M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez centré votre propos sur la question du lait, en faisant un tour d’horizon de la situation mondiale, passant notamment par l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Aujourd’hui, il est vrai que nous avons un vrai problème : l’indicateur de prix, qui s’applique même à la zone euro, n’est pas lié à la situation de la zone euro, mais à celle qui a cours en Asie, en particulier dans sa zone Pacifique, et chez les gros producteurs d’Océanie. C’est un vrai problème, qui nécessitera d’ailleurs que l’Europe soit capable, elle aussi, en fonction de la situation de la demande internationale, mais aussi de sa demande continentale, de définir un niveau de prix. Pour l’instant, ce prix s’impose à l’Europe, mais il est défini ailleurs.

Ensuite, que va-t-on faire ? Se pose la question de la contractualisation. Comme je l’ai dit, le dispositif doit être amélioré. Il faut que l’on permette aux producteurs de s’organiser. Ce sera chose faite avant la fin de l’année.

Cependant, pour qu’ils puissent s’organiser, il faut aussi qu’on leur donne une lisibilité sur les prix : c’est la question des indicateurs de prix. Il nous faut travailler sur ce sujet, pour permettre à nos producteurs non seulement de s’organiser, mais aussi d’avoir des garanties de lissage des fluctuations des prix.

J’évoquerai enfin le courrier que j’ai adressé au commissaire européen. J’ai reçu une réponse aujourd’hui même. Des initiatives vont effectivement être prises pour étudier de nouveau la sortie des quotas et ses conséquences. Aujourd’hui, dans le système que l’on connaît, si un pays dépasse son niveau de quotas, des sanctions peuvent être prises. Demain, n’importe quel pays pourra augmenter sa production de 10 % ou 15 % et déstabiliser tout le marché du lait à l’échelle européenne sans que l’on puisse réagir.

La France compte bien aborder ce sujet. Elle a déjà proposé un certain nombre de pistes, sur lesquelles nous commençons à réfléchir, en espérant que l’on pourra parvenir à un compromis. Mais je sais que, dans un certain nombre de pays, la situation des producteurs laitiers est plus grave encore que celle que nous pouvons connaître en France. Nous devons être conscients que cet équilibre dans la production laitière est aujourd’hui à repenser de manière globale, avec, de surcroît, une consommation de lait en brique qui baisse depuis quelques années.

Il nous faut donc repenser la transformation, les filières et les systèmes de contractualisation. C’est ce à quoi nous nous engageons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, je ne doute ni de votre détermination ni de votre bonne foi. Je souhaite toutefois revenir sur l’un des aspects de votre réponse et exprimer le regret sur ce qui, selon moi, y manquait.

Je vous ai beaucoup entendu affirmer : « Il faut », « Nous avons à penser », « Nous avons à repenser d’ici à la fin de l’année », etc., mais, pour le moment, je reste sur ma faim ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Cela dit, vous ne m’avez répondu ni sur la question de savoir en quoi le budget 2013 de l'agriculture préfigure les initiatives que vous entendez prendre ni sur l'application du pacte de compétitivité à l'agriculture.

Pour ma part, j’ai un peu le sentiment que vous vous en remettez beaucoup à l'Europe. Je sais la part que l’Union européenne tient dans la résolution de nos problèmes, mais je rappellerai tout de même l’adage : « Aide-toi, le ciel t'aidera. » Il me semble que, si vous manifestiez un peu plus d'enthousiasme pour nous expliquer les mesures que le Gouvernement entend prendre afin que la situation évolue, je serais davantage rassuré ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, dans un contexte international particulièrement tendu, le dernier Conseil européen, consacré aux perspectives financières pour la période 2014-2020, a malheureusement mis en évidence des désaccords majeurs sur deux enjeux à mes yeux essentiels : la place de l’agriculture dans notre modèle de développement et l’évolution des pratiques agricoles.

En 2010, le groupe de travail dont je faisais partie avec un certain nombre de mes collègues ici présents avait notamment souhaité une PAC plus juste et plus légitime aux yeux de nos concitoyens. Les propositions du commissaire Dacian Cioloş allaient dans ce sens puisqu’il s’agissait de conditionner un tiers des subventions directes à la bonne gestion des ressources agricoles et de favoriser la diversification des cultures, le maintien des pâturages et la mise en jachère d’environ 7 % des terres agricoles, afin de préserver les talus, les haies bocagères et la biodiversité. Or ce tiers des subventions pourrait être directement menacé par la diminution des aides, à travers un assouplissement des exigences environnementales.

Lors des précédents débats qui ont eu lieu à l'échelon européen, monsieur le ministre, vous aviez proposé une dégressivité des aides aux premiers hectares et une aide à l’élevage. Vous sembliez avoir alors été entendu.

Le Conseil agriculture qui s’est réuni hier a évoqué un système d’équivalence ou de mesures alternatives. Si nous sommes attachés à la simplification des procédures, nous devons rester très vigilants quant à leur véritable impact sur l’environnement et examiner avec la plus grande attention le système de validation ex ante qui serait sous le contrôle de la Commission européenne.

La remise en cause probable des propositions de la Commission européenne par la volonté de certains de baisser drastiquement le budget de l’Europe, singulièrement celui de la PAC, fait peser de lourdes menaces sur l’avenir de l’agriculture européenne, en particulier l’agriculture française.

Monsieur le ministre, même si vous avez déjà en grande partie répondu à ma question, je souhaite savoir comment vous envisagez l’avenir pour une PAC plus respectueuse des spécificités des agricultures de nos territoires et plus légitime au regard des enjeux environnementaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame Herviaux, permettez-moi d’abord de compléter ma réponse à M. de Legge.

Premièrement, oui, le crédit d'impôt s'applique à tout le monde.

Deuxièmement, sur la question budgétaire, dans la mesure où vous n'avez pas voté hier la première partie du projet de finances pour 2013, vous n’avez donc pu adopter le budget de l'agriculture. Quoi qu’il en soit, ce n'est pas avec le budget de l'agriculture que l'on pourra régler le problème spécifique de la filière laitière : il faut une réponse européenne globale et l'établissement de règles sur la contractualisation.

Madame la sénatrice, vous m'avez interrogé sur le « verdissement ». Vous avez raison, le risque d’une remise en cause existe aujourd'hui. Certains pays seraient en effet tentés de proposer une baisse du budget global de l'Europe, donc de la PAC, ce qui aurait pour conséquence la suppression du programme « verdissement ». C'est d’ailleurs un peu contradictoire dans la mesure où, de toute façon, la partie « verdissement » est intégrée au budget.

Proposer une baisse ne changerait rien, même si l’on prévoit ensuite, non plus 30 % au titre du « verdissement », mais seulement 10 % ou 12 %. En tout état de cause, l’idée, pour ces pays, est de faire baisser les objectifs proposés par la Commission européenne en la matière. Pour sa part, la France est le grand pays qui défend ces objectifs de verdissement.

J'en viens à la discussion qui a eu lieu hier sur les équivalences. Sur ces questions d'environnement, il nous faut trouver comment harmoniser les pratiques des uns et des autres et, plus spécifiquement, sur les objectifs fixés par la Commission européenne – diversification des productions, maintien des prairies permanentes et surfaces d'intérêt écologique –, nous devons parvenir à une convergence au sein du Conseil européen et du Parlement européen. C’est seulement ainsi que, je le répète, nous aurons enfin une politique environnementale européenne et non plus dix, quinze ou vingt politiques environnementales qui sont sources de dissensions et de concurrence.

Enfin, je rappelle que se tiendra le 18 décembre prochain un grand colloque. La France prendra le leadership sur la question de l'agroécologie, parce que nous sommes convaincus qu’écologie et économie ne sont pas antinomiques.

Mme Hélène Lipietz. Exactement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Parler d'économie n’oblige pas à mettre de côté l'écologie, de même que parler d'écologie n’implique pas d’oublier l'économie. Il faut une combinaison des deux et c'est bien l'enjeu des vingt ans qui viennent.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour la France qui est un grand pays agricole, c'est une source de leadership. C'est cette position que je défendrai le 18 décembre prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour la réplique.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre pugnacité et votre volonté de rendre compte de votre action au Sénat. Ce faisant, vous transformez ces questions cribles en véritables questions d'actualité. Sur la question de l’agroécologie, je connais votre engagement et sais qu’il remonte à loin.

Nous sommes d'accord avec vous : nous ne pouvons pas accepter le démantèlement programmé d’un dispositif qui a depuis longtemps fait ses preuves sur le plan alimentaire, bien sûr, mais aussi sur les plans économique, social et territorial.

Par conséquent, nous devons nous opposer énergiquement aux logiques libérales à courte vue qui condamnent à plus ou moins long terme non seulement notre modèle agricole mais surtout nos agriculteurs. Nous vous soutiendrons donc avec vigueur dans toutes les actions que vous mènerez dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, je souhaitais limiter mon intervention à deux produits emblématiques de l’agriculture française, le vin et le lait, mais comme vous avez déjà été interrogé sur le lait, je concentrerai mon propos sur le vin.

Nous nous inquiétons de la suppression des droits de plantation décidée en 2008, lors de la réforme de l’organisation commune du marché du vin. Nous suivons donc avec intérêt les efforts entrepris par la France et, désormais, douze autres pays pour revenir sur cette décision de libéralisation.

Nous regrettons que la France, préférant l’option d’un rapport d’impact préalable, ait laissé passer cette réforme en s’abstenant lors du vote. Nous aurions pu constituer à l’époque une minorité de blocage, ce qui nous aurait épargné beaucoup des tracas que nous connaissons aujourd'hui.

En effet, tout le monde reconnaît maintenant que prévoir d’abolir les droits de plantation et donc libéraliser la plantation de vigne, c’est renoncer à un contrôle de l’offre. Cela aurait notamment pour conséquences une extension des zones viticoles, un détournement de la notoriété des zones d’appellation contrôlée et une baisse des prix.

Monsieur le ministre, désormais seuls deux pays restent à convaincre. Avez-vous bon espoir d’y arriver ? J'imagine que ce sujet a été abordé hier lors du Conseil agricole : pouvez-vous nous en parler ?

Le directeur général de l’agriculture à la Commission européenne vient enfin de reconnaître qu’une régulation européenne de la production viticole était nécessaire. Cette volte-face était attendue. Est-elle pour autant le gage d’un véritable changement ?

La question de la régulation des marchés agricoles se pose pour toutes les productions. La volatilité des cours des matières premières à l’échelle mondiale est inquiétante et il est difficile, pour de nombreux agriculteurs, de se projeter dans l’avenir.

Par le passé, on régulait les prix et les volumes produits. Les réformes successives de la PAC nous conduisent à opérer moins d’interventions sur les marchés, alors que les produits agricoles ne sont pas des biens comme les autres. N’oublions jamais qu’il s’agit aussi de notre sécurité alimentaire.

Monsieur le ministre, nous comptons donc sur vous pour sortir la PAC d’une inquiétante dérive libérale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez axé votre question sur la problématique des droits de plantation sur le vin. Depuis mon arrivée au ministère, voilà six mois, cela fait partie des sujets importants de mobilisation du Gouvernement.

Dès le mois de septembre dernier, la France a signé une plate-forme commune avec trois autres grands pays producteurs – l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie –, dans laquelle il était demandé, tout simplement, de revenir sur la suppression des droits de plantation prévue pour 2020. D’après les derniers chiffres, cette plate-forme est aujourd'hui signée par quatorze des quinze pays producteurs ; seule la Tchéquie manque à l’appel.

Cette plate-forme est très claire et porte sur l'ensemble de la problématique : les appellations d'origine contrôlée – AOC –, les indications géographiques protégées – IGP – et les vins de table. En effet, il ne s'agit pas de réguler les AOC ou les IGP et de laisser croire que l’on pourrait faire tout ce que l'on veut sur les vins de table. De ce point de vue, l'expérience du Bordelais a été suffisamment instructive : laisser la production de vin se banaliser, c’est fragiliser toute la production.

L’idée, avancée au moment du bilan de santé de la PAC, selon laquelle l'Europe allait conquérir les marchés des nouveaux pays consommateurs avec des vins d'entrée de gamme et qu'il fallait donc libéraliser les droits de plantation était une erreur stratégique. Si l’on veut conquérir des marchés, il faut le faire dans l'ordre et, en ce qui concerne la viticulture, l'ordre, c'est le maintien de règles pour l'autorisation des plantations. Sinon, on banalise un produit, ce qui peut avoir des conséquences pour l’ensemble de la filière.

Pour ma part, j'ai été surpris, dès que j’ai commencé à discuter de ce sujet, de constater que tous les pays producteurs régissaient de la même manière et étaient tous attachés au retour des droits de plantation.

Maintenant, la balle est dans le camp de la Commission. J'ai pu constater que la position du commissaire européen était en train d’évoluer. Nous devons maintenant nous acheminer vers une proposition tendant à ce que l'Europe revienne sur la décision qui a été prise en 2007 ou 2008 – on peut discuter sur la date exacte – et qui, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, risque de conduire à une libéralisation du marché du vin. Celle-ci aurait des conséquences dramatiques sur cette production qui est tout sauf banale. En effet, le vin est un produit spécifique, ayant un lien trop important avec le terroir et la qualité pour que nous acceptions de le voir se banaliser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, je salue le volontarisme dont vous venez de faire montre concernant la défense de la viticulture. Il sera particulièrement utile lors des négociations à venir, qu’elles concernent les perspectives financières pour 2014-2020 ou la politique agricole commune.

Nous mesurons tous bien le risque de diminution des financements de l'agriculture et, vous l'avez souligné, ce serait une erreur dans une période où les difficultés alimentaires sur le continent comme sur l'ensemble de notre planète sont criantes.

Monsieur le ministre, je conclurai sur une note plus personnelle. Je n’en doute pas que chacun, dans cette enceinte, aura apprécié la qualité de vos réponses, votre maîtrise des dossiers et votre opiniâtreté à soutenir notre agriculture non seulement au sein de nos territoires mais également au sein de l'ensemble du territoire européen, en négociant pied à pied avec nos partenaires.

La détermination qui est manifestement la vôtre est un objet de satisfaction pour l’ensemble de ceux qui siègent dans cet hémicycle, quelle que soit leur étiquette politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du groupe CRC et du RDSE ainsi que sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées aujourd’hui à la politique agricole commune.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier Ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2013.

J’informe le Sénat que la commission des finances m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du Règlement.

8

Financement de la sécurité sociale pour 2013

Suite de la discussion et rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Article 15 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2013
Article 15 bis

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (projet n° 162, rapport n° 164).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 15 bis.

Troisième partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2013
Article 15 ter

Article 15 bis

I. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 241-11 du code de la sécurité sociale est supprimée.

II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2014.

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. La branche accidents du travail et maladies professionnelles, AT-MP, qui gère les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs, présente la spécificité de n’être financée que par des cotisations sociales à la charge des employeurs. Si d’autres ressources concourent au financement de cette branche, leur niveau demeure particulièrement faible. En réalité, le fondement de cette branche est assurantiel, dans la mesure où il existe, pour chaque employeur, un taux de cotisation qui dépend de l’évaluation du risque associé à l’activité exercée par ses salariés.

Il y a, nous le savons, un débat sur le financement de cette branche. En théorie, il doit reposer exclusivement sur les employeurs, mais force est de constater que, en pratique, c’est loin d’être le cas.

Tout d’abord, la tendance à la sous-déclaration conduit à ce que des dépenses de santé imputables à des accidents du travail ou à des maladies professionnelles sont supportées par la branche maladie. Cette branche étant alimentée par des cotisations et patronales et salariales, les salariés participent indirectement à la prise en charge de dépenses qui devraient relever de la branche AT-MP. Il existe certes un mécanisme de compensation, qui permet de transférer des fonds de la branche AT-MP à la branche maladie, mais nous savons tous, à gauche, que le montant de cette compensation, fixé à 750 millions d’euros, est loin de la réalité, le coût de la sous-déclaration pour la branche maladie étant plus proche du milliard, selon le rapport Diricq.

Si l’article 15 bis était maintenu, c’en serait fini de l’application du principe de sinistralité aux associations intermédiaires, comme si celles-ci n’étaient pas responsables du maintien du niveau de santé des salariés dont elles ont théoriquement la responsabilité.

Au-delà de cette situation inacceptable pour les salariés des associations intermédiaires, le Gouvernement tranche incidemment le débat sur le devenir de la dette sociale de la branche AT-MP. La perte de recettes engendrée par l’exonération de cotisations prévue par l’article 15 bis serait supportée en partie par les salariés puisqu’elle devrait être compensée par des recettes fiscales, c’est-à-dire par de l’impôt prélevé sur les ménages. La voie serait ainsi ouverte au transfert, demain, du déficit de la branche AT-MP à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, transfert en échange duquel la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, et la contribution sociale généralisée, la CSG, pourraient être augmentées. Au final, la dette accumulée, qui résulte d’un sous-financement patronal, serait supportée par les victimes elles-mêmes.

Cela ne nous paraît pas raisonnable, d’autant que les victimes ne bénéficient pas de la compensation intégrale et sont, depuis quelques années, soumises à la fiscalisation des indemnités qu’elles perçoivent. Elles le resteront d'ailleurs à l’avenir puisque l’amendement que nous avions déposé sur le projet de loi de finances pour 2013 afin de supprimer cette fiscalisation n’a malheureusement pas été adopté.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 15 bis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l’exonération de cotisations AT-MP pour une partie des personnes employées par les associations intermédiaires. En première lecture, nous avions considéré que l’impact financier limité de cette mesure et la nécessité de faciliter l’action des associations intermédiaires pouvaient justifier cette dérogation. Par souci de cohérence, nous maintenons notre avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur Watrin, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, qui vise à supprimer une mesure permettant de fixer le taux de cotisations AT-MP des associations intermédiaires en fonction de leur sinistralité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Lors de la première lecture, Mme Isabelle Pasquet et moi-même étions intervenus pour attirer l’attention sur cette disposition introduite par l’Assemblée nationale du fait de l’adoption d’un amendement présenté par M. Laurent Grandguillaume.

Les associations intermédiaires, qui recrutent des personnes sans emploi, en difficulté sociale particulière, sont exonérées de charges sociales, à l’exception, jusqu’à présent, des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles.

En tant que rapporteur de la branche AT-MP, j’avais fait part de mon inquiétude devant cette mesure d’exonération, considérant que la branche doit équilibrer ses comptes grâce aux seules cotisations des employeurs, s’agissant d’une branche assurantielle.

Aujourd’hui, la branche souffre d’un endettement cumulé de 1,7 milliard d’euros et l’ACOSS emprunte tous les ans 2,2 milliards d’euros pour assurer le fonds de roulement et l’amortissement de la dette. C’est ce qui a conduit, cette année, le Gouvernement à décider, en accord avec les partenaires sociaux, d’augmenter les cotisations AT-MP de 0,05 point.

Sur le principe, je ne vois pas pourquoi il faudrait exonérer quelque employeur que ce soit de cotisation au profit de la branche AT-MP. À cet égard, je rappelle que le Gouvernement, selon moi à juste titre, a exonéré les emplois d’avenir des charges sociales, à l’exception des cotisations AT-MP. En effet, il est évident que la sinistralité et les risques professionnels sont liés non pas au statut de l’employeur, mais bien à l’emploi occupé.

Cela étant, la discussion porte sur une somme de 2 millions d’euros, qui serait compensée par une ressource fiscale. Je comprends la volonté de « rendre service » aux associations intermédiaires. Cependant, à titre personnel et en tant que rapporteur de la branche AT-MP, je voterai la suppression de l’article, afin de ne pas ouvrir la boîte de Pandore, car, si cette disposition est finalement adoptée, d’autres employeurs ne manqueront pas, ensuite, de demander à bénéficier de la même exonération.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis.

(L'article 15 bis est adopté.)

Article 15 bis
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Article 16

Article 15 ter

À la fin du III de l’article 20 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, l’année : « 2012 » est remplacée par l’année : « 2014 ». – (Adopté.)

Article 15 ter
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Article 17

Article 16

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Après le 1° de l’article L. 14-10-4, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Une contribution au taux de 0,3 % due sur les avantages de retraite et d’invalidité ainsi que sur les allocations de préretraite qui ne sont pas assujetties à la contribution mentionnée au 2° et sont perçues par les personnes dont la cotisation d’impôt sur le revenu de l’année précédente est supérieure ou égale au montant mentionné au 1 bis de l’article 1657 du code général des impôts. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, garanties et sanctions mentionnées pour les mêmes revenus au III de l’article L. 136-5 du code de la sécurité sociale.

« Sont exonérées de la contribution mentionnée au premier alinéa du présent 1° bis les pensions mentionnées au a du 4° et aux 12°, 14° et 14° bis de l’article 81 du code général des impôts et les personnes titulaires d’un avantage de vieillesse ou d’invalidité non contributif attribué par le service mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 815-7 du code de la sécurité sociale ou par un régime de base de sécurité sociale sous les conditions de ressources mentionnées à l’article L. 815-9 du même code. » ;

2° L’article L. 14-10-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;

b) Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :

« V bis. – Une section consacrée à la mise en réserve du produit de la contribution mentionnée au 1° bis de l’article L. 14-10-4. Les ressources de cette section sont destinées au financement des mesures qui seront prises pour améliorer la prise en charge des personnes âgées privées d’autonomie. » ;

c) Au VI, les références : « 1° à 4° » sont remplacées par les références : « 1°, 2°, 3° et 4° » et, après le mot : « précédentes », sont insérés les mots : « , à l’exception de la section V bis, ».



bis. – Le I s’applique aux pensions et allocations servies à compter du 1er avril 2013.



II. – Pour l’année 2013, par dérogation au V bis de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles :



1° Le produit de la contribution instituée au I du présent article est affecté pour une part de 95 % à la section mentionnée au II de l’article L. 14-10-5 du même code et pour une part de 5 % à la section mentionnée au IV du même article ;



2° Au 2° du IV de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, les taux : « 0,85 % » et « 0,83 % » sont, respectivement, remplacés par les taux : « 0,886 % » et « 0,866 % » et, à la fin du 3° du même IV, le taux : « 0,1 % » est remplacé par le taux : « 0,064 % ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je demande l’examen par priorité de l’amendement n° 2, présenté par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. La priorité est donc de droit.

Mes chers collègues, je vais donc d’abord appeler l’amendement n° 2.

Je demanderai ensuite aux auteurs des deux autres amendements déposés à l’article 16, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 2, de les présenter.

L’amendement n° 2, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 12

Remplacer les mots :

instituée au I du présent article

par les mots :

mentionnée au 1° bis de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles

II. - Alinéa 13

Remplacer le taux :

0,886 %

par le taux :

0,879 %

le taux :

0,866 %

par le taux :

0,859 %

et le taux :

0,064 %

par le taux :

0,071 %

La parole est à M. le rapporteur général.