compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Marc Daunis,

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

J’informe le Sénat que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du Règlement.

3

Article additionnel après l'article 30 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Première partie

Loi de finances pour 2013

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Participation de la France au budget de l'Union européenne

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 147, rapport n° 148).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

II. – RESSOURCES AFFECTÉES (suite)

D. – Autres dispositions

participation de la france au budget de l’union européenne

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Article 44 (début)

M. le président. Le Sénat va examiner l’article 44 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.

La parole est à M. Marc Massion, rapporteur spécial.

M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, Jean Arthuis et moi-même rapportons devant le Sénat la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances, contribution qui prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État. Cette année présente cependant une particularité : au terme du rapport, nous ne parvenons pas, Jean Arthuis et moi, à la même conclusion.

L’article 44 du projet de loi de finances pour 2013 évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 19,6 milliards d’euros, soit une augmentation assez marquée par rapport au montant voté pour 2012 : la hausse est en effet de 720 millions d’euros, soit 3,8 %. L’année dernière, déjà, la hausse était de 646 millions d’euros, soit 3,5 %.

Je commencerai mon exposé en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l’année 2013, qui a échoué récemment à la suite de l’incapacité du comité de conciliation à trouver un compromis.

L’échec de cette réunion, le vendredi 9 novembre, reflète les tensions importantes qui existent entre les États membres, y compris au sujet du budget modificatif pour 2012. La rallonge de 9 milliards d’euros demandée par la Commission européenne au titre de 2012 pose problème. Or il n’y aura pas de vote sur 2013 tant qu’il n’y aura pas d’accord sur le budget 2012 en cours d’exécution.

Malgré l’échec des négociations, je vais tout de même vous rappeler, mes chers collègues, le contenu de la négociation budgétaire communautaire pour 2013, qui s’est déroulée tout au long de l’année 2012.

Ainsi, et comme à l’accoutumée, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 25 avril dernier. La Commission a proposé une augmentation de 2 % des crédits d’engagement par rapport à 2012, soit 150,9 milliards d’euros. Les hausses concernent surtout la rubrique 1a « compétitivité ». Les crédits de paiement affichent quant à eux une hausse de 6,8 % pour atteindre 137,9 milliards d’euros.

Le projet de budget adopté par le Conseil en juillet 2012 se veut plus rigoureux, ce qui est habituel. Cependant, pour la deuxième année consécutive, cette pratique prend un sens encore plus significatif dans le contexte des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques nationales et de stratégies de retour à l’équilibre budgétaire.

Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en crédits d’engagement, avec une baisse de 1,2 milliard d’euros, ce qui conduirait tout de même à une augmentation de 2,8 % par rapport à 2012, et, surtout, en crédits de paiement, qui sont diminués de 5,2 milliards d’euros, ramenant la hausse pour 2013 à 2,8 % par rapport à 2012.

Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux États membres, dont la France, d’une discipline budgétaire renforcée. Le Conseil européen de juillet dernier a en effet été l’occasion pour huit États membres, dont la France, de rendre publique une déclaration demandant l’absence de toute hausse supplémentaire dans le budget 2013.

Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2012, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais très proche des propositions initiales de la Commission. Il propose ainsi, pour 2013, une hausse de 2,2 % des crédits d’engagement et de 6,8 % des crédits de paiement.

Il va sans dire que la proposition d’augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rend plus difficiles encore les négociations entre les deux branches de l’autorité budgétaire.

La phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne n’ayant pas pu aboutir, la Commission a établi un nouveau projet de budget le 26 novembre, quasi-identique à celui qu’elle avait formulé en avril dernier.

Un trilogue rassemblant la Commission, le Conseil et le Parlement doit se tenir aujourd’hui même, mercredi 28 novembre, pour examiner ce projet.

Une telle procédure avait également été nécessaire pour le budget 2011 puisque le comité de conciliation n’était pas parvenu à obtenir un accord. En cas de conflit persistant conduisant à l’absence de budget voté d’ici à la fin décembre – et c’est un scénario que l’on ne peut exclure à l’heure actuelle –, les premiers mois de l’exercice budgétaire seront assurés par le système des douzièmes provisoires.

Les difficultés rencontrées dans ces négociations sur le budget 2013 sont aggravées par les désaccords sur le budget rectificatif 2012 mais aussi par les négociations qui se poursuivent depuis plus d’un an sur la future programmation 2014-2020. C’est à ce sujet que les tensions entre les États membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes et que des compromis devront rapidement être trouvés. À défaut, une grave crise politique pourrait paralyser l’Union européenne.

Je m’inquiète à cet égard de l’absence de résultats de la réunion du Conseil européen des 22 et 23 novembre 2012. L’Allemagne a estimé que la discussion pourrait être relancée au début de l’année 2013. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous dire à quelles conditions la France peut-elle reprendre l’initiative ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, je déplore que les crédits du programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, reconduits mais en diminution en 2012 et en 2013, ne disposent pas de base juridique dans la future programmation 2014-2020. Je souhaite ici relayer la préoccupation de nombreux élus et d’associations : l’enveloppe allouée au titre du PEAD doit être conservée.

Avant d’en arriver à ma conclusion, je voudrais formuler quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l’objet de notre débat aujourd’hui ainsi que sur l’évolution de notre solde net.

Le projet de loi de finances pour 2013 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne à 19,6 milliards d’euros, soit une hausse de 3,8 % en un an. Je souligne que ce montant a été multiplié par cinq en vingt ans.

Nous savons d’expérience que, au terme de l’exécution 2013, des ouvertures nouvelles en crédits de paiement seront intervenues et que, entre le montant du prélèvement affiché dans le projet de loi de finances et le montant réel final, il y aura des écarts, favorables ou défavorables au demeurant.

J’appelle en effet votre attention sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l’exécution du prélèvement : en 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait ainsi été surestimé de plus de 1,5 milliard d’euros ; en 2008, est apparue une sous-estimation de 300 millions d’euros ; pour 2009, la sous-estimation a été nettement plus importante, s’élevant à plus de un milliard d’euros : 20 milliards d’euros en exécution alors que le vote du Parlement portait sur 18,9 milliards ; en 2010, le prélèvement a été à l’inverse surestimé de 556 millions d’euros ; en 2011, l’exécution a été plus conforme aux prévisions, avec une légère surestimation de l’ordre de 5 millions d’euros.

En 2012, la sous-estimation du prélèvement devrait être assez élevée. L’annexe jaune « Relations financières avec l’Union européenne » au PLF 2013 contient une estimation à 170 millions d’euros, mais Jean Arthuis et moi-même avons appris du directeur du budget de la Commission européenne, lors d’un récent déplacement à Bruxelles, que le budget rectificatif pour 2012 devait demander l’ouverture de près de 9 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires.

Ce montant a effectivement été demandé, monsieur le ministre, et cela rend plus complexe encore le débat en cours sur le budget 2013. Une telle hausse sur l’exercice 2012 pourrait conduire pour la France à un écart en exécution de 1,5 milliard d’euros par rapport à la prévision votée en loi de finances pour 2012 !

Monsieur le ministre, quel serait l’impact précis de ce projet de budget rectificatif pour 2012, s’il est voté conformément à ce que propose la Commission européenne ?

Mes chers collègues, je vous ai rappelé ces données sur les exécutions constatées pour vous dire que l’estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable. Je fais part de cette exigence au Gouvernement et je compte sur lui pour faire valoir cette demande auprès de la Commission européenne et pour la traduire dans les documents transmis au Parlement.

L’annexe jaune « Relations financières avec l’Union européenne » au projet de loi de finances doit être plus complète, plus fidèle à la réalité et plus rigoureuse. Il n’est pas de bonne prévision et de bonne gestion qu’un besoin de couverture en paiement de près de 9 milliards d’euros de crédits de paiement soit révélé en fin d’exercice !

J’en viens à quelques remarques sur l’évolution de notre solde net.

La France devrait demeurer en 2013 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l’Allemagne et devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne, la part de sa contribution représentant 16,7 % du total des ressources de l’Union européenne, part qui semble se stabiliser enfin.

La France reste le premier pays bénéficiaire en recevant un peu moins de 12 % des dépenses de l’Union européenne, mais cette situation qui se dégrade est très fragile puisqu’elle ne résulte que du poids de la politique agricole commune. En effet, 75 % des crédits européens consommés en France sont des dépenses agricoles. Si l’on rapporte notre contribution aux dépenses, l’évolution de la situation est préoccupante.

Notre solde net se dégrade et a été multiplié par seize en dix ans. Il dépasse ainsi la barre des 6 milliards d’euros par an, faisant de notre pays le vingtième bénéficiaire des dépenses de l’Union européenne en retours par habitant !

En conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je vous recommande, mes chers collègues, au nom de la majorité de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Le refus de notre contribution serait un manquement à la parole de la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur spécial.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Marc Massion, qui a rappelé les aléas qui affectent le budget 2013 de l’Union européenne. Je précise que je partage la plupart des observations qu’il a formulées. J’y apporterai cependant quelques nuances, et je n’en arriverai pas à la même conclusion que lui. Je veux tenter, mes chers collègues, de vous en donner les raisons afin que, peut-être, je puisse emporter la conviction de certains d’entre vous.

Je ferai d’abord une remarque sur la structure du budget communautaire. Il s’agit pour caricaturer, et comme nous l’a indiqué à Bruxelles, voilà environ un mois, le président de la commission des budgets du Parlement européen, Alain Lamassoure, de la même structure d’ensemble depuis trente ans, en recettes comme en dépenses.

Et le pire est que l’on compte continuer cette partie de poker pour la programmation 2014-2020, avec la reconduction, en gros, de la politique agricole commune, des fonds structurels, des rabais et des corrections, chaque État membre défendant ses positions habituelles en fonction de ses intérêts financiers bien compris… Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Au moment où la dépense publique doit plus que jamais répondre de son efficacité, une telle inertie est folie. Mes chers collègues, le budget européen est devenu une cagnotte, mais distribuer de l’argent ne suffit pas à faire une politique.

Se rend-on bien compte que les subventions versées au titre de la PAC tendent à transformer certains de nos agriculteurs en « rentiers de la terre » et vont à l’encontre d’une politique cohérente entre les différentes filières de nos productions agricoles ?

Nous allons importer 40 % de la volaille consommée en France, 35 % de la viande porcine et 20 % de la viande bovine. Qu’est-ce à dire sinon que l’élevage connaît une diminution de sa production et qu’on va le délocaliser, comme le seront aussi, par voie de conséquence, les activités agroalimentaires, avec les emplois qui s’y attachent ! Ce processus est engagé. Est-ce le résultat que nous attendons de la PAC ? La flambée du prix des céréales et les conditions dans lesquelles sont attribuées les subventions conduisent à cet état de fait, manifestement contraire à nos objectifs de cohésion sociale et de développement économique.

Se rend-on bien compte que les fonds structurels sont des « activateurs de dépense publique » en raison de leur fonctionnement par cofinancement des États membres ? La politique de cohésion a contribué au surendettement de nombreux États membres, dont la Grèce et l’Espagne !

Se rend-on bien compte que le système actuel des ressources propres n’est pas que complexe ? Il est opaque et injuste, avec le rabais britannique, les rabais sur ce rabais, les corrections sur la ressource propre TVA et, enfin, les chèques forfaitaires annuels.

Le chèque britannique avait peut-être, à un moment donné, une justification par rapport à la PAC. Mais est-on conscient de ce que capte la Grande-Bretagne du fait de ses activités financières à la City ? Qu’est-ce qui justifie le maintien d’un tel chèque ?

Ce système est, convenons-en, anti-communautaire ! Il perpétue des logiques nationales, au détriment de toute intégration politique.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Telles sont les remarques que je tenais à formuler au sujet de la structure du budget communautaire.

Permettez-moi maintenant d’évoquer la programmation budgétaire pour la période 2014-2020.

Je rappelle que cette question est encore en débat puisque le Conseil européen des 22 et 23 novembre dernier n’a pas permis d’aboutir à un accord. Je note d’ailleurs que ce dernier était annoncé comme décisif parce qu’il avait précisément pour objectif d’en finir avec les négociations, en vue de parvenir – enfin ! – à un compromis.

J’indique que les propositions de la Commission européenne sont, selon moi, inacceptables ; Marc Massion et moi-même en étions d’ailleurs déjà convenus voilà un an : alors que les propositions de la Commission étaient alors de 972 milliards d’euros de crédits de paiement sur sept ans, elles ont été portées, après avoir été actualisées le 6 juillet dernier pour tenir compte, essentiellement, de l’adhésion à venir de la Croatie à l’Union européenne, à 988 milliards d’euros au titre des crédits de paiement et à 1 025 milliards d’euros au titre des crédits d’engagement.

Ces propositions ne sont pas sincères.

En usant d’un premier artifice dans sa présentation, la Commission européenne minore les crédits qui seront mobilisés : elle communique en effet en euros constants, alors que seule une présentation en euros courants permettrait d’apprécier l’impact réel des propositions sur les contributions nationales. Ainsi, la réalité de l’augmentation de la dépense qui, chaque année, devra être réévaluée de l’inflation est volontairement masquée.

J’observe que tous les États membres calculent leurs contributions en euros courants et qu’ils font de même avec leurs programmations pluriannuelles quand ils en élaborent.

J’ajoute que, par un second artifice, la Commission européenne dissimule les tensions importantes que sa programmation exercera sur les finances des États membres : elle multiplie ainsi les débudgétisations incompréhensibles qui dégonflent artificiellement son projet.

Non seulement sont maintenus hors budget général de l’Union européenne et hors cadre financier pluriannuel le Fonds européen de développement, le FED, avec 30 milliards d’euros prévus pour la période 2014-2020, ainsi que les mécanismes de stabilisation financière, mais, surtout, passeraient hors budget des politiques pourtant communautaires financées sous plafond dans le cadre actuel, comme le projet ITER ou le programme GMES.

En euros courants, si l’on considère le périmètre classique de financement de l’Union européenne, auquel on ajouterait le FED et d’autres politiques débudgétisées, le total de la dépense serait de 1 191 milliards d’euros au titre des crédits de paiement et de 1 231 milliards d’euros au titre des crédits d’engagement, soit environ 200 milliards d’euros de plus que le projet initial de la Commission européenne.

À cet égard, mes chers collègues, je vous invite à regarder le graphique éloquent qui figure dans le rapport de la commission des finances.

Bref, par des artifices de présentation et par des débudgétisations inacceptables, la Commission européenne formule un projet de programmation pour 2014-2020 qui constitue une entorse au principe de sincérité budgétaire.

En outre, le niveau de dépenses proposé est tout simplement insoutenable, et il contredit notre stratégie de retour à l’équilibre.

Or, contrairement à ce que laisse penser le travail de la Commission européenne, l’Europe ne peut pas se placer en dehors des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques – monsieur le ministre, ce n’est pas vous qui me démentirez… Elle doit plus que jamais dépenser mieux. À cet égard, je recommande un renforcement de la mise en œuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l’Union européenne.

Pour finir de vous convaincre, mes chers collègues, j’élargirai mon propos en parlant de la gouvernance de la zone euro.

Dire que « le pire est passé », comme l’a affirmé il y a quelques semaines le Président de la République, François Hollande, relève de l’erreur d’appréciation ou, pis, d’une sorte de malhonnêteté.

M. Jean-Michel Baylet. C’est excessif, monsieur Arthuis !

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Quoi qu’il en soit, c’est crier victoire un peu trop vite !

Le mécanisme européen de stabilité n’est pas un dispositif suffisant ; il appelle une gouvernance appropriée. Marc Massion l’a rappelé, l’union bancaire est un progrès prometteur. Mais, au moment où la Banque centrale européenne commence à se comporter en banque fédérale, elle attend son interlocuteur politique !

Le 6 mars dernier, j’ai remis un rapport au Premier ministre, dans lequel j’ai formulé quelques propositions, notamment la création d’un poste de ministre de l’économie et des finances, qui puisse prendre appui sur un véritable Trésor public européen, ainsi que la mise en place d’une capacité budgétaire de la zone euro. Nous ne pourrons pas éluder indéfiniment ces questions.

En matière de contrôle prudentiel, il serait bon, monsieur le ministre, d’aller voir ce qui se passe du côté de Chypre. Peut-être aurons-nous quelques surprises : ce pays a demandé, au mois de juin dernier, une assistance financière. Soyons donc attentifs à ce qui nous attend.

Pour le moment, on s’en tient à une sorte de window dressing, à de l’habillage de dispositions déjà adoptées, à l’image du plan de 120 milliards d’euros du Pacte pour la croissance et l’emploi annoncé par le Conseil européen le 29 juin 2012.

En la matière, ma position est divergente de celle de Marc Massion : tout cela est très bien sur le plan rhétorique, mais, sur le fond, rien, strictement rien, n’a changé, monsieur le ministre !

L’euro a été jusqu'à aujourd’hui un anesthésiant, mais une monnaie ne suffit pas à faire un projet politique ! Jusqu’à quand allons-nous continuer à entretenir une illusion d’Europe ?

Nous vivons sous sédatif, et si nous renonçons à reprendre sérieusement en main le projet politique européen, le réveil risque fort d’être très douloureux !

Il y a un an, lors du même débat, je vous avais fait part, mes chers collègues, de mon incompréhension à l’égard de la Commission européenne et du Conseil, qui ont laissé filer la Grèce dans une politique de trucage et de maquillage de ses comptes, transformant ainsi le pacte de stabilité et de croissance en un pacte de tricheurs et de menteurs.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Nous n’avons pas encore apporté de réponses politiques à ces errements ! Il y avait pourtant urgence ! Eh bien l’urgence est toujours là : le projet politique européen a besoin d’hommes pour le porter.

Pour conclure mon intervention, je plaiderai en faveur du rôle des parlements nationaux.

Dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sur les recettes de l’État. Nous ne débattons pas, mes chers collègues, du niveau de ce prélèvement, pas plus que de l’usage qui en sera fait au travers des dépenses de l’Union européenne. Convenons-en, une telle situation n’est pas satisfaisante.

Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont 85 % des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l’impôt, essentiel dans une démocratie.

Une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux paraît donc nécessaire. Nous devons, mes chers collègues, prendre toute notre place dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire et dans la coordination des finances publiques des États membres.

Je propose, par exemple, que nous soyons appelés à voter dans le cadre de la loi de finances initiale non seulement notre contribution au budget communautaire, mais aussi la totalité de nos engagements à l’égard de la zone euro, à l’instar de notre contribution au mécanisme européen de stabilité, directement par apports en capital ou par « engagements hors bilan », soit respectivement 16,3 milliards d’euros et 126,4 milliards d’euros pour la France, pour un total de 142,7 milliards d’ici à 2016, ce qui représente 20 % du total des contributions.

Lorsque survient un sinistre au sein de la zone euro, lorsqu’un État membre est en difficulté, c’est non pas le budget de l’Union européenne qui participe, mais les États membres qui inscrivent, dans leur loi de finances, leurs contributions respectives. Ce niveau de solidarité est sans commune mesure avec ce qui existe entre les membres de l’Union européenne. C’est pourquoi il nous faut une véritable gouvernance économique, financière et budgétaire de la zone euro.

Je suggère aussi que les parlementaires nationaux de la zone euro soient représentés : ce serait l’amorce d’une seconde chambre dans l’Union européenne, qui aurait pour mission de surveiller et de contrôler la gouvernance de la zone euro.

Il vient un moment où il faut savoir dire « non » ! Mes chers collègues, ce moment est venu ! Aussi, je vous invite à rejeter l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013.

Au moment où l’Union européenne reçoit le prix Nobel de la paix, elle devient le maillon faible de la croissance mondiale. Son budget et sa gouvernance doivent lui permettre d’assurer un rôle stratégique dans la guerre économique, afin de nous aider ainsi à sortir de la crise.

Je voterai contre cette contribution, tout en sachant que cela ne changera rien : l’exercice auquel nous sommes conviés est parfaitement formel ! Toutefois, nous devons exprimer au moins nos ressentiments, nos attentes et notre impatience. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Pierre Bernard-Reymond applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’articulerai mon propos autour de trois sujets : la place de notre pays dans l’Union européenne, la dégradation de notre solde net budgétaire, c'est-à-dire la différence entre notre contribution budgétaire et les versements de l’Union européenne, et l’avenir de la politique agricole commune.

Pour ce qui concerne la place de la France dans l’Union européenne, je ne vous le cacherai pas, monsieur le ministre, je suis extrêmement inquiet : le spectacle offert par le dernier Conseil européen des 22 et 23 novembre dernier montre une certaine marginalisation de notre pays.

En effet, j’ai le sentiment que le couple franco-allemand se délite…

M. Jean Bizet. Eh oui !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et que la France s’affiche de plus en plus comme l’État qui prendrait la tête d’un groupe des États du Sud, soit la tête de ceux qui « décrochent » …

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Eh oui !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … ou qui risquent d’être en situation de décrochage.

Enfin, j’observe que nous nous opposons frontalement à la Grande-Bretagne, notamment dans le débat sur la politique budgétaire européenne ; nous n’avons aucun souci de dialoguer avec elle, alors que nous aurions sans doute des intérêts communs à défendre, au moins sur certains sujets.

En somme, mes chers collègues, je tiens à dire à cette tribune mon sentiment que la voix de la France s’affaiblit.

De surcroît, ce phénomène se produit à un moment où notre contribution au budget de l’Union européenne ne cesse de s’alourdir. Je suis d’ailleurs un peu surpris que l’on ne commente pas beaucoup les chiffres en la matière.

En effet, notre solde net, c’est-à-dire notre contribution nette au budget de l’Union européenne, qui représentait moins de 400 millions d’euros en 1999, s’est élevé à 6,4 milliards d’euros en 2011, ce qui correspond à une multiplication par seize en dix ans.

Alors que la situation se dégrade année après année, est-ce un tabou dans la classe politique française, à gauche ou à droite ?