Union européenne, qui s’est manifesté d’abord par une mobilisation politique : les représentants permanents des pays de l’Union européenne ont participé à pas moins de treize réunions de négociation, auxquelles ont fait écho treize Conseils des ministres des affaires étrangères pour mener à son terme le processus et faire en sorte que l’adhésion intervienne dans des conditions maîtrisées.

La mobilisation n’a pas été uniquement politique et diplomatique ; elle a également été financière. Ainsi, près de 1,5 milliard d’euros ont été consacrés par l’Union européenne à l’accompagnement financier de la Croatie dans le processus d’adhésion. En effet, les pays candidats à l’adhésion qui connaissent quelques retards par rapport aux États déjà membres ont parfois besoin d’être accompagnés sur le chemin de la démocratie et de l’intégration dans l’Union européenne.

Nous ne pouvons pas non plus ne pas souligner le travail très important qui a été accompli par les forces politiques croates, souvent toutes tendances confondues, pour rendre cette évolution possible.

Le processus d’adhésion a également contribué à créer un climat de coopération renforcée sur le plan économique entre la France et la Croatie, ce qui permet aujourd’hui à un certain nombre de nos grandes entreprises d’être présentes sur des chantiers importants : je pense notamment à la construction de l’aéroport de Zagreb ou des autoroutes d’Istrie.

Il faut aussi mentionner l’importance de la coopération culturelle entre les deux pays, qui s’est traduite par l’ouverture d’une saison croate en France, en septembre dernier. À cette occasion, les œuvres d’artistes croates ont été exposées dans les plus beaux musées de Paris, en particulier le Louvre ou le Palais de Tokyo. Des musiciens, des créateurs, des plasticiens ont été accueillis dans notre pays. En octobre, le président croate a participé au côté du président Hollande au vernissage d’une magnifique exposition d’art croate.

Au terme d’un processus rigoureux et exigeant de négociation, la Croatie s’apprête donc aujourd’hui à intégrer l’Union européenne. Parallèlement, la France a approfondi ses relations avec elle.

La présentation de ce projet de loi témoigne du chemin accompli conjointement par l’Union européenne et la Croatie pour aller l’une vers l’autre. Je ne puis que vous inviter, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’adopter. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Discussion générale (suite)

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Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu ce jour de M. le Premier ministre une lettre m’informant que le Gouvernement fera à l’Assemblée nationale et au Sénat une déclaration sur l’engagement des forces armées en réponse à la demande d’intervention militaire formulée par le Président du Mali.

Cette déclaration aura lieu demain mercredi 16 janvier à quinze heures, simultanément dans les deux assemblées. Elle sera suivie d’un débat.

Après concertation avec les présidents de groupe, je vous propose, pour l’organisation de ce débat, d’attribuer, après l’intervention du Gouvernement :

- un temps de parole de dix minutes au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

- un temps de parole de quinze minutes à l’orateur du groupe UMP et à celui du groupe socialiste, et de dix minutes à l’orateur de chacun des autres groupes politiques ;

- un temps de parole de trois minutes au représentant des non-inscrits.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Discussion générale (suite)

Traité relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Article unique (début)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je m’associe à l’hommage qui a été rendu à nos soldats par le président du Sénat et par le ministre.

Le métier des armes n’est pas un métier comme les autres. Il est fait de sens du devoir, d’esprit de sacrifice. Il requiert du courage. Il comporte l’acceptation du risque. La France doit à son armée d’être restée ce qu’elle est, une nation libre. Elle lui doit aussi son indépendance et son rayonnement dans le monde. Tel était l’engagement de ces hommes tombés au Mali et en Somalie ; ils sont morts pour des valeurs justes et hautes.

J’assisterai tout à l’heure avec certains d’entre vous, mes chers collègues, à la cérémonie d’honneurs funèbres en hommage au lieutenant Damien Boiteux. C’est d’ailleurs au sein de l’unité dans laquelle il servait que j’ai fait mon service militaire.

Je pense aussi, à cet instant, aux agents de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Je le dis en votre nom à tous, mes chers collègues : nous n’oublierons pas nos soldats morts au combat !

J’en viens maintenant au projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne.

Je tiens d’abord à saluer la présence dans notre tribune officielle de M. Ivo Goldstein, nouvel ambassadeur de Croatie en France.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que ce projet de loi soit le premier texte examiné par le Sénat en 2013. C’est une bonne façon de commencer l’année !

En accueillant la Croatie, le 1er juillet 2013, l’Union européenne passera de vingt-sept à vingt-huit États membres. Nous vivons donc aujourd’hui une étape importante de l’histoire de cette communauté de destin et de valeurs qu’est l’Europe.

C’est la dernière fois que le Parlement français pourra autoriser la ratification d’un élargissement de l’Union européenne à la majorité simple ; les prochains élargissements devront être approuvés soit par référendum, soit, depuis la dernière révision constitutionnelle de 2008, par le Parlement, mais à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Je ne reviendrai pas sur le long chemin qui, conformément au « consensus renouvelé sur l’élargissement de 2006 », a conduit la Croatie au seuil de l’Union européenne. Devant vous, cet après-midi, je me bornerai à aborder brièvement deux questions : la Croatie est-elle prête pour l’adhésion ? Quelle est la situation dans les Balkans occidentaux ?

Tout d’abord, la Croatie est-elle prête pour entrer dans l’Union européenne ?

À la différence du grand élargissement à l’Est, qui a scellé la réconciliation d’une Europe artificiellement divisée par le rideau de fer, l’entrée dans l’Union des pays des Balkans occidentaux se fait de manière différenciée, uniquement en fonction de l’état de préparation de chacun d’entre eux, sans calendrier préétabli, en tenant compte à la fois des critères dits « de Copenhague renforcés » et de la capacité d’absorption de l’Union européenne. C’est donc un véritable marathon que la Croatie a dû parcourir, dans une mobilisation vers son avenir européen qui ne s’est pas démentie.

Les critères ont-ils été plus rigoureux que pour les précédents entrants, la Roumanie et la Bulgarie ? Oui, sans aucun doute. C’était nécessaire, tant pour assurer la transformation en profondeur du pays – il faut « laisser du temps au temps »… – que pour restaurer la crédibilité, auprès de nos opinions publiques, d’un processus d’élargissement suscitant une certaine « fatigue », pour ne pas dire une certaine lassitude.

Le nombre de « chapitres » de l’acquis communautaire est passé de trente à trente-cinq, avec un nouveau chapitre 23 « pouvoirs judiciaires et droits fondamentaux », dans le domaine de l’État de droit. Le nombre et la rigueur des critères d’ouverture ont été augmentés. Un nouveau type de suivi, entre la signature et l’adhésion, a été mis en place, sur l’initiative de la France et de l’Allemagne, afin de maintenir la pression des réformes et l’élan du changement, non seulement de la législation, mais aussi des pratiques. Dans ce cadre, dix actions clés très concrètes ont été identifiées en octobre, et je ne doute pas que la dernière évaluation, attendue au printemps prochain, ne soit positive, compte tenu de l’important travail mené en ce moment même à Zagreb.

Depuis 2001, la Croatie a bénéficié de 1,5 milliard d’euros d’aides de préadhésion, soit environ 363 euros par habitant. La somme prévue en 2013 au budget européen augmentera à partir de 2014 pour les fonds structurels, les fonds de cohésion et les crédits de la politique agricole commune. La Croatie aura douze députés européens et disposera, au jour de son adhésion, d’un commissaire européen.

Peuplée de 4,5 millions d’habitants d’origine slave, de religion catholique et utilisant un alphabet de caractères latins, située au carrefour des influences de la Méditerranée, de l’Europe centrale et des Balkans, la Croatie est aujourd’hui prête à devenir le vingt-huitième État membre de l’Union européenne. Ancre de stabilité dans la région, elle a su affronter son passé et se tourner vers l’avenir. Elle montre la voie à ses voisins.

Nous sommes lucides, il reste malgré tout des difficultés : les complications territoriales et financières avec la Slovénie, la question du contrôle – et du tracé ! – de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine, les relations avec la Serbie, l’autre « grand » de la région… Mais nous avons confiance, et nous répondons sans hésitation : oui, aujourd’hui la Croatie est prête pour entrer dans l’Union européenne.

Seconde question : où en sont les Balkans occidentaux, dont Bismarck disait que les États « produisent plus d’histoire qu’ils n’en peuvent consommer » ?

Leur « vocation européenne », c’est-à-dire le principe de leur adhésion à l’Union européenne, a été clairement reconnue au Conseil européen de Zagreb, en 2000, sous la présidence française de l’Union européenne, et régulièrement réaffirmée depuis. Dix ans après ces déclarations, le bilan est finalement assez mince. La Croatie sera, après la Slovénie, membre depuis 2004, le deuxième État de cette région à entrer dans l’Union européenne. Le Monténégro et la Serbie ont le statut de candidat, mais les négociations ne sont pas ouvertes, non plus qu’avec la Macédoine, bloquée par le veto grec.

Mme Nathalie Goulet. Tant mieux !

M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. L’Albanie a déposé sa candidature ; la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo demeurent en quelque sorte « sur le seuil de la porte ».

Cette lenteur est due aux difficultés de la transition démocratique et de la construction des institutions, aux imbroglios historiques, ethniques et frontaliers, ou à la part, dans certains États, de l’économie criminelle et de la corruption.

En Serbie, les élections ont porté au pouvoir des dirigeants aux antécédents nationalistes, tandis que le dialogue avec Pristina vient tout juste de reprendre. En Bosnie-Herzégovine, la solution institutionnelle semble introuvable. En Macédoine, les relations interethniques se tendent. En Albanie, la situation politique était bloquée il y a peu de temps encore, et le bilan des réformes est mince, en termes d’instauration d’un État de droit notamment.

Or, dans cette région, l’adhésion à l’Union européenne agit comme un instrument de stabilité et de réconciliation. On pourrait même dire que, pour certains États, l’intégration européenne est à l’origine du processus de construction nationale.

Certains agitent la menace que les Balkans, dont les pays sont las de soupirer à la porte d’une Europe concentrée sur la gestion de ses propres crises, ne deviennent un lieu de compétition entre puissances émergentes, un peu comme au XIXe siècle entre les anciens empires : tropisme russe de la Serbie, présence traditionnelle de la Turquie dans la région, ou encore montée en puissance économique de la Chine, à la recherche de portes d’entrée vers le grand marché européen à partir des ports grecs.

Je pense quant à moi que l’Union européenne restera, pour ces États, un horizon de stabilité et de prospérité à long terme. Mais soyons attentifs à ce que l’élan européen continue bien à être le moteur de la transformation de ces sociétés.

Au fond, la vraie question est celle-ci : quelle est aujourd’hui la force d’attraction et la capacité propulsive du projet européen ? Sommes-nous capables de faire autre chose que de gérer nos crises, que de donner une image d’impuissance et d’immobilisme ? Comment retrouver l’élan des pères fondateurs ? Par exemple, saurons-nous construire l’Europe de la défense ? Saurons-nous relancer une croissance qui fasse renaître l’espoir ?

Ne nous jugeons toutefois pas trop durement : bien sûr, beaucoup reste à faire, mais déjà nous avons travaillé, ces derniers mois, à réorienter l’Europe et à restaurer son rayonnement.

Pour l’élargissement, nous devons trouver un équilibre, délicat, entre la nécessaire dynamique européenne à enclencher dans une région où la réconciliation demeure fragile et l’indispensable crédibilité d’un élargissement qui doit vraiment renforcer l’Union, et non pas la fragiliser. L’élargissement doit respecter le tempo fixé par les États membres, sans les entraîner dans un engrenage. Les États membres doivent rester maîtres du jeu.

Je suis persuadé que la Croatie sera, au sein de l’Union européenne, une alliée pour trouver ce juste équilibre. Notre commission vous invite donc, mes chers collègues, à approuver la ratification du traité d’adhésion.

« Croatie, la voici ! » nous dit le slogan de la saison culturelle croate à Paris. J’ajouterai, au nom de la commission des affaires étrangères et, je l’espère, au nom du Sénat tout entier : « Croatie, bienvenue ! ». (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, au nom de la commission des affaires européennes.

M. André Gattolin, au nom de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai plaisir à saluer le rapport de la commission des affaires étrangères et je remercie M. Carrère de l’enthousiasme qu’il montre à l’occasion du retour de la Croatie dans le concert des nations européennes.

La commission des affaires européennes du Sénat partage évidemment cet enthousiasme. Notre intérêt pour la Croatie est grand et ancien, et nous sommes particulièrement heureux de l’accueillir en tant que vingt-huitième État membre de l’Union européenne, en autorisant la ratification du traité d’adhésion.

Une délégation de notre commission s’est rendue en novembre 2011 à Zagreb à l’invitation du Parlement et du Gouvernement croates. Nous avons pu alors mesurer la très forte implication de l’ensemble des forces politiques croates dans la dernière ligne droite conduisant le pays vers son entrée dans l’Union.

Quelques jours après notre retour, la commission des affaires européennes du Sénat a d’ailleurs adopté à l’unanimité une proposition de résolution européenne présentée par Simon Sutour et Michèle André, présidente du groupe d’amitié France-Croatie, dont je salue ici le très grand engagement en faveur du rapprochement entre nos deux peuples. Ce texte, visant à demander une ratification très rapide par notre pays du traité d’adhésion de la Croatie à l’Union, est devenu une résolution du Sénat le 29 novembre 2011.

Les relations entre la France et la Croatie sont aujourd’hui excellentes et de nombreuses coopérations économiques et institutionnelles ont déjà été mises en place.

Les relations de notre Sénat avec le Sabor, la chambre unique du Parlement de la République de Croatie, ainsi qu’avec le Gouvernement et la présidence croates, sont particulièrement intenses depuis deux ans. Le président Jean-Pierre Bel a, en octobre dernier, accueilli au Sénat Ivo Josipovic, l’actuel président de la République de Croatie, et il recevra demain son homologue Josip Leko, président du Sabor. Je salue, au nom de la commission des affaires européennes, la présence, dans notre tribune officielle, du nouvel ambassadeur de Croatie en France.

Depuis quelques années, la question de l’élargissement fait souvent débat au sein de l’Union européenne. On a pu dire qu’il s’opérait parfois au détriment de l’approfondissement, ou que certaines adhésions avaient été mal préparées. S’agissant de la Croatie, force est de constater que toutes les conditions semblent réunies pour faire de son adhésion une réussite.

Comme l’indiquent les traités européens, confortés par la Charte des droits fondamentaux, tout État européen qui respecte les valeurs de l’Union et qui s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de celle-ci.

L’Union européenne est fondée sur les valeurs du respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité de tous les citoyens en droits et en devoirs, du respect de l’État de droit et du respect des droits de l’homme.

Or, incontestablement, la Croatie est aujourd’hui pleinement un État de droit. C’est le premier point que je veux souligner : elle jouit d’une grande stabilité démocratique et institutionnelle.

Les institutions que la Croatie a mises en place en retrouvant sa souveraineté sont stables et, depuis vingt ans, il a été prouvé qu’elles résistaient efficacement aux alternances politiques. Plus exactement, elles permettent l’alternance politique, la dernière datant du mois de décembre 2011.

La Croatie jouit d’une grande stabilité grâce à une constitution remontant déjà à vingt ans, qui a su établir un bon équilibre entre présidentialisme et parlementarisme, équilibre qui d’ailleurs n’a pas été affecté par une période de cohabitation politique intervenue dans un passé assez récent.

Deuxième point important à nos yeux : pour les minorités, les réfugiés et les déplacés, la Croatie a trouvé des solutions à la fois efficaces et respectueuses.

La Croatie a su résoudre le problème de ses minorités. On ne reviendra pas sur la « mosaïque des peuples » propre aux Balkans. En l’occurrence, la population de la Croatie est plus homogène que celle de la plupart des pays voisins, mais elle n’échappe cependant pas totalement à son destin balkanique, et le pays compte sur son territoire des minorités auxquelles elle a accordé, ces dernières années, des droits importants.

Par une loi constitutionnelle de 2002 sur les droits des minorités nationales, la Croatie a su créer un climat de confiance au sein de ses frontières pour ses minorités serbe, bosniaque, italienne, hongroise, albanaise et slovène. Concernant les membres de la minorité serbe qui avaient fui après la guerre, la Croatie a ainsi accepté leur retour et leur réintégration dans la nation.

Troisième point essentiel au regard de la ratification : la Croatie a établi un État de droit digne de ce nom.

La Croatie a satisfait aux exigences requises pour l’ensemble des chapitres ouverts à la négociation, mais il n’est pas indifférent que celle-ci n’ait abouti qu’à la fin du processus pour le chapitre le plus délicat, c’est-à-dire le chapitre 23, relatif à la justice et aux droits fondamentaux.

La Croatie a longtemps souffert d’un système judiciaire vicié, hérité de l’ancien régime yougoslave. C’était, pour l’Union, sans doute le point le plus sensible. Les mauvaises expériences roumaine et bulgare en la matière ont conduit les institutions européennes à relever le niveau de leurs exigences. C’est ainsi qu’il a été instamment demandé aux autorités croates – parfois sans ménagements diplomatiques, il faut bien le reconnaître – des efforts très intenses en matière de réforme de la justice, tant dans le domaine du recrutement et de la formation des magistrats qu’au regard de l’indépendance des juges.

La Croatie a été priée d’intensifier ses efforts et de soutenir activement la réforme judiciaire et la lutte anti-corruption jusqu’à son entrée dans l’Union, tout en fournissant tous les six mois des rapports convaincants sur les progrès accomplis.

Des efforts très importants ont été mis en œuvre, en particulier pour réduire le nombre d’affaires en souffrance et rationaliser le système judiciaire, par l’agrandissement des tribunaux et la spécialisation des juges.

La Croatie a créé une école des professions judiciaires et renforcé l’indépendance en matière de nomination aux fonctions judiciaires.

Au cours des négociations, la corruption est également apparue comme un problème majeur, et la lutte contre celle-ci est devenue une priorité pour le Gouvernement croate. Son action énergique dans ce domaine au cours des dernières années a été saluée par tous les observateurs européens. Une bonne coopération s’est installée entre la justice croate et les agences internationales. Chacun convient qu’il faut poursuivre le renforcement des capacités administratives des services de lutte contre la corruption, en particulier celles de l’Office de prévention de la corruption et de la criminalité organisée, l’USKOK.

Enfin, un effort supplémentaire a été consenti pour corriger les insuffisances en matière de transparence dans le domaine des dépenses publiques et dans celui du financement de la vie politique.

La recherche de relations pacifiées avec les pays voisins a bien évidemment été aussi au cœur des actions de la République de Croatie ces dernières années. C’était tout à la fois une nécessité pour que sa candidature à l’entrée dans l’Union européenne soit prise au sérieux et une conséquence des négociations entourant cette candidature, puisque l’Union européenne veut être le moteur de semblables entreprises de réconciliation.

En l’occurrence, c’est avec la Serbie et la Slovénie que les différends étaient les plus nombreux.

La Croatie et la Serbie, tout d’abord, se sont durement affrontées voilà une vingtaine d’années. Leurs gouvernements ont réalisé de grands pas l’un vers l’autre en reconnaissant et en regrettant la violence et les brutalités commises de part et d’autre. Les plus hautes autorités serbes ont été reçues à Zagreb et les plus hautes autorités croates l’ont été à Belgrade. Il n’y a pas si longtemps, cela aurait semblé inimaginable !

Avec la Slovénie, la dispute est plus actuelle. Elle concerne le littoral du golfe de Piran, et donc le territoire maritime de la Slovénie, ainsi que, de manière peut-être plus aiguë ces derniers temps, la restitution d’avoirs croates auprès de la Ljubljanska Banka.

Sur la question des eaux territoriales, la Slovénie et la Croatie ont accepté de s’en remettre à un arbitrage international, dont tous les responsables politiques croates que nous avons rencontrés, de la majorité comme de l’opposition, ont déclaré qu’ils respecteraient les conclusions, quelles qu’elles soient. C’est là un signe très positif en vue de la pacification des relations avec la Slovénie.

S’agissant des avoirs croates détenus par la banque précitée, la situation est plus embarrassante, la Slovénie menaçant de ne pas ratifier le traité d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. La résolution de ce problème pourrait intervenir, me semble-t-il, dans les mois qui viennent. Il faudra toutefois être vigilants sur ce point.

Enfin, des efforts importants ont également été accomplis pour rendre l’économie croate compatible avec le marché unique. Ce point a été peu évoqué, mais la Croatie a réalisé des progrès économiques remarquables au cours des deux décennies écoulées. Avant la crise économique, elle jouissait d’un taux de croissance de 4 % à 5 % par an ; en vingt ans, ses revenus ont doublé, et le revenu par habitant en Croatie atteint à présent 63 % de la moyenne de l’Union européenne.

La Croatie entrera dans l’Union dotée d’une économie dynamique et concurrentielle et elle aura parachevé sa transition vers une économie de marché, même si le taux de croissance prévu pour 2013 stagne autour de 1,5 %.

On rappellera que la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ont investi dans le pays près de 500 millions d’euros par an en 2009 et en 2010 et ont décidé d’appuyer fortement la Croatie dans la phase finale de son accession à l’Union européenne.

Il faut ajouter à cela l’appui du fonds d’adhésion, pour un montant de 3,6 milliards d’euros, utilisables pendant les deux premières années suivant l’adhésion, ainsi que les investissements directs étrangers et les capacités de financement locales.

La Croatie a décidé la mise en œuvre de trente grands projets d’investissement pour une valeur de 13 milliards d’euros, dont une dizaine à lancer tout de suite. Ce programme n’est pas irréaliste et pourrait s’avérer efficace, pour autant qu’il permette de réamorcer l’investissement privé dans le pays.

En dépit d’un tissu industriel encore limité, la capacité de rattrapage de la Croatie demeure intacte : son potentiel touristique et sa situation géographique font d’elle une plate-forme multimodale régionale dotée de ressources humaines qualifiées et de bonnes infrastructures. De plus, l’inflation y a été maîtrisée au cours des dernières années.

Le secteur agricole ne représente plus que 5 % du PIB du pays, contre 22 % pour le secteur secondaire. Le secteur des services représente à lui seul 73 % du PIB.

Je l’ai dit, le tourisme, en particulier, est en plein essor. En effet, la Croatie reçoit près de 10 millions de visiteurs par an et cette croissance devrait se confirmer au cours des prochaines années, avec le développement d’infrastructures modernes pour l’accueil des touristes étrangers.

Cependant, l’ensemble de ces chiffres ne reflète pas réellement les efforts énormes fournis par la population croate et les sacrifices endurés par tous les salariés et les entrepreneurs pour mener à bien ce rattrapage.

Le référendum sur l’adhésion du pays à l’Union européenne s’étant tenu en janvier 2012, en plein cœur de la crise de la zone euro et à un moment où l’activité économique connaissait un ralentissement, on pouvait redouter que les électeurs croates ne se montrent assez eurosceptiques.

Tel n’a pourtant pas été le cas. La participation à ce référendum aurait certes pu être plus élevée, mais l’adhésion à l’Union a été validée par plus de 67 % des votants. J’y vois la preuve d’un enthousiasme lucide, d’une volonté de progresser par l’Europe et de faire progresser l’Europe ; nous ne pouvons que nous en réjouir. Je suis heureux de pouvoir saluer devant vous, mes chers collègues, ce sursaut héroïque et historique de nos amis Croates.

Maintenant que l’État de droit est établi en Croatie, le pays va pouvoir tirer parti de ses atouts, fruits d’une longue et riche histoire européenne.

C’est avec joie et une grande confiance que nous nous apprêtons à accueillir dans l’Union la Croatie, très ancienne nation qui ne fera que revenir à ses origines en nous rejoignant. Le 1er juillet 2013 marquera la dernière étape du long cheminement qui a permis de renouer la chaîne du temps.

Un pays qui bénéficie d’une remarquable situation géographique, d’une population jeune ayant le don des langues, d’une agriculture diversifiée, d’un excellent réseau de petites et moyennes entreprises, d’un bon système éducatif et d’un potentiel touristique très enviable ne peut que réussir son intégration.

Il y a un peu plus d’un an, j’ai fait partie de la délégation de la commission des affaires européennes conduite par notre collègue Simon Sutour. Je m’étais rendu plusieurs fois par le passé en Croatie ; j’y ai notamment séjourné plusieurs jours au plus fort de la guerre avec la Serbie, à l’automne de 1991, alors que le front n’était qu’à une douzaine de kilomètres de la capitale. Pour la première fois de ma vie, j’ai vécu la guerre et compris ce que pouvait être un bombardement. Pendant mon séjour, j’ai passé davantage de temps dans des abris, durant les multiples alertes, que dans les rues de Zagreb. Cette courte expérience m’a beaucoup marqué, comme elle a, dans des proportions bien évidemment incomparables, affecté la population croate, en laissant des traces très profondes dans la mémoire de toutes celles et de tous ceux qui ont vécu au quotidien ce dramatique conflit.

Le but premier de la construction européenne, dans les années ayant suivi le terrible conflit qui a ravagé notre continent durant la première moitié des années quarante, était précisément la pacification durable de nos territoires et la reconstruction irréversible de l’État de droit.

Le plus fort symbole de la construction européenne de l’après-guerre est sans nul doute la réconciliation entre la France et l’Allemagne, qui a débouché sur l’instauration d’une amitié solide et durable. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de célébrer le cinquantième anniversaire de cette réconciliation la semaine prochaine, avec la commémoration de la signature du traité de l’Élysée.

L’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, c’est aussi pour nous tous, d’une certaine façon, la réactualisation du rêve européen tel que les pères fondateurs de l’Europe l’avaient formulé.

Bien sûr, de nombreuses questions restent à régler dans les Balkans. Je l’ai dit, la Croatie a encore des différends à aplanir avec certains de ses voisins, mais son formidable parcours depuis la fin de la guerre est un encouragement à poursuivre l’aventure et un pilier sur lequel s’appuyer dans les années à venir pour approfondir nos relations avec l’ensemble des pays de la région.

Mes chers collègues, lors de mes voyages en Croatie, j’ai eu l’occasion de me lier d’amitié avec le traducteur croate des œuvres d’Albert Camus, qui écrivait que « la paix est le seul combat qui vaille d’être mené ». En cet instant, je pense à ce vieil homme ; j’imagine qu’il doit être particulièrement d’accord, aujourd’hui, avec le philosophe qu’il a tant lu et traduit. Si la paix est effectivement le seul combat qui vaille d’être mené, c’est alors une bataille que viennent de remporter la Croatie, ses partenaires et l’Union toute entière.

Au nom de la commission des affaires européennes, je vous appelle, mes chers collègues, à voter ce projet de loi autorisant la ratification du traité d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. (Applaudissements sur la plupart des travées.)

(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. M. le président Bel s’est absenté pour assister à l’hommage rendu aux Invalides au lieutenant Boiteux, tombé au Mali.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe, au nom des radicaux de gauche et du groupe du RDSE, à l’hommage qui a été rendu tout à l’heure aux soldats français tombés au Mali et en Somalie.

Lors de la remise du prix Nobel de la paix à l’Union européenne, à Oslo, le 10 décembre dernier, MM. Barroso et Van Rompuy ont intitulé leur discours « De la guerre à la paix : une histoire européenne ». Dans la vie parlementaire, nous avons parfois l’occasion de participer à l’écriture de cette histoire. Au cours de son allocution, M. Van Rompuy déclara : « La guerre est aussi ancienne que l’Europe. » Ce constat est encore plus vrai s’agissant des Balkans.

Heureusement, dans cette région trop longtemps troublée, le processus d’adhésion à l’Union européenne agit comme un outil d’apaisement des conflits nés de l’éclatement de la Yougoslavie ou de haines plus profondes encore, qui resurgissent malheureusement de façon épisodique.

Examinons le traité dont la ratification est soumise à l’approbation de notre assemblée à travers le prisme de l’histoire de ce territoire où se sont mêlés les héritages slave, autrichien et hongrois, mais qui se trouva également dans la sphère d’influence de Venise, puis de l’Italie unifiée, tout en se situant aux marches de l’empire ottoman. Souvenons-nous également que Napoléon incorpora à l’Empire français les provinces de Dalmatie et de Dubrovnik, au sein des provinces illyriennes, entre 1809 et 1813. De par son histoire, la Croatie se situe bel et bien au cœur de l’Europe.

Nous ne pouvons cependant évoquer l’histoire sans rappeler l’équilibre des alliances européennes issu de la Première Guerre mondiale et des solidarités nées de ces années de dévastation.

D’aucuns, rejouant la Triple Alliance contre la Triple Entente, voient dans la Croatie un allié de l’Allemagne, à opposer à la Serbie amie de la France. Je n’oublie pas, pourtant, que dans le parc de Kalemegdan, à Belgrade, se dresse le monument de la reconnaissance à la France, ni que lors de la campagne de Serbie, en 1915, ce sont des bateaux français qui évacuèrent l’armée serbe en retraite et le roi Pierre Ier, pour les transporter sur l’île de Corfou.

Au nom de ces liens anciens, je forme ici le vœu, monsieur le ministre, que la Serbie, dont les négociations d’adhésion devraient débuter dans les mois qui viennent, en tout cas au cours du premier semestre de 2013, rejoigne à son tour rapidement l’Union européenne, dans laquelle elle a toute sa place.

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet. L’un des apports majeurs de la construction européenne est qu’elle nous permet de transcender les vieux antagonismes que je viens d’évoquer. Depuis la cessation des conflits qui ont embrasé les Balkans à la fin du siècle dernier, l’Union européenne, notamment au travers des processus d’adhésion, joue le rôle de vecteur de stabilisation d’une région qui était, il y a peu, considérée comme une poudrière.

L’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, après celle de la Slovénie, en 2004, marquera une nouvelle étape de l’élargissement en direction des Balkans occidentaux. Elle s’opère en tirant les enseignements de la précédente vague d’adhésions, qui, entre 2004 et 2007, a vu une partie des pays de l’Europe centrale et orientale rejoindre l’Union européenne.

En effet, l’adhésion de ces douze pays était aussi motivée par la promesse de réconciliation d’une Europe qui, pendant plus de quarante années, fut coupée en deux par le rideau de fer. La dimension symbolique de cette réunification des « deux Europe » a sans doute éclipsé le respect d’une partie des critères habituellement pris en compte lors des négociations. En d’autres termes, l’engagement moral a parfois occulté les difficultés des États candidats à remplir les conditions requises, tant politiques qu’économiques, ou à reprendre l’acquis communautaire.

À la suite de l’élargissement à l’Est, les institutions européennes ont renforcé les exigences envers les États candidats en matière de reprise de l’acquis communautaire ou de garanties de l’État de droit, ce qui était nécessaire, et ont introduit un dispositif de suivi des réformes engagées entre la signature du traité d’adhésion et l’adhésion elle-même.

De plus, la Commission européenne semble avoir fait du cas croate un modèle, en termes de négociations, pour les autres pays des Balkans occidentaux, qui sont tous engagés dans un processus de rapprochement avec l’Union européenne, à des degrés et selon des rythmes divers.

Néanmoins, en ce qui concerne la Croatie, plusieurs questions soulevées demeurent encore sans réponses. Elles concernent les efforts à accomplir en matière de réforme judiciaire, de lutte contre la corruption et le crime organisé. De même, dans ses relations avec ses voisins, les motifs de crispation ne manquent pas : participation au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, question du retour des réfugiés, notamment de la minorité serbe…

Par ailleurs, le différend frontalier et le conflit bancaire avec la Slovénie, s’ils ne trouvaient de solution, pourraient retarder la ratification du traité d’adhésion par les autorités de Ljubljana.

Cependant, en dépit de ces écueils, il nous faut souligner les efforts réels et les réformes entrepris par la Croatie pour se conformer aux « standards européens ».

Il est aussi utile de noter que, tout au long du processus de négociation, les gouvernements croates successifs ont partagé le même objectif de mener ce pays vers l’adhésion à l’Union européenne.

Les auteurs du rapport d’information intitulé « La Croatie, 28ème État membre de l’Union européenne » et publié en juin 2011, à savoir nos anciens collègues Jacques Blanc et Didier Boulaud, ne disaient pas autre chose : « Toutes tendances politiques confondues, les responsables croates ont souligné qu’une telle perspective viendrait couronner les efforts considérables de réformes déployés par le pays ces dernières années. »

Certes, au sein de la population, l’enthousiasme initial suscité par la perspective de rejoindre l’Union s’est sensiblement érodé, au bénéfice d’une lassitude née de la longueur des négociations et de la crise économique et institutionnelle que traverse l’Europe depuis plusieurs années. En effet, lors du référendum sur l’adhésion, si la victoire du « oui » fut nette, avec plus de 66 % des suffrages, le taux de participation ne s’éleva qu’à 43,5 %.

La ratification de ce traité portera donc à vingt-huit le nombre des États membres de l’Union européenne. Bien sûr, d’autres pays seront amenés à les rejoindre dans les prochaines années : l’Islande, mais aussi le Monténégro, la Macédoine, la Serbie et la Turquie, que nous devrions cesser de stigmatiser, sans parler des « candidats potentiels » que sont l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine.

S’il sera moins considérable que le précédent, ce nouvel élargissement ne pourra se faire sans une réforme de la gouvernance européenne. Mes chers collègues, vous le savez, les radicaux sont historiquement favorables à une évolution fédéraliste de l’Union. À plus de trente membres, comment mener cet approfondissement de la construction européenne ?

En marge du sommet des 18 et 19 octobre dernier, le Président de la République a précisé les grandes lignes de sa politique européenne, au cours d’une interview accordée à six journaux européens : « En changeant de dimension, l’Europe a changé de modèle. Ma démarche, c’est une Europe qui avance à plusieurs vitesses, avec des cercles différents. » Nous ne pouvons que partager cette vision. Dans le même entretien, François Hollande a déclaré, à propos de l’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne : « L’hommage, il est adressé aux pères fondateurs de l’Europe, capables d’avoir réussi la paix au lendemain d’un carnage. L’appel, il est lancé aux gouvernants de l’Europe d’aujourd’hui, pour qu’ils soient conscients qu’un sursaut est impérieux. »

C’est donc en se plaçant dans cette double perspective historique et prospective que les radicaux de gauche, ainsi que la grande majorité des sénateurs du groupe RDSE, voteront pour la ratification du traité d’adhésion, pour une Europe réconciliée, pour une Europe puissante, pour une Europe de l’avenir. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien évidemment, nous nous associons nous aussi à l’hommage rendu en ce moment même au lieutenant Boiteux, et présentons nos sincères condoléances aux familles des victimes.

L’adhésion à l’Union européenne de la Croatie, qui en deviendra ainsi, le 1er juillet 2013, le vingt-huitième État membre, constitue une bouffée d’air frais pour notre continent, en ces temps de doutes quant à la construction d’un ensemble politique toujours plus cohérent.

Au sein des Balkans occidentaux, dont la « vocation européenne » a été affirmée dès le sommet de Zagreb –organisé sur l’initiative de la France –, en novembre 2000, la situation de la Croatie se distingue.

La mission effectuée à Zagreb, en mai 2011, par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a permis de délivrer un message très clair de soutien à la candidature croate à l’adhésion à l’Union européenne.

La Croatie n’a pas démérité et a fait énormément d’efforts, qu’il s’agisse du renforcement des institutions, notamment par l’augmentation des fonds alloués à la cour constitutionnelle, des réformes électorales, de l’intégration des réfugiés ou de l’amélioration des statuts des minorités.

Mes chers collègues, l’adhésion de la Croatie sur laquelle nous devons nous prononcer aujourd’hui souligne avec force la vocation première du projet de construction européenne : l’Europe, c’est la paix.

Hélas, la Croatie ne connaît que trop bien le prix de cette dernière, ayant payé un très lourd tribut lors de la violente dislocation de l’ensemble yougoslave, à la fin du siècle dernier.

Il est vrai que la guerre fut incomparablement plus longue et plus sanglante en Croatie qu’en Slovénie. Elle s’est déroulée sur une période de près de dix ans, depuis les premières altercations, en 1990, jusqu’à la reconquête totale du territoire, en 1998, par le gouvernement croate, avec son funeste lot de tueries, de déplacements de populations et d’emprisonnements.

Le conflit a été très dur : on a dénombré près de 16 000 tués et 40 000 disparus. Les dommages directs et indirects, pour l’économie, ont été évalués à quelque 37 milliards de dollars, soit presque deux fois le PIB de la Croatie.

Les sièges de Vukovar et de Dubrovnik, de sinistre mémoire, sont devenus les symboles de cette guerre atroce. Ces joyaux de l’architecture médiévale ont subi d’énormes destructions, certaines irrémédiables.

D’un point de vue environnemental, l’agriculture croate n’a pas encore retrouvé ses niveaux de production de 1990. Les conséquences du conflit sont encore importantes : près de 1 million d’hectares ne seraient pas exploités, soit l’équivalent de la surface agricole actuellement mise en valeur. Cette situation est liée, d’une part, à la présence de mines antipersonnel, et, d’autre part, à l’existence de problèmes de propriété foncière concernant des terres appartenant à des ressortissants de minorités qui ont fui vers d’autres régions et ne sont pas revenus jusqu’à présent. Le cheptel bovin a été décimé : en 2007, il restait encore inférieur à 60 % de son effectif d’avant-guerre.

Souvenons-nous, mes chers collègues, que ces tragiques événements ont eu lieu sur notre continent, à une époque relativement récente !

Ainsi, l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne souligne la vocation universelle de cette dernière en matière de promotion de la paix et des droits de l’homme.

À ce titre, nous ne pouvons que nous réjouir que, en décembre dernier, nos collègues députés européens aient solennellement accueilli à Strasbourg la médaille symbolisant le prix Nobel de la paix attribué à l’Union européenne.

De même, l’optimisme des Croates à l’égard du projet européen contraste très singulièrement avec le climat eurosceptique ambiant, prospérant sur fond de défiance au sein de la zone euro.

Mes chers collègues, je n’ai pas besoin de vous rappeler quelle fut l’âpreté des débats, au sein de notre chambre, sur le Mécanisme européen de stabilité ou le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance…

Certes, l’enthousiasme pro-européen des Croates, partagé selon les sondages par plus de 80 % de la population en 2003, a pu s’éroder au fil des négociations, qui se sont prolongées de 2005 à 2011, en raison de la rigueur des critères fixés par Bruxelles et de la crise économique qui secoue l’Union européenne.

En outre, un vieux différend bancaire avec la Slovénie pourrait retarder l’adhésion de la Croatie si aucun accord entre les deux pays n’est conclu avant le 1er juillet 2013 : il s’agit de l’affaire de la banque slovène Ljubljanska Banka.

Lors de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, quelque 430 000 Croates avaient placé leurs économies dans cette banque, qui a fait faillite dans les années quatre-vingt-dix. Par la suite, la Croatie a dédommagé les deux tiers de ces épargnants, pour un montant d’environ 270 millions d’euros, et elle exige désormais que la Slovénie lui restitue ce montant.

Or, comme vous le savez, mes chers collègues, la ratification du traité par les vingt-sept pays actuellement membres de l’Union européenne est indispensable pour valider l’adhésion de la Croatie.

L’entrée de la Croatie dans l’Union européenne n’est donc pas une simple formalité : elle témoigne, au contraire, d’une démarche enthousiaste et déterminée de la part des Croates, en dépit des difficultés que j’ai énumérées.

Ainsi, le 22 janvier 2012, soit près de vingt ans après la déclaration d’indépendance de leur pays, et malgré un fort taux d’abstention, les Croates se sont exprimés par voie référendaire et ont voté, à 67 %, en faveur de l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, lors d’un scrutin jugé crucial par les autorités de la jeune république.

Cette nation de 4,2 millions d’habitants a donc décidé, en toute conscience, d’arrimer son destin à celui d’un projet toujours en mouvement – la construction d’un ensemble politique efficient à l’échelle de notre continent –, malgré les crises et les difficultés.

Dans cette optique, nous ne pouvons que nous féliciter de l’adhésion à l’Union européenne de ce nouveau membre.

En effet, approfondir l’intégration continentale est vital si nous voulons relever les immenses défis économiques, démographiques et environnementaux suscités par la globalisation et l’émergence de nouvelles puissances.

Enfin, en tant qu’européenne convaincue, je reste persuadée que l’agrandissement de la famille européenne représente plus que jamais une formidable chance pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jacques Gautier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer, au nom du groupe UMP, le grand professionnalisme des soldats français, où qu’ils soient déployés, et m’associer à la douleur des familles des militaires décédés au Mali, en Somalie ou en Afghanistan.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de ce que le premier texte que nous examinions en 2013 ait pour objet de permettre à l’Union européenne de compter, à partir du 1er juillet prochain, un nouvel État membre, la Croatie.

L’intégration de ce pays témoigne de l’existence d’une soif d’Europe, en une période de turbulences et de mutations qui fait douter certains. Cette intégration doit donc être un modèle, ainsi que l’occasion de rappeler ce qu’est l’Europe.

Adhérer à l’Union européenne, c’est, au travers de la Charte des droits fondamentaux, s’approprier un certain nombre de valeurs qui, au fil des siècles, ont forgé nos démocraties occidentales : le respect de l’homme, des minorités, le souci constant de maintenir des institutions stables garantissant un État de droit, le désir de paix.

Adhérer à l’Union européenne, c’est assumer une responsabilité : celle de mettre en place une économie de marché viable, capable de faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle s’exerçant à l’intérieur de l’Union européenne, celle de faire siens les objectifs de l’union politique, économique et monétaire.

Être membre de l’Union européenne ne peut se résumer à bénéficier d’une sécurité budgétaire lors de crises financières.

Être membre de l’Union européenne ne peut se résumer à calculer les retombées financières de la répartition des fonds de cohésion ou des crédits de la politique agricole commune.

Être membre de l’Union ne peut se résumer à s’abriter sous un « parapluie » sécuritaire en cas de crise ou de conflit armé. Je souligne, à cet instant, que la France est actuellement seule sur le terrain au Mali…

Être membre de l’Union, c’est assumer un engagement pour mieux répondre aux défis posés par une mondialisation qui constitue désormais notre quotidien, non pas au travers d’un protectionnisme faussement protecteur, mais grâce à l’excellence, fondée sur la recherche et l’innovation, à la réciprocité, bâtie sur le respect de règles exigeantes en matière environnementale, sanitaire ou sociale, à la solidarité et à la complémentarité entre États membres.

Être membre de l’Union, c’est avoir une haute exigence face à la corruption. À cet égard, certaines pratiques avaient encore cours il y a peu, comme nous le rappellent des articles parus dans des quotidiens de Zagreb, tel le Jutarnji List, relatant la mise en examen de 500 médecins accusés de collusion avec certaines industries pharmaceutiques, ou la récente condamnation d’un ancien premier ministre, M. Ivo Sanader, à dix ans de prison.

Les responsables croates ont donc des défis à relever. L’Union européenne vient de leur exprimer sa confiance, en permettant à la Croatie de devenir le vingt-huitième État membre.

Cette intégration ne sera pas soumise au mécanisme de coopération et de vérification mis en œuvre en 2007 suite à celle, quelque peu imparfaite car trop hâtive, de la Roumanie et de la Bulgarie, dont il faut tirer les enseignements. Ce mécanisme a pour objet de garantir la poursuite, par les pays adhérents, de leurs efforts dans des domaines fondamentaux tels que les réformes judicaires ou la lutte contre la corruption, à tous les échelons de la société.

Je profite de l’occasion pour saluer, à la suite de M. Gattolin, les travaux de nos collègues de la commission des affaires européennes, qui ont rendu un rapport intitulé : « La Bulgarie et la Roumanie : la transition inachevée ».

Cette adhésion à l’Union européenne d’un vingt-huitième État relève d’une procédure de ratification par le Parlement qui est employée ici pour la dernière fois. Désormais, toute adhésion sera régie par l’article 88-5 de notre Constitution, c’est-à-dire qu’elle fera l’objet d’un référendum, sauf approbation des assemblées à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Je voudrais surtout profiter de ce débat pour délivrer trois messages ; certains pourront considérer que je m’écarte du sujet qui nous occupe aujourd’hui, mais je ne m’en éloigne pas tant que cela.

Mon premier message s’adresse à la Grande-Bretagne. Je souhaite exprimer la profonde inquiétude que m’inspire l’intention de David Cameron de confirmer, vraisemblablement dans les prochains jours – ce pourrait être le 22 janvier, à La Haye –, l’organisation d’un référendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne.

Comme le dit fort pertinemment Jean-Dominique Giuliani, le président de la fondation Robert Schuman, voilà ce qui se produit quand une classe politique néglige la politique européenne en faisant croire que tout se décide au niveau national, quand des leaders font des promesses inconsidérées dans le seul but de gagner les élections, quand on fait de l’Europe le bouc émissaire de ses propres turpitudes.

La place de la Grande-Bretagne est dans l’Union européenne, et non ailleurs, même s’il est vrai qu’elle a acquis le bénéfice, au fil du temps, de « régimes spéciaux », à mon sens trop nombreux. Le général de Gaulle avait redouté une telle évolution et en avait tiré les conséquences que l’on sait.

Écoutons ce que dit le secrétaire d’État adjoint américain chargé de l’Europe, Phil Gordon, sur ce point précis : « Nos liens se renforcent avec l’Union européenne en tant qu’entité qui a une influence grandissante dans le monde, et nous voulons que le Royaume-Uni ait une influence croissante en son sein. […] Nous souhaitons une Union européenne tournée vers l’extérieur, et que le Royaume-Uni en fasse partie. » Mes chers collègues, monsieur le ministre, on ne saurait être plus clair !

Mon deuxième message est à l’adresse du couple franco-allemand. L’Union européenne a besoin d’une entente franco-allemande forte. Nos deux pays ont des différences, voire des divergences, mais l’exemple du général de Gaulle et du chancelier Adenauer nous démontre que c’est en les surmontant que l’on donnera à l’Union européenne, aujourd’hui riche de vingt-huit États membres, sa vraie dimension, à la fois monétaire, budgétaire et économique. Et c’est parce que les différences entre nos deux pays sont des complémentarités que le couple franco-allemand est la clé pour une Europe forte.

Comme le souligne notre ancien ambassadeur à Berlin, à la veille de la célébration du cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, nous avons deux défis à relever : celui de l’énergie et celui de la défense.

Mettre en place une vraie politique européenne de l’énergie, clé de la compétitivité de nos entreprises, est une urgente obligation.

Instaurer une politique plus volontariste en matière de défense est tout aussi urgent. Dans un monde dangereux, la première puissance économique mondiale qu’est l’Union européenne ne doit pas s’engager vers un désarmement, bien au contraire. Des crédits, de la recherche, de l’innovation, des alliances sont nécessaires ; ils ne peuvent se concevoir que dans la coopération entre États membres. Je tiens d’ailleurs, à cet instant, à saluer la coopération existant aujourd’hui entre Londres et Paris.

Mon troisième message, enfin, s’adresse plus directement à la France. Il porte sur les réformes structurelles que nous devons continuer à mettre en œuvre.

Si je me réjouis que, dans les dernières propositions budgétaires du président Van Rompuy, le montant des crédits affectés à la compétitivité soit fixé à 139,543 milliards d’euros, il nous faut, comme nous y invite l'Union européenne, rendre notre marché du travail plus flexible et nos coûts salariaux plus compétitifs, ainsi que réduire nos dépenses publiques, qui sont encore trop élevées aujourd’hui. Si nous ne parvenons pas à opérer ces mutations – elles sont difficiles, j’en conviens, mais, je le redis à cette tribune, l’opposition actuelle se montrera constructive –, nous ne pourrons utiliser ces crédits avec efficacité et pertinence.

Si je me suis permis cet aparté sur les réformes structurelles, c’est tout simplement pour rappeler qu’adhérer à l’Union européenne – je ne crois pas que M. Arthuis me contredira – emporte pour tous les États membres, anciens et nouveaux, l’obligation de mettre en œuvre au niveau national les objectifs décidés à l’unanimité à Bruxelles.

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intégration de la Croatie doit être une réussite, pour les Balkans occidentaux, qui étaient hier encore une poudrière, mais aussi pour les vingt-sept autres États membres, qui peuvent être légitimement fiers d’avoir tracé la voie à ces pays dont la soif d’Europe, de justice, de liberté et de démocratie est d’autant plus grande qu’ils ont été trop longtemps privés de ces valeurs.

Le groupe UMP du Sénat votera le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne nous donne l'occasion de mener une réflexion plus générale sur le processus d'élargissement.

Si l’ensemble des pays membres de l’Union européenne ratifient cette adhésion, par voie parlementaire ou référendaire, la Croatie deviendra au mois de juillet prochain le vingt-huitième État membre à part entière. Elle aura pour cela su franchir avec succès toutes les étapes d’un long et difficile processus.

Cela veut-il dire, pour autant, que la réalité de la situation de ce pays satisfait pleinement aux critères dits de Copenhague, que, pour ma part, je conteste parce qu'ils imposent aux pays le modèle de développement néolibéral ?

Non, des problèmes importants demeurent. C'est pourquoi, d'ailleurs, la Croatie est encore soumise au mécanisme spécifique de suivi renforcé de ses engagements, institué pour tenir compte des enseignements tirés de l'intégration peu aboutie de la Roumanie et de la Bulgarie. Il lui reste du chemin à faire pour mettre en place une société répondant aux canons européens actuels, c'est-à-dire dotée d'une économie de marché et d'un arsenal législatif parfaitement aligné sur celui de l'Union européenne.

Les autorités européennes ont ainsi assez fermement invité les responsables croates à poursuivre leurs efforts dans une dizaine de domaines, allant de la privatisation totale des chantiers navals jusqu'à l'aboutissement de procédures judiciaires, tels certains procès pour crimes de guerre, en passant par des recrutements dans la police des frontières ou l'adoption rapide des décrets d'application d’une loi sur la police.

Il est donc important de ne pas sous-estimer les difficultés que rencontre ce pays en matière économique ou en termes de capacités judiciaires ou administratives.

Toutefois, d'un autre côté, la perspective de l'adhésion et les rapports de suivi des autorités européennes peuvent aussi constituer pour la Croatie une incitation à mener les réformes nécessaires en matière de justice et de lutte contre la corruption ou contre le crime organisé.

Cependant, je crains que, comme ses prédécesseurs d'Europe centrale, la Croatie ne subisse les mêmes conséquences néfastes d'une stricte application des exigences communautaires.

Par exemple, les conditions d'acceptation au titre de l'un des critères de Copenhague, la reprise de « l'acquis communautaire », ne tiennent aucun compte des inégalités qui se creusent, des problèmes sociaux du pays, de la situation réelle de l’emploi, de la fragilité de l’économie, ainsi que de certaines spécificités nationales.

En réalité, au nom de l'exigence, inscrite dans les critères de Copenhague, de se montrer capable d'affronter la concurrence du grand marché européen, ce pays est poussé, comme les autres, à privatiser, à précariser à tout-va la situation des salariés, à libéraliser et à déréglementer les échanges, quitte à créer un énorme déficit commercial.

Ce mécanisme fait ainsi des bas salaires une sorte d'avantage comparatif dans le jeu de la concurrence, ce qui aboutit à élargir les marchés européens sans que les droits des peuples suivent.

D'une façon générale, la politique d'élargissement de l'Union européenne à de nouveaux pays est souvent mal comprise et suscite de grandes inquiétudes dans les opinions publiques. En effet, le processus semble s'accélérer depuis quelques années, être mal maîtrisé et surtout mal défini. Les peuples d'Europe, mais aussi leurs élus et leurs dirigeants, ont besoin de savoir où ils vont, pourquoi « élargir », à qui et jusqu'où.

En outre, au moment où l'Union européenne est confrontée à une grave crise économique et financière, ayant de lourdes conséquences pour les économies et la vie des peuples, et se montre impuissante à parler d'une seule voix sur la scène internationale en raison de divergences entre les vingt-sept États membres, on peut légitimement s'interroger sur l’intérêt de poursuivre son élargissement.

Le passage de l’Union européenne de quinze à vingt-sept pays membres avait déjà eu pour conséquence de modifier la nature du projet européen initial, l’Union tendant à devenir une simple zone de libre-échange, à cause des fortes disparités existant entre États membres.

Le projet européen que nous connaissons, dont les peuples subissent aujourd'hui les conséquences négatives, a été principalement conçu, dès l’origine, pour des raisons strictement économiques. Il s’agit avant tout de permettre une libre circulation des capitaux et des marchandises dans un marché unique. Les grands et généreux principes, l'histoire, les idées et les valeurs communes, la libre circulation des personnes, les droits de l'homme, la paix ou le nécessaire progrès social n'ont été mis en avant qu'après coup.

Dans le contexte de la crise actuelle, certains préconisent une pause dans l'élargissement et évoquent la nécessité de procéder à un approfondissement de l'Union européenne avant d'envisager de porter le nombre de ses membres de vingt-sept à trente ou davantage, comme il est prévu de le faire avec l’adhésion de l'ensemble des pays des Balkans.

Pour ma part, je pense qu'il faut plutôt préciser, et mieux encore redéfinir, les principes sur lesquels doit se fonder la politique d'élargissement de l'Union européenne.

En effet, s'il s'agissait simplement de fixer des limites à l'Europe, il se trouve que le Conseil de l'Europe l'a déjà fait il y a quinze ans en définissant, par la géographie, la culture et la volonté d'adhésion, les critères d'appartenance des quarante-sept pays qui la composent.

Les problèmes que soulève aujourd'hui la politique d'élargissement ne sont pas, à l'évidence, de même nature, car la construction européenne traverse en réalité une profonde crise d'identité.

Pour tenter de s'adapter aux difficultés de tous ordres que pose l'élargissement, l'Union européenne a déjà mis en place, en son sein, plusieurs cercles, plusieurs strates, plusieurs frontières, ainsi que des mécanismes de coopération à plusieurs vitesses et différenciés.

C'est pourquoi les problèmes suscités par le développement de l'Union européenne tiennent moins aux limites territoriales de celle-ci qu'au projet de société qu'elle prétend réaliser.

C'est donc moins la politique d'élargissement en elle-même que la façon dont elle est appliquée qui pose problème. C'est cette politique qui menace la cohésion de l'Union européenne.

Ce qui pourrait menacer plus gravement encore la construction européenne, ce n’est pas un risque de dilution lié à la poursuite de l’élargissement ; comme l’a montré la récente crise de la zone euro, ce sont plutôt les difficultés et la lenteur à trouver des solutions solidaires face à la crise financière, ainsi que l’absence de volonté politique des dirigeants européens de prendre des mesures fortes de régulation pour lutter efficacement contre la spéculation sur les marchés financiers.

En effet, n’oublions pas que la seule réponse des gouvernements à la crise financière qui a failli emporter l’Europe a consisté, au bout du compte, à en faire payer les conséquences par les populations, en rendant encore plus contraignant l’ancien pacte de stabilité et de croissance et en sanctionnant les pays qui ne respectent pas le dogme aveugle et socialement injuste de la lutte contre les déficits budgétaires.

La véritable menace, pour la construction européenne, vient du fait que les nouveaux entrants doivent se soumettre à la concurrence effrénée qui prévaut au sein du marché unique et les contraint à une privatisation généralisée de leur économie, entraînant une généralisation des bas salaires et la précarisation de l’ensemble de la population. Cela induit un dumping social, qui provoque en retour chez nous des délocalisations d’entreprises, au détriment de notre économie.

Est-ce à ces conditions, dans ce contexte, qu’il faudrait accueillir la Croatie au sein de l’Union européenne ? Cela mérite évidemment réflexion. On comprend que les politiques d’élargissement puissent inspirer des craintes et des réticences. En tout cas, j’estime que ce n’est pas en différenciant les niveaux d’intégration des pays accueillis, comme certains le proposent, que l’on résoudra les problèmes.

Je souhaite un changement fondamental des orientations de la construction européenne, mais, en attendant, faut-il différer l’adhésion de la Croatie ?

Je suis lucide et sans illusions sur les conséquences néfastes pouvant résulter de cette adhésion réalisée aux conditions définies par les critères néolibéraux de Copenhague et dans le contexte de la plus grave crise politique, financière, économique et politique que l’Europe ait jamais connue.

Dans le même temps, il faut bien mesurer que le peuple croate manifeste un désir certain de rejoindre l’Union européenne ; il en a approuvé le principe par référendum, à une majorité de 66 % des voix. Ne pas répondre à cette attente pourrait être dangereux, car cela risquerait de nourrir le populisme et d’encourager le retour d’un nationalisme d’extrême droite toujours vivant dans ce pays.

En outre, la perspective européenne peut et doit être un facteur de paix et de stabilité dans cette région des Balkans occidentaux qui a tant souffert.

Mes chers collègues, c’est principalement en considération de cette double nécessité – respecter la volonté exprimée par le peuple croate et installer une paix durable dans la région – que le groupe communiste, républicain et citoyen se prononcera en faveur de la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs du groupe UDI-Union centriste s’associent à l’hommage qui a été rendu à nos soldats tombés au Mali et en Somalie, et tiennent à exprimer leur compassion à leurs familles.

Au moment où l’Europe traverse une très grave crise interne, tant économique que financière et institutionnelle, nous sommes appelés à nous prononcer sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.

Ainsi va l’Europe, mécanique et pathétique. Le dysfonctionnement est manifeste, mais l’élargissement progresse tel un automate ! L’immeuble menace-t-il de s’écrouler ? Peu importe, il reste ouvert à de nouveaux arrivants…

Loin de nous, bien sûr, l’idée de stigmatiser la Croatie. Au contraire, nous joignons nos voix au concert de louanges qui lui a, à juste titre, été adressé. Au cours de son audition par la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes du Sénat, le 4 décembre dernier, Stefan Füle, le commissaire européen à l’élargissement, a bien exposé à quel point, au cours d’un processus de négociation long de plus de six années, la Croatie avait su progresser « dans tous les domaines ».

Cette réussite est d’autant plus remarquable que la Croatie est sortie il y a seulement vingt ans du conflit douloureux et meurtrier auquel elle doit son indépendance. De plus, le processus de négociation a été plus exigeant pour la Croatie que pour les derniers États ayant adhéré, notamment en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux.

Aussi sommes-nous pleinement conscients que, si la Croatie est aujourd’hui à même de devenir, le 1er juillet prochain, le vingt-huitième État membre de l’Union européenne, c’est parce qu’elle a consenti un effort considérable, que nous saluons à notre tour. C’est en considération de cet effort que nous voterons le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne.

Cependant, au-delà du seul dossier croate, ce débat nous donne l’occasion de poser une question fondamentale : n’est-il pas temps de marquer une pause dans la marche forcée vers l’élargissement ?

En effet, l’aveuglement actuel ruine l’espoir de donner à l’Europe le pilotage politique qui lui fait si tragiquement défaut.

Depuis le premier élargissement, en 1973, la logique de l’élargissement s’oppose à celle de l’approfondissement. Nous aimerions que cette opposition ne soit que rhétorique ; hélas, elle ne l’est pas, et ce moins encore que jamais dans la situation actuelle.

Non seulement la crise que j’ai évoquée au début de mon propos n’est pas terminée, mais elle ne se terminera pas tant que nous n’aurons pas franchi une étape cruciale dans l’intégration européenne. Il s’agit en effet d’une crise systémique, conséquence naturelle et logique des limites structurelles du modèle de gouvernance économique de l’Union européenne.

Mes chers collègues, permettez-moi de procéder à un bref rappel historique pour expliquer ma position.

Pour contrer une instabilité monétaire devenue incompatible avec les objectifs de croissance et d’emploi assignés au marché unique, nous nous sommes dotés d’une monnaie unique. Seulement, cette monnaie est restée orpheline d’un État, puisqu’il n’y a pas d’État européen. Dès lors, pour compenser l’absence de gouvernance de la zone euro, nous avons imaginé une sorte de règlement de copropriété : le pacte de stabilité et de croissance, la stabilité venant en réalité bien avant la croissance. Il s’agissait d’un dispositif transitoire, mis en place dans l’attente d’une intégration politique qui n’est toujours pas venue.

Chacun connaît la suite : ce pacte a été allègrement transgressé, l’euroscepticisme dont faisaient preuve à l’époque les chefs d’État et de Gouvernement l’emportant face à une Commission européenne pusillanime, sous l’arbitrage complice des marchés financiers et des agences de notation, qui croyaient que la zone euro était un espace fédéral ! Cette situation a conduit à la crise des dettes souveraines, qui a éclaté en 2009 – étonnamment tard – et dont nous ne sommes toujours pas sortis.

Oui, mes chers collègues, c’est la chose la plus importante que nous devons conserver à l’esprit : nous ne sommes pas sortis de la crise.

Certes, après ce que l’on pourrait appeler les « années folles de l’euro », nous avons réagi. De nouvelles procédures de rigueur et de surveillance ont été mises au point : le « six-pack », à la fin de 2010, et, aujourd’hui, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG.

Bien entendu, ces instruments sont beaucoup trop jeunes pour avoir déjà pu porter leurs fruits : le TSCG est ainsi entré en vigueur le 1er janvier dernier. Surtout, ils seront à terme insuffisants, parce que les racines du mal demeurent.

Par exemple, monsieur le ministre, il est manifeste qu’à l’égard de Chypre, qui a intégré l’Union européenne en 2004 et a même été admise dans la zone euro en 2008, le contrôle prudentiel de l’Union européenne a été totalement défaillant, à telle enseigne que ce pays vient de solliciter l’assistance financière de l’Union européenne. Or il faut se représenter que, à Chypre comme au Luxembourg, les deux tiers du produit intérieur brut sont constitués de revenus financiers.

Où en est le contrôle prudentiel des banques chypriotes ? En cas de sinistre, combien cela va-t-il coûter à la zone euro ? En effet, comme dans le cas de la Grèce, ce n’est pas l’Union européenne qui réglera l’addition, mais les budgets nationaux des États membres de la zone euro, via des prêts bilatéraux ou l’abondement du Mécanisme européen de stabilité. J’ai le sentiment que l’on ne sait pas très bien ce qui se passe à Chypre, alors que les engagements des banques chypriotes, y compris en Russie et au Moyen-Orient, représentent de sept à huit fois le produit intérieur brut national. Les conséquences potentielles de cette situation pour nos finances publiques sont très inquiétantes, et ce n’est là qu’un exemple…

Chaque élargissement a un coût, que l’Union européenne est de moins en moins capable d’assumer, surtout compte tenu des risques que son absence de gouvernance budgétaire continue à faire peser sur elle. Certes, la Croatie est vertueuse : dont acte. Elle va adhérer à l’Union européenne, et c’est très bien, mais combien faudra-t-il embaucher de traducteurs à la suite de son intégration ? Au total, depuis 2001, la Croatie a bénéficié de 1,5 milliard d’euros d’aides de préadhésion. En 2013, 687 millions d’euros sont prévus à son intention, et ce montant devrait augmenter à partir de 2014, en raison de la montée en puissance progressive des fonds structurels, des fonds de cohésion et des crédits de la politique agricole commune. La Croatie aura en outre douze députés européens, et bien sûr son commissaire.

Mes chers collègues, le problème de fond est que le budget de l’Union européenne ressemble à une table de casino. Le fonctionnement administratif de l’Union européenne consomme 7 % de son budget : cela correspond à la rémunération du croupier ; après avoir payé celui-ci, chacun essaye de récupérer le maximum de jetons et, comme à toute table de casino, il y a des gagnants et des perdants… Mais un tel système, monsieur le ministre, ne fait pas une politique européenne, ni l’Europe !

Dans ces conditions, notre conviction est que, une fois la Croatie intégrée, il faudra suspendre le processus d’élargissement. Tant que nous n’aurons pas mis en place une gouvernance digne de ce nom, nous devrons nous en tenir à des partenariats de coopération. (M. Roland du Luart acquiesce.)

La Croatie a bénéficié jusqu’à présent d’un tel accord. La Bulgarie et la Roumanie, dont chacun reconnaît qu’elles ont été intégrées trop vite dans l’Union européenne, en bénéficient toujours, même après leur adhésion… C’est dire l’absurdité de la situation ! Ces deux pays sont aujourd’hui incapables de mobiliser les crédits mis à leur disposition.

Hélas, on ne paraît pas vouloir privilégier les accords de coopération, ce qui nous inquiète au plus haut point. En effet, persévérer dans la démarche actuellement suivie revient à caricaturer la construction européenne et, finalement, à discréditer le projet européen.

L’élargissement apparaît comme un processus autonome, incontrôlable, qui s’auto-entretient – signe patent de l’impéritie des instances de gouvernance de l’Europe. Lorsque, le 4 décembre dernier, j’ai interrogé le commissaire Füle sur les problèmes que je viens de soulever devant vous, il m’a fait une réponse extrêmement symptomatique : il a fait valoir, de bonne foi, que le sujet ne relevait pas vraiment de la politique d’élargissement. Cela est vrai, mais c’est aussi très grave, parce que cette situation est très représentative de la schizophrénie de l’Europe actuelle, animée par deux forces œuvrant parallèlement, non pas conjointement : d’une part, des institutions et des normes sources de dépenses publiques ou freins à la compétitivité et à la croissance ; d’autre part, une zone euro impuissante à réduire la dépense publique et à améliorer la compétitivité, pour donner un contenu et de la robustesse à la croissance.

L’élargissement, pour l’heure, relève de la première de ces forces. C’est un élargissement à marche forcée, qui s’emballe depuis 2004.

La vocation européenne des pays des Balkans occidentaux a été reconnue au Conseil européen de Zagreb, en 2000, et n’a jamais été démentie depuis. Outre la Croatie, trois d’entre eux ont déjà le statut de candidat : la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. Trois autres sont des candidats potentiels : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo. Par ailleurs, l’Islande est aussi candidate, de même que la Turquie, dont le dossier est toujours aussi problématique. Enfin, qui doute que, tôt ou tard, des pays tels que l’Ukraine, la Géorgie ou la Moldavie ne le soient à leur tour ?

Comme pour nous rassurer, il nous est annoncé que c’est la dernière fois que le Parlement français pourra ratifier un élargissement de l’Union européenne à la majorité simple, que les prochains élargissements devront être adoptés soit par référendum, soit, depuis la dernière révision constitutionnelle de 2008, par le Parlement, mais à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Stop ! Nous ne pourrons pas accueillir tous ces pays sans avoir eu recours, au préalable, au seul remède capable de nous guérir de notre maladie de gouvernance. Ce remède est connu : c’est le fédéralisme.

Mes chers collègues, le jour où nous avons opté pour la monnaie unique, nous avons pris un billet aller sans retour vers une souveraineté partagée. Seulement, nous n’avons pas assumé les conséquences de cet engagement ; c’est là l’origine de la crise. Il est désormais impératif de faire de la zone euro le noyau de cristallisation du fédéralisme européen.

Dès lors, nous devons mettre en place un pilotage politique. Cela implique la nomination d’un ministre européen de l’économie et des finances…

M. Jean Arthuis. … à temps plein, et non à temps partiel, qui soit chargé d’assurer, à l’abri des conflits d’intérêts, une coordination budgétaire. Il devra également être membre de la Commission et pouvoir s’appuyer sur un Trésor européen, lequel reste à créer. On a bien créé, pour Mme Ashton, un service qui compte 3 000 personnes ! Et pour quelle politique extérieure de l’Union européenne…

Il convient aussi, bien sûr, d’instaurer une légitimité démocratique incontestable par l’institution d’une instance parlementaire de contrôle de la gouvernance de la zone euro associant dans une enceinte commune, permanente, des députés européens et des parlementaires nationaux de la zone euro. La crise grecque nous a démontré que la solidarité au sein de celle-ci n’a rien de commun avec les liens qui unissent les vingt-sept membres de l’Union, qui seront bientôt vingt-huit.

Monsieur le ministre, l’Europe est en danger. Sa gouvernance est caricaturale : l’élargissement compulsif en est l’une des manifestations. Nous nous devons d’y remédier. Dans cette attente, une première mesure s’impose selon nous : supprimer le poste de commissaire européen à l’élargissement ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.)

M. Roland du Luart. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de ce débat sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne émergent, et c’est tant mieux, des mots qui font consensus : satisfaction et confiance.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, le temps long des négociations : plus de six ans, la demande d’adhésion de la Croatie remontant à dix ans. Avant d’être candidate à l’entrée dans l’Union européenne, la Croatie a été candidate au Conseil de l’Europe. À ce titre, elle a également été soumise à un long temps de monitoring, de 1996, année de son admission au sein du Conseil de l’Europe, jusqu’en 2003. En tant que présidente de la commission concernée du Conseil de l’Europe, j’ai été amenée à clore cette période de monitoring par anticipation, tant les progrès accomplis par la Croatie étaient manifestes et importants. Il fallait en prendre acte.

Comme cela a été dit tout à l’heure, le processus est long et les populations des pays candidats à l’adhésion sont fatiguées, mais si cet accompagnement est incontestablement une épreuve, il est aussi une chance.

Les conclusions que j’ai formulées en 2003 à propos de la Croatie rejoignent celles que nous a présentées aujourd’hui M. le rapporteur.

En 2003, nous disions toute notre confiance en la Croatie, qui avait respecté la majeure partie des engagements qu’elle avait pris auprès du Conseil de l’Europe, en consolidant son système parlementaire, ses réformes démocratiques, l’intégration de ses minorités, ce qui n’était pas évident au départ.

Nous soulevions aussi à l’époque un certain nombre de difficultés, les mêmes qu’aujourd’hui, en termes de mise en œuvre de la décentralisation, de la régionalisation, des privatisations. Nos exigences n’étaient pas forcément comprises et les dommages qui résultaient de cette incompréhension n’étaient pas mesurés.

Je me souviens d’une remarque faite par le ministre croate des transports de l’époque à propos des privatisations : la France accepterait-elle de privatiser ses chemins de fer ? Non… Et pourtant, c’est ce que nous demandions à la Croatie !

Les Croates avaient le sentiment que nos exigences allaient au rebours de l’effort exceptionnel de construction qu’ils venaient d’accomplir et que, d’une certaine façon, nous leur demandions de déconstruire. Nous allions trop vite !

Toutefois, à cette époque, on notait déjà un certain nombre de progrès remarquables, qui avaient modifié mon regard sur ce pays. On ne peut changer l’histoire, mais j’avais découvert un peuple qui voulait tourner la page de la guerre, en se lançant, sans aucune aide, dans une grande entreprise de reconstruction, notamment d’un parc de logements destinés à des familles serbes de retour en Croatie. Cette démarche m’avait fortement impressionnée.

Aujourd’hui, la Croatie, plus que la Grèce, est un facteur de stabilité dans la région des Balkans. Elle a tourné très tôt la page de la guerre.

Je ne suis pas sûre que la Serbie l’ait fait. J’étais dans ce pays lors des élections, et j’ai pu constater qu’un certain nombre de choses avaient changé ces dernières années. Malgré tout, je ne suis pas certaine que tout soit définitivement accepté, y compris la perte du Kosovo.

Selon moi, la Croatie a très vite affirmé son avenir européen, comme le référendum l’a d’ailleurs prouvé. Bref, à la question « la Croatie est-elle prête à entrer dans l’Union européenne ? », nous répondons par l’affirmative.

Concernant l’élargissement, nos craintes sont légitimes. Incontestablement, la déception qui a suivi les précédentes adhésions est grande. Notons cependant que les responsabilités sont partagées. Pourquoi sommes-nous déçus ? Pourquoi avons-nous des craintes ? Pourquoi, comme vient de le rappeler l’orateur qui m’a précédée, devons-nous être extrêmement prudents ?

Bien sûr, les pays concernés sont responsables d’une telle situation. On oublie toutefois qu’ils portent le fardeau de leur histoire immédiate, rien n’ayant été totalement soldé. On oublie aussi les difficultés nouvelles, bien que nous les évoquions parfois, telles que la corruption et le crime organisé. On ne parle pas non plus des peurs et des craintes, qui expliquent d’ailleurs que le processus de la défense européenne soit, à certains endroits, bloqué, la protection de l’OTAN inspirant une plus grande confiance. Personne n’a évoqué le repli identitaire.

L’Union européenne en est-elle responsable ? Oui ! Un certain nombre d’erreurs d’appréciation ont été commises, concernant l’élargissement, cela a été dit, avec l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Des erreurs de méthode sont sans doute à déplorer : l’approfondissement aurait dû être mis en œuvre plus tôt. Il est donc important de réajuster et de réorienter notre action stratégique.

Mais peut-être l’Union européenne est-elle responsable d’autre chose. Elle témoigne en effet d’un certain nombre de faiblesses et d’impuissances, qui lui causent du tort. Vous avez évoqué tout à l’heure des problèmes, notamment frontaliers. Comment se peut-il que nous n’arrivions pas à résoudre la situation chypriote ? Sommes-nous à la veille de proposer des solutions, alors même que surgit sans doute un problème nouveau, puisque du gaz a été trouvé dans cette zone de la Méditerranée ? Je ne suis d’ailleurs pas sûre que cela facilite les choses…

Et l’impuissance de l’Europe à faire rêver la jeunesse ! Au cours de mon voyage en Serbie, j’ai rencontré des jeunes. Ils ne parlaient plus du Kosovo, ce qui m’a paru extrêmement positif. Pour autant, ils n’évoquaient pas non plus l’Europe. Or, lors des élections, ils se sont abstenus et les nationalistes ont gagné ! Selon moi, le principal échec collectif de ces dernières années est probablement la montée des nationalismes dans ces pays. C’est un mal profond qui risque de faire imploser l’Europe.

Mes chers collègues, en tant que membre du Conseil de l’Europe, je voudrais dire un mot de cette institution.

Tous les pays que nous venons d’évoquer sont d’abord membres du Conseil de l’Europe. Ils essaient ensuite d’intégrer l’Union européenne.

Le Conseil de l’Europe devrait être – il l’est peut-être ! – le creuset où se forge la conscience européenne. Malheureusement, je le dis ici avec beaucoup de regrets, parce que j’y aurais passé une grande partie de ma vie politique, le débat est bloqué sur un certain nombre de thèmes : les minorités, les identités, les nationalités. Finalement, on y cultive les nationalismes.

Nous n’avons pas été assez prudents. Oui, les menaces et les risques existent ! Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez affirmé à juste titre que cette région est stable. Pour ma part, je ne pense pas qu’elle soit définitivement stabilisée et que l’intégration et la réconciliation soient achevées.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Josette Durrieu. Que dire de ces constructions artificielles que sont la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo ? Que dire de la Serbie, grande perdante, réduite à un État croupion, privée de la République Srpska et du Kosovo ? Que dire des voisins proches, assez menaçants ? Je pense à la Russie, qui a déstabilisé les pays baltes, la Moldavie et la Transnistrie, où le conflit est gelé, et qui aurait bien voulu déstabiliser un peu plus le Kosovo. Veillons également à la situation du Monténégro et n’oublions pas les rêves ottomans expansionnistes de la Turquie !

Il y a urgence à stabiliser les frontières est de l’Europe, de l’Europe du sud-est et les Balkans, en considérant que la Méditerranée constitue la frontière sud de l’Europe.

En contradiction complète avec mon propos, j’affirme pourtant que la solution réside dans l’intégration de ces pays à l’Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Croatie est aujourd’hui prête à entrer dans la famille européenne. Nous devons l’y accueillir. Il revient donc aujourd’hui au Sénat de la République française d’autoriser la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne.

Le destin de la Croatie est européen. L’histoire, bien sûr, est là pour en témoigner, mais le présent aussi, car la Croatie est aujourd’hui un pôle de stabilité, certes relative, comme vient de l’expliquer notre collègue Josette Durrieu, dans les Balkans, région dont chacun sait à quel point elle est compliquée et souvent instable.

Les cicatrices de la tragédie de l’ex-Yougoslavie se sont peu à peu refermées et, depuis dix ans, la Croatie a mis en œuvre des réformes ambitieuses, parfois difficiles et exigeantes, notre collègue vient de nous l’expliquer à l’instant, afin d’atteindre les exigences posées par l’Union européenne. Il faut ajouter que la mobilisation de la classe politique croate en faveur de l’entrée du pays dans l’Union européenne a été unanime, dépassant les clivages partisans.

L’Europe et la France se doivent de reconnaître ces efforts et de valider ces réussites. Pour autant, si cette adhésion est aujourd’hui possible et nécessaire, elle pose la question des élargissements futurs.

D’autres orateurs, notamment Jean-Louis Carrère, ont évoqué le Monténégro et la Serbie, qui ont le statut officiel de candidat, ainsi que la Macédoine, bloquée par le veto grec, et l’Albanie, qui a déposé sa candidature. Quant à la Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, ils demeurent en quelque sorte sur le pas de la porte.

Souvenons-nous des problèmes qu’ont posés les adhésions récentes mais trop rapides de la Bulgarie et de la Roumanie, pour lesquelles il a fallu instaurer un « mécanisme de coopération et de vérification », en particulier sur la réforme judiciaire de la lutte contre la corruption, alors même que ces pays avaient déjà adhéré à l’Union européenne.

Comme l’a dit notre collègue Jean Arthuis, il semble aujourd’hui évident que l’Europe doit, dans les années qui viennent, privilégier son approfondissement plutôt que son élargissement.

Se pose alors la question d’une Europe à plusieurs vitesses, qui pourrait réussir à concilier demain les aspirations des différents États en matière économique, budgétaire, fiscale ou encore militaire. Il est en effet de plus en plus évident que la seule solution est celle d’une Europe constituée de cercles concentriques, dont le cœur serait le couple franco-allemand, élargi bien sûr aux six pays fondateurs, qui pourraient pousser aussi loin que possible leur intégration économique, budgétaire et fiscale. On peut aussi envisager une Europe de la défense – le Sénat y travaille – autour du groupe de Weimar, qui réunit la France, l’Allemagne et la Pologne, et de Weimar Plus, selon la terminologie adoptée par les spécialistes, qui associe également l’Italie et l’Espagne. Je n’oublie pas non plus, depuis les accords de Lancaster House, la Grande-Bretagne.

Certains dénonceront peut-être une Europe à la carte. Je ne partage pas leurs réticences. Comment peut-on imaginer faire fonctionner une Europe avec vingt-huit pays dont le niveau de développement est à ce point inégal et, surtout, dont les aspirations ne sont pas forcément identiques ?

Les seuls principes intangibles, les seules exigences fondamentales sur lesquels on ne saurait transiger demeurent le respect de la démocratie, qui doit animer chacun des membres de l’Union européenne, et la volonté qu’ils doivent avoir en partage de réaliser le rêve de nos pères fondateurs, celui d’un continent de paix et d’amitié entre les peuples. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’Ivo Goldstein, nouvel ambassadeur de Croatie, avec lequel je tisserai certainement, en ma qualité de présidente du groupe France-Croatie, les mêmes liens d’amitié que ceux qui m’ont unie à Mirko Galić.

C’est la dernière fois que nous sommes amenés à nous prononcer, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, sur l’adhésion d’un nouvel État à l’Union européenne. En effet, les révisions constitutionnelles de 2005 puis de 2008 disposent que toute nouvelle adhésion devra être approuvée par référendum ou par le Parlement réuni en Congrès, ce qui risque de présenter quelques inconvénients, comme l’avait indiqué, à l’époque, la commission des lois du Sénat. Notre crainte se vérifiera sans doute, c’est du moins ce que je redoute, même si, pour ce qui concerne la Croatie, le recours à l’une ou l’autre de ces procédures n’aurait pas posé de difficulté. Je suis donc satisfaite que le Sénat se prononce sur l’adhésion de ce pays, grand ami de la France.

Je tiens avant tout à saluer les efforts que la Croatie a su déployer depuis l’ouverture des négociations d’adhésion en 2005.

D’abord, de nombreux orateurs l’ont souligné, le processus de négociation a été plus exigeant que celui qui avait été appliqué lors des élargissements précédents et l’acquis communautaire qu’elle a dû assimiler n’a pas eu d’équivalent. La Croatie a démontré sa capacité à mettre en œuvre des réformes de grande envergure dans tous les domaines de la société.

Ensuite, elle a surmonté le différend territorial qui l’opposait à sa voisine, la Slovénie, en acceptant le recours à l’arbitrage, et je me réjouis du rôle qu’a pu jouer la France dans ce dénouement.

En outre, elle a su vaincre les démons du passé en acceptant une plus grande collaboration avec le Tribunal pénal international de La Haye pour l’inculpation de Croates coupables de crimes de guerre.

Dès le 24 juin 2011, le Conseil européen a appelé à une conclusion rapide des négociations, position qui a été suivie par la Conférence intergouvernementale du 30 juin 2011, après un processus qui aura duré près de six ans.

Le 9 décembre 2011, le traité d’adhésion a enfin été signé à Bruxelles.

Après l’approbation par référendum du peuple croate, c’est au tour des États membres de ratifier cette adhésion. Mon seul regret est que la France ne s’y soit pas attelée plus tôt.

Aussi, monsieur le ministre, je veux remercier le Gouvernement, qui a accepté, en relation avec le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, que soit examiné dès le début du mois de janvier ce projet de loi de ratification. Il était utile et important que la France soit le premier des grands pays à approuver cette adhésion.

Il s’agit aujourd’hui d’applaudir la Croatie, un État responsable, développé et moderne ayant pleinement fait siens les valeurs européennes et ses standards démocratiques.

Le comité Nobel norvégien vient d’attribuer à l’Union européenne le prix Nobel de la paix pour avoir « contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l’homme en Europe ». Si la construction européenne, débutée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sur l’idée du « plus jamais ça », a permis l’intégration des anciennes dictatures du Sud et, surtout après 1989, des ex-démocraties populaires, elle n’a pas su empêcher, en Croatie, puis en Bosnie, que se déroule, dans des conditions tragiques, la première guerre sur le territoire européen depuis 1945.

L’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne, en plein aboutissement de l’adhésion de la Croatie, vingt ans après le conflit des Balkans, ne constitue pas une simple coïncidence ; j’y vois un symbole. Au-delà de l’espoir donné aux autres pays des Balkans occidentaux, c’est la réaffirmation des idéaux de paix, d’amitié et de progrès que véhicule l’Union européenne.

Ce rappel du fondement originel de l’Union est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. Dans la période difficile que nous traversons, faite de doutes et de crispations nationales, l’entrée de la Croatie est un espoir pour elle.

Le peuple croate s’est prononcé le 22 janvier 2012 à une très large majorité en faveur d’une adhésion de son pays à l’Union européenne.

Cette volonté, si clairement exprimée, même si le peuple croate s’était quelque peu lassé d’attendre l’issue de ce long processus de négociation, sonne comme un rappel pour les Européens de leur chance de vivre en paix depuis six décennies et comme la promesse que cet idéal n’est pas cassé.

C’est aussi une chance pour la France. Les liens d’amitié qui nous unissent sont anciens et profonds, comme l’ont rappelé les intervenants au colloque que le groupe d’amitié que je préside a organisé, de concert avec l’ambassade de Croatie, en octobre dernier. D’ailleurs, la plus belle avenue de Split, l’équivalent de notre avenue des Champs-Élysées, porte le nom du général Marmont, en mémoire de celui qui administra les provinces illyriennes sous Napoléon. Voilà un lieu où ce dernier aura laissé un bon souvenir…

Le festival « Croatie, la voici », qui s’est déroulé tout au long de l’automne en France, a permis aux Français d’approfondir leur connaissance des richesses culturelles qu’offre la Croatie. Comment ne pas évoquer le talent d’Ivan Meštrović et la beauté des klapas, que nous redécouvrons ?

En outre, l’adhésion de la Croatie va renforcer la place du français dans l’Union européenne, car plus de 6 % des Croates sont francophones et la Croatie est État observateur au sein de l’Organisation internationale de la francophonie depuis 2004. J’ai plaisir à côtoyer nos collègues croates lors des rencontres qui ont lieu dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie.

L’appui sincère et continu de la France à la Croatie, tout au long du processus d’adhésion, a resserré ces liens d’amitié et nous savons que nous pourrons compter l’un sur l’autre pour défendre nos idéaux communs et œuvrer pour une Europe toujours plus solidaire.

Mes chers collègues, les hasards de ma vie professionnelle m’ont fait découvrir la Croatie voilà plus de trente-cinq ans. De Zagreb à Vukovar, de Šibenik aux lacs de Plitvice, en temps de paix comme en tant de guerre, comme l’a indiqué André Gattolin se référant à sa propre expérience, j’ai eu l’occasion de parcourir ce pays, autrefois Yougoslavie, aujourd’hui Croatie. J’ai toujours cru en sa destinée européenne, et je suis fière aujourd’hui de défendre devant vous son adhésion officielle à l’Union européenne.

Je remercie la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des affaires européennes, son président, Simon Sutour, auteur, avec moi-même, d’une proposition de résolution sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne, devenue résolution du Sénat en novembre 2011. Je remercie également André Gattolin, qui a nous a fait part avec talent de son amour pour la Croatie.

Pour conclure, j’aurai une pensée pour celui qui m’a fait connaître ce pays, un immense professeur d’université, Petar Guberina, grand linguiste polyglotte originaire de Dalmatie, porteur des valeurs de liberté, ancien étudiant à la Sorbonne, ami de l’université, de Césaire, de Senghor. Cet homme a ouvert les chemins de la connaissance, de la tolérance, de l’intelligence qui lient les peuples. Aujourd’hui, dans cet hémicycle, j’ai simplement voulu faire vivre sa mémoire. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, de M. l’ambassadeur de Croatie.

Notre assemblée se réunit aujourd’hui pour approuver le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne. C’est un beau symbole que cette nouvelle adhésion, car elle témoigne que le projet européen n’est pas mort, qu’il garde toute sa force, alors que l’Union européenne traverse une période de crise et de doute. C’est le témoignage que celle-ci réunit autour de valeurs qui sont toujours actuelles, qui ont une signification à ses frontières, particulièrement pour les Balkans occidentaux, qui furent, voilà peu de temps, le théâtre de tant de tragédies.

Avec cette adhésion, comme nous le rappelle également le cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, on en revient aux fondements de la construction européenne : la construction de la paix, qui demeure une exigence forte, essentielle et fondatrice. Il est important d’en avoir pleinement conscience à un moment où l’Europe fait face à de nombreuses difficultés qui ne doivent en rien nous conduire à tout remettre en cause ou à croire que les acquis de la construction européenne sont éternels.

N’imaginons pas que, pour la Croatie, cette adhésion n’a pas signifié de nombreux efforts, voire des sacrifices. Il a fallu, bien sûr, transposer en droit interne les acquis communautaires, mais c’est aussi dans son activité, dans la structure de son économie et de son agriculture que la Croatie a dû accepter de nouvelles règles. Je pense aux chantiers navals, où cela a été particulièrement douloureux, ou à son économie, qui était fortement intégrée à celle de la Bosnie-Herzégovine.

L’entrée dans l’Union européenne modifie profondément les habitudes, oblige à réorienter des coopérations commerciales et industrielles, rend moins facile pour la Croatie son commerce avec la Bosnie-Herzégovine ou la Serbie. Pourtant, la Croatie a voulu cette adhésion, qui est le symbole de son retour dans la famille européenne. Mais cela crée pour nous une obligation : poursuivre la démarche, ne pas laisser de côté les autres États des Balkans occidentaux, qui doivent pouvoir adhérer à leur rythme et quand ils le pourront. Il en va non seulement de la crédibilité du projet européen, du sens que nous donnons à nos valeurs communes, mais aussi de la stabilité de la région.

Malheureusement, dans les Balkans du sud-ouest, il n’y a à ce jour de négociation ouverte qu’avec le Monténégro, et ce depuis peu. Faudra-t-il attendre au-delà de 2020 pour que l’Union européenne atteigne une intégrité territoriale dans cette région, au risque d’engendrer d’ici là de nouvelles instabilités ?

Reprenons tout d’abord le processus de négociation tel qu’il a été conduit avec la Croatie. Il a su tirer les leçons de la vague précédente de négociations avec la Bulgarie et la Roumanie, ce qui explique qu’il ait été plus âpre, plus exigeant.

Les accents portés sur l’indépendance de la justice et sur la lutte contre la corruption ont permis de tester la stabilité des institutions croates, notamment lorsqu’il s’est agi de poursuivre de très hauts dignitaires du pouvoir en place.

De même, l’arrestation de personnes supposées coupables de crimes de guerre dans le cadre de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie n’a pas entraîné l’exacerbation de tensions nationalistes pourtant coutumières à Zagreb dans les années quatre-vingt-dix.

Enfin, le compromis passé au début des années deux mille entre les forces politiques croates sur le bien-fondé de l’adhésion a permis au pays de procéder à une profonde remise en cause de son modèle politique, que nous pouvons aujourd’hui considérer comme exemplaire. Les alternances politiques se sont déroulées sereinement, les minorités nationales sont associées aux prises de décision, les forces syndicales sont parties prenantes à tous les sujets concernant le modèle social ou la restructuration du tissu économique. Nous pensons en particulier aux difficiles négociations sur la réforme du système de retraite ou à la privatisation des chantiers navals.

Néanmoins, l’expérience de certaines adhésions – je pense notamment à celles de la Hongrie et de la Roumanie – souligne que, si nous savons être exigeants sur l’appropriation de notre système de valeurs et l’intégration des acquis communautaires durant les périodes de négociation, il y a ensuite un réel relâchement quand ces nouveaux membres deviennent acteurs de nos institutions.

À ce jour, seul le Parlement européen dispose d’une réelle capacité de mobilisation de l’opinion publique européenne dès qu’un État membre s’écarte de l’esprit de nos traités fondateurs. Pourtant, les instances de contrôle existent, mais elles semblent totalement anesthésiées par la place trop importante laissée à l’Europe intergouvernementale, au détriment d’une Europe plus intégrée institutionnellement.

Nul doute qu’il y a, là aussi, un débat à mener de façon urgente, car ce qui pèche aujourd’hui, ce n’est pas l’élargissement, mais ce sont les retards pris dans l’approfondissement.

À l’heure où l’on disserte sur une prétendue « fatigue de l’élargissement », il est urgent de montrer combien ce processus contribue au renforcement de l’État de droit sur notre continent, au renforcement du poids de l’Europe et de ses valeurs dans le monde.

La réussite de l’adhésion croate est donc vitale non seulement pour la relance de cette politique, mais aussi pour notre capacité à approfondir notre modèle politique, les deux étant intimement liées. Mais, ne vous en déplaise, monsieur Arthuis, la causalité n’est pas celle que l’on croit : ce sont les difficultés de l’approfondissement qui freinent l’élargissement, et non l’inverse !

Un nouveau membre, c’est une nouvelle jeunesse pour nos valeurs, car il en rappelle l’actualité. Les drames vécus voilà vingt ans par la Croatie et le chemin qu’elle a parcouru depuis lors en témoignent.

C’est un beau symbole d’ouvrir les travaux du Sénat français en 2013 avec ce projet de loi de ratification. Dans l’intérêt de l’Union européenne tout entière et de l’ensemble du continent européen, il serait judicieux que l’agenda d’une adhésion au 1er juillet 2013 soit respecté. Là où il pourrait exister des différends bilatéraux ou des difficultés liées à l’agenda politique interne de pays membres de l’Union européenne, aucun de ceux-ci ne devrait interférer avec la finalisation du processus d’adhésion et sa ratification par les parlements nationaux.

J’ai confiance en la bonne volonté de toutes les parties et de tous les États membres pour que nous puissions ensemble accueillir notre vingt-huitième membre le 1er juillet prochain.

Vive la Croatie dans l’Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne (ensemble neuf annexes et un protocole), signé à Bruxelles le 9 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à M. René Teulade, sur l'article.

M. René Teulade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue moi aussi la présence dans notre tribune d’honneur de M. l’ambassadeur de Croatie.

Au moment du déclenchement et de l’enlisement de la troisième guerre balkanique, en 1991, l’Europe était, selon les mots de Paul Garde, universitaire slavisant émérite, « en retard sur l’événement » ; vingt ans plus tard, sur la voie de l’intégration des pays de l’ex-Yougoslavie, l’Union européenne est à l’heure. En effet, au 1er juillet 2013, la Croatie deviendra le vingt-huitième État de l’Union européenne, sous réserve de la ratification du traité d’adhésion par l’ensemble des États membres.

Cette dernière couronne les nombreux efforts et progrès réalisés par l’État croate depuis son accession à l’indépendance à l’été 1991.

En deux décennies, la Croatie a effectué d’importantes réformes, notamment en matière de justice et de respect des droits fondamentaux, afin d’être en conformité avec les principes constitutifs de l’Union européenne.

Le travail réalisé par les gouvernements croates successifs doit être d’autant plus salué que le processus d’adhésion s’est déroulé dans le cadre du consensus renouvelé sur l’élargissement, adopté par le Conseil européen de décembre 2006, qui prévoit l’application d’une stricte conditionnalité et met l’accent sur les questions relatives à l’État de droit.

Ainsi, bien que certaines problématiques restent d’actualité, telles que la restructuration des chantiers navals, la lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts, l’organisation du système judiciaire, le plan d’action révisé adopté par le gouvernement croate le 31 octobre dernier est de nature à satisfaire les dernières exigences communautaires.

Par ailleurs, l’entrée de la Croatie dans le sérail européen est l’opportunité de rappeler la « vocation européenne » des Balkans occidentaux, reconnue par le Conseil européen de Zagreb en 2000, et réaffirmée par celui de Thessalonique en 2003. Sans brûler les étapes, les institutions et États européens doivent se fixer l’objectif d’intégrer au plus tôt la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie et le Kosovo, dès lors qu’il sera reconnu par l’ensemble des pays de l’Union européenne et par la Serbie.

Le traumatisme de la guerre est encore vivace dans cette région, comme dans nos mémoires, confuses devant le souvenir des exactions commises, les charniers humains non pas aux portes de l’Europe – abus de langage que certains employaient –, mais en son cœur, à la lisière du berceau de la civilisation européenne : la Grèce ; confuses aussi devant notre impuissance, dont la réminiscence prend la forme d’une interrogation : où étions-nous ? Ni à Vukovar, ni à Srebrenica, ni à Bihać, ni dans toutes les provinces qui portent, encore aujourd’hui, les stigmates de la guerre. Et permettez-moi une brève observation : où sommes-nous aujourd’hui en Syrie ? Peut-être partout, mais probablement nulle part ; l’histoire jugera !

L’Union européenne doit donc continuer à promouvoir, avec vigueur, la réconciliation et l’unité des États de l’ex-Yougoslavie, dans le respect des différences de chacun, en soutenant ardemment les initiatives qui donnent corps à l’esprit de rassemblement et de tolérance, à l’instar du dialogue nourri entre Ivo Josipović et le précédent Président serbe, Boris Tadić, dont je tiens à mettre en exergue le courage politique dont il fit preuve lorsque, en 2010, il reconnut officiellement – ce n’était pas facile – le massacre de Srebrenica.

Afin de lutter contre le nationalisme exalté qui gangrène toujours cette région, l’Union européenne doit demeurer un idéal tangible, accessible, et ne doit pas se muer en un idéal lointain que les États des Balkans occidentaux n’apercevraient que d’une infime lucarne donnant sur un mur politique. Ce mur politique, c’est le risque d’affadissement des valeurs consubstantielles à l’Union européenne, pourtant fondatrices de la politique d’élargissement définie par l’article 49 du traité sur l’Union européenne et réclamées aux États souhaitant faire partie du projet européen ; c’est le risque aussi de voir la tolérance et la solidarité, valeurs éminentes posées par l’article 2 du traité sur l’Union européenne, s’évaporer dans un contexte de crise et de défiance généralisée au profit d’un individualisme d’État que l’on retrouve, malheureusement, dans les discussions actuelles portant sur le budget communautaire.

Au sortir de la tragédie des deux guerres mondiales, Jean Monnet avait fait de la méthode des « petits pas » le moyen de rassembler les États européens autour d’intérêts communs, à travers une gestion collective et, par là même, avait créé une solidarité de fait. Aujourd’hui, cette solidarité ne doit plus seulement être la résultante de petits pas, elle doit être l’expression de grandes consciences européennes qui permettent d’approfondir et d’élargir le projet européen à tous ceux qui adhèrent à son esprit, à sa vocation et à sa vision, qui est sans doute une des rares et une des seules visions d’avenir. Telle est la signification du traité qui est aujourd’hui soumis à notre approbation, et j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne
 

13

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Discussion générale (suite)

Adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière

Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (projet n° 224, texte de la commission n° 248, rapport n° 247).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de transposition des directives en matière économique et financière qui vous est présenté aujourd’hui est bien connu de vous.

Il a été adopté en première lecture le 26 septembre dernier par l’ensemble des groupes du Sénat, sous réserve de l’abstention du groupe communiste républicain et citoyen.

Il a ensuite été adopté le 12 décembre dernier à l’unanimité par l’Assemblée nationale, dans une version ne différant du texte du Sénat que par des modifications rédactionnelles.

Votre commission des finances ayant elle-même adopté le texte de l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui reste au plus près de celui que vous aviez examiné en septembre.

Sans revenir sur les débats que vous aviez eus alors ici en présence de mon collègue Benoît Hamon, je voudrais tout d’abord remercier votre commission des finances, en particulier son rapporteur, Richard Yung, pour ses travaux approfondis sur ce texte, travaux qui ont beaucoup facilité son parcours.

D’importants enjeux s’attachent en effet à l’adoption rapide de ce projet de loi, et ce, d’abord, au regard de nos obligations européennes.

Dès sa prise de fonctions, Pierre Moscovici a tenu à remédier à des retards qui s’étaient accumulés dans la transposition des directives économiques et financières. L’objet de ce texte est de transposer en droit français trois directives adoptées par la France et ses partenaires en septembre 2009, en novembre 2010 et en février 2011.

Il est d’autant plus nécessaire de le faire que, en raison du retard accumulé pour la transposition de la première de ces directives, relative à la monnaie électronique, la France est exposée à une menace de sanction pécuniaire par la Cour de justice de l’Union européenne.

Il y va surtout du crédit de la parole de la France en Europe et de la sécurité juridique pour nos concitoyens et nos entreprises. Chacun a bien à l’esprit que, à l’échéance de leur transposition, les directives sont invocables devant les juridictions et que le juge écarte au besoin la loi nationale contraire. C’est donc à un embrouillamini juridique considérable que les opérateurs économiques et nos concitoyens sont confrontés lorsque surviennent des retards de transposition.

Les opérateurs français de monnaie électronique n’ont pas manqué de le rappeler en se plaignant de l’incertitude juridique dans laquelle ils se trouvent depuis deux ans, alors que leurs concurrents européens peuvent d’ores et déjà appliquer le cadre juridique commun à l’ensemble des États membres.

Quant à l’objet même de ce projet de loi, ce sont en outre, vous le savez, des mesures assurément utiles qu’il vous est proposé d’adopter définitivement.

Avec la transposition de la directive du 16 septembre 2009 sur la monnaie électronique, les consommateurs disposeront de moyens de paiement sûrs, ce qui est plus que jamais nécessaire en période de crise, et ce, en permettant aux opérateurs nationaux d’agir dans un cadre juridique stabilisé, alors qu’ils souffrent d’être les derniers en Europe à ne pas bénéficier entièrement du régime européen.

Les dispositions de transposition de cette directive prévoient la création d’une nouvelle catégorie d’acteurs dans le secteur des moyens de paiement, à savoir les établissements de monnaie électronique qui seront habilités à émettre de la monnaie électronique à destination de leurs clients. Elles fixeront les règles d’exercice de cette activité.

Ce nouveau régime doit contribuer au développement de la monnaie électronique en fixant un cadre simplifié pour ces établissements et sécurisé pour ses utilisateurs, dans le respect des règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Avec la transposition de la directive du 24 novembre 2010, dite « Omnibus I », nous allons contribuer au renforcement de la régulation financière européenne, à laquelle le Gouvernement est tout particulièrement attaché et dont vous savez qu’elle connaît actuellement des avancées importantes, dans le droit fil des conclusions du Conseil européen de juin 2012.

Par ailleurs, les mesures de transposition correspondantes sont en complète cohérence avec le projet de loi de régulation bancaire et financière déposé en décembre par le Gouvernement. Elles renforcent les échanges d’information entre les autorités de supervision nationales – l’Autorité de contrôle prudentiel et l’Autorité des marchés financiers – et les autorités européennes de supervision, contribuant ainsi à l’efficacité de la supervision des acteurs financiers.

Enfin, avec l’achèvement de la transposition de la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, nous allons contribuer au soutien aux petites et moyennes entreprises et franchir une première étape vers l’objectif de réduction à vingt jours, d’ici à 2017, des délais de paiement de l’État, ce qui constitue la décision n° 3 du pacte national de compétitivité, de croissance et d’emploi, adopté le 6 novembre dernier.

Les dispositions de transposition de la directive prévoient un renforcement des sanctions en cas de retard de paiement des sommes dues en exécution d’un contrat de la commande publique, afin de réduire les délais de paiement de la sphère publique et d’améliorer ainsi la situation de trésorerie des entreprises. Elles instaurent notamment une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en sus des intérêts moratoires, dont le taux sera augmenté par décret.

Pour être au rendez-vous de l’échéance de transposition fixée en mars, le ministère de l’économie et des finances a d’ores et déjà mis en ligne depuis le 29 novembre dernier, sur son site internet, pour consultation publique, les éléments du dispositif réglementaire qui permettra d’appliquer la loi.

Vous en avez été convaincus dès sa première lecture, ce texte est donc non seulement nécessaire, mais surtout utile.

Permettez-moi, avant de conclure, de revenir sur la méthode de transposition choisie par le Gouvernement, car cette méthode a elle aussi son importance.

Nous avons écarté la solution qui aurait consisté à placer en quelque sorte le Parlement au pied du mur, en lui demandant de voter de toute urgence des habilitations à transposer par ordonnances des directives dont les mesures nationales de mise en œuvre avaient manqué d’être prises en temps utile.

Nous avons choisi de soumettre à la délibération du Parlement, par le présent projet de loi, l’intégralité des mesures législatives qui restent nécessaires à la transposition des trois directives dites « monnaie électronique », « Omnibus I » et « retards de paiement ».

Il est dans l’intention du Gouvernement de procéder de la même manière dans les prochains mois avec des projets de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne thématiques, dans d’autres domaines que le droit économique et financier.

Entendons-nous bien, dans le domaine de la transposition des directives, le plus important est que, comme cela a été le cas pour ce projet de loi, le Gouvernement et le Parlement aient un dialogue étroit afin de déterminer les voies et moyens les plus adaptés pour assurer, dans la durée, la meilleure articulation possible entre le droit de l’Union européenne et le droit national. Il est objectivement des situations dans lesquelles ce dialogue pourra conclure à la nécessité de recourir ponctuellement au mécanisme de l’ordonnance ou à l’engagement de la procédure accélérée sur un texte d’adaptation au droit de l’Union européenne à caractère essentiellement technique. Mais ce ne peut évidemment être la solution de référence, comme cela a pu être trop souvent le cas par le passé.

À la faveur du dialogue étroit qui a commencé à se nouer entre Gouvernement et Parlement au sein d’un comité de liaison de la transposition des directives, en accord avec le Premier ministre, MM. Claude Bartolone et Jean-Pierre Bel, nous aurons à vérifier ensemble si certaines transpositions appellent des solutions particulières, comme le recours aux ordonnances, pourvu, bien évidemment, que ce ne soit pas au prétexte de retards que le Gouvernement aurait lui-même laissé naître faute d’avoir préparé en temps utile les mesures d’adaptation de notre droit.

Tel est l’un des éléments tangibles du respect que le Gouvernement porte aux travaux de la représentation nationale, suivant les souhaits du Président de la République et du Premier ministre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures qui sont aujourd’hui soumises à votre examen sont non seulement une nécessité juridique, mais aussi une modernisation de notre droit attendue par nombre de consommateurs et d’opérateurs économiques. Le Gouvernement souhaite donc que, tout comme cela a été le cas en première lecture, au Sénat et à l’Assemblée nationale, ces mesures recueillent aujourd’hui le plus large assentiment, pour être définitivement adoptées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dit « DDADUE » – c’est un peu plus romantique ! (Sourires.) –, revient au Sénat en deuxième lecture. Comme l’a rappelé M. le ministre, ce texte vise à transposer en droit français trois directives européennes, dont la principale est relative à la monnaie électronique.

La France aurait dû transposer cette directive voilà plus d’un an et demi. Nous sommes par conséquent sous la menace d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne et d’une condamnation pécuniaire, qui n’est pas négligeable, puisqu’elle pourrait être de l’ordre de 20 millions d’euros. Dans la phase actuelle de lutte contre les déficits, avouez qu’il y a mieux à faire !

La Commission européenne se fait de plus en plus pressante ; il est donc urgent de conclure l’examen de ce projet de loi.

D’un côté, nous pouvons espérer que des entreprises se saisissent de ce nouveau cadre réglementaire pour développer des activités de monnaie électronique en France.

De l’autre, nous subodorons que le texte européen sur la monnaie électronique de même que la directive sur les établissements de paiement sont déjà plus ou moins dépassés compte tenu de l’évolution rapide du paysage des paiements en Europe.

Il est donc probable que, dans peu de temps, l’ouvrage devra être remis sur le métier. En tout état de cause, cette remarque n’aurait pas lieu d’être si nous avions transposé la directive en temps et en heure.

Les deux autres directives concernées par le projet de loi DDADUE sont la directive dite « Omnibus I » et la directive relative à la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales.

La directive « Omnibus I » rend possible l’échange de données entre les autorités prudentielles françaises et les trois nouvelles autorités prudentielles européennes : l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et l’Autorité européenne des marchés financiers. Ces mesures rejoignent, cela a été dit, les dispositions qui figureront dans le projet de loi bancaire que nous examinerons prochainement. Cette transposition est donc nécessaire pour que les différentes autorités prudentielles disposent d’une base juridique pour collaborer entre elles.

Enfin, la transposition du volet public de la directive contre les retards de paiement dans les transactions commerciales permettra d’inciter les différentes autorités publiques à mieux gérer les relations financières avec leurs fournisseurs. En effet, le délai maximal pour effectuer un paiement sera fixé à trente jours, et ce pour l’ensemble des contrats de la commande publique, sous peine du paiement d’une indemnité forfaitaire de 40 euros au minimum.

L’enjeu économique et financier n’est pas négligeable, que ce soit pour les personnes publiques ou pour leurs partenaires privés.

Voilà, mes chers collègues, les principaux éléments de ce projet de loi.

En première lecture, au Sénat, la commission des finances avait adopté une dizaine d’amendements sans modifier substantiellement le texte proposé par le Gouvernement. Elle avait également adopté deux amendements tendant à insérer un article additionnel afin de mettre en cohérence le droit monétaire et financier avec les nouvelles règles européennes relatives aux agences de notation et aux ventes à découvert. Je vous rappelle que les agences de notation sont sous le contrôle prudentiel de la seule Autorité européenne des marchés financiers ou European securities and markets authority, et non de l’Autorité des marchés financiers.

En séance publique, aucun amendement n’avait été déposé.

L’Assemblée nationale a adopté 93 amendements rédactionnels, ce qui est quelque peu étonnant pour un texte en préparation depuis deux ans...

Au total, en deuxième lecture, 23 articles sur 46 sont encore en discussion.

Sur le fond, l’Assemblée nationale n’a donc pas du tout bouleversé l’équilibre du projet de loi.

En conséquence, et compte tenu de l’urgence, la commission des finances a adopté sans modification les 23 articles restant en discussion.

Je vous invite désormais à confirmer cette position, puisqu’aucun amendement n’a été déposé en vue de son examen en séance publique, et d’établir ainsi le texte définitif de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – MM. Jean Arthuis et Michel Bécot applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en faisant le constat que cette nouvelle année dans notre assemblée débute sous le signe de l’Europe, ce qui est, je le crois, un bon présage.

Le premier texte que nous avons examiné concernait le traité d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne.

Le second texte – celui que nous examinons actuellement – renvoie, lui, à un projet de loi portant transposition de plusieurs directives européennes à caractère économique, que nous avions voté en première lecture le 26 septembre dernier, et qui nous revient après son passage à l’Assemblée nationale.

L’année qui s’est achevée a montré combien les questions européennes étaient présentes au cœur du débat politique national.

L’année qui s’ouvre a officiellement été proclamée « année européenne des citoyens ». Il est en effet essentiel que la dimension citoyenne de la construction européenne soit aujourd’hui renforcée pour donner à celle-ci un cadre démocratique à la hauteur des valeurs et des principes édictés par nos institutions, au niveau tant national que communautaire. Celle-ci doit naturellement s’affirmer en parallèle, je tiens à le souligner – et non en concurrence ou en substitution –, avec le renforcement de la place et du rôle de la représentation nationale dans ce processus conduisant à davantage d’Europe dans nos institutions comme dans notre vie quotidienne.

En France jusqu’à présent, le Parlement a été insuffisamment associé au travail de transposition de la législation européenne dans notre droit national. C’est pourquoi nous saluons aujourd’hui l’initiative du Gouvernement de nous impliquer plus étroitement dans ce processus déterminant.

Après les modifications substantielles que le Sénat avait apportées au texte, les députés ont fait preuve d’une certaine diligence. En effet, 23 articles sur 46 restent encore en discussion, soit 50 % du texte ; cela paraît beaucoup, comme l’a rappelé M. le rapporteur, mais les 93 amendements qui ont été adoptés par nos collègues sont tous des amendements de nature rédactionnelle.

Le groupe écologiste du Sénat votera cette nouvelle mouture, comme il avait voté la précédente, autant par cohérence qu’en raison de l’urgence dans laquelle nous nous trouvons concernant des directives pour la transposition desquelles nous accusons un certain retard.

Je reviens brièvement sur les directives en question.

La directive « Omnibus I » appartient aux textes élaborés depuis le début de la crise économique et financière pour renforcer la supervision européenne des secteurs de la finance.

Les deux autres textes – la directive sur la monnaie électronique et celle sur les retards de paiement dans les transactions commerciales – sont plus détachés de cette actualité.

La première de ces directives est sans doute déjà obsolète en raison des efforts déployés entre-temps pour la mise en place d’une union bancaire.

Quant à celle qui concerne la monnaie électronique, notre pays aurait dû la transposer voilà plus d’un an et demi ! Nous sommes d’ailleurs sous le coup de poursuites devant la Cour de justice de l’Union européenne et nous risquons de nous voir infliger des sanctions financières de l’ordre de 20 millions d’euros pour lesquels, M. le rapporteur l’a rappelé, nous pourrions sans doute trouver des usages bien plus intéressants.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais souhaité, en septembre dernier, appeler l’attention sur les problèmes de méthode que ce retard révélait. En effet, il est dû au curieux expédient que la majorité précédente avait souhaité mobiliser afin de procéder à cette transposition. Je veux parler des ordonnances qu’avait permises la fameuse habilitation Warsmann, avant que le Conseil constitutionnel n’intervînt pour invalider l’ensemble de la procédure.

Le Gouvernement avait souhaité aller plus vite en se passant de tout examen parlementaire approfondi. Au final, il alla moins vite et ledit examen parlementaire n’en fut pas moins bénéfique une fois qu’il put avoir lieu.

Vous vous rappelez sans doute que nos échanges ont permis, depuis, d’améliorer substantiellement le projet de loi en question.

Pour être honnête, il faut noter que le gouvernement et la majorité précédents ne furent pas les seuls à avoir quelques difficultés en matière de transposition. Notre pays a même été, d’une certaine manière, parmi les plus mauvais « transposeurs » de l’Union ! En juillet dernier, nous avions à notre encontre douze procédures en manquement pendantes devant la Cour. Il faut reconnaître aussi que de nombreux efforts ont été réalisés au cours des derniers mois afin de diminuer nos retards en matière de transposition, ce qui n’est rien moins qu’essentiel, surtout lorsqu’on voit que la Commission et la Cour ont tendance à se montrer toujours plus sévères en ce domaine.

On le sait, les transpositions laissent peu de marge aux gouvernements et aux parlements nationaux. Mais cela ne veut pas dire que les uns et les autres peuvent se montrer cavaliers pour autant. Au contraire, lorsque l’ensemble des acteurs concernés travaillent de concert, l’élaboration des directives s’avère mieux encadrée et leur adaptation en droit interne mieux réalisée. Le débat public en sort également grandi, comme d’ailleurs la connaissance que nous-mêmes pouvons avoir des débats européens et de leur évolution.

Le Gouvernement a fait savoir qu’il entendait procéder autant que possible, à l’avenir, par voie parlementaire et qu’il éviterait de recourir aux ordonnances. M. le ministre l’a d’ailleurs rappelé dans son propos.

Avec mon groupe, je salue cette intention et formule le souhait que cela soit effectivement le cas. Je suis convaincu que l’Union européenne, ses États membres et l’ensemble de leurs citoyens ont tout à gagner d’un dialogue permanent entre les différentes branches des pouvoirs publics, au niveau national comme européen, aussi en amont que possible du processus législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, qui a pour objet la transposition dans notre droit national de trois directives européennes, ne pose pas de difficultés au groupe auquel j’appartiens.

En première lecture à l’Assemblée nationale, saisie après le Sénat, le texte a fait l’objet seulement de modifications rédactionnelles et a été adopté à l’unanimité par les députés.

Notre groupe, comme en première lecture, approuve la transposition de ces trois directives relatives à des questions économiques, monétaires et financières, car elles visent à renforcer la cohésion européenne.

La transposition de la première directive du 16 septembre 2009 permettra d’harmoniser le cadre juridique au sein de l’Union européenne, régissant les règles d’utilisation de la monnaie électronique, forme moderne de la monnaie scripturale, mais encore très peu développée. Elle permettra également de sécuriser davantage l’utilisation des moyens de paiement électronique par les consommateurs et de supprimer le monopole bancaire en matière d’émission de monnaie électronique.

Les cartes prépayées, le porte-monnaie électronique et l’ensemble des autres moyens de paiement électronique sont en effet encore faiblement utilisés. Aussi l’harmonisation européenne va-t-elle permettre d’en développer l’utilisation, par exemple pour les Français voyageant dans l’Union européenne.

Le développement d’établissements français de monnaie électronique indépendants des établissements bancaires pouvant fournir de tels services de paiement va également dans le bon sens, dans la mesure où de tels établissements, anglais ou luxembourgeois, sont déjà autorisés à exercer en France sans qu’aucun établissement français n’ait pu être agréé jusqu’à présent.

Cela va dans le sens d’une concurrence libre et non faussée.

Enfin, il appartiendra de veiller à la lutte contre le blanchiment ; nous resterons vigilants sur ce point.

De la même façon, nous approuvons la transposition de la directive du 24 novembre 2010 sur l’adaptation des secteurs bancaires, des assurances et des marchés financiers à la nouvelle supervision européenne.

Le groupe UMP avait approuvé la création du nouveau système de surveillance financière. Il importe désormais de remédier à ses carences, constatées à l’aune de la crise financière, notamment en clarifiant les compétences des diverses autorités, afin d’assurer une meilleure cohérence au sein de l’Union européenne.

La coopération entre l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, l’Autorité européenne des marchés financiers et le Comité européen du risque systémique, avec les autorités nationales de supervision, à savoir l’Autorité des marchés financiers et l’Autorité de contrôle prudentiel pour la France, va ainsi être renforcée et améliorée.

La transposition de la directive permettra de faciliter l’échange d’informations entre les États membres, et la stabilité de notre système financier en sortira indéniablement renforcée.

Enfin, ce projet de loi tend à transposer dans notre législation la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales. Nous y sommes très favorables. Nous approuvons donc cette directive qui fait bénéficier les PME de meilleures conditions de paiement concernant les transactions entre les entreprises et les pouvoirs publics, notamment dans le cadre de contrats de marché public.

En cette période de difficultés financières pour un grand nombre d’entreprises, le délai de paiement est un élément très important pour leur trésorerie. Il y aura désormais un délai maximal de paiement, fixé par décret. En cas de retard, des intérêts moratoires seront versés à l’entreprise, ainsi qu’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Je rappelle que la Cour des comptes a critiqué, en la matière, le système français, en soulignant que nos entreprises sont trop dépendantes, non seulement du crédit bancaire, mais aussi du crédit interentreprises.

Je rappelle également que, dans la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit, une partie de cette directive avait déjà été transposée, mais que, curieusement, l’actuelle majorité avait alors voté contre.

Pour notre part, nous restons constants dans nos positions. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP, de manière responsable, votera le projet de loi de transposition de ces trois directives, qui sont utiles à notre économie, à la France et à l’Europe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Richard Yung, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’adoption du projet de loi que nous examinons permettra de dispenser la France de subir quelques amendes de l’Union européenne pour cause de non-transposition dans notre droit national, dans les délais requis, de trois directives déjà anciennes.

M. le ministre l’a rappelé, et nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, l’abondante production législative et réglementaire européenne crée un encombrement assez sérieux de notre ordre du jour parlementaire. Il me semble qu’il nous faut, en l’espèce, tirer quelques leçons de ce constat.

Le présent projet de loi tend donc à transposer trois directives distinctes.

La première directive est relative à la mise en place de systèmes – et surtout d’opérateurs – de monnaie électronique. Sa transposition tardive dans notre droit n’aura comme autre conséquence que de mettre au jour que d’autres pays vont servir de « base arrière » à ces opérateurs, en particulier le Luxembourg. Ce dernier est décidément toujours à la pointe du combat lorsqu’il s’agit d’innovation en matière d’ingénierie financière.

Le fait que le Grand-Duché soit ainsi privilégié par les opérateurs signifie, de manière assez évidente, que les opérateurs de monnaie électronique ont privilégié le pays le moins regardant, voire le plus accueillant en matière financière. À nos yeux, cela ne peut que renforcer la méfiance de certains consommateurs à l’égard de ce nouveau type de création monétaire.

La deuxième directive porte sur la coopération entre les autorités prudentielles en matière financière et bancaire, au cœur de la directive « Omnibus I », qui, au demeurant, est déjà quasi obsolète maintenant que la supervision des activités financières va se trouver de plus en plus dévolue à une super autorité prudentielle au niveau communautaire, dans le cadre de ce qu’on appelle l’« union bancaire ».

Pour peu que l’on ait suivi l’affaire, on a compris que le contrôle de cette union bancaire sera confié à la Banque centrale européenne. Or la clairvoyance de cet établissement a fait tant de miracles depuis l’été 2008 que l’on peut se demander si l’orientation prise est forcément la meilleure en pareille situation…

Enfin, la troisième directive a trait aux délais de paiement en matière de commande publique pour les entreprises, et singulièrement pour les PME. Dans les faits, il s’agit de donner aux créanciers de personnes publiques quelques menues garanties de recouvrement de leurs créances, dès lors qu’un retard peut être constaté dans le règlement de ces situations.

On peut évidemment adhérer à l’objectif visé, tout en rappelant que ce qui constitue malgré tout le principal obstacle au développement et, parfois, à la survie même de certaines PME, tient plutôt aux retards de paiement enregistrés en matière de commande privée – on appelle cela le crédit fournisseur du point de vue des « mauvais payeurs » – ou encore à l’inégalité d’accès au crédit, nombre de banques refusant bien souvent la moindre avance de trésorerie à destination des entreprises ayant pourtant des créances à présenter à l’escompte.

Au demeurant, le renforcement de la supervision bancaire et l’adaptation probable des règles prudentielles les plus récemment recommandées par le comité de Bâle, tels que prévus par les projets d’union bancaire, risquent fort de placer nombre de PME face à des difficultés nouvelles ou renforcées dans l’accès au crédit.

De plus, si, comme le soulignait le rapport en première lecture, la commande publique souffre de l’application d’un logiciel de règlement inadapté ou mal maîtrisé par les personnes chargées du mandatement et du règlement des dépenses, bon nombre d’entreprises risquent fort de se heurter à de nouvelles difficultés.

En tout état de cause, les trois directives visées par le présent projet de loi constituent la nouvelle illustration d’une production normative communautaire engendrée par la mise en œuvre des principes de la concurrence libre et non faussée, principes que de tels actes communautaires viennent en quelque sorte « aménager », en attendant des aménagements ultérieurs dont certains sont déjà sur les rails, comme on l’observe en matière de supervision bancaire.

Nous comprenons très bien l’esprit qui anime M. le rapporteur, qui, en recommandant l’adoption conforme du projet de loi, souhaite clore l’épisode et passer à autre chose. Toutefois, il s’agit de voter un texte en grande partie inapplicable ou qui restera inappliqué en France métropolitaine. Cette quasi-inapplication risque tout de même de nous valoir quelques soucis financiers avec les instances européennes.

Dans ce contexte et sous réserve des observations déjà formulées, nous ne pourrons donc que confirmer notre abstention sur l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons compris en écoutant M. le rapporteur, que je félicite au passage pour son travail et sa présentation claire et synthétique de ce texte très technique, il y a urgence.

Il y a urgence à transposer la directive sur la monnaie électronique, qui fait l’objet du titre Ier du projet de loi, puisque nous aurions dû l’incorporer dans notre droit interne depuis le 30 avril 2011. Nous avons donc déjà plus d’un an et demi de retard et risquons tout de même une condamnation de l’ordre de 20 millions d’euros !

Il faut le dire, c’est une somme que nous pouvons difficilement nous permettre de verser, alors même que nous demandons des efforts importants à tous les Français et cherchons des sources d’économies pour redresser nos finances publiques qui en ont bien besoin. (M. le rapporteur acquiesce.)

Il est vrai que nous, Français, restons des spécialistes en matière de retard dans la transposition des textes européens. Cette habitude est bien sûr tout à fait regrettable. Il est dommage que nous attendions toujours le dernier moment pour transposer des textes qui revêtent une véritable importance pour nos concitoyens.

M. Roland du Luart. Vous avez bien raison !

M. Jean-Michel Baylet. Nous contribuons ainsi à « technocratiser » encore davantage l’Union européenne aux yeux des Français, qui ont l’impression qu’arrivent uniquement de Bruxelles des directives et des règlements techniques inaccessibles au commun des mortels.

M. André Gattolin. Absolument !

M. Jean-Michel Baylet. Pourtant, reconnaissons-le, ces textes peuvent avoir un impact concret et important sur le quotidien des Français, pour peu qu’ils leur soient expliqués et présentés de la meilleure des manières.

En outre, nos concitoyens ont le sentiment que les représentants de la souveraineté nationale que nous sommes laissent faire ce « monstre technocratique » et n’exercent aucune influence sur les multiples textes européens, que nous nous contentons de transposer avec plus ou moins de retard – en l’espèce avec beaucoup de retard !

Or c’est à nous de donner aux Français l’envie de comprendre l’Europe et de se saisir pleinement de leurs droits de citoyens européens. C’est à nous de leur expliquer que la représentation nationale joue un rôle dans les choix européens. Mais encore faudrait-il que nous nous saisissions véritablement de ces sujets. Nous ne le faisons que trop rarement !

Pourtant, de nouveaux outils sont ou seront bientôt à notre disposition. J’espère ainsi que la conférence interparlementaire prévue par le traité européen sera rapidement mise en place.

Quoi qu’il en soit, je regrette que l’on nous soumette régulièrement des projets de loi qui sont de véritables « paquets de transpositions » de directives souvent très hétéroclites, quand il ne s’agit pas de textes totalement distincts, dont on profite pour transposer, au passage, quelques directives européennes. Or ces textes européens mériteraient souvent un examen indépendant et approfondi, ainsi, disons-le, qu’un véritable débat démocratique.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à transposer trois directives qui n’ont en commun que leur thématique économique et financière.

La transposition de certaines de ces directives est purement formelle, nous permettant d’éviter une condamnation, alors qu’en réalité, comme le rapporteur l’a souligné, elles sont déjà en grande partie obsolètes.

Ainsi, la directive « Omnibus I », qui concerne les différentes autorités prudentielles, dont l’Autorité bancaire européenne, est déjà largement dépassée avec la mise en place qui s’annonce de l’union bancaire et les nouvelles impulsions politiques données à l’Union européenne grâce à l’action du Président de la République et du Gouvernement.

La directive sur la monnaie électronique, qui date de septembre 2009, est elle aussi plus ou moins dépassée, mais, cette fois, par les évolutions technologiques et sociales. Elle devrait néanmoins permettre un développement de la monnaie électronique en France, domaine dans lequel nous sommes peu actifs, du fait, notamment, du monopole bancaire qui prévalait jusqu’à présent pour son émission. Laissons donc une chance à la monnaie électronique en transposant enfin cette directive !

La troisième directive que ce projet de loi vise concerne les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. Il s’agit ici d’une avancée importante pour nos PME.

Enfin, ce projet de loi a été enrichi en première lecture par la commission des finances de notre assemblée, sur l’initiative du rapporteur, ce dont je me réjouis. Ainsi, une coordination entre l’Autorité des marchés financiers et l’Autorité européenne des marchés financiers concernant l’enregistrement et la surveillance des agences de notation est désormais prévue. C’est un point important.

Les choses évoluent vite en Europe depuis quelques mois, grâce notamment au rôle joué par la France. Au mois de septembre dernier, lors de la première lecture de ce projet de loi, ma collègue Françoise Laborde était intervenue en faveur d’une supervision bancaire intégrée pour la zone euro. Nous y arrivons à grands pas avec les décisions prises lors du dernier Conseil européen des 13 et 14 décembre.

Ainsi, la première étape de l’union bancaire, la supervision intégrée pour l’ensemble des banques de la zone euro, devrait être mise en place très prochainement. Cela permettra la recapitalisation directe des établissements financiers par le Mécanisme européen de stabilité, actée dès le mois de juin. C’est un point très important.

La deuxième étape de l’union bancaire, le mécanisme commun de résolution des crises, devrait entrer en vigueur dès la fin de l’année, suivi du troisième élément de cet ensemble, la garantie des dépôts des épargnants. L’union bancaire devrait donc être achevée dès 2014, c’est une avancée extrêmement importante vers une plus grande solidarité en Europe.

Il faut poursuivre les efforts dans le sens non seulement d’un véritable gouvernement économique européen, j’en ai souvent formulé le souhait à cette tribune, mais aussi d’une union budgétaire, avec la mutualisation des dettes, sous la forme d’obligations communes, conjointes, ou d’une capacité d’emprunt pour la zone euro. Les radicaux de gauche soutiendront donc, conformément à leur habitude, toutes les avancées impulsées par le Gouvernement en direction d’une Europe plus démocratique, plus responsable, plus solidaire et donc plus protectrice pour nos concitoyens.

En attendant, conscients des avancées qu’apporteront ces directives et souscrivant à l’argument de l’urgence développé par le rapporteur, la totalité des membres du groupe du RDSE votera en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

Sur les articles du texte élaboré par la commission, je ne suis saisi d’aucun amendement ni d’aucune demande de parole.

TITRE Ier

CONDITIONS RÉGISSANT L’ÉMISSION ET LA GESTION DE MONNAIE ÉLECTRONIQUE ET PORTANT CRÉATION DES ÉTABLISSEMENTS DE MONNAIE ÉLECTRONIQUE

Chapitre Ier

Dispositions modifiant le code monétaire et financier

Section 1

Dispositions relatives à la monnaie fiduciaire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Article 2

Article 1er

(Conforme)

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Section 2

Dispositions relatives aux instruments de la monnaie scripturale

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Articles 3 et 4

Article 2

(Non modifié)

I. – L’article L. 131-45 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « un banquier, », sont insérés les mots : « à un établissement de monnaie électronique, » ;

2° Au deuxième alinéa :

a) À la première phrase, après les mots : « au banquier », sont insérés les mots : « , à l’établissement de monnaie électronique » ;

b) À la seconde phrase, après les mots : « le banquier », sont insérés les mots : « , l’établissement de monnaie électronique » et le mot : « autre » est supprimé ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il est interdit à un établissement de monnaie électronique d’encaisser tout chèque aux fins d’émission de monnaie électronique, sauf à en être lui-même bénéficiaire. » ;

4° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Un banquier, un établissement de monnaie électronique ou un établissement de paiement ne peut acquérir un chèque barré que d’un de ses clients, d’un chef de centre de chèques postaux, d’un autre banquier, d’un établissement de monnaie électronique ou d’un établissement de paiement. Il ne peut l’encaisser pour le compte d’autres personnes que celles-ci. » ;

5° Au dernier alinéa, après les mots : « le banquier », sont insérés les mots : « , l’établissement de monnaie électronique ».

II. – À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 131-71 du même code, après les mots : « un établissement assimilé », sont insérés les mots : « , d’un établissement de monnaie électronique ».

III. – L’article L. 131-85 du même code est ainsi modifié :

1° Aux premier et dernier alinéas, après les mots : « les organismes mentionnés au 5 de l’article L. 511-6 », sont insérés les mots : « , les établissements de monnaie électronique » ;

2° Au dernier alinéa, après les mots : « un financement », la fin est ainsi rédigée : « , une ouverture de crédit ou de délivrer un moyen de paiement. »

IV. – L’article L. 133-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du II, les mots : « à Saint-Barthélemy, » sont supprimés ;

1° bis Au second alinéa du II, les mots « , à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy » sont remplacés par les mots : « ou à Saint-Martin » et les mots : « , à Saint-Barthélemy » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un IV ainsi rédigé :

« IV. – Sans préjudice de l’application de la section 12, le présent chapitre s’applique à l’émission et la gestion de monnaie électronique. »

V. – À la fin du III de l’article L. 133-25 du même code, la référence : « L. 315-1 » est remplacée par la référence : « L. 316-1 ».

VI. – Le chapitre III du titre III du livre Ier du même code est complété par une section 12 ainsi rédigée :

« Section 12

« Les modalités de remboursement de la monnaie électronique

« Art. L. 133-29. – Les unités de monnaie électronique sont remboursées par l’établissement émetteur au détenteur de monnaie électronique qui en fait la demande.

« Art. L. 133-30. – Le remboursement de la monnaie électronique par l’émetteur de monnaie électronique mentionné à l’article L. 525-1 est effectué sans frais pour le détenteur de monnaie électronique.

« Art. L. 133-31. – Par exception à l’article L. 133-30, lorsque les parties sont liées par un contrat prévoyant expressément un terme, elles peuvent convenir de frais consécutifs à un remboursement exclusivement dans les cas suivants :

« 1° La demande de remboursement est antérieure au terme du contrat ;

« 2° Le détenteur de monnaie électronique résilie le contrat avant son terme ;

« 3° Le détenteur de monnaie électronique demande le remboursement plus d’un an et un jour après le terme du contrat.

« Art. L. 133-32. – Le montant des frais consécutifs à un remboursement est proportionné et en rapport avec les coûts réellement supportés par l’émetteur de monnaie électronique.

« Art. L. 133-33. – Lorsque la demande de remboursement de la monnaie électronique intervient avant le terme stipulé au contrat, hors cas de résiliation du contrat, la demande peut porter sur la totalité ou sur une partie de la monnaie électronique détenue.

« Art. L. 133-34. – Lorsque la demande de remboursement de la monnaie électronique intervient dans le délai d’un an à compter du terme stipulé au contrat ou dans le cadre d’une résiliation du contrat, le remboursement de la monnaie électronique détenue est total.

« Art. L. 133-35. – Lorsque la demande de remboursement de la monnaie électronique intervient dans le délai d’un an à compter du terme stipulé au contrat liant un établissement de monnaie électronique exerçant des activités de nature hybride au sens de l’article L. 526-3 et un détenteur de monnaie électronique, le remboursement est total si la proportion des fonds qui seront utilisés sous forme de monnaie électronique n’est pas prévue entre les parties.

« Art. L. 133-36. – Les remboursements prévus à la présente section s’effectuent selon le choix exprimé par le détenteur de monnaie électronique, en pièces et en billets de banque ayant cours légal ou par une opération de paiement ordonnée par l’émetteur au bénéfice du détenteur de monnaie électronique.

« Pour le remboursement en pièces et en billets, l’émetteur de monnaie électronique peut convenir avec le détenteur d’un remboursement par transmission de fonds. Nonobstant toute clause contraire, les frais afférents à cette opération sont à la charge de l’émetteur de monnaie électronique.

« Art. L. 133-37. – Sauf dans les cas où le détenteur de monnaie électronique est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels, il peut être dérogé contractuellement aux articles L. 133-30 à L. 133-36.

« Art. L. 133-38. – Lorsque l’émetteur de monnaie électronique recourt à une personne pour distribuer, au sens de l’article L. 525-8, pour son compte, de la monnaie électronique, il demeure responsable du remboursement prévu à la présente section. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Section 3

Autres dispositions relatives à la monnaie

Article 2
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Article 5

Articles 3 et 4

(Conformes)

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Section 4

L’émission et la gestion de monnaie électronique

Articles 3 et 4
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Articles 6 et 7

Article 5

(Non modifié)

I. – L’intitulé du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est ainsi rédigé : « Les opérations de banque, les services de paiement et l’émission et la gestion de monnaie électronique ».

II. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après le 7 de l’article L. 311-2, il est inséré un 8 ainsi rédigé :

« 8. L’émission et la gestion de monnaie électronique. » ;

2° Au second alinéa de l’article L. 311-3, après la référence : « L. 311-1 », sont insérés les mots : « , les activités d’émission et de gestion de monnaie électronique ».

III. – À la première phrase du second alinéa de l’article L. 312-4 du même code, après les mots : « des établissements de crédit, », sont insérés les mots : « des établissements de monnaie électronique, ».

IV. – Les chapitres V et VI du titre Ier du livre III du même code deviennent respectivement les chapitres VI et VII, l’article L. 315-1 devient l’article L. 316-1 et les articles L. 316-1 à L. 316-3 deviennent les articles L. 317-1 à L. 317-3.

V. – Au titre Ier du livre III du même code, il est rétabli un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« L’émission et la gestion de monnaie électronique

« Section 1

« Définition

« Art. L. 315-1. – I. – La monnaie électronique est une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement définies à l’article L. 133-3 et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique.

« II. – Les unités de monnaie électronique sont dites “unités de valeur”, chacune constituant une créance incorporée dans un titre.

« Art. L. 315-2. – Chacune des unités de monnaie électronique est émise sans délai contre la remise de fonds.

« Art. L. 315-3. – Chacune des unités de monnaie électronique ne peut être émise que pour une valeur nominale égale à celle des fonds collectés en contrepartie.

« Section 2

« Rémunération

« Art. L. 315-4. – Il est interdit à tout émetteur de monnaie électronique qui collecte des fonds de verser sur ces fonds des intérêts, toute rémunération ou tout autre avantage liés à la durée de détention de monnaie électronique.

« Section 3

« Obligations contractuelles

« Art. L. 315-5. – Le chapitre IV du présent titre s’applique aux activités d’émission et de gestion de monnaie électronique, sans préjudice des exigences supplémentaires prévues à la présente section.

« Art. L. 315-6. – Avant tout contrat ou offre liant les parties, les conditions contractuelles sont communiquées dans les conditions prévues au I de l’article L. 314-13 dans des termes clairs et aisément compréhensibles au détenteur de monnaie électronique.

« Elles sont communiquées en français sauf convention contraire des parties.

« Art. L. 315-7. – Le contrat liant l’émetteur et le détenteur de monnaie électronique établit clairement les conditions et le délai de remboursement des unités de monnaie électronique.

« Si, par exception à l’article L. 133-30 et dans le cadre de l’article L. 133-31, des frais consécutifs à un remboursement sont prévus, ils sont clairement précisés dans le contrat.

« Le contrat précise le montant, la nature et le détail de calcul de ces frais.

« Art. L. 315-8. – Le contrat précise que le remboursement est effectué à la valeur nominale des unités de monnaie électronique. »

VI. – L’article L. 316-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , de monnaie électronique » ;

2° Après la référence : « L. 314-12 », la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « y compris sur le contrat mentionné au premier alinéa de l’article L. 315-7, sur les relevés de compte, ainsi que sur le support mis à disposition du détenteur sur lequel la monnaie électronique est stockée. »

VII. - Le chapitre VII du titre Ier du livre III du même code est ainsi modifié :

1° L’article L. 317-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Des agents de la Banque de France commissionnés par le ministre chargé de l’économie et des fonctionnaires habilités à relever les infractions aux dispositions des articles L. 113-3, L. 121-35 et L. 122-1 du code de la consommation sont qualifiés pour procéder dans l’exercice de leurs fonctions à la recherche et à la constatation par procès-verbal des infractions aux dispositions des articles L. 312-1-1, L. 312-1-2, L. 314-12, L. 314-13 et L. 315-6 à L. 315-8 du présent code. » ;

b) Au troisième alinéa, les références : « L. 314-12 et L. 314-13 » sont remplacées par les références : « L. 314-12, L. 314-13 et L. 315-6 à L. 315-8 », les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » et les mots : «, à Saint-Barthélemy » sont supprimés ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 317-3, la référence : « L. 315-1 » est remplacée par la référence : « L. 316-1 ». – (Adopté.)

Article 5
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Article 8

Articles 6 et 7

(Conformes)

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Section 5

Les émetteurs de monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique

Articles 6 et 7
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Article 9

Article 8

(Conforme)

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Article 8
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Article 10

Article 9

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l’article L. 511-4, après la référence : « L. 311-2 », sont insérés les mots : « , aux établissements de monnaie électronique pour l’émission et la gestion de monnaie électronique et leurs opérations mentionnées à l’article L. 526-2 » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 511-6, après le mot : « investissement, », sont insérés les mots : « ni les établissements de monnaie électronique, » ;

3° Les trois derniers alinéas de l’article L. 511-7 sont supprimés ;

4° Au 2 de l’article L. 511-15, après les mots : « ainsi que », sont insérés les mots : « les opérations de gestion de monnaie électronique déjà émise et » ;

5° Au a du 4 de l’article L. 511-21, la référence : « et 7 », est remplacée par les références : « , 7 et 8 » ;

6° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 511-29, après la seconde occurrence des mots : « des établissements de crédit, », sont insérés les mots : « des établissements de monnaie électronique, » ;

7° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 512-92, après le mot : « banque », sont insérés les mots : « , émettre ou gérer de la monnaie électronique » ;

8° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 518-25, après le mot : « investissement, », sont insérés les mots : « d’établissement de monnaie électronique, » ;

9° L’article L. 519-1 est ainsi modifié :

a) Le début de la première phrase du II est ainsi rédigé : « Le second alinéa du I ne s’applique ni aux établissements de crédit, ni aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, ni aux établissements de paiement, ni aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement, ni aux établissements de crédit, aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, aux établissements de paiement et aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement, intervenant… (le reste sans changement). » ;

b) Au second alinéa du III, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement » ;

10° Au premier alinéa de l’article L. 519-2, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, » ;

11° À l’article L. 519-3-2, après le mot : « crédit, », sont insérés les mots : « les établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, » ;

12° À la première phrase de l’article L. 519-3-4, après le mot : « crédit, », sont insérés les mots : « d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, » ;

13° À la fin du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 519-4-2, les mots : « ou de paiement » sont remplacés par les mots : « , de paiement ou de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement ». – (Adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

(Non modifié)

I. – L’intitulé du titre II du livre V du code monétaire et financier est ainsi rédigé : « Les prestataires de services de paiement, les changeurs manuels et les émetteurs de monnaie électronique ».

II. – Au I de l’article L. 521-1 du même code, après les mots : « les établissements de paiement », sont insérés les mots : « , les établissements de monnaie électronique ».

III. – Le II de l’article L. 521-3 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « déclarant », sont insérés les mots : « , après avis de la Banque de France au titre du troisième alinéa du I de l’article L. 141-4, » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Ces entreprises adressent à l’Autorité de contrôle prudentiel, qui le transmet à la Banque de France, un rapport annuel justifiant le respect des dispositions précitées et la sécurité des moyens de paiement qu’elles émettent et gèrent. » ;

3° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dès qu’une entreprise prévoit de ne plus remplir les conditions mentionnées au I du présent article ou au 1° de l’article L. 311-4, elle dépose une demande d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel en application de l’article L. 522-6.

« Lorsque l’Autorité de contrôle prudentiel notifie à une entreprise que les conditions mentionnées au I du présent article ou au 1° de l’article L. 311-4 ne sont pas remplies, l’entreprise dispose d’un délai de trois mois pour prendre les mesures nécessaires pour respecter les conditions précitées ou pour déposer une demande d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel en application de l’article L. 522-6.

« Tant que l’Autorité de contrôle prudentiel ne s’est pas prononcée sur la demande d’agrément, l’entreprise veille à respecter les conditions prévues au I du présent article ou au 1° de l’article L. 311-4. »

IV. – À l’article L. 522-1 du même code, les mots : « et autres que » sont remplacés par les mots : « , les établissements de monnaie électronique et ».

IV bis. – Au début du dernier alinéa du II de l’article L. 522-4 du même code, les mots : « En conséquence, » sont supprimés.

V. – Au I de l’article L. 522-6 du même code, après les mots : « au titre du troisième alinéa », sont insérés les mots : « du I ».

VI. – Le second alinéa de l’article L. 522-9 du même code est supprimé.

VII. – Le I de l’article L. 522-19 du même code est complété par huit alinéas ainsi rédigés :

« Les établissements de paiement peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel aux personnes avec lesquelles ils négocient, concluent ou exécutent les opérations mentionnées aux 1° à 5°, dès lors que ces informations sont nécessaires à celles-ci :

« 1° Prises de participation ou de contrôle dans un établissement de paiement ;

« 2° Cessions d’actifs ou de fonds de commerce ;

« 3° Cessions ou transferts de contrats ;

« 4° Contrats de prestations de services conclus avec un tiers en vue de lui confier des fonctions opérationnelles importantes ;

« 5° Lors de l’étude ou l’élaboration de tout type de contrats ou d’opérations, dès lors que ces entités appartiennent au même groupe que l’auteur de la communication.

« Outre les cas mentionnés aux 1° à 5°, les établissements de paiement peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire.

« Les personnes recevant des informations couvertes par le secret professionnel, qui leur ont été fournies pour les besoins d’une des opérations ci-dessus énoncées, doivent les conserver confidentielles, que l’opération susvisée aboutisse ou non. Toutefois, dans l’hypothèse où l’opération susvisée aboutit, ces personnes peuvent à leur tour communiquer les informations couvertes par le secret professionnel dans les mêmes conditions que celles visées au présent article aux personnes avec lesquelles elles négocient, concluent ou exécutent les opérations énoncées ci-dessus. »

VIII. – À l’article L. 523-5 du même code, après la référence : « L. 522-19, », est insérée la référence : « de l’article L. 526-35, ».

IX. – Au premier alinéa du II de l’article L. 524-1 du même code, après les mots : « les établissements de crédit, », sont insérés les mots : « les établissements de monnaie électronique, ». – (Adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Article 12

Article 11

(Non modifié)

Le titre II du livre V du code monétaire et financier est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Les émetteurs de monnaie électronique

« Section 1

« Généralités

« Art. L. 525-1. – Les émetteurs de monnaie électronique sont les établissements de monnaie électronique et les établissements de crédit.

« Art. L. 525-2. – Lorsqu’ils émettent de la monnaie électronique, les institutions et services suivants sont également considérés comme des émetteurs de monnaie électronique, sans être soumis aux dispositions du chapitre VI du présent titre et dans les limites des dispositions législatives qui, le cas échéant, les régissent :

« 1° La Banque de France et l’Institut d’émission des départements d’outre-mer ;

« 2° Le Trésor public ;

« 3° La Caisse des dépôts et consignations.

« Art. L. 525-3. – Il est interdit à toute personne autre que celles mentionnées aux articles L. 525-1 et L. 525-2 d’émettre et de gérer de la monnaie électronique au sens de l’article L. 315-1 à titre de profession habituelle.

« Art. L. 525-4. – Les titres spéciaux de paiement dématérialisés soumis à des dispositions législatives ou réglementaires spécifiques ou à un régime spécial de droit public qui en destinent l’usage exclusivement à l’acquisition d’un nombre limité de catégories de biens ou de services déterminées ou à une utilisation dans un réseau limité ne sont pas considérés comme de la monnaie électronique au sens de l’article L. 315-1. Les entreprises qui émettent et gèrent ces titres, pour la partie de leur activité qui répond aux conditions du présent article, ne sont pas soumises aux règles applicables aux émetteurs de monnaie électronique mentionnés à l’article L. 525-1. La liste des titres spéciaux de paiement dématérialisés concernés par le présent article est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Dans le cadre de ses missions fondamentales, la Banque de France s’assure de la sécurité des titres spéciaux de paiement dématérialisés et de la pertinence des normes applicables en la matière. Si elle estime qu’un de ces titres spéciaux de paiement dématérialisés présente des garanties de sécurité insuffisantes, elle peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n’ont pas été suivies d’effet, elle peut, après avoir recueilli les observations de l’émetteur, décider de formuler un avis négatif publié au Journal officiel.

« Pour l’exercice de ces missions, la Banque de France procède aux expertises et se fait communiquer, par l’émetteur ou par toute personne intéressée, les informations utiles concernant les titres spéciaux de paiement dématérialisés et les terminaux ou les dispositifs techniques qui leur sont associés.

« Les entreprises mentionnées au présent article adressent à la Banque de France un rapport annuel justifiant de la sécurité des titres spéciaux de paiement dématérialisés qu’elles émettent et gèrent.

« Art. L. 525-5. – Par exception à l’article L. 525-3, une entreprise peut émettre et gérer de la monnaie électronique en vue de l’acquisition de biens ou de services, uniquement dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d’un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services, à la condition que la capacité maximale de chargement du support électronique mis à la disposition des détenteurs de monnaie électronique à des fins de paiement n’excède pas un montant fixé par décret. Pour la partie de son activité qui répond aux conditions mentionnées au présent alinéa, l’entreprise n’est pas soumise aux règles applicables aux émetteurs de monnaie électronique.

« Les moyens de paiement mentionnés au présent article demeurent soumis à la surveillance de la Banque de France, conformément aux dispositions des troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 141-4.

« Art. L. 525-6. – Avant de commencer à exercer ses activités, l’entreprise mentionnée à l’article L. 525-5 ou au 1° de l’article L. 311-4 adresse une déclaration à l’Autorité de contrôle prudentiel, sauf si la monnaie électronique émise ou gérée par cette entreprise est délivrée exclusivement pour l’achat d’un bien ou d’un service déterminé auprès d’elle ou auprès d’entreprises liées avec elle par un accord de franchise commerciale.

« L’Autorité de contrôle prudentiel dispose d’un délai fixé par décret à compter de la réception de la déclaration ou, si celle-ci est incomplète, du même délai à compter de la réception de toutes les informations nécessaires pour notifier au déclarant, après avis de la Banque de France au titre du troisième alinéa du I de l’article L. 141-4, que les conditions mentionnées à l’article L. 525-5 ou au 1° de l’article L. 311-4 ne sont pas remplies.

« Le silence gardé par l’Autorité de contrôle prudentiel vaut approbation du respect des conditions susmentionnées.

« Les entreprises mentionnées à l’article L. 525-5 adressent à l’Autorité de contrôle prudentiel, qui le transmet à la Banque de France, un rapport annuel justifiant le respect des dispositions précitées et la sécurité des moyens de paiement qu’elles émettent et gèrent.

« Dès qu’une entreprise prévoit de ne plus remplir les conditions mentionnées à l’article L. 525-5 ou au 1° de l’article L. 311-4, elle dépose une demande d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel en application de l’article L. 526-7.

« Lorsque l’Autorité de contrôle prudentiel notifie à une entreprise que les conditions mentionnées à l’article L. 525-5 ou au 1° de l’article L. 311-4 ne sont pas remplies, l’entreprise dispose d’un délai de trois mois pour prendre les mesures nécessaires pour respecter les conditions précitées ou pour déposer une demande d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel en application de l’article L. 526-7.

« Tant que l’Autorité de contrôle prudentiel ne s’est pas prononcée sur l’octroi de l’agrément, l’entreprise veille à respecter les conditions prévues à l’article L. 525-5 ou au 1° de l’article L. 311-4.

« Art. L. 525-7. – Il est interdit à toute entreprise autre que celles mentionnées à l’article L. 526-1 d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire qu’elle est agréée en tant qu’établissement de monnaie électronique ou de créer une confusion en cette matière.

« Section 2

« La distribution de monnaie électronique

« Art. L. 525-8. – Les émetteurs de monnaie électronique peuvent recourir, dans les limites de leur agrément, aux services d’une ou plusieurs personnes en vue de distribuer, pour leur compte, de la monnaie électronique et effectuer, dans ce cadre, les activités suivantes :

« 1° La mise en circulation de monnaie électronique, y compris le rechargement de monnaie électronique ;

« 2° Le remboursement de monnaie électronique.

« En l’absence d’une caisse séparée alimentée par l’émetteur de monnaie électronique en vue de la réalisation des opérations mentionnées au 2°, les dispositions relatives aux opérations de guichet s’appliquent à ces personnes.

« Art. L. 525-9. – Les émetteurs de monnaie électronique qui recourent à une ou plusieurs personnes pour distribuer, au sens de l’article L. 525-8, de la monnaie électronique respectent les dispositions réglementaires relatives à l’externalisation.

« Art. L. 525-10. – Les émetteurs de monnaie électronique veillent à ce que les personnes mentionnées à l’article L. 525-8 apportent à la clientèle et au public, par tout moyen approprié et de manière visible et lisible, les informations relatives à la dénomination sociale, à l’adresse et au nom commercial de l’émetteur de monnaie électronique.

« Art. L. 525-11. – Nonobstant toute clause contraire, les émetteurs de monnaie électronique demeurent responsables à l’égard des détenteurs de monnaie électronique de la monnaie électronique distribuée par les personnes mentionnées à l’article L. 525-8.

« Art. L. 525-12. – Pour l’application de l’article L. 511-33, de l’article L. 526-35, de l’article L. 571-4 et de l’article L. 572-17, les personnes mentionnées à l’article L. 525-8 sont assimilées à des personnes employées par les émetteurs de monnaie électronique.

« Art. L. 525-13. – Les conditions d’application de la présente section sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie. » – (Adopté.)

Article 11
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Article 13

Article 12

(Non modifié)

Le titre II du livre V du code monétaire et financier est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Les établissements de monnaie électronique

« Section 1

« Définitions

« Art. L. 526-1. – Les établissements de monnaie électronique sont des personnes morales, autres que les établissements de crédit et autres que les personnes mentionnées à l’article L. 525-2, qui émettent et gèrent à titre de profession habituelle de la monnaie électronique telle que définie à l’article L. 315-1.

« Art. L. 526-2. – Outre l’émission, la gestion et la mise à disposition de la clientèle de monnaie électronique, les établissements de monnaie électronique peuvent :

« 1° Fournir des services de paiement définis au II de l’article L. 314-1 dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables à la fourniture de ces services ;

« 2° Fournir des services connexes à la prestation de services de paiement mentionnés à l’article L. 522-2 dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables à la fourniture de ces services ;

« 3° Fournir des services connexes opérationnels ou étroitement liés à l’émission et la gestion de monnaie électronique, tels que des services de change définis au I de l’article L. 524-1, des services de garde et l’enregistrement et le traitement des données.

« Art. L. 526-3. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 526-10, les établissements de monnaie électronique peuvent exercer à titre de profession habituelle une activité commerciale autre que l’émission et la gestion de monnaie électronique ou autre que les opérations mentionnées à l’article L. 526-2, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires applicables à cette activité.

« Pour ces établissements de monnaie électronique, exerçant des activités de nature hybride, les activités autres que l’émission et la gestion de monnaie électronique ne doivent pas être incompatibles avec les exigences de la profession, notamment le maintien de la réputation de l’établissement de monnaie électronique, la primauté des intérêts des clients et le jeu de la concurrence sur le marché considéré.

« Les modalités selon lesquelles les établissements de monnaie électronique exercent, à titre de profession habituelle, une activité autre que l’émission et la gestion de monnaie électronique sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Le présent article s’applique aux établissements de monnaie électronique qui exercent, à titre de profession habituelle, une activité commerciale d’émission et de gestion des titres mentionnés à l’article L. 525-4.

« Art. L. 526-4. – Les comptes ouverts par les établissements de monnaie électronique, dans le cadre de la fourniture de services de paiement, respectent les dispositions législatives et réglementaires applicables aux comptes et aux opérations de paiement.

« Art. L. 526-5. – Les fonds représentatifs de monnaie électronique collectés par des établissements de monnaie électronique en vue de l’émission et de la gestion de monnaie électronique ne constituent pas des fonds reçus du public au sens de l’article L. 312-2.

« Les fonds d’utilisateurs de services de paiement collectés par des établissements de monnaie électronique en vue de la prestation de services de paiement ne constituent pas des fonds reçus du public au sens de l’article L. 312-2, ni des fonds représentatifs de la monnaie électronique.

« L’établissement de monnaie électronique ne peut disposer des fonds mentionnés au présent article pour son propre compte.

« Art. L. 526-6. – Chaque établissement de monnaie électronique est tenu d’adhérer à un organisme professionnel affilié à l’Association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement mentionnée à l’article L. 511-29.

« Section 2

« Conditions d’accès à la profession

« Sous-section 1

« Agrément

« Art. L. 526-7. – Avant d’émettre et de gérer de la monnaie électronique, les établissements de monnaie électronique obtiennent un agrément délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel, après avis de la Banque de France au titre du troisième alinéa du I de l’article L. 141-4.

« Art. L. 526-8. – Pour délivrer l’agrément, l’Autorité de contrôle prudentiel s’assure de l’aptitude de l’entreprise requérante à garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de monnaie électronique et apprécie la qualité des actionnaires ou associés qui détiennent une participation qualifiée.

« Art. L. 526-9. – Pour délivrer l’agrément à un établissement de monnaie électronique, en application de l’article L. 526-8, l’Autorité de contrôle prudentiel vérifie si celui-ci :

« 1° Est une personne morale ;

« 2° A son administration centrale et son siège statutaire sur le territoire de la République française ;

« 3° Dispose, au moment de la délivrance de l’agrément, d’un capital libéré d’un montant au moins égal à une somme fixée par voie réglementaire ;

« 4° Est dirigé effectivement par deux personnes au moins possédant l’honorabilité ainsi que la compétence et l’expérience nécessaires à leur fonction et requises pour les activités d’émission et de gestion de monnaie électronique ;

« 5° Dispose d’un solide dispositif de gouvernement d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent ;

« 6° Dispose de procédures efficaces de détection, de gestion, de contrôle et de déclaration des risques auquel il est ou pourrait être exposé et d’un dispositif adéquat de contrôle interne, y compris de procédures administratives et comptables saines. Le dispositif et les procédures sont adaptés aux caractéristiques et au volume de monnaie électronique émise et en circulation, ainsi qu’aux modalités de gestion et de distribution par l’établissement de monnaie électronique ;

« 7° Ne voit pas l’exercice de son contrôle entravé soit par l’existence de liens de capital ou de contrôle directs ou indirects entre l’entreprise et d’autres personnes, soit par l’existence de dispositions législatives ou réglementaires d’un État qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen et dont relèvent une ou plusieurs de ces personnes ;

« 8° Dispose d’une description de son réseau de distribution conforme aux dispositions des articles L. 525-8 et suivants.

« Art. L. 526-10. – Lorsqu’un établissement de monnaie électronique exerce des activités de nature hybride au sens de l’article L. 526-3 ou des activités mentionnées aux articles L. 525-4 ou L. 525-5, l’Autorité de contrôle prudentiel vérifie que la personne responsable des activités d’émission et de gestion de monnaie électronique remplit les conditions mentionnées au 4° de l’article L. 526-9.

« L’Autorité de contrôle prudentiel peut exiger également qu’une personne morale distincte soit créée pour les activités d’émission et de gestion de monnaie électronique si les autres activités de l’établissement de monnaie électronique portent ou menacent de porter atteinte à la santé financière de l’établissement de monnaie électronique ou à la qualité du contrôle opéré sur le respect par l’établissement de monnaie électronique des obligations qui lui sont imposées.

« Art. L. 526-11. – Dans un délai fixé par voie réglementaire à compter de la réception de la demande ou, si la demande est incomplète, dans le même délai à compter de la réception de toutes les informations nécessaires aux fins de la décision, l’Autorité de contrôle prudentiel notifie sa décision au demandeur.

« Dans le cas où la décision concerne une entreprise qui exerçait jusque-là une activité au titre de l’article L. 525-5 ou du 1° de l’article L. 311-4, la décision précise le délai, qui ne peut être supérieur à un an, laissé à l’entreprise pour assurer la mise en conformité de la monnaie électronique en circulation émise préalablement à l’agrément, en tenant compte notamment de la durée de validité de ladite monnaie électronique.

« Art. L. 526-12. – L’établissement de monnaie électronique satisfait à tout moment aux conditions de son agrément.

« Toute modification des conditions auxquelles est subordonné l’agrément délivré à un établissement de monnaie électronique ayant une incidence sur l’exactitude des informations et pièces justificatives fournies pour la mise en œuvre des dispositions des articles L. 526-8 et L. 526-9 fait l’objet d’une déclaration auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel. Les modalités de cette déclaration et les conséquences qui peuvent en être tirées sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Art. L. 526-13. – À l’exception des opérations réalisées à l’intérieur d’un groupe au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, toute opération de prise, d’extension ou de cession de participation, directe ou indirecte au sens de l’article L. 233-4 du même code, dans un établissement de monnaie électronique est soumise à autorisation préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel.

« Sans préjudice des sanctions qui peuvent être infligées par l’Autorité de contrôle prudentiel en cas de non-respect de l’obligation d’autorisation préalable, l’autorité peut demander au juge la suspension des droits de vote attachés aux actions ou parts qui auraient dû faire l’objet de l’autorisation préalable prévue au premier alinéa du présent article.

« Sans préjudice des sanctions qui peuvent être infligées par l’Autorité de contrôle prudentiel en cas de non-respect de son opposition à une demande d’autorisation préalable, l’autorité peut demander au juge soit la suspension des droits de vote attachés aux actions ou parts de l’acquéreur, soit la nullité des votes émis.

« Les modalités de demande et de délivrance de cette autorisation préalable sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Art. L. 526-14. – Le retrait de l’agrément d’établissement de monnaie électronique est prononcé par l’Autorité de contrôle prudentiel à la demande de l’établissement.

« Art. L. 526-15. – Le retrait de l’agrément d’établissement de monnaie électronique peut également être décidé d’office par l’Autorité de contrôle prudentiel lorsque l’établissement :

« 1° Ne fait pas usage de l’agrément dans un délai de douze mois ou a cessé d’exercer son activité pendant une période supérieure à six mois ;

« 2° A obtenu l’agrément au moyen de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier ;

« 3° Ne remplit plus les conditions auxquelles est subordonné son agrément ou une autorisation ultérieure.

« Art. L. 526-16. – Le retrait d’agrément prend effet à l’expiration d’une période dont la durée est déterminée par l’Autorité de contrôle prudentiel.

« Pendant cette période :

« 1° L’établissement de monnaie électronique demeure soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel. L’Autorité de contrôle prudentiel peut prononcer à son encontre les sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 612-39, y compris la radiation ;

« 2° L’établissement ne peut émettre de la monnaie électronique ;

« 3° Il ne peut faire état de sa qualité d’établissement de monnaie électronique qu’en précisant que son agrément est en cours de retrait ;

« 4° Il ne peut fournir que les garanties d’exécution d’opérations strictement nécessaires à l’apurement de sa situation.

« Art. L. 526-17. – Dans les cas prévus aux articles L. 526-14 et L. 526-15, les fonds de détenteurs de monnaie électronique collectés par un établissement de monnaie électronique sont restitués aux détenteurs ou transférés à un établissement de crédit, à un autre établissement de monnaie électronique habilité ou à la Caisse des dépôts et consignations.

« Au terme de la période prévue à l’article L. 526-16, l’entreprise perd la qualité d’établissement de monnaie électronique et doit avoir changé sa dénomination sociale. Les opérations d’émission et de gestion de monnaie électronique que l’entreprise a engagées ou s’est engagée, avant la décision de retrait d’agrément, à réaliser peuvent être menées à leur terme.

« Par dérogation aux 4° et 5° de l’article 1844-7 du code civil, la dissolution anticipée d’un établissement de monnaie électronique ne peut être prononcée qu’après décision de retrait de son agrément par l’Autorité de contrôle prudentiel. La publication et l’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés concernant le prononcé de cette dissolution mentionnent la date de la décision de retrait d’agrément par l’Autorité de contrôle prudentiel. Jusqu’à la clôture de sa liquidation, l’établissement reste soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel, qui peut prononcer l’ensemble des sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 612-39 du présent code. Il ne peut faire état de sa qualité d’établissement de monnaie électronique sans préciser qu’il est en liquidation.

« Art. L. 526-18. – La radiation d’un établissement de monnaie électronique de la liste des établissements de monnaie électronique agréés peut être prononcée à titre de sanction disciplinaire par l’Autorité de contrôle prudentiel.

« Pour un établissement de monnaie électronique exerçant des activités de nature hybride au sens de l’article L. 526-3, la radiation s’entend comme une interdiction faite à l’établissement d’exercer les activités pour lesquelles l’agrément d’établissement de monnaie électronique lui avait été octroyé.

« Pour les autres établissements, la radiation entraîne la liquidation de la personne morale.

« Tout établissement qui a fait l’objet d’une telle sanction disciplinaire demeure soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel jusqu’à, respectivement, l’arrêt de toute activité ou la clôture de la liquidation. Jusque-là, il ne peut effectuer que les opérations de gestion de monnaie électronique strictement nécessaires à l’apurement de sa situation. Il ne peut faire état de sa qualité d’établissement de monnaie électronique qu’en précisant qu’il a fait l’objet d’une mesure de radiation.

« Art. L. 526-19. – Les établissements de monnaie électronique dont les activités commerciales dans leur ensemble génèrent une moyenne de la monnaie électronique en circulation inférieure à un montant fixé par décret peuvent être exemptés du respect des dispositions de la section 3 du présent chapitre à l’exception des articles L. 526-32 à L. 526-34.

« Les articles L. 526-21 à L. 526-26 ne s’appliquent pas aux établissements visés au premier alinéa du présent article.

« L’exemption cesse un mois après que l’Autorité de contrôle prudentiel constate que les conditions prévues au présent article ne sont plus remplies.

« Les unités de monnaie électronique incorporées dans un instrument de monnaie électronique émis par un établissement mentionné au premier alinéa ne peuvent dépasser un montant fixé par décret.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Les établissements mentionnés au premier alinéa sont tenus d’adresser à l’Autorité de contrôle prudentiel une déclaration périodique par laquelle ils certifient qu’ils respectent ces conditions.

« Art. L. 526-20. – Les conditions d’application des articles L. 526-14 à L. 526-18, notamment les modalités selon lesquelles les décisions de retrait d’agrément et de radiation sont portées à la connaissance du public, sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Sous-section 2

« Libre établissement et libre prestation de services sur le territoire des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen

« Art. L. 526-21. – Dans la présente sous-section et pour l’application des dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation de services :

« 1° L’expression : “autorités compétentes” désigne la ou les autorités d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen chargées, conformément à la législation de cet État, d’agréer ou de contrôler les établissements de monnaie électronique qui y ont leur siège social ou leur administration centrale ;

« 2° L’expression : “État d’origine” désigne, pour un établissement de monnaie électronique, l’autre État membre de l’Union européenne ou l’autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen où il a son siège social ou si, conformément à son droit national, il en est dépourvu, l’autre État membre ou l’autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel est située son administration centrale ;

« 3° L’expression : “État d’accueil” désigne tout autre État membre de l’Union européenne ou tout autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans lequel l’établissement de monnaie électronique exerce son activité par le biais d’une succursale ou d’un intermédiaire ou de la libre prestation de services ;

« 4° L’expression : “succursale” désigne une ou plusieurs parties, dépourvues de la personnalité morale, d’un établissement de monnaie électronique et dont l’objet est d’émettre et de gérer de la monnaie électronique. Tous les lieux d’exploitation établis dans le même autre État membre de l’Union européenne ou dans le même autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen par un établissement de monnaie électronique dont le siège social se trouve dans un autre État membre ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen sont considérés comme une succursale unique.

« Art. L. 526-22. – Tout établissement de monnaie électronique ayant son siège social sur le territoire de la France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer ou à Saint-Martin et désirant établir une succursale ou recourir à une personne pour la distribution de monnaie électronique implantée dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen notifie son projet à l’Autorité de contrôle prudentiel. Cette notification est assortie d’informations dont la nature est déterminée par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Dans un délai fixé par voie réglementaire à compter de la réception de cette information, l’Autorité de contrôle prudentiel communique aux autorités compétentes de l’État d’accueil les informations mentionnées au premier alinéa du présent article. Sous réserve des dispositions de l’article L. 526-23 et lorsque les formalités déterminées par arrêté du ministre chargé de l’économie sont effectuées, l’Autorité de contrôle prudentiel inscrit la succursale sur la liste prévue à l’article L. 612-21 ou prend connaissance des accords d’externalisation communiqués en application de l’article L. 526-31.

« Art. L. 526-23. – Si les autorités compétentes de l’État d’accueil ont de bonnes raisons de soupçonner que, en liaison avec le projet d’établissement de la succursale ou le recours à une personne pour la distribution de monnaie électronique, une opération ou une tentative de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme est en cours ou a eu lieu, ou que l’établissement de cette succursale ou le recours à cette personne pourraient accroître le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, l’Autorité de contrôle prudentiel peut refuser d’inscrire la succursale sur la liste prévue à l’article L. 612-21 ou contester les accords d’externalisation communiqués en application de l’article L. 526-31, si elle a été informée par les autorités compétentes de l’État d’accueil.

« Art. L. 526-24. – Tout établissement de monnaie électronique ayant son siège social sur le territoire de la France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer ou à Saint-Martin, désirant intervenir dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen par voie de libre prestation de services notifie son projet à l’Autorité de contrôle prudentiel. Cette notification est assortie d’informations dont la nature est déterminée par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Art. L. 526-25. – Dans la limite de l’activité d’émission et de gestion de monnaie électronique qu’il est habilité à exercer sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen autre que la France et en fonction de l’agrément qu’il y a reçu, tout établissement de monnaie électronique peut, sur le territoire de la France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer ou à Saint-Martin, établir une succursale ou recourir à une personne pour la distribution de monnaie électronique, sous réserve que l’Autorité de contrôle prudentiel ait été informée par l’autorité compétente de l’État d’origine, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Si l’Autorité de contrôle prudentiel a de bonnes raisons de soupçonner que, en liaison avec le projet de recours à une personne pour la distribution de monnaie électronique ou d’établissement de la succursale, une opération ou une tentative de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme est en cours ou a eu lieu, ou que le recours à cette personne ou l’établissement de cette succursale pourraient accroître le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, elle en informe les autorités compétentes de l’État d’origine.

« Art. L. 526-26. – Dans la limite de l’activité d’émission et de gestion de monnaie électronique qu’il est habilité à exercer sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen autre que la France et en fonction de l’agrément qu’il y a reçu, tout établissement de monnaie électronique peut, sur le territoire de la France métropolitaine, dans les départements d’outre-mer ou à Saint-Martin, intervenir en libre prestation de services, sous réserve que l’Autorité de contrôle prudentiel ait été informée par l’autorité compétente de l’État d’origine, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Section 3

« Dispositions prudentielles

« Art. L. 526-27. – Les établissements de monnaie électronique sont tenus de respecter des normes de gestion destinées à garantir leur solvabilité ainsi que l’équilibre de leur structure financière. Ils disposent également d’un dispositif approprié de contrôle interne leur permettant notamment de mesurer les risques et la rentabilité de leurs activités, y compris lorsqu’ils confient à des tiers des fonctions ou autres tâches opérationnelles essentielles ou importantes.

« Ils respectent un niveau de fonds propres adéquat.

« Les conditions d’application du présent article et, en particulier, les modalités de calcul afférentes aux exigences en fonds propres sont fixées par voie réglementaire.

« Art. L. 526-28. – Les fonds propres d’un établissement de monnaie électronique ne peuvent être inférieurs aux exigences édictées au 3° de l’article L. 526-9 et par le deuxième alinéa de l’article L. 526-27.

« Art. L. 526-29. – L’Autorité de contrôle prudentiel peut adresser aux établissements de monnaie électronique une recommandation ou une injonction à l’effet d’assurer l’existence de fonds propres suffisants pour l’émission et la gestion de monnaie électronique, notamment lorsque les activités autres que l’émission et la gestion de monnaie électronique de l’établissement portent ou menacent de porter atteinte à la santé financière de l’établissement de monnaie électronique.

« L’Autorité de contrôle prudentiel peut également adresser aux établissements de monnaie électronique exerçant des activités de nature hybride au sens de l’article L. 526-3 une recommandation ou une injonction à l’effet de créer une personne morale distincte pour les activités d’émission et de gestion de monnaie électronique lorsque les activités autres que l’émission et la gestion de monnaie électronique de l’établissement portent ou menacent de porter atteinte à la santé financière de l’établissement de monnaie électronique ou à la capacité de l’Autorité de contrôle prudentiel de contrôler si l’établissement respecte toutes les obligations qui lui sont imposées.

« Art. L. 526-30. – Les établissements de monnaie électronique sont tenus de respecter les articles L. 522-14 à L. 522-18 lorsqu’ils fournissent des services de paiement au sens du 1° de l’article L. 526-2.

« Art. L. 526-31. – Tout établissement de monnaie électronique qui entend externaliser des fonctions opérationnelles en informe l’Autorité de contrôle prudentiel.

« L’externalisation de fonctions opérationnelles essentielles ne peut pas être faite d’une manière qui nuise sérieusement à la qualité du contrôle interne de l’établissement de monnaie électronique ou qui empêche l’Autorité de contrôle prudentiel de contrôler que cet établissement respecte bien toutes les obligations auxquelles il est soumis.

« Les conditions d’application du présent article sont définies par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Art. L. 526-32. – Les fonds collectés en contrepartie de l’émission de monnaie électronique sont protégés conformément à l’une des deux méthodes suivantes :

« 1° Les fonds collectés ne sont en aucun cas confondus avec les fonds de personnes physiques ou morales autres que les détenteurs de monnaie électronique.

« Les espèces collectées en contrepartie de l’émission de la monnaie électronique sont déposées sur un compte distinct auprès d’un établissement de crédit habilité à recevoir des fonds à vue du public au plus tard à la fin du jour ouvrable, au sens du d de l’article L. 133-4, suivant leur collecte.

« Les fonds autrement collectés en contrepartie de l’émission de la monnaie électronique sont déposés sur le compte mentionné au deuxième alinéa du présent 1° dès leur crédit au compte de l’établissement de monnaie électronique et, en tout état de cause, au plus tard cinq jours ouvrables, au sens du d de l’article L. 133-4, après l’émission de la monnaie électronique.

« Ils peuvent aussi être investis en instruments financiers conservés dans des comptes ouverts spécialement à cet effet auprès d’une personne morale mentionnée aux 2° à 5° de l’article L. 542-1, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.

« Ces fonds sont protégés, dans les conditions prévues à l’article L. 613-30-1, contre tout recours d’autres créanciers de l’établissement de monnaie électronique, y compris en cas de procédures d’exécution ou de procédure d’insolvabilité ouverte à l’encontre de l’établissement ;

« 2° Les fonds collectés en contrepartie de l’émission de monnaie électronique sont couverts, dans le respect des délais mentionnés au 1° du présent article, par un contrat d’assurance ou une autre garantie comparable d’une entreprise d’assurances ou d’un établissement de crédit n’appartenant pas au même groupe au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de l’économie qui assurent ou garantissent les détenteurs de monnaie électronique contre la défaillance de l’établissement de monnaie électronique dans l’exécution de ses obligations financières.

« Le présent article s’applique aux fonds collectés par les personnes mentionnées à l’article L. 525-8, les délais mentionnés au 1° du présent article commençant à courir à partir de la collecte par lesdites personnes.

« Le présent article s’applique aux personnes mentionnées à l’article L. 525-8 ou aux établissements de monnaie électronique dès que le détenteur a remis les fonds à l’un d’entre eux en vue de la création de la monnaie électronique.

« Les fonds collectés sont protégés tant que la monnaie électronique émise est en circulation.

« Art. L. 526-33. – Lorsque les fonds remis peuvent être utilisés, d’une part, en contrepartie d’émissions de monnaie électronique et, d’autre part, pour des services autres que l’émission de monnaie électronique, la partie des fonds collectés en contrepartie de l’exécution d’émission de monnaie électronique est protégée selon les modalités prévues à l’article L. 526-32. Si cette partie est variable ou ne peut être déterminée à l’avance, les établissements de monnaie électronique procèdent à l’évaluation de la part représentative des fonds collectés en contrepartie de l’émission de monnaie électronique, en respectant les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie. La part représentative ainsi déterminée est protégée dans les conditions prévues à l’article L. 526-32.

« Art. L. 526-34. – Les établissements de monnaie électronique fournissent à leurs clients, de même qu’à toute personne qui en fait la demande, toute information utile sur les modalités de protection des fonds collectés. Les modifications sont portées à la connaissance des clients. L’usage à des fins publicitaires de ces informations est interdit.

« Section 4

« Secret professionnel, comptabilité et contrôle légal des comptes

« Art. L. 526-35. – Tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui, à un titre quelconque, participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de monnaie électronique ou qui est employée par un établissement de monnaie électronique est tenu au secret professionnel.

« Outre les cas où la loi le prévoit, le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel, ni à la Banque de France, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale.

« Les établissements de monnaie électronique peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel aux personnes avec lesquelles ils négocient, concluent ou exécutent les opérations mentionnées aux 1° à 5°, dès lors que ces informations sont nécessaires à celles-ci :

« 1° Prises de participation ou de contrôle dans un établissement de monnaie électronique ;

« 2° Cessions d’actifs ou de fonds de commerce ;

« 3° Cessions ou transferts de contrats ;

« 4° Contrats de prestations de services conclus avec un tiers en vue de lui confier des fonctions opérationnelles importantes ;

« 5° Lors de l’étude ou l’élaboration de tout type de contrats ou d’opérations, dès lors que ces entités appartiennent au même groupe que l’auteur de la communication.

« Outre les cas mentionnés aux 1° à 5°, les établissements de monnaie électronique peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire.

« Les personnes recevant des informations couvertes par le secret professionnel qui leur ont été fournies pour les besoins d’une des opérations ci-dessus énoncées doivent les conserver confidentielles, que l’opération susvisée aboutisse ou non. Toutefois, dans l’hypothèse où l’opération susvisée aboutit, ces personnes peuvent à leur tour communiquer les informations couvertes par le secret professionnel, dans les mêmes conditions que celles visées au présent article, aux personnes avec lesquelles elles négocient, concluent ou exécutent les opérations énoncées ci-dessus.

« Art. L. 526-36. – L’article L. 232-1 du code de commerce est applicable aux établissements de monnaie électronique dans des conditions fixées par l’Autorité des normes comptables, après avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.

« Art. L. 526-37. – Lorsqu’ils établissent leurs comptes sous une forme consolidée, les établissements de monnaie électronique appliquent les règles définies par règlement de l’Autorité des normes comptables, pris après avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.

« Ils sont dispensés de se conformer à ces règles lorsqu’ils utilisent les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales.

« Art. L. 526-38. – Tout établissement de monnaie électronique publie ses comptes annuels dans des conditions fixées par l’Autorité des normes comptables après avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.

« L’Autorité de contrôle prudentiel s’assure que les publications prévues au premier alinéa sont régulièrement effectuées. Elle peut ordonner à l’établissement de monnaie électronique de procéder à des publications rectificatives en cas d’inexactitudes ou d’omissions relevées dans les documents publiés.

« Elle peut porter à la connaissance du public toutes informations qu’elle estime nécessaires.

« Art. L. 526-39. – Les établissements de monnaie électronique sont tenus aux obligations des articles L. 511-38 et L. 511-39. Toutefois, lorsqu’ils exercent des activités de nature hybride au sens de l’article L. 526-3, l’avis de l’Autorité de contrôle prudentiel n’est pas requis pour la désignation de leurs commissaires aux comptes.

« Art. L. 526-40. – Lorsqu’ils exercent d’autres activités en application de l’article L. 526-3, les établissements de monnaie électronique établissent des informations comptables distinctes relatives aux activités d’émission et de gestion de monnaie électronique et aux services connexes opérationnels ou étroitement liés à l’émission et la gestion de monnaie électronique mentionnés à l’article L. 526-2, selon les règles définies par règlement de l’Autorité des normes comptables, pris après avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.

« Les informations comptables prévues au premier alinéa du présent article font l’objet d’un rapport d’audit établi par les commissaires aux comptes des établissements dans des conditions définies par voie réglementaire. » – (Adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Article 14

Article 13

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L’article L. 561-2 est ainsi modifié :

a) Après le 1° bis, il est inséré un 1° ter ainsi rédigé :

« 1° ter Les établissements de monnaie électronique régis par le chapitre VI du titre II du présent livre ; »

b) Le 11° est abrogé ;

2° L’article L. 561-3 est complété par un VI ainsi rédigé :

« VI. – Les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique ayant leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui recourent, pour exercer leur activité sur le territoire national, aux services d’un ou plusieurs agents ou à des personnes en vue de distribuer au sens de l’article L. 525-8 de la monnaie électronique, sont soumis aux sections 3 et 4 du présent chapitre et au chapitre II du présent titre.

« Chaque établissement désigne un représentant permanent, résidant sur le territoire national. Ce représentant permanent peut être désigné parmi les agents ou les personnes qui distribuent de la monnaie électronique au sens de l’article L. 525-8. Dans des conditions déterminées par décret, quand la nature ou le volume de l’activité exercée en France le justifient, l’Autorité de contrôle prudentiel peut demander à l’établissement que cette fonction soit exercée par une personne spécialement désignée à cet effet et à l’exclusion de toutes autres activités exercées pour le compte et au nom de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique.

« Le représentant permanent procède au nom de l’établissement aux déclarations prescrites aux articles L. 561-15 et L. 561-15-1. Il répond aux demandes formulées par le service mentionné à l’article L. 561-23, en application des sections 3 et 4 du présent chapitre et du chapitre II du présent titre, ainsi qu’à toute demande émanant de l’Autorité de contrôle prudentiel, de l’autorité judiciaire et des officiers de police judiciaire. » ;

3° Après l’article L. 561-15, il est inséré un article L. 561-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 561-15-1. – Les personnes morales mentionnées aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article L. 561-2 ainsi que les établissements mentionnés au VI de l’article L. 561-3 déclarent au service mentionné à l’article L. 561-23 les éléments d’information relatifs aux opérations de transmission de fonds effectuées à partir d’un versement d’espèces ou au moyen de monnaie électronique. Un décret précise le seuil à partir duquel est requise une déclaration auprès du service à compétence nationale TRACFIN ainsi que les conditions et les modalités de cette déclaration. » ;

4° L’article L. 561-33 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application du présent article, les agents mentionnés à l’article L. 523-1 et les personnes auxquelles les établissements de monnaie électronique ont recours en vue de distribuer de la monnaie électronique au sens de l’article L. 525-8 sont assimilés aux personnels des personnes mentionnées à l’article L. 521-1. » – (Adopté.)

Article 13
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Article 15

Article 14

(Non modifié)

Le titre VII du livre V du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À l’article L. 571-5, après le mot : « investissement, », sont insérés les mots : « des établissements de monnaie électronique, » ;

2° Le chapitre II est ainsi modifié :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Prestataires de services de paiement, changeurs manuels et émetteurs de monnaie électronique » ;

b) Est ajoutée une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Émetteurs de monnaie électronique

« Art. L. 572-13. – Sans préjudice des dispositions des articles L. 525-5 et L. 525-6, la méconnaissance de l’interdiction prescrite par l’article L. 525-3 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.

« Art. L. 572-14. – Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue à l’article L. 572-13 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues à l’article 131-26 du code pénal ;

« 2° L’interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, pour une durée de cinq ans au plus, suivant les modalités prévues à l’article 131-27 du même code ;

« 3° La fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou plusieurs établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

« 4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit, à l’exception des objets susceptibles de restitution ;

« 5° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal.

« Art. L. 572-15. – Les personnes morales déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction prévue à l’article L. 572-13 du présent code encourent :

« 1° L’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines complémentaires mentionnées à l’article 131-39 du même code.

« L’interdiction mentionnée au 2° de ce même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

« Art. L. 572-16. – La méconnaissance de l’une des interdictions prescrites par l’article L. 525-7 est punie de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.

« Le tribunal peut également ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-39 du code pénal.

« Art. L. 572-17. – La méconnaissance par les personnes mentionnées à l’article L. 526-35 du secret professionnel est sanctionnée par les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.

« Art. L. 572-18. – Le fait, pour les dirigeants d’un établissement de monnaie électronique, de ne pas répondre, après mise en demeure, aux demandes d’informations de l’Autorité de contrôle prudentiel, de mettre obstacle de quelque manière que ce soit à l’exercice par celle-ci de sa mission de contrôle ou de lui communiquer des renseignements inexacts est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Art. L. 572-19. – Le fait, pour les dirigeants d’un établissement de monnaie électronique, de ne pas, pour chaque exercice, dresser l’inventaire, établir des comptes annuels et un rapport de gestion dans les conditions prévues à l’article L. 526-36 est puni de 15 000 € d’amende.

« Art. L. 572-20. – Le fait, pour les dirigeants d’un établissement de monnaie électronique, de ne pas provoquer la désignation des commissaires aux comptes de l’établissement ou de ne pas les convoquer à toute assemblée générale est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

« Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait, pour tout dirigeant d’un établissement de monnaie électronique, ou pour toute personne au service de l’établissement, de mettre obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ou de leur refuser la communication sur place de toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission, et notamment de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.

« Art. L. 572-21. – Le fait, pour les dirigeants d’un établissement de monnaie électronique, de ne pas établir les comptes sous forme consolidée, en application de l’article L. 526-37, est puni de 15 000 € d’amende.

« Art. L. 572-22. – Le fait, pour les dirigeants d’un établissement de monnaie électronique, de ne pas publier les comptes annuels dans les conditions prévues à l’article L. 526-38 est puni de 15 000 € d’amende. » – (Adopté.)

Section 6

Les institutions en matière bancaire et financière

Article 14
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Article 16

Article 15

(Conforme)

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Article 15
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Article 17

Article 16

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au 2° du II de l’article L. 612-1, après la référence : « 4° », est insérée la référence : « et au 8° » ;

2° Le A du I de l’article L. 612-2 est ainsi modifié :

a) Après le 7°, il est inséré un 8° ainsi rédigé :

« 8° Les établissements de monnaie électronique. » ;

b) À la première phrase du dernier alinéa, la référence : « au 3° » est remplacée par les références : « aux 3° et 8° » ;

3° Au 8° de l’article L. 612-5, après le mot : « banque, », sont insérés les mots : « d’émission et de gestion de monnaie électronique, » ;

4° Le A du II de l’article L. 612-20 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « et 4° » est remplacée par les références : « , 4° et 8° » ;

b) À la première phrase du 1°, après la référence : « L. 522-14 », est insérée la référence : « , L. 526-27 » ;

5° Au premier alinéa de l’article L. 612-21, après la référence : « L. 612-2 », sont insérées les références : « et aux articles L. 521-3 et L. 525-5 » ;

6° Après le 8° de l’article L. 612-26, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Aux agents et aux personnes auxquelles des fonctions opérationnelles importantes ou essentielles sont confiées. » ;

7° L’article L. 612-39 est ainsi modifié :

a) Aux 4° et 5°, les mots : « dans le cas d’un établissement de paiement exerçant des activités hybrides, des personnes déclarées responsables de la gestion des activités de services de paiement » sont remplacés par les mots : « dans le cas d’un établissement de paiement ou d’un établissement de monnaie électronique exerçant des activités hybrides, des personnes déclarées responsables, respectivement, de la gestion des activités de services de paiement ou des activités d’émission et de gestion de monnaie électronique » ;

b) (Suppression maintenue) 

c) Au treizième alinéa, la référence : « et L. 522-15-1 » est remplacée par les références : « , L. 522-15-1 et L. 526-29 » ;

8° Au premier alinéa de l’article L. 612-43, après le mot : « manuels, », sont insérés les mots : « des établissements de monnaie électronique exerçant des activités de nature hybride, ». – (Adopté.)

Article 16
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Articles 18, 19, 20 et 21

Article 17

(Non modifié)

I. – L’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier est ainsi rédigé : « Dispositions spécifiques aux établissements de crédit, entreprises d’investissement, établissements de monnaie électronique et établissements de paiement ».

II. – L’intitulé de la section 2 du même chapitre III est ainsi rédigé : « Dispositions relatives au traitement des établissements de crédit, des établissements de monnaie électronique, des établissements de paiement et des entreprises d’investissement en difficulté ».

III. – L’intitulé de la sous-section 1 de la même section 2 est ainsi rédigé : « Mesures spécifiques à la sauvegarde, au redressement ou à la liquidation judiciaires des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des établissements de monnaie électronique et des établissements de paiement ».

IV. – Le premier alinéa de l’article L. 613-24 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots : « un établissement de crédit, », sont insérés les mots : « un établissement de monnaie électronique, » ;

2° La référence : « ou à l’article L. 521-2 » est remplacée par les références : « , à l’article L. 521-2 ou à l’article L. 525-3 ».

V. – Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 613-27 du même code, après les mots : « établissement de crédit, », sont insérés les mots : « d’un établissement de monnaie électronique, ».

VI. – Au premier alinéa de l’article L. 613-29 du même code, après les mots : « établissement de crédit, », sont insérés les mots : « d’un établissement de monnaie électronique, ».

VII. – À l’article L. 613-30-1 du même code, avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s’applique aux fonds collectés au profit d’un établissement de monnaie électronique en vue de la fourniture de services de paiement. »

VIII. – Après l’article L. 613-30-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 613-30-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 613-30-2. – L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ainsi que toute procédure d’exécution et toute procédure judiciaire équivalente ouverte sur le fondement d’un droit étranger à l’encontre d’un établissement de monnaie électronique n’affectent pas les fonds collectés des détenteurs de monnaie électronique déposés ou investis en instruments financiers conservés dans les comptes ouverts spécialement à cet effet dans les conditions prévues à l’article L. 526-32.

« En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires d’un établissement de monnaie électronique, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur, conjointement avec l’administrateur provisoire ou le liquidateur nommé, le cas échéant, par l’Autorité de contrôle prudentiel, vérifie que les fonds collectés en contrepartie de l’émission de monnaie électronique déposés ou investis en instruments financiers conservés dans des comptes ouverts spécialement à cet effet dans les conditions prévues à l’article L. 526-32 sont suffisants pour que l’établissement de monnaie électronique puisse remplir ses obligations vis-à-vis de ses détenteurs. En cas d’insuffisance de ces fonds, il est procédé à une répartition proportionnelle des fonds déposés entre ces détenteurs. Ces fonds sont restitués aux détenteurs qui sont dispensés de la déclaration prévue à l’article L. 622-24 du code de commerce.

« Pour la créance correspondant aux fonds dont la disposition n’aura pu être rendue à ces détenteurs, en raison de l’insuffisance constatée, ceux-ci sont dispensés de la déclaration prévue au même article L. 622-24.

« Le juge commissaire est informé du résultat de la vérification opérée par l’administrateur judiciaire ou le liquidateur et, le cas échéant, de la répartition proportionnelle des fonds.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »

IX. – La section 3 du chapitre III du titre Ier du livre VI du même code est complétée par un article L. 613-33-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 613-33-3. – Sous réserve de la surveillance exercée par les autorités compétentes mentionnées au 1° de l’article L. 526-21, l’Autorité de contrôle prudentiel est chargée de contrôler le respect, par les personnes mentionnées aux articles L. 526-25 et L. 526-26, des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables. Elle peut examiner les conditions d’exercice de leur activité d’émission et de gestion de monnaie électronique et l’adéquation de leur situation financière à cette activité.

« Elle exerce sur ces établissements les pouvoirs de contrôle et de sanction définis aux sections 5 à 7 du chapitre II du présent titre. La radiation prévue au 7° de l’article L. 612-39 s’entend comme une interdiction faite à l’établissement de monnaie électronique d’émettre de la monnaie électronique sur le territoire de la République française.

« Lorsqu’un établissement mentionné aux articles L. 526-25 et L. 526-26 fait l’objet d’un retrait d’agrément ou d’une mesure de liquidation, l’Autorité de contrôle prudentiel prend les mesures nécessaires pour l’empêcher de commencer de nouvelles opérations sur le territoire de la République française et pour assurer la protection des détenteurs de monnaie électronique.

« Un décret en Conseil d’État détermine les procédures que suit l’Autorité de contrôle prudentiel dans l’exercice des responsabilités et des missions qui lui sont confiées par le présent article. Il détermine, en particulier, les modalités de l’information des autorités compétentes mentionnées au 1° de l’article L. 526-21. » – (Adopté.)

Article 17
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Article 22

Articles 18, 19, 20 et 21

(Conformes)

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Chapitre II

Dispositions modifiant le code de commerce

Articles 18, 19, 20 et 21
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Article 23

Article 22

(Conforme)

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Chapitre III

Dispositions modifiant le code de la consommation

Article 22
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Article 24

Article 23

(Non modifié)

Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 113-3, après le mot : « crédit, », sont insérés les mots : « les établissements de monnaie électronique, » ;

2° Au dernier alinéa de l’article L. 122-1, après le mot : « crédit, », sont insérés les mots : « les établissements de monnaie électronique, » ;

3° Au début de l’article L. 313-10, après les mots : « Un établissement de crédit, », sont insérés les mots : « un établissement de monnaie électronique, » ;

4° L’article L. 331-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa du I, après le mot : « paiement », sont insérés les mots : « , aux établissements de monnaie électronique » ;

a bis) Au dernier alinéa du I, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , l’établissement de monnaie électronique » ;

b) Au cinquième alinéa du II, après le mot : « crédit, », sont insérés les mots : « des établissements de monnaie électronique, » ;

5° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 331-11, après le mot : « paiement », sont insérés les mots : « , aux établissements de monnaie électronique » ;

6° Le I de l’article L. 333-4 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, après la référence : « livre V du code monétaire et financier, », sont insérés les mots : « aux établissements de monnaie électronique et » ;

b) Au troisième alinéa, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , des établissements de monnaie électronique » ;

7° À la seconde phrase de l’article L. 534-7, la référence : « L. 315-1 » est remplacée par la référence : « L. 316-1 ». – (Adopté.)

Chapitre IV

Dispositions modifiant le livre des procédures fiscales

Article 23
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Article 25

Article 24

(Conforme)

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Chapitre V

Dispositions transitoires et finales

Article 24
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Article 26

Article 25

(Non modifié)

Les établissements de crédit agréés, avant la promulgation de la présente loi, en qualité de société financière et dont l’activité est limitée à l’émission, la mise à la disposition du public ou la gestion de monnaie électronique sont réputés être titulaires de l’agrément d’établissement de monnaie électronique et respecter les exigences fixées aux articles L. 526-8 et L. 526-9 du code monétaire et financier. Ils mettent leurs statuts en conformité avec les exigences relatives à la qualité d’établissement de monnaie électronique dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)

Article 25
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Article 27

Article 26

(Non modifié)

Les établissements de crédit, autres que ceux mentionnés à l’article 25, peuvent opter, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, pour le statut d’établissement de monnaie électronique mentionné au chapitre VI du titre II du livre V du code monétaire et financier. Ils notifient leur choix à l’Autorité de contrôle prudentiel en précisant les opérations qu’ils souhaitent fournir ainsi que, le cas échéant, le maintien des formalités de reconnaissance mutuelle de leur agrément effectuées sous le statut d’établissement de crédit. L’Autorité de contrôle prudentiel se prononce dans un délai de deux mois à compter de la réception de la notification.

À défaut d’une telle notification, ils sont réputés garder le statut d’établissement de crédit à l’issue du délai d’option.

Lorsqu’ils optent pour le statut d’établissement de monnaie électronique et ont fourni à l’Autorité de contrôle prudentiel la preuve du respect des exigences fixées aux articles L. 526-8 et L. 526-9 du même code, les établissements de crédit sont réputés être titulaires de l’agrément pour exercer l’ensemble des opérations notifiées sur le territoire de la République, ainsi que, le cas échéant, dans les autres États membres de l’Union européenne ou dans les autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen. Ils mettent leurs statuts en conformité avec les exigences relatives au statut d’établissement de monnaie électronique. – (Adopté.)

Article 26
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Article 28

Article 27

(Non modifié)

Les articles 25 et 26 sont également applicables aux entreprises qui ont fait l’objet d’une décision d’agrément sous conditions suspensives. Les conditions suspensives prévues avant la promulgation de la présente loi sont maintenues en l’état et conditionnent l’agrément substitué. – (Adopté.)

Article 27
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Article 29

Article 28

(Non modifié)

L’Autorité de contrôle prudentiel peut demander à un établissement de crédit agréé avant la promulgation de la présente loi qui n’effectue pas d’opérations de banque au sens de l’article L. 311-1 du code monétaire et financier à la date de promulgation de la présente loi et qui n’a pas souhaité bénéficier des dispositions de l’article 25 de lui présenter toutes les informations de nature à justifier cette situation. – (Adopté.)

Article 28
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Article 30

Article 29

(Non modifié)

Les établissements de crédit habilités à agir sur le territoire national qui, à la date de promulgation de la présente loi, ont recours à des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement pour distribuer de la monnaie électronique se mettent en conformité avec les articles L. 525-8 et suivants du code monétaire et financier dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)

Article 29
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Article 31

Article 30

(Conforme)

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Article 30
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Article 32

Article 31

(Non modifié)

Les entreprises qui bénéficient, à la date de promulgation de la présente loi, d’une exemption accordée au titre du II de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier, dans une version antérieure à la présente loi, confirment dans les douze mois qui suivent la promulgation de la présente loi, auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel, qu’elles satisfont aux ou se mettent en conformité avec les exigences fixées aux articles L. 525-5 et L. 525-6 ou à l’article L. 526-7 du même code. – (Adopté.)

Article 31
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Article 33

Article 32

(Non modifié)

La présente loi, à l’exception des articles 7 et 14, s’applique aux contrats liant l’établissement émetteur et le détenteur de monnaie électronique conclus avant la promulgation de la présente loi.

Les clauses des contrats contraires à la présente loi sont caduques à compter de la même date.

Les établissements émetteurs informent, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, leurs clients ne disposant pas d’un contrat mis en conformité avec la présente loi de la mise à leur disposition à leurs guichets ou, au besoin, par tout autre moyen approprié, d’un contrat mis à jour et de la possibilité d’en recevoir un exemplaire sur support papier sur simple demande lorsque le contrat a été conclu avant la promulgation de la présente loi.

Les établissements émetteurs sont tenus de mettre les contrats les liant à leurs clients détenteurs de monnaie électronique en conformité avec la présente loi dans les six mois à compter de sa promulgation.

Lorsqu’un contrat est conclu dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les établissements émetteurs qui n’ont pas été en mesure d’adapter leurs nouveaux contrats sont tenus de fournir une information écrite à leurs clients sur les conséquences des dispositions introduites par la présente loi et préciser qu’elles s’appliquent immédiatement au contrat. – (Adopté.)

Article 32
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Article 34

Article 33

(Non modifié)

Les sanctions mentionnées aux articles 7 et 14 ne peuvent être prononcées qu’à raison de la méconnaissance des obligations mentionnées soit à l’article L. 351-1 du code monétaire et financier, soit aux articles L. 572-13 à L. 572-22 du même code intervenue postérieurement à la promulgation de la présente loi et, pour les contrats en cours à cette date ou nouveaux, six mois après cette promulgation. – (Adopté.)

TITRE II

TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « OMNIBUS I » RELATIVE AUX COMPÉTENCES DES AUTORITÉS EUROPÉENNES DE SUPERVISION

Article 33
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Article 34 bis

Article 34

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 330-1, les mots : « la Commission européenne » sont remplacés par les mots : « l’Autorité européenne des marchés financiers » ;

1° bis (Suppression maintenue) 

2° L’article L. 613-20-4 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;

b) Les deux dernières phrases du deuxième alinéa sont supprimées ;

b bis) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application des deux premiers alinéas, dans le cas où l’une des autorités compétentes concernées a saisi l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité de contrôle prudentiel suspend sa décision dans l’attente de celle de l’Autorité bancaire européenne. Dans le cas contraire, l’Autorité de contrôle prudentiel se prononce et communique la décision prise aux autorités compétentes concernées. » ;

c) La dernière phrase du dernier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« L’Autorité de contrôle prudentiel peut saisir l’Autorité bancaire européenne. Si aucune autorité n’a saisi l’Autorité bancaire européenne, la décision de l’autorité chargée de la surveillance sur base consolidée est applicable en France dès sa communication à l’Autorité de contrôle prudentiel. » ;

d) (Suppression maintenue) 

3° À l’article L. 613-20-5, après les mots : « ces États », sont insérés les mots : « , l’Autorité bancaire européenne et le Comité européen du risque systémique » ;

4° (Suppression maintenue) 

5° L’article L. 621-8-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « et l’Autorité européenne des marchés financiers. » ;

b) Au deuxième alinéa, le mot : « violer » est remplacé par le mot : « enfreindre » et, après le mot : « document », sont insérés les mots : « et l’Autorité européenne des marchés financiers » ;

c) Au dernier alinéa, après les mots : « Commission européenne », sont insérés les mots : « et l’Autorité européenne des marchés financiers » ;

6° Après la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre VI, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 1 bis

« Coopération et échanges d’informations avec les autorités européennes de supervision

« Art. L. 632-6-1. – Par dérogation aux dispositions de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, l’Autorité de contrôle prudentiel et l’Autorité des marchés financiers coopèrent avec l’Autorité européenne des marchés financiers, instituée par le règlement (UE) n° 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), l’Autorité bancaire européenne, instituée par le règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, instituée par le règlement (UE) n° 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) et le Comité européen du risque systémique, institué par le règlement (UE) n° 1092/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l’Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique, et échangent avec eux les informations utiles à l’accomplissement de leurs missions, dans le respect des conditions posées dans les règlements les ayant institués. L’Autorité de contrôle prudentiel et l’Autorité des marchés financiers peuvent, à cet effet, transmettre des informations couvertes par le secret professionnel. » ;

7° À la fin de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 633-1, les mots : « la Commission européenne » sont remplacés par les mots : « le comité mixte des autorités européennes de surveillance » ;

8° Après le mot : « France », la fin de l’article L. 633-9 est ainsi rédigée : « appartenant à un conglomérat financier est tenue de transmettre aux autorités européennes de surveillance les informations utiles à l’accomplissement de leurs missions. Si le coordonnateur est une autorité d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, elle est tenue de transmettre au coordonnateur, à sa demande, toute information pouvant intéresser la surveillance complémentaire. » ;

9° Le premier alinéa de l’article L. 633-14 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, la référence : « L. 334-9 » est remplacée par la référence : « L. 633-2 » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Si une autorité compétente concernée saisit l’Autorité bancaire européenne ou l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, l’Autorité de contrôle prudentiel suspend sa décision et prend une décision conforme à celle retenue par l’autorité saisie. » – (Adopté.)

TITRE II bis

MISE EN COHÉRENCE DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER AVEC CERTAINS ASPECTS DU DROIT EUROPÉEN EN MATIÈRE FINANCIÈRE

Article 34
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Article 34 ter

Article 34 bis

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L’article L. 544-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « pour l’enregistrement et la supervision des agences de notation de crédit au sens de l'article 22 », sont remplacés par les mots : « au sens » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

2° Le 5° du II de l’article L. 621-5-3 est abrogé ;

3° Le XI de l’article L. 621-7 est abrogé ;

4° Le II de l’article L. 621-9 est ainsi modifié :

a) Le 16° est abrogé ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les références : « , 11° et 16° ci-dessus » sont remplacées par la référence : « et 11° du présent II ». – (Adopté.)

Article 34 bis
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Article 35

Article 34 ter

(Conforme)

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TITRE III

LUTTE CONTRE LES RETARDS DE PAIEMENT DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Article 34 ter
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Articles 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42

Article 35

(Non modifié)

Les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu’il agit en qualité d’entité adjudicatrice, en exécution d’un contrat ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public, sont payées, en l’absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret qui peut être différent selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs.

Le délai de paiement prévu au contrat ne peut excéder le délai fixé par décret. – (Adopté.)

Article 35
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Article 43

Articles 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42

(Conformes)

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TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

Articles 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42
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Article 44 (début)

Article 43

(Non modifié)

Dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, les mesures de nature législative permettant :

1° D’une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi concernant la monnaie électronique, les établissements de monnaie électronique et la surveillance prudentielle de ces établissements en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, ainsi que de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

2° D’autre part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi relatives aux compétences des autorités européennes de supervision en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, ainsi que de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les projets de loi portant ratification de ces ordonnances sont déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication des ordonnances. – (Adopté.)

Article 43
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Article 44 (fin)

Article 44

(Conforme)

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M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 44 (début)
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14

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date de ce jour, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du II de l’article 6 de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée (Validation législative des rémunérations perçues) (2012-287 QPC).

Acte est donné de cette communication.

15

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (projet n° 166 rectifié, texte de la commission n° 252, rapport n° 250), ainsi que du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (projet n° 165 rectifié, texte de la commission n° 251, rapport n° 250).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un tournant, ambitieux, de l’histoire de la démocratie locale que nous abordons aujourd’hui.

La démocratie ne saurait être un modèle abouti, figé. Elle doit pouvoir se réformer, se moderniser, s’approfondir, pour renforcer le lien essentiel, si particulier, qui unit les citoyens à leurs représentants. Ce lien constitutif de notre histoire et de notre nation, qui est au cœur de notre pacte républicain, est garant de notre cohésion.

Nous entamons aujourd’hui une phase exigeante, nécessaire et longue de réformes électorales, qui doivent nous amener à donner un nouvel élan à notre démocratie dans les territoires. Ce mouvement a plusieurs sources.

Tout d’abord, voilà un peu plus d’un an, a été adoptée au Sénat une proposition de loi portée par les élus socialistes, radicaux, écologistes et communistes visant à abroger le conseiller territorial. Je veux saluer cette initiative parlementaire utile, qui s’est prolongée, il y a quelques semaines, à l’Assemblée nationale.

Ensuite, le Président de la République a voulu et défini ce nouvel élan.

Lors de son discours de candidat à la présidence de la République à Dijon, puis de son intervention, en octobre dernier, aux états généraux de la démocratie territoriale, qui doivent tant au Sénat, il a fixé de grandes orientations, autour de quatre principes : confiance, clarté, cohérence et démocratie. Ce sont ces grandes orientations, qui sont le fruit d’une consultation large avec les élus, que le Gouvernement entend mettre en œuvre, notamment au travers des deux projets de loi que j’ai l’honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dans nos collectivités locales, dans les régions, les départements, les communes, au rythme des lois de décentralisation et des transferts de compétences, une culture démocratique s’est affirmée, fondée sur la proximité, l’écoute et le dialogue, qui a permis de rapprocher les décisions publiques des citoyens. Cette culture s’appuie sur des élus qui, quelle que soit leur sensibilité politique, ont à cœur de travailler au développement de leur collectivité et de rassembler les énergies autour d’un projet commun et solidaire.

Pour autant, force est de constater que nous ne sommes pas allés jusqu’au bout. Dans les départements, les communes, les intercommunalités, des progrès peuvent, et doivent, encore être accomplis.

Il convenait au préalable de revenir sur la création du conseiller territorial, qui confondait deux échelons : le département et la région. Or ces deux échelons n’ont pas les mêmes logiques de fonctionnement, ni les mêmes perspectives d’action. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Ce conseiller territorial, à la fois conseiller régional et général, était donc source d’inefficacité et de confusion.

M. Manuel Valls, ministre. Or la démocratie demande transparence et lisibilité dans la prise de décision.

La démocratie consiste à garantir la possibilité de porter, à échéances régulières, un jugement rétrospectif sur les actions menées. En d’autres termes, c’est la liberté de désapprouver ou d’encourager. Pour exercer pleinement ce droit, les citoyens doivent savoir qui fait quoi, qui décide de quoi.

Par ailleurs, le conseiller territorial était voué à des allers-retours permanents entre sa circonscription d’élection, le chef-lieu de département et le chef-lieu de région (Exclamations sur les travées de l'UMP.), ce qui ne pouvait que nuire à la proximité entre l’élu et ses concitoyens.

Mme Catherine Troendle. La proximité, parlons-en !

M. Manuel Valls, ministre. Or l’élu local se doit d’être au cœur des réalités du terrain pour en percevoir toutes les implications.

Nos concitoyens attendent également que leurs élus soient à l’image de la société. Or le mode de scrutin retenu alors était très défavorable au pluralisme et, surtout, à la parité.

Enfin, l’argument économique, brandi à maintes reprises pour justifier la création du conseiller territorial, n’a jamais démontré sa pertinence.

M. Rémy Pointereau. Il n’en a pas eu le temps !

M. Manuel Valls, ministre. Les synergies qui devaient exister entre les structures régionale et départementale n’avaient aucun fondement, pas plus que le thème des économies réalisées sur les indemnités des élus : dans les faits, il aurait fallu indemniser les remplaçants, c’est-à-dire les super-suppléants inventés pour l’occasion ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Guillaume. Bien sûr !

M. Manuel Valls, ministre. En résumé, pour parler trivialement, le conseiller territorial relevait de l’usine à gaz. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Rémy Pointereau. Vous faites la même chose !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Il compliquait là où il fallait simplifier ; il complexifiait là où il fallait clarifier. Élu local moi-même, j’ai entendu ces critiques de la part de nombreux élus de gauche, mais l’honnêteté m’oblige à dire qu’elles émanaient aussi de certains élus de droite. (Mêmes mouvements.)

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

M. Manuel Valls, ministre. Cette réforme était en fait – peut-être est-ce là le plus grave ! – l’expression d’une défiance à l’endroit de la démocratie locale et des élus qui la font vivre.

M. Rémy Pointereau. C’est faux !

M. Manuel Valls, ministre. On a voulu faire des économies sur la démocratie locale, au détriment de son efficacité et de sa légitimité.

M. Rémy Pointereau. Pas du tout !

M. Manuel Valls, ministre. Le Président de la République l’a rappelé lors des états généraux de la démocratie territoriale, les libertés locales sont une conquête républicaine et leur progrès, c’est tout simplement le progrès de la République.

Dans cette conquête de la démocratie territoriale, le département a une place importante, particulière.

M. Rémy Pointereau. C’est de moins en moins le cas !

M. Manuel Valls, ministre. En 1790, le découpage départemental est le symbole d’une conception moderne, rationnelle et déjà républicaine de l’administration de notre pays. La loi de 1871 relative aux conseils généraux est l’une des grandes avancées démocratiques de la IIIe République naissante. En 1982, la fin de la tutelle est l’un des actes forts des lois de décentralisation.

Je l’ai dit, la démocratie ne peut se concevoir comme un modèle figé. Elle doit accompagner les évolutions que connaissent les territoires. Nous entrons dans une nouvelle phase de décentralisation, qui doit se traduire par une nouvelle phase de la démocratie locale.

Fusionner les mandats de conseiller régional et de conseiller général relevait d’une volonté d’affaiblir tout à la fois le département et la région.

M. Rémy Pointereau. Pas du tout !

M. Manuel Valls, ministre. Certains continuent de croire que moderniser la vie politique locale, c’est supprimer un échelon. Toutefois, on n’améliore pas l’efficacité des politiques publiques en éloignant les citoyens des décisions. Le département est un échelon de proximité essentiel, un échelon républicain par excellence. À ce titre, il conserve toute sa pertinence.

Affirmer cela, ce n’est en rien plaider pour le statu quo. Pour demeurer pertinent, l’échelon départemental doit effectivement entamer sa modernisation, celle des compétences et des politiques. Ce sera l’un des aspects du futur projet de loi porté par la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Il faudra également moderniser le mode de scrutin. Chacun ici est conscient, me semble-t-il, des lacunes du régime de scrutin actuel. Tout d’abord, un mode de scrutin doit représenter équitablement la population et les territoires. Or trois cinquièmes des cantons sont les mêmes que lors du premier découpage cantonal réalisé il y a plus de deux siècles !

Depuis 1801, les territoires ont évolué, la répartition de la population française aussi. Dans l’Hérault, par exemple, le rapport entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé est de 1 pour 47. Ce ratio est supérieur à 1 pour 20 dans dix-huit autres départements et, de manière plus consolidée, il est supérieur à 1 pour 5 dans quatre-vingt-huit départements. Qui pourrait prétendre que le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant le suffrage est respecté ? Non, nous ne pouvons plus nous satisfaire de cette situation ! Il y va, à terme, de la légitimité même de l’institution départementale.

De même, la sous-représentation – le mot est faible ! – des femmes dans les assemblées départementales est devenue insupportable. Progressivement, difficilement, la parité a partout progressé : dans les régions, dans les communes, au Parlement, même si certains ont fait davantage d’efforts que d’autres. Il reste bien sûr des progrès à accomplir. Mais nulle part la situation n’est comparable à celle des départements.

Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 13,5 % de l’ensemble des conseillers généraux.

M. Manuel Valls, ministre. Les différentes mesures mises en œuvre n’y ont rien fait. Certes, candidat et suppléant doivent être de sexe différent, mais les femmes ne représentaient, en 2011, que 23 % de l’ensemble des candidats.

Les dernières élections cantonales l’ont montré, le mode de scrutin actuel ne permettra pas de remédier à ce problème.

Lors du renouvellement partiel de 2011, quatorze départements n’ont élu aucune femme. Fait notable, et regrettable, dans trois départements, l’assemblée départementale reste exclusivement masculine.

Mme Éliane Assassi. C’est inacceptable !

M. Manuel Valls, ministre. En matière de parité, comme en matière de représentation démographique, il ne doit plus exister d’exception départementale. C’est une condition de la légitimité de cette institution.

Nous ne ferons pas cette réforme de la démocratie dans les départements au détriment de l’identité de ce territoire. Démocratiser, moderniser, ce n’est pas dénaturer. La stabilité de l’institution départementale dans l’histoire montre une qualité essentielle du scrutin majoritaire : celui-ci garantit un lien fort entre l’élu et son territoire, une proximité réelle entre l’électeur et son représentant – des valeurs que le Gouvernement souhaite préserver.

Proximité et parité : ces deux impératifs, ces deux objectifs rappelés par le Président de la République ont guidé la rédaction de ce projet de loi.

J’ai consulté les différentes formations politiques représentées au Parlement ainsi que les associations d’élus concernées. À cet égard, je tiens à souligner l’écoute et le respect mutuel qui ont caractérisé nos échanges.

J’ai entendu les projets de réforme proposés par les uns et les autres. Certains suggéraient un scrutin de liste au niveau départemental, calqué sur le modèle régional. Cette proposition répondait au problème de la parité, mais conduisait à renoncer à la proximité. Pour d’autres, le nouveau scrutin aurait dû se tenir au niveau de l’arrondissement ou dans un cadre intercommunal.

Aucune de ces solutions n’était pertinente. L’arrondissement est une échelle administrative, sans signification particulière pour nos concitoyens. Quant à l’intercommunalité, institution encore très jeune, sa carte reste inachevée, mouvante. Surtout, elle doit à mon sens rester un espace commun, un espace de compromis, de projets. Cette vision disparaîtrait si elle était elle-même érigée en circonscription infra-départementale.

Le canton reste un espace électoral bien identifié et légitime pour beaucoup de nos compatriotes. Nous avons donc fait le choix de le conserver. Toutefois, il s'agit d’un canton renouvelé et remodelé – j’y reviendrai.

Un scrutin moderne, paritaire : tel est l’objectif du scrutin binominal majoritaire proposé à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est issu du travail mené notamment par l’une de vos collègues, Mme Michèle André. Dans chaque canton seront élus, solidairement, deux candidats de sexe différent. C’est le gage d’une parité enfin respectée dans les assemblées départementales. La parité des candidats s’appliquera également aux remplaçants.

Cette parité de l’assemblée délibérante, nous voulons qu’elle s’applique tout autant à l’exécutif du département. Là encore, les disparités de représentation sont criantes : 95 % des présidents et 85 % des vice-présidents de conseils généraux sont des hommes. Je vous proposerai donc d’appliquer à la commission permanente du département et aux vice-présidents les règles applicables aux régions depuis 2007. Ils seront donc élus au scrutin de liste paritaire.

La parité est un gage de représentativité, mais elle ne suffit pas. Comme je l’ai souligné, les cantons actuels ne représentent plus la réalité de la répartition de la population française. Nous devons donc procéder à une refonte globale de la carte cantonale. Le nombre de cantons sera fixé de manière à conserver un nombre d’élus proche de celui que nous connaissons aujourd’hui.

Il fallait fixer dans la loi un critère clair. Le présent projet prévoit que l’écart de population d’un canton par rapport à la moyenne départementale ne dépasse pas 20 %.

M. Bruno Sido. Catastrophe !

M. Manuel Valls, ministre. Ce chiffre n’a rien d’arbitraire, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, parallèlement à la rédaction de ce texte, j’ai saisi le Conseil d’État afin de déterminer une règle simple, et c’est l’avis de cette instance qui nous a conduits à opter pour cette limite de 20 %. Elle est celle qui est appliquée par le Conseil constitutionnel, je vous le rappelle, en matière de redécoupage des circonscriptions législatives. (Protestations sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Non, c’est faux !

M. Manuel Valls, ministre. Je le sais, certains, sur toutes les travées, seront tentés d’assouplir cette limite,…

M. Éric Doligé. Ils auront raison !

M. Manuel Valls, ministre. … de lui apporter de multiples amendements afin de tenir compte des spécificités de leur territoire.

M. Gérard Bailly. Heureusement !

M. Manuel Valls, ministre. Or ce serait priver la règle de son sens, et je refuse pour ma part que les inégalités actuelles perdurent.

M. Bruno Sido. C’est autre chose !

M. Manuel Valls, ministre. Je tiens en même temps à vous rassurer : cette règle, telle qu’elle est énoncée dans le projet de loi, prévoit déjà des exceptions fondées sur des motifs géographiques ou des considérations d’intérêt général.

M. Éric Doligé. La couleur politique du département !

M. Manuel Valls, ministre. Je pense, en particulier, aux îles et à la montagne. Toutefois, ces exceptions devront être spécialement justifiées.

Renforcer la démocratie départementale, c’est doter le département d’un mode de scrutin qui soit – j’y insiste – représentatif et paritaire,…

M. Gérard Le Cam. Bipartiste !

M. Manuel Valls, ministre. … tout en conservant la proximité. C’est aussi améliorer la lisibilité de cette élection. Ce projet de loi vise donc à substituer aux termes « conseil général » et « conseiller général », devenus peut-être peu explicites pour les électeurs, ceux de « conseil départemental » et de « conseiller départemental ». Le département doit rester un échelon territorial à part entière ; son nom doit donc apparaître plus clairement.

Autre facteur d’une meilleure lisibilité : les conseils généraux seront renouvelés dans leur totalité.

M. Bruno Sido. Le Sénat aussi ?

M. Manuel Valls, ministre. Rien ne justifie plus le renouvellement par moitié. Au contraire, il faut rendre ce scrutin plus compréhensible pour les citoyens et donner à l’institution départementale une majorité claire pour le temps d’un mandat.

Enfin, revivifier la démocratie locale, c’est créer toutes les conditions d’une participation satisfaisante aux élections, même si d’autres facteurs, bien évidemment, y contribuent. En l’état actuel du droit, quatre scrutins doivent se tenir en 2014 : les élections municipales et territoriales en mars, les élections européennes en juin et les élections sénatoriales en septembre.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cinq élections !

M. Manuel Valls, ministre. La restauration du double scrutin régional et départemental ajouterait une cinquième élection, vous avez raison, monsieur le président de la commission des lois.

Cinq élections, soit neuf tours de scrutin, en l’espace de six mois : ce calendrier électoral engorgé est difficilement praticable et conduirait à coup sûr – nous pouvons au moins nous accorder sur ce point – à une faible participation des électeurs. C’est pourquoi je vous propose de reporter à 2015 l’organisation des élections départementales et régionales.

Ces deux scrutins auront lieu, bien sûr, le même jour. L’expérience l’a montré, en 1992 par exemple, la concomitance des élections régionales et cantonales peut avoir des effets bénéfiques sur la participation électorale. Lors de son abandon en 1994, l’abstention était remontée de dix points.

Je connais les objections que certains soulèveront durant les débats. Je rappellerai simplement que c’est le précédent gouvernement qui avait raccourci la durée des mandats pour créer le conseiller territorial.

En 2015, les élus auront effectué des mandats d’une durée proche du mandat normal de six ans : cinq ans pour les conseillers régionaux, quatre ou sept ans pour les conseillers généraux. Ce report n’aura qu’un impact marginal sur le collège sénatorial. D’ailleurs, nous ne faisons que rétablir ce qui avait été défait par la précédente majorité.

Cette entreprise de modernisation et d’approfondissement de la démocratie locale ne doit pas, si vous me permettez l’expression, se cantonner au seul département.

Le fait intercommunal est devenu concret pour nos concitoyens. Ceux-ci constatent, chaque jour, que les communautés de communes, d’agglomération ou les communautés urbaines assument toujours davantage de responsabilités et de politiques publiques.

Cette réalité des politiques doit s’affirmer comme une réalité démocratique. Là encore, le chef de l’État a arrêté un principe lors des rencontres de la Sorbonne. Les délégués communautaires seront élus au scrutin universel direct, « le même jour et par un même vote » que les conseillers municipaux.

C’est, à ce stade, la meilleure option pour donner à l’intercommunalité la légitimité démocratique nécessaire à son développement. Dans le même temps, l’échelon municipal doit être préservé. Je sais combien les Français sont attachés à la figure du maire, pour avoir exercé cette fonction pendant douze ans, et à la commune.

M. Jacques Legendre. C’est vrai.

M. Manuel Valls, ministre. La commune, c’est l’élément de base, le fondement de la démocratie locale. Chaque jour, par leur travail, leur engagement, leur abnégation, les élus municipaux sont les premiers représentants de la République devant les Français.

Le texte initial prévoyait que les délégués communautaires soient signalés parmi les premiers de chaque liste en concurrence. Votre commission des lois a estimé, à juste titre, qu’il fallait préserver une liberté dans l’établissement des listes.

Sur le principe, je suis en plein accord avec cette logique – je tiens d’ailleurs à saluer le travail que vous avez conduit, mesdames, messieurs les sénateurs, sous l’impulsion de Michel Delebarre. Je crois cependant que le texte établi par la commission, si vous me permettez cette remarque, pâtit encore, à ce stade, d’une trop grande complexité. Nous devons tout faire pour que, là aussi, la simplicité et la lisibilité l’emportent.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Démocratiser l’intercommunalité, c’est aussi étendre l’élection par fléchage des délégués communautaires au plus grand nombre de communes. Pour cela, il convient d’abaisser de 3 500 à 1 000 habitants le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux seront élus au scrutin de liste.

Cet abaissement du seuil répond également à l’impératif de rendre le scrutin municipal plus paritaire. Aujourd’hui, l’objectif de parité est quasiment atteint dans les communes de plus de 3 500 habitants, c’est-à-dire précisément là où s’applique l’obligation de constituer les listes paritaires. Dans les communes les plus petites, en revanche, la part des conseillères municipales est de 32 %. C’est bien la démonstration que, lorsque la parité n’est pas obligatoire, les travers de notre société politique l’emportent.

Abaisser le seuil, c’est enfin simplifier, rendre plus transparente l’élection municipale. Le panachage, s’il est adapté aux communes les moins peuplées, complexifie l’élection. De même, rien ne justifie plus que des règles de transparence élémentaires, comme l’obligation de dépôt de candidature, ne s’appliquent pas dans les communes de plus de 1 000 habitants. Votre commission a d’ailleurs tenu à étendre cette obligation à toutes les communes.

Je le sais, le seuil de 1 000 habitants au-delà duquel devra s’appliquer le mode de scrutin qui vaut actuellement pour les communes de plus de 3 500 habitants ne fait pas l’unanimité : certains proposent plutôt de fixer ce seuil à 1 500 habitants – c’est, je crois, la position de l’Association des maires de France –, d’autres à 2 000 habitants ; d’autres encore souhaitent que l’élection proportionnelle soit généralisée à toutes les communes. Le seuil de 1 000 habitants est un compromis dont nous pourrons débattre.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Excellent compromis !

M. Manuel Valls, ministre. Je suis évidemment ouvert à toutes les propositions.

L’élargissement de l’élection proportionnelle sera, quoi qu’il en soit, significatif. Pour autant, il ne doit pas se faire au détriment du pluralisme. Dans les communes les plus petites, nous le savons, il est souvent difficile de constituer des listes complètes. C’est ce qui justifie le maintien d’un seuil. C’est également pourquoi le Gouvernement est favorable à l’abaissement du nombre de conseillers municipaux adopté par votre commission pour les premières strates de la population.

Comme vous l’avez constaté, nous débattons conjointement d’un projet de loi ordinaire et d’un projet de loi organique. Ce dernier est principalement lié à la question du vote des ressortissants communautaires aux élections municipales.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, aborder une réforme des modes de scrutin n’est jamais chose aisée. C’est pour cela que nous avons souhaité en débattre d’abord au Sénat, où ces questions sont connues, étudiées. Je ne doute pas qu’elles seront plus faciles à aborder qu’ailleurs. Le Président de la République a fixé, dans la sérénité et dans un souci de dialogue, de grandes orientations pour notre démocratie locale. Ce projet de loi en est, je vous le disais, l’une des traductions.

Veillons donc, par nos échanges, à renforcer la démocratie dans nos territoires et à donner un exemple de démocratie. Le contraire ne ferait qu’alimenter le sentiment de défiance malheureusement déjà présent chez nos concitoyens. L’étude récente qui vient d’être publiée par le CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, montre que la défiance à l’égard de l’ensemble des institutions, mais aussi des collectivités territoriales, ne cesse de s’accroître, et cela doit nous faire collectivement réfléchir. Il est de notre responsabilité collective d’y apporter une réponse.

Nous allons avoir des débats, des oppositions ; des points de vue divergents vont s’exprimer. C’est normal, c’est la discussion démocratique. Toutefois, je vous invite tous, sur toutes les travées, à mener ces débats, auxquels le Gouvernement prendra évidemment toute sa part, en gardant deux impératifs à l’esprit : le renforcement de notre démocratie et le souci de l’intérêt général.

Je vous le disais en introduction : c’est un tournant que nous abordons aujourd’hui. Prenons le temps de bien le négocier. C’est important pour notre démocratie locale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Jacqueline Gourault et M. Pierre Jarlier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est aujourd’hui saisi de deux projets destinés essentiellement, dans le contexte d’une modernisation du scrutin départemental, à renforcer la parité en politique, introduite il y a plus de dix ans par le constituant au rang des fondements de notre République, puis à concrétiser le principe, adopté en 2010, de l’élection directe par les citoyens des délégués communautaires.

Une plus grande féminisation des assemblées délibérantes locales est donc l’un des objectifs de la réforme soumise à l’examen de la Haute Assemblée.

Cette volonté est confortée par le texte adopté par la commission des lois. La gestion des affaires départementales et intercommunales, compétences de proximité par excellence, sera désormais placée sous le regard croisé d’élus de l’un et de l’autre sexe. La mixité progressera également au sein des conseils municipaux et, parallèlement, se diffusera dans les intercommunalités. C’est un atout pour la démocratie locale. En reflétant mieux la diversité de la société civile, la parité politique enrichit et équilibre le choix et la mise en œuvre des politiques publiques pour mieux répondre aux besoins et aux attentes des administrés.

La coopération intercommunale, encore balbutiante il y a deux décennies, s’est affermie tout au long de ces dernières années. Elle regroupera dans quelques mois l’ensemble des 36 700 communes de France, hormis Paris, pour conduire des projets communs dans l’intérêt d’une meilleure administration des territoires. La démocratisation des instances intercommunales est l’aboutissement nécessaire de l’élargissement de leurs attributions par le transfert d’un plus grand nombre de compétences communales, de l’augmentation de leur poids financier, de leur plus grande intégration.

Les citoyens éliront désormais, en même temps que leurs conseillers municipaux, les membres des organes délibérants des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles. Cette élection au suffrage universel direct leur permettra ainsi de choisir ceux des élus qui se consacrent en plus aux compétences exercées en commun par les collectivités regroupées.

Le législateur est donc appelé à fixer les principes qui régiront demain l’élection des élus municipaux, intercommunaux et départementaux pour régler l’administration des collectivités et des services publics locaux.

La commission des lois, réunie le 19 décembre dernier, s’est attachée à clarifier et à conforter les dispositions des présents projets de loi.

Elle a tout d’abord adopté l’article 1er, qui prévoit de substituer les appellations de « conseil départemental » et de « conseiller départemental » à celles, très anciennes, de « conseil général » et de « conseiller général ». Cette disposition, certes symbolique, permettra de clarifier le lien entre l’élu du département et la collectivité départementale qu’il représente, sur le modèle du conseiller régional. Cette clarification est simple, mais indispensable.

La commission a approuvé, sous réserve de modifications ponctuelles, le principe d’un binôme de candidats de sexes différents au sein de cantons redélimités dans le cadre d’une nouvelle carte cantonale.

Cette mesure permettra non seulement de moderniser la circonscription cantonale, qui, depuis deux cents ans, a connu peu de modifications, mais également de favoriser la parité dans une collectivité trop souvent considérée, à juste titre, comme insuffisamment ouverte aux femmes. Ainsi, les articles 2 à 13 mettent fin au scrutin majoritaire uninominal à deux tours au profit d’un nouveau mode de scrutin, dont les résultats mériteront d’être examinés.

Le renouvellement triennal par moitié serait remplacé par un renouvellement intégral tous les six ans, dont on peut se féliciter : en effet, le renouvellement par moitié ne permet pas toujours au conseil général d’assumer ses compétences dans la durée. C’est pourquoi la commission a adopté l’article 4, qui instaure ce renouvellement intégral, à l’unanimité. Il favorisera la continuité de l’action départementale, gage de politiques locales plus ambitieuses et plus cohérentes.

Le texte adopté par la commission pour l’article 5 prévoit que l’élection serait acquise au binôme comportant le candidat le plus jeune, ce qui représente, vous en conviendrez, monsieur le ministre, une innovation électorale majeure ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.) Je le souligne, car la commission n’a pas tout à fait suivi son rapporteur sur cette question. Certains de ses membres, cédant tardivement à l’appel de leurs artères, ont choisi le candidat le plus jeune.

L’article 8 prévoit que la déclaration de candidature devra comporter la signature des deux candidats titulaires, les informations les concernant, ainsi que les signatures de leurs suppléants de même sexe et les informations à leur sujet, afin de préserver la parité en cas de recours au remplaçant.

Le recours au suppléant serait, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les conseils généraux, possible pour toutes les causes autres que l’annulation de l’élection ou la démission d’office par le représentant de l’État. Dans ces deux cas, l’article 9 prévoit l’organisation d’une élection partielle si les deux sièges sont vacants.

La question de la vacance d’un siège de conseiller départemental méritera d’être abordée, monsieur le ministre, notamment dans les cas où la majorité au sein des conseils départementaux serait faible. À ce stade de notre réflexion, il nous est apparu qu’aucune solution n’est exempte de tout risque, pour éviter le maintien d’un siège vacant.

M. Bruno Sido. Il n’y a pas de bonne solution !

M. Éric Doligé. Nul système n’est parfait.

M. Gérard Le Cam. C’est la mort du pluralisme !

M. Michel Delebarre, rapporteur. L’une des questions les plus sensibles de ce projet de loi est assurément le remodelage de la carte cantonale, qui est aujourd’hui rendu nécessaire par les disparités démographiques importantes entre les cantons dans certains départements. Quelques exemples ont été donnés. Ces disparités mettent à mal le principe constitutionnel d’égalité des suffrages.

Cette redéfinition de la carte cantonale résulte aussi nécessairement du principe du binôme et de votre volonté, monsieur le ministre, de conserver l’effectif actuel des conseils généraux. Ainsi, les articles 3 et 23, que nous avons adoptés sous réserve de précisions et d’améliorations rédactionnelles, prévoient les règles qui guideront le pouvoir réglementaire dans cette tâche.

Nous ne pouvons que nous féliciter que ces principes reprennent ceux qui ont été dégagés par les jurisprudences concordantes du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Toutefois, force est de constater que de nombreuses craintes s’expriment, notamment la peur de cantons trop vastes ou trop peuplés,…

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Michel Delebarre, rapporteur. … qui remettraient en cause le lien de proximité, que nous devons conserver, avec les conseillers départementaux.

M. Christophe Béchu. C’est vrai.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Pour répondre à ces inquiétudes, le projet de loi prévoit, à l’article 23, des dérogations de portée limitée, qui seraient justifiées par des considérations d’intérêt général ou d’ordre géographique. Les territoires montagneux viennent immédiatement à l’esprit. Ces exceptions devraient principalement s’appliquer également aux territoires à faible densité de population ou aux cantons comptant un nombre très important de communes, dans l’objectif de délimiter des cantons à taille humaine et de respecter le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant le suffrage.

M. Christophe Béchu. Cela ne suffira pas.

M. Michel Delebarre, rapporteur. La commission des lois n’a pas souhaité modifier ces règles, car elles permettent non seulement de respecter la jurisprudence, mais également, par leur souplesse, de prendre en compte les spécificités de nos territoires.

La commission a enfin adopté le report des prochaines élections départementales et régionales en mars 2015 : la loi du 16 février 2010 les avait fixées l’année précédente en abrégeant les mandats généraux et régionaux pour mettre en place le conseiller territorial. Pour la commission des lois, la concomitance de ces deux élections est le moyen de favoriser la participation électorale. Ce report d’une année atténue aussi les effets de la loi de 2010 sur la durée normale de ces mandats.

Enfin, par coordination, les premières élections prévues, à l’article 22, pour la mise en place de la collectivité unique en Guyane et en Martinique, en lieu et place des conseils généraux et des conseils régionaux, sont également reportées à mars 2015. La commission, sur l’initiative de notre collègue Christian Cointat, avait calé les élections des conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique sur les élections régionales.

La commission des lois a adopté l’économie générale du cadre proposé pour amender le régime électoral communal, lequel résulte aujourd’hui des lois du 19 novembre 1982 et du 6 juin 2000, qui ont respectivement introduit dans les communes les plus peuplées la représentation proportionnelle, assortie d’une prime majoritaire, et la parité de candidature.

La commission a cependant complété le dispositif pour en préserver la cohérence. Elle s’en est tenue au seuil proposé par le Gouvernement pour élargir l’application du scrutin proportionnel : 1 000 habitants lui semblent constituer un étiage raisonnable au regard des particularismes communaux. D’une part, ce seuil autorise pleinement l’application de la proportionnelle et, partant, de la parité dans des conseils municipaux comptant au moins quinze membres ; d’autre part, la population des communes considérées doit permettre, sans grande difficulté, la constitution des listes de candidats.

Parallèlement, la réduction du champ d’application du scrutin majoritaire aux communes de moins de 1 000 habitants permet d’unifier les modalités de vote en vigueur dans ce régime : y seront autorisées les candidatures isolées, les listes incomplètes et le panachage pour faciliter l’élection des conseillers municipaux et la constitution des assemblées.

C’est pourquoi la commission a adopté l’article 16 sans modification et ses corollaires, les articles 17 et 18, en prévoyant cependant, pour le premier tour de scrutin, une déclaration de candidature obligatoire dans les communes régies par le scrutin majoritaire, pour favoriser la constitution de majorités municipales cohérentes.

Par ailleurs, la commission a inversé le principe d’attribution du siège en cas d’égalité des suffrages en retenant le critère du plus jeune.

Pour faciliter l’élection des conseillers municipaux dans les plus petites communes, elle a réduit de deux le nombre des membres de leurs assemblées délibérantes. Certaines d’entre elles peinent parfois à se constituer pleinement. Ainsi l’effectif du conseil municipal serait-il abaissé de neuf à sept dans les communes de moins de 100 habitants et de onze à neuf dans celles de moins de 499 habitants.

La commission a retenu l’article 19 modifiant la répartition des conseillers de Paris entre les secteurs dans le texte proposé par le Gouvernement : le nouveau tableau demeure fondé sur les principes adoptés par le Parlement en 1982. Les modifications qui y sont portées découlent mécaniquement de l’examen de l’évolution démographique de chacun des vingt arrondissements de Paris.

Par coordination, la commission des lois a aligné, dans le projet de loi organique, le mandat municipal pris en compte au titre de la limitation du cumul des mandats : aujourd’hui, le conseiller municipal y figure pour les communes d’au moins 3 500 habitants, par référence au critère objectif du seuil du changement de mode de scrutin.

Il convenait donc d’harmoniser cette disposition avec le choix de l’abaissement du seuil à 1 000 habitants, condition nécessaire pour conforter juridiquement son fondement.

Tout en adoptant le principe de mise en œuvre du fléchage pour l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires, la commission des lois en a assoupli les modalités afin de permettre aux différentes listes de mieux répartir entre leurs candidats les responsabilités au sein du conseil municipal et de l’organe communautaire.

La commission a donc supprimé du dispositif gouvernemental le « blocage » en tête de liste des candidats fléchés pour le conseil de l’intercommunalité. Votre rapporteur a d’ailleurs constaté au cours des auditions des représentants des collectivités qu’il a rencontrés que ce fléchage figé suscitait une réserve quasi unanime.

Cela étant, le texte débattu en commission des lois s’efforce de concilier, d’une part, la liberté du choix des candidatures fléchées, selon des modalités clairement déterminées et, d’autre part, la sincérité du scrutin. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, nous avons abouti à une proposition se caractérisant en premier lieu par sa complexité. Cela ne simplifie pas les choses.

Toutefois, ces points font encore l’objet de nombreuses discussions. Beaucoup d’autres possibilités ont été évoquées et le seront de nouveau au cours de notre débat. Le dispositif examiné par la commission des lois est sûrement perfectible. Je n’entrerai pas dans le détail : l’examen des articles nous permettra peut-être d’avancer de manière intelligente.

Enfin, la commission des lois a adopté le principe de la participation des citoyens des États membres de l’Union européenne autres que la France à l’élection des délégués intercommunaux, posé par le projet de loi organique : son article 1er tire logiquement les conséquences de leur élection au suffrage universel direct dans le cadre de l’élection municipale, décidée en 2010. Ils seront à l’avenir désignés par le corps électoral des conseillers municipaux qui, depuis 1998, inclut les ressortissants communautaires.

La réforme qui nous est soumise constitue, sans nul doute, une évolution importante pour la démocratie locale. Elle bouleversera, par certains de ses volets, les conditions d’exercice des mandats locaux et les habitudes des électeurs.

Simultanément, elle renforcera la légitimité des élus : dorénavant, les conseillers intercommunaux qui gèrent des secteurs importants de la gestion municipale seront désignés au suffrage universel direct. Les femmes seront mieux représentées à tous les niveaux de collectivités. La gestion départementale devrait en sortir renforcée et modernisée, grâce à une plus grande représentativité.

En conséquence, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat les textes qu’elle a établis pour le projet de loi organique et pour le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives – la parité politique –, a toujours été au cœur des préoccupations de la délégation aux droits des femmes. Je me réjouis donc que la conférence des présidents lui ait accordé un temps de parole dans la discussion générale de ces deux textes,…

M. Bruno Sido. C’est normal !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. … qui tendent à une meilleure prise en compte de l’objectif constitutionnel de parité dans l’élection des conseillers départementaux, de certains conseillers municipaux et des délégués communautaires.

Notre délégation a déjà consacré plusieurs rapports à la parité politique. Le dernier en date, publié en juin 2010 dans le cadre de la discussion de la réforme territoriale et des modes de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux, avait dressé un bilan de l’application des lois relatives à la parité.

Le constat qu’elle avait établi était clair : la loi du 6 juin 2000 et les lois qui l’ont complétée ont permis au principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives de devenir une réalité effective dans les assemblées élues au scrutin de liste proportionnel. C’est le cas des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, qui, à l’issue du dernier scrutin de 2008, comptent 48,5 % de femmes. C’est aussi le cas des conseils régionaux qui, avec 48 % de femmes élues en 2010, donnent l’exemple d’une parité presque parfaite.

En revanche, la parité n’a que peu progressé dans les élections au scrutin uninominal majoritaire, et les dispositifs instaurés pour compenser cet état de fait – pénalités financières, règle du suppléant de sexe opposé – se sont révélés peu efficaces et décevants.

Les dispositions législatives qui nous sont aujourd’hui proposées abordent quatre des sujets sur lesquels notre délégation avait pointé les insuffisances de la parité : l’élection des conseils généraux, la composition de leurs exécutifs, l’élection des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, et la composition des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Notre délégation s’est réunie le 10 janvier pour procéder à un échange de vues sur ces dispositions qui se veulent favorables à la parité, mais qui ont suscité des débats et des réserves.

Le mode de scrutin proposé pour l’élection des futurs conseillers départementaux – le scrutin majoritaire binominal – est le dispositif qui a suscité les appréciations les plus variées, du fait de son caractère inédit et du redécoupage des cantons qu’il imposera.

Actuellement, les conseillers généraux sont élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, dans le cadre des cantons. Si on reconnaît traditionnellement à ce mode de scrutin le mérite de faciliter la proximité et l’ancrage territorial de l’élu,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. … nous savons aussi qu’il ne favorise pas la parité et n’offre aucun levier pour déconstruire les stéréotypes de genre.

Actuellement – ce sont les chiffres publiés par l’Observatoire de la parité –, les femmes ne représentent que 14 % de l’effectif des conseils généraux et, M. le ministre l’a rappelé, trois départements sont dirigés par un conseil exclusivement masculin.

Pour y remédier, le Gouvernement propose, à l’article 2 du projet de loi, de faire élire dans chaque canton deux candidats de sexe différent, qui se présenteraient en binôme et seraient solidairement élus ou battus.

Cependant, pour maintenir inchangé l’effectif actuel des conseils généraux, l’article 3 du projet de loi prévoit de diviser par deux le nombre actuel de cantons.

Au cours de sa réunion, notre délégation a formulé trois remarques sur ces deux dispositions, qui sont évidemment indissociables et doivent donc être examinées en regard.

Conçu, comme l’a rappelé au sein de la délégation notre collègue Bernadette Bourzai, pour faire aboutir l’objectif de parité inscrit dans la Constitution, ce dispositif devrait garantir une parité quasi mathématique, dans la mesure où il débouchera, dans chaque canton, sur l’élection de deux candidats de sexe différent. Toutefois, son caractère nouveau n’est pas sans soulever des interrogations.

Il est sans précédent en droit français. Il n’existe de mode de scrutin comparable dans aucun autre pays, pas même au Chili, dont le scrutin législatif est parfois évoqué à titre de comparaison.

Le caractère nouveau de ce mode de scrutin réside non pas dans l’élection de deux élus, mais dans leur solidarité devant l’élection.

La solidarité entre les deux membres du binôme est entière quant à l’issue du scrutin et pendant toute la durée des opérations électorales. Néanmoins, une fois élus, les deux conseillers départementaux deviendront indépendants l’un de l’autre.

Quelles en seront les conséquences dans l’exercice de leurs mandats ?

Nous nous sommes demandés, au sein de mon groupe politique en particulier, si les deux membres du binôme ne feraient pas alors l’objet d’un traitement différent, les femmes se retrouvant à nouveau cantonnées dans leurs secteurs traditionnels d’intervention – les questions sociales, l’éducation et la santé –, les hommes continuant de s’arroger le monopole des questions économiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.)

M. Bruno Sido. C’est un procès d’intention !

Mme Éliane Assassi. C’est la réalité !

M. Alain Bertrand. Mieux vaut entendre cela que d’être sourd !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Au cours de la réunion de notre délégation, nous nous sommes interrogés sur les conséquences du redécoupage systématique de la carte cantonale qu’il imposera.

Certes, les évolutions démographiques intervenues depuis le découpage initial ont entraîné des écarts de représentation de la population, en particulier entre zones urbaines et zones rurales au sein d’un même département, que l’on ne peut accepter.

Néanmoins, la conjonction du critère démographique interdisant que la population d’un canton soit supérieure ou inférieure de 20 % à la population moyenne d’un département et de la réduction de moitié du nombre des cantons ne risque-t-elle pas d’être défavorable à la ruralité et à la proximité de l’élu avec les citoyens ?

M. Gérard Bailly. C’est sûr !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ne risque-t-elle pas d’accélérer la disparition, déjà bien avancée, des services publics ?

Mme Cécile Cukierman. Certainement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est une préoccupation qui a été exprimée par plusieurs d’entre nous, qui ont insisté sur le rôle spécifique joué par l’élu du département dans les zones rurales.

M. Éric Doligé. C’est vrai ! Il n’y en aura plus !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Autre interrogation : les deux candidats d’un binôme seront-ils nécessairement de la même sensibilité politique, ou la mise en place des binômes donnera-t-elle lieu, au contraire, à des alliances politiques avant le premier tour du scrutin ?

M. Bruno Sido. Bien sûr ! On pourra ratisser plus large !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Seule l’expérience le dira, mais on peut légitimement craindre que ce système ne permette pas de préserver la représentativité pluraliste des actuels conseils généraux et accentue plutôt le bipartisme.

Dans ces conditions, certains d’entre nous, et j’en fais partie, ont souligné que l’objectif de parité aurait été aussi valablement garanti par le recours au scrutin proportionnel, dont le fonctionnement positif est connu et favorable à la parité.

M. Bruno Sido. Et vous seriez encore plus tranquilles !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il est vrai que le scrutin binominal s’inspire d’une recommandation adoptée en juin 2010 par la délégation, et figurant dans le rapport de Michèle André sur le projet de réforme des collectivités territoriales.

La délégation s’était alors demandé si le Conseil constitutionnel censurerait le mode de scrutin proposé pour l’élection des conseillers territoriaux, dans la mesure où il était très défavorable à l’objectif constitutionnel de parité. Les constitutionnalistes interrogés avaient estimé que c’était peu probable, car le juge constitutionnel avait toujours reconnu au législateur une grande latitude dans les modes de scrutin.

M. Bruno Sido. Heureusement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Dans une attitude constructive, la délégation avait alors recherché des mécanismes susceptibles de « neutraliser les effets négatifs » du scrutin majoritaire sur la parité. Elle avait alors proposé celui du scrutin binominal.

Il s’agissait donc d’une tentative pour remédier aux inconvénients du scrutin uninominal.

Je serai plus rapide sur le second dispositif, qui introduit la parité dans l’élection des membres de la commission permanente et des vice-présidents des futurs conseils départementaux.

Il transpose dans les départements les dispositions de la loi du 31 janvier 2007, qui ont permis d’assurer une quasi-parité au sein des exécutifs régionaux. Il s’agit donc d’un dispositif connu, qui a fait ses preuves et que nous ne pouvons qu’approuver sans réserve.

M. Bruno Sido. C’est une régression de la démocratie !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Troisième dispositif : le projet de loi propose de ramener de 3 500 à 1 000 habitants le seuil au-delà duquel les conseillers municipaux seront élus au scrutin de liste, assorti de contraintes paritaires.

L’étude d’impact évalue à 16 000 le nombre de femmes conseillères municipales supplémentaires dont ce changement de seuil devrait permettre l’élection.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est donc une mesure positive pour la parité, et nous y sommes favorables dans l’ensemble, même si les débats sur la fixation du seuil ont trouvé un écho au sein de notre délégation.

Le quatrième dispositif consiste à élire par un système de fléchage les conseillers communautaires de façon concomitante à celle des conseillers municipaux.

Ce dispositif permettra notamment de ne pas laisser les organes dirigeants des EPCI à fiscalité propre en dehors de toute logique paritaire. Cette intention est, a priori, louable, car ces instances ont un véritable pouvoir de décision et les femmes en sont trop souvent exclues. Nos débats au sein de la délégation ont cependant insisté sur un point : ce système de fléchage ne peut être pertinent que dans les communes d’une certaine importance.

La délégation s’est inquiétée, par ailleurs, de la complexité du dispositif proposé par la commission des lois pour assouplir les modalités de ce fléchage et éviter que les premiers de liste ne se retrouvent à la fois dans les exécutifs municipaux et dans les instances communautaires.

Par ailleurs, à titre personnel, j’ai dit mon inquiétude de voir, avec cette mesure, l’intercommunalité glisser vers une autorité de plein droit au détriment de la commune.

Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que je souhaitais formuler au nom de notre délégation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Hélène Lipietz et Françoise Laborde applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens à remercier M. le ministre de présenter ce texte au Sénat, car il constitue une étape essentielle dans cette révolution tranquille de l’intercommunalité que notre pays connaît depuis une vingtaine d’années.

Il y a vingt ans, justement, j’ai eu l’honneur de présenter devant le Sénat le projet de loi qui deviendrait la loi de 1992 sur les communautés de communes, marchant ainsi dans les pas de mon prédécesseur dans la fonction, Jean-Michel Baylet.

À cette époque, je me souviens qu’il y avait quelque scepticisme en la matière.

M. Bruno Sido. Il y en a toujours, et même beaucoup !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quelques communautés de communes ont d’abord été créées, puis beaucoup d’autres.

Chemin faisant, nous avons pu remarquer que la liberté était féconde. Avoir écrit dans la loi, d’une part, que les communautés ne portaient pas atteinte aux communes, mais étaient bien plutôt à leur service, et, d'autre part, que les élus, et non pas le représentant de l’État, décidaient librement du périmètre de l’intercommunalité, a permis de créer de nombreuses communautés de communes, puis de communautés d’agglomération, grâce à la loi présentée par Jean-Pierre Chevènement en 1999.

Un mouvement considérable a eu lieu. Monsieur Sido, vous avez indiqué que la création des communautés de communes n’était pas allée sans entraîner quelque scepticisme. Vous me permettrez pourtant de vous faire observer que c’est grâce au concours d’une loi, que vous avez votée, qu’il y a aujourd’hui des communautés de communes, d’agglomération ou urbaines partout en France !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce modèle qui fut tant décrié et suscita tant de scepticisme est aujourd’hui généralisé !

Mme Éliane Assassi. À marche forcée !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Chacun peut en convenir : un assez large accord a prévalu entre nous sur ce point.

La question aujourd’hui posée est celle de la démocratie. Nous sommes les héritiers de la Révolution française. C’est bien elle qui a fixé la règle selon laquelle, pour pouvoir lever l’impôt…

M. François Grosdidier. C’était déjà le cas avec les États généraux sous l’Ancien régime !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et décider de l’affectation de l’argent public, il fallait être élu au suffrage universel direct.

M. Roland Courteau. C’est bien de le rappeler !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Or la réalité c’est que des communautés d’agglomération ou des communautés urbaines ont aujourd'hui des budgets qui représentent 60 % ou 70 % de la dépense publique, quand celui de la commune-centre est bien inférieur. Il devient donc impossible de maintenir un système dans lequel les élus intercommunaux n’émanent pas du suffrage universel direct.

Il fallait donc trouver une formule qui permette une élection démocratique tout en garantissant le respect de l’institution communale, car, et cela a été rappelé à juste titre, les structures intercommunales sont au service des communes.

Nous arrivons au point où la véritable révolution que constitue l’intercommunalité aura un support démocratique.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Qui pourrait s’y opposer ?

M. Gérard Le Cam. Est-ce une raison pour tuer les communes ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Qui ici refuserait que les électeurs puissent désigner les élus chargés de gérer l’essentiel ou, du moins, une part importante des crédits prélevés ou affectés sur un territoire ?

M. François Grosdidier. Ce n’est pas vous qui avez inventé ce système, c’est nous !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce projet de loi marque donc une étape très importante. Je suis fier, monsieur le Premier ministre,… Pardon, monsieur le ministre… (Exclamations ironiques et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Pierre Hérisson. Quel beau lapsus !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’anticipe peut-être !

Je disais donc que j’étais fier, monsieur le Premier ministre,… Pardon, monsieur le ministre… (Mêmes mouvements.)

M. Bruno Sido. Encore une fois !

M. Pierre Hérisson. Jamais deux sans trois !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je suis fier d’appartenir à une majorité qui aura voté une telle avancée.

Bien entendu, on peut se demander comment cela se manifestera concrètement. À cet égard, M. le rapporteur Michel Delebarre, auquel je tiens à rendre hommage,…

M. Bruno Sido. Il le mérite.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … a bien voulu vous faire part des débats que nous avons eus sur le sujet. Il faut travailler encore pour clarifier le dispositif, afin de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel en matière d’intelligibilité de la loi.

M. Manuel Valls, ministre. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Plusieurs systèmes sont possibles. Certains ont même imaginé des numérotations, voire des doubles numérotations.

Il existe aussi une autre méthode : présenter une liste de candidats pour la commune en indiquant ceux qui, parmi ces candidats, iront siéger au sein de l’intercommunalité.

Mme Jacqueline Gourault. Bravo ! Très bonne idée !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous devons donc continuer à travailler pour rendre le dispositif lisible et compréhensible. Divers subterfuges typographiques sont possibles ; le plus simple, c’est de dire les choses clairement.

J’en viens à la question du département, qui va beaucoup nous occuper, mes chers collègues.

Nous avons déjà entendu beaucoup d’éléments sur le sujet, et nous voyons bien le débat qui s’amorce. Certains vont affirmer qu’il y a des difficultés particulières en milieu rural.

M. Alain Fouché. C’est la vérité !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes tous profondément attachés au monde rural et à la représentation des territoires. (Marques de scepticisme sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. C’est faux !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes même nombreux à considérer que la question doit être appréhendée au regard des évolutions démographiques de notre pays.

M. Alain Fouché. Pas seulement !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les habitants des territoires ruraux sont aujourd'hui plus nombreux qu’il y a quelques années ; les derniers recensements en attestent.

M. Alain Fouché. Il n’y a aucun rapport entre les élus des villes et ceux du monde rural !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mon cher collègue, si vous le permettez, j’aimerais rappeler quelques éléments. Le Conseil constitutionnel s’est exprimé, et la règle des plus ou moins 20 % a été retenue pour les élections législatives, comme elle l’avait été pour feu l’élection des conseillers territoriaux. Quant au Conseil d'État, qui a été consulté par le Gouvernement, il s’est lui aussi prononcé. Toutes ces données existent ; elles se seraient imposées à tout gouvernement et à toute majorité, quels qu’ils fussent.

Dès lors que le Conseil constitutionnel a fixé une règle, pour des raisons d’ailleurs de respect du principe d’égalité, dès lors que le Conseil d'État l’a confirmée, voter autre chose nous exposerait à un recours devant le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Sido. Il y en aura un de toute façon !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je vous remercie de cette annonce, mon cher collègue ; vous voyez donc face à quelle difficulté nous nous trouverions en adoptant un autre dispositif.

De deux choses l’une : soit vous respectez la jurisprudence du Conseil constitutionnel, soit vous ne la respectez pas, et vous devrez alors l’assumer.

M. Bruno Sido. Nous l’assumerons ! Et nous avancerons même d’autres arguments !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous serez obligés de répondre à cela.

M. Bruno Sido. Nous le ferons !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dès lors que l’on prend acte de la réalité que je viens de rappeler, plusieurs systèmes sont possibles.

Nous ferons le maximum pour tenir compte des particularités géographiques et démographiques, dans la limite imposée par le nécessaire respect du principe d’égalité. Là encore, je vois mal un gouvernement et une majorité, quels qu’ils fussent, faire autrement ou justifier que l’on fît autrement.

Toutefois, ces rappels étant faits, s’il existe plusieurs solutions, celle qui nous est proposée a, convenons-en, deux mérites.

Premièrement, un tel dispositif permet d’instaurer la parité. Vous avez vous-même voté une révision constitutionnelle en ce sens, mes chers collègues.

M. Bruno Sido. Elle ne rend pas la parité obligatoire !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certes, monsieur Sido, mais il est recommandé de tout faire pour la favoriser. Je suis certain que vous avez à cœur de satisfaire cet objectif.

M. Bruno Sido. Pas de manière aussi brutale !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On ne peut donc pas reprocher au Gouvernement de ne pas chercher à favoriser la parité ; il propose précisément des solutions concrètes pour la mettre en œuvre.

Deuxièmement, le dispositif qui nous est présenté…

M. Bruno Sido. … est brutal !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … permet à l’évidence de maintenir l’attachement au territoire.

M. Bruno Sido. Je vous démontrerai justement le contraire !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. D’ailleurs, nous connaissons déjà les objections qui seraient apportées à d’éventuelles autres formules.

Les uns réclament la proportionnelle ? Les autres répondront que cela couperait les conseillers départementaux des réalités du terrain !

MM. Roland Courteau et Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et quand nous proposons un système garantissant que les élus seront bien attachés à un territoire, cela ne vous convient pas non plus, chers collègues de l’opposition.

Alors que, nous, nous respectons la règle des 20 %, vous ne nous expliquez pas comment vous comptez vous y prendre pour contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. Bruno Sido. Ce n’est pas une jurisprudence.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En d’autres termes, on peut toujours formuler des objections. Toutefois, je serais pour ma part très curieux d’entendre des propositions de substitution, qui, premièrement, soient compatibles avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, deuxièmement, favorisent effectivement la parité…

M. François Grosdidier. Vous voulez la parité partout, sauf dans les familles ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et, troisièmement, maintiennent l’ancrage territorial des élus.

M. Gérard Le Cam. Vous ne voulez pas du pluralisme ! C’est scandaleux ! Nous ne voterons pas cette partie du texte !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous pouvez toujours critiquer. J’attends que vous nous fassiez part d’autres solutions répondant à ces trois exigences. Nous pourrions alors avoir un débat passionnant, mes chers collègues.

Je veux enfin aborder la question des dates. (Exclamations.)

Sur ce point, M. le ministre s’est, comme toujours, montré très éloquent. (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.)

M. Henri de Raincourt. Après le lapsus de tout à l'heure, voilà qui est intéressant…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cinq élections sont prévues au cours de la même année. Sur ces cinq scrutins, quatre sont à deux tours, sauf évidemment lorsqu’un candidat est élu au premier tour. Nous avons donc potentiellement neuf tours de scrutin la même année. À mon sens, aucun gouvernement, aucune majorité, quels qu’ils soient, n’auraient jugé possible d’organiser cinq élections, donc neuf tours de scrutin, la même année.

M. Didier Guillaume. Évidemment !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et tout le monde sait bien qu’il est totalement impossible d’organiser trois élections le même jour.

M. Bruno Sido. Aux États-Unis, comment font-ils ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Sido, la culture américaine est différente. Nous, nous avons des traditions françaises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mes chers collègues, reprenons les trois grands volets du débat.

Premièrement, quel que soit le gouvernement, quelle que soit la majorité, il faut trouver une solution sur la question des dates. Nous en proposons une. Pouvez-vous en suggérer une autre ?

Deuxièmement, une réforme du mode de scrutin départemental est nécessaire et inéluctable. Elle doit respecter trois impératifs. Or, à ce jour, personne parmi vous n’a présenté de solution de rechange répondant à ces objectifs. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Pierre-Yves Collombat. Si ! Nous en avons proposé une !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Troisièmement, il y a une avancée majeure s’agissant de l’intercommunalité. On peut encore améliorer ou affiner le dispositif, mais nul ne peut contester qu’il s’agisse d’une avancée majeure vers plus de démocratie.

Voilà pourquoi la commission des lois a adopté ce texte. Je suis certain qu’il éveillera votre intérêt, voire votre passion, mes chers collègues. J’espère qu’il emportera aussi votre adhésion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Rappel au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite faire un rappel au règlement concernant l’organisation de nos travaux, sur le fondement de l’article 29 ter du règlement.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui a été déposé sur le bureau du sénat le 28 novembre dernier.

Le rapporteur a été nommé par la commission des lois le 5 décembre. Le rapport a été présenté en commission des lois le 19 décembre, soit moins de quinze jours ouvrables après le dépôt du texte et moins de dix jours ouvrables après la nomination du rapporteur.

M. Bruno Sido. C’est scandaleux !

Mme Catherine Troendle. Comment celui-ci a-t-il raisonnablement pu effectuer en si peu de temps un travail approfondi sur un texte essentiel pour le devenir des collectivités territoriales et de la représentation élective ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Ce texte touche, je vous le rappelle, à 101 départements, à 4 056 cantons, à 2 581 EPCI, dont une métropole, à 15 communautés urbaines, à 202 communautés d’agglomération, à 2 358 communautés de communes, à 6 642 communes, c'est-à-dire, en fait, à 64 490 952 Français recensés en 2012, dont 62 465 709 personnes en métropole et 2 025 243 dans les départements d’outre-mer ! (M. Bruno Sido applaudit.)

La liste des personnes entendues est pour le moins courte : cinq associations, la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, et le bureau des élections et études politiques.

Puis, le rapporteur s’est contenté – mais pouvait-il faire autrement, étant donné le calendrier ? – d’analyser les contributions écrites de trois associations, dont l’Association des maires de France, l’AMF, l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, et l’Association des régions de France, l’ARF. Les représentants des partis politiques n’ont pas été entendus, alors qu’il s’agit d’un texte électoral.

Comment travailler dans des délais aussi courts sur des textes aussi lourds de conséquences ? La question se pose aujourd’hui, comme elle s’est posée depuis le début de cette législature.

Le travail est bâclé, la réflexion annihilée. C’est certainement cela, le changement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Haut. C’est inadmissible !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. J’écoute toujours avec intérêt les interventions de Mme Catherine Troendle.

Toutefois, en l’occurrence, je ne vois pas en quoi l’article 29 ter du règlement peut être invoqué ici ! Cet article précise que : « L’organisation de la discussion générale des textes soumis au Sénat et des débats inscrits à l’ordre du jour peut être décidée par la conférence des présidents – ce fut le cas –, qui fixe la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

« Ce temps est réparti par le président du Sénat de manière à garantir à chaque groupe un temps minimum […] ».

Vous êtes donc hors sujet, ma chère collègue ! (Mme Catherine Troendle proteste.) Votre intervention n’a aucun lien avec l’article du règlement que vous évoquez !

M. Bruno Sido. Peu importe !

M. François Rebsamen. Vous auriez au moins pu faire référence à un article ayant quelque chose à voir avec votre propos. Votre exposé est totalement hors sujet !

Mme Catherine Troendle. Pas du tout, il s’agit de l’organisation de nos travaux !

M. François Rebsamen. L’article 29 ter, que j’ai sous les yeux et dont je pourrais vous donner entièrement lecture, n’a absolument aucun rapport avec votre rappel au règlement ! Il s’agit d’une intervention d’opportunité, et je la regrette. Vous avez le droit de formuler de telles observations, mais pas de faire un rappel au règlement en vous appuyant sur un article qui n’a rien à voir avec les faits que vous dénoncez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Discussion générale commune (suite)

 
 
 

M. le président. Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun sait ici que j’étais favorable à la suppression du conseiller territorial, qui préfigurait la fusion des départements et des régions.

M. Bruno Sido. Ce n’est pas ce que vous avez défendu de meilleur !

M. Philippe Adnot. Je regrette d’autant moins ma position quand je vois ce qui se passe avec les chambres de métiers et de l’artisanat, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres d’agriculture ! Les départements avaient beaucoup à y perdre.

Qu’il me soit permis de dire d’entrée de jeu que je suis favorable au redécoupage des cantons : il aurait été nécessaire de les rééquilibrer – ce point ne prête pas à discussion – et une telle décision aurait été également prise par le précédent gouvernement.

Pour autant, je souhaite que les dérogations prévues dans le texte en fonction des contraintes géographiques soient couplées aux problèmes démographiques.

En effet, là où le nombre d’habitants au kilomètre carré est faible, il est nécessaire de moduler la règle des plus ou moins 20 %. Monsieur le ministre, il me semble que, sur le sujet, vous avez entrouvert la porte. Nous gagnerions tous à travailler dans le sens d’un maximum de cohérence.

Le redécoupage ne signifiait pas qu’il était nécessaire de changer le mode électoral alors que le lien entre l’élu et le territoire a fait la preuve de sa pertinence et de sa force. Je ne nie pas que la représentation féminine et la difficulté d’appréhender les lignes de partage en milieu urbain justifiaient une réflexion, voire des modifications.

C’est pourquoi je suggérerai que l’on introduise la proportionnelle en milieu urbain. Il nous a été demandé tout à l’heure d’avancer des propositions. En voici une : je souhaite que la proportionnelle s’applique dans les communautés d’agglomération à partir de 100 000 habitants, par exemple. Ainsi, nous augmenterons la représentation féminine tout en préservant, en dehors des agglomérations, le lien, qui me paraît excellent, entre l’élu et le territoire.

On me répondra certainement qu’il n’est pas possible de faire cohabiter deux systèmes électoraux dans un même territoire. Cet argument est faux ! Il l’est d’autant plus que les sénateurs, qui sont des élus de la Nation, connaissent bien cette organisation électorale. J’ai consulté d’éminents spécialistes, qui m’ont assuré que cette objection n’était pas justifiée.

Mes chers collègues, je sais que certains parmi vous, quelle que soit leur sensibilité politique, sont favorables au système que je proposerai par voie d’amendement. Je ne me fais pas grande illusion sur nos chances de parvenir à le faire adopter. Néanmoins, si tous ceux qui pensent que ce système est meilleur votaient mon amendement, ils feraient progresser cette proposition, qui mérite réflexion. Je vous invite donc tous à voter en ce sens.

Je ne nie pas l’intérêt du système binominal ; nombre de critiques qui lui sont adressées méconnaissent, en réalité, le fait que les élus départementaux sont non pas des gestionnaires locaux, mais des gestionnaires départementaux. J’ai entendu, par exemple, demander : qui va s’occuper de quoi ? Je suis désolé, les représentants élus à l’Assemblée départementale par le système binominal devront gérer de manière totalement égalitaire les affaires du département. Ils n’auront pas à gérer en fonction de considérations locales.

M. François Rebsamen. Tout à fait !

M. Philippe Adnot. Par conséquent, la bataille annoncée n’aura pas lieu. Ne cherchons pas de mauvais arguments pour contester certaines propositions !

Le reproche que j’adresse au système qu’on nous propose est l’importance des secteurs géographiques qui seront créés. Si l’amendement que j’ai déposé afin d’introduire la proportionnelle en milieu urbain n’était pas retenu, le système binominal serait bon, sous réserve que l’on fasse évoluer le critère des plus ou moins 20 %. Sur un tel sujet, nous pourrions tomber d’accord.

En résumé, mes chers collègues, je préfère, dans l’ordre : premièrement, le maintien du système actuel avec un redécoupage modulé, qui satisferait tout le monde ; deuxièmement, le système proportionnel en milieu urbain et le maintien du système actuel hors agglomération, si nous le trouvons intéressant ; troisièmement, un système binominal modulé.

Le mécanisme que je ne souhaite en aucun cas est celui de la proportionnelle intégrale, car celle-ci pourrait créer des situations catastrophiques. Nous le voyons bien dans les représentations régionales. Comment s’organise une liste départementale ? C’est l’agglomération la plus importante qui a les leaders ! Toutes les listes de tous les partis politiques désignent en tête les représentants des grandes agglomérations.

M. Philippe Adnot. Il pourrait donc y avoir des secteurs entiers sans aucun représentant.

M. Roland Courteau. C’est le problème !

M. Philippe Adnot. Nous ne devons pas aller dans cette direction. C’est pourquoi, lorsque nous voterons, il sera important de réfléchir, pour éviter que le pire ne nous arrive !

S’agissant des municipales, je salue l’évolution qui a permis de passer le seuil de 500 à 1 000 habitants. Lors des états généraux de la démocratie territoriale, toutes les communes nous ont signifié qu’il s’agissait d’une bonne décision. Elles nous demandent simplement d’aller au-delà des 1 000 habitants. Il serait bon de les écouter et de porter ce seuil à 1 500 habitants.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, vous avez ouvert la porte à une évolution en ce sens. Nous nous honorerions à prendre en compte les demandes des communes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, mes chers collègues, M. le ministre vient de nous le rappeler, on nous annonce une grande loi sur la décentralisation – c’est un engagement du candidat François Hollande –, qui demeure selon moi bien floue.

M. Bruno Sido. Vous n’êtes pas le seul à la trouver floue ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François Grosdidier. M. Delebarre sera sans doute encore rapporteur !

M. Jean-Jacques Hyest. Nous verrons ce qu’il en sera. Par ailleurs, il nous faudra bien aborder un jour le cumul des mandats, autre engagement de François Hollande.

La grande loi de 1982, qui a été une véritable révolution…

M. Jean-Michel Baylet. Faite par la gauche !

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat. Et refusée par la droite !

M. Jean-Jacques Hyest. Pas par moi : je n’étais pas élu à l’époque !

Rappelez-vous que, avant 1982, le préfet était l’exécutif du département. Cela paraît invraisemblable aujourd’hui, quarante ans après !

Beaucoup a été tenté depuis lors – Jean-Pierre Sueur a rappelé la loi de 1992, je m’en souviens fort bien ; il y a eu aussi la loi Chevènement et la loi Raffarin –,…

M. Daniel Raoul. Ça se dégradait !

M. Jean-Jacques Hyest. … et parfois réussi, pour faire de notre pays une République certes une, mais plus décentralisée. Ce point figure d’ailleurs désormais dans la Constitution.

Chez les experts de tout poil – ils ne manquent pas, qui siègent en vase clos et ne dépassent guère en général le périphérique parisien – la mode est toujours de supprimer les petites communes, qui ne serviraient à rien, et les départements, qui seraient complètement dépassés ! Hélas pour ces grands ordonnateurs de la pensée unique, les communes et les départements ont résisté aux tentatives de suppression.

M. Yves Daudigny. M. Copé veut supprimer les départements !

M. Henri de Raincourt. M. Attali aussi !

M. Jean-Jacques Hyest. Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, vous nous avez rassurés sur ce sujet.

La longue progression des intercommunalités, confortée par la loi de 2010 – une loi que personne ne semble sérieusement remettre en cause sur ce point – conforte aussi les communes, en excluant l’élection des délégués communautaires à un suffrage universel direct spécifique. En effet, certains voulaient qu’on élise directement les conseillers communautaires, alors que leur élection se fait aujourd'hui au sein des conseils municipaux.

Qu’il me soit d’ailleurs permis de rappeler à mon excellent collègue Jean-Pierre Sueur que le suffrage universel est certes prévu depuis 1793, mais qu’aucun texte constitutionnel n’a jamais prévu qu’il soit direct ! Le suffrage indirect est aussi un suffrage universel, et le Sénat en offre l’exemple. À vous prendre au mot, monsieur le président de la commission des lois, nous ne serions pas aptes à voter le budget… Mais je ne vais pas donner une leçon de droit ce soir !

Si le projet de loi ne comportait que des dispositions permettant le « fléchage », je pense que la plupart d’entre nous pourraient se rallier à la position de la commission des lois, même s’il faut encore améliorer le dispositif.

M. Jean-Jacques Hyest. L’idée est quand même de laisser un peu de souplesse, de manière à éviter que des gens qui auraient été élus ne siègent pas et qu’on soit obligé de changer constamment de délégués.

La stabilité devrait permettre de trouver une solution, à condition que le seuil retenu pour le scrutin de liste aux élections municipales soit réaliste. Beaucoup d’élus nous ont d’ailleurs fait part de préoccupations diverses sur ce sujet.

M. Jean-Jacques Hyest. Notre collègue Philippe Adnot évoquait le seuil de 1 500 habitants. Nous pensons que le seuil de 2 000 habitants est pertinent ; il correspond d’ailleurs à la définition retenue par l’INSEE pour les communes rurales. D’autres considèrent qu’il faut fixer le seuil à 500. C’est ce que disait l’AMF il y a quelque temps, mais elle a évolué depuis.

M. François Rebsamen. Et vous aussi !

M. Jean-Jacques Hyest. Quand on se rappelle combien avait été critiquée la procédure des schémas de l’intercommunalité, on s’aperçoit que, globalement, plus personne ne remet en cause le travail réalisé à ce sujet.

Mme Cécile Cukierman. À quel prix !

M. Jean-Jacques Hyest. La carte des intercommunalités est presque achevée et, malgré le changement de Gouvernement, les préfets ont confirmé les décisions qui avaient été prises antérieurement. Cela me permet de dire que les préfets sont au service de la République et qu’ils ont fait leur travail honnêtement.

Les quelques assouplissements bienvenus qui sont contenus dans la proposition d’Alain Richard que nous avons votée récemment devraient d’ailleurs faciliter la gestion des intercommunalités et éviter quelques crispations locales. Nous ne pouvons que nous satisfaire de voir nos choix confirmés sur ce sujet.

Pour en revenir au débat sur la région et le département, il faut convenir que, si tout a été tenté pour affaiblir les départements, ceux-ci ont résisté. Il reste qu’ils sont aujourd’hui en grand péril financier. Mes collègues développeront cet aspect inquiétant, sur lequel le Gouvernement, pour l’instant, n’avance aucune proposition, alors que, par exemple, l’effondrement du produit de la taxe sur les droits de mutation va encore aggraver la situation de la plupart des départements.

M. Bruno Sido. Eh oui !

Un sénateur du groupe socialiste. Ce n’est pas le cas de la Seine-et-Marne !

M. Jean-Jacques Hyest. La Seine-et-Marne a bénéficié de 38 millions d'euros d’Eurodisney, je le reconnais, mais c’est une exception.

Et pourtant, à la gauche de notre assemblée, vous vous étiez montrés particulièrement prolixes dans le combat parlementaire que vous aviez mené à ce sujet ; je ne sais pas si nous arriverons à en faire autant ! Vous voulez supprimer le conseiller territorial. Soit. Mais celui-ci représentait une véritable réforme – pas une réformette –, que votre conservatisme ne pouvait accepter. (Protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

Cette réforme visait à la fois à conforter le département et à clarifier et faciliter les relations entre les deux collectivités, maintenant le lien entre l’électeur et l’élu – ce que vous souhaitez faire pour les conseillers généraux – et assurant une juste représentation des territoires.

M. Gérard Miquel. Et la parité ?

M. Jean-Jacques Hyest. Au moment où l’on nous répète que les collectivités locales doivent prendre leur part dans la maîtrise des dépenses publiques, quelles économies auraient pu être réalisées, non pas sur les indemnités des élus, mais en évitant les doublons,…

M. François Rebsamen. Mais si, on aurait doublonné !

M. Jean-Jacques Hyest. … les agences de toutes sortes et les politiques dont l’intérêt est souvent purement clientéliste et d’affichage ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

Comme vous n’oubliez jamais l’intérêt politicien,…

M. François Rebsamen. Il est intéressant que vous fassiez cette remarque. On s’en resservira !

M. Jean-Jacques Hyest. … vous ne touchez pas au scrutin régional, mais vous profitez de l’occasion pour bouleverser fondamentalement le scrutin départemental.

Je rappelle d’ailleurs, monsieur le président Sueur, et nous le dirons à nouveau en défendant notre exception d’irrecevabilité, qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie le report à 2015 des élections régionales (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest. … puisqu’on peut très bien les coupler avec les élections européennes, qui ont le même mode de scrutin. Donc, vos raisons sont à rechercher ailleurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Henri de Raincourt. Mais où donc ? Dites-le nous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce ne sont pas les mêmes circonscriptions !

M. Jean-Jacques Hyest. Peu importe ! Tout le monde vote en même temps, que je sache. Lorsqu’on élisait à la fois les conseils généraux et les conseils municipaux, les circonscriptions n’étaient pas les mêmes. Donc, cet argument ne tient pas.

M. Pierre Hérisson. Il est bidon !

M. Jean-Jacques Hyest. Au nom de la parité, vous avez inventé un mode de scrutin incompréhensible pour l’électeur (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), inconnu, à une exception près – je ne sais si elle est islandaise ou écossaise, mais elle est exotique –,de la totalité des systèmes électoraux du monde occidental,…

Mme Françoise Cartron. Quel mal y a-t-il à innover ?

M. Jean-Jacques Hyest. … et qui, couplé à un redécoupage de ces nouvelles circonscriptions, les cantons bénéficiant désormais d’une représentation « binomiale »,…

M. Jackie Pierre. Une horreur !

M. Jean-Jacques Hyest. … va supprimer en fait la représentation des territoires, notamment ruraux, qui a toujours fait la spécificité des assemblées départementales.

De surcroît, sous l’apparente transparence des conditions mises à ce découpage…

M. Yves Daudigny. C’est la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest. … – écart de plus ou moins 20 %, continuité du territoire, interdiction de scinder une commune de moins de 3 500 habitants –, les nouvelles circonscriptions, selon l’intérêt de ceux qui tiendront les ciseaux,…

M. Claude Bérit-Débat. Cette fois, ce ne sera pas Marleix !

M. Jean-Jacques Hyest. … n’auront à tenir compte ni des limites administratives ou législatives, ni des intercommunalités, ni des limites actuelles des cantons, alors que, à l’inverse – vous nous l’avez assez répété en 2010 ! –, les circonscriptions législatives doivent être composées de cantons entiers, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Il y a là une belle contradiction !

M. Jackie Pierre. Ce n’est pas la première !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est assez dire que l’objectif non avoué de cette réforme, si l’on y ajoute le retour au seuil de 10 % pour être présent au second tour, pour favoriser les triangulaires…

M. Bruno Sido. Le Front national !

M. Jean-Jacques Hyest. … – on connaît cela depuis très longtemps, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981–, correspond à ce que vous pensez être l’intérêt purement électoral de la majorité actuelle.

Le moins que l’on puisse faire serait de confier l’examen du projet de découpage à une commission indépendante (Exclamations ironiques sur diverses travées.)

M. Claude Bérit-Débat. Comme vous le faisiez vous-mêmes…

M. Alain Bertrand. La COCOE ?

M. Jean-Jacques Hyest. …et de relever le seuil de plus ou moins 20 %, dont la justification, quoi qu’on en dise, n’est pas totalement avérée.

M. Daniel Raoul. Allez chercher Pasqua !

M. Alain Bertrand. Ou Marleix !

M. Jean-Jacques Hyest. Je rappelle d’ailleurs que, jusqu’à présent, selon la jurisprudence du Conseil d’État, il convient de procéder à un redécoupage cantonal si un canton dépasse le double de la moyenne départementale.

M. Bruno Sido. Voilà ! C’est 40 % !

M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi ne pourrait-on pas s’inspirer de la jurisprudence du Conseil d’État pour remonter le seuil ?

Pour tout dire, le seuil de plus ou moins 20 % ne me paraît pas choquant.

M. Bruno Sido. À moi, si !

M. Jean-Jacques Hyest. J’observe toutefois que, dans certains départements où seront regroupés huit ou dix cantons, le découpage cantonal n’aura plus de sens.

M. Jean-Jacques Hyest. Certains cantons seront tellement vastes que, dans ces départements, tous les conseillers généraux représenteront le centre et que la périphérie ne disposera plus que d’une représentation symbolique. Je doute que ce soit un bon modèle ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

J’ajoute enfin que, si la Constitution nous oblige à favoriser la parité en matière d’élection, nous avons, lors du débat sur la loi de 2010, fait d’autres propositions pour y parvenir, et si ce scrutin « binominal » est si merveilleux, pourquoi ne pas l’appliquer demain aux députés ? (Oui ! sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Et aux sénateurs !

M. Jean-Jacques Hyest. Nous montrerons, au cours de l’examen des articles, toutes les impasses et même les risques d’inconstitutionnalité que ce scrutin risque d’entraîner.

Monsieur le ministre, votre approche était sympathique, puisque, selon vous, tout va bien et qu’on devrait s’entendre et s’embrasser – « Embrassons-nous, Folleville ! » –, mais ce n’est quand même pas tout à fait cela… Vous savez très bien que, au lieu de conforter la démocratie locale, votre projet, dont on a bien compris l’objectif, risque, en l’état, de décourager un peu plus nos concitoyens de se rendre aux urnes lors des élections locales, sans clarifier aucunement les responsabilités et les enjeux, ce qu’exigeraient une vraie simplification des structures locales et une réelle avancée en matière de démocratie locale.

Je l’ai toujours dit, je suis pour une opposition constructive, mais ferme sur certains points : d’accord pour tout ce qui concerne l’intercommunalité – d'ailleurs, pourquoi serions-nous contre alors que nous avions nous-mêmes fait des propositions à cet égard ? –, mais pour ce qui est du système que vous préconisez pour « aménager », comme vous dites, l’élection des conseils généraux, je suis définitivement contre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous occupe a été examiné en conseil des ministres le 28 novembre dernier et le rapport en commission, particulièrement dense – nous en félicitons d’ailleurs son auteur, notre collègue Michel Delebarre – fut présenté devant notre commission des lois dès le 19 décembre sans que le ministre ait été entendu pour présenter son projet et sans aucune audition préalable devant notre commission, ce qui n’est pas une manière habituelle de travailler au Sénat.

Mme Éliane Assassi. De plus, alors que nous entamons la discussion de ce texte en séance publique, notre commission n’a pas encore examiné les amendements dits extérieurs déposés sur ce projet.

Mme Éliane Assassi. Cette précipitation ne nous a donc pas laissé le temps d’organiser une véritable concertation…

M. François Grosdidier. Voilà, nous l’avons dit !

Mme Éliane Assassi. Vous direz ce que vous avez envie de dire et, moi, je dis ce que j’ai envie de dire. Je n’ai surtout pas besoin de votre soutien ou de vos remarques !

M. François Grosdidier. Mais vous dites la même chose que nous !

Mme Éliane Assassi. Cette précipitation ne nous a pas permis d’organiser une véritable concertation pour parvenir au rapprochement des positions des uns et des autres, en particulier au sein de la majorité de gauche de notre Haute Assemblée.

Ce débat doit pourtant avoir lieu et nous espérons qu’il se déroulera durant les séances que nous allons consacrer à ce texte.

Nous osons espérer, en particulier, que le positionnement gouvernemental sur les principales mesures contenues dans ce projet de loi s’assouplira au cours de nos échanges et permettra à notre majorité de se rassembler sur un texte réorganisant les modes de scrutin départementaux et communaux, comme nous avions su nous rassembler – vous l’avez dit, monsieur le ministre – pour abolir le conseiller territorial.

L’annulation de ce conseiller territorial ayant été faite, y compris à l’Assemblée nationale, il suffisait, nous semble-t-il, d’un texte pouvant être adopté rapidement, tendant à reporter les élections départementales et régionales en 2015 et à instituer le fléchage. Nous aurions eu alors plusieurs mois devant nous pour mettre en place le mode de scrutin des nouveaux conseillers départementaux, donc le temps nécessaire à une réflexion commune approfondie, pour déterminer celui qui correspondrait le mieux à la prise en compte des principes auxquels chacun d’entre nous est attaché.

Dans ces conditions, un accord pouvait être recherché, à condition, bien sûr, que vous en ayez la volonté, monsieur le ministre.

Malheureusement, les conditions de présentation et d’examen du texte que vous avez décidé de nous soumettre ne permettront pas, nous le craignons, de parvenir à cet accord.

Un sénateur de l’UMP. Eh oui, c’est dommage !

Mme Éliane Assassi. Nous le regrettons, mais nous espérons encore y parvenir au cours de nos débats. Tel est notre état d’esprit à l’ouverture de nos travaux sur votre projet de loi.

Je commencerai par ce qui nous rassemble sur ce texte.

Comme je l’ai déjà laissé entendre, nous sommes favorables au report des élections départementales et régionales à 2015. En effet, outre que l’organisation de trois scrutins le même jour soulèverait des difficultés techniques insurmontables dans bon nombre de communes, rallonger d’un an le mandat des élus départementaux et régionaux – ce mandat, je le rappelle, avait été raccourci par l’ancienne majorité –…

Mme Éliane Assassi. … ne nous pose aucun problème, et nous sommes satisfaits que le scrutin municipal soit organisé de façon autonome, tant nous tenons à sa spécificité.

Mme Éliane Assassi. Dans cette perspective, il s’agit même d’une avancée puisque, en de nombreux endroits, un scrutin cantonal était auparavant organisé simultanément.

Donc, sur ce chapitre, le Gouvernement a notre soutien, tout comme s’agissant de sa proposition de renouvellement complet des conseils départementaux tous les six ans, ainsi que sur le changement de nom des conseils et conseillers généraux.

Nous soutenons aussi votre démarche permettant d’élargir le scrutin de liste à la proportionnelle à un grand nombre de communes, en abaissant le seuil aujourd'hui fixé à 3 500 habitants.

Vous le savez, nous sommes de ceux qui souhaiteraient la généralisation de ce mode de scrutin à toutes les communes de France. Aussi, nous saluons le progrès que représente à cet égard votre proposition. Alors que ce type de scrutin ne touche actuellement qu’environ 10 % de nos communes, plus de 30 % d’entre elles seraient concernées par votre mesure.

Toutefois, et ne voyez pas là une simple volonté de surenchère, nous proposerons d’élargir encore le champ de la réforme pour permettre aux citoyens de 7 000 communes supplémentaires de profiter de cette avancée démocratique. Cela serait possible en abaissant le seuil non pas à 1 000 habitants, comme vous l’avez prévu, mais à 500 habitants.

Outre qu’il permet un meilleur respect du pluralisme, ce qui est essentiel à nos yeux, le scrutin de liste à la proportionnelle constitue également une avancée du point de vue de la parité, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Dans l’ensemble de ces communes, il y aura ainsi dorénavant quasiment autant d’élus des deux sexes. C’est une raison de plus de renforcer ce dispositif.

C’est d’ailleurs le respect de ce principe de parité, auquel nous sommes fortement attachés, qui semble être à l’origine de votre proposition de scrutin binominal pour l’élection des conseillers départementaux.

Si nous comprenons et partageons votre souci d’élargir la représentation paritaire dans les assemblées départementales, dont le taux de féminisation atteint à peine 13 %, nous ne pouvons pour autant accepter que cette mesure se traduise par un recul en termes de pluralisme.

Le fait d’élire en même temps deux candidats sur un même canton entraînera de façon quasi automatique un renforcement du bipartisme au détriment de la représentation de la diversité des idées.

M. Jackie Pierre. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Là où deux élus de sensibilités différentes pouvaient être élus, il y aura dorénavant, à coup sûr, deux élus du même courant politique. Nous ne saurions accepter un tel recul démocratique.

À nos yeux, le binôme républicain, c’est à la fois la parité et le pluralisme. Or, pour atteindre ces deux objectifs constitutionnels, il n’y a qu’un mode de scrutin possible : l’élection à la proportionnelle sur une liste composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.

Nous avons vu les effets positifs d’un tel scrutin aux élections municipales et régionales. Personne ne le remet en cause aujourd’hui, si ce n’est pour contester l’importance de la prime majoritaire attribuée à la liste arrivant en tête, qui aboutit à réduire trop fortement la place de l’opposition.

Si votre proposition était retenue, le scrutin départemental serait la seule élection locale sans aucune représentation proportionnelle. Ce choix n’est ni compréhensible ni acceptable.

L’élection départementale deviendrait un anachronisme démocratique d’autant plus remarquable que, à la suite du rapport Jospin, il semblerait, monsieur le ministre, que votre gouvernement envisage d’introduire une part de proportionnelle dans les élections législatives.

Aussi, avec un amendement de principe et un amendement de repli que nous présenterons au cours du débat, nous vous demanderons de répondre aux attentes démocratiques visant à créer les conditions d’une représentation plus juste du pluralisme républicain, auquel nous sommes tous – j’en suis certaine – très attachés. Vous devriez nous rassurer quant à votre volonté de sauvegarder réellement le pluralisme !

Du reste, nous soutiendrons par nos votes toute nouvelle avancée vers une meilleure représentation de la diversité des idées.

Pour parvenir à une meilleure et plus juste représentation des idées, il n’est pas interdit de faire œuvre de réflexion et d’intelligence – nous n’en manquons pas ! – afin d’inventer un mode de scrutin qui satisfasse les différentes exigences de pluralisme, de parité et d’ancrage dans les territoires, si ce sont bien là les objectifs que vous entendez viser.

Nos interrogations, nos inquiétudes et nos désaccords concernent également le mode d’élection des délégués communautaires.

Je souhaiterais d’abord relever le changement sémantique : les délégués des conseils municipaux au sein des assemblées communautaires deviennent des conseillers. Ils ne seront plus des représentants des conseils municipaux, mais des élus au suffrage universel, représentant leur commune, et donc leurs électeurs au sein des intercommunalités. Ils changent par conséquent de statut.

Alors que les intercommunalités tirent leurs prérogatives du transfert de compétences des communes, qui en restent responsables de par la loi, nous entendons dorénavant parler de « bloc communal », ce qui met sur un pied d’égalité les communes et les intercommunalités, comme si ces dernières étaient devenues des collectivités territoriales de plein exercice. On parle même de « compétences partagées », une notion qui renforce toujours davantage la place des intercommunalités au détriment des communes.

Je le rappelle, nous avions combattu la réforme sarkozyste de 2010, qui réduisait la libre administration des communes et renforçait leur intégration au sein d’intercommunalités dotées de périmètres élargis. Nous n’avons pas changé d’avis.

Aussi sommes-nous actuellement doublement inquiets.

D’une part, nous constatons que cette réforme continue de s’appliquer. Je pense en particulier aux pouvoirs actuellement dévolus aux préfets pour mettre en place, de façon autoritaire, pendant six mois, des intercommunalités, sans même tenir compte des avis des commissions départementales, et pour forcer au regroupement les communes récalcitrantes.

L’actualité est là pour le rappeler, les contentieux se multiplient, comme dans le département de la Loire, par exemple. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je réitère la demande adressée par notre groupe au Gouvernement de mettre à la disposition du Sénat un état précis de la rationalisation de la carte intercommunale dans les départements.

D’autre part, notre inquiétude est renforcée par l’avant-projet relatif à une nouvelle étape de décentralisation, qui accroît encore les compétences obligatoirement transférables des communes aux intercommunalités, organisant ainsi une véritable « évaporation » de nos communes.

Dans ce contexte, la transformation du mode de désignation des conseillers communautaires, qui seraient dorénavant élus au suffrage universel direct par fléchage, apparaît comme la première étape d’une disparition programmée des communes. Nous ne saurions accepter une telle évolution.

M. Roland Courteau. Nous non plus !

M. François Rebsamen. Ce que vous dites n’est pas vrai, madame Assassi !

Mme Éliane Assassi. Nous verrons bien lorsque nous en débattrons !

Comme la majorité des 20 000 élus locaux qui se sont exprimés durant les états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, nous demandons que les conseillers communautaires redeviennent des délégués élus par les conseils municipaux, auxquels ils doivent rendre compte.

Il ne s’agit pas là d’une volonté de statu quo puisque nous proposons de réintroduire ce mode de désignation tout en assurant, cette fois, la promotion du pluralisme et de la parité : l’élection des délégués communautaires se ferait au scrutin proportionnel sur une liste comportant autant de noms qu’il y a de sièges à pourvoir et composée alternativement d’un candidat de chaque sexe.

Chacun l’aura compris, malgré les nombreuses mesures qui recevront notre accord et les objectifs du Gouvernement que nous partageons, notamment en termes de parité, les points de désaccord que je viens d’exposer ne nous permettront pas de soutenir ce projet de loi, sauf à ce que les propositions que nous formulerons dans nos amendements soient reprises par notre Haute Assemblée.

Pour terminer sur une note positive et, me semble-t-il, porteuse d’avenir, j’aimerais relever un point du texte de la commission auquel nous sommes tout à fait favorables : le remplacement de la primauté du droit d’aînesse en cas d’égalité des voix au profit des plus jeunes.

Mme Éliane Assassi. Nous soutenons cette marque de confiance à l’égard de la jeunesse et nous vous proposerons, par des amendements, d’étendre cette solution à divers scrutins.

Monsieur le ministre, nous sommes prêts à faire bouger les lignes, à porter le changement pour qu’il ouvre la porte au progrès social et démocratique. Dans cette perspective, quoi que vous en pensiez, vous pourrez toujours compter sur le soutien de notre groupe. Malheureusement, comme je l’ai précédemment indiqué – cela ne surprendra donc personne ! –, votre projet ne traduit pas notre volonté de changement. Nous le regrettons vivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m’est difficile de commencer mon propos sans évoquer les conditions d’examen de ces textes par notre assemblée, que Mmes Troendle et Assassi ont déjà, à raison, dénoncées.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet lors de la conférence des présidents. J’ai cru comprendre que les remarques que j’avais faites avaient recueilli un certain assentiment : comment le Sénat peut-il examiner dans un laps de temps aussi réduit un texte aussi important et lourd de conséquences non seulement pour les élus départementaux ou municipaux que nous sommes, mais également pour tous nos concitoyens ?

M. François Zocchetto. Je me bornerai à rappeler qu’aucun membre du Gouvernement n’a pu être auditionné préalablement à notre séance de ce soir. Je vous le dis franchement, monsieur le ministre de l’intérieur, il est absolument anormal que la commission des lois n’ait pu vous entendre.

Il a fallu toute l’expérience et toute la dextérité de notre rapporteur pour pallier l’insuffisance d’informations. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Je tenais à le dire, car une telle situation n’est pas normale. Une nouvelle fois, nous constatons un fonctionnement totalement défectueux dans les relations entre le Gouvernement et le Parlement. Nous avions cru que cet état de fait tenait à une phase de rodage, limitée à l’année 2012. Hélas, nous avons l’impression qu’il nous faudrait nous y habituer – mais nous nous y refusons – puisque la situation reste la même en 2013, même avec vous, monsieur le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Je n’ai même pas été invité !

M. François Zocchetto. Certes, mais c’est vous qui avez choisi de nous imposer des délais aussi courts ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Manuel Valls, ministre. Je vous ai reçu, monsieur Zocchetto, et vous n’aviez pas le même ton !

M. François Rebsamen. C’est l’effet de la tribune et de la séance publique !

M. François Zocchetto. Définir un mode de scrutin est un acte éminemment politique.

Notre mode de scrutin départemental n’est pas sans failles : la faible présence des femmes parmi les conseillers généraux, les grands déséquilibres démographiques et la difficulté à faire émerger des politiques départementales sont autant de raisons légitimes de le modifier. Encore faut-il le faire dans un esprit de concorde, de lisibilité et de sincérité vis-à-vis de nos territoires et de leurs populations.

En tout cas, personne dans cet hémicycle ne pourra dénier à votre texte sa qualité principale : la créativité ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme Catherine Troendle. C’est bien vrai !

M. François Zocchetto. La solution proposée, celle du scrutin binominal, est pour le moins pittoresque – on pourrait utiliser bien d’autres qualificatifs ! – et constituera sans aucun doute une première mondiale.

M. François Rebsamen. On a eu le conseiller territorial, il fallait bien qu’on fasse quelque chose !

M. François Zocchetto. L’exception française ne sera plus seulement culturelle, elle sera désormais électorale ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Aussi, au moment où nous entamons ce débat, je tiens à affirmer de manière claire que les membres du groupe UDI-UC sont unanimement et fermement opposés au mode de scrutin que vous nous proposez pour les élections départementales. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Permettez-moi de vous le dire, il est tout simplement absurde de ne prévoir qu’une solidarité de droit entre deux candidats, laquelle s’évanouirait une fois ceux-ci élus. Comment se sentir solidaire des moindres dépenses de campagne de son « ticket électoral » ou de son colistier s’il n’y a aucune autre forme de solidarité durant le mandat qu’une entente politique ?

Je vous donne rendez-vous dans quelques mois ou quelques années : l’avenir risque de nous réserver bien des surprises, car nous n’avons certainement pas imaginé tous les cas de figure qui vont se présenter ! (Sourires et exclamations sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

Au-delà des conjectures que l’on peut d’ores et déjà faire sur ce nouveau mode de scrutin, force nous est de sonner l’alarme : conjuguée avec le redécoupage des cantons, cette innovation que constitue le scrutin binominal conduira à « écraser » la représentation des territoires ruraux…

M. François Zocchetto. … au seul bénéfice de l’urbain, et encore n’en suis-je pas certain !

En divisant par deux le nombre de cantons dans les départements, sur des bases démographiques, le Gouvernement donne une prime sans précédent à la représentation des agglomérations au détriment des campagnes, de la ruralité, de la diversité et de la richesse de nos territoires. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Vous aurez du mal à aboutir à une représentation politique cohérente et opérationnelle des départements dès lors que, en instaurant l’élection de deux représentants par canton, vous vous apprêtez à introduire la zizanie sur l’ensemble du territoire. Je le dis franchement, plutôt que d’empêcher les départements de fonctionner, car c’est bien ce qui va se passer, autant annoncer dès à présent leur suppression ! (MM. Daniel Dubois, Jackie Pierre et Ronan Dantec applaudissent.)

Vous avez fait le choix de ne pas augmenter le nombre de conseillers généraux.

M. François Rebsamen. Vous, vous aviez fait le choix de les faire disparaître !

M. François Zocchetto. Soit ! C’est raisonnable. Mais vous auriez probablement dû mieux répartir le nombre de conseillers existants.

Dans le Rhône, par exemple, chacun des conseillers départementaux représenterait 80 000 habitants au minimum. Par comparaison, une commune de 80 000 habitants est aujourd'hui administrée par 53 conseillers municipaux. Un territoire aussi important ne disposerait donc que d’un seul représentant !

Autant supprimer d’un trait la représentation politique de la ruralité et le faire en toute franchise, en toute transparence ! Cela aurait le mérite de la clarté !

M. Michel Mercier. Tout à fait !

M. François Zocchetto. Monsieur le ministre, ne serait-ce que pour cette raison, nous sommes décidés à combattre cette réforme, qui remet fondamentalement en cause la politique d’aménagement et de solidarité territoriale menée dans les départements français.

Il est vrai que, d’après l’étude d’impact du projet de loi, les disparités démographiques entre les cantons d’un même département sont importantes puisque le rapport peut aller de 1 à 47. Nous convenons donc – comme tout un chacun, me semble-t-il – qu’un remodelage de la carte cantonale est indispensable.

Toutefois, le projet de loi prévoit que toute modification des délimitations territoriales des cantons devra respecter un certain nombre de critères, et notamment la fameuse règle des plus ou moins 20 %. Il prévoit également de diviser par deux le nombre de cantons, en raison de votre ingénieux mode de scrutin…

M. François Rebsamen. Inspiré par le souci de la parité !

M. François Zocchetto. Au vu de ces éléments, il n’est pas très compliqué de déduire que le pourcentage de 20 % est très nettement insuffisant, non seulement pour les zones de montagne, mais aussi pour toutes les zones à faible densité de population, pour lesquelles le respect de ce seuil conduira à la constitution de cantons gigantesques, sans aucune cohérence géographique ou historique, obéissant à la seule exigence arithmétique de la loi.

M. François Zocchetto. Or, monsieur le ministre, une loi, aussi bien rédigée soit-elle – ce qui n’est pas le cas de celle-ci –, ne peut se substituer à l’identité d’un territoire, lequel, pour un très grand nombre de nos concitoyens, est une réalité vécue au quotidien, et non une simple circonscription électorale ou administrative. À cet égard, une des failles de votre projet de loi est de n’avoir pas intégré la notion de « bassin de vie » ni même les communautés de communes dans la représentation départementale. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Aussi proposerons-nous la suppression de ce seuil de plus ou moins 20 %,…

M. Bruno Sido. Très bien !

M. François Zocchetto. … pour laisser plus de souplesse au redécoupage à venir. En effet, jusqu’à présent, la jurisprudence du Conseil d’État a été parfaitement compréhensible. Pour notre part, puisque vous souhaitez fixer des seuils dans la loi, nous proposerons au Sénat que la population d’un canton soit comprise entre plus et moins 50 % de la population moyenne cantonale du département,…

M. Bruno Sido. Très bien !

M. François Zocchetto. … afin de conserver la proximité et l’ancrage des conseillers départementaux. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. François Rebsamen. Le Conseil constitutionnel, vous connaissez ?...

M. François Zocchetto. En la matière, la souplesse est la seule option possible.

Venons-en maintenant au calendrier électoral. (Ah ! sur de nombreuses travées de l'UMP.)

La concomitance des élections régionales et départementales est une disposition à laquelle nous pourrions, a priori, faire bon accueil.

Le Gouvernement motive l’article 21 du projet de loi par l’analyse des résultats de participation obtenus depuis vingt-cinq ans au second tour des élections cantonales. Si l’on y intégrait les élections partielles, les chiffres seraient, je le crains, assez affligeants.

En revanche, monsieur le ministre, vous soulignez que, en 1992, l’organisation, le même jour, des élections régionales et cantonales a conduit à une chute significative du taux d’abstention et que, a contrario, en 2004, la participation s’est élevée à 66,5 % au second tour. La convocation du corps électoral pour deux scrutins simultanés est donc sans doute de nature à stimuler l’électeur et à donner davantage de contenu à sa démarche de citoyen.

Toute initiative dans le sens de la lutte contre l’abstentionnisme aux élections locales doit être appuyée et accompagnée.

M. François Zocchetto. Monsieur le ministre, en cela, nous vous soutenons.

Pour autant, permettez-moi de formuler une interrogation majeure : en quoi l’institution de la concomitance des élections départementales et régionales impliquait-elle de modifier le calendrier électoral ?

M. Roland Courteau. Nous l’avons expliqué !

M. François Zocchetto. Cette modification n’était absolument pas nécessaire ! La raison en est simple : cette concomitance des deux élections a déjà été organisée par la précédente majorité, à travers la loi du 16 février 2010.

Vous me répondrez que vous supprimez le conseiller territorial, qui, avant même d’exister, a d’ailleurs rejoint le cimetière de l’histoire des institutions…

M. Roland Courteau. Opportunément !

M. François Zocchetto. Cela étant, sauf erreur de ma part, la loi du 16 février 2010 me semble juridiquement autonome de la création du conseiller territorial.

Et nous ne comprenons pas – ou, plus exactement, nous craignons de trop bien comprendre –…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. François Zocchetto. … pourquoi vous bouleversez le calendrier des prochaines élections locales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. François Zocchetto. Premièrement, les élections intermédiaires ont toujours été compliquées pour un mouvement politique qui détient les rênes des responsabilités nationales. C’est d’autant plus vrai que vous êtes également à la tête d’une majorité de conseils généraux.

C’est pourquoi, dès l’examen du projet de loi en commission, les membres du groupe UDI-UC ont déposé des amendements visant à supprimer le report des élections locales en 2015. Nous défendrons ces mêmes amendements en séance. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Deuxièmement, pour modifier le calendrier électoral, il faut des motifs valables !

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. François Zocchetto. Or quels sont ceux qui justifient le report des élections régionales ?

L’argument selon lequel personne ne se déplacerait pour les seules élections départementales est un peu mince…

M. Bruno Sido. En plus, c’est faux !

M. François Zocchetto. Enfin, n’oublions pas que le résultat des élections aura des conséquences sur le collège des grands électeurs. (Eh oui ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Permettez-moi d’évoquer ce sujet, que personne n’a encore abordé jusqu’à présent.

Pour nous, le fait que des élections sénatoriales aient lieu en septembre 2014 constitue une raison supplémentaire d’être fermement opposés à la modification du calendrier. En effet, on voit très bien comment, par une succession de textes dans les semaines ou les mois à venir, vous pourriez modifier la composition du corps électoral pour les élections sénatoriales ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

M. Bruno Sido. La ficelle est un peu grosse !

M. François Zocchetto. Ces textes, vous avez le droit de les proposer. Pour notre part – surtout en notre qualité de sénateurs –, nous avons le droit de nous y opposer !

Pour terminer sur cette question du calendrier, je dirai que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de nous donner sa vision des choses, et je crains, monsieur le ministre, que ce ne soit pas celle que vous avez retenue…

M. Alain Néri. Nous verrons ! C’est ce que vous aviez pronostiqué à propos du 19 mars, et vous l’avez eu « dans le baba » !

M. François Zocchetto. Concernant le fléchage, nous partageons votre souci d’apporter plus de flexibilité au système existant.

Monsieur le président de la commission des lois, je regrette quand même la complexité déconcertante du mécanisme issu des travaux de cette commission, à laquelle j’appartiens. Cela étant, je sais que l’on peut compter sur la science des sénateurs pour améliorer ce dispositif.

M. François Zocchetto. J’en viens au mode de scrutin pour les élections municipales. Je ne serai pas très long.

M. Jean-Michel Baylet. Cela tombe bien, il ne vous reste que quelques minutes !

M. François Zocchetto. Vous avez souhaité fixer à 1 000 habitants le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste.

C’est un vieux débat ; nous en avons parlé souvent. Pour notre part, nous proposerons – à la grande majorité des membres de notre groupe – de fixer ce seuil à 1 500 habitants.

M. François Rebsamen. Vous l’aviez établi à 500 pour le conseiller territorial ! C’est incroyable !

M. François Zocchetto. J’évoquerai maintenant la question du seuil pour se présenter au second tour de l’élection départementale. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

M. Bruno Sido. Là encore, la ficelle est grosse !

M. François Zocchetto. Il est curieux que ledit seuil, fixé jusqu’à présent à 12,5 % des inscrits, soit, au détour de ce texte, abaissé à 10 %. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Sur ce sujet, permettez-nous de faire preuve de perspicacité et de nous demander quelle a pu être la motivation d’un tel abaissement. C’est un peu comme lorsqu’on se demande quel est l’objet d’un délit, même si je n’ose employer ce terme en l’occurrence : il s’agit d’un simple raisonnement par analogie. (MM. François Rebsamen et Alain Néri protestent.)

Appliqué aux résultats des dernières élections cantonales, cet abaissement à 10 % du seuil aurait tout simplement provoqué plus de 200 triangulaires (M. Bruno Sido s’exclame.), configuration que, me semble-t-il, personne ne souhaite dans cette enceinte !

M. François Grosdidier. Si, les socialistes ! Ils instrumentalisent le Front national !

M. François Zocchetto. Vous savez très bien qui sont les tiers qui interviennent au deuxième tour de l’élection !

M. François Zocchetto. Si vous ne l’avez pas compris, je vous le dis sans détour : ce sont les candidats du Front national !

Les membres de l’UDI-UC ne souhaitent pas la survenue de telles triangulaires. Par conséquent, ils s’opposeront à l’abaissement du seuil à 10 % ! (Applaudissements travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. François Zocchetto. En fin de compte, l’erreur que vous avez commise – du reste, vous n’êtes pas les premiers à la commettre – est d’avoir voulu réformer le mode d’élection des élus sans avoir décidé au préalable comment allaient évoluer les missions des collectivités – en l’occurrence, des départements.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. François Zocchetto. Pour m’exprimer de manière triviale, je dirai que, comme d’habitude, vous avez mis la charrue avant les bœufs !

En effet, si l’on n’en connaît pas encore les détails, on nous a quand même bel et bien annoncé l’acte III de la décentralisation ! Dès lors, pourquoi ne pas avoir redéfini les missions de chaque niveau de collectivité avant de bouleverser en profondeur la désignation des élus des départements…

M. Bruno Retailleau. Bien sûr !

M. François Zocchetto. … et, dans une moindre mesure, des élus intercommunaux ?

Vous l’avez compris, le groupe UDI-UC est fermement opposé à ce texte. Non qu’il ne souhaite pas débattre des questions relatives à l’évolution des collectivités territoriales ! Nous avions certes critiqué les travers du conseiller territorial, mais reconnaissons que celui-ci participait d’une vision renouvelée et ambitieuse de nos collectivités. (MM. Roland Courteau et François Rebsamen s’exclament.) Dans le présent texte, la seule innovation réelle réside dans un mode de scrutin qui désorganisera l’action des élus départementaux et, surtout, portera une atteinte grave aux territoires, en particulier aux territoires ruraux. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faut-il s’écrier : « Le conseiller général est mort, vive le conseiller départemental » ?

M. Jacques Mézard. Tel est l’objet du présent débat, conséquence directe de la création, puis du décès du trop fameux conseiller territorial.

Nous passons de l’être électoral hybride au couple électoral strictement hétérosexuel (Exclamations amusées.), au moment même où le Gouvernement lance le projet du mariage pour tous. (Bravo ! rires et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Ainsi, la parité devient la norme, sauf dans la sphère privée.

D’ailleurs, que se passera-t-il quand le couple ne sera plus d’accord ? Vous n’avez rien prévu pour une telle situation !

Mes chers collègues, permettez-nous de relever que, au sein des deux partis dominants, il existe des esprits suffisamment tortueux pour inventer, d’un côté, le conseiller territorial et, de l’autre, le scrutin binominal.

C’est dire notre manque d’enthousiasme ! En effet, si nous avons compris la volonté du Gouvernement, le seul choix que vous concevez doit s’effectuer entre un scrutin départemental proportionnel et ce scrutin binominal. Pour des élus qui, comme nous, sont essentiellement issus d’un contrat personnel de confiance avec les électeurs de nos territoires, cela revient quand même, en grande partie, à faire un choix entre la guillotine et la corde… (Rires.)

Cela étant dit, partons de ce qui est une réalité : la représentation cantonale actuelle est le plus souvent totalement déséquilibrée en espace et en ratio de population, avec des écarts considérables et inacceptables, nous le reconnaissons bien volontiers.

Dans ces conditions, il y a urgence à rétablir les équilibres démographiques, conformément aux indications du Conseil d’État et aux règles constitutionnelles ; monsieur le ministre, nous sommes totalement d’accord sur ce point.

Néanmoins, dans la perspective d’un vote de ce texte, il serait opportun que vous puissiez dès à présent répondre à plusieurs interrogations, qui sont d’abord d’ordre constitutionnel.

En premier lieu, quid de la constitutionnalité d’un scrutin binominal ? Est-il possible de considérer que la notion de représentativité puisse être partagée de manière binominale pour exercer des fonctions par essence confondues ? Est-il possible de se soustraire au principe de l’individualisation de l’égalité de représentation liant, selon les principes de notre droit constitutionnel, l’électeur à son représentant ? Peut-on concevoir une individualisation binominale ?

MM. Bruno Retailleau et François Grosdidier. Bonne question !

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour répondre à ces interrogations !

En second lieu, le système que vous envisagez entraîne, dans tous les départements, un changement total des circonscriptions électorales. Or l'article 34 de la Constitution précise notamment que la loi fixe les règles concernant « le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales […] ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ».

Le canton est la circonscription électorale des conseils généraux, aujourd'hui, des conseils départementaux, demain. Si l'ordonnance du 2 novembre 1945 donne les orientations à suivre dans la procédure relative aux modifications des limites territoriales des cantons, ces modifications sont opérées sur la base de décrets en Conseil d'État, après consultation des conseils généraux. Cela étant, en l'occurrence, il s’agit d'une modification générale de circonscriptions électorales, pour laquelle la procédure législative paraîtrait plus appropriée.

M. Bruno Sido. C’est exact !

M. Jacques Mézard. La question est d’ailleurs soulevée dans le rapport, fût-ce de manière brève.

Quelle est, monsieur le ministre, votre position sur ce point ?

Au-delà de ces questions relevant du domaine constitutionnel, le présent projet de loi présente, selon nous, des aspects positifs et des aspects négatifs.

Parlons tout d'abord de la forme : on ne peut pas dire que ce texte soit le résultat d'une véritable concertation, même si je reconnais bien volontiers, monsieur le ministre, que vous nous avez entendus directement. Dont acte !

Il n'est pas issu de l'excellent travail de la mission Belot et du rapport cosigné par nos collègues Jacqueline Gourault et M. Yves Krattinger, et qui avait pour titre l'Intelligence territoriale.

À ma connaissance, aucune association d'élus ne revendique la paternité du binôme. D’ailleurs, le silence du président de l'Association des départements de France est parfaitement perceptible.

Et soutenir que ce projet serait la résultante des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat relèverait d’un raccourci provocateur.

M. Jacques Mézard. Ce projet présente incontestablement deux grands avantages : il permet la mise en place d'une parité totale et, en rejetant la proportionnelle départementale, il évite les excès et les déséquilibres découlant de l'entrée de sensibilités extrémistes, et il fait en sorte que le choix des futurs conseillers départementaux ne soit pas laissé aux apparatchiks professionnels de la politique des partis dominants.

Ne nous cachons pas derrière des paravents : ce à quoi votre gouvernement se refuse, tout comme le gouvernement Fillon avant lui, c'est à dire clairement quel avenir – au moins à moyen terme – il entend réserver aux départements. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

S'agit-il de les effacer progressivement ? Allez-vous les diluer en douceur ? Il faudra bien qu’un jour les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, disent clairement quel est, à cet égard, leur objectif.

J’ajoute que ce débat est aujourd'hui peu connu de nos concitoyens. Une infime minorité d'entre eux est aujourd'hui consciente qu'un canton sur deux va disparaître. Du reste, nombre de conseillers généraux n'ont pas encore compris que vous avez décidé de les faire profiter d'une retraite anticipée. (Rires.)

Monsieur le ministre, il eût été bon que le Gouvernement définisse, s’agissant de tout ce qui concerne les collectivités territoriales, une vision stratégique nette, incluant une clarification des compétences et des différentes strates, appréhendant la question de leur financement, particulièrement au regard de la péréquation horizontale et verticale.

Nous allons voir arriver des textes successifs dont la cohérence n’est pas assurée.

Pour en revenir au texte même du projet de loi, il est évident que la diminution drastique et arbitraire du nombre des cantons peut avoir des conséquences néfastes dans les territoires ruraux.

Oui, il fallait, il faut un rééquilibrage entre territoires urbains sans représentation suffisante et zones rurales, mais le carcan des plus ou moins 20 % étant maintenu pour le découpage des nouveaux cantons, vous risquez de créer un déséquilibre en sens inverse.

Le Sénat est, vous le savez, en application de l'article 24 de la Constitution, le représentant des collectivités locales de la République. Notre rôle constitutionnel est donc de vous rappeler que le découpage du canton doit se faire de manière équilibrée, en tenant compte de la démographie, mais aussi des territoires.

À ce propos, il est tout à fait regrettable que l'article 40 ait été utilisé pour empêcher la discussion au Sénat de nombre d'amendements de plusieurs groupes, qui visaient notamment le problème de la déstructuration des cantons.

M. Jacques Mézard. J’estime que c’est une dérive qui contrevient au débat démocratique. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

L'argument financier sur le coût que représente le nombre d'élus, lequel ne joue d’ailleurs qu’à la marge, pouvait être facilement écarté par de nouvelles dispositions sur les indemnités.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi va devenir, dans nos départements, un projectile à retardement, dont les effets seront plus importants que vous ne le pensez. Je crois qu’il serait bon d’accepter un peu de concertation – il n’y en a pas eu suffisamment –, de tenir compte d’un certain nombre d’observations, émanant d’ailleurs de tous les bancs, et du rôle particulier du Sénat sur la question des collectivités territoriales.

Certains textes annoncés pour les mois qui viennent, qu’ils concernent, par exemple, le Haut conseil des territoires ou le non-cumul des mandats, pourraient nous faire craindre, monsieur le ministre, que la volonté du Gouvernement ne soit d'affaiblir le Sénat et le bicamérisme.

Du reste, le récent débat sur la péréquation départementale a rendu palpable un certain mépris pour notre institution… Le Gouvernement a mis en place un ministre en charge de l'égalité territoriale. La résolution du RDSE sur l'égalité territoriale a été votée le 13 décembre 2012 à l'unanimité par le Sénat. Or, dès le lendemain, à l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement aggravait la situation des départements ruraux au regard de la péréquation ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Le texte sur l'élection des conseillers départementaux ne doit pas aggraver la fracture territoriale, qui continue à se creuser. Notre groupe, monsieur le ministre, qui a très majoritairement soutenu tous les textes de l’actuel gouvernement depuis que celui-ci est en place, est à l'écoute des réponses que vous voudrez bien lui apporter sur les questions nous venons de vous poser. Le vote de notre groupe tiendra compte de ces réponses. (Applaudissements les travées du RDSE et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis un an, notre hémicycle attendait la grande loi sur la décentralisation, avec l’espoir d'une réorganisation territoriale de la France qui soit à la hauteur des enjeux sociétaux et économiques.

Comment, face à la mondialisation, à la prégnance de plus en plus grande de l'Europe, faire en sorte que la France soit encore et toujours un modèle d'organisation démocratique ?

Comment, face au désenchantement de nos concitoyens et de nos concitoyennes lors des élections, qui sont au cœur même de la démocratie, qui sont ontologiquement la démocratie, leur redonner l'envie d'aller voter et, surtout, d’être eux-mêmes acteurs de la vie sociale ?

Voter, ce n'est pas se soumettre, c'est prendre part, c'est croire encore et toujours qu'un autre monde est possible, parce que chaque voix, chaque bulletin compte, parce qu'il n'y a pas de bulletins de riches et de bulletins de pauvres, de bulletins de chômeurs et de bulletins d'exilés fiscaux… Voter, c'est croire que, dans l'alchimie de l'urne, la volonté du peuple se fait entendre et c'est savoir qu'elle sera entendue.

Ainsi, nous abordons enfin la réforme promise par l'élection de François Hollande avec l'appui des écologistes.

Nous commençons par le mode d'élection : ce choix peut se discuter. Gageons que le texte était peut-être plus simple à rédiger, même si le sujet des modes de scrutin est toujours particulièrement sensible, car tous les partis ont bien entendu l'espoir de voir augmenter le nombre de leurs élus.

Nos concitoyens le savent et nous soupçonnent souvent de « magouiller », de « trafiquer » : lorsque nous votons les lois électorales, ne sommes-nous pas, en effet, à la fois juges et parties ?

Il faut compter, en outre, avec la démagogie ambiante et sa ritournelle lassante : les élus sont « coupés de la réalité », ils sont « tous pourris », ils « s'en mettent pleins les poches », ils coûtent cher, ils s'accrochent à leurs privilèges… Cette fascisation rampante des esprits rend difficile l'explication et la justification de l'exercice.

Il faut faire œuvre de pédagogie, et non de démagogie, en montrant la nécessité d'adapter les modes de scrutin à l'évolution de la démographie française. Mais il faut aussi permettre à de nouveaux citoyens, et surtout à de nouvelles citoyennes, d'être élus, afin que la démocratie ne soit pas le monopole de certains.

Mais comment être pédagogique quand on multiplie les modes de scrutin ? Alors qu’ils sont déjà au nombre de six, on veut en créer un septième, avec le binominal. Comment être pédagogique quand à chaque échelon de la démocratie correspond un mode de scrutin différent ?

Il nous faut donc faire preuve de pragmatisme et d’honnêteté.

Le pragmatisme consiste à regarder attentivement les différents échelons de nos structures politiques et à observer où et pourquoi cela fonctionne bien ou mal.

L’honnêteté, nous devons d’abord l’exiger de nous-mêmes, en ne cédant pas à la tentation de favoriser notre camp. Mais nous la devons aussi à l’ensemble de nos concitoyens et concitoyennes, en leur donnant une représentation politique qui soit à leur image.

Au fond, ce projet est taillé au cordeau afin de permettre la parité, et seulement la parité. Or, si la parité est un des moyens d'assurer la représentation de la société, elle n’en est pas un but.

Ce projet préserve donc le scrutin catholique, dans notre État laïc, qu'est le scrutin majoritaire à deux tours, écrasant les voix minoritaires…

M. René-Paul Savary. Pourquoi « catholique » ?

Mme Hélène Lipietz. Parce que c’est ainsi qu’étaient élus les abbés et abbesses !

Il préserve ainsi un clivage simple entre conservateurs et progressistes, quels que soient les sigles portés par les uns et les autres.

Pourtant, la parité et la pluralité sont possibles, comme le prouve la série d'amendements que nous avons déposés.

Nous vous proposons d'unifier les modes de scrutin en instaurant le même scrutin proportionnel, avec une prime majoritaire de 25 % pour les élections départementales, sur le modèle des élections régionales.

Ce mode d'élection fonctionne tant pour la parité que pour la représentativité ; on en a la preuve dans les régions et même dans les grosses communes.

Grâce à la prime majoritaire, il n'y a pas à redouter qu'un tel mode d'élection n’empêche la formation d’une majorité.

Quant à la peur de l'extrême droite et du Front national, puisqu'il faut le nommer, elle ne doit pas nous empêcher de proposer ce qu'il y a de mieux pour la démocratie. La démocratie et les élections sont un risque, mais un risque magnifique, que nous devons assumer.

Parce que ces idées extrêmes représentent un Français sur cinq, nous ne pourrons les priver éternellement d'une représentation dans nos assemblées.

Ce sont nos idées, c'est notre travail d’élus, au Parlement comme sur le terrain, qui feront reculer la démagogie et les ennemis de la démocratie. Ce n'est pas en privant de représentation un Français sur cinq, en précipitant ainsi certaines de nos concitoyennes et certains de nos concitoyens soit dans l'abstention, soit dans un extrémisme de plus en plus dur, que nous y arriverons.

Au contraire, c'est au contact de nos institutions que l'extrême droite et ses élus feront la preuve de l'ineptie et de l'irréalisme de leurs propositions, comme nous l'avons vu à chaque fois que des extrémistes ont réussi à conquérir une mairie : ils se décrédibilisent rapidement, et finissent parfois devant la justice.

Si le Front national vous inquiète tant, il faut lui permettre d’être représenté.

C’est d’autant plus vrai que la « frayeur du Front » a pour effet de faire disparaître les partis minoritaires des assemblées locales, ce qui limite le choix des citoyennes et des citoyens lors des élections, et de renforcer le clivage entre la droite et la gauche, alors que la synthèse et les compromis nécessaires à une large majorité sont plus faciles à réaliser lorsque toutes les sensibilités sont représentées et qu’elles doivent s’entendre pour faire avancer le territoire.

Si le Sénat maintient le projet de loi dans son état actuel, nous risquons d’avoir de belles surprises lors du prochain renouvellement des conseils départementaux ! II est probable que certains d’entre eux deviendront ingouvernables, faute d’une majorité assurée de droite ou de gauche. En outre, le redécoupage ne permettra pas de contenir une entrée puissante de l’extrême droite dans ces conseils ; certains départements pourraient s’en trouver déstabilisés, notamment dans le sud : je pense au Vaucluse et au Gard, mais il y en a sans doute d’autres, hélas !

De surcroît, comme tous les orateurs l’ont souligné, la nécessité de rééquilibrer le poids démographique de chaque conseiller départemental conduira à créer des cantons immenses dans les territoires ruraux et des cantons minuscules en milieu urbain.

Il serait pourtant possible d’opter pour la représentation proportionnelle. Indépendamment du fait qu’on est l’élu d’une assemblée et non celui d’un territoire, la proportionnelle n’empêche nullement la représentation des territoires, dans la mesure où il suffit que nous, les hommes et les femmes politiques, élaborions les listes en tenant compte des territoires, notamment des moyens de transport en leur sein, ce qui ne sera pas le cas avec les méga-cantons que le binominalisme va conduire à constituer.

En gage de leur bonne volonté, les sénateurs du groupe écologiste ont préparé trois amendements alternatifs portant sur le scrutin proportionnel.

Le premier prévoit l’instauration d’une proportionnelle totale sur l’ensemble du département.

Le deuxième vise à préserver une forme équilibrée d’ancrage local afin de répondre aux exigences du rapport de M. Delebarre : il prévoit d’aménager, dans chaque département, quatre secteurs ayant chacun leur propre liste, un peu à l’image du système en vigueur pour les élections régionales.

Le troisième de nos amendements anticipe quelque peu la forme que pourrait prendre l’élection législative, dont le Président de la République lui-même a annoncé la réforme, en introduisant une dose de proportionnelle en complément du scrutin binominal majoritaire. Car, si le scrutin binominal majoritaire a tant d’avantages, pourquoi ne pas l’instaurer aussi pour les élections législatives ? (Murmures et exclamations.)

S’agissant de l’élection des délégués communautaires, je laisserai à mon collègue Ronan Dantec, qui interviendra dans la suite du débat, le soin de vous présenter la position du groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi et le projet de loi organique qui sont soumis à l’examen de la Haute Assemblée ont pour unique objectif la modernisation de notre démocratie territoriale.

Ils s’inscrivent dans le cadre d’une réflexion d’ensemble conduite par le Gouvernement et par sa majorité parlementaire pour rapprocher encore davantage la décision du citoyen. Si nous commençons par réformer les modes de scrutin, les débats se poursuivront prochainement autour de l’acte III de la décentralisation que présentera Mme Lebranchu.

Pour accompagner cette nouvelle étape de la décentralisation, il fallait renforcer la cohérence et l’efficience des échelons territoriaux. C’est l’objet du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

Outre la réforme des modes de scrutin pour la commune, l’intercommunalité et le département, ce projet de loi prévoit un réaménagement du calendrier électoral afin de favoriser la participation de nos concitoyens à la désignation de leurs représentants.

Surtout, il permet d’abroger les dispositions qui ont institué le conseiller territorial.

Mes chers collègues, rappelez-vous ce qu’était cet élu d’un nouveau genre, créé par la loi du 16 décembre 2010 : un élu hybride, ayant vocation à siéger dans deux assemblées distinctes, au niveau départemental et au niveau régional.

M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’était pas si mal !

M. Philippe Kaltenbach. J’ai entendu l’opposition qualifier le scrutin binominal de système pittoresque, ou baroque… Que dire, alors, du conseiller territorial ! (M. Roland Courteau acquiesce.)

M. Bruno Sido. Au contraire, c’était un système limpide !

M. Philippe Bas. Avec le conseiller territorial, la question posée n’était pas celle du mode de scrutin !

M. Philippe Kaltenbach. Un élu siégeant dans deux assemblées différentes, cela n’existe nulle part dans le monde !

M. François Grosdidier. Et deux élus pour un seul siège ? C’est votre couple qui est baroque !

M. Philippe Kaltenbach. Ce statut bien curieux n’avait, à la vérité, qu’un objectif politicien : permettre à l’UMP, qui était à l’époque majoritaire, de gagner des sièges !

Après avoir combattu ce système, nous sommes aujourd’hui très heureux de pouvoir l’enterrer définitivement et le remplacer par un nouveau mode de scrutin.

Le système du conseiller territorial était d’autant plus discutable que sa création était justifiée par des raisons financières : les élus coûtaient trop cher ! Stigmatiser ainsi les élus locaux était vraiment de la dernière habileté !

M. Bruno Retailleau. Il est vrai que ce n’était pas le meilleur argument.

M. Philippe Kaltenbach. Alors que le conseiller territorial ne répondait à aucune attente de nos concitoyens, la création du conseiller départemental va permettre la parité, la proximité et l’égalité devant le suffrage.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Bruno Sido. Tout ce que vous voulez, mais pas la proximité !

M. Philippe Kaltenbach. Le Gouvernement a cherché à concilier ces trois objectifs ; la tâche était d’autant moins aisée qu’ils peuvent être contradictoires.

De fait, il a fallu beaucoup d’ingéniosité pour concevoir le nouveau mode de scrutin, de type binominal. Je crois que nous pouvons féliciter celles et ceux dont la réflexion a conduit à cette innovation. (M. Bruno Sido s’esclaffe.) En effet, je répète qu’il permet de concilier les trois objectifs auxquels le groupe socialiste est attaché : la parité, la proximité et l’égalité devant le suffrage.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour la proximité, c’est raté !

M. Bruno Sido. En effet !

M. Philippe Kaltenbach. Avant de revenir sur ces trois objectifs, je souligne que les conseils départementaux seront désormais renouvelés intégralement tous les six ans. Je crois que nous pouvons tous tomber d’accord sur cette réforme, qui améliorera la lisibilité du système pour l’électeur et permettra de renforcer la place et le rôle du département dans l’organisation territoriale de notre pays.

M. Bruno Sido. Et à quand le Sénat ?

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur Sido, c’est une question que vous aurez l’occasion de poser prochainement puisque le mode de scrutin pour les élections sénatoriales sera peut-être revu.

Le premier intérêt du mode de scrutin binominal majoritaire est de favoriser la parité.

Comme certains orateurs l’ont souligné, la parité dans les assemblées départementales sera une véritable révolution puisque, malheureusement, il n’y a aujourd’hui que 13 % de femmes dans les conseils généraux. Cette situation est bien sûr inacceptable. Qui peut admettre, quand l’objectif de parité est inscrit dans la Constitution, qu’il y ait seulement 13 % de femmes élues dans les assemblées départementales ?

M. Philippe Bas. C’est vous qui avez la majorité dans la plupart de ces assemblées !

M. Philippe Kaltenbach. J’ajoute que, dans trois assemblées départementales, il n’y a même aucune femme ! Je les mentionne pour que cela figure au Journal officiel : la Haute-Corse, le Tarn-et-Garonne et les Deux-Sèvres. De telles situations sont-elles acceptables dans la France de 2013 ?

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Trois départements détenus par la gauche !

M. Philippe Kaltenbach. Chers collègues de l’opposition, je vous rassure : il y a aussi des élus de droite qui siègent dans ces départements !

Du reste, s’agissant de la parité dans les conseils généraux, je pense que la gauche et la droite sont également responsables de la situation actuelle. Ce n’est pas une question politique, mais une question de mode de scrutin.

Mme Éliane Assassi. La parité, c’est aussi une affaire de volonté politique !

M. Philippe Kaltenbach. Le mode de scrutin binominal majoritaire nous assure de parvenir à la parité. Je crois que c’est une exigence forte, qui pourrait être partagée sur l’ensemble des travées de notre assemblée.

Si le scrutin binominal majoritaire a été privilégié, c’est aussi parce qu’il permet la proximité.

M. Bruno Sido. Sûrement pas !

M. Philippe Kaltenbach. Ce fait est contesté. Pourtant, on conçoit que, la parité devant être assurée, il n’y avait de choix qu’entre le scrutin binominal majoritaire et le scrutin proportionnel. Or, si ce dernier comporte de nombreux avantages, il éloigne tout de même l’élu de son territoire. L’avantage, pour un représentant, d’être élu dans une circonscription, c’est qu’il est complètement identifié à son territoire.

M. Philippe Bas. C’est vrai aussi pour les régions !

M. Philippe Kaltenbach. Certes, les nouveaux cantons seront plus vastes ; mais ce seront quand même des territoires. Je considère pour ma part que de grands cantons valent mieux qu’un scrutin proportionnel départemental, dans lequel l’élu ne serait ancré sur aucun territoire. Le scrutin binominal majoritaire permettra le maintien d’un lien fort entre l’élu départemental et son territoire.

M. Alain Bertrand. Il a raison !

M. Philippe Kaltenbach. S’agissant, enfin, de l’égalité devant le suffrage, nos désaccords avec l’opposition sont nettement marqués.

L’égalité devant le suffrage est un principe garanti par la Constitution : la voix de chaque électeur doit avoir le même poids, qu’il vote à la campagne ou en ville, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel. (M. Philippe Bas fait un signe de dénégation.) Dans un même département, des voix ne peuvent pas peser quarante-sept fois moins que d’autres ! Un tel déséquilibre est inacceptable. C’est pourtant la situation qui prévaut aujourd’hui puisque, comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, les différences sont considérables, au sein d’un même département, entre les tailles des différents cantons. C’est ainsi que, dans pratiquement tous les départements, il y a un rapport de 1 à 5 entre le canton le moins peuplé et le canton le plus peuplé ; parfois, ce rapport est de 1 à 10, voire de 1 à 20. Mes chers collègues, songez que, dans l’Hérault, il est même de 1 à 47 !

M. François Grosdidier. Entre 500 % et 20 %, il y a peut-être un moyen terme…

M. Philippe Kaltenbach. Mes chers collègues, de tels déséquilibres sont-ils acceptables ? Ils me rappellent le système anglais des rotten boroughs, les bourgs pourris, qui était en vigueur dans l’Angleterre du XIXe siècle : de petites circonscriptions avec peu d’électeurs envoyaient à la Chambre des communes des représentants conservateurs, tandis que de grands territoires avec de nombreux électeurs y envoyaient des élus d’opposition.

M. François Grosdidier. Un peu comme pour les arrondissements de Marseille !

M. Philippe Kaltenbach. Mes chers collègues, nous voyons bien que ces déséquilibres font peser des risques inacceptables d’inégalité devant le suffrage.

À cet égard, le Gouvernement a suivi les recommandations du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Si nous en tenons compte, c’est parce que nous sommes attachés à la République et à sa devise : dans « Liberté, Égalité, Fraternité », il y a l’égalité, qui exclut l’inégalité devant le suffrage !

Quant à la marge de plus ou moins 20 %, elle résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Mme Catherine Troendle et M. Bruno Retailleau. Pour les législatives !

M. Philippe Kaltenbach. Elle aurait pu être fixée à 25 % ou à 15 %. Il se trouve qu’elle l’a été à 20 % ; nous devons nous en accommoder.

Mes chers collègues, nous aurions dû, dans tous les cas, redécouper les cantons. (M. Bruno Sido en convient.) Dans ce redécoupage, nous aurions dû appliquer cette règle du plus ou moins 20 %. Le groupe socialiste s’est longtemps demandé s’il pouvait être possible d’y déroger, mais les arguments de nos éminents juristes nous ont convaincus qu’en nous en affranchissant nous prendrions le risque de voir le projet de loi censuré par le Conseil constitutionnel. Je suis certain que l’opposition ne le souhaite pas davantage que les socialistes !

Reste qu’il fallait tenir compte des zones rurales. C’est pourquoi l’alinéa 11 de l’article 23 du projet de loi autorise, à titre exceptionnel, des exceptions à la règle des 20 %, « justifiées par des considérations géographiques ou par d’autres impératifs d’intérêt général ». Le groupe socialiste a déposé un amendement visant à préciser la notion de « considérations géographiques », en mentionnant l’insularité, l’enclavement, le relief et la superficie du territoire. Toujours est-il que les exceptions ne pourront exister qu’à la marge, la règle devant être l’égalité des citoyens devant le suffrage.

À propos du scrutin binominal majoritaire, j’ai entendu les qualificatifs de « pittoresque », de « baroque » et même d’« exotique »… Pour ma part, je trouve qu’il est ingénieux parce qu’il permet d’atteindre simultanément les trois objectifs que j’ai mentionnés. Son instauration, qui est sans doute la dimension la plus révolutionnaire du projet de loi, nous permettra de faire évoluer nos départements et de les moderniser durablement.

Le projet de loi apporte aussi des améliorations au scrutin municipal en abaissant à 1 000 habitants le seuil d’application de la proportionnelle. Faudrait-il préférer 1 500, 2 000 ou 500 habitants ? Il y a un débat. Il me semble que le seuil de 1 000 habitants constitue un point d’équilibre.

L’extension de la proportionnelle aura des effets considérables dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants, dont les conseils municipaux deviendront paritaires. Décidément, les femmes ont beaucoup à gagner à l’adoption de ce projet de loi !

Avec la proportionnelle, l’opposition sera également mieux représentée dans ces conseils, ce qui marquera un progrès démocratique.

Enfin, dans les plus petites communes, le panachage donnera plus de souplesse. Les sénateurs du groupe socialiste ont néanmoins déposé un amendement tendant à prévoir l’obligation de déposer sa candidature, afin de mettre un terme au système actuel dans lequel des personnes non-candidates peuvent être élues, ce qui n’est pas conforme à un bon fonctionnement démocratique.

J’en viens au fléchage pour l’élection des conseillers communautaires, qui constitue aussi un progrès démocratique, comme cela a largement été expliqué.

De plus, pour que les élus municipaux délégués au conseil communautaire ne soient pas forcément en début de liste, Alain Richard a trouvé un système particulièrement ingénieux. Sans doute est-il complexe, mais il évite que les élus appelés à siéger au conseil communautaire soient nécessairement ceux qui figurent au début de la liste.

Les modifications apportées au calendrier électoral semblent déchaîner les foudres de l’opposition, mais il faut être raisonnable : comment peut-on organiser cinq élections la même année ? Techniquement, ce serait possible, car les élus et les employés municipaux sont capables d’organiser cinq scrutins. Mais quelle serait la lisibilité pour les électeurs ? Les campagnes électorales s’entrecroiseraient ; cela complexifierait tous les débats. Au final, le risque serait bien de voir les électeurs ne voter que lors du premier scrutin et s’abstenir ensuite !

Pour assurer à la fois des campagnes électorales suivies par les électeurs et une participation forte, il semblait donc indispensable de décaler une partie des élections.

S’agissant des élections départementales, c’est indispensable, en raison du temps que va prendre le redécoupage. Comme les mandats régionaux avaient une durée limitée à quatre ans, justement pour permettre d’élire en même temps le conseiller territorial qui devait aussi siéger à l’assemblée départementale, il n’était pas incongru de faire en sorte que les deux scrutins se déroulent en 2015. Ainsi nos concitoyens auront-ils la possibilité de s’exprimer en même temps pour les régionales et les départementales. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)

Par conséquent, ce texte apporte des réponses claires à la fois sur les modes de scrutin et sur le calendrier électoral.

Pour sa part, le groupe socialiste a auditionné les représentants des principales associations d’élus. Si, bien sûr, des remarques ont été formulées ici ou là pour améliorer l’architecture générale du texte, il semble malgré tout que tous les points qui ont été évoqués font l’objet d’un consensus.

Pour conclure, je souhaite remercier le ministre de son écoute. Il a, je crois, montré qu’il était capable de faire évoluer le texte pour valoriser ce projet qui, j’en suis certain, constituera une avancée importante pour notre démocratie territoriale. Une nouvelle fois, le Sénat a su mettre son expertise au service des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Paul Vergès.

M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rendez-vous d’aujourd’hui est important : il n’a échappé à personne que les deux projets que nous étudions préfigurent l’acte III de la décentralisation.

Nous prenons acte du fait que, pour son application dans la France hexagonale, ce projet de loi est marqué par une double volonté du Gouvernement : d’une part, ne pas toucher à l’architecture actuelle de l’organisation administrative en maintenant le conseil régional et le conseil général et, d’autre part, réaménager les compétences qui leur sont actuellement dévolues.

Le Gouvernement a donc décidé de maintenir un conseil général par département et un conseil régional regroupant plusieurs départements. Pour la France, il s’agit d’une adaptation à une nouvelle situation économique et sociale, mais aussi de son intégration à l’Europe.

Concernant la Réunion, la situation est tout à fait différente. Le problème fondamental tient à ce qu’elle est située à 10 000 kilomètres de la France et de l’Union européenne. Nous nous acheminons vers une rupture économique et historique de l’outre-mer !

Les quatre départements d’outre-mer issus de la loi du 19 mars 1946 sont également régis par la loi intégrant les régions d’outre-mer, elles-mêmes devenues régions ultrapériphériques de l’Union européenne. Or, parmi ces régions, la Martinique et la Guyane sont désormais en dehors du projet actuel, tandis que la Guadeloupe et la Réunion sont concernées.

Ainsi, s’agissant des départements d’outre-mer, la situation actuelle se traduit par une division entre, d’une part, ceux qui comme la Martinique et la Guyane ont opté pour une collectivité unique et, d’autre part, la Guadeloupe et la Réunion, qui garderaient, sur le même territoire, un conseil général et un conseil régional.

Cette réforme va donc diviser institutionnellement le bloc des quatre « vieilles colonies » devenues départements et régions d’outre-mer.

Comment réformer ces collectivités territoriales issues de l’intégration actuelle dans la République française et comment les placer dans une perspective de cohérence plus large et d’avenir ?

L’essence même de la réforme nous pose un problème : logiquement, les régions françaises regroupent plusieurs départements. Mais les quatre régions d’outre-mer sont monodépartementales. Comment donc répondre à la philosophie de la réforme qui vise à regrouper plusieurs départements, alors que nous-mêmes n’en avons qu’un seul ?

Outre-mer, c’est la double représentation institutionnelle du département et de la région sur un même territoire qui est en cause. La Martinique et la Guyane en ont tiré les conséquences.

Par ailleurs, les régions de la France continentale s’intègrent dans une unité géographique, elle-même intégrée à l’Europe.

Comment, à la Réunion, à 10 000 kilomètres de la France et de l’Europe, pouvons-nous nous intégrer dans une telle réforme et nous intégrer à l’Europe ?

En revanche, l’intégration de différents pays de l’Afrique orientale est en marche : les îles de l’océan Indien – Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores –, toutes voisines de la Réunion, participent à un regroupement qui comptera plusieurs centaines de millions habitants dans quelques décennies. Ce regroupement sera lié à l’Union européenne, donc à la France, par des accords de partenariat économique, ou APE, qui seront tout prochainement signés.

C’est donc un grand défi qui se trouve devant nous : comment, à 10 000 kilomètres, concilier les siècles d’intégration de la Réunion dans la France et les décennies d’intégration dans l’Union européenne, d’une part, et notre intégration dans notre environnement géographique, d’autre part ? Voilà le problème qui nous est posé et il ne peut être résolu par une loi électorale élaborée pour un contexte très différent du nôtre.

La Guadeloupe et la Réunion sont toutes deux confrontées à l’application de cette loi, mais elles le sont d’une façon différente. En effet, contrairement à la Guadeloupe, qui dispose d’un congrès, la Réunion, par une disposition spécifique et particulière, se trouve interdite du droit de faire connaître son opinion.

Il faudrait parvenir à une réforme institutionnelle dont le Gouvernement prendrait l’initiative.

La Réunion était une colonie. Compte tenu de la modestie de son territoire et de l’importance de sa population, il y a eu une assemblée unique ; ce fut l’assemblée législative sous le régime colonial, puis le conseil général.

Dans la période de l’intégration départementale et de l’avènement de la décentralisation, sur l’initiative du président François Mitterrand, une loi a été votée en 1981 instituant une assemblée unique dans les quatre départements d’outre-mer, comme en Martinique et en Guyane aujourd’hui. Seule une erreur de référence sur un article constitutionnel a fait annuler la loi votée.

Depuis, la situation géoéconomique et institutionnelle de ces départements d’outre-mer a évolué par rapport à l’Europe, avec la création des régions ultrapériphériques, ou RUP, et du fait de l’intégration économique des pays de l’Afrique de l’Est et des îles de l’océan Indien.

Le simple principe de précaution exige que ce problème soit discuté par les intéressés eux-mêmes, comme en Martinique, en Guyane et en Guadeloupe.

C’est pourquoi, en l’absence à la Réunion de dispositif organisant, par un congrès, l’expression des conseillers généraux et régionaux, il appartient au Gouvernement de prendre une initiative aboutissant à la consultation de la population sur les modalités et les objectifs de la réforme.

En un mot, faut-il privilégier la vision d’avenir de la Martinique et de la Guyane, à savoir maintenir la citoyenneté française de leurs habitants tout en adaptant leurs politiques et leurs institutions à leur développement et à leur environnement géoéconomique, ou, au contraire, se maintenir dans une région monodépartementale au sein de laquelle coexistent une région et un département sur un petit territoire ?

Il ne faut entretenir aucune confusion sur l’objet de cette réforme outre-mer. Qui peut oser dire qu’il est plus Français qu’un Martiniquais ou qu’un Guyanais à la suite de cette réforme, qui est respectueuse de la Constitution et qui les concerne ?

Il s’agit donc d’un appel au Gouvernement et à la population, pour examiner une situation concrète, concilier le passé historique et l’avenir, réfléchir sur la réforme instaurée en Guyane et en Martinique.

Tout cela explique pourquoi, sur ce projet de loi, à notre grand regret, nous ne pourrons participer au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà trente ans, la France a rompu avec sa tradition centralisatrice pour engager une mutation profonde de son mode d’organisation institutionnelle et administrative.

La nécessité d’entreprendre la décentralisation est établie par le général de Gaulle dès les années soixante.

Le passage de cette France étatique à la France des territoires, nous le devons aux lois Defferre. Ces dernières marquent l’émancipation des collectivités territoriales de la tutelle préfectorale, reconnaissent pleinement le principe constitutionnel de libre administration et donnent ainsi un sens et un véritable enjeu aux élections cantonales, puisque nos concitoyens choisissent des élus de proximité pour changer la vie quotidienne et pour moderniser le territoire.

Trente ans après, ces deux projets de loi que vous présentez au Sénat, monsieur le ministre, comportent des dispositions qui fragilisent l’édifice bâti par nos deux familles politiques et contredisent même l’exposé des motifs qui les introduit, c’est-à-dire l’esprit même des textes que vous souhaitez pourtant voir adoptés.

Parce que l’opposition doit être constructive pour exister, au-delà des petites phrases, parce que la crédibilité de la parole publique suppose de dépasser les effets de manche, je vais tout simplement utiliser le temps de parole dont je dispose non seulement pour souligner les limites et les dangers concrets de ces textes pour la vitalité de la démocratie locale, mais aussi pour proposer des pistes de progrès.

Localement, en tant que président de conseil général, et ici, à Paris, comme membre du Parlement et président du groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants à l’Assemblée des départements de France, je mesure au quotidien l’impact du mode de scrutin, c’est-à-dire de la manière de choisir les responsables politiques, sur le fonctionnement de la démocratie locale, dans les conseils généraux en particulier.

C’est donc, mes chers collègues, une question de la plus haute importance qui nous est soumise au travers de ces deux projets de loi. Je limiterai volontairement mon propos au titre Ier, dédié au futur conseil départemental.

À en croire l’exposé des motifs, « le projet de texte vise à prendre en compte les évolutions qu’ont enregistrées les territoires en adaptant les modalités d’élection ». Une telle adaptation doit « conserver […] le lien étroit entre l’élu et son territoire » et « ne procéder qu’aux aménagements strictement nécessaires ».

L’esprit du texte consisterait donc simplement à moderniser un bon mode de scrutin, en l’occurrence uninominal majoritaire à deux tours, dont la « remarquable stabilité », depuis la loi du 10 août 1871, est d’ailleurs saluée. Il ne s’agirait pas de remettre en cause ce qui fonctionne bien, mais de l’adapter aux temps présents.

Telle n’est malheureusement pas la réalité de ce texte, qui remet au contraire totalement en cause les avantages du mode de scrutin majoritaire.

D’abord, d’un seul candidat, nous passons à deux et, d’uninominale, l’élection devient binominale pour – et c’est là tout le problème – un seul et même territoire.

Une offre de candidatures individuelles pour que les électeurs choisissent un élu pour un territoire, c’était sans doute trop évident, trop facile et trop peu subtil pour ce gouvernement. Alors, on nous propose deux points de vue, deux analyses, deux approches, pour informer les mêmes habitants d’un même territoire au nom d’une seule et même collectivité !

Que se passera-t-il si ces deux voix cessent de parler à l’unisson ? Quelle crédibilité aura le conseil général – pardon, le conseil départemental – si la loi est votée ?

J’ai passé l’âge de la candeur et, à l’inverse de Candide, au risque de vous décevoir, je ne crois plus depuis longtemps que tout, dans la vie politique, soit pour le mieux dans le meilleur des mondes possible.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est Pangloss, et non Candide, qui dit cela !

M. Bruno Sido. J’ai précisément dit que je n’étais pas Candide, monsieur Sueur !

Rien ne garantit que l’entente entre la femme et l’homme qui composeront ce binôme durera dans le temps, une fois passé le bonheur partagé de la victoire électorale, d’autant que la solidarité juridique cessera entre eux une fois l’élection acquise, puisque chacun votera bien comme il ou elle le souhaitera au sein de l’assemblée départementale.

La dimension binominale – deux élus pour un canton – et la dimension binomiale – l’élection de l’un entraîne obligatoirement celle de l’autre – font de cette « innovation politique », comme on peut le lire dans le projet de loi, une expérimentation hasardeuse pour la vie politique locale, source de confusion sur le terrain comme dans les assemblées.

L’abaissement du seuil requis pour accéder au second tour constituera également une source de confusion : on passe de 12,5 % des inscrits à 10 % seulement, ce qui ne manquera pas d’entraîner des triangulaires et de brouiller la lisibilité du scrutin. D’ailleurs, ne vous y trompez pas, mes chers collègues, la droite et le centre n’en seront pas les seules victimes : le Front de gauche, vos amis écologistes ou encore vos fidèles soutiens communistes pourraient créer d’autant plus facilement la surprise que la popularité du Gouvernement risque de se réduire comme peau de chagrin d’ici à 2015.

La dimension paritaire de ce binôme ne me pose en elle-même aucune difficulté, bien au contraire. Le chiffre de 13,5 % de femmes élues dans les conseils généraux est très insatisfaisant au regard de l’objectif de représentativité du corps électoral. Je pense que c’est un constat que nous partageons tous.

Depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, l’article 1er de la Constitution fixe un objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Il s’agit d’un objectif, c’est-à-dire d’un but à atteindre, et non pas d’une obligation constitutionnelle à mettre en œuvre séance tenante et coûte que coûte. Autrement dit, le législateur reste libre des modalités d’application pour tendre vers cet objectif, vers cet idéal dirais-je même, comme il reste seul compétent sur la question du calendrier.

Comme trop souvent dans notre pays, un excès est corrigé non par une mesure équilibrée mais par un excès en sens inverse. Faut-il passer, dès 2015, c’est-à-dire dès demain, de 13,5 % à 50 % de femmes conseillères départementales, soit une multiplication par quatre de leur nombre ?

Avant d’être un homme ou une femme, nous sommes simplement des personnes qu’il convient de respecter. Disons-le clairement, les conseillers généraux actuels qui resteront sur le bord du chemin lors des élections de 2015 ne sont pas moins méritants ni moins talentueux que les femmes conseillères départementales qui seront élues à leur place.

Prend-on conscience de l’ampleur de la recomposition des assemblées départementales qui va découler de cette disposition ? Ces sujets sont moins simples qu’il n’y paraît lorsque l’on quitte les grands principes pour la réalité humaine.

Encore une fois, je soutiens l’objectif de composition paritaire des futurs conseils départementaux, mais je regrette la méthode du Gouvernement, qui confond vitesse et précipitation.

Au sein des conseils départementaux, les exécutifs devront aussi être composés de manière strictement paritaire. À ce jour, chaque vice-président peut être élu séparément du reste des membres du bureau, de telle sorte que son élection constitue une véritable élection interne, ne résultant ni du bon plaisir du président ni d’une simple formalité.

Je considère qu’abandonner la possibilité de se faire élire vice-président sur son nom et ses qualités pour figurer – je dis bien « figurer » – sur une liste que le chef de l’exécutif déposera et qu’évidemment la majorité ratifiera, sans panachage ni vote préférentiel possible, affaiblit la démocratie locale.

Avant d’être homme ou femme, les élus sont des citoyens à qui le corps électoral a témoigné sa confiance pour leurs capacités personnelles présumées ou reconnues. Le principal bénéficiaire de ce mode de scrutin peu lisible sera sans doute, malheureusement, l’abstention.

Le lien entre l’élu et le territoire, qui continuera d’ailleurs de s’appeler « canton », est, comme le reconnaît le Gouvernement, l’un des avantages principaux du mode de scrutin majoritaire. Renforcer ce lien, du moins le préserver, fait partie des objectifs affichés dans le projet de loi. C’est tout le contraire qui va se produire dans les nouveaux cantons ruraux en raison des modalités du remodelage électoral.

Qu’est-ce qu’un conseiller général aujourd’hui dans le monde rural ? C’est l’élu de proximité par excellence, celui ou celle que tous les habitants des communes du canton connaissent et identifient comme un « relais » de confiance pour toutes les questions qui concernent la collectivité départementale, bien sûr, mais aussi comme un relais vers les sous-préfectures et la préfecture, voire vers la région, tant les élus régionaux restent, à quelques exceptions près, peu connus de nos concitoyens.

Loin d’être les élus du seul conseil général, dont le rôle se limiterait à la mise en œuvre des politiques publiques menées par leur collectivité, les conseillers généraux sont en prise directe avec tous les sujets de la vie quotidienne de nos concitoyens.

Ce nouveau mode de scrutin va laminer la représentation des cantons ruraux et éloigner les élus des électeurs. Après avoir vu disparaître la gendarmerie, La Poste, la trésorerie et l’école, va-t-on voir partir demain le conseiller général de proximité au profit d’un conseiller départemental qui ressemblera davantage à un député en miniature ?

Le Gouvernement prévoit de remodeler, pour ne pas dire redécouper, la carte cantonale, afin de réduire les écarts de représentation entre les cantons au nom du respect du principe d’égalité des suffrages.

L’intention est louable ; le constat, partagé : les trois cinquièmes des cantons de France n’ont pas connu de modification de leurs limites administratives depuis 1801, alors que, depuis deux siècles, les évolutions démographiques internes aux départements sont évidemment considérables.

Le gouvernement de François Fillon avait non seulement dressé ce constat, mais surtout apporté une réponse appropriée avec la création du fameux conseiller territorial. Celui-ci était lui aussi l’élu d’un territoire remodelé pour limiter les écarts de représentation. Oui, il est anormal que, dans l’Hérault, l’écart de population d’un canton à l’autre puisse varier de 1 à 47, comme il est injuste que, en Haute-Marne, le canton de Chaumont-Sud et ses presque 18 000 habitants aient autant de poids dans l’assemblée que le certes très charmant canton d’Auberive et ses 1 500 habitants.

Encore une fois, nous sommes d’accord sur le constat, mais en aucune façon sur la solution proposée.

Le Gouvernement autorise une variation de plus ou moins 20 % autour de la moyenne, un tunnel en quelque sorte, dans lequel doivent absolument s’inscrire tous les remodelages à venir.

Ainsi, le plus petit canton de mon département comptera demain 9 202 habitants au minimum contre 1 440 aujourd’hui. La densité de population au kilomètre carré atteint à peine cinq habitants dans ce secteur, si bien que, pour atteindre 9 202 habitants, la nouvelle circonscription s’étendra sur 1 840 kilomètres carrés, monsieur Mézard ! C’est tout simplement immense !

M. Yves Daudigny. Il y aura deux conseillers !

M. Bruno Sido. Mes chers collègues, avec une circonscription aussi vaste, il ne sera plus possible de parler sérieusement d’élus de proximité, même si, effectivement, il y aura deux conseillers.

Tournons-nous un instant vers un département d’Île-de-France, la Seine-et-Marne. D’après le projet de loi, le canton moyen compterait 60 221 habitants et le plus petit 48 177. Comment les zones les plus rurales de ce département seront-elles représentées ? Je pense au canton de Lizy-sur-Ourcq et à ses 17 000 habitants ou encore à celui du Châtelet-en-Brie et à ses 15 000 habitants.

Plus au sud, dans les Alpes-Maritimes, le canton le moins peuplé devrait totaliser 57 532 habitants. Je pense avec inquiétude, comme vous, monsieur Mézard, à la représentation dont vont disposer demain nos concitoyens de l’actuel canton de Coursegoules, qui sont 2 282 !

Dites-leur, monsieur le ministre, que leur canton, demain, devra compter vingt-cinq fois plus d’habitants, et bon courage à vous pour leur expliquer, sans rire, que votre projet de loi maintient la proximité existante entre l’élu et la population ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Et je ne vous parle pas de Cucugnan ! (M. Alain Bertrand s’exclame.)

Vous me direz peut-être que le texte prévoit ces situations, par référence à l’article 23, lequel dispose que « seules les exceptions de portée limitée spécialement justifiées par des considérations géographiques ou par d’autres impératifs d’intérêt général peuvent être apportées aux dispositions du III ».

Les zones de montagne et les territoires ruraux à faible densité d’habitants seront-ils concernés ? Nous n’en savons rien.

Cet article 23, dont la rédaction est très floue, sera bien évidemment précisé par un décret, mais décret que, par définition, nous ne verrons même pas passer et dont nous ne connaîtrons rien, mes chers collègues.

Pour l’heure, les seuls critères qui encadrent la révision de la carte cantonale sont les suivants : la continuité du territoire de chaque canton, l’intégration dans un seul canton de toute commune dont la population est inférieure à 3 500 habitants, le respect du tunnel des 20 %. C’est tout !

En outre, le Gouvernement entend procéder à cette opération par voie réglementaire au lieu d’emprunter la voie législative.

Sur ce point, je suis d’accord avec Jacques Mézard.

Certes, j’ai lu avec soin le rapport de la commission, qui conclut à la validité juridique des deux approches. Celui-ci nous indique que le tunnel des 20 % est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État, mais rien ne permet de penser qu’un taux différent permettant plus de souplesse tout en réduisant considérablement les écarts de représentation serait inconstitutionnel. Adaptons enfin notre principe d’égalité des suffrages et notre objectif de réduction des écarts de représentation aux situations de terrain !

Je fais une proposition pour un texte plus équilibré : envisageons que la population par nouveau canton puisse varier de 40 % à 50 %, à la hausse comme à la baisse, autour de la moyenne départementale. Prenons le temps d’examiner sérieusement cette possibilité, et chacun constatera qu’elle n’a rien d’excessif et qu’elle permet déjà de mettre fin à la plupart des déséquilibres significatifs de représentation, sans créer des cantons d’une superficie démesurée.

Je me souviens que c’était au nom de la défense des départements et du lien de proximité entre l’élu et son territoire d’élection que nos collègues de gauche avaient dénoncé, lors de l’examen de la loi de réforme des collectivités territoriales, la création du conseiller territorial. Et avec quelle énergie ! Avec quelle fougue ! Avec quel talent !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Merci !

M. Bruno Sido. Chers collègues de la majorité, je suis très surpris de constater que vous soutenez aujourd'hui un projet de loi qui cause non seulement aux départements mais aussi plus largement à la ruralité un dommage considérable, puisqu’il va laminer la représentation des cantons ruraux et menacer les équilibres fragiles entre le monde urbain et le monde rural.

Je demande, dans un souci de transparence et de respect de nos assemblées, que la voie législative soit choisie pour examiner un projet de loi qui aurait pour objet de proposer au Parlement une modification du périmètre des circonscriptions d’élection que seront demain les nouveaux cantons. L’article 34 de la Constitution le permet. Dans cette hypothèse, la saisine pour avis des conseils départementaux permettrait utilement d’éclairer la discussion parlementaire.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces deux textes soumis à notre examen ne correspondent pas, dans leurs principales dispositions, aux intérêts des territoires. Le lien de proximité avec nos concitoyens, principal intérêt du scrutin majoritaire, ne serait plus qu’un souvenir.

C’est le sens même du mandat de conseiller général qui changerait, alors que tous, Gouvernement compris, nous affirmons notre attachement au maintien de la spécificité de ce mandat.

Pour ces raisons de fond, et malgré quelques points positifs, comme le changement d’appellation – et encore… – de nos collectivités ou le passage d’un renouvellement par moitié tous les trois ans à un renouvellement unique tous les six ans – à quand un tel changement pour le Sénat ? –, les présidents de conseil général des groupes de la droite, du centre et des indépendants ne soutiennent pas ce projet de loi.

Sauf à imaginer de significatives évolutions au cours des débats parlementaires, il me semble très difficile, pour ne pas dire impossible, de voter ces dispositions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

 
 
 

16

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 16 janvier 2013 à quinze heures et le soir :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’engagement des forces armées en réponse à la demande d’intervention militaire formulée par le Président du Mali, en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution.

- Suite du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (n° 166 rectifié, 2012–2013) et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (n° 165 rectifié, 2012–2013) ;

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n° 250, 2012–2013) ;

Textes de la commission (nos 252, 2012–2013 et 251, 2012–2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 16 janvier 2013, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART